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P. SILVIO MORENO, IVE SAINT CYPRIEN DE CARTHAGE Quelques notices historiques et archéologiques sur le Pontife africain (Cl. Saint Cyprien, Eglise de saint Cyprien, Londres) 1 Dédié à mon père Rogelio, parti au ciel en ce jour. Tunis, 10/9/2020 Il a été dit que saint Cyprien fut l’une des plus belles figures d’évêques dans l’histoire du christianisme. Sans doute, il est, après saint Augustin, l’un des plus grands témoins de la doctrine de l’Église latine des premiers siècles (P. Monceaux). SES ORIGINES D’origine païenne, Cyprien, s’appelait Thascius Caecilius Cyprianus. Il est né à Carthage vers 200. Il étudie la rhétorique ainsi que le droit. Sans doute, de par sa position de magistrat il appartient à la haute société carthaginoise. Il est un homme riche et mondain. Peu avant 249, la Providence divine lui montre un autre chemin : la conversion au Christ. L’instrument de cette providence, fut un prêtre catholique de Carthage, Caecilianus, qui lui conseilla la lecture de livres sacrés. Après sa conversion, il fit vœux de chasteté et donna toutes ses richesses aux pauvres de Carthage. Dans sa lettre à Donat, petit traité sur la grâce de Dieu, il explique sa conversion, manifestant ainsi l’action de la grâce de Dieu qui transforme le cœur et la vie des hommes : « Effectivement, moi aussi j’étais retenu, empêtré dans les mille égarements de ma vie précédente, dont je ne croyais pas pouvoir me défaire : c’est ainsi que j’obéissais aux vices qui faisaient corps avec moi, désespérant de m’améliorer j’encourageais mes maux comme s’ils étaient déjà mon bien propre et mes esclaves de naissance. Mais après qu’avec le secours de l’eau qui régénère les taches de mon ancienne vie eurent été lavées et que la lumière d’en haut se fut répandue dans mon âme délivrée et purifiée, après que j’eus reçu l’Esprit venu du ciel et qu’une seconde naissance m’eut changée en un homme nouveau, ce fut merveille comme aussitôt je vis la certitude lever mes doutes, s’ouvrir les barrières, s’éclairer les ténèbres, devenir facile ce qui précédemment semblait difficile, possible à pratiquer ce que je croyais impossible. (A Donat, 3, 4). Fig. 1. Reconstruction de la métropole de Carthage à l’époque de saint Cyprien (IIIème s.). UN EPISCOPAT MOUVEMENTE Il est ordonné prêtre peu de temps après son baptême. Cela indique l’estime qui lui était portée. Sa conversion fut exemplaire pour toute la communauté chrétienne. Pour cela, à l’heure de choisir un nouveau successeur des apôtres pour Carthage, le peuple n’hésita pas à invoquer son nom. Ainsi, et malgré lui, 2 son élection comme évêque se fait très rapidement, sans doute, vers 249. Il gouverna le diocèse de Carthage, presque 10 ans, avec une prudence, sagesse et charité remarquable. Mais son court épiscopat ne fut pas sans trouble à l’intérieur et à l’extérieur de l’église. Outre l’opposition plus ou moins évidente d’une partie de son clergé, il connaîtra deux persécutions, qui provoqueront le reniement de nombreux chrétiens, y compris de prêtres, les divisions de son peuple suite au retour de la paix au sujet de la réintégration des apostats (ou lapsis), divisions qui iront jusqu’au schisme, les tensions avec l’église de Rome, ainsi qu’une épidémie de peste. Durant la première persécution décrétée par l’empereur Dèce, en 250, Cyprien, fraîchement élu, avait choisi de se cacher, pour mieux soutenir et encourager son peuple face à un persécuteur très astucieux. De cette époque date la fameuse et belle lettre de saint Cyprien aux chrétiens de Thibar (près de Teboursouk) : « J’avais pensé, mes frères très chers, et voulais, si les affaires et le temps le permettaient, aller en personne, selon le désir que fréquemment vous aviez exprimé, auprès de vous, pour encourager, vaille que vaille, votre communauté par mes paroles. Mais je suis tellement retenu par des affaires urgentes, qu’il ne m’est pas possible de m’éloigner beaucoup d’ici, ni de quitter longtemps, le peuple à la tête duquel nous a mis la divine Bonté : je vous envoie donc, en attendant, cette lettre à ma place. […] Vous devez donc savoir et tenir pour certain que la persécution est suspendue sur nos têtes, que ce jour vient, que la fin du monde et le temps de l’Antichrist approchent. Ainsi nous devons tous nous tenir près pour le combat, ne penser à rien qu’à la gloire de la vie éternelle et à sa couronne de la confession du Seigneur, sans nous imaginer, d’ailleurs, que ce qui vient est tel que ce qui est passé. Un combat plus sérieux et plus acharné est imminent : les soldats du Christ doivent s’y préparer avec un robuste courage considérant que chaque jour le calice du sang du Christ leur est