ANTIQUITES CHRETIENNES
Histoire de l’archéologie Chrétienne,
notions, passé et présent
P. Silvio Moreno, IVE
Université privée de Suisse
Octobre 2022
Définition archéologie chrétienne
Science historique qui a pour mission l’étude
approfondi de témoignages monumentaux des
premiers siècles de l’antiquité chrétienne. Ainsi
l’archéologie embrasse: l’architecture, la sculpture, la
peinture,
la
paléographie,
l’épigraphie,
la
numismatique, glyptique (gravure sur pierres fines) et
le mobilier.
En général, la chronologie est établie dès la
naissance du Christ au VIIème siècle. Certes, il ne s’agit
pas d’une valeur absolue.
Deux objectifs
- préparation méthodique du matériel
scientifique: la recherche archéologique et la
documentation.
- Reconstruction scientifique et historique de la
vie chrétienne dans toutes ses manifestations.
Cette science a comme fondement les données
fournies par les sources historiques: monumentales et
littéraires.
Mgr Victor SAXER (+2004) disait: «…je
comparerais volontiers l’archéologie chrétienne à un
infirme qui boite, des deux pieds. Il a besoin, pour
avancer, pour affermir sa démarche, pour arriver
finalement à un résultat, de deux béquilles. L’une
consiste dans la confrontation attentive des
monuments entre eux, et la deuxième béquille est
celle du recours aux textes. N’ayons pas honte de les
utiliser l’une et l’autre, et lorsque nous les utilisons, ne
cherchons pas à les cacher, c’est à cette seule condition
que nous pouvons faire quelques progrès dans la
recherche…».
Paul-Albert Février (+1991) disait également
par rapport à la relation entre contexte historique et
«…cette
sociale
et
l’archéologie
chrétienne:
confrontation est absolument nécessaire, car il n’existe
pas d’archéologie valable qui ne conduise à une
histoire. Il serait vain de croire que l’on peut s’arrêter à
une analyse des éléments d’une céramique, à une
description des strates et de leurs composants. Toutes
ces données doivent pouvoir s’inscrire dans une
interprétation globalisante qui prenne en compte
autant les structures d’un moment que les devenirs
d’un ou de plusieurs groupes sociaux».
Jean Huber avait dit: « Il nous semble que
l'archéologie, au lieu de se replier sur elle-même et
de se développer en quelque sorte en vase clos, a
tout intérêt à s'assurer le concours des disciplines
connexes : l'étude des monuments exige la mise en
œuvre des résultats obtenus par la théologie
patristique, l'histoire de la liturgie, l'étude des
langues et littératures anciennes ».
Peut-on dire « Antiquité Chrétienne »?
Autre fois il y existait d’une manière très tranchée la différence
entre Antiquité et Christianisme (par exemple P. Franz Josef Dölger
[+1940] fondateur de la revue Antiquité et Christianisme).
Aujourd’hui par contre on ne peut plus les opposer ou séparer, car
si la foi dans le Christ a bien une telle spécificité qu'elle ne saurait être
réduite à son environnement religieux antique, les formes où elle devait
s’incarner étaient celles de la civilisation dans laquelle la foi chrétienne
était apparue. Le christianisme n’est pas un phénomène extérieur à
l’Antiquité, puisqu’il y est né. Et ce sont, d’ailleurs, les exigences mêmes
de la mission chrétienne et de la prédication évangélique qui l’ont
précisément obligé à adopter très tôt des moyens d'expression antiques
(par exemple une architecture religieuse primitive provenant du monde
romain).
Cette antiquité chrétienne coïncide à peu près avec la même
époque que l’école allemande a identifié au début du XXème siècle avec le
terme « Antiquité tardive »: la notion reste encore chronologiquement
ambiguë, mais, en général, on considère qu'elle couvre la période allant
des réformes tétrarchiques (fin du IIIe siècle) – jusqu'à la « Renaissance
carolingienne », qui recrée au début du VIIIe siècle un empire unitaire en
Occident.
Résumé historique
Au XVème siècle l’A.C. n’est pas
considérée comme une science.
Cyriaque d’Ancône (1391-1452):
visite des monuments chrétiens lors de
ses nombreux voyages. Copie des
inscriptions chrétiennes grecques. Il pose
les fondements d’une épigraphie
chrétienne ainsi que la recherche
archéologique sur le terrain.
