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Les problèmes du secteur financier naissent généralement d'une multiplication des prêts
improductifs plus haut que les acteurs dominants des marchés financiers en matière de
financement des investissements et du commerce sont les banques, qui octroient des prêts
commerciaux, des lettres de crédit, etc. Parallèlement, les banques sont aussi les acteurs des
marchés financiers les plus vulnérables face aux crises, vulnérabilité dont nous allons parler
brièvement pour commencer. Prenons l'exemple très simplifié d'une «banque type» dont le bilan
est présenté ci-après (figure III.1). Supposons que cette banque a accepté des dépôts d'une
valeur de 90 unités. Ceux-ci sont enregistrés au passif puisqu'ils correspondent à de l'argent que
la banque doit aux déposants. La banque détient aussi un capital de dix unités, qui constitue une
dette envers ses actionnaires. Enfin, elle a prêté 100 unités à ses clients. Ces prêts sont inscrits à
l'actif puisqu'ils représentent de l'argent dû à la banque et que, en principe, la banque peut les
céder si elle a besoin de liquidités. Le ratio de fonds propres de cette banque est égal à 10 pour
cent. Si tous les emprunteurs remboursent les intérêts et le principal régulièrement (et si l'on fait
abstraction de la pondération en fonction du risque et d'autres complications), on peut dire que
cette banque est en bonne santé parce que son ratio de fonds propres, 10 pour cent, est
supérieur au seuil généralement accepté de nos jours, soit 8 pour cent (voir BRI, 1997).10
Supposons maintenant qu'un client ne peut rembourser son emprunt, et que la banque perd cinq
unités. Si la banque passe cette somme par profits et pertes, la valeur des prêts tombera à 95 et
celle du capital à 5. Le bilan en ressort beaucoup moins solide: le ratio de fonds propres tombe à
5,3 pour cent. Pour parvenir au seuil de 8 pour cent, la banque devra lever de nouveaux capitaux
ou réduire la valeur des sommes prêtées de manière que le capital restant soit suffisant par
rapport aux prêts accordés. Si elle est incapable de lever des capitaux, elle devra ramener
l'encours des prêts de 95 à 62,5 (5/62,5 = 8 pour cent). Pour cela, elle pourra affecter les sommes
remboursées par les emprunteurs au remboursement des déposants, ou exiger le paiement des
emprunts échus. Si les pertes sont trop grandes (et compte tenu des lois et règlements du pays),
la banque pourra être contrainte de fermer. Cet exemple nous montre déjà qu'il importe d'avoir
assez de fonds propres pour parer aux imprévus. Mais, même avec un ratio de fonds propres de
15 ou 20 pour cent, les banques sont des entreprises à fort levier financier. Leur capital
n'équivaut qu'à une petite partie des prêts qu'elles consentent. L'exemple qui précède est aussi
très près de la réalité: il suffit souvent d'une perte de 10 pour cent de l'ensemble des prêts
octroyés pour réduire le capital d'une banque à zéro. On voit donc que les banques ont un effet
de levier beaucoup plus grand que les autres entreprises. Il importe de se demander pourquoi les
banques prêtent de l'argent à de «mauvais» clients. La principale raison en est l'asymétrie des
informations détenues par la banque et l'emprunteur
Une faiblesse généralisée du secteur bancaire
peut déclencher une crise et un mouvement de retraits excessifs Quand des prêts improductifs et
d'autres pertes provoquent la faillite d'une banque, les pertes subies par les déposants sont souvent
amorties grâce à l'acquisition de la banque insolvable par une banque en bonne santé, à l'existence
d'un système d'assurance implicite entre les banques, ou à des mécanismes officiels d'assurance des
dépôts. Mais si plusieurs banques sont en difficulté, le système financier au complet peut en pâtir.
