Colloque organisé par Daniel Fliege, Marie Guthmüller et Philipp Stenzig, 02-04 septembre 2021, à la Humboldt-Universität de Berlin. La redéfinition du culte des saints compte parmi les mesures principales découlant du Concile de Trente....
moreColloque organisé par Daniel Fliege, Marie Guthmüller et Philipp Stenzig,
02-04 septembre 2021, à la Humboldt-Universität de Berlin.
La redéfinition du culte des saints compte parmi les mesures principales découlant du Concile de Trente. En 1588, sous le pape Sixte V, l’Église codifia la canonisation avec la fondation de la Sacrée Congrégation des Rites. C’est dans cette même année que fut imprimée la première édition de la Vida de Thérèse d’Avila et qu’éclata la polémique de auxiliis à la suite de la publication du De concordia liberi arbitrii du jésuite Luis de Molina, polémique qui allait dominer le débat théologique jusqu’au XVIIIe siècle, notamment en France. Au XVIe siècle encore parurent d’importantes hagiographies, qui devaient servir de modèles aux vies des saints du « siècle des saints » : sur Thérèse d’Avila (Ribera 1590), Ignace de Loyola (Ribadeneyra 1572), Charles Borromée (Bascapè 1592) ou François Xaver (Torsellino 1594).
Avec la redéfinition du processus de canonisation, la nécessité de fournir des preuves devint de plus en plus importante, soit pour témoigner de la vie vertueuse du saint potentiel, soit pour authentifier le caractère divin des miracles provoqués par lui. Les différentes conceptions de la preuve oscillent entre les procédures rhétoriques de persuasion, l’exposé de preuves dans la philosophie naturelle ou bien les processus juridiques de la preuve. En même temps, en raison de la polémique de auxiliis et d’une spiritualité en transformation due en partie aux influences espagnoles, les autorités ecclésiastiques focalisèrent l’attention de plus en plus sur le cheminement intérieur du servus Dei.
L’hypothèse de départ de ce colloque consiste à supposer que l’hagiographie réagit à ces changements : au XVIIe siècle, de nouvelles hagiographies se multiplièrent et furent de plus en plus souvent rédigées avant la canonisation, de façon à recueillir des documents aptes à faire preuve de la sainteté du servus Dei. À cette fin furent intégrés ou joints aux vies des saints de nombreux témoignages provenant des familles, des confesseurs ou des consœurs et confrères du saint potentiel, mais aussi des observations médicales et notamment, à grande échelle, des écrits autobiographiques du saint potentiel lui-même : ces documents sont censés servir de ‘preuves’ de la sainteté et le colloque cherche à savoir de quel type de preuve il s'agit et comment elle est conçue et exprimée sur le plan rhétorique. Ce contexte peut également expliquer la raison pour laquelle de nombreuses autobiographies spirituelles peuvent être lues comme hagiographies. Ce sont, en effet, souvent des saints potentiels qui donnent dans ces textes un témoignage direct sur leur combat avec les forces du mal et sur leur chemin intérieur vers Dieu. Bien que des « autohagiographies » aient déjà existé avant le XVIIe siècle, leur nombre semble augmenter au cours du « siècle des saints ».
Certes, la critique a déjà souligné que les premières hagiographies post-tridentines provenant d’Espagne et d’Italie ont servi de modèles pour l’hagiographie du XVIIe siècle et que certaines d’entre elles ont été rapidement traduites en français. Mais, en général, jusqu’à présent, l’hagiographie post-tridentine a reçu relativement peu d’attention, surtout en regard de la tradition hagiographique médiévale. Soit l’hagiographie post-tridentine a été examinée dans des études sur des cas particuliers, soit dans des cadres nationaux ou linguistiques.
Face à ce constat, ce colloque se propose d’examiner l’hagiographie post-tridentine comme un phénomène européen avec un accent sur la France, en réunissant des chercheurs de différentes disciplines, notamment des historiens et des littéraires, mais aussi des historiens de l’Église, des historiens des sciences et des théologiens. Il s’intéresse moins aux grands projets hagiographiques comme les Acta Sanctorum, mais se concentre sur la ‚biographie dévotionnelle‘, c’est-à-dire les hagiographies qui ont été écrites à des fins d’édification pendant la vie ou peu de temps après la mort du servus Dei.