donné à boire, afin qu’ils soient en état de verser eux-mêmes leur sang pour le Christ ». Fig. 2. Vue de Thibar. Ville située à 125 kilomètres de Tunis. Cette persécution laissa certainement quelques martyrs, mais malheureusement nombreux apostats dont plusieurs prêtres. Après la persécution, dans un temps de paix relative, Cyprien dut donc faire face à ce problème. Ce fut l’affaire de « Lapsis » et la validité des baptêmes réalisés par les schismatiques. En 254, un conflit sur des positions contraires s’engage sur ce sujet entre saint Cyprien et le Pape Etienne. Mais, malgré cette contrariété entre ces deux successeurs des apôtres, saint Cyprien, n’abandonnera jamais l’Église (il restera toujours en communion avec Etienne), au contraire il encourage tout son clergé et son peuple à se maintenir fidèle à la seule Eglise de Jésus-Christ par les liens de la charité et de la paix. Il utilise une très belle image pour parler de l’unité de l’Eglise : la seule tunique du Christ sans couture, personne n’a le droit de déchirer. Saint Augustin confirme, en parlant du baptême contre les donatistes qui revendiquait la conduite de Cyprien en leur faveur : « J’avoue qu’il refusait de croire que les hérétiques on les schismatiques pussent 3 donner le baptême de Jésus-Christ, tant était grande l’horreur que lui inspirait toute rupture de cette unité catholique qu’il aima de toute la force de son âme. Mais tels furent les mérites et les gloires qui le conduisirent au martyre, que l’éclat de sa charité dissipa entièrement ce point ténébreux de sa vie, la branche déjà féconde devint plus féconde encore, et tout ce qu’il pouvait avoir à purifier ne l’eût-il pas été auparavant, l’aurait été amplement par les souffrances suprêmes de sa passion. De notre côté, si nous reconnaissons la vérité du baptême dans l’iniquité des hérétiques, gardons-nous de conclure que nous sommes meilleurs que Cyprien […] » (De l’unité du baptême, 22). Par les conciles qui se tenaient à Carthage et par son autorité, Cyprien exerçait, de fait et moralement, une grande autorité morale sur toute la métropole et sur toute l’Eglise d’Afrique. Pour cela on a pu parler de lui comme du pape d’Afrique. Même d’Espagne, des Gaules, de Cappadoce, on venait lui demander conseil et on se rangeait volontiers à son avis. A partir de ce moment, l’évêque de Carthage jouera toujours le rôle de Primat d’Afrique. En même temps que ce ministère épiscopal, saint Cyprien, déploya une intense activité littéraire : en témoignent d’abord un recueil de 81 lettres, dont 59 écrites de sa main, les autres étant de ses correspondants et de lettres synodales ; plus une demi-douzaine de traité de circonstance, apologétiques et disciplinaires. UNE COURONNE DE GLOIRE En 257, éclate une deuxième persécution sous Valérien. Il est arrêté et, à la suite d’un procès dont les Actes nous sont parvenus, est condamné à l’exil à Curubis dans le Cap Bon tunisien. Depuis l’exil, il écrit encore quelques lettres. Un an plus tard, un deuxième procès aboutira à sa condamnation à mort. Là encore, nous possédons les Actes de ce procès. En ces deux occasions, saint Cyprien proclame fièrement sa foi, sans crainte aucune des juges qui l’interrogent. Cyprien sera décapité le 14 septembre 258. L’exécution a lieu en présence de nombreux témoins dans l’Ager Sexti du proconsul Galère Maxime, où il s’était retiré pour des raisons de santé (en dehors de murs de la ville de Carthage). L’évêque reste maître de lui, allant jusqu’à se nouer lui-même le bandeau sur les yeux. La communauté chrétienne accompagne en foule son pasteur, demandant à mourir avec lui, confessant la même foi. Après le martyr, les actes nous disent : « …son corps fut emporté non loin de là, pour le soustraire à la curiosité des païens. La nuit venue, on vint le prendre, à la lueur des cierges et des torches, et on l’emporta, au milieu des prières et en grand triomphe, au cimetière du proconsul Macrobius Candidatus, situé sur la route de Mappala, près des piscines ». LE CULTE DE SAINT CYPRIEN A CARTHAGE Ainsi donc deux lieux de vénération de saint Cyprien surgirent très tôt à Carthage. Il s’agit, en effet, de la question des basiliques cyprianiques. Le problème du nombre des monuments cyprianiques a suscité de nombreuses discussions en raison de la difficulté d’identification du peu de vestiges que nous retrouvons aujourd’hui à Carthage. Par Victor de Vita nous savons que hors de la ville deux grandes basiliques étaient consacrées à saint Cyprien : l’une à l’endroit où il fut martyrisé et l’autre à l’endroit où il fut enterré au lieu-dit les « Mappales » : « Mais aussi hors l’enceinte, il 4 (Geiséric) occupa celles qu’il voulait et en particulier les deux (basiliques) remarquables et vastes du martyr Cyprien, l’une où il a répandu son sang et l’autre dans laquelle fut enterré son corps, lieu que l’on appelle les Mappales)1. Les sermons de saint Augustin nous confirment aussi qu’il y avait deux sanctuaires de saint Cyprien, à son époque : celui de la memoria, aux Mappales, là où il avait été enterré, et celui qui avait été érigé au lieu de son supplice, la mensa Cypriani2. Fig. 3. Topographie de Carthage et emplacement des basiliques cypriennes. Sur le lieu de sa sépulture : Par les actes de martyr nous savons que saint Cyprien fut enterré aux areae Macrobi Candidati (un terrain de Macrobio Candidatus), situées sur la route des Mappales, à côté des piscines, au pied de la colline, près du palais3. Saint Augustin, de son coté, affirme dans les Confessions, alors qu’il racontait son départ pour l’Italie : « Et comme elle [Monique] refusait malgré tout de repartir sans moi, j’eus de la peine à la persuader d’entrer dans le lieu tout proche de notre navire, de la mémoire du bienheureux Cyprien (memoria beati Cypriani), pour y passer cette nuit-là. Mais cette nuit-là furtivement, moi je partis, elle non : elle resta là, à prier et à pleurer ». La description de ce lieu près du rivage faite par saint Augustin concorde avec celle que donne Procope dans son récit de l’arrivée des Byzantins à Carthage au moment de la fête de saint Cyprien : « À Carthage, on vénère tout spécialement un saint homme du nom de Cyprien. On a construit en son honneur, devant la cité, au bord de la mer, un temple prestigieux ». Il faut noter que dans les confessions, écrites en 1 Victor de Vita, Historia persecutionis africanae provinciae, I, 5, 16. Textes pour le lieu d’enterrement : Memoria beati Cypriani ; In ecclesia Mappaliensi apud memoriam beati episcopi et martyris Cypriani ; In Mappalibus, id est in basilica beati martyris Cypriani; Basilica beati martyris Cypriani in Mappalibus; In Mappalibus; In Mappalia ; basilica martyr Cypriani. Textes pour le lieu de martyr : Augustin, Confessiones, V, 8, 15 ; Procope, III, XXI, 17 ; Augustin, sermon 330 du 18 août 397 (année généralement admise) ; sermon 308 A = Denis 11 du 13 septembre avant 400 ; sermon 313 F = Denis 22 du 14 septembre avant 400 ; sermon 305 A = Denis 13 du 10 août 401 ; Enarratio in psalmum XXXII, II, 1 du 13 septembre 403, un dimanche ; sermon 313 C = Morin Guelf. 26 du 14 septembre en 396-397 ou en 403 ; sermon Mayence 5, De oboedientia ; sermon 311 du 14 septembre entre 403 et 405 ; Enarratio in psalmum LXXXV, du 13 septembre 416 ; sermon 313 prononcé à une date indéterminée, peut-être un 14 septembre : De Miraculis Sancti Stephani protomartyris libri duo, voir : livre II, ch. II, 969. 3 Dans les actes de saint Maximilien, qui indique le lieu de la déposition du saint, mort en 295, nous lisons : « Et Pompeiana matrona corpus ejus de judice meruit perduxit ad Carthaginem et sub monticulo juxta Cyprianum martyrem secus palatium condidit ». 2 5 397, on lit tout simplement « in loco » alors que chez Procope dans Les Guerres de Justinien, écrites en 545, nous lisons un temple prestigieux. Évidemment, il était difficile au XIXème siècle de pouvoir identifier avec certitude le lieu de l’enterrement de Cyprien aux Mappales et le lieu décrit par saint Augustin comme memoria beati Cypriani d’autant plus qu’il n’y avait pas de repères archéologiques ou épigraphiques évidents. Mais depuis la publication par Fr. Dolbeau en 19934 du texte du sermon dit Mayence 5, De oboedientia, il n’y a plus aucun doute sur leur coïncidence. Augustin y rappelle les fêtes qui agitaient jadis l’église des Mappales, située près de la memoria du bienheureux évêque et martyr Cyprien : « Dans l’église des Mappales, auprès de la memoria du saint évêque et martyr, quelles grandes fêtes avaient lieu habituellement, si nous nous en souvenons ». Ces festivités qui avaient eu lieu auprès de la memoria étaient déjà évoquées dans le sermon 311 où il est dit, que, à l’occasion des vigiles célébrées au tombeau du saint, « les chants et les danses furent chassés de l’église où était enterré Cyprien ». La coïncidence de l’église des Mappales avec celle de la Memoria était implicite dans le récit des Miracles de saint Etienne se rapportant à Megetia, femme de condition aisée de Carthage, guérie par saint Etienne d’une paralysie faciale. Une de ses amies de Carthage lui proposa, par la suite, d’aller in Mappalia, pour s’acquitter d’un vœu au saint martyr Cyprien. Il n’est donc pas illogique de penser que c’est cette église qui détenait le corps du bienheureux Cyprien. Cette église peut être, sans doute, identifiée à celle découverte par l’archéologie au début du XXème siècle et que