Développement de Nouveaux Composites Hybrides
Développement de Nouveaux Composites Hybrides
Développement de Nouveaux Composites Hybrides
L’objectif de cette thèse est, d’une part, l’optimisation de la mise en œuvre des matériaux composites à
travers l’étude du comportement des renforts secs en compaction et, d’autre part, le développement et la
caractérisation de matériaux composites stratifiés hybrides renforcés par des fibres de carbone et de lin.
Durant la mise en œuvre de ces composites, les renforts sont soumis à un phénomène appelé compaction
transverse. La compréhension de ce mécanisme est importante pour l’amélioration de la mise en œuvre.
La connaissance de la capacité de compaction des renforts secs sert également à la prédiction du taux de
fibres ainsi que de l’épaisseur de la pièce composite finale. Des essais de compaction réalisés sur douze
renforts présentant de différentes solutions techniques ont montré que la capacité de compaction d’un
renfort sec est influencée par plusieurs facteurs. Les résultats obtenus de ce travail portant essentielle-
ment sur les renforts à fibres naturelles (lin) ont montré que ces types de renforts se compactent moins
bien que les renforts à fibres synthétiques (carbone, verre). Ainsi, pour pouvoir améliorer la capacité de
compaction de ces renforts naturels, il faut choisir ceux dont le grammage est important, ceux dont les
mèches sont en fibre et non en fil, ceux qui sont unidirectionnels (ou quasi UD) plutôt que des tissés ou
des bi-biais. De plus, il faut privilégier les séquences à plusieurs plis aux séquences mono-plis.
Face à un fort besoin d’allègement des structures, les matériaux composites sont de plus en plus recher-
chés dans le secteur industriel notamment dans le domaine des transports. Cependant, les matériaux com-
posites comme tout autre matériau, en plus d’être mécaniquement performant, doivent remplir d’autres
fonctions comme l’amortissement de chocs et de vibrations pour une bonne tenue en service. Pour rem-
plir cette double exigence, une des solutions est d’utiliser la technique d’hybridation qui consiste à uti-
liser au sein d’un même composite des fibres naturelles et synthétiques à la fois afin d’exploiter leurs
atouts respectifs. Respectivement en raison de leur rigidité et de leur pouvoir amortissant, les fibres de
carbone et de lin ont été choisies dans le cadre de cette thèse. La caractérisation des plaques stratifiées
fabriquées en infusion de résine montre que le composite carbone a de meilleures propriétés mécaniques
et microstructurales tandis que le composite lin propose des propriétés amortissantes très intéressantes.
Les résultats montrent que l’hybridation du lin avec du carbone permet d’améliorer considérablement les
faibles propriétés mécaniques du composite lin et les mauvaises propriétés amortissantes du composite
carbone. La séquence d’empilement des couches a une influence significative sur le comportement et les
propriétés des stratifiés hybrides. Nos résultats ont montré que pour avoir une meilleure microstructure
les couches de carbone doivent être disposées à l’extérieur. Cette façon d’hybrider permet également
d’obtenir de meilleures propriétés en flexion et en choc. En revanche, lorsque les couches de lin sont
placées à l’extérieur, le composite hybride a une meilleure capacité d’amortissement. Cette séquence
d’empilement garantit aussi une meilleure résistance en indentation. Ainsi, la séquence d’empilement
hybride à choisir dépendra du besoin que l’on cherche à satisfaire.
Enfin, grâce à une analyse basée sur la théorie classique des stratifiés, il a été démontré dans cette thèse
qu’on peut dimensionner des composites stratifiés hybrides malgré que les couches constitutives soient
de différente nature avec des propriétés dissemblables.
Mots-clés : composite, hybride, carbone, lin, compaction, mise en œuvre, propriétés mécaniques, amor-
tissement.
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Abstract
The goal of this thesis is, on the one hand, the optimization of the manufacturing of composite materials
through the study of the behavior of dry fibrous reinforcements in compaction and, on the other hand, the
development and characterization of hybrid composite laminates reinforced with carbon and flax fibers.
During the manufacturing process of these composites, the reinforcements are subjected to a phenome-
non called transverse compaction. Understanding this mechanism is important for improving the ma-
nufacturing process. Knowledge of the compaction capacity of the dry reinforcements also serves to
predict the fiber content as well as the thickness of the final composite part. Compaction tests carried out
on twelve reinforcements presenting different technical solutions have shown that the compaction capa-
city of a dry reinforcement is influenced by several factors. The results obtained from this work, which
focuses on natural fiber reinforcements (flax), have shown that these types of reinforcement are less com-
pactable than synthetic fiber reinforcements (carbon, glass). Thus, to be able to improve the compaction
capacity of these natural reinforcements, it is necessary to choose those whose area density is important,
those whose tows are in fiber not in yarn, those which are unidirectional (or quasi UD) rather than woven
or bi-bias. In addition, it is necessary to choose a multi-ply sequence rather than single-ply sequence.
Faced with a strong need for lightening structures, composite materials are increasingly sought in the in-
dustrial sector, particularly in the transport sector. However, composite materials like any other material,
in addition to being mechanically efficient, must perform other functions such as damping shock and
vibration for good performance in service. To meet this double requirement, one of the solutions is to
use the hybridization technique which consists in using within the same composite natural and synthe-
tic fibers at the same time in order to exploit their respective advantages. Respectively because of their
rigidity and their damping capacity, the carbon and flax fibers were chosen in the context of this thesis.
The characterization of the laminate composite plates manufactured with resin infusion process shows
that the carbon composite has better mechanical and microstructural properties while the flax composite
offers very interesting damping properties. The results show that hybridization of flax with carbon consi-
derably improves the low mechanical properties of the flax composite and the poor damping properties
of the carbon composite. The stacking sequence of layers has a significant influence on the behavior and
properties of the hybrid laminates. Our results showed that to have a better microstructure the carbon
layers must be put outside. This way of hybridizing also makes it possible to obtain better properties in
flexion and shock. By contrast, when the flax layers are placed outside, the hybrid composite has a better
damping capacity. This stacking sequence also guarantees a better indentation strength. Thus, the hybrid
stacking sequence to choose will depend on the need that is sought to meet.
Finally, thanks to an analysis based on classical laminate theory, it has been demonstrated in this thesis
that hybrid composite laminates can be dimensioned despite the fact that the constituent layers are of
different types with dissimilar properties.
Keywords : composite, hybrid, carbon, flax, compaction, manufacturing process, mechanical proper-
ties, damping properties.
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Remerciements
Cette thèse s’est déroulée dans l’antenne Alençonnaise du laboratoire CIMAP 1 commun entre le CEA,
le CNRS, l’ENSICAEN et l’Université de Caen Normandie. Je tiens à remercier le directeur du labo-
ratoire pour m’avoir accueilli dans son laboratoire. Les travaux ont notamment été réalisés au sein de
l’équipe PM2E 2 de l’Institut Universitaire de Technologie d’Alençon. Je remercie Monsieur Jun C HEN,
directeur de l’IUT pour son chaleureux accueil. Je remercie toutes les personnes qui ont contribué au bon
déroulement de ce projet.
Je voudrais remercier Monsieur Sébastien C OMAS -C ARDONA, Professeur à l’École Centrale de Nantes
et Monsieur Frédéric T HIEBAUD, Professeur à l’Université de Besançon pour avoir accepté la lourde
tâche d’être rapporteurs de mes travaux. Un énorme merci à eux pour l’intérêt qu’ils ont porté à mes
travaux de recherche et pour avoir étudié minutieusement mon manuscrit.
Je remercie vivement Madame Emmanuelle V IDAL -S ALLE, Professeur à l’Institut National des Sciences
Appliquées (INSA) de Lyon, Monsieur Bénoit V IEILLE, Maître de conférences HDR à l’INSA de Rouen
et Monsieur Joël B REARD, Professeur à l’Université du Havre pour m’avoir fait l’honneur de participer
à mon jury de thèse.
Comme tout projet, en dehors de l’aspect technique, l’aspect humain a été déterminant dans la réussite de
cette thèse. Cette aventure doctorale m’a permis de rencontrer beaucoup de gens qui, ont d’une manière
ou d’une autre contribué à la rendre magnifique. J’aimerais ici prendre le temps de leur dire merci.
D’entrée de jeu, j’aimerais remercier mon directeur de thèse, Alexandre V IVET. Je le remercie pour
m’avoir confié ce projet de thèse. Je le remercie pour sa disponibilité à chaque fois que j’avais besoin
de lui. Il a toujours su trouver du temps pour répondre à mes questions avec beaucoup d’entrain. Je le
remercie pour sa patience ; il a été si patient avec moi et me laissait toujours le temps nécessaire à la
réalisation des travaux. Je le remercie de m’avoir laissé autonome et responsable sur la quasi-totalité
du travail ; ceci m’a énormément rendu service. Je le remercie pour sa rigueur scientifique et le regard
critique qu’il portait à mes travaux lors de nos réunions. Je le remercie pour ses encouragements. Il a su
me guider comme il fallait pendant ces trois années de thèse. Je le remercie pour ses précieux conseils.
Je le remercie pour les nombreuses discussions qu’il a eues avec moi en fin de thèse par rapport à mon
avenir. Alex, j’ai beaucoup appris avec toi, je ne te remercierai jamais assez !