Les banques peuvent refuser ou être incapables de reprendre leurs concurrents affaiblis. Il arrive que
les mécanismes d'assurance cèdent sous le poids des pertes. Par ailleurs, la faiblesse ou la défaillance
d'un nombre croissant de banques nuit à la confiance envers le système financier en général. Dans
l'impossibilité de distinguer les banques solides des banques fragiles (toujours l'asymétrie de
l'information), les clients peuvent craindre que les quelques problèmes d'une banque représentent
simplement le sommet de l'iceberg et que leurs dépôts ne soient en sécurité nulle part. Il peut en
résulter une panique si les déposants sont tentés de retirer leur argent quel que soit l'état de santé
de la banque. C'est le genre de comportement «moutonnier» observable au niveau national. Pour un
déposant qui ignore quelle banque est fragile et quelle banque est solide, il est parfaitement logique
de retirer son argent où qu'il se trouve. C'est probablement ce qui s'est passé en Russie après
l'abandon, en août 1998, de la parité entre le rouble et le dollar. En situation de panique, certaines
banques, même saines, ne peuvent rembourser les déposants faute d'une trésorerie suffisante et
elles ne peuvent récupérer assez vite l'argent prêté (les dépôts étant souvent effectués à plus court
terme que les prêts). En conséquence, la crise, qui ne touche à l'origine que quelques établissements
fragiles, peut s'étendre à tout le système financier. Le seuil à partir duquel le fonctionnement du
système financier et la confiance sont mis en péril par le nombre de banques en difficulté et
l'ampleur de leurs pertes n'est pas le même dans tous les pays. Caprio et Klingebiel (1996a et b)
estiment que ce stade de «crise financière» est atteint en gros quand la valeur nette du système
bancaire tombe à zéro.
Une crise financière peut avoir des répercussions internationales à cause des échanges commerciaux
et, surtout, de l'interdépendance financière
Les crises financières sont souvent associées à des crises de la balance des paiements, mais pas
automatiquement. Un pays dont l'économie et le système financier sont complètement fermés peut
être en proie à une crise financière, mais l'absence de transactions en devises lui évitera une crise de
la balance des paiements. De nos jours, les deux types de crises surviennent souvent d'une façon
concomitante. C'est en partie parce qu'une crise financière pousse les investisseurs nationaux et
étrangers à sortir leur argent du pays. Si le pays ne possède pas suffisamment de réserves pour
couvrir ces sorties de fonds et d'autres obligations comme le service de la dette, une crise de la
balance des paiements peut se produire. Le retrait de capitaux internationaux peut aggraver les
difficultés des entreprises et des banques, incapables de reconduire les anciens prêts ou d'obtenir de
nouveaux financements. Ces facteurs peuvent avoir pour effet d'exacerber une crise préexistante ou
de plonger un système financier affaibli dans un état de crise. Cependant, la plupart des observateurs
s'accordent pour dire que les mouvements de capitaux ne peuvent causer à eux seuls une crise
financière (Goldstein et Turner, 1996; FMI, Perspectives de l'économie mondiale, 1998; Banque
mondiale, 1998). D'autre part, les crises financières peuvent se propager dans plusieurs pays à cause
d'une interdépendance financière croissante. Quand des investisseurs détenant un portefeuille
international diversifié déduisent des problèmes financiers d'un pays que des problèmes doivent
aussi exister dans des pays semblables en apparence, il y a contagion. La cause sous-jacente en est
souvent la même que pour les mouvements de retrait massif des dépôts bancaires et de fuite de
capitaux: l'asymétrie de l'information. Des investisseurs, qui ignorent quels systèmes financiers sont
robustes, retirent sans distinction leur confiance à des pays qu'ils jugent comparables et sortent leurs
fonds de tous ces pays. C'est ce qui s'est produit dans beaucoup de pays émergents après le
déclenchement de la crise asiatique. L'interdépendance financière peut aussi contribuer à la
contagion par un autre canal. Les pertes enregistrées sur un marché, par exemple, peuvent forcer les
investisseurs à retirer leurs fonds d'un autre marché par prudence. Supposons qu'un investisseur a
perdu de l'argent en Russie et que le risque qu'il court est devenu trop important par rapport à son
capital: la meilleure façon de se conformer aux règles prudentielles en vigueur dans son pays serait
probablement de retirer son argent d'un autre marché risqué (comme le Brésil, à l'époque). Mais,
paradoxalement, ce genre de prudence a eu pour effet de renforcer la contagion entre les marchés
émergents. En conséquence, les taux d'intérêt pratiqués pour attirer des capitaux dans ces pays
étaient parfois supérieurs de 10 points à ceux en vigueur dans les pays industrialisés pour des
instruments financiers comparables. Les difficultés financières des entreprises peuvent aussi avoir
des répercussions internationales par le biais du système commercial. Des entreprises défaillantes
peuvent «exporter» une partie de leurs pertes, par exemple, quand leur incapacité de payer leurs
importations ou de rembourser leurs prêts fait perdre de l'argent à des étrangers. Cela affaiblit le
bilan des entreprises et des banques très exposées à de tels marchés.