nous pouvons visiter aujourd’hui à Carthage. En effet, sur le plateau de Borj Djedid à quelques mètres d’un groupe de piscines et en bordure de la mer juste avant la ville de Carthage en dehors des murs théodosiens, a été dégagée par le P. Delattre, en 1915, une grande basilique chrétienne. Cet endroit était anciennement appelé sainte-Monique. Rappelonsnous qu’elle avait prié dans la memoria beati Cypriani. Ainsi la position de cette basilique coïncide parfaitement avec les descriptions faite par Procope et saint Augustin5. L’endroit a servi de cimetière bien avant l’implantation de la basilique. L. Ennabli nous indique que la moitié des 403 épitaphes recueillies par le père Delattre dans cette basilique cimetériale, appartiennent à une période d’inhumation qui se place à la fin du IVème siècle. L’autre moitié daterait des débuts de la période byzantine. L’étude des épitaphes indique en effet que les inhumations s’arrêtèrent peu après le début du VIIème siècle. Fig. 4. Basilique de saint Cyprien au bord de la mer, plan schématique d’après le P. Delattre. 4 Cf. F. Dolbeau, Les sermons de saint Augustin découvert à Mayence. Un premier bilan, comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1993, 137-1, p. 153-171. 5 Cf. L. Delattre, « Une grande basilique près de sainte Monique à Carthage », CRAI, 1916, p. 512. 6 Fig. 5. La position de la basilique et les piscines de Dar Saniat (l’aerea de Macrobius Candidatus). Fig. 6. La basilique reconstituée par le P. Delattre en 1930. L’abside, située au nord-ouest, est flanquée de deux sacristies. Le quadratum popoli, long de 61, 60 m, comporte 7 nefs et quatorze travées. On comprend alors pourquoi Procope disait « un temple prestigieux ». L’implantation de la basilique est perpendiculaire au rivage. On montait donc de la mer vers la basilique. Cela explique aussi le compte rendu de saint Augustin. On remarquera également que l’abside est au N.-O., face à la mer. Cette basilique n’est pas orientée. Ch. Saumagne affirme que les textes des Actes décrivent bien les alentours de la basilique6. Le monticulus serait la montée de la colline de Sidi-bou-Said. Le palatium serait celui de Macrobius, qui avait cédé une partie de sa propriété ou de son aerea pour y déposer le corps de saint Cyprien. Les piscines évoquées seraient les bassins de Dar Saniat à quelques mètres de la basilique. Ces bassins recevaient l’eau d’une source. Ils devaient servir à approvisionner en eau douce les navires qui venaient accoster dans le port d’Amilcar. 6 Cf. Ch. Saumagne, Les basiliques cypriennes, Revue Archéologique, 1909, II, p.188. 7 Comme nous l’avons vu cette église a été occupée par les vandales à l’arrivée des Byzantins, au temps de Gélimer, puisqu’elle fut reprise par les catholiques le 14 septembre 533, au jour de la célébration des fêtes cyprianiques, ainsi que le raconte Procope. Il est aussi intéressant de noter que dans cette église se trouvait le fameux lutrin évoqué par Grégoire de Tours : « Le bienheureux Cyprien, évêque et martyr de Carthage, rend souvent la santé aux malades qui l’implorent. Dans sa basilique est un lutrin, sur lequel on pose un livre pour chanter ou lire, et qui est, diton, d’un art merveilleux. On rapporte qu’il est sculpté tout entier dans un seul bloc de marbre : la table d’en haut, à laquelle on monte par 4 marches ; la balustrade du pourtour ; les colonnes du dessous. Car il y a une estrade, sous laquelle peuvent se tenir huit personnes. Jamais le génie de l’homme n’aurait pu exécuter cela, si la vertu du martyr ne s’en était mêlée »7. Fig. 7. Vue actuelle de la basilique. Les traces de vandalisme sont notables (Cl. P. Silvio Moreno). Sur le lieu de son supplice : ici, je fais un résumé de la présentation faite par plusieurs auteurs8. Pour la situation du lieu du martyre, le texte le plus sûr est celui des Actes. Il relate que saint Cyprien fut conduit au domaine de Sextus (Ager Sexti) où le proconsul se reposait, hors de la ville. C’est donc à l’Ager Sexti qu’il faut chercher la basilique édifiée sur le lieu du martyre. Cette église nous est connue, par les sermons de saint Augustin, sous le vocable de « mensa cypriani ». Le premier sermon dans ce lieu, dit : habitus Carthagine ad mensam beati martyris Cypriani. À cet endroit Cyprien avait répandu son sang, « quand en ce lieu le très bienheureux martyr répandit son sang sacré ». Là, un autel avait été consacré : « Cet autel, en effet, nous ne l’avons pas élevé à Cyprien comme à un dieu, c’est bien plutôt de Cyprien que nous avons fait un autel en l’honneur du Vrai Dieu ». Dans le groupe de ces sermons (Enarrationes in psalmos CIII et CXLVI) qui ont eu lieu à la mensa, saint Augustin fait allusion à une église