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Fleur des pierres: Passerelle
Fleur des pierres: Passerelle
Fleur des pierres: Passerelle
Livre électronique112 pages1 heure

Fleur des pierres: Passerelle

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À propos de ce livre électronique

Une romance avec une touche de danger et d'aventure qui vous portera dans le village de Saint Même-les-Carrières.

Dans le dépaysement du village de Saint Même-les-Carrières, et grâce au charme d’un jeune immigré roumain, Alexandru, Lucille grandit en prenant du recul sur son milieu de Parisienne privilégiée. Jusqu’à cette rencontre avec un dealer qui essaie de l’agresser sexuellement et l’insulte sur sa couleur de peau. Quand on a comme mère une Martiniquaise charismatique et commandant de police, on n’a pas envie de se soumettre aux hommes sexistes. La jeune femme, en proie à tous les troubles émotionnels de son âge, cherche à conserver sa dignité dans un contexte de violence faite aux femmes, épaulée par son petit ami avec qui elle vit une amourette de vacances. Et puis il a y a cette tentation de visiter des carrières en partie englouties et interdites au public, dont on raconte qu’elles s’étendent sous terre, immaculées comme une cité perdue. Mais toute quête d’émancipation comporte des risques.

Rémy Lasource décrit avec justesse l'émancipation d'une jeune femme qui cherche au fond d'elle-même qui elle est vraiment.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie26 mai 2021
ISBN9791038801356
Fleur des pierres: Passerelle

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    Aperçu du livre

    Fleur des pierres - Rémy Lasource

    cover.jpg

    Rémy Lasource

    Fleur des pierres

    Roman Jeunesse

    ISBN : 979-10-388-0135-6

    Collection Passerelle

    ISSN : 2729-2843

    Dépôt légal : mai  2021

    © couverture François Cheminade pour Ex Æquo

    © 2021 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.

    Éditions Ex Æquo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.com

    Pour mon père Roger,

    un fils de Saint-Même-les-Carrières

    qui nous manque à tous désormais.

    Un vent frais disloque le troupeau des nuages qu’il éloigne vers d’autres prairies célestes, et j’ignore pourquoi j’imagine un berger invisible conduire ses moutons dociles durant leur transhumance. Au chaud dans la voiture, quand je soupire contre la vitre je fais d’étranges buées que j’essuie aussitôt, de peur qu’elles ne révèlent mes pensées secrètes et mes rêves confus d’adolescente. Devant, mes parents se taisent après s’être disputés. Étrange silence, comme si leur colère s’était dissipée en même temps que le ciel nuageux, et que le soleil nous apportait un peu de répit, mais pour combien de temps ?

    Autour de nous, il y a toutes ces collines recouvertes de vignobles, un paysage étrange que je découvre, moi qui suis une vraie citadine d’île de France, habituée au bruit et à la foule. Ce panorama n’a rien à voir avec les avenues bondées et électrisantes qui font mon chez-moi. Les vignes ondulent sur le dos des coteaux comme un océan vert qui danse sous un ciel à l’azur lumineux. Les feuilles gonflées de jeune sève sonnent définitivement la venue du printemps et la sortie de l’hiver, raison pour laquelle mes parents vont me jeter dans ce coin de campagne paumé, loin des magasins, chez un cousin éloigné qui a accepté de m’accueillir comme une épave perdue, en rade, issue d’une famille en plein naufrage. Si mes vieux veulent se débarrasser de moi, c’est certainement pour mieux se déchirer ensuite, et sans avoir à supporter ma crise existentielle.

    Je checke mes réseaux sociaux avec le sentiment résigné d’être bannie loin de mes amies. Le printemps, m’explique mon père, est une saison contrastée ici, où les grêlons s’invitent dans les beaux jours, où le froid et les gelées viennent fouetter les jeunes pousses, et briser les récoltes en même temps que les premières chaleurs. Quatre saisons en un jour, confirme ma mère, où la pluie glacée arrive subitement. Comme sa colère me dis-je, qui nous tombe dessus de façon injuste et sans raison.

    Dans la voiture j’ai ma joue toujours collée contre la vitre pour mieux observer le paysage. Parce que regarder ces vignes plantées droites et leur chevelure feuillue se mouvoir dans le vent m’apaise un petit peu. J’imagine des collines en Toscane, mais non, je ne suis que dans un truc désertique où ne restent que des vieux, sur les hauteurs du fleuve Charente, où on fait du cognac, et où le premier hypermarché est à des dizaines de kilomètres. Coincée ici je n’aurai que mon vélo, génial pour mes seize ans. Punition totale.

