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Perspectives pastorales n. 13 François-Xavier Amherdt et Roland Lacroix (éds.) Équipe européenne de catéchèse (EEC) la famille entre éducation et proposition de la foi Actes du Congrès de l’EEC tenu à madrid du 31 mai au 5 juin 2017 Chapitre 10 La tâche missionnaire de la famille dans l'initiation chrétienne des enfants. Un modèle (italien) Luciano Meddi Luciano Meddi est prêtre du diocèse de Rome, professeur ordinaire de catéchèse missionnaire à la Faculté de missiologie de l’Université pontificale Urbaniana et professeur invité à l’Institut de catéchèse de l’Université pontificale salésienne. Il a été président de l’Association italienne des catéchistes (1998-2005) et est membre de l’Équipe Européenne de Catéchèse (http://www.lucianomeddi.eu/). 1. Comprendre la crise de l'initiation chrétienne avec les enfants Traduction de l’italien par l’auteur et François-Xavier Amherdt. En Italie aussi, comme dans les pays de tradition chrétienne et de « culture occidentale », différents phénomènes sociaux ont modifié les processus d’initiation et de socialisation M. Diana, «Le nuove iniziazioni sociali», dans Coll., Iniziazione cristiana per i nativi digitali. Orientamenti socio-pedagogici e catechistici, Milano, Paoline, 2012, p. 39-61. Cf. «Crisi delle strutture di iniziazione», dans Concilium 15 (2/1979).. Ils ne se développent plus par mode intergénérationnel, mais au niveau du groupe des pairs, dans lequel la transmission des valeurs marginalise la famille et souvent n’advient pas ou advient de manière différente. La transmission des valeurs est marquée par la nouvelle condition anthropologique de subjectivité, de liberté et d'apprentissage par expérimentation, une modalité qui relativise le modèle traditionnel, centré sur l'autorité de celui qui transmet, et accentue la sélection et l'acquisition horizontale de ces valeurs L. Meddi, «Apprendere nella Chiesa oggi: verso nuove scelte di qualità», dans Associazione Italiana dei Catecheti (AICa) – P. Zuppa (dir.), Apprendere nella comunità cristiana. Come dare «ecclesialità» alla catechesi oggi?, Torino, Elledici, 2012, p. 95-131.. Il semble en particulier que l’Église a de la peine à insérer dans sa propre tradition pédagogique certaines caractéristiques culturelles actuelles. Nous sommes marqués par la culture de la «liberté»; nous sommes les enfants de la culture de la liberté. Même si elle comporte aussi le fait de commettre des erreurs, la vie se choisit. Au contraire, nous maintenons et défendons une initiation chrétienne des enfants (ICE) qui se base sur l’idée qu’éduquer signifie «faire entrer dans» et non «extraire de». Nous sommes marqués par la globalité du «sujet-personne». Or les prêtres et catéchistes ne considèrent leur rôle que pour le «temps de la catéchèse»; mais sans prendre en compte la totalité de l’existence des enfants, il sera difficile que la proposition chrétienne puisse être considérée par ces derniers comme une valeur et un objet de choix. Nous sommes marqués par de nouveaux systèmes de socialisation. La socialisation a déplacé son épicentre des éléments «forts» (famille, école, paroisse) vers les éléments «faibles» (les moyens de communication, les groupes de pairs, les «non-lieux», c’est-à-dire qui «ne transmettent pas les valeurs» contrôlées par les adultes). La transmission ne se réalise plus de façon prioritaire par voie orale, conceptuelle ou par le seul témoignage. Elle est surtout véhiculée par les multimédias qui ont fait de la communication un acte «complexe» (en réseau). Tout ceci constitue un défi au modèle traditionnel de socialisation et d'initiation religieuse que l'Église a expérimenté depuis longtemps. En particulier, il s’agit d’un défi lancé à l’organisation traditionnelle des temps et des moments adéquats pour le déploiement d’une action pédagogique adaptée. Dans les propositions actuelles, les moments de la catéchèse catéchuménale sont encore rythmés par l’acte de compréhension intellectuelle. Ils se basent encore sur la question: «Combien de temps faut-il pour apprendre l’alphabet de la foi chrétienne?» Ils ne sont pas modulés par l’interrogation: «Combien de temps faut-il pour rendre intéressante et désirable, pour permettre d’expérimenter et de rendre apte à vivre l’existence chrétienne?» Toutefois «défier» ne veut pas nécessairement dire empêcher ou annuler, mais plutôt provoquer à l’innovation dans la continuité. Dans ce cas, cela signifie demeurer dans la démarche initiatique qui prolonge l’offre formative en réinterprétant les sacrements dans une perspective plus missionnaire que liturgique. D'autre part, Jean-Paul II nous a enseigné à suivre les routes de l'homme pour développer la mission propre de l'Église Redemptor hominis, 1979, n. 14 ; Centesimus annus, 1991, chap. 6: «L’homme est route de l’Église».. 2. Les perspectives initiatiques en Italie Mon expérience et ma réflexion «Generare credenti. La complessa realtà pastorale dell'iniziazione cristiana», dans Insieme Catechisti, 1991, II-XIV; «Il rinnovamento dell’iniziazione cristiana dei ragazzi: i punti discussi», dans Orientamenti Pastorali 53, 5-6/2005, p. 92-123; Il catecumenato crismale. Risorsa per la pastorale degli adolescenti, Torino, Elledici, 2014; Il cammino di fede. Riorganizzare la catechesi parrocchiale, Torino, Elledici, 2016. En particulier L. Meddi – A.M. D’Angelo, I nostri ragazzi e la fede. L'iniziazione cristiana in prospettiva educativa, Assisi, Cittadella editrice, 2010. se réfèrent évidemment à l'Italie. Il faut tout de suite souligner que la situation italienne est plurielle. Dans les Églises diocésaines du nord de l’Italie prévaut une certaine diminution de la demande sacramentelle pour les enfants, tandis que dans le centre-sud italien la demande est encore soutenue du fait d’un consensus social, que soit pour l’initiation chrétienne ou pour les autres sacrements. Souvent la demande du sacrement de la confirmation est faite à un jeune âge, en nombre suffisamment significatif pour devenir une claire exigence pastorale. Cela confirme donc clairement la triple situation initiatique prévue par l’Ordo initiationis christianae adultorum (OICA) (1972). C’est cette pluralité de situations qui a poussé les évêques à prendre sagement en compte une double orientation pastorale Consiglio Episcopale permanente della CEI, L’iniziazione cristiana – 2. Orientamenti per l’iniziazione cristiana dei fanciulli e dei ragazzi dal 7 ai 14 anni (23 maggio 1999), n. 52-57; Conferenza Episcopale Italiana, Incontriamo Gesù. Orientamenti per l’annuncio e la catechesi in