Reprise
d’exploration
des
catacombes romaines encore ouvertes :
S. Sébastien sur la via Appia, s. Pancrace
sur la via Aurèle, s. Valentin sur la via
Flamine et s. Laurent sur la via Tiburtine.
Dessin de Ciriaco d'Ancona d’une
ancienne pierre tombale dans l’église de
Saint Jean Apôtre à Rome
POMPONIO LETO (1428-1497), fondateur de l’Académie Romaine des Antiquaires
encouragea ses amis à l’exploration des catacombes mais sans aucun témoignage
littéraire. Curiosité: de ce groupe d’amis, Pierre Sabino eut le mérite de publier la
première collection d’épigraphie chrétienne avec 235 inscriptions des églises et
cimetières de Rome.
Au XVIème siècle, comme conséquence de la reforme protestante, l’étude des antiquités
chrétiennes prend une forme apologétique de défense de la foi.
MARCEL CERVINI (1501-1555) invita à Rome, ONOFRIO PANVINIO (1529-1568),
augustinien de Vérone, pour enseigner l’histoire de l’Eglise et des monuments chrétiens.
Publication: traité sur la mort, les rites funéraires et les catacombes chrétiennes.
Onofrio Panvinio
(Tintoretto 1555)
Firme de Panvinio dans les catacombes des Giordani
SAINT PHILIPE NERI (15151595) a eu le véritable mérite de
faire connaitre la réalité des
catacombes, grâces à ses fréquentes
visites et prières nocturnes parfois
en compagnie de saint Charles
Borromée spécialement dans les
catacombes de saint Sébastien.
La congrégation de l’Oratoire,
fondé par saint Philipe Neri en 1575
à Rome, reçoit cette inspiration du
fondateur en la transformant dans
une recherche intellectuelle et
spirituelle systématique avec un
accent apologétique. Chargé de
cette organisation fut CESARE
BARONIO qui publia les Annales
ecclesiastici et le Martyrologium
Romanum (1598). Par la suite
d’autres s’ajoutèrent à cette mission:
P. Chacon, Philippe de Winghe,
Macario et Pompeo Ugonio.
Historiquement la date fondatrice
de l’A.C. fut le 31 mai 1578 avec la
découverte fortuite sur la via
Salaria d’une « subterranea
civitas »: un énorme cimetière
intact et non profané, appelé plus
tard des Giordani et daté du IIIème
siècle.
LES RECHERCHES DE ANTONIO BOSIO
Il était disciple du cardinal Baronio et du cercle
de l’Oratoire.
Son premier contact avec le monde
paléochrétien fut le 10/12/1593 lorsqu’il descendit
dans les catacombes de Domitille.
En 35 années jusqu’en 1629, année de sa mort, il
put étudier systématiquement 30 cimetière chrétien.
On l’appelait le « Colombe des catacombes ».
Il écrit un traité avec une méthode et une
rigueur très scientifique appelé « Rome Souterraine »,
mais à cause de sa mort, il ne fut pas publié. Il le sera en
1632. Cet ouvrage est définie comme le précurseur de
la recherche scientifique. Il constitue encore aujourd’hui
la base fondamentale pour les recherches de
topographie funéraire chrétienne. Il enrichit également
le vaste patrimoine d’épigraphie chrétienne.
Deux successeurs continuèrent l’œuvre du Bosio:
Marcantonio Boldetti (1663-1749) et Giovanni
Maragoni (1673-1753) qui furent nommés par le Pape
Clement X, les « custodes des reliques et des cimetières
romains ».
Signature de Bosio dans la catacombe de Priscille
Au XIXème siècle de nouveaux horizons se
présentent pour la recherche archéologique
grâce aux figures du P. G. Marchi et de J.B. de
Rossi.
Le P. Guiseppe Marchi, jésuite (1759 1860) écrit le « Monumenti delle arti cristiane
primitive » en 1844. La collection est restée
incomplète.
Grace à sa découverte de la tombe intacte
d’un martyr, il obtint du Pape Pie IX le
financement pour la conservation et la
valorisation des cimetières chrétiens à Rome.