Le coût économique et social d'une crise financière peut être très élevé
L'expérience montre que le coût économique et social d'une crise profonde et prolongée peut être
énorme, mais qu'il peut être limité par l'adoption rapide de mesures correctives. C'est pourquoi l'État
doit souvent intervenir pour éviter une instabilité durable, comme celle que le Japon a connue dans
les années 90. L'intervention de l'État peut, cependant, coûter très cher, en creusant le déficit
budgétaire et la dette publique, ce qui à terme alourdit la charge fiscale. Les coûts associés à une
crise financière sont essentiellement de deux types. Il y a d'abord les dépenses engagées par l'État
pour recapitaliser les banques, absorber les créances irrécouvrables et rembourser les déposants, qui
sont souvent très élevées, pour une raison très facile à expliquer. Dans la plupart des pays, l'encours
du crédit varie entre 50 et 100 pour cent du PIB. Une crise financière caractérisée, mettons, par 20
pour cent de créances entièrement irrécouvrables entraînera une perte de 10 à 20 pour cent du PIB.
Si la moitié de cette perte est absorbée par le système bancaire lui-même, l'autre moitié, soit entre 5
et 10 pour cent du PIB, devra être prise en charge par l'État. Si seule une petite partie du système
bancaire fléchit ou si l'économie se redresse rapidement et que seule une faible part des créances est
irrécouvrable, les coûts pourront être limités. Si presque tout le système bancaire est touché et si
d'autres erreurs sont commises, les coûts pourront être beaucoup plus importants. Les crises
financières de l'Argentine et du Chili au début des années 80 ont coûté plus de 40 pour cent du PIB. Il
y a, deuxièmement, le coût économique et social; une baisse de la production, contraction des
échanges et aggravation du chômage et de la pauvreté. Ce coût est difficile à mesurer, mais nous
verrons plus loin qu'il peut être très important. Après la grande dépression, par exemple, la
production a diminué d'un quart dans beaucoup de pays. Dans certains des pays touchés par la crise
asiatique, la production a baissé de 5 à 15 pour cent en 1998. En résumé, il ne fait aucun doute
aujourd'hui que les crises financières sont devenues l'un des problèmes économiques les plus
redoutés. Les prêts improductifs et les pertes du secteur financier sont à la source des situations de
faiblesse financière. L'asymétrie de l'information favorise pour une grande part l'apparition de
difficultés, et leur propagation (par une réaction de panique et par contagion) à des banques et des
pays apparemment sans rapport. Dans ce qui suit, nous allons examiner plus en détail les causes des
prêts improductifs et des crises financières.
B. Causes des crises financières
Il existe principalement trois causes internes de crise financière: les erreurs de politique macro-
économique, l'insuffisance des mécanismes de réglementation et d'encadrement financiers, et
les interventions malheureuses de l'État sur le marché financier (voir Kono, Low, Luanga, Mattoo,
Oshikawa et Schuknecht, 1997). Une mauvaise politique macro-économique exerce des pressions
sur les systèmes financiers en engendrant, par exemple, des cycles d'expansion-contraction.
Quand un gouvernement adopte une politique monétaire expansionniste en abaissant les taux
d'intérêt, le financement des projets d'investissement et du crédit à la consommation s'en trouve
facilité. L'activité est stimulée et, dans la mesure où les capacités disponibles sont mieux
employées, une telle politique peut même ne pas être inflationniste. Une expansion prolongée
de la masse monétaire risque d'aboutir à une surchauffe lorsque la demande intérieure
commence à dépasser l'offre. Il en résulte une augmentation du prix d'actifs comme les actions
ou les biens immobiliers. La surchauffe de l'économie provoque aussi des tensions inflationnistes
plus générales. d'état doit alors relever les taux d'intérêt pour ralentir la machine économique.
