Temps Et Aspect

Cet ouvrage s'intéresse aux temps grammaticaux et à leurs rapports avec le temps des physiciens, des philosophes, des humains de base et des linguistes.
On introduit un concept nouveau, les Traits pertinents temporels, qui permettent d'expliquer l'emploi des temps du français dans la principale comme dans la subordonnée. Chaque chapitre est introduit par une carte mentale, les règles sont présentées sous la forme d'algorithmes graphiques, les explications se doublent de croquis, le tout permettant de mieux appréhender les problèmes.
Le public visé est celui des enseignant(e)s et des étudiant(e)s de Français Langue étrangère. Les enseignants de français langue maternelle y trouveront également leur compte.
Ce livre se double d'un site internet en libre accès, contenant des documents et des articles.

ABSTRACT
To the question «What is time?», F.W.J. Schelling and Gustave Guillaume responded in ways that reveal affinities in their approach, beyond the differences characteristic of a philosopher's and a linguist's respective preoccupations. This article seeks to shed light on several of these affinities. The two thinkers viewed time not as a «construct» or a «product», but rather as an affirmative force, as a potentiality. They both rejected the image of a river or a line, in favor of a vertical figure representing time descending from above and existing only insofar as it comes to be, each time. For Schelling, time is thus considered an affirmative force which embodies itself in things. In this respect, Guillaume's linguistic reconstruction of how the time-image is formed during chronogenesis, with its two vectors—verticalization and horizontalization—parallels Schelling's philosophical analysis.

RÉSUMÉ
À la question « Qu'est-ce que le temps ? », F.W.J. Schelling et Gustave Guillaume ont apporté des réponses qui présentent, par-delà les différences de préoccupation propres au philosophe et au linguiste, une affinité dans l'approche, dont le présent article tente d'éclairer plusieurs aspects. Ainsi les deux penseurs dénient-ils au temps le caractère de « construit », de « produit ». Tous deux considèrent le temps comme une force affirmative, une puissance. Les figures du fleuve ou de la ligne sont rejetées au profit d'une figure verticale d'un temps venant d'en haut et n'existant que dans la mesure où il advient chaque fois. C'est le temps comme force affirmative qui s'incarne dans les choses, pour Schelling. La reconstitution guillaumienne de la formation de l'image-temps au cours de la chronogénèse, avec ses deux vecteurs, la verticalisation et l'horizontalisation, apparaît doubler d'une analyse linguistique les considérations schellingiennes.

Notre travail est une contribution à la recherche en didactique de la langue sur la façon dont les étudiants apprennent la grammaire (Camps, 2000a, 2000b, 2010; Durán, 2008; Fisher, 1996, 2004; Fontich, 2006, 2010; Kilcher-Hagedorn et alii, 1987; Notario, 2001, entre autres), non seulement du point de vue des contenus grammaticaux mais aussi de la méthodologie utilisée dans la classe. En particulier, nous nous concentrons sur la façon dont les élèves (du dernier cours de l’éducation obligatoire en Espagne) conceptualisent les différences de temps et d’aspect des temps verbaux du passé en espagnol (passé simple, imparfait, plus que parfait, antérieur et conditionnel), de leurs principales réalisations d’apprentissage, des obstacles qu’ils trouvent (épistémologiques o d’utilisation), des stratégies qu’ils adoptent et des grammaires de référence pour cet apprentissage.
La recherche commence avec une intervention en contexte naturel de classe, conçue comme une étude d’évaluation à petite échelle (Piggot et Barr, 2002), sur le modèle des séquences didactiques de grammaire (Camps, 2003;  Camps et d’autres, 2005; Camps et Zayas, 2006). Comme point de départ, on a choisi un problème identifié dans la classe: la prédominance du passé simple dans les narrations écrites des étudiants, en contextes dont l’alternative avec le plus que parfait est possible (Perdió el libro que se compró/había comprado pocos días antes; Il a perdu le livre qu’il a acheté/avait acheté quelques jours avant). Pour étudier si la réflexion sur les temps verbaux peut améliorer l’écriture, en situation de classe, on a élaboré une séquence didactique de grammaire (¿Para qué usamos los tiempos verbales del pasado? /À quoi utilisons-nous les temps verbaux du passé?), dans laquelle les élèves réalisent deux grands tâches communicatives (Nunan, 2002): la préparation d’une affiche pour expliquer deux temps verbaux du passé et pour les comparer (tâche de conceptualisation) et l’écriture d’une petite histoire avec planification guidée et révision entre pairs des temps verbaux du passé (tâche d’usage réflexif). Après l’implémentation de la séquence (à un lycée publique de Valencia, Espagne), l’analyse systématique des données de produit (des textes élaborés par les étudiants) et la triangulation avec les données de processus (surtout les interactions et la révision) révèle les réussites et les difficultés résultants de la conceptualisation et de l’usage des temps verbaux du passé en textes narratifs (Rodríguez Gonzalo, 2009, 2010a et b ; 2011).
Nous nous concentrons ici sur les résultats de la tâche de conceptualisation, proposée comme un processus cognitif qui peut être décomposé en étapes (permettant son usage didactique), qui ne sont pas rigidement hiérarchisées: la perception, la comparaison, l’inférence et son vérification. Ces trois opérations mentales forment un processus d’abstraction, qui permet de généraliser des situations particuliers (Barth, 2004).
Dans l’analyse des données on a pris en compte les textes produits par les étudiants (les affiches explicatives) et les interactions entre pairs pendant la tâche, analysées par l’approche de Lemke (1997) su le dialogue scientifique.
Les résultats de la conceptualisation des étudiants montrent que l’élaboration du connaissance grammaticale doit considérer: a) la nécessité de graduer la complexité des concepts, b) les liens des concepts avec leurs contextes d’usage, c) l’importance du compétence fonctionnel et d) la relation entre langage quotidien et métalangage grammatical durant les interactions des élèves.