Je tiens à dire merci à tous les membres du labo avec qui j’ai partagé mes trois années de thèse. Je vous
remercie pour nos échanges, votre disponibilité et vos suggestions. Vos questions et remarques m’ont
permis de prendre du recul par rapport à plusieurs aspects de mes travaux. Les discussions que j’ai eues
avec vous ont dans une large mesure contribué à la réussite de cette aventure. Christophe P OILANE
(merci de m’avoir incité à apprendre latex), Olivier M ARESCHALL (tu as sauvé mes essais), Viwanou
1. Centre de Recherche sur les Ions, les Matériaux et la Photonique, Unité Mixte de Recherche (UMR6252)
2. Propriétés des Matériaux pour les Économies d’Énergie
vii
H OUNKPATI, Florian G EHRING, Jun C HEN, je vous dis merci. Merci à tonton Régis Q UERCIOLI pour
les échanges, pour sa bonne humeur et ses blagues. Meriem, Marwa, Ranim, Hao Miao, Amrane (mon
duo infuseur), Alphonse, Rofka, Amel, Franck, Swann, Mike, merci à vous.
Les viennoiseries « de la salle du fond » vont me manquer ! Les séminaires de vendredi aprem aussi !
J’aimerais également remercier les membres du laboratoire qui sont à Caen, en particulier Pierre RUTE -
RANA pour toutes les aides qu’il a pu m’apporter.
Je tiens à remercier Pierre-Jacques L IOTIER de l’École des Mines de Saint-Étienne pour ses précieux
conseils sur l’infusion.
Merci aux doctorants du Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Mans pour m’avoir aidé à réaliser
avec succès mes essais de vibrations.
Merci aux stagiaires Thibaut S IMON, Matthieu L EMONNIER et Amélie S EGERS pour m’avoir aidé à
travailler sur certains aspects de ma thèse.
J’ai eu la chance de donner des cours durant mes trois années de thèse. Je dis merci à tous les étudiants
du département Génie Mécanique et Productique (GMP) avec qui j’ai partagé mes connaissances en
sciences des matériaux et dimensionnement de structures. Merci à mon directeur de thèse de m’avoir
permis de donner ces cours. Cette expérience a été une de mes meilleures !
Je tiens à remercier tout le personnel de l’IUT d’Alençon notamment les enseignants, les secrétaires et
les techniciens pour tous les services rendus et pour avoir fait en sorte que cette aventure humaine soit
fort agréable. Un merci spécial à Quentin et à Fabrice qui n’hésitaient pas à m’aider à chaque fois que je
les sollicitais pour des ennuis informatiques.
J’aimerais vous remercier Professeurs Sonnou T IEM et François G BEASSOR pour le rôle que vous avez
joué dans mon histoire. Sans vous, mon parcours aurait été sans doute différent.
J’adresse mes sincères remerciements à tous mes professeurs d’école qui m’ont tenu la main depuis la
porte d’entrée de l’école primaire jusqu’à la porte de sortie de l’université. Je suis tout simplement le
résultat de vos immenses efforts.
Merci à toi Emmanuel, le grand frère, l’ami de tous les jours. Merci pour toutes ces discussions riches et
constructives, et pour tous les moments partagés. Tu m’as énormément aidé durant mon séjour à Alen-
çon. Merci à toi Franck pour tous les moments que nous avons pu passer ensemble dans notre fameux
domaine de Perseigne :-)
Je ne pourrais oublier toutes ces personnes que j’ai pu croiser sur ma route et dont le soutien a énormé-
ment compté. Merci aux gars de Metz Technopole à l’époque : Francis, Yoyo, Lumen, Philippe, Mouba,
Olaf, Gil. Francis infini merci à toi, toi-même tu sais.
Merci à Boto, Eli, Veve, Michel, Franck, Gildas, Diki, Maxime, Joseph, Jacques, Hervé, David, Bernar-
din.
Les amis de l’ENI Metz, de l’ENSI, du lycée Lomé-Port (surtout mes gars de la légendaire Terminale
C), du collège Adodo, les moments passés avec vous sont inoubliables. Je vous en remercie !
Merci à mes gars, my adventure fellows. Lolo, Fola, Fred et Sita, Milédou !
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Merci à tous mes amis d’ici et d’ailleurs.
Léo, Mrs LNA, merci pour ta présence, ton attention et ton soutien. Aucun mot n’est assez fort pour te
dire merci !
Enfin, j’aimerais dire merci à ma famille pour leur soutien sans faille et leurs encouragements tout au
long de mon parcours scolaire. Merci à toi Papa, merci à toi Dada, je vous dois tout ! Sans vous, je ne
serais pas devenu ce que je suis aujourd’hui. Merci à mes sœurs. Merci à mes frères.
À tout ce beau monde que j’oublie de citer ici, je vous dis merci !
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Le premier savoir est le savoir de mon ignorance : c’est le début de l’intelligence.
S OCRATE
Pledge to never stop learning. What you know now is not enough to become the person you need to be
tomorrow.
MJ D E M ARCO
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Table des matières
Introduction et problématiques 1
1 État de l’art 6
1.1 Généralités sur les matériaux composites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.1 Définition et caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.2 Place sur le marché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 Composites à fibres naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.1 Présentation et enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.2 Modification des fibres naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.2.3 Propriétés mécaniques des fibres naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.2.4 Les fibres de lin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.2.4.1 Structure de la fibre de lin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.2.4.2 Composition de la fibre de lin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.2.4.3 Extraction de la fibre de lin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.2.4.4 Les propriétés physiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.2.4.5 Les propriétés mécaniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.2.4.6 Interface fibre/matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.2.4.7 Mode de rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.2.5 Les composites à fibres de lin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.3 Composites à fibres synthétiques : cas du carbone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.3.1 La fibre de carbone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.3.2 Comportement mécanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.3.3 Interface fibre/matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.4 Les stratifiés hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
1.5 Influence de l’hybridation et de la séquence d’empilement sur les propriétés mécaniques 27
1.6 Notion de porosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
1.6.1 Porosité dans les renforts fibreux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
1.6.2 Porosité dans les matériaux composites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
1.6.2.1 Le concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
1.6.2.2 Effet de la porosité sur les propriétés mécanique d’un stratifié . . . . . 32
1.7 Mise en œuvre des matériaux composites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
1.7.1 Moulage des préimprégnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
1.7.2 Le moulage par compression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
1.7.3 Moulage au contact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
1.7.4 Enroulement filamentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
1.7.5 Moulage par pultrusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
1.7.6 Moulage par transfert de résine (Resin Transfer Molding RTM) . . . . . . . . . 37
1.7.7 Infusion de film de résine (Resin Film Infusion RFI) . . . . . . . . . . . . . . . 38
1.7.8 Infusion de résine liquide (Liquid Resin Infusion LRI) . . . . . . . . . . . . . . 38
1.8 Compaction de renforts pour matériaux composites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
xiii
TABLE DES MATIÈRES
xiv
TABLE DES MATIÈRES
xv
TABLE DES MATIÈRES
Bibliographie 204
xvi
Introduction et problématiques
1
2
INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUES
Les matériaux composites deviennent de plus en plus un choix intéressant pour de nombreuses applica-
tions industrielles. On les retrouve dans des domaines importants tels que l’aéronautique, l’automobile, le
sport, le naval ou encore le bâtiment, du fait de leurs bonnes propriétés : résistance mécanique et rigidité
élevées, résistance élevée aux chocs, faible poids, résistance à la corrosion et faible coût de mainte-
nance. Traditionnellement, les matériaux composites sont renforcés par des fibres synthétiques comme
les fibres de verre, de carbone, d’aramide ou encore des fibres céramiques. Ces fibres sont utilisées à
cause de leur résistance, leur rigidité, leur faible absorption d’humidité, leur bonne compatibilité avec
les résines polymères. Les fibres de verre sont celles qui sont le plus couramment utilisées du fait de leur
faible coût, de leur facilité de production et de leurs caractéristiques mécaniques spécifiques. Cependant,
le principal problème lié à l’emploi de ces matériaux est leur impact négatif sur la santé de l’homme
et sur l’environnement, d’autant plus qu’aujourd’hui les normes relatives au respect de l’environnement
deviennent de plus en plus sévères. Par ailleurs, à l’heure actuelle, il n’existe aucune solution écologique
et économique pour recycler les pièces composites à base de fibres synthétiques à la fin de leur durée de
vie. De plus pour être produites, ces fibres synthétiques requièrent un quantité importante d’énergie. Ces
constats ont donc favorisé l’émergence de matériaux biocomposites renforcés par des fibres naturelles,
principalement des fibres végétales. Au cours de ces dernières années, l’utilisation des fibres naturelles
dans les composites comme alternative aux fibres synthétiques a suscité de plus en plus d’attention. Cette
attention s’explique par un certain nombre de facteurs : leurs propriétés spécifiques élevées, leur coût,
leur faible impact sur l’environnement, leur caractère biodégradable, leur capacité à être recyclées et leur
disponibilité. Ces avantages présentent un intérêt pour des applications dans divers domaines comme
l’industrie automobile qui exigent des matériaux légers à haute performance avec une réduction du coût
de la matière, une possibilité de recyclage et un minimum d’impact sur l’environnement. Néanmoins,
les fibres naturelles possèdent aussi des points négatifs qui compromettent leur utilisation dans des ap-
plications structurelles de grande exigence : comportement hydrophile, faibles propriétés mécaniques,
porosité, faible adhérence entre les fibres et la matrice. En outre, les propriétés mécaniques, physiques
et chimiques des fibres végétales sont fortement dépendantes des conditions de récoltes, des conditions
climatiques, de la localisation géographique, des propriétés du sol. . . , ce qui peut rebuter les potentiels
utilisateurs soucieux d’avoir un produit stable.