GIOVANNI BAPTISTE DE ROSSI (1822 - 1894)
Fondateur de l’Archéologie chrétienne en tant que véritable science
indépendante.
Avec toutes ses découvertes pendant presque 50 ans, il refait presque en
entier toute la topographie de la Rome chrétienne.
Il a su également former les vraies canons de l’A.C.
C’est à lui que l’on doit la découverte des catacombes de saint Calixte, la
crypte des papes du IIIème siècle, la tombe de sainte Cécile et l’étude approfondie
d’épigraphie chrétienne funéraire.
Il fut également le premier directeur de la Commission d’Archéologie
chrétienne fondée par le Pape Pie IX en 1851.
Publications:
« Rome souterraine chrétienne » 3 volumes (1864-1877)
« Inscriptiones christianae Urbis Romae VII saeculo antiquiores » (1861-1888).
« Bulletin d’Archéologie chrétienne » (1863-1894)
Avec Louis Duchesne, la dernière édition du Martyrologium Hieronymianum.
Disciples: « Ecole romaine »: Orazio Marucchi, Mariano Armellini et
Enrico Stevenson.
D’AUTRES AUTEURS…
L’abbé Joseph Martigny (+1880): Bulletin
d’A.C. en français.
Edmond Le Blant (+1897): Manuel
d’épigraphie chrétienne. Connaissance des
sarcophages paléochrétiens de France.
Mgr Giuseppe Wilpert (+1944): Les fresques
des catacombes romaines, les mosaïques, les
fresques des églises romaines et les sarcophages
chrétiens. Très critiqué fut cependant une figure
importante parmi les archéologues jusqu’en 1950
lorsque le primat archéologique de Rome
commença à disparaitre.
Richard Krautheimer (+1994): les études sur
l’architecture paléochrétienne et byzantine et il
Corpus Basilicarum Christianarum Romae (19371980).
Pasquale Testini (+1989): manuel d’A.C.
EN AFRIQUE DU NORD
La régence de Tunis et le protectorat,
furent le contexte favorable pour le
développement de l’archéologie chrétienne…
Lavigerie et l’arrivée des pères blancs en
1875. Deux missions (travailler pour soigner
les pauvres, découvrir les ruines chrétiennes
de Carthage).
Le P. Louis Delattre commence les
fouilles chrétiennes de Carthage.
Création du musée de Saint Louis de
Carthage (1875), plus tard appelé Musée
Lavigerie (1899).
La mission du Cardinal Lavigerie et
l’utilité
d’une
mission
archéologique
permanente à Carthage pour financer les
travaux du P. Delattre (1881).
Le P. Lapeyre et le P. Châles, successeurs
du P. Delattre.
Cardinal Lavigerie
Dans la deuxième moitié du XXème siècle
s’origine une nouvelle génération d’archéologues,
historiens et épigraphistes de l’antiquité
chrétienne pour l’Afrique, spécialement pour la
Tunisie Noël Duval (+2018); pour l’Algérie PaulAlbert Février (+1991) en collaboration avec les
historiens H-I Marrou (+1977) et Charles Pietri
(+1991).
Concluons…
Grâce à l’œuvre quotidienne de toute cette
armée d’archéologues, historiens et épigraphistes…
« La Divine Providence avait réservé à notre époque
la résurrection des antiques sanctuaires des
martyrs. Un nouveau Damase fit rechercher et
mettre à la lumière les monuments des siècles
héroïques du christianisme. La science et la foi, en
un bel accord, profitèrent de découvertes si
lumineuses » (Pie IX).
Bibliographie fondamentale
AA.VV. 2014, Lezioni di Archeologia Cristiana, Rome.
Ferretto, G. 1942, Note storico-bibliografiche di Archeologia
Cristiana, Rome.
Février, P-A. 1996, « Une archéologie chrétienne pour 1986 », in La
Méditerranée de Paul-Albert Février, Rome, 361-375.
Freed, J. 2008, « Le Père Alfred-Louis Delattre (1850-1932) et les
fouilles archéologiques de Carthage », Histoire et missions
chrétiennes, 8.
Foro, Ph. 2009, “Giovanni Battista De Rossi, entre archéologie
chrétienne et fidélité catholique dans l’Italie de l’Unité”, Anabases,
9, 101-112.
Testini, P. 1980, Archeologia Cristiana, Bari.