    Notre voiture franchit le panneau Saint-Même-les-Carrières, tu parles d’un nom. Papa m’a déjà dit que le village a eu son heure de gloire à la fin du XIXe siècle jusque dans les années 1950, où l’on extrayait des blocs de pierre blanche dite « de taille », qu’on a exportés dans le monde entier. Mais je découvre une commune figée dans le silence, qu’on m’explique être creuse comme un gruyère, rognée par des galeries souterraines aujourd’hui toutes condamnées. Le long de la route, je vois de gros trous qui sont d’anciennes entrées, béantes comme des bouches vides et noires, ouvertes sur des ténèbres, et toutes barrées par des grilles envahies de ronces. Des arbres ont poussé de façon anarchique en travers de ces gueules, preuve que ces carrières ont été laissées à l’abandon. Genre, j’imagine dire ça à mes copines, #lieupaumé, #endroitdangereux, plein de trous noirs vers des souterrains sales, quelle horreur. Mais les hirondelles sont déjà là dans les rues en coupant le silence de leurs cris joyeux, et j’observe leurs silhouettes noires fendre le ciel bleu, seul mouvement vif dans l’immobilisme local.

    Mes parents cherchent leur chemin dans le bourg, la direction pour aller chez mes cousins François et Agnès. On longe une grande place aux magasins fermés, pas loin un monument aux morts, quand subitement on tourne à angle droit sur une route étroite entre deux grands bâtiments, et j’ai l’impression qu’on se faufile entre des contreforts par une issue secrète. Puis, au bout du chemin, c’est le cul-de-sac, mais nous tournons sur la droite pour découvrir un lieu caché, comme une clairière dans cette forêt de pierre. Alors on rentre dans un jardin fleuri au fond duquel une jolie chaumière s’est lovée, invisible de tous, dans un refuge de verdure.

    On descend, nos portes claquent, et je cligne des yeux comme à la sortie d’un long rêve. De grands arbres ont déployé des couronnes de verdure, et ouvrent leur bras comme des prieurs lèvent leurs bras aux cieux, ce qui confère une étrange paix à l’endroit. Les murs qui encerclent le jardin sont faits d’une pierre noble toute recouverte de mousse, avec entre les jointures de petits bouquets de violettes qui ont poussé sauvagement, et à mieux y regarder on dirait un manteau de lichen serti de bijoux fragiles et précieux. Je respire cette odeur qui sent quelque chose de champêtre, de sous-bois ou de fleuve, enfin je ne sais pas… Ce coin ainsi retiré du village pourrait ressembler à un conte de fées. Bon, ne t’emballe pas ma fille, j’imagine que ce trou humide est rempli de moustiques l’été. J’étire mon dos, pose mon casque, et regarde un vieux chien Fox Terrier avancer joyeusement vers moi en tordant de douloureuses articulations rouillées.

    — Elle s’appelle Camelle, me lance un homme charpenté aux cheveux poivre et sel.

    Je ne l’avais pas vu sortir. Il s’avance et embrasse mon père. Je m’accroupis pour présenter ma main au vieux toutou qui me lèche le bout des doigts de sa langue râpeuse. Je frissonne et ris en même temps. L’animal remue son arrière-train en grognant d’excitation. Une femme sort de la maison à son tour et se dirige vers maman. Pas loin, sous le tilleul, une antique balançoire est suspendue à une branche maîtresse, elle est toute patinée par les ans et a dû recueillir la joie de pas mal de gosses tout en les élevant dans les airs, peut-être même se souvient-elle des éclats de rire de François. Je me lève et me présente à ce cousin éloigné.

    L’homme, un colosse aux yeux doux, a le regard rempli de bonnes ondes, comme un lac lumineux. Dans cet endroit singulier, il a l‘air comme sorti d’une légende, avec ses grosses épaules et cette douceur qui lui impose des gestes lents et mesurés. Si on me disait que je rentrais dans une fable et qu’il était un enfant des carrières, un être sorti de ce pays sauvage, que son squelette était en réalité un assemblage de pierres et que ses muscles et tendons étaient faits de branches et de lierre, je pourrais le croire. Je dois être trop émotive en ce moment pour être autant impressionnée. À mon avis ça me vient de ces lieux. Pourtant je vois bien que François ne ressemble pas aux Parisiens que je connais, il est à la fois trop fort et trop gentil, trop équilibré, mais avec quelque chose en plus, une sagesse qui doit lui venir du silence, et j’ai l’impression de plonger dans les histoires d’autrefois. Et de me trouver en face d’un être de la forêt, aux os de calcaire et à la chair d’écorce, avec cette limpidité des sources dans le regard.

    Je me sens immédiatement bien, « Om-Aum » ferait la prof de Yoga, presque en harmonie ici, ce qui pourtant ressemble à un tableau cauchemardesque en comparaison de ma vie parisienne. François s‘approche pour me faire la bise, en se présentant sa femme et lui. Elle qui a un sourire spontané a l’air beaucoup plus dynamique que lui, et cette directrice d’école a en quelques secondes analysé qui j’étais et où j’en étais, ce que je suis bien incapable de faire. Papa sort mes valises, et une caisse de vin en cadeau pour héberger une ado polluée comme moi. Il y a une atmosphère que je n’ai pas l’habitude de rencontrer dans cet endroit, et qui a l’air de parler à une partie de moi dont j’ignorais l’existence.

    Je regarde les parterres envahis de fleurs,

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