Souvent, son intervention vient trop tard et les prix de certains actifs ont déjà augmenté au point
où ils sont essentiellement justifiés par la perspective de nouvelles hausses et non par le niveau
des loyers ou des bénéfices. Si la dette contractée pour l'achat de ces actifs n'est pas justifiée par
une rentabilité suffisante, et si une hausse des taux d'intérêt alourdit leur endettement, les
investisseurs essaieront de vendre leurs actifs. S'ils sont nombreux à le faire, la bulle spéculative
éclatera brutalement, et les prix s'effondreront. En Argentine, par exemple, les prix des
appartements ont augmenté de 50 pour cent et les cours des actions ont triplé en termes réels
entre 1977 et 1981, avant que la bulle crève et que tous les gains réalisés disparaissent en
l'espace d'un an (Baliño, 1991). Les investisseurs très endettés risquent de se retrouver avec une
situation nette négative, les prix obtenus à la vente ne couvrant pas leur dette. Dans ce cas, il
arrive que beaucoup d'investisseurs perdent carrément tout et ne puissent assumer leurs
emprunts. Il en résulte des prêts improductifs qui grèvent le bilan des entreprises et des
banques, comme nous l'avons vu. En outre, les fonds propres des banques comportent souvent
des actions et des biens immobiliers. Si le prix des actifs baisse fortement, les banques devront
peut-être diminuer la valeur de ces actifs dans leurs livres, ce qui réduit la valeur de leurs fonds
propres et limite leur capacité d'octroyer de nouveaux prêts.14 Si beaucoup de banques sont
touchées par l'effondrement du marché, une crise financière peut survenir. Cet enchaînement
d'événements a été constaté en de nombreux endroits depuis la grande dépression du début des
années 30, en Amérique latine au début des années 80, dans les pays nordiques au début des
années 90 et en Extrême-Orient tout dernièrement.15
La gestion macro-économique doit éviter deux menaces:
Un taux de change trop élevé, suivi d'une dévaluation, peut être à l'origine d'une instabilité
financière
Le maintien d'un taux de change fixe et trop élevé peut favoriser des cycles d'expansion-
contraction et une crise financière à cause de ses effets sur la balance des paiements et les prix
relatifs. Cette question est très complexe. Quand la monnaie de référence est celle d'une zone
caractérisée par une relative stabilité des prix, comme le dollar EU ou l'euro, et qu'une politique
monétaire expansionniste commence à créer de l'inflation, le taux de change effectif réel
augmente. Il s'ensuit une augmentation, en particulier, du prix des biens et services non
exportables (comme les biens immobiliers) par rapport à celui des biens exportables (comme les
voitures) parce que, dans le cas de ces derniers, les prix sont plus ou moins modérés par la
concurrence internationale. Autrement dit, le choix du régime de change peut aggraver le
déséquilibre des prix relatifs et gonfler exagérément la valeur des actifs. Une politique
expansionniste conduit aussi la demande globale à dépasser l'offre intérieure, avec pour
conséquence d'augmenter le déficit du compte courant, car la progression des importations est
plus rapide que celle des exportations. La vigueur de la demande attire les produits importés
tandis que l'appréciation de la monnaie rend les exportateurs moins compétitifs. La hausse du
déficit du compte courant doit être financée par une ponction dans les réserves ou un apport de
capitaux. Si, par exemple, le marché immobilier s'effondre alors et si beaucoup de prêts
consentis dans l'immobilier deviennent improductifs, les investisseurs risquent de ne plus
pouvoir rembourser leurs emprunts aux banques nationales comme étrangères. La confiance
diminue, le crédit se raréfie et la fuite des capitaux commence. Ces facteurs, conjugués à
l'insuffisance des réserves, peuvent alors contraindre le pays à abandonner sa parité fixe. Une
dévaluation de ce genre peut avoir de très graves répercussions dans les pays ayant beaucoup de
dettes à court terme libellées dans une monnaie étrangère. Elle accroît sensiblement la valeur
réelle (en monnaie locale) de ces dettes (Mishkin, 1998a). Les entreprises qui se font payer leurs
exportations en devises fortes peuvent le supporter, mais celles qui comptent sur leurs recettes
en monnaie locale pour rembourser leurs dettes en devises étrangères sont touchées beaucoup
plus durement. Des faillites s'ensuivent, avec les conséquences qu'elles ont, comme nous l'avons
vu, sur la proportion de prêts improductifs et sur la situation financière des banques. Dans les
pays asiatiques frappés par la crise, par exemple, beaucoup de dettes étaient libellées en devises
étrangères, et les importateurs et exportateurs ne s'étaient pas couverts, pensant que le taux de
change resterait stable. Quand un nombre important de prêts à court terme sont arrivés à
échéance et que les créanciers étrangers ont refusé de les refinancer, plusieurs monnaies ont
chuté très brutalement, ce qui a aggravé les problèmes des entreprises endettées à l'étranger.