Italia (29 giugno 2014), n. 61; cf. M. Semeraro, Ti trasformerai in Me. Lettera pastorale ai sacerdoti e ai catechisti della Chiesa di Albano a cento anni dal decreto Quam Singulari di San Pio X, Marino, Renzo Palozzi, 2010.. Dans l’Église italienne, le renouvellement de l'initiation chrétienne pour les enfants a été perturbé par quelques ambiguïtés L. Meddi, «Impoverimento della catechesi missionaria in Italia? Una interpretazione», dans C. Cacciato (dir.) – Associazione Italiana dei Catecheti, Catechetica in ascolto, Torino, Elledici, 2016, p. 54-85.. Premièrement, par la confusion entre initiation chrétienne (tâche) et modèle catéchuménal (méthode). La tâche d'initier, en fait, ne s'identifie pas avec le modèle catéchuménal. Deuxièmement, par la confusion entre catéchuménat des adultes et des enfants. On ne peut pas en effet assimiler un modèle qui présuppose la libre décision d'un adulte avec un modèle qui a comme but de faire naître la décision vers l'Évangile. Troisièmement, par le peu d'attention aux processus culturels et spirituels de la personne qui est encore pensée comme destinataire et non comme sujet guidé par l'Esprit de Dieu. Par conséquent durant ces années, un court-circuit s’est instauré entre désir initiatique et modèles pastoraux et pédagogiques C’est aussi dans cette ambiguïté qu’est tombée, involontairement, la Seconda nota de la Conférence épiscopale italienne, dédiée aux enfants et aux jeunes (Consiglio Episcopale permanente della CEI, L’iniziazione cristiana – 2. Orientamenti per l’iniziazione cristiana dei fanciulli e dei ragazzi dal 7 ai 14 anni) et le Guida per l’itinerario catecumenale dei ragazzi qui l’a suivi (Servizio Nazionale per il catecumenato, Guida per l’itinerario catecumenale dei ragazzi, Torino, Elledici, 2001). Pour une évaluation des itinéraires proposés, voir: C. Cacciato Insilla, L’iniziazione cristiana in Italia dal concilio Vaticano II ad oggi, Roma, Las, 2009; C. Sciuto, «Il punto sul rinnovamento dell’iniziazione cristiana», dans La Vita in Cristo e nella Chiesa, 1/2010, p. 45-48.. La limite de ce projet a été de confondre l'organisation extérieure de l'itinéraire catéchuménal (cf. OICA 1972 ; DGC 1997) avec sa nature intérieure. Il est en effet très important de repenser l’ICE dans une perspective catéchuménale. Mais sa simplification a mis dans l’ombre la question éducative profonde et a utilisé «de manière adulte» le modèle catéchuménal, sans le repenser dans un contexte d'âge de prime jeunesse. L'itinéraire catéchétique, par conséquent, a été obligé d’abandonner sa réflexion pédagogique ou son approche de la subjectivité. En dernière analyse, il y a confusion entre finalité initiatique et modèles pédagogiques parmi lesquels le modèle catéchuménal. En somme, les propositions actuelles «améliorent» presque toujours le modèle précédent, mais ne réussissent pas à entrer en interaction avec la culture des nouvelles générations. 3. L’initiation comme processus d'inculturation Pour ce qui concerne particulièrement l’IC des enfants Je préfère cette formulation qui permet de montrer la continuité mais aussi la différence du modèle catéchuménal introduit par l’OICA 1972 et adopté par le DGC 1997, chap. I, 2, n. 61-76. , dans notre contexte, on devrait poursuivre trois finalités. Assurément la première est celle d'assurer la transmission de la foi (il vaudrait mieux dire la socialisation chrétienne); mais ce n'est pas là l'unique finalité et même pas la plus urgente. Une autre finalité consiste à reconstruire le tissu des communautés, à favoriser l'appartenance au peuple de Dieu et à sa mission, à développer la ministérialité (la capacité missionnaire) des jeunes et des adultes. De manière particulière, ma proposition naît du désir de dépasser (troisième finalité) la dissociation entre foi et vie (EN, n. 19-20) dans laquelle demeurent la plupart des baptisés; une situation provoquée par la traditionnelle proposition pour les enfants et par le choix de ne pas favoriser une catéchèse centrée sur la liberté de décision L. Meddi, «Il compito della catechesi nella nuova evangelizzazione. Superare la dissociazione fede e vita», dans Catechesi 82, 2/2012-2013, p. 12-18.. Peut-être est-il utile de repenser le processus initiatique dans la perspective sociale et théologique de l’inculturation L’expression est désormais vraiment ambiguë parce qu'elle assume la signification d’une manière d’évangéliser et non celle de l'interaction profonde entre Église et cultures dans la perspective d’un réel échange salvifique; cf. L. Meddi, «La inculturazione della fede nella nuova "catechesi missionaria". Le ambiguità del Direttorio Generale per la Catechesi (1997)», dans S. Mazzolini, Vangeli e culture. Per nuovi incontri, Città del Vaticano, Urbaniana University Press, 2017, p. 147-167.. Avec le terme «initiation» L. Meddi, «Iniziazione cristiana», dans G. Calabrese – Ph. Goyret – O.F. Piazza, Dizionario di ecclesiologia, Roma, Città Nuova, 2010, p. 740-747., on comprend une activité importante de la vie de l'Église, celle de servir la mission de l'Esprit qui fait naître et croître de nouveaux croyants. Cet «événement» a une double nature. La divine (parce que personne ne peut désirer renaître d'en haut tout seul) et l’humaine (parce que la vie nouvelle est aussi le fruit de la structure décisionnelle de la personne). Par conséquent, l’IC se réalise à travers l'interaction de trois activités précises. La première est le témoignage de la proposition chrétienne. La deuxième est l'aide à la réponse de foi et à la formation des nouveaux croyants. Être chrétien, en effet, implique une transformation de son projet de vie, en assumant celui de Jésus et en devenant son disciple. La troisième est l’action d’« assurer », ou mieux, de rendre présent et d’intérioriser le don de l'Esprit à travers la médiation des sacrements de l'IC Dans la perspective du catéchuménat des adultes, la troisième activité devient la première. . La traduction de cette perspective théologico-pastorale implique de repenser l’ICE dans la totalité du processus formatif des nouvelles générations. L'initiation advient dans un processus formatif, c'est-à-dire de transformation ou de croissance de la personne dans la foi, constitué de quatre passages: socialisation, évangélisation, intériorisation, intégration L. Meddi, «Proporre la fede: inculturare per socializzare e iniziare», dans L. Meddi – A.M. D’Angelo, I nostri ragazzi e la fede. L’iniziazione cristiana in prospettiva educativa, p. 111-130.. Avec la socialisation, une génération transmet à l'autre la richesse de son expérience, la