Lors du processus de mise en œuvre des composites, les renforts fibreux qui les composent sont soumis
à un important mécanisme de déformation suivant leur épaisseur, appelée compaction transverse ou plus
simplement compaction. Ce mécanisme joue un rôle clé dans la qualité de la pièce composite finale car il
affecte considérablement les propriétés du renfort impactant à leur tour celles du composite. Les renforts
sont compactés grâce à la pression exercée par le contre-moule (ou par le moule, suivant la technique
utilisée) sur ceux-ci. Cette compaction entraîne une réduction de l’épaisseur du renfort empilé et contri-
bue ainsi à la réduction des porosités (diminution de leur taille et de leur nombre) contenues au sein de
celui-ci, ce qui permet par conséquent d’augmenter le taux volumique de fibres. La compaction consiste
donc à comprimer un renfort fibreux jusqu’à atteindre le taux de fibres visé et l’épaisseur souhaitée pour
la pièce composite. Il est donc important de comprendre le comportement des renforts sous compaction
lors de l’élaboration des matériaux composites car cela permettra de prédire leur épaisseur finale et de
prédire aussi leurs propriétés telles que le taux de fibres qui est un paramètre essentiel pour assurer les
performances attendues lors de la mise service de ces composites. La connaissance de la réponse en com-
paction des renforts permet également de prédire la pression nécessaire à l’obtention du taux de fibres
3
INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUES
désiré. Sur le marché, il existe de nombreux renforts de fibre de lin avec diverses solutions techniques :
architectures (UD, bi-biais, tissé (sergé, satin, toile)), grammages (de moins de 200 à plus de 700 g/m2),
ou encore types de mèches (fils ou fibres), etc. Ainsi, le premier objectif de cette thèse est de tester dif-
férents renforts afin de déterminer leur capacité de compaction et donc leur aptitude de mise en œuvre,
de comparer les différentes solutions techniques évoquées précédemment afin de savoir celles qui sont
les plus pertinentes, et d’étudier les facteurs qui influent sur la capacité de compaction de ces renforts.
Les tests seront effectués sur des renforts de lin, de carbone et de verre. S’il existe dans la littérature
de nombreux travaux sur la compaction de renforts secs, il n’y en a quasiment pas qui portent sur la
compaction de renforts à fibres naturelles. Devant l’émergence de ce nouveau type de renfort, il nous a
semblé pertinent d’apporter des éléments de compréhension de leur comportement à la compaction.
Outre les capacités mécaniques conventionnelles (raideur et résistance mécaniques), les différents sec-
teurs industriels recherchent également des matériaux composites pouvant offrir des performances dyna-
miques. Les performances mécaniques assurent une bonne tenue des structures alors que de bonnes pro-
priétés dynamiques consistent en une bonne capacité des matériaux à amortir les chocs et les vibrations
c’est-à-dire à dissiper de l’énergie emmagasinée. Une des solutions intéressantes pour réunir cette double
exigence est la technique d’hybridation. L’hybridation est le fait d’utiliser au sein d’un même composite
deux types renforts ou plus. Le terme hybride est défini de plusieurs manières dans la littérature scien-
tifique. Les premiers se limitent au mélange de plusieurs renforts, sans prendre en compte l’impact de
ce mélange sur les propriétés finales du composite. D’autres intègrent la notion de compensation dans le
terme hybride, les atouts d’un type de fibre compensent les lacunes de l’autre type de fibre. Enfin pour
certains le terme hybride est forcément associé à une synergie entre les renforts qui permet une amé-
lioration supplémentaire des propriétés du composite par rapport à un simple mélange. Au-delà de ces
différences de point de vue, le comportement des hybrides peut être vu comme une somme pondérée des
propriétés des composants individuels et présentant un équilibre favorable entre les avantages et les in-
convénients inhérents à ces composants. Par conséquent, un équilibre coût-performance-durabilité peut
être obtenu avec l’utilisation des composites hybrides dans la conception des structures. La deuxième
partie de la thèse est dédiée à la réalisation de notre second objectif qui est le développement de compo-
sites stratifiés hybrides depuis leur mise en œuvre jusqu’à leur caractérisation mécanique avec analyse
de l’influence de la séquence d’empilement sur leurs propriétés. Le choix des éléments constitutifs du
composite hybride dépend de l’objectif de l’hybridation, des exigences imposées au matériau ou à la
structure devant être conçue. Notre choix s’est porté sur des fibres de carbone et de lin. Fibres de carbone
parce que non seulement elles sont mécaniquement résistantes et possèdent une rigidité spécifique élevée
par rapport à d’autres matériaux métalliques classiques, mais aussi elles ont fait l’objet de peu de travail
dans la littérature dans le cadre des stratifiés hybrides. Ce sont les fibres de verre qui sont couramment
hybridées avec les fibres végétales. Fibres de lin parce que d’une part, elles ont de meilleures propriétés
comparativement aux fibres naturelles les plus couramment utilisées (chanvre, jute, kenaf, sisal...) et,
d’autre part, elles possèdent un excellent pouvoir amortissant. Ces fibres de lin ont également fait l’ob-
jet de peu d’études dans le développement de composites hybrides. Le carbone viendra compenser la «
faiblesse » mécanique et la porosité des composites à base fibres de lin tandis que le lin va apporter son
pouvoir amortissant et sa capacité de déformation avant rupture au carbone. Par conséquent, combiner au
sein d’un même matériau fibres de lin et de carbone pourrait répondre à ce besoin de nouveaux matériaux
qui offrent performances mécaniques et dynamiques. Sur la base des résultats de compaction obtenus et
des précédents travaux effectués dans notre laboratoire, le renfort de lin le moins compactable sera choisi
pour réaliser des hybridations avec un renfort en carbone suivant différents séquences d’empilement dans
le but d’améliorer sa capacité de compaction et donc celle de sa mise en œuvre. Après la mise en œuvre,
les performances techniques des composites hybrides élaborés seront analysées à travers divers essais de
caractérisation.
Afin d’atteindre les objectifs qui sont les nôtres, les travaux réalisés au cours de cette thèse et rapportés
4
INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUES
5
Chapitre 1
État de l’art
Sommaire
1.1 Généralités sur les matériaux composites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.1 Définition et caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.2 Place sur le marché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 Composites à fibres naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.1 Présentation et enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.2 Modification des fibres naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.2.3 Propriétés mécaniques des fibres naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.2.4 Les fibres de lin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.2.5 Les composites à fibres de lin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.3 Composites à fibres synthétiques : cas du carbone . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.3.1 La fibre de carbone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.3.2 Comportement mécanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.3.3 Interface fibre/matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.4 Les stratifiés hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
1.5 Influence de l’hybridation et de la séquence d’empilement sur les propriétés mé-
caniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1.6 Notion de porosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
1.6.1 Porosité dans les renforts fibreux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
1.6.2 Porosité dans les matériaux composites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
1.7 Mise en œuvre des matériaux composites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
1.7.1 Moulage des préimprégnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
1.7.2 Le moulage par compression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
1.7.3 Moulage au contact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
1.7.4 Enroulement filamentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
1.7.5 Moulage par pultrusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
1.7.6 Moulage par transfert de résine (Resin Transfer Molding RTM) . . . . . . . . 37
1.7.7 Infusion de film de résine (Resin Film Infusion RFI) . . . . . . . . . . . . . . 38
1.7.8 Infusion de résine liquide (Liquid Resin Infusion LRI) . . . . . . . . . . . . . 38
1.8 Compaction de renforts pour matériaux composites . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
1.8.1 Le mécanisme de compaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
1.8.2 Le comportement d’un renfort fibreux en compaction . . . . . . . . . . . . . . 40
1.8.3 Les phénomènes physiques en présence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
1.8.4 Les modèles de compaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
1.9 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
6
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Matrice
Renfort
Selon la forme du renfort, nous distinguons deux classes de composites que sont les composites
à fibres et les composites à particules. L’une ou l’autre des deux classes est choisie en fonction des
caractéristiques voulues. En ce qui concerne les composites à fibres, nous avons des fibres longues et des
fibres courtes. Les fibres courtes font entre 100 µ m et 1 mm de long alors que les longues sont au-delà de
1 mm [7]. Les fibres assurent aux composites leurs propriétés mécaniques. Les particules, contrairement
aux fibres, n’ont pas de dimension spécifique. Elles sont souvent non seulement utilisées pour améliorer
certaines propriétés des matériaux ou des matrices entre autres la rigidité et la tenue à la température mais
aussi utilisées comme charges pour rendre le matériau économiquement plus intéressant sans toutefois
réduire ses propriétés [6].