qui se construisait alors : « Est-ce-qu’il ne vous saute pas aux yeux que la caisse de votre pasteur est vide ? Mais vous voyez assurément s’élever l’édifice où vous entrerez et ferez vos prières ». Cela est très intéressant et laisserait entendre que jusqu’alors il y avait un édifice de moindre importance, par exemple une chapelle, qui protégeait la mensa. De même qu’aux Mappales, une chapelle existait, seule, à la fin du IVème siècle. Une évidence s’impose : c’est la véracité du récit de Victor de Vita qui situait les basiliques cyprianiques hors les murs. En effet, c’est sans doute à peu de distance de la cité que saint Cyprien a versé son sang dans la propriété où résidait le proconsul Galerius Maximus, située sans doute dans le faubourg de Mégara, lieu de résidence aéré. 7 Cf. Histoire des Francs, collection des Universités de France, 2 vol., Paris, 1963-1965. Cf. L. Ennabli, Carthage, une métropole chrétienne du IVème à la fin du VIIème siècle, Paris, 1997, p. 135-141 ; F. Baratte, F. Bejaoui et autres, Basiliques chrétiennes d’Afrique du Nord, II-Monuments de la Tunisie, Bordeaux, 2014, p. 139-142. 8 8 Fig. 8. Topographie de la Carthage chrétienne : Basilique Damous el Karita, Basilique Majorum et le terrain de Bir Ftouha, saint Cyprien à l’Ager Sexti (rouge). Fig. 9. Bir Ftouha, secteur du triconque, plan d’ensemble par le P. Delattre, avril 1928. (Cl. INP). 9 Fig. 10. Détails du secteur du triconque et le puits (bir) du terrain. Au lieu-dit Bir Ftouha, à Carthage, un grand cimetière entourait une basilique que l’on rattache, depuis le P. Delattre, au culte de saint Cyprien. C’est en raison de sa situation et de vestiges retrouvés qu’elle est généralement identifiée avec la basilique élevée sur le lieu de son martyre. Cet endroit devint très vite une area ad sanctos et un lieu de pèlerinage. Les fidèles tenaient sans doute à se faire inhumer près de la mensa, et de l’autel de saint Cyprien. Cette église fut confisquée par Geiséric selon Victor de Vita. Sur une première partie de ce vaste terrain, fouillé par le P. Delattre en 1880, une chapelle funéraire trichore (même style que Damous el Karita) fut découverte. Cette chapelle contenait dix sarcophages très bien conservés, trois dans chaque abside et un au milieu. À l’ouest, elle s’ouvrait sur une salle hypostyle dont les quatre nefs étaient pavées d’une mosaïque géométrique ; seule une nef avait conservé sa décoration. Il y avait également sur le terrain un puits qui donne le nom au terrain « Bir Ftouha ». A l’intérieur du puits un matériel liturgique, unique à Carthage, a été retrouvé : lampes chrétiennes, vases en cuivre, en plomb et en terre cuite avec décor incisé, dont un bénitier décoré d’une croix latine accostée de deux poissons et des trois premières lettres de l’alphabet. Tout cela confirme que le lieu a bien abrité un centre chrétien. Après une découverte fortuite, lors d’une plantation d’arbres, P. Gauckler fit des fouilles sur le site en 1895 et en 1897. Il déclare avoir trouvé, « à 100 m à l’est des sondages de Delattre, une grande et somptueuse basilique chrétienne de l’époque byzantine». Les mosaïques retrouvées ont été en grande partie détruites lors de la fouille ; celles qui avaient été laissées sur place ont été par la suite transférées aux musées du Bardo et du Louvre. La mosaïque semi-circulaire semblerait être celle d’un déambulatoire, la partie rectangulaire étant le quadratum populi. Un motif de guirlande de lauriers s’enlaçant en festons et en torsades entourait des médaillons circulaires ou des étoiles, renfermant des croix latines et d’autres figures symboliques chrétiennes : colombes, canards, phénix, paons affrontés, perdrix, flamants, grues, hérons, corbeilles de fruits. Un des motifs, reproduit huit fois, est celui du calice, avec ou sans anses, couronnant un monticule d’où jaillissent les quatre fleuves du paradis auxquels s’abreuvent un cerf et une biche agenouillés de part 10 et d’autre. Il a été décrit par le P. Delattre, qui a fouillé le terrain encore une fois en 1928-29, comme une mosaïque eucharistique. Lors des dernières fouilles de Susan Stevens, en juillet 1994, une datation de ces mosaïques au début ème du V siècle semble se dégager de l’étude de la céramique. Rappelons à cette occasion les propos tenus, au tout début du Vème siècle, par saint Augustin sur une église en construction, visible par les fidèles au moment où il parlait. Or, c’est à l’emplacement de la mensa, que prêchait alors saint Augustin. Cette basilique cimetériale, qui possédait aussi un baptistère, était, sans doute, le lieu d’un dépôt de reliques ainsi que le laisse supposer l’inscription suivante : [+(H)]ic sun[t reliquiae sanct ]orum m[artyrum... e]t I[...]