culture et les biens nécessaires à la vie. Mais la personne a besoin aussi d'évangélisation, c’est-à-dire de recevoir la proposition directe de l’Évangile avec laquelle elle peut relire sa propre existence et son projet de vie à la lumière de la foi de Jésus. Intériorisation signifie passer d'une annonce écoutée à une annonce qui devient conscience et direction de la personne et donc, critère de jugement et de décision. Le fruit de l'intériorisation est la conversion. Enfin l’intégration met en évidence le fait que l'initiation s'accomplit lorsque le message recompose l'unité de la personne comme disciple. Par une rapide analyse, on peut constater que la dimension socialisante ne manque pas à la communauté chrétienne! Mais trop souvent, les projets de l’ICE ne prévoient pas ou ne sont pas repensés au sein des moments restants d'inculturation de la foi. En effet la proposition faite à l'Église en Italie entre 1995 et 2014 de prévoir la réorganisation des sacrements a pour conséquence d’achever l’IC des enfants avant qu'ils ne puissent décider quelque chose de leur vie. À mon avis c’est la communauté ecclésiale elle-même qui s’auto-exclut de la vie des enfants. C’est pourquoi il faudrait opter pour une méthodologie d'inculturation qui, en utilisant de nombreuses pratiques missionnaires et formatives connues, organise la communication et l'expérience de la foi, que l'on pourrait appeler «méthodologie herméneutique». Celle-ci se réalise en quatre passages: narrer sa vie; se comprendre soi-même; se confronter avec la narration évangélique; se convertir, guérir, repenser et intégrer l'expérience personnelle Cf. T.H. Groome, Christian religious education. Sharing our story and vision, New York, Harper Colins Publishers, 1980.. En utilisant le langage de la tradition ecclésiale il s’agit d'organiser le catéchuménat des enfants comme une pédagogie de la receptio. 4. Une proposition d'itinéraire dans la ligne de la receptio En tenant en compte des analyses et des réflexions Réflexions reprises en L. Meddi, «Educare la risposta della fede. La receptio fidei compito della catechesi di "Nuova Evangelizzazione"», dans Urbaniana University Journal 56, 3/2013, p. 117-161. exposées jusqu'à présent, il est possible d’offrir une description synthétique de reformulation d'un itinéraire global d'IC avec les enfants. À la base, nous reprenons l'option de fond déjà exprimée: repenser dans une perspective éducative les indications du modèle catéchuménal Ces réflexions et propositions s'inspirent inévitablement de mon article «Contributo per il futuro itinerario», dans L. Meddi – A.M. D’Angelo, I nostri ragazzi e la fede. L’iniziazione cristiana in prospettiva educativa, p. 131-156.. Une proposition d'IC des enfants du point de vue éducatif et authentiquement initiatique peut être développée en quatre passages ou étapes pastorales, appelées elles aussi «catéchuménat» Nous utilisons clairement le terme «catéchuménat» dans une perspective plus large qui caractérise l’expression quand on parle de catéchuménat post-baptismal, et qui est synthétisée dans la formule «instance catéchuménale»; cette perspective est inaugurée par les travaux de D. Borobio, Proyecto de iniciacion cristiana. ¿Como se hace un cristiano? ¿Como se renueva una comunidad?, Bilbao, Desclée de Brouwer, 1980; et ceux de C. Floristan Samanes, Para comprender el catecumenado, Estella, Verbo Divino, 1989.. 4.1 Première étape: réévangéliser la famille «De la proposition et de la demande du baptême à l'organisation d'un catéchuménat familial, à la célébration du baptême»: dans cette étape, famille, société et Église sont engagées à réaliser la «transmission de l'alphabet de la vie». C’est une tâche que la pédagogie appelle «première socialisation» et qui inclut aussi une première socialisation religieuse. Dans ce contexte, la famille a une tâche prioritaire qui peut se réaliser à travers un catéchuménat familial L. Meddi, Il cammino di fede. Riorganizzare la catechesi parrocchiale, p. 61-73. . On parle de «catéchuménat familial» de diverses manières: catéchèse en famille, catéchèse familiale; catéchèse post-baptismale, catéchisme des enfants; socialisation religieuse; transmission de la foi aux nouvelles générations. Ces dernières années, des objectifs pastoraux à atteindre à l’occasion de la demande de baptême ont été explicités. Pour en citer quelques-uns: développer un lieu de nouvelle évangélisation; revitaliser la signification des «signes» liturgiques; intensifier la conversion missionnaire de la communauté. Dans sa forme la plus plénière, cette première attention aux nouvelles générations pourrait se réaliser sous mode de «répartition des éléments qui composent le rite du baptême des enfants». Non en tant que menace pour les baptisés non-pratiquants: au contraire, la proposition de répartir le rite du baptême en étapes ou selon un itinéraire devrait être évoquée auprès de ceux qui donnent le plus de garanties pastorales: aux collaborateurs plus proches de la paroisse, aux membres de mouvements, associations et groupements. Si le rite pouvait être ainsi «réparti», les étapes pourraient en être: l’accueil de l’enfant et de la famille (première partie du rite); le catéchuménat familial se réalisant à travers un cheminement qui conduirait à l’inscription au catéchuménat eucharistique, au sein duquel se placerait la célébration du baptême, ainsi que le prévoit le RICA (chap. 5); l’entrée dans la communauté. Le catéchuménat familial se conclurait par «l’adhésion à la communauté» (cf. le parcours de la deuxième étape ci-dessous), parce que l’enfant commencerait ainsi sa participation active à la vie eucharistique et, à travers elle, ferait progressivement mûrir sa décision de vivre l’Évangile. Pour les adultes et la famille, ce pourrait être un temps de pleine évangélisation. Cette finalité ne peut être atteinte simplement par la préparation à la célébration du baptême. Un accompagnement suivant la demande de baptême serait alors prévu et pourrait se réaliser selon les contextes avec l’objectif de permettre aux parents d’interpréter et de transmettre les premières significations du langage religieux. 