Suivant la nature de la matrice, on peut avoir des composites à matrice organique, métallique ou
minérale. Nous allons plus nous focaliser dans ce manuscrit sur les composites dont la matrice est de
type organique. Les résines, livrées en solution, sont des polymères modifiés par différents adjuvants et
additifs tels que les agents démoulants, les stabilisants, les pigments. . . Il existe deux principales familles
de résines : les résines thermoplastiques (on parle de plastiques) et les résines thermodurcissables (on
a les résines polyesters insaturés, les résines de condensation et les résines époxydes) [6]. Les résines
thermoplastiques, initialement à l’état solide, sont caractérisées par l’enchevêtrement 1 de chaînes poly-
mériques plus ou moins longues et peuvent être fondues par augmentation de la température au-delà du
point de fusion. Après refroidissement, elles retrouvent leur état initial et leurs propriétés. Donc, elles ont
l’avantage de pouvoir être fondues et moulées de nouveau même après leur polymérisation. Inversement,
les résines thermodurcissables ne peuvent pas retourner à l’état liquide après polymérisation. Les ther-
modurcissables sont aussi à l’origine sous forme de liquide mais caractérisées par une réaction chimique
1. Ensemble d’éléments mêlés les uns aux autres d’une façon désordonnée
7
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
En ce qui concerne les applications, les matériaux composites sont utilisés dans divers domaines.
On peut citer l’automobile, le bâtiment, le sport et loisirs ou encore l’aéronautique. La figure 1.3 illustre
l’utilisation des composites par domaine d’application en mettant en évidence la position de la France
sur l’échiquier mondial.
8
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Le marché des composites est dominé par les fibres synthétiques notamment la fibre de verre (95%)
[11]. Mais ces dernières années les industriels et les scientifiques se sont beaucoup intéressés aux fibres
naturelles comme élément de remplacement des fibres synthétiques particulièrement des fibres de verre
d’autant plus que les fibres naturelles sont dotées de nombreux avantages intéressants comme leur dispo-
nibilité, leur coût faible, leur faible densité, leur caractère biodégradable, leurs propriétés de résistances
spécifiques, leur faible impact sur l’environnement, etc.
Aujourd’hui, vis-à-vis de nombreux problèmes liés à l’environnement, le développement de matériaux à
caractère écologique comme les composites à fibres naturelles est une véritable alternative aux matériaux
renforcés par du verre [12]. Déjà, dans les années 2010, une quantité de 315 kilotonnes de biocompo-
sites était utilisée dans les industries de construction automobile en Europe. Cette quantité pourrait bien
exploser pour atteindre 1,32 mégatonnes en 2020 [13].
F IGURE 1.3 – Application des matériaux composites : position de la France (en tonnage) [10]
9
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Fibres naturelles
10
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
des fibres. La lignine, servant de ciment entre les fibres, est un polymère rigide tridimensionnel ayant
des chaînes très courtes. Elle est très peu hydrophile et son vieillissement est accéléré par l’humidité et
la chaleur [19]. L’hémicellulose, composée de chaînes de plusieurs sucres, est un polymère hétérogène
ramifié. Elle est formée par des molécules très hydrophiles et adhésives englobant les micro-fibrilles. La
paroi primaire est très mince et hydratée (30 à 100 mm d’épaisseur). Elle se présente comme un réseau
non orienté de celluloses micro fibrillaires. La cellulose, quant à elle, est un polymère homogène semi-
cristallin dont la chaîne est formée d’un même motif chimique. Elle est très rigide dû à la présence de
nombreux groupements hydroxyles sur ses chaînes liées entre elles par des ponts d’hydrogène. En effet,
le module d’élasticité de la cellulose est de l’ordre de 136 GPa comparé à celui de la fibre de verre qui
n’est que de 75 GPa environ. Enfin, nous avons la paroi secondaire qui est beaucoup plus épaisse que la
paroi primaire. Elle n’est pas extensible et est constituée de trois parties qui sont la paroi externe S1 (100
à 200 nm), la paroi centrale S2 (0,5 à 8 nm) et la paroi interne S3 (70 à 100 nm) [18].
Grâce à leur faible densité, leur faible coût et leurs propriétés spécifiques compétitives, les fibres
naturelles apparaissent comme une alternative de faible impact sur l’environnement comparé aux fibres
issues de matières fossiles. Les fibres naturelles sont utilisées dans la production de textiles, de fils,
de cordes ou de papier [20]. Par rapport aux fibres synthétiques, les fibres naturelles ont de nombreux
avantages. Parmi ces avantages on peut citer [21] :
— matière première renouvelable et disponible ;
— quantité libérée de CO2 neutre à la fin du cycle de vie, par rapport à la quantité assimilée pendant
la croissance de la plante ;
— possibilité de compostage 2 des composites à matrice biodégradable après leur durée de vie.
Cependant, à coté de ces avantages on note également des inconvénients qui pourraient compromettre
l’élan de ces fibres naturelles. L’une des difficultés des fibres naturelles est la grande variabilité de leurs
propriétés mécaniques par rapport aux fibres synthétiques dont les propriétés sont très contrôlées. Leurs
propriétés mécaniques sont dépendantes de leur structure, de leur nature, de leur composition chimique,
leurs conditions de croissance, des angles micro-fibrillaires ou encore de leurs défauts [22]. Un des
facteurs clés de la qualité de la fibre est le type de traitement d’extraction [21].
Les autres inconvénients sont listés ci-dessous [23] :
2. Recyclage de déchet organique pour la production naturelle d’engrais ou de fertilisant.
11
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
— vulnérabilité aux attaques environnementales due à leur caractère biodégradable. Celui-ci réduirait
leur durée de vie par rapport aux fibres de verre ;
— les propriétés sont dépendantes des conditions climatiques pendant leur croissance ;
— le procédé du rouissage 3 est difficile à optimiser pour ne pas dégrader la fibre ;
— dommages éventuellement occasionnés lors d’une récole mécanisée ;
— section transversale irrégulière avec un vide central (lumen) rendant la détermination des propriétés
mécaniques complexe ;
— dépendance de la teneur en eau des propriétés (la cellulose est hydrophile) ;
— dégradation des fibres dès la température de 200◦ C, ce qui rend le choix du procédé de mise en
œuvre et de matrice limité.
12
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Différentes méthodes existent pour améliorer la compatibilité des fibres avec la matrice et renforcer
ainsi cette adhésion fibres-matrice. On distingue des méthodes physiques et des méthodes chimiques. Les
méthodes physiques agissent sur les propriétés structurelles et les propriétés de surface de la fibre ; ce
qui modifie ainsi les liaisons avec les polymères. En exemple, on peut citer le laser, le plasma, l’étirage,
le traitement thermique, les rayons UV, etc. Quant aux méthodes chimiques, on note les traitements à la
soude, au silane ou encore à l’acide acétique [26].
L’une des méthodes chimiques importantes le couplage chimique. Elle permet l’amélioration de l’adhé-
rence interfaciale. Les agents de couplage réagissent avec la surface de la fibre pour former un pont de
liaisons chimiques entre la fibre et la matrice. Ces agents de couplage sont généralement des molécules
ayant deux fonctions. La première réagit avec les groupes hydroxyles (-OH) de la cellulose et la seconde
avec les groupes fonctionnels de la matrice [21].
13
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Matrice Nature Mise en œuvre Vf (%) Forme σ traction E(GPa) ε (%) Réf.
Fibre fibre (MPa)
Matrice thermodurcissable
Polyester Sisal TC 30 natte 69 - - [29]
Polyester PALF TC 25 natte 42 - - [29]
Polyester Vakka TC 37 UD 66 1,79 - [30]
Polyester Sisal TC 37 UD 50 1,6 - [30]
Polyester Bambou TC 37 UD 121,5 2,23 - [30]
Époxy Ramie ISV 34 Tissé 2D 82 7.2 - [31]
Époxy Jute ISV 34 Tissé 2D 56 5,6 - [31]
Matrice thermoplastique
PE Chanvre Injection 20 UD 32,9 1,42 - [32]
PE Chanvre Injection 35 UD 60,2 1,74 - [32]
PE Sisal TC 15 courtes 32 1,11 - [33]
PE Coir - 22 courtes 24 0,7 - [34]
PE Sisal TC 20 courtes 32,8 1,22 - [33]
PP Abaca Injection - courtes 42 4,9 1,7 [35]
PP Jute Injection - courtes 47,9 5,8 1,4 [35]
PP Lin Extrusion 40 UD 29 7,6 1,5 [36]
Matrice biosourcée
PLA Lin Extrusion 40 UD 44 7,3 0,9 [36]
PLA Lin TC 30 natte 100 7,9 0,3 [37]
PLA Abaca Injection - courtes 74 8 1,4 [35]
PLA Jute Injection - courtes 81,9 9,6 1,8 [35]
PHB Lin TC 30 natte 40 4,5 0,2 [37]
PLLA Lin TC 30 natte 99 9,7 0,2 [37]
Tableau 1.2 – Propriétés mécaniques de quelques composites à fibres naturelles longues (TC : Thermo-
compression et ISV : Injection sous vide)
14
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
La paroi primaire ou externe, d’une épaisseur d’environ 2 µ m, est très poreuse, continue et élastique.
Elle contient principalement des pectines mais aussi quelques microfibrilles de cellulose aléatoirement
orientées (éléments de base des fibres végétales). La paroi secondaire ou interne est plus épaisse (environ
10 µ m) et représente la majeure partie de la fibre. Elle est également la plus riche en cellulose [39].
Ces parois peuvent être considérées comme des composites renforcés par des microfibrilles arrangées de
manière hélicoïdale dans une matrice amorphe composée de pectine et de cellulose [40]. L’orientation
des microfibrilles dans les parois cellulaires a une grande importance sur le comportement mécanique
des fibres végétales. Plus l’angle d’inclinaison des microfibrilles par rapport à l’axe de la fibre est faible
plus les propriétés mécaniques (résistance et rigidité) sont meilleures car les microfibrilles seront plutôt
sollicitées selon leur axe. Et plus l’angle est grand, plus l’allongement à la rupture est important [41].