. Les inscriptions retrouvées dans le cimetière sont, comme toujours, d’époques très diverses allant du IVème au VIIème siècle ; cinq d’entre elles, d’époque byzantine, étaient sur mosaïque. Ce grand ensemble cultuel comprenait donc une église cimetériale sans doute martyrologique, ainsi que des bâtiments annexes et des thermes, appartenant peut-être à l’origine à une grande villa, dont les jardins pouvaient être arrosés par les eaux du puits. Ecoutons encore la voix de saint Augustin : « Dans le lieu sacré où il a laissé la dépouille de son corps, on voyait alors une multitude en fureur accourue pour verser le sang de Cyprien en haine du Christ; et dans ce même lieu se presse aujourd’hui une foule pieuse pour boire le sang du Christ en célébrant la naissance de Cyprien. En l’honneur de Cyprien elle y boit le sang du Christ avec d’autant plus de bonheur, qu’avec plus de dévotion Cyprien a répandu son sang pour le Christ. Vous savez aussi, vous tous qui connaissez Carthage, que dans ce même lieu on a élevé une table au Seigneur; on l’appelle pourtant table de Cyprien ; non que Cyprien y ait mangé, mais parce que Cyprien, ayant été immolé en cet endroit, a disposé par son immolation même à l’érection de cette table où il ne doit ni donner ni se donner à manger lui-même, mais où on doit offrir, comme lui-même s’est offert, le sacrifice au Seigneur. Voici néanmoins pour quel motif on nomme table de Cyprien cette table qui est à Dieu : c’est que, dans le lieu même où cette table est aujourd’hui environnée de fidèles, là Cyprien était autrefois entouré de persécuteurs; dans le lieu où cette table est vénérée par des amis en prières, là Cyprien était outragé par des ennemis en fureur; dans le lieu enfin où elle a été élevée, a été abattu Cyprien. «Chantez le Seigneur, célébrez des hymnes en son honneur : lui qui s’élève vers le couchant » a fait ces merveilles en l’honneur d’un homme renversé par la mort ». (Sermon 310). Fig. 11. Secteur du triconque et basilique byzantine, plan P. Gauckler. (Catalogue basiliques chrétiennes). 11 Fig. 12. Bir Ftouha, basilique trouvée par P. Gauckler, plan restitué de l’église et du baptistère derrière l’abside, d’après S. Stevens 2005. (Cl. CatBasChr.). Fig. 13. Reconstitution de la basilique byzantine de Bir Ftouha. 12 Fig. 13. Mosaïque du pavement de la basilique de Bir Ftouha, musée du Bardo. (Cl. P. Silvio Moreno). Fig. 14 et 15. Mosaïque avec calice, couronnant un monticule d’où jaillissent les quatre fleuves du paradis auxquels s’abreuvent un cerf et une biche agenouillés de part et d’autre. Bir Ftouha. Musée du Bardo. (Cl. P. Silvio Moreno). Saint Cyprien écrivait : « Le Sang du Christ est aussi réel et objectif que le sang des martyrs ». 13 Fig. 16. Fragment et détails du pavement de la basilique de Bir Ftouha au musée du Louvre, France. (Cl. Flickr.com). Fig. 17. Mosaïque du pavement de la basilique de Bir Ftouha. Croix latine pâtée avec Alfa et Omega. Musée du Bardo (Cl. P. Silvio Moreno). 14 LE CULTE DE SAINT CYPRIEN EN DEHORS DE CARTHAGE Deux reliquaires à Haïdra, l’ancienne Ammaedara. Le premier témoignage (fig. 17) sur saint Cyprien au sud de la Tunisie, est une pierre signalant un dépôt de reliques (un procès-verbal). Elle provient de la basilique dite de Melleus ou de saint Cyprien. Elle recouvrait, placée au niveau du sol, le reliquaire du chœur occidental de la basilique (elle en avait deux absides). Le moulage complet a été réalisé pour le musée de la Civiltà Romana. La pierre était cassée en trois, et il manquait l’angle supérieur droit. Voici l’inscription : Hic abentur reliquie beat[i ou issimi] martiris et antistitis Cypriani, d(e)p(ositae) a beat(o) Melleo ep(i)sc(op)o, an(no) IIII D(o)m(in)i Iustini imp(eratori)s. Traduction : Ici se trouvent les reliques du bienheureux martyr et évêque Cyprien, déposées par sa Béatitude Melleus, évêque, la 4ème année du Seigneur Justin, Empereur. La date de cette inscription varie entre le 20 novembre 568 et le 19 novembre 569. Il faut dire que cette inscription est l’une des rares inscriptions chrétiennes datées d’Afrique du Nord. A remarquer dans cette inscription le titre antistes (pour episcopus). Il est souvent attribué à saint Cyprien et présente un caractère recherché. Il marque aussi la différence entre l’évêque, saint et martyr et le reste des évêques9. Il faut aussi noter que Melleus est qualifié de beatus comme Cyprien. Par cette inscription, on croit que cette basilique était la cathédrale de la ville d’Ammaedara. Fig. 18. Basilique de Melleus, Haïdra. Plan (Cl. G. Hallier et M. Rival 1968) avec les deux chœurs : oriental (rouge) et occidentale (jaune). Dans le chœur occidental a été retrouvée la pierre