4.2 Deuxième étape: socialiser la vie de la communauté  «De la célébration du baptême à l'introduction dans la communauté et à la première célébration de l'eucharistie»: le point de départ pour la compréhension de cette seconde étape est la réaffirmation de son importance pour tout l’avenir de la vie chrétienne. La proposition formative qui y est formulée doit faire naître le désir de rester dans la communauté. Vraiment, la qualité de l'insertion dans la vie de la communauté doit être la finalité qui guide toute l'organisation des itinéraires. Celle-ci est, en effet, l'âge de la (seconde) socialisation et de la construction des premiers réseaux de relations ecclésiales. Nous pouvons parler de socialisation chrétienne à travers un vrai catéchuménat paroissial (ecclésial) Ibidem, p. 74-90.. Le «catéchuménat paroissial» coïncide avec la catéchèse traditionnelle des enfants durant l’école primaire, qui est aujourd’hui soumis à de profonds réaménagements, pas toujours appropriés. L’accent est en effet mis sur la réorganisation de l’ordre des sacrements et sur une pédagogie liturgico-sacramentelle qui ne tient pas compte du rapport spécifique entre cet âge et les dynamiques du développement religieux. Le rapport entre cet âge psychosocial (6 à 11 ans) et la communauté chrétienne est marqué dans la mémoire collective par la première eucharistie. Ceci est un point de départ dont il n’est pas possible de se départir pour quelque réforme de l’ICE que ce soit. Toucher à l’imaginaire collectif de la « fête » de la première communion, avec ses rites et ses symboles (surtout maternels et féminins), dans notre contexte italien caractérisé par la forte présence du sentiment religieux, équivaudrait à un suicide pastoral. Le but de cette étape serait de construire autour des enfants un espace affectif et éducatif au-delà de leur propre vie familiale et scolaire, de telle sorte qu’ils se sentent heureux d’appartenir à des groupes chrétiens propres à leur âge. De cette manière, cela contribuerait à retrouver la mystagogie. Quand on parle de l’IC des enfants, la mystagogie ne vient pas après, mais devrait être le mode habituel de procéder à la formation chrétienne des petits. En d’autres termes, la mystagogie avec les enfants se réalise surtout en les faisant entrer dans les significations existentielles des rites liturgiques, aussi avant de les avoir célébrés. L’engagement missionnaire concerne ici la seconde «alphabétisation religieuse». La première a été réalisée durant le début de la vie et est caractérisée par l’interprétation «magique» de la figure de Dieu. Il est nécessaire de poser comme objectif de ce passage catéchétique non le renforcement de la religiosité, mais la purification du «réveil religieux». Contrairement à ce que l’on pense, c’est le catéchuménat social des Églises qui s’est moins installé durant ces premières années que le sens religieux et l’intuition de Dieu. Il est vrai que l’expérience de Dieu se produit dans les catégories de l’enfance: le désir de toute-puissance, de magie, de protection. Ce qui manque, c’est la vision de la religion comme projet de soi et comme adhésion à l’Évangile. Les enfants qui achèvent l’étape psychologique de l’école primaire présentent quasiment tous la caractéristique de ne pas être parvenus à mûrir l’acquisition ni la purification du langage religieux adapté à leur âge. Le résultat des interventions familiales, scolaires et de la catéchèse paroissiale semble être le formalisme religieux. Et c’est là le danger formatif principal! Par conséquent, les objectifs de ce parcours pourraient être configurés selon la progression suivante: itinéraire pour explorer la communauté; itinéraire pour intérioriser la grande rencontre avec Jésus; itinéraire pour recevoir le commandement de l’amour et la première réconciliation; itinéraire pour cheminer vers la première eucharistie. Soit que les parents aient déjà assumé de manière adéquate leur tâche éducative lors de la période précédente, soit, comme cela est le plus fréquent, qu’ils n’aient pas pu / voulu accompagner les petits dans la première socialisation religieuse, ils ont également pour cet âge de l’école primaire un rôle déterminant. Or, ils sont trop souvent associés par la communauté chrétienne avant tout au niveau de l’organisation. Toutefois, il y a à cette étape des expériences qui ont pour but (au-delà de la visée de ré-évangéliser les adultes eux-mêmes) celui de permettre aux parents d’assumer leur responsabilité durant cette phase du cheminement: présenter les enfants à la communauté et les accompagner dans leur désir de rencontrer Jésus par l’eucharistie. Pour atteindre cet objectif, qui a pour but de susciter surtout la prise de conscience des parents, diverses formes de « catéchèses avec les parents » en tant que « catéchèses des pairs » se sont mises en place en parallèle de celles pour leurs enfants. Le temps semblerait venu de proposer sérieusement une forme de catéchèse familiale, c’est-à-dire qui prévoie le rôle spécifique à attribuer aux parents. Il n’est pas hors de propos de réfléchir à la question de savoir si dans notre contexte culturel et pastoral, il serait plus opportun de parler de catéchèse communautaire. La rencontre entre familles aide et encourage l’engagement de chacun des parents de manière opportune, élargit les relations et facilite la naissance de groupes d’adultes stables (petites associations) à l’intérieur de la communauté, selon la perspective de la catéchèse mystagogique des adultes. La rencontre entre parents favorise en outre un moment adapté pour susciter une nouvelle «étape vocationnelle et ministérielle» qui peut aider certains adultes à vivre la mystagogie de la foi dans le double service du Règne de Dieu et de la mission de la communauté. Pour cela, il s’agit précisément de faire intervenir en synergie les diverses figures pastorales déjà existantes dans la communauté, selon une vision de la responsabilité commune en pastorale intégrée, particulièrement les jeunes qui participent à la préparation à la confirmation et aux groupes de jeunes. 