Cet angle d’orientation des microfibrilles s’appelle angle microfibrillaire. Comme nous pouvons le re-
marquer sur la figure 1.6, la couche la plus épaisse, S2, a des microfibrilles dont l’angle d’inclinaison
est le plus faible (de l’ordre de 10◦ ). On en déduit que les propriétés mécaniques de la fibre de lin sont
essentiellement conditionnées par la paroi S2.
15
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Les pectines : ce sont des hétéro-polysaccharides qui forment une matrice dans laquelle sont intégrées
les microfibrilles de cellulose et les hémicelluloses. Elles assurent la cohésion du faisceau. Elles
aident également au stockage d’eau ; ce qui apporte de la plasticité et de la flexibilité aux fibres
[51].
Les lignines : elles sont des polymères (polyphénols) totalement amorphes et rigides. Elles assurent le
rôle de transport de l’eau dans la plante et apportent de la rigidité à la fibre. Toutefois, il faut noter
que leur taux sont faibles dans la fibre de lin comparé aux autres fibres végétales [52].
L’eau : provoque une diminution de la rigidité de la fibre et une augmentation de son allongement
à la rupture. Son absorption est due à la présence des pectines et cette absorption entraîne un
gonflement de l’espace entre les fibrilles. L’eau représente environ 8 à 10 % de la masse d’une
fibre de lin [53].
Les cires et les huiles : assurent la protection de la plante des attaques extérieures et doivent être élimi-
nées en vue de l’amélioration de l’interface entre les fibres et la matrice [52].
En termes de cycle de vie du lin, il faut compter 100 jours entre la semence (en mars) et la récolte
(en juillet). Mais pour obtenir de longues fibres de lin à partir de la tige, il faut plusieurs opérations
successives [54, 55] :
L’arrachage : C’est la première étape d’extraction des fibres de lin. La récolte s’effectue par arrachage
des tiges défoliées c’est-à-dire lorsqu’elles sont arrivées à maturité. Les fibres sont encore sous
forme de faisceaux et ne sont pas facilement séparables du reste de la tige. Elles contiennent des
impuretés qui provoquent des concentrations de contraintes et les fragilisent.
Le rouissage : après l’arrachage, les tiges sont déposées sur le sol. Le rouissage est l’opération par
laquelle la lamelle mitoyenne qui relie les faisceaux de fibres entre eux est détruite grâce aux
micro-organismes présents dans le sol. Ces micro-organismes sont favorisés par la pluie et le soleil.
Ce qui permet la séparation des faisceaux et leur division en fibres techniques.
Le teillage : c’est une opération qui consiste à extraire mécaniquement des morceaux de bois appelés
anas se trouvant à l’intérieur des tiges. Elle comprend les étapes successives suivantes : l’égrenage,
l’étirage, le broyage, et le battage des tiges.
Le peignage : est la dernière étape d’extraction. Elle permet de retirer les fibres courtes. Elle permet
également d’étirer, de calibrer et d’aligner les fibres longues afin d’obtenir un ruban continu.
La filature : c’est le processus qui consiste à transformer les fibres destinées à l’industrie textile en fil.
Ces fibres sont étirées et torsadées pour former des fils.
16
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Tableau 1.4 – Propriétés géométriques de la fibre lin / Comparaison avec les autres fibres végétales.
[56–59]
En ce qui concerne la densité, elle varie peu d’une espèce à une autre. Selon la littérature, c’est la
méthode de mesure de cette densité qui est à l’origine des écarts trouvés entre les valeurs et non la nature
de la fibre. La densité des fibres de lin est estimée à 1.38 g/cm3 mais dû à une porosité de 10%, la densité
apparente des fibres est de 1.54 g/cm3 en moyenne [44, 57].
17
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
F IGURE 1.7 – Courbe contrainte-déformation d’une fibre de lin soumise à un essai de traction monotone
[60]
18
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
aux fibres synthétiques d’autre part. Pour illustration, la figure 1.8 montre les courbes de traction des
fibres de verre et de lin. On voit clairement que les résultats du lin sont plus dispersés que ceux du verre.
Il a été montré dans [60] qu’un écart-type de 28% dans la mesure sur la section des fibres peut générer
une incertitude de 56 % sur l’évaluation de la contrainte à rupture.
Les différents facteurs évoqués plus haut sont :
— la variété : selon [39] les fibres de lin de la variété Hermès, se situant dans la zone médiane de la
tige ont de meilleures propriétés mécaniques ;
— la géométrie : le module d’Young a tendance à diminuer avec le diamètre moyen et la longueur des
fibres ;
— les conditions de croissance (le type de sol, engrais, maturité . . . ) ;
— les conditions climatiques (la saison, la température, la pluviométrie . . . ). Thuault [60] a démontré
que l’effet commun d’une température cumulée plus élevée et d’une bonne pluviométrie peut
améliorer les propriétés mécaniques du lin ;
— les étapes d’élaboration (arrachage, séchage, rouissage, teillage . . . ) ;
— les traitements subis, qu’ils soient chimiques, mécaniques ou biologiques ;
— les conditions d’essai (humidité, température) ;
— les méthodes d’analyses (déformation, section).
F IGURE 1.8 – Dispersion de résultats (en traction) entre fibres élémentaires de lin (a) et de verre (b)
[60, 68]
19
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
interfacial sont différents. On note comme valeurs de contrainte de cisaillement interlaminaire 22,5 MPa
pour Hermes et 13,2 MPa pour Electra. La friction contribue à l’adhésion entre la matrice et la fibre et
au transfert de charge. Mais, la fibre Electra, qui est très rugueuse, possède la contrainte de cisaillement
interfaciale la moins élevée. Ainsi une analyse de la composition des fibres révèle une présence plus
accrue de cires dans les fibres Electra que dans les fibres Hermes. On en conclut qu’une surface, même
si elle est rugueuse, ne participe pas à la dissipation d’énergie et à un bon ancrage mécanique si elle est
pourvue de résidus ayant une faible accroche comme la cire.
En ce qui concerne les mécanismes de rupture de la fibre de lin, les travaux de Romhany et al. [70]
ont montré que la rupture se passe en trois étapes. Primo, il y a apparition d’un clivage de la pectine entre
les fibres élémentaires. Secundo, une fissuration transversale s’installe dans les fibres élémentaires. Et
tertio on assiste à une fracture multiple des fibres élémentaires et de leurs micro-fibrilles.
Plusieurs auteurs ont étudié le comportement mécanique des composites à renforts lin avec une ma-
trice époxy. Les résines époxy présentent, par rapport aux autres résines, des propriétés mécaniques
20
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
élevées comme la résistance et le module en traction-compression. Elles possèdent aussi une grande ré-
sistance à la dégradation environnementale. Notons également que les résines époxy ont une très bonne
capacité de réagir aisément avec les groupes hydroxyles des fibres de lin [22].
Hughes et al. [72] ont étudié le comportement mécanique en traction d’un composite UD/époxy et
ont pu établir la relation contrainte-déformation en prenant en compte l’adhérence entre les fibres et
la matrice. Il a été prouvé dans [73] que les charges en compression sont notamment supportées par
la matrice tandis qu’en traction elles sont très influencées par le taux volumique de fibres. Les travaux
d’Oksman [74] montrent que les composites lin arctique/époxy avec une résistance en traction de 280
MPa et un module spécifique de 29 GPa/g.cm-3 possèdent des propriétés mécaniques bien plus élevées
que celles des composites verre/époxy.Van de Weyenberg et al. [75] ont étudié l’influence du traite-
ment alcalin sur les propriétés mécaniques en flexion d’un composite UD/époxy et ont démontré que ce
genre de traitement sur les fibres de lin permet efficacement d’augmenter l’adhérence fibre-matrice et par
conséquent les propriétés en flexion du composite.
Le tableau 1.6 résume les travaux réalisés par différents auteurs par rapport aux propriétés méca-
niques en traction de divers composites renforcés par des fibres de lin.
Tableau 1.6 – Propriétés mécaniques de quelques composites à fibres longues de lin (TC : Thermocom-
pression, MPI : Moulage par compression et ISV : Injection sous vide)
Des différentes études, il ressort que le comportement mécanique en traction des composites à fibres
de lin est non linéaire [82] (figure 1.10). Initialement, on observe une partie linéaire de la courbe jusqu’à
2% de déformation puis on assiste à une diminution de la pente. Vient ensuite une partie non linéaire et
à partir de 0.5 %, le comportement redevient linéaire jusqu’à la rupture.
De plus, il a été montré dans [83] qu’en jouant sur deux leviers on peut modifier les propriétés d’un
composite lin. En effet, une augmentation de la quantité de fibres et une amélioration de leur alignement
permettent d’augmenter les propriétés mécaniques du composite en traction.