Bien qu'une dévaluation puisse causer de graves difficultés au départ, nous verrons plus loin
qu'elle peut aussi beaucoup contribuer au redressement après une crise, car elle améliore
instantanément la compétitivité des secteurs du pays qui exporte et qui sont en concurrence
avec des produits importés.
Les crises bancaires ont pour autre cause fréquente l'insuffisance de la réglementation du
contrôle bancaire
Les banques sous-capitalisées sont moins armées face aux chocs de grande ampleur. Si les
critères d'agrément et de prudence sont laxistes, les banques sont mal gérées et, presque par
définition, fragiles. Si les banques ne sont pas mises en faillite même en cas de difficultés, leurs
dirigeants sont incités à devenir moins prudents et à octroyer plus de prêts risqués (pour
récupérer de leurs pertes). L'insuffisance de la gestion des risques est aussi une source
importante de problèmes dans beaucoup de pays (Kono et al., 1997; FMI, Marchés
internationaux de capitaux, 1998). Les crises financières sont presque toujours imputables en
partie au manque de transparence. Si les règles comptables d'un pays, par exemple, n'imposent
pas une divulgation rapide et appropriée des prêts improductifs, la réaction aux difficultés
naissantes peut s'en trouver retardée d'autant, avec pour résultat une accentuation des cycles
d'expansion-contraction. Revenons à notre exemple d'une banque initialement en bonne santé.
Supposons qu'un emprunteur cesse de rembourser les intérêts et le principal dus. Si la banque
est contrainte de signaler ces prêts et de les passer par profits et pertes, l'organe de contrôle
l'obligera à prendre des mesures de redressement avant de consentir de nouveaux prêts. Une
telle décision mettra aussi indirectement un frein à la course aux prêts et, donc, à l'inflation des
prix des actifs. S'il n'y a pas d'obligation de divulguer les prêts improductifs et de constituer des
provisions, la banque pourra continuer de prêter, contribuant du même coup à la flambée des
emprunts et des prix. Une réglementation prudentielle qui encourage la transparence peut aider
à contenir la surenchère et à limiter les risques de crise financière. Il est aujourd'hui largement
admis que, en permettant à des prêts improductifs de passer inaperçus et en retardant
l'adaptation du secteur financier, le manque de transparence a entraîné un excès de confiance, a
empêché que l'on soit alerté rapidement et a aggravé sensiblement la crise asiatique. La
surexposition à un emprunteur et les prêts à des parties liées sont aussi fréquemment considérés
comme étant la source de difficultés financières. Quand une banque accorde une part
importante de ses prêts à un seul emprunteur, une défaillance de ce dernier risque fort de
conduire aussi la banque à la faillite. Prêter à des salariés et des dirigeants de la banque ou à des
entreprises qui ont un intérêt dans la banque donne souvent lieu à des décisions imprudentes et
à des difficultés ultérieures. Dans beaucoup de crises financières passées, on a observé des
négligences de la part des organes de réglementation et de contrôle dans ces domaines. Enfin, il
ne suffit pas d'une bonne réglementation. Souvent, les contrôleurs ne font pas correctement leur
travail par manque de volonté (à cause d'incitations insuffisantes) ou par incapacité (faute de
moyens et de compétences). Or si les contrôleurs ne sont pas capables de déceler les prêts
improductifs, les erreurs de gestion, les fraudes, etc. et d'exiger des mesures correctives, la
stabilité financière s'en ressentira
Les interventions qui faussent le fonctionnement du secteur financier, telles que le favoritisme, la
répression financière et le protectionnisme, favorisent l'apparition de difficultés financières
Diverses autres formes d'intervention de l'État peuvent mettre en péril le secteur financier. Les
gouvernements de nombreux pays font peser sur le système financier des coûts qui relèvent
normalement du budget, par exemple en ordonnant aux banques d'accorder des crédits à