4.3 Troisième étape: évangéliser la vie chrétienne «De l'insertion dans la vie de la communauté à la connaissance du projet de Dieu»: cette troisième étape rencontre les enfants à l'âge du passage à la préadolescence (11-14 ans) et amorce le véritable catéchuménat autour de la confirmation En italien, l’expression «catecumenato crismale» renvoie à la confirmation (cresima) et désigne le catéchuménat pré- et post-sacramentel autour de la confirmation qui permet aux confirmands / confirmés, jeunes et adultes, de trouver leur place dans l’Église et dans le monde, et de mener une vie dans l’Esprit. [Note du second traducteur francophone] qui est présenté ici dans la quatrième étape. Le but de ce moment est de réaliser le premier et vrai moment d'évangélisation, entendu comme «compréhension de la situation de vie dans la perspective évangélique» Ibidem, p. 91-103.. Cette phase de la vie est centrée (physiquement, psychologiquement et culturellement) sur le changement du corps et le développement de l’identité. Pour cette raison, il sera nécessaire de proposer l’annonce à travers la catégorie théologique du projet de Dieu. C’est un choix motivé à partir de la tâche vitale de cet âge : passer de l'enfance à la jeunesse et à l'âge adulte. Il convient de réserver beaucoup de soin et d’investir énormément d’énergie pour cet âge nié Centro di Psicologia Clinica ed Educativa (Cospes), L'età negata. Ricerca sui preadolescenti in Italia, Torino, Elledici, 1986; cf. Les propositions de M. Delpiano, Pastorale dei preadolescenti. Ragazzi, educazione alla fede e comunità cristiana, Torino, Elledici, 1991; Dossier Preadolescenza, riti di passaggio, iniziazione cristiana, dans Note di Pastorale Giovanile 35, 1/2001, p. 23-46., de telle manière qu’il puisse devenir un âge psychologiquement favorable. C’est aussi pour cela qu’il est vraiment important de connaître les traits évolutifs propres à cet âge, afin d’en accompagner le développement. C’est dans cette perspective aussi que se situe l’attraction-refus des préadolescents vis-à-vis de l’expérience religieuse. Ces derniers commencent à traverser les phases de la foi synthético-conventionnelle (12-18 ans) décrites par J. Fowler. Durant celles-ci, se met progressivement en marche l’exigence de nouvelles identifications de soi qui conduit à la possibilité d’accueillir de nouvelles significations et synthèses vitales, afin de soutenir et de guider le projet de vie initial et personnel. Les communautés perçoivent surtout les difficultés des préadolescents à se référer au langage religieux précédent et, par conséquent, leurs difficultés à entrer en communication avec elles. Elles sont donc tentées de donner une évaluation négative des causes immédiates de ce phénomène: la mise en route de la croissance. Le malaise se transforme en auto-séparation («Je n’ai rien à leur dire») ou aussi en formalisme éducatif («Ils doivent accepter la religion»). Pour le cheminement ecclésial, cette période prend la figure du moment de l’évangélisation. L’évangélisation propose le message, la promesse, la personne et le mystère du Christ de telle sorte que celui-ci apparaisse comme le moyen et la réponse aux besoins vitaux personnels, et que l’exigence chrétienne soit offerte comme une proposition « bonne » pour la vie. C’est à partir de ce point de vue que nous retenons qu’il serait possible de préparer et de réaliser des itinéraires capables de favoriser l’intégration première entre foi et vie. Ceci serait l’objectif spécifique de l’itinéraire successif du catéchuménat autour de la confirmation. L’offre formative à adresser aux jeunes en cette phase de leur croissance revêt la forme d’une pastorale d’accompagnement et de proposition (counseling et coaching). De nombreux projets pastoraux soulignent dans leur agencement le choix fait de «se rendre proches» du chemin de vie, du changement (pré-)adolescent des enfants, en faisant sentir la proximité de la communauté, en offrant une présence éducative adulte, de telle façon que les jeunes ne découvrent pas seulement la vie à travers les relations entre pairs, mais sachent aussi relire la nouveauté de leur existence par le biais de la sagesse et de la tradition chrétiennes (évangélisation). Cette visée semble plus adaptée et se concrétise à travers certains choix. Comme toujours, le succès d’une initiative éducative formative est attaché à la qualité des processus pédagogiques qui sont mis en jeu. 4.4 Quatrième étape: initier à la vie chrétienne «De l'appartenance à la communauté, à l'intériorisation et à la décision pour l'Évangile». C’est ce temps que nous considérons comme proprement initiatique, dans la mesure où les enfants ont été amenés à prendre conscience des différentes possibilités de vie et peuvent décider de suivre la proposition évangélique. Comme nous considérons qu’il est encore très utile de relier à un tel moment la célébration du sacrement de la confirmation, l’ensemble du moment formatif pourra assumer le caractère de vrai et propre «catéchuménat chrismal» à partir et en vue de la célébration de la confirmation Ibidem, p. 104-119.. Avant tout, là où la tradition pastorale n’étoffe pas l’IC avec des offres formatives durant le temps libre (associations, groupes ou cercles de jeunes), il est important d’introduire l’institution pastorale d’un véritable catéchuménat spécifique autour de la confirmation, qui se fixe comme finalités d’aider les jeunes à partager la mission de l’Église locale et de la communauté concrète où chacun(e) vit. Ceci serait le moyen principal et voudrait signifier que le but n’est pas seulement une simple socialisation ; ni non plus une affiliation ou une appartenance identitaire. Cela signifie que le but principal de la pastorale avec les jeunes aujourd’hui est celui de former des croyants capables de choisir et de partager la mission de l’Église comme partie fondamentale de l’identité du chrétien. Pour atteindre une telle finalité, il faut vouloir dépasser de manière résolue la logique du cours scolaire, non seulement concernant la qualité des parcours / itinéraires formatifs, mais surtout à propos des temps L. Meddi, Il rinnovamento dell’Iniziazione Cristiana dei ragazzi: i punti discussi. que les parcours prévoient. Adopter une finalité vocationnelle-missionnaire comporte également un choix précis de pédagogie religieuse. Cela signifie mettre l’accent sur le processus de choix, l’appropriation par les jeunes et leurs compétences. En outre, il y faut une pédagogie de communauté de pratiques et de recherche-action, à travers laquelle la personne et le groupe s’approprient les moyens du cheminement. J’ai mentionné à plusieurs reprises, en tant que finalité, l’introduction à la vie chrétienne et son développement. Le terme «introduction» souligne le fait que la vie chrétienne est un cheminement permanent et ne se termine pas avec les sacrements, mais avec la vie. À ce propos, on parle justement de la vie chrétienne comme exercice eucharistique. Le terme le plus exact est celui de « compétence ». L’expression « compétence » signifie l’acquisition d’une aptitude. Je crois que cette accentuation de la pédagogie contemporaine se relie parfaitement aux objectifs de l’ICE, qui a comme finalité précisément d’introduire à la vie chrétienne et donc de rendre apte à accomplir les « exercices du christianisme ». Les compétences chrétiennes sont attachées à la théologie baptismale et à la pédagogie des trois munera (prêtre, prophète et roi) de la constitution Lumen gentium. Suivant cette intuition, nous pouvons dire que transversalement, l’ensemble