L’effet de l’individualisation 4 des fibres de lin et de verre sur les propriétés mécaniques des composites
époxy/UD mis en œvre par thermocompression et possédant un taux de fibres de 70% a été étudié par
Coroller et al. [66]. Alors que les composites à fibres de verre ont une évolution quasi linéaire, ceux à
fibres de lin présentent deux zones : une non linéaire et une linaire. Ceci a été également observé par
Baley [65]. Ces études ont montré qu’une bonne dispersion des fibres au sein de la matrice augmente les
propriétés mécaniques à rupture des composites puisque selon Coroller une meilleure individualisation
entraîne une meilleure répartition des efforts. La figure 1.11 montre deux matériaux avec différentes
4. Séparation des fibres les unes par rapport aux autres
21
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
F IGURE 1.10 – Courbes contrainte-déformation de composites renforcés par des fibres de lin avant et
après vieillissement hygrothermique [82]
individualisations. Le matériau d’Hermès (a) a une contrainte de rupture de 1066 MPa alors que celui
d’Andreas (b) a une contrainte de 841 MPa. Ces chiffres indiquent bien la différence de propriétés entre
les deux matériaux.
F IGURE 1.11 – Individualisation des fibres de lin dans le composite (images MEB). (a) Hermès, (b)
Andrea [66]
Les études de Baley et al. [65] ont montré que l’hygrométrie des fibres de lin a une influence sur le
comportement en traction d’un composite lin UD/époxy fabriqué par thermocompression. Les courbes
en traction du composite et celles des fibres de lin seules ont la même tendance avec une zone initiale
(faibles déformations) non linéaire et une seconde zone linéaire quand la déformation augmente comme
le montre la figure 1.12. Le séchage des fibres avant la mise en œuvre n’a aucune incidence sur le module
mais il fait réduire de 36% la contrainte et la déformation à rupture (la contrainte moyenne du composite
à fibres non séchées est de 328 MPa environ alors que celle du composite où les fibres n’ont pas été
séchées est de 210 MPa). Ce qui confirme le résultat trouvé sur les fibres de lin seules (diminution de
44% de la contrainte) [65].
22
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
F IGURE 1.12 – Courbes contrainte-déformation de composite lin UD/époxy avec un taux volumique de
fibres V f fixé à 40%. (A) fibres non séchées et (B) fibres séchées
Les travaux de Poilâne et al. [80] ont montré qu’il y a une relation linéaire entre le taux volumique
de fibres et le module ainsi que la contrainte (figure 1.13). Ils ont réalisé des tests de traction sur des
composites lin UD/époxy en faisant varier le taux de fibres, la vitesse de chargement et la température
d’essais. Pour un taux de fibres variant de 45 à 65 %, le module et la contrainte sont passés de 23 à 33
GPa et de 230 à 330 MPa respectivement. Au delà de 100◦ C, on assiste à une dégradation des propriétés
mécaniques due à la dégradation des fibres mais entre 50 et 100◦ C, les propriétés ne semblent pas être
impactées.
F IGURE 1.13 – Courbes contrainte-déformation de composite lin UD/époxy. (a) Effet du taux volumique
de fibres, Vf , avec une vitesse de chargement fixée à 10-6 s-1 , (b) Effet de la vitesse de chargement. [80]
23
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
équipement pour le sport. Les principaux atouts des fibres de carbone sont leurs excellentes proprié-
tés mécaniques telles que la rigidité, la résistance à la traction, leur faible densité, leur haute stabilité
thermique et leur conductivité électrique. On appelle fibre de carbone, des fibres qui contiennent 92% en
poids de carbone dans leur composition [84].
Les fibres de carbone sont fabriquées à partir de plusieurs précurseurs tels que le polyacrylonitrile
(PAN, qui est le principal précurseur), la poix, la rayonne, le polyester et le polyamide [85]. La figure
1.14 montre la structure de fibres de carbone fabriquées à base de PAN.
Ces fibres sont en général fabriquées sous la forme de filaments très longs et très fins dont le diamètre
est de 10 µ m environ. Ces filaments sont ensuite transformés en fils, mèches, tissus ou encore en mats.
Le filage s’effectue par extrusion et sous de fortes contraintes mécaniques et sous de forts gradients de
température. Une oxydation est ensuite réalisée à basse température afin de rendre le fil infusible pendant
la pyrolyse avant de faire subir au fil des traitements thermiques à hautes températures (carbonisation
entre 700 et 1800◦ C). Enfin, un traitement de surface de type oxydation ou un film de résine polymérique
est appliqué pour améliorer la qualité de l’adhérence entre les fibres de carbone et la matrice [87].
Le tableau 1.7 montre les propriétés de quelques fibres de carbone fabriquées à base de PAN.
24
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
F IGURE 1.15 – Comportement mécanique de composites carbone et verre/époxy UD et 2D. (a) compor-
tement en traction, (b) rigidité spécifique [89]
Le même type de comportement a été trouvé dans [90] dans le cadre de la caractérisation des compo-
sites carbone/PPS et carbone/nylon en traction (figure 1.16). L’endommagement est initié par une rupture
des fibres suivie d’une fissuration transverse de la matrice, qui génère un faciès de rupture droit ou en
escalier. Cet endommagement peut aussi être dû à une décohésion de l’interface fibre/matrice aboutis-
sant à un faciès de rupture en peigne. Ces différents modes d’endommagement sont liés à la qualité de
l’interface entre les fibres et la matrice.
Toutefois, d’après la littérature, s’il y a un facteur majeur qui modifie le comportement mécanique
des composites carbone c’est l’orientation des fibres dans la matrice. Toubal et al. [91] ont travaillé sur la
caractérisation d’un composite carbone/époxy avec différentes orientations 0◦ , 90◦ et 45◦ . Ils ont montré
qu’avec une orientation de 45◦ des fibres, les composites montraient un comportement non linéaire tandis
que pour les éprouvettes à 0◦ et 90◦ le comportement est bien élastique fragile. Ce comportement non
linéaire est synonyme, sous l’effet des sollicitations, d’une évolution continue d’un endommagement
par microfissuration en premier lieu et ensuite par du délaminage. Notons que l’essai à 45◦ est souvent
employé pour caractériser en cisaillement les matériaux.
25
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
adhérence interfaciale confère aux composites une bonne intégrité structurelle et un transfert de charge
efficace de la fibre à la matrice.
Drzal et al. ont mené des investigations sur la relation entre les propriétés mécaniques de composites
carbone/époxy et la résistance de l’adhésion interfaciale [92]. Trois composites à fibres de carbone (à
base de PAN), dont deux ont subi des traitements de surface, ont été testés. Les traitements de surface
ont pour but de renforcer la liaison entre les fibres et la matrice.
Les fibres du premier matériau n’ont pas subi de traitement de surface ; pour le second les fibres ont été
traitées en surface (oxydation électrochimique) et pour le troisième matériau les fibres ont été traitées en
surface et revêtues avec une couche d’époxy de 100 à 200 nm.
Après traitement de surface, il y a eu une importante amélioration de la contrainte de cisaillement
interlaminaire. Le matériau dont les fibres n’ont pas été traitées ont montré un faible niveau d’adhérence
tandis que celui dont les fibres ont subi un traitement de surface avec revêtement affiche un haut niveau
d’adhésion en raison d’un meilleur transfert de contrainte entre la fibre et la matrice ; ce dernier a égale-
ment indiqué une amélioration significative de la résistance et de la rigidité en flexion à cause du module
élevé de l’interface qui a la capacité de supprimer la rupture interlaminaire. Selon leurs résultats, les
valeurs de résistance (contrainte) étaient sensibles à l’adhérence de l’interface alors que les valeurs de
module étaient relativement insensibles à la liaison interfaciale.
26
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
— des hybrides intercouches, constitués d’une suite de couches, chacun de nature différente ;
— des hybrides intracouches, constitués d’une séquence de plis identiques. Chaque couche comporte
différents renforts. Par exemple, la couche peut être un tissu fait de différentes fibres.
F IGURE 1.17 – Configurations des stratifiés hybrides. (a) Intercouches et (b) intracouches [93]
Dans la désignation du stratifié, chaque couche est indiquée par la nature des fibres qui la constituent
(carbone, lin, verre, chanvre . . . ). Par exemple, la désignation « [C]8 » indique un stratifié composé de 8
plis de carbone.
Les renforts peuvent adopter différentes orientations, l’empilement peut être symétrique ou antisymé-
trique, etc. [6].
27
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
stratifié hybride possédant deux couches de verre de part et d’autre des couches de jute était la meilleure
combinaison en termes de propriétés mécaniques et d’un point de vue coût.
L’influence de l’hybridation sur des composite lin-verre avec une résine phénolique a été étudiée [97],
en faisant varier la fraction volumique de verre. Les renforts sont des UD. Les auteurs ont également
étudié l’influence de la séquence d’empilement entre plis de lin et plis de verre. En dehors des tests
expérimentaux, ils ont utilisé la loi des mélanges pour prédire les propriétés des stratifiés hybrides en
traction. Au vu des résultats, le composite verre présente évidemment des propriétés mécaniques élevées
comparées à celles du composite lin comme le montre la figure 1.18a.
Deux types de rupture ont été considérés dans leurs travaux vu la différence entre l’allongement à la
rupture des fibres de lin et celui des fibres de verre. Les fibres de lin rompent en premier si la fraction
volumique du verre est importante mais le composite hybride devrait rompre pour un allongement à
la rupture égal à celui du composite verre. Cependant, si la fraction volumique des fibres de lin est
importante, le stratifié hybride devrait atteindre la rupture pour un allongement à la rupture égale à
l’allongement à la rupture du composite lin. La figure 1.18b montre l’évolution de l’allongement à la
rupture en fonction de la fraction volumique des fibres de verre. On pourra remarquer que l’allongement
à la rupture augmente avec la fraction volumique des fibres de verre.