certaines entreprises ou personnes à des taux d'intérêt inférieurs au taux du marché. Les
bénéficiaires peuvent être des amis politiques ou des proches du pouvoir en place. Une autre
forme d'intervention nuisible consiste à réduire le coût du service de la dette publique en
obligeant les établissements financiers à détenir des dettes publiques rapportant moins que le
taux d'intérêt du marché. Tanzi (1995) signale que certains pays ont réussi dans le passé, grâce à
cette répression financière, à réduire le coût de l'intérêt de plusieurs points de pourcentage du
PIB. Ces interventions faussent l'allocation du crédit et restreignent de ce fait le potentiel de
croissance de l'économie. Elles peuvent aussi porter préjudice à la stabilité financière. Le coût
des crédits bonifiés ou des prêts improductifs qui en résultent doit être contrebalancé par le
produit d'autres activités. Quand les établissements de prêt ne réussissent pas à réaliser des
profits suffisants par ailleurs, ou qu'ils n'y sont pas autorisés, leur situation financière s'en trouve
affaiblie. Selon leur ampleur, ces interventions peuvent intensifier, voire déclencher, des crises
financières (Kono et al., 1997). Signalons aussi que l'interventionnisme dans le secteur financier
s'accompagne souvent de restrictions visant les fournisseurs de services financiers étrangers, qui
ont pour effet d'isoler le système financier et peuvent créer éventuellement, par voie de
conséquence, les rentes nécessaires pour compenser le coût des interventions de l'État. Mais
elles coupent aussi le secteur financier d'une concurrence et d'innovations salutaires, faussant du
même coup l'investissement et les flux financiers (François et Schuknecht, 1998).18 Kono et
Schuknecht (1998) expliquent que l'adoption de régimes restrictifs pour le commerce des
services financiers peut avoir aggravé la distorsion des mouvements de capitaux et diminué la
stabilité financière
Les chocs touchant les termes de l'échange et les hausses des taux d'intérêt au niveau
international peuvent être porteurs d'instabilité financière de la même manière que les cycles
d'expansion-contraction ;
Deux types de chocs extérieurs ont contribué à l'apparition de crises financières dans le passé: le
déclin des termes de l'échange et les hausses mondiales des taux d'intérêt. Dans les pays qui
subissent une dégradation des termes de l'échange, les recettes de l'État et les entreprises
emprunteuses diminuent, ce qui peut les rendre incapables d'assumer leurs obligations
financières à l'intérieur des frontières et à l'étranger. Il peut en résulter des problèmes de service
de la dette, une accumulation de prêts improductifs et une crise financière. Les pays peu
diversifiés qui exportent des produits de base dont les prix varient beaucoup sont les plus
exposés aux crises financières parce que, dans l'ensemble de l'économie, une grande partie des
prêts sont liés au secteur des produits de base. On peut donner comme exemple la crise
financière survenue, après une phase de prospérité, en Afrique ou en Amérique latine au début
des années 80.19 Après la seconde crise pétrolière, qui a abouti à une période de stagflation
(forte inflation et faible croissance) en occident et à une suspension de la dette du Mexique en
1981, les taux d'intérêt ont fortement grimpé. La plupart des pays en développement s'étaient
lourdement endettés à des taux d'intérêt réels faibles ou même négatifs à la fin des années 70.
Lorsque les taux d'intérêt sont montés en flèche, le poids de la dette a fait de même dans
beaucoup de pays. La crise de la dette qui s'en est suivie a souvent provoqué non seulement des
difficultés de paiement à l'extérieur mais aussi une crise d'endettement intérieure. Selon
Eichengreen et Rose (1997), les hausses de taux d'intérêt pratiquées dans les pays industriels
sont parmi les principaux facteurs qui expliquent les crises financières survenues dans les pays en
développement.