L'objet de l'analyse proposée est la catégorie du temps dans les proposition relatives en français, et, en particulier, des propositions relatives dites "narratives" (Une fois les taons affolèrent le cheval qui cassa le brancard.)
Dans les relatives narratives, ce sont surtout le passé simple, et, dans un bien moindre degré, le passé composé d'antériorité, qui dominent à la fois dans la proposition d'accueil et dans la relative elle-même. Le présent et l'imparfait n'y figurent que si le verbe en question est perfectif. Tout au contraire, pour les relatives non-narratives, le présent et l'imparfait prédominent, et le passé simple est très rare surtout dans la relative.
En somme, ce n'est pas le temps grammatical qui conditionne l'interprétation narrative d'une relative, mais l'aspect (perfectif) du verbe de la relative toujours postposée, grâce auquel est obtenue l'enchaînement des événements désignés.

Contrairement à une idée reçue, héritée des traditions formalistes et structuralistes, la dimension verbale de la représentation de l'action, et notamment le choix des temps et des modes, est loin d'être indiffé­ rente pour définir l'intrigue du récit. En effet, la narratologie contem­poraine insiste de plus en plus sur l'interaction entre le texte et la représentation cognitive de l'histoire que le lecteur élabore tout au long de sa progression dans le récit. Dès lors, l'intrigue n'est plus seulement la configuration globale et stable de l'histoire, qui finit parfois par se dévoiler à la fin du texte, mais elle est une matrice instable dont la forme dynamique repose sur une tension qui se noue en engendrant des virtualités et de l'incertitude dans la lecture. La mise en intrigue, dont dépend la structuration séquentielle du récit, est donc fondamentalement inséparable de l'interaction discursive et de la manière dont le procès est verbalisé dans le texte.

Cet article examine l’emploi du présent de narration dans l’interaction à partir d’un corpus tiré d’émissions de radio. Il analyse l’alternance entre présent et prétérit et argumente que la fictionnalisation du présent de narration explique son apparition entre autres dans les séquences saillantes d’un point de vue discursif, en particulier celles qui expriment une situation surprenante. Le rôle de la forme progressive associée au présent est pris en compte. Les formes introductives de discours rapporté étant les plus sujettes à cette alternance temporelle, sont ensuite comparés le verbe introducteur say et la construction (be) like. On montre que le statut du discours rapporté est différent dans les deux cas, say impliquant à la fois une situation et une source assertive, tandis que le complément de (be) like est avant tout le signe approximatif d’un dire censé représenter une situation ou un type de situation.

L’analyse d’énoncés dans lesquels on observe des emplois du pretérito perfeito simples (prétérite PPS) en portugais brésilien atteste que les premières valeurs sémantiques mises en place par l’enfant de cette forme verbale ne peuvent pas être traitées par les approches théoriques qui le présentent comme un « temps du passé ». Cela rejoint les travaux inscrits dans le champ de la linguistique de l’énonciation (Théorie des Opérations Prédicatives et Énonciatives) sur le fonctionnement sémantique-énonciatif du PPS en ce qui concerne sa productivité dans la langue. En effet, au-delà des emplois où sa valeur renvoie à un temps du passé, il y a un large ensemble d’énoncés dans lesquels le PPS fait référence à un fait tenu pour avéré ou accompli au moment de l’énonciation. Notre discussion examine les caractéristiques constitutives de leur rôle langagier dans les interactions d’un enfant brésilien (âgé de deux ans) afin d’affiner la description grammaticale du PPS et de contribuer au développement des recherches en portugais brésilien sur les premières acquisitions syntaxiques. Nous analysons, ici, des emplois du PPS sous l’angle de leur organisation syntaxique, sémantique et discursive, en nous centrant sur ses productions
spontanées. Les résultats attestent d’un ensemble de caractéristiques, dont la plus significative est la présence d’énoncés construits avec des verbes à la 3ème personne du singulier du PPS qui, en nʼacceptant pas lʼintroduction dʼune forme pronominale ou d’un groupe nominal comme sujet syntaxique, ne sont pas attachés à la production dʼun discours narratif.