de l’itinéraire de la confirmation se construit sur trois groupes de compétences: la connaissance et la projection de soi; la connaissance sapientielle de la foi; la prospective vocationnelle de l’appartenance ecclésiale. Ce sont des dimensions qui se placent en continuelle interaction d’intégration mutuelle. Dans chaque diocèse, il serait donc nécessaire d’instituer un véritable service du catéchuménat de la confirmation, pour l’information, la proposition, l’organisation, l’expérimentation et le soutien des diverses réalisations. Sans un tel véritable catéchuménat autour de la confirmation, il serait difficile de développer une pastorale vocationnelle conçue selon ses différentes significations : la vocation aux ministères ordonnés, à la vie religieuse, mais aussi ou avant tout à la ministérialité pastorale des laïcs. Dans notre situation pastorale, le temps de l'adolescence semble être le véritable moment initiatique et vocationnel Il sera utile de tenir compte des buts exprimés dans la Constitution apostolique sur le sacrement de la confirmation de Paul VI (1971). Cf. aussi L. Meddi, Il catecumenato crismale. Risorsa per la pastorale degli adolescenti, Torino, Elledici, 2014; cf. aussi A. Cencini, Confermati o congedati? La cresima come sacramento vocazionale, Milano, Paoline, 2014.. C’est le temps durant lequel les jeunes ont été amenés à prendre conscience des différentes possibilités de vie (cf. Evangelizzare. Proporre il Vangelo ai ragazzi), peuvent décider de suivre la proposition évangélique, de commencer à déployer une personnalité chrétienne capable d’assumer la mission ecclésiale, d'intérioriser et d’intégrer dans leur personnalité l'expérience chrétienne déjà précédemment vécue. 5. Le rôle et la compétence de la famille La plupart des institutions et des services de la communauté chrétienne découlent de ladite chrétienté dans laquelle l’évangélisation semblait ne pas être nécessaire; en outre elles ne s’accordent plus entre elles. Dans notre contexte post-chrétien, on ressent la nécessité d’une redistribution des tâches missionnaires. À l'école est confiée la tâche de la socialisation religieuse «sociale» développée dans un style de recherche culturelle. À la communauté revient la tâche d'initiation et de formation mystagogique. À la famille, celle de la socialisation religieuse primaire. Celle-ci se réalise par l’acquisition de la langue maternelle ou des moyens fondamentaux pour s'orienter dans l'existence. Cette langue sera la base des choix futurs en rapport avec les objectifs de la vie et donc de la foi. 5.1 De quoi la famille est-elle sujet missionnaire? Toutefois, dans l’accomplissement de sa tâche, la famille semble souffrir d’au moins trois problèmes: l'aphasie spirituelle, l'incompétence fruit de la formation reçue, le manque d'un rôle ecclésial défini. En particulier, la tâche ou la responsabilité de la vocation ministérielle de la famille semble souffrir d'une incertitude théologico-pastorale permanente et qui s'exprime par la question: de quoi la famille est-elle sujet pastoral En référence à l'Italie on doit signaler que l'épiscopat s'est toujours montré très attentif à ne pas donner à la famille un rôle qui aille au-delà du simple témoignage et de la formation morale. ? En réalité, sa tâche concerne la dimension religieuse de la personne et des groupes sociaux. Il ne semble pas que sa tâche soit la dimension initiatique au sens profond du terme et non plus – de ce fait – la dimension évangélisatrice. La dimension religieuse est la tâche que toutes les religions confient à la famille : la mission de socialisation culturelle L. Meddi, «Religioni e pratiche formative. Analisi e prospettive», dans Redemptoris Missio 20, 2/2004, p. 3-28.. Dans ce sens aussi, il est très ambigu de continuer à limiter l'IC des enfants au seul âge de l'enfance (0-11 ans). Dans cette perspective, il me semble que l’on pourrait mieux délimiter la tâche et la contribution de la famille en référence à la mission ecclésiale. La base de son service est le rôle éducatif des parents et non la théologie du mariage chrétien Cf. Gravissimum educationis, n. 3 : «Les parents, premiers éducateurs».. Que les parents le veuillent ou non, ce rôle comporte et implique toujours la dimension religieuse, même dans le cas où ils ne se rattachent pas pleinement à la vie ecclésiale Je me rattache dans cette perspective aux réflexions de M. Montessori, S. Cavaletti, A. Godin ; et aussi au de travail M. Fargues, avec son manuel «Lasciate che i bambini vengano a me». Catechismo per i bambini della Conferenza Episcopale Italiana, Roma, 1973 et 1992.. La qualité des images de Dieu et de la vie, projetées et intériorisées durant les premières années de vie, n'est pas indifférente pour le développement de la personne humaine. La pastorale ecclésiale ne doit pas tant inviter les parents (pour autant qu’ils soient parents!) à assumer un rôle d'évangélisateurs – qu’en fait ils n'ont pas choisi –, que les conscientiser et les habiliter dans leur inévitable fonction de symbolisation religieuse. L'actuelle reconsidération du rôle de la famille ne peut avoir comme but de mettre «sur le dos» des parents l'incapacité des communautés paroissiales ou diocésaines, mais plutôt de tendre vers une collaboration au dépassement du monde magique sacré, typique de la religiosité enfantine. 5.2 La tâche: la dimension religieuse et la lecture chrétienne de la vie Pour la compréhension de cette tâche je me réfère principalement aux propositions d’A. Godin et J. Folwer A. Godin, Le mete della catechesi nelle varie tappe dello sviluppo, in Le mete della catechesi. Atti del 2° convegno "Amici di catechesi", Torino, Elledici, 1961, p. 105-134; J. Fowler, Stages of Faith. The Psychology of Human Development and the Quest for Meaning, New York, Herper Collins, 1981.. Elles s’appuient, entre autres, sur l'évolution du rôle de la religion dans le développement de la personne tel qu’élaboré par beaucoup d'auteurs post-freudiens Tels G. Jung, A. Vergote, A.H. Maslow, G.W. Allport, E. Fromm, R. Assagioli, E.H. Erikson, J. Piaget. Cf. E. Fizzotti – M. Salustri, Psicologia della religione con antologia dei testi fondamentali, Roma, Città Nuova, 2001.. Ces auteurs se rejoignent au moins sur trois dimensions que j’estime importantes. En premier lieu, ils s’accordent sur le fait que la tâche de la famille est de favoriser l’éveil religieux de sorte qu’il n’en reste pas aux caractéristiques d'animisme, de pensée magique et d'intériorisation des figures parentales; ce qui constitue la cause principale de l'infantilisme religieux. En