Ils ont aussi démontré qu’avec l’augmentation de la fraction volumique des fibres de verre, les propriétés
mécaniques, notamment le module d’Young des composites hybrides, se sont améliorées. Ce résultat est
montré par la figure 1.19.
La séquence d’empilement a également un impact important sur les propriétés mécaniques des com-
posites stratifiés hybrides. Nous pouvons remarquer ce résultat sur la figure 1.18a. Selon les auteurs
de l’étude, la séquence d’empilement a un effet sensible sur la résistance en traction contrairement au
module d’Young.
Toujours dans la même démarche que les auteurs précédents, Amico et al. [98] ont mené des inves-
tigations sur des composites hybrides à base de sisal et verre avec une matrice polyester. Divers tests ont
été réalisés sur ces matériaux. Ils ont montré que la séquence d’empilement influence les propriétés mé-
caniques des matériaux hybrides. Leurs résultats ont également démontré que les composites hybrides
sisal-verre avaient des propriétés mécaniques (module de flexion et résistance à l’impact, particulière-
ment) proches de celles d’un composite verre.
D’après ces différentes études, les meilleures propriétés mécaniques sont obtenues lorsque les couches
dont les fibres ont des performances mécaniques élevées (rigidité, résistance) sont placées à l’extérieur
du composite.
28
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
F IGURE 1.18 – Effet de l’hybridation et de la séquence d’empilement sur des composites lin-verre/époxy.
(a) Contrainte en fonction de la déformation et (b) Allongement à la rupture en fonction de la fraction
volumique de verre [97]. (F : Flax (lin), G : Glass (verre), FFRP : Flax fiber reinforced Polymer (com-
posite renforcé par des fibres de lin), GFRP : Glass fiber reinforced Polymer (composite renforcé par des
fibres de verre), ROM : Rule of Mixtures (loi des mélanges)
29
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
F IGURE 1.19 – Module d’Young de composites hybrides lin-verre/époxy en fonction de la fraction volu-
mique des fibres de verre [97]
— échelle microscopique : relative aux pores situés entre les filaments au sein des mèches. Ils sont
appelés micropores ou volume intra-mèches.
D’après Binetruy [99], les renforts fibreux peuvent être vus comme des milieux hétérogènes et po-
reux caractérisés par une distribution bimodale de tailles de pores : les macropores et les micropores. Le
comportement des mats est régi par les macropores alors que celui des renforts textiles (UD, 2D, etc.) est
plutôt régi par les micropores.
Il faut également noter que la distribution des pores conditionne l’écoulement de la résine dans les ren-
forts.
Un certain nombre de paramètres définissent les milieux poreux en l’occurrence les renforts fibreux
[100]. Ces grandeurs sont listées ci-dessous :
— nombre de plis dans la séquence d’empilement du renfort n ;
— épaisseur de la séquence d’empilement H ;
— masse surfacique du renfort G ;
— masse volumique du matériau ρ ;
— taux volumique de fibres V f .
30
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Cette dernière grandeur (V f ) est équivalente au rapport du volume occupé par les renforts sur le
volume du composite (assemblage matrice-renfort). Elle est donnée par la relation suivante :
nG
Vf = (1.1)
ρH
C’est un paramètre déterminant en termes de propriétés mécaniques du matériau composite.
Quant à la porosité d’un renfort, elle est notée Φ et correspond au rapport du volume occupé par le
vide Vv au volume du composite Vtotal .
Vv
Φ= (1.2)
Vtotal
Dans un renfort, la relation entre le taux volumique de fibres et la porosité est régie par l’équation
suivante :
Φ = 1 −V f (1.3)
Le concept de porosité est donc indépendant de la forme et des connexions entre les pores. Ce qui est
uniquement considéré est le volume. Il est important de remarquer que pour les composites, les porosités
correspondent, comparées aux fissures ou aux délaminages, à des interstices de petites tailles (inférieur
ou égal à l’ordre du millimètre).
31
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
32
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Il y a différentes techniques pour élaborer les matériaux composites. Ces différentes techniques peuvent
être classées suivant divers facteurs. Dans notre travail, nous nous intéresserons à une classification en
fonction de la matière première. La matière première peut être livrée sous forme de fibres préimprégnées
(le fournisseur imprègne le renfort avec la matrice avant réception) ou sous forme de fibres sèches avec
une résine liquide (souvent le renfort et la résine sont achetés chez deux fournisseurs différents donc
livrés séparément). Tandis que les préimprégnés sont limités en termes de mise en forme, celle des
renforts secs avec une résine liquide donne plus de possibilités en termes de technologie de fabrication
[107].
Les principales techniques de mise en œuvre des matériaux composites sont le moulage au contact,
la pultrusion, l’enroulement filamentaire, les procédés par autoclave, les pré-imprégnés hors autoclave et
le moulage liquide par injection sur renfort.
— un film démoulant perforé, qui sert de barrière entre l’empilage de plis de préimprégnés et les films
supplémentaires ;
— un tissu drainant de résine qui a pour rôle de laisser passer l’excès de résine de la pièce et qui sert
également à répartir la pression de compactage ;
— un film plastique qu’on appelle aussi vessie, étanche, couvre l’ensemble et est fermé sur les bords
par du mastic pour assurer l’étanchéité de la pièce.
33
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
On utilise par la suite des composants qui assurent la mise en place d’une aspiration de l’air contenu
dans la vessie afin de réaliser le vide (une pompe à vide par exemple). Cela permet d’avoir une première
étape de compactage de la pièce sous l’action de l’air ambiant. Cette première étape de compactage sera
suivie par une deuxième qui dépendra de la qualité souhaitée pour la pièce. Ce second compactage est
réalisé à l’intérieur d’un autoclave qui permet d’assurer une pression de compactage pouvant, dans le cas
des produits exigeant de hautes performances, aller jusqu’à 10 bars. Au même moment que la pression
est apportée, la cuisson de la pièce s’effectue [107].
Ce procédé est largement utilisé dans le monde industriel de par sa simplicité de mise en œuvre mais
nécessite un matériel coûteux et beaucoup de consommables. Même si le drapage des plis imprégnés fut
pendant longtemps manuel, aujourd’hui des machines de drapage automatique sont utilisées dans le but
d’améliorer les produits finis et d’en assurer la reproductibilité.
Cette méthode a pour avantages de fournir à chaque pli des caractéristiques mécaniques élevées
et d’améliorer les conditions de travail des opérateurs. Toutefois, elle possède certains inconvénients
tels que la nécessité d’un lourd investissement : autoclave, azote pour mettre en pression l’ensemble de
l’autoclave, machine automatique pour le drapage, le coût important du stockage des matières premières
...
Cette technique s’applique aux pièces moyennement complexes en termes de géométrie et aux séries de
toute taille [108].
34
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
35
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
ce qui va influencer les propriétés mécaniques du matériau composite puisqu’il n’y a pas continuité de
renfort [108].
L’enroulement filamentaire permet d’obtenir principalement des pièces de révolution dont les états
de surface sont propres. Les fibres longues sont enroulées ensemble avec la résine sur un mandrin. Il est
aussi possible de réaliser une préforme de la pièce par enroulement des fibres sèches et faire par la suite
l’imprégnation du renfort à l’aide d’un outillage fermé.
Un dispositif automatisée permet de récupérer les fibres des bobines de fils chargés sur la machine et de
les faire passer dans un bain de résine avant de les disposer sur le mandrin en mouvement de rotation. Il
est nécessaire d’assurer une coordination entre vitesse de rotation et vitesse de déplacement du dispositif
de dépôt des fils, afin d’obtenir une couverture régulière de la surface du mandrin. La fabrication se
déroule en étapes pour pouvoir laisser chaque couche se polymériser. Plusieurs couches sont nécessaires
pour obtenir l’épaisseur de la pièce souhaitée.
On distingue trois grandes classes d’enroulement : enroulements circonférentiel, hélicoïdal et satellite
[107] (voir figure 1.27).
Ce procédé, même s’il a l’avantage de s’appliquer aux pièces de grandes dimensions et de moyennes
ou grandes séries, demande un lourd investissement en termes d’équipements (machines et mandrins)
car il faut un mandrin par type de pièce réalisée [108].
36
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
37
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
l’investissement. Ajoutons aussi que, pour les pièces à très grandes dimensions, il est difficile de remplir
complètement le moule [108].
38
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
le circuit de vide. Le joint assure l’étanchéité et son action combinée avec celle de la bâche à vide permet
d’obtenir le vide dans les renforts secs. Sur le moule, sont disposés l’empilement du renfort et les tissus
environnants comme nous pouvons le voir sur la figure 1.31. Le moule se prépare en amont à l’aide d’un
agent démoulant ; cette opération facile le démoulage de la pièce composite.