procès-verbal de la déposition des reliques. Dans le chœur orientale a été retrouve le reliquaire avec le monogramme de saint Cyprien. Le deuxième témoignage, trouvé dans cette même basilique, est un grand reliquaire qui provient du contre-autel de la basilique. Il est exposé actuellement au musée du Bardo. Il s’agit d’abord, d’une plaque qui servait de couvercle au reliquaire. Sur la plaque a été marqué un monogramme cruciforme dont les lettres sont repassées à la peinture rouge. Ce qui est intéressant c’est que le monogramme fait référence à saint Cyprien (à ressemblance des monogrammes de la basilique de saint Pierre au Kef) : Sanctus Cyprianus. Dans notre cas, il s’agit bien du saint titulaire de cette église, Cyprien, dont les reliques avaient été déposées sous l’autel. Nous suivons la lecture proposée par L. Ennablie : le qualificatif sanctus et Cyprianus est inscrit en toutes les lettres. C’est ce qui explique la position de la lettre S et l’ordre des lettres : S (au centre de 9 Cf. Y. Duval, Loca Sanctorum africae, p. 119. Voir le commentaire de Y. Duval sur cette inscription. 15 la croix), A (à gauche de celle-ci), N (à droite), C (dans la boucle supérieure du S), T constituant avec le P et le R de Cyprianus une croix, le V (pour U) que l’on lit à l’envers de la partie inférieure de la branche verticale de la croix (qui donne aussi le Y), et le S final qui est le même que celui du milieu, le I qui reste à trouver est placé dans la branche verticale de la croix10. La caisse du reliquaire en pierre calcaire est divisée en 5 petits compartiments pour les reliques. Fig. 19. Reliquaire de saint Cyprien. Basilique de Melleus. Haïdra. (Cl. P. Silvio Moreno). Fig. 20. Couvercle du reliquaire en pierre avec le Monogramme de saint Cyprien. Haïdra. (Cl. P. Silvio Moreno). 10 Fig. 21. Description du monogramme et son développement probable : Sanctus Cyprianus. (Cl. N. Duval, 1965). Nous ne suivons pas la lecture de Duval, mais celle de L. Ennabli. Cf. L. Ennabli, Catalogues des inscriptions chrétiennes sur pierre au musée du Bardo, 2000, p. 68. 16 Fig. 22. Vue actuelle de la Basilique cathédrale de Melleus à Haïdra, avec les deux chœurs : oriental (rouge) et occidentale (jaune). (Cl. P. Silvio Moreno). Finalement dans le baptistere de Kelibia (Demna), au Bardo, nous retrouvons une autre inscription invoquant le nom de Cypriano : S(an)c(t)o beatissimo Cypriano episcopo antiste cum S(an)c(t)o Adelfio presbitero huiusce unitatis Aquinius et Iuliana eius cum Villa et Deogratias prolibus tessellu(m) aequori perenni posuerunt. Est-il notre saint Cyprien de Carthage ? La question reste toujours ouverte. En effet, historiens et archéologues ne se sont jamais mis d’accord11. Courtois disait qu’il ne pouvait s’agir de l’évêque de Carthage essentiellement en raison de la construction de la phrase qui ferait de Cyprien et d’Adelphius l’évêque et le prêtre de la localité. J. Carcopino et J. Zeiller ont exprimé leur conviction qu’il s’agissait bien de saint Cyprien, en raison du sanctus beatissimus qui s’adresse à un personnage déjà illustre. N. Duval a confirmé, à plusieurs reprises, sa conviction de l’identification avec l’évêque de Carthage : « différents indices et notamment l’accumulation des titres permettent de reconnaître dans le sanctus beatissimus Cyprianus episcopus antistes le célèbre martyr africain ». P. Testini a contesté qu’il en fût ainsi et a déduit du caractère « volontairement emphatique du texte » que Cyprien était un évêque vivant au moment de la construction du baptistère, la redondance ne convenant pas à une personne aussi célèbre que saint Cyprien. J.-L. Maier a exclu qu’il s’agisse de saint Cyprien : « C’est à tort que l’on invoque le titre d’antistes donné à Cyprien car il s’applique à des évêques de n’importe quel siège ». La notice de la Prosopographie de Mandouze, juge « préférable d’y voir un évêque de Clypea dont l’appartenance à l’Église catholique se déduit du mot Unitas ». 11 Cf. Ch. Courtois, « Sur un baptistère découvert dans la région de Kelibia », CRAI, 1956, p. 143 ; J. Zeiller, CRAI, 1956, p.143 ; N. Duval, Karthago IX, 1958, p. 142-149 ; Karthago XI, 1961-1962, p. 214-215 ; Recherches archéologiques à Haïdra, II, p. 186-187 ; P. Testini, « Il complesso cultuale scoperto nella regione di Kelibia », Rivista di archeologia cristiana XXXVI,1-2, 1960, p. 123-144 ; J. Maier, « L’épiscopat de l’Afrique romaine, vandale et byzantine, Rome, 1973, p. 285 ; Y. Duval, dans Loca Sanctorum Africae, I et II, p. 54-58 notice 25, et p. 681. 