French Public Law

Tous les juristes connaissent la distinction entre les décisions administratives et les actes administratifs non décisoires. Cette distinction détermine, en principe, la recevabilité du recours contentieux. Elle a fait l'objet de nombreux travaux. Les distinctions entre les actes non décisoires restent en revanche très largement méconnues. Or, la prise en compte des actes non décisoires par les instances juridictionnelles, aussi bien administratives que judiciaires, incite à repenser la place reconnue à ces actes, à la fois dans la pratique et dans la théorie du droit.

En effet, certains de ces actes - comme les recommandations de bonnes pratiques médicales - peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et sont pleinement invocables devant le juge. Les autres - comme les voeux, ou les circulaires - échappent le plus souvent à toute contestation, et ne peuvent pas être utilement invoqués en justice. D'autres enfin - comme les actes préparatoires, ou les "lignes directrices" - sont soumis à un régime juridique intermédiaire : insusceptibles de faire l'objet d'une contestation directe, ces actes font l'objet d'une exception d'illégalité et les justiciables peuvent s'en prévaloir à l'appui de leurs prétentions. Comment expliquer ces différences ?

En tentant de répondre à cette question, l'auteur constate que l'hétérogénéité actuelle du droit souple n'est pas toujours justifiée. D'où l'idée d'une simplification possible, qui consisterait à soumettre les actes non décisoires à un régime juridique plus homogène, et qui permettrait de leur réserver un traitement juridictionnel plus uniforme. Cette simplification n'est pourtant envisageable que si l'on franchit au préalable les barrières théoriques qui séparent le droit "souple" et le droit "dur". En s'appuyant sur les acquis de la philosophie générale du langage, l'auteur propose ainsi une systématisation des connaissances, en intégrant les actes non décisoires dans la famille des actes unilatéraux, traditionnellement considérés comme nécessairement contraignants. La simplification de la pratique jurisprudentielle suppose donc une sorte d'unification théorique. Tels sont les principaux objectifs de la présente thèse.

La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire a fait l'objet de débats, parfois enflammés, sur les questions de la mise en quarantaine, des fichiers des personnes infectées ou encore de la responsabilité. Peu d'observateurs ont remarqué qu'elle élargissait également les pouvoirs du gouvernement pour réquisitionner, non plus seulement des biens et des services, mais également des personnes. Cet article rappelle l'usage qui a été fait du pouvoir de réquisition dans les premiers jours de la crise sanitaire en amont de l'adoption de la loi du 23 mars instituant un état d'urgence sanitaire. Cela permet ainsi d'interroger l'apport et les objectifs réels de la loi. Il faut également s'interroger sur la fonction propre de la réquisition de personne telle que révélée par l'histoire de la pratique administrative. L'analyse prolonge ici celle développée en 2017 dans la Revue française de droit administratif. L'autonomisation de la réquisition de personnes a potentiellement deux finalités : mettre en défaut l'exercice du droit de grève et celui du droit de retrait dans le difficile contexte économique du déconfinement.

(juin) – In the context of the coronavirus pandemic, the French Parliament passed a state of health emergency law on 23 March 2020. By that point, the Government had already taken the necessary measures with the means available to it. These were repealed and enacted anew as state of emergency orders and regulations. This raises the question whether enacting health emergency legislation was necessary. Opinions are divided between those who welcome the clarification of the legal status of emergency regulations, and those sceptical of any attempt to normalise such measures. There is no doubt that the global health crisis doesn’t allow for a perfect solution. It is not clear, however, that creating a new emergency regime is the lesser evil given the cost to public liberties.
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Le dispositif de lutte contre la propagation du coronavirus en France est déjà en vigueur lorsque le gouvernement fait adopter la loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020. Les mesures sont alors reprises par le décret d’application et unifiées sous le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. Les uns y voient une clarification bienvenue de la réglementation de crise, les autres la banalisation de mesures qui doivent demeurer exceptionnelles. Nous posons la question de savoir s’il était nécessaire d’apporter un fondement juridique alternatif à ce dispositif. Sans doute la crise sanitaire n’admettait-elle aucune solution idéale. Toutefois, il n’est pas évident que le moindre mal était l’introduction dans l’ordre juridique d’un nouveau régime d’exception qui coûte cher en termes de libertés publiques.

Cet article est la version française d’une contribution intitulée « Highway to the Danger Zone : Das Scheitern des französischen Staates am Beispiel seines Straßenverkehrswesens », in : Freiheit, Gleichheit, Eigentum - Öffentliche Finanzen und Abgaben, Festschrift für Rudolf Wendt, Jochum/Elicker/Lampert/Bartone (dir.), Berlin, Duncker & Humblot, 2015

n° 5, p. 958-971.  Nous assistons à un essor de la pratique de la réquisition des grévistes, c’est-à-dire l'« acte de puissance publique [par lequel] les autorités responsables fixent à leur poste les salariés désireux de déserter leur travail au moment d'un conflit social » (J. Salomon), qu’il soit édicté par les titulaires d’un pouvoir de police administrative (CE, 9 déc. 2003, Aguillon) ou par un chef de service au titre du pouvoir d’organisation du service (CE, 12 avril 2013, Fédération FO Energie et mines). Or, la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la nation pour le temps de guerre, première apparition de la réquisition de personnes dans la législation, crée un pouvoir de police administrative spéciale. C’est sur le fondement de celle-ci qu’est rendu l’arrêt Isnardon (CE, 24 fév. 1961) souvent cité. Cette loi toujours en vigueur est tombée en désuétude.
Cet article montre qu’il est impératif de comprendre l’histoire de l’usage de la réquisition dans un contexte de conflit social dans les services publics pour saisir les raisons pour lesquelles ce fondement juridique premier de la réquisition des grévistes est devenu indisponible - notamment à la suite de la grande grève des mineurs de 1963. On a alors assisté au développement progressif de fondements alternatifs de la réquisition de personnes. L’arrêt Dehaene (CE, 7 juill. 1950), proclamant et encadrant dans le même mouvement le droit de grève des agents des services publics, joue un rôle important dans cette analyse. Cet arrêt a aujourd’hui un rôle-matrice dans toute question liée à la grève de service public qu’il n’avait pas en 1950, à une époque où la réquisition de police administratif spéciale de la loi de 1938 constituait une réponse juridique au conflit social à part entière, et préexistante, dans les services publics. Ainsi, la jurisprudence Dehaene a aujourd’hui acquis un rôle de fondement juridique de la réquisition de service public (dans l’arrêt de 2013) qui n’aurait pas eu grand sens en 1950.

TD de droit des libertés publiques
Note de jurisprudence : études des arrêts du Conseil d'État de 1933 à 2014 concernant les libertés de réunion et des spectacles.
I – Les faits : résumé succinct de chacune des affaires
II – Étude de la procédure : l'apport de la loi du 30 juin 2000
III – La problématique juridique et la portée des décisions
IV – Les motivations des décisions : une multiplication et un renforcement des sources