deuxième lieu, ils sont d’accord que le service à la formation d'un bon jugement religieux se définit comme un parcours individuel mais aussi social qui a ses propres étapes: en particulier, les étapes de l'acquisition du langage religieux formel, de la crise de ce même langage, de sa réélaboration culturelle. La vraie formation religieuse s’élabore comme une purification du langage et non comme une simple socialisation de la culture religieuse de la génération précédente. Ceci pose évidemment des questions théologiques autour de la Tradition et des traditions. Enfin ils se rejoignent pour affirmer que l'apprentissage du langage religieux est lié à sa puissance de signification ou bien à la capacité que la religion a de dialoguer avec les rôles évolutifs de la personne dans une culture déterminée. En substance: développer la tâche d'éducation religieuse ne peut se limiter à la seule question de la transmission d'une tradition religieuse parce que la socialisation religieuse est une partie du problème et non de la solution de la crise du rôle religieux contemporain. Cette tâche des parents doit inclure aussi la question herméneutique du langage religieux, comme dépassement allant de la perspective mythique à la perspective personnelle et conceptuelle. 5.3 Les compétences De la part des communautés chrétiennes, la tâche à confier à la famille comporte une responsabilité formative. Les adultes-parents se trouvent souvent dans la difficulté de ne pas vivre eux-mêmes des formes de vie religieuse et chrétienne authentiques. À cause de cela aussi, la figure missionnaire que l'Église peut leur confier ne peut pas être le simple témoignage, mais il faut la constituer comme tâche éducative à travers une aptitude à comprendre avant tout le sens de la dimension religieuse présente dans la propre existence de chacun(e). Il est donc juste d’offrir aux adultes-parents des parcours de ré-évangélisation, tout en ayant bien conscience qu’il ne s’agit pas de rappeler des émotions de l'enfance ou de proposer de nouvelles formes d'appartenance ecclésiale, mais d’un vrai parcours de réflexion sur le langage religieux. Les Églises désirent-elles cela? Dans la perspective que nous avons rappelée, la tâche missionnaire des adultes-parents demande l’acquisition de compétences: Globalement il s’agit d'aider l'adulte à relire sa propre expérience religieuse sous la forme d’une vraie démythisation du langage appris, d’une prise de conscience des modes de présence de Dieu dans la vie, d’un vrai éveil religieux et d’une adhésion à l'Évangile de Jésus. Pour les nouvelles générations, il s’agit de les habiliter à l'alphabétisation religieuse biblique et chrétienne. Au centre de cette tâche, il y a l'introduction à la première narration de l'expérience religieuse, et particulièrement à celle de Jésus, et non à la doctrine; donc pas d’abord la question de la vérité, mais celles du sens et des orientations de vie. La narration concerne surtout les langages symboliques de la foi: l'Écriture et la liturgie. Ils sont symboliques parce qu'ils transmettent (tradere) des significations mais ils demandent aussi de nouvelles interprétations (reddere), c'est-à-dire de nouveaux récits et symboles. Ce sont des réalités créatives. C’est pourquoi la narration comporte de la part de l'adulte la compétence interprétative et existentielle, de sorte que la narration devienne un récit personnel et familial. 5.4 Conclusion Comme on peut le voir, ma proposition (et réflexion) reconnaît la validité des projets et des documents catéchétiques qui rappellent avec insistance la tâche missionnaire auparavant contestée et niée. Mais elle ne se limite pas à présenter cette tâche dans la perspective d’une socialisation, presque uniquement comme soutien au travail que fera ensuite la catéchèse officielle de la paroisse. Ce serait une nouvelle variante de formalisme religieux. Ma proposition poursuit l'objectif de rendre les adultes compétents dans la responsabilité de la transmission de la foi en un contexte d'expression de la liberté de la religion-foi. Table des auteurs François-Xavier Amherdt est prêtre du diocèse de Sion (Valais – Suisse) depuis trente-six ans. Ancien vice-directeur du séminaire et vicaire épiscopal de son diocèse, il a été dix ans curé-doyen de Sierre et Noës, puis directeur de l’Institut romand de Formation aux Ministères à Fribourg. Depuis 2007, il est professeur francophone de théologie pastorale, pédagogie religieuse et homilétique à l’Université de Fribourg (Suisse). Il est co-responsable du Comité italo-helvétique de la rédaction et directeur-adjoint de Lumen Vitae. Antonio Ávila est prêtre et psychologue. Il est professeur au sein de l’Université pontificale de Salamanque où il accompagne les études et enseigne dans le domaine de la pastorale catéchétique. Il est également directeur de l’Institut supérieur de pastorale de Madrid. Pietro Biaggi est prêtre du diocèse de Bergame et (à l’époque du Congrès) directeur-adjoint du Service national de la catéchèse et du catéchuménat de la Conférence des évêques français, tout en enseignant la pastorale catéchétique dans son diocèse d’origine – ce qu’il continue de faire désormais. Enzo Biemmi, frère religieux, membre de la Congrégation des frères de la Sainte Famille, est catéchiste, professeur ordinaire de l’Institut supérieur de sciences religieuses de Vérone et professeur titulaire à l’Institut Redemptor Hominis de l’Université Pontificale du Latran. Il a collaboré avec l’Institut international Lumen Vitae de Namur à travers un cours sur la catéchèse des adultes. Il a été président de l’Équipe Européenne de Catéchèse de 2008 à 2015. Il est membre du Conseil national italien de la catéchèse; il a guidé au niveau italien le «Projet de seconde annonce» (2012-2018) pour la récolte et la recension de pratiques de première et seconde annonce dans les communautés ecclésiales italiennes (http://www.secondoannuncio.it/); et il participe à celui de «L’initiation chrétienne» (lancé dès 2019, https://catechistico.chiesacattolica.it/category/ambiti/iniziazione-cristiana/). Salvatore Currò est prêtre religieux, membre de la congrégation de Saint Joseph de Murialdo. Il est docteur en philosophie et en théologie. Il a été président de l’Association italienne des catéchistes. Il est professeur de disciplines attachées à la théologie pastorale et catéchétique aux Universités pontificales salésienne et du Latran. Membre du bureau directeur de l’EEC, il a participé comme expert au synode des évêques 2018 sur «Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel». Alfredo