La volatilité des mouvements de capitaux internationaux peut aussi favoriser les crises
financières, surtout dans un environnement économique et politique qui manque de
transparence. Premièrement, des afflux de capitaux importants peuvent déséquilibrer la gestion
d'un pays au niveau macro-économique; la masse monétaire augmente mais une hausse des taux
d'intérêt à des fins anti-inflationnistes risque d'attirer encore plus d'argent étranger. Le
financement de l'achat d'actifs par de l'argent étranger et l'excès de la demande peuvent
provoquer une bulle spéculative, et des investisseurs étrangers mal informés risquent de
continuer à s'engouffrer sur un marché à la mode lorsque le manque de rentabilité des
investissements et les difficultés financières à craindre sont occultés. Le mirage évanoui, les
investisseurs perdent confiance et adoptent de nouveau un comportement grégaire, cette fois
dans l'autre sens. Les sorties de capitaux, aussi excessives que les afflux initiaux, aggravent la
contraction du prix des actifs et, de ce fait, les pressions qui s'exercent sur le système financier.
Les investisseurs mal informés peuvent aussi être plus portés à n'investir qu'à court terme. Une
telle situation fausse la structure des mouvements de capitaux et rend les pays plus fragiles face
aux changements d'humeur des investisseurs (Kono et Schuknecht, 1998). Nous avons vu que ces
phénomènes de comportement grégaire et de contagion internationale sont notamment
attribuables à l'asymétrie de l'information (voir Wolf, 1999). Le renforcement de
l'interdépendance financière à l'échelle internationale et le manque de transparence des
marchés financiers de nombreux pays en développement favorisent la propagation des crises
financières. Quand la Thaïlande a succombé à la crise, les investisseurs ont commencé à être plus
méfiants à l'égard d'autres pays asiatiques. Beaucoup d'observateurs pensent que, là aussi, le
manque de transparence a contribué à masquer les problèmes. Les investisseurs ont perdu
confiance et ont rapatrié leurs capitaux. Dans les cinq pays asiatiques touchés par la crise, les
sorties de capitaux ont représenté en moyenne presque 4 pour cent du PIB en 1997, après des
afflux de capitaux moyens d'une ampleur équivalente un an plus tôt. Les systèmes bancaires qui
étaient déjà faibles à l'époque n'ont pu supporter ce surcroît de pression. À la fin de 1998, dans
les pays asiatiques victimes de la crise, on a calculé que les prêts improductifs représentaient
entre 20 et 30 pour cent de l'encours total (FMI, Perspectives de l'économie mondiale, octobre
1998).20 Plusieurs observateurs pensent que la crise financière en Asie a été déclenchée (ou du
moins aggravée) par l'existence d'un risque moral, des investisseurs imprudents ayant trop
compté sur la garantie implicite des États. Selon eux, les investisseurs apportent plus d'argent
dans les pays où ils pensent que leurs dépôts sont implicitement garantis que dans les pays où ils
devraient assumer une partie des difficultés financières. Même si le principe d'un financement
international d'urgence est rarement mis en doute, certains observateurs considèrent que l'aide
«généreuse» octroyée au Mexique par la communauté internationale en 1995 et l'impression
qu'un financement international d'urgence peut facilement être obtenu à des conditions non
dissuasives ont aggravé le problème du risque moral en Asie en rendant plus crédible la caution
des États.
Réagir à une crise financière par des mesures protectionnistes risque plus d'accentuer que de
réduire les pressions sur les systèmes financiers ;
Enfin, une crise financière peut se propager sous l'effet de politiques commerciales
protectionnistes. À première vue, le protectionnisme semble un moyen idéal pour améliorer la
rentabilité des producteurs nationaux et, de ce fait, renforcer indirectement le système financier,
mais ses conséquences négatives sont probablement beaucoup plus importantes que ses
avantages. La protection fait augmenter le prix des importations. S'il s'agit d'intrants destinés à
des producteurs nationaux actifs sur le marché mondial, leur compétitivité et leur situation
financière en pâtiront.21 En outre, le protectionnisme peut nuire aux producteurs étrangers s'ils
perdent des marchés à l'exportation pour lesquels ils ont engagé des frais fixes ou s'ils ne
peuvent que vendre à perte leurs produits dans d'autres pays. Cela porte préjudice à la santé
financière des producteurs étrangers et, indirectement, à la stabilité financière des autres pays.
Enfin, le protectionnisme entraîne souvent des représailles qui, à leur tour, feront du tort aux
exportateurs nationaux. Il y a donc de fortes chances pour que les effets de la protection
commerciale sur le secteur financier dans le pays et à l'étranger soient négatifs.