17 Y. Duval, affirme qu’aucune des deux interprétations de ce texte exceptionnel ne s’impose, et le problème reste ouvert, avec cependant une préférence pour l’identification à l’évêque de la communauté locale de l’époque de la réalisation de la cuve, mais dans son deuxième tome de Loca Sanctorum, semble élargir les perspectives d’une possible assimilation à saint Cyprien. En voici le texte : « On serait fort tenté d’identifier l’évêque de Carthage ; mais Cyprien ne porte pas ici le titre de martyr, et l’économie d’ensemble de la dédicace nous reste obscure. Si le baptistère est dédié à l’évêque-martyr, nous aurions à Kelibia une trace de son culte en Proconsulaire hors de Carthage : mais cette hypothèse, vraisemblable à cause du titre d’antistes accolé à un nom qui n’est pas très courant, n’est pas assurée dans le contexte de l’inscription » (p. 681). Finalement D. Raynal, à partir d’une lecture du baptistère à la lumière de la lutte entre catholiques et donatistes, est pour l’identification avec le grand évêque de Carthage12. Cette lecture est fort intéressante : l’essentiel de ce qui est proclamé dans ce monument se compose de six éléments : le baptême d’abord, puisqu’il s’agit d’un baptistère, un évêque Cyprien, la mention de l’Unité qualifiant le prêtre Adelphius, et en bordure du baptistère l’apposition de trois mots dont l’importance a été malheureusement sous-estimée : pax fides caritas. Baptême, Cyprien, Unité, Paix, Foi, Charité. On est au cœur de la controverse ecclésiologique sur le Baptême dans l’Église d’Afrique, entre catholiques et donatistes. Cette correspondance explique aussi qu’il n’ait pas été jugé indispensable d’adjoindre, ici, à saint Cyprien le titre de martyr. Sur ce baptistère, nous trouvons d’abord l’affirmation ecclésiologique des donatistes : Baptême, Cyprien, Église de l’Unité. Nous lisons ensuite la réplique des catholiques telle qu’elle fut définie par saint Augustin : Paix, Foi, Charité. Selon cette lecture, ce baptistère fut donc construit par les donatistes (qui se considéraient faussement dans l’église de l’unité). Leur cause était justifiée par la doctrine de saint Cyprien sur le baptême des hérétiques (voir le traité de saint Augustin contre les donatistes). Mais les catholiques impriment leur marque aux églises enlevées aux donatistes. C’est le cas de la phrase ajoutée à l’entrée de la salle baptismale après la construction du baptistère : paix, charité, foi. Ces trois mots, caractérisent le point d’aboutissement de la réponse très difficile de saint Augustin et de la hiérarchie catholique aux donatistes sur le dossier de saint Cyprien et du baptême. Les donatistes se réclament de saint Cyprien à propos du Baptême et de l’Unité de l’Église : ils ont la Foi, ils n’ont pas la Charité ; ils n’ont pas la Charité donc ils n’ont pas la Paix. Saint Cyprien se trompa sur le Baptême, mais il donna une leçon éminente de Charité et de Paix dans la Foi au jour de son martyre. Fig. 23. Baptistère de Demna. Cap Bon. Musée du Bardo. (Cl. Tunisie antique). 12 Cf. D. Raynal, L’Eglise d’Afrique, Uppenna II, Toulouse, 2005, p. 757-792. 18 Une des lettres de remerciement envoyée à saint Cyprien, par quelques prêtres et évêques condamnés aux mines lors de la persécution de Valérien, disait entre autres choses : « Les autres forçats s’unissent à nous pour te remercier, très cher Cyprien, de ce que par tes lettres tu as réconforté les cœurs accablés, guéri les membres déchirés par les verges, brisé les entraves des pieds, aplani la chevelure des têtes rasées par moitié, éclairé les ténèbres de la prison, nivelé les mines, présenté un parfum de fleurs exquises aux narines (empestées) et fait évaporer l’épaisse fumée (qui emplit les galeries de mine) ». Le monde chrétien d’alors n’avait jamais connu une figure comparable à celle de saint Cyprien. Adulte, sans ostentation, il se dépouille de tous ses biens, pour se faire un trésor dans le ciel. Ses nuits et une partie de ses journées furent consacrées à la prière intense. On le voit, malgré les menaces et le péril de sa vie, soutenir jusque sous les yeux du juge, le courage des chrétiens persécutés. Il avait reçu du ciel l’efficacité de la parole, le don de consoler les affligés, de réconcilier les ennemis, et il engageait tout son diocèse à ne rien préférer à l’amour du Christ. Sa parole était encourageante, sa force était redoutable et sa foi était impérissable. Voilà le grand saint Cyprien, père et évêque de Carthage. 19 BIBLIOGRAPHIE (non exhaustive) A. Edmond. « Les reliques de saint Cyprien. Deux lettres inédites du vénérable Alain de Solminihac, évêque de Cahors » (1637- 1659). In: Revue d’histoire de l’Église de France, tome 2, n°12, 1911. A. 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Œuvres complètes de saint Augustin : https://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Staugustin/index.htm 20