Delgado Gómez est prêtre diocésain et curé de la paroisse du Bienheureux Florentino Asensio de Valladolid. Il est professeur d’éducation religieuse à l’école. Il est également membre de la communauté Adsis: née en Espagne, celle-ci s’emploie à témoigner de la présence chrétienne (Adsis, du latin ad-essere), spécialement parmi les jeunes et les pauvres. Caroline Dollard est mariée et mère de famille. Elle a achevé des études de liturgie, théologie pastorale et catéchétique. Engagée dans l’équipe Mariage et vie familiale de la Conférence des évêques d’Angleterre et du Pays de Galles (www.catholicfamily.org.uk), elle est en outre membre de l’EEC. Dominique Foyer est prêtre du diocèse de Cambrai. Il est professeur à l’Université catholique de Lille dans le domaine de la théologie morale. Au sein de la même institution académique, il dirige l’Institut international Foi – Art – Catéchèse (LIFAC). Angela Kaupp est mariée. Elle est professeure de théologie pratique, pédagogie religieuse et didactique à l’Université de Koblenz-Landau. Andrzej Kiciński est prêtre et vice-recteur de l’Université catholique Saint Jean-Paul II de Lublin. Il est directeur du Département de pédagogie catéchétique au sein de cette même institution académique et membre de l’EEC. Roland Lacroix est maître de conférences à l’Institut Catholique de Paris, enseignant à l’Institut supérieur de pastorale catéchétique (ISPC), responsable du Service de formation du diocèse d’Annecy et directeur-adjoint de la revue Lumen Vitae. Il est membre de l’Équipe européenne de catéchèse (EEC), de la Société Internationale de Théologie Pratique (SITP) et de l’Observatoire international des pratiques catéchuménales (OIPC). Il s’intéresse particulièrement au (re)devenir chrétien, aux pratiques catéchuménales et à la pédagogie d’initiation. Luciano Meddi est prêtre du diocèse de Rome, professeur ordinaire de catéchèse missionnaire à la Faculté de missiologie de l’Université pontificale Urbaniana et professeur invité à l’Institut de catéchèse de l’Université pontificale salésienne. Il a été président de l’Association italienne des catéchistes (1998-2005) et est membre de l’Équipe Européenne de Catéchèse (http://www.lucianomeddi.eu/). Joël Molinario est laïc, marié et père de famille. Il est directeur de l’Institut supérieur de pastorale catéchétique (ISPC) au sein de l’Institut catholique de Paris, où il dispense divers cours dans le domaine catéchétique. Il est membre du bureau directeur de l’EEC. Verónica Nehama est mariée et mère de famille, docteure en chimie et enseignante à l’Université. Durant de nombreuses années, elle a été enseignante et directrice au Collège juif de Madrid (Centro Ibn Gabirol – Colegio Estrella Toledano). Actuellement, elle est vice-présidente du Conseil espagnol des femmes israélites (CEMI en espagnol). Christophe Raimbault est prêtre du diocèse de Tours et bibliste. Il enseigne à l’Institut catholique de Paris. Il est membre de différents groupes de travail: l’EEC, l’équipe des traducteurs de la Nouvelle Bible en français courant, le comité éditorial des Cahiers Évangile, le service biblique Évangile et Vie dont il est le président. Cristina Sá Carvalho est mariée et mère de famille. Elle est docteure en psychologie et elle enseigne à la Faculté de théologie de l’Université catholique portugaise de Lisbonne. Elle est directrice du Département de catéchèse du Secrétariat national de l’éducation (SNEC en portugais) et du Département de formation. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Pastoral catequética et de l’EEC. Stijn Van den Bossche est docteur de la Faculté de théologie de l’Université catholique de Leuven, dont il est maintenant professeur invité. Depuis 2007 il est responsable du renouvellement de la catéchèse dans les diocèses flamands et secrétaire de la Commission interdiocésaine de catéchèse, section flamande, de la Conférence des évêques de Belgique. Depuis 1990, il est professeur à temps partiel à l’Institut international de catéchèse et pastorale Lumen Vitae de Namur. Il enseigne également dans le cadre de la formation pastorale des candidats au presbytérat, au diaconat et aux ministères laïcs en Belgique et aux Pays-Bas. Ses principaux centres d’intérêts sont le renouvellement de l’Église, les sacrements (spécialement le mariage), la catéchèse et l’initiation chrétienne. Il a été élu pour succéder à Enzo Biemmi en tant que président de l’EEC lors du Congrès de Celje (2015). Il a été réélu à ce poste à Prague en 2019. Table des matières Éditorial La pastorale familiale en évolution François-Xavier Amherdt et Roland Lacroix 2 1ère partie Problématique Chapitre 1 La famille entre éducation chrétienne et proposition de la foi Stijn Van den Bossche 6 Chapitre 2 L’horizon éducatif-corporel-affectif de la catéchèse. Partir à nouveau de la famille? La problématique du Congrès vue sous l’angle de l’éducation chrétienne Salvatore Currò 23 Chapitre 3 Rompre avec l’héritage et nous mobiliser vers le nouveau Joël Molinario 37 2ème partie Études Chapitre 4 La famille dans la Bible: don de Dieu et défi pour l’homme Christophe Raimbault 42 Chapitre 5 Évolution du rapport à la temporalité et difficulté de transmettre Dominique Foyer 54 Chapitre 6 Bref commentaire sur la présentation de Dominique Foyer, «Évolution du rapport à la temporalité et difficulté de transmettre» Cristina Sá Carvalho 68 Chapitre 7 Amoris laetitia, une application d’Evangelii gaudium à la réalité de la famille Antonio Ávila 72 3ème partie Pratiques catéchétiques Chapitre 8 Modèles de catéchèse avec des familles en Allemagne Angela Kaupp 92 Chapitre 9 Oser en famille. Dix ans après le Texte national français: principes et mise en œuvre Pietro Biaggi 102 Chapitre 10 La tâche missionnaire de la famille dans l’initiation chrétienne des enfants. Un modèle (italien) Luciano Meddi 108 Chapitre 11 Dans la ligne d’Amoris laetitia: le modèle des journées de catéchèses intergénérationnelles (en Suisse romande) François-Xavier Amherdt 121 Chapitre 12 Mise en place d’une catéchèse pratique en Angleterre Caroline Dollard 134 Chapitre 13 Collaboration pastorale entre la paroisse, le collège et la famille dans un même quartier, en lien avec l’évangélisation (en Espagne) Alfredo Delgado Gómez 148 Chapitre 14 La famille entre éducation chrétienne et proposition de la foi. Réflexions sur des modèles catéchétiques en acte (en Pologne) Andrzej Kiciński 157 Chapitre 15 Éducation et éthique dans le judaïsme Verónica Nehama 162 Conclusion Une relecture partielle du Congrès Frère Enzo Biemmi 170 Table des auteurs 176 Table des matières 179 14 1