La technique LRI offre de nombreux avantages qui font d’elle une technique à forte valeur ajoutée :
— réduction de l’investissement du fait de remplacer le contre-moule par une bâche à vide. Il n’est
nécessaire d’acheter que le moule et les tissus environnants ;
— réduction considérable du chemin de la résine dans le renfort due à l’infusion en épaisseur (les
épaisseurs des pièces composites sont beaucoup plus faibles que les longueurs) ;
— évacuation des bulles d’air résiduelles dans la préforme due à la technique du tirage de vide lors
de la progression de la résine dans l’épaisseur ;
— le facteur précédent contribue à une amélioration de la qualité du composite en termes de taux de
porosités ;
— le faible chemin parcouru par la résine permet d’éviter l’apparition de zones sèches et le décou-
plage des phases d’imprégnation et de polymérisation de la résine. On entend par zones sèches les
zones non imprégnées de résine ou zones à forte porosité ;
— obtention de composites à un taux volumique de fibres de l’ordre de 60% ; ce qui améliore les
propriétés mécaniques du matériau composite.
Quelques limites sont cependant à relever. De nombreux paramètres sont importants à maîtriser :
— déphasage de vitesses de propagation de la résine entre les plis supérieurs et les plis inférieurs ;
— pertes de charge dans les tissus ;
— température et temps de gel de la résine ;
— température d’infusion de la pièce ;
— conditions d’infusabilité . . .
Ces phénomènes physiques complexes doivent être déterminés expérimentalement. Pour obtenir
l’épaisseur et le taux de fibres souhaités, il faut donc passer par une phase de développement impor-
tante [108].
39
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
le comportement en compaction des renforts fibreux afin de mieux comprendre les procédés de fabri-
cation des composites, notamment les procédés de type LCM (Liquid Composite Molding), le moulage
des composites par injection et infusion. Pour le procédé RTM par exemple, la connaissance du com-
portement en compaction sert à avoir une idée sur les forces de fermeture du moule afin de mieux le
dimensionner ainsi que de mieux dimensionner les systèmes de fermeture. En infusion ou en autoclave,
cela sert à connaître la répartition de la pression dans le composite lors de l’étape de consolidation. Ceci
est également utile pour une meilleure définition des stratégies de préformage. La compaction du renfort
peut être réalisée par contrôle de l’épaisseur ou de la pression de compaction. Pour contrôler l’épaisseur,
un moule et un contre-moule rigides sont réglés de telle manière à obtenir l’épaisseur souhaitée. En ce
qui concerne le contrôle de la pression de compaction, une bâche à vide ou une membrane remplace le
contre-moule et l’on impose la pression de compaction par tirage de vide ou en pressurisant l’extérieur
de la membrane. La solution la plus économique est celle où l’on contrôle la pression de compaction
mais, il faut connaître le comportement en compaction du renfort pour savoir la pression qu’il faudra
appliquer pour avoir l’épaisseur souhaitée [111].
En termes de caractérisation mécanique, l’essai de compaction consiste à appliquer des pressions
perpendiculaires au plan du renfort. Le but de ce test est de quantifier le changement d’épaisseur du
renfort ou le taux volumique de fibres en fonction de l’effort appliqué [110].
40
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
F IGURE 1.32 – Réponse typique d’un renfort fibreux en compaction. Courbe épaisseur-pression [112]
Bickerton, Buntain et Somashekar [114] ont rapporté dans leurs travaux que les renforts affichent
un comportement viscoélastique sous chargement de compaction. Ceci voudrait dire que ce comporte-
ment varie en fonction du temps et de l’historique de compaction. Pour des sollicitations pilotées en
déplacement, la figure 1.33 résume les principaux phénomènes résultant de cette viscoélasticité.
F IGURE 1.33 – Phénomènes résultant du comportement viscoélastique en compaction des renforts. (a)
Relaxation, (b) Dépendance à la vitesse de sollicitation et (c) Hystérésis [114]. Au-dessus on a le dépla-
cement imposé en fonction du temps alors qu’en-dessous on a la réponse du renfort en contrainte
La relaxation traduit une diminution de l’effort de compaction dans le temps lorsqu’un renfort est
compacté et maintenu à une épaisseur fixée. Le second phénomène est la dépendance à la vitesse de
41
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
42
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
la compaction car ils sont tous relatifs à un glissement de fibres à diverses échelles [132, 133].
Selon [134], ces phénomènes expliquent pourquoi après une compaction, l’épaisseur d’un renfort est
souvent moins importante que son épaisseur initiale.
Les trois mécanismes de réorganisation décrits précédemment sont illustrés par la figure 1.34. On
peut y voir dans l’ordre : (a) l’écrasement des torons de fibres, (b) la déformation des torons et (c) le
glissement inter-plis.
Dans le but de comprendre la déformation des renforts fibreux lors de la compaction, Chen et al. [135]
ont effectué une analyse microstructurale sur trois types de renfort avant et après compaction. Il s’agit
d’un renfort mat, d’un renfort UD et d’un tissé 2D. Leur idée était bien évidemment de comprendre les
différents mécanismes physiques qui se manifestent derrière la déformation d’un renfort lorsqu’il est
compacté.
Cette étude de la microstructure confirme les observations des sections précédentes et montre que
cinq mécanismes physiques sont responsables de la compaction des renforts. Ces mécanismes sont ré-
sumés sur la figure 1.35. De haut en bas, nous avons : la déformation de la section transversale des
mèches/fils, l’aplatissement des mèches/fils, la déformation des mèches/fils en flexion, la compression
des vides et le glissement de plis (ou nesting).
F IGURE 1.35 – Les cinq mécanismes intervenant lors de la compaction d’après [135]
Le tableau 1.8 résume l’effet de ces mécanismes sur la compaction des différents renforts étudiés.
On peut remarquer que le phénomène qui affecte le plus et de manière très significative le comportement
43
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
en compaction des trois types de renfort est la déformation de la section transversale des mèches/fils. La
compression des vides est un facteur qui affecte plus les mats que les tissus. Le nesting est le phénomène
le plus prépondérant dans la compaction des tissus mais il est totalement absent pour les mats. Enfin,
l’aplatissement des mèches/fils n’intervient pratiquement pas dans le comportement en compaction des
UD ; par contre, il a des influences sur le comportement des mats et des tissus.
Tableau 1.8 – Influence des mécanismes de compaction selon Chen et al. [135]
44
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
compaction. Ils dépendent de l’architecture du renfort et d’autres facteurs tels que l’épaisseur initial du
renfort, la vitesse de compaction, le recompactage . . . [2, 118, 121, 133, 138]
Le coefficient A est représentatif du taux volumique de fibres du renfort lorsqu’il est soumis à une
contrainte unitaire correspondant à l’état initial du matériau. Par contre, le coefficient B est relatif à
l’état de rigidification de la compaction et est toujours plus petit que 1.
Vf = A σ B (1.5)
Deux autres facteurs, que nous pouvons retrouver sur la figure 1.36 ont été définis par l’auteur. Il
s’agit des paramètres M et RV f . Le facteur M est un coefficient de rigidité qui n’est autre que la pente
de la droite tracée entre les valeurs de contrainte 0.2σmax et σmax où σmax est la valeur maximale de la
contrainte de compaction que subit le renfort. Quant au facteur RV f , il est égal au taux volumique de
fibres maximal atteint lors de la compaction.
À partir de plusieurs essais de compaction et de relaxation réalisés par différents auteurs, Gauvin et
Robitaille [138] ont proposé un ajustement du modèle de compaction (équation 1.5) vu précédemment.
Le modèle de relaxation proposé à coté du modèle de compaction est donné par :
σc 1
= 1 −C t D (1.6)
σc,0
où σc est la contrainte exercée sur le renfort, σc,0 la contrainte unitaire (1 Pa), C la chute de pression
après une seconde de relaxation et D est l’index de relaxation [138].
Cette approche est intéressante pour étudier l’effet de différents paramètres de contrôle du procédé de
mise en œuvre sur le comportement du renfort par comparaison de l’évolution des différents coefficients
figurant dans l’équation 1.5. Ces paramètres de contrôle sont la vitesse de compaction, l’épaisseur initiale
du renfort donnée par le nombre de plis de la séquence d’empilement et le recompactage donné par le
nombre de cycles de compaction.
45
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Les tendances identifiées par Gauvin et Robitaille pour les coefficients A, B, M et RV f en fonction de
l’évolution de ces paramètres de contrôle de procédé sont résumées dans le tableau 1.10.
Tableau 1.10 – Effet des paramètres procédés sur les coefficients du modèle de Gauvin [121, 138]
Le nombre de plis est le paramètre qui influe le plus fortement sur le coefficient de rigidité M.
Lorsque le nombre de cycles augmente, le taux volumique de fibres maximal RV f et le coefficient de
rigidité M sont plus importants. Mais à coté de cette augmentation du nombre de cycles, on assiste à une
diminution progressive du coefficient B.
Par contre la vitesse de compaction a une faible influence sur les coefficients M et B.
Aussi faut-il ajouter que la lubrification du renfort pendant la compaction entraîne une rapide augmenta-
tion du coefficient de rigidité M et de ce fait le renfort peut se retrouver avec un important taux volumique
de fibres. Pour la plupart des paramètres procédés, le coefficient de rigidité M varie en-dessous de 7%.
Par ailleurs, il existe un lien entre les deux modèles précédemment évoqués. En effet, on peut passer
1
du modèle de Gauvin (relation 1.5) à celui de Toll et Manson (relation1.4) en posant A = c− n et B = n1 .
La loi de compaction de Gauvin est couramment utilisée dans la littérature pour représenter le com-
portement en compaction des renforts tissés 2D [3, 117, 137] et 3D [141].
46
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
k E m3g 1 1
σc = 3
( n − n) (1.7)
ρ V f V0
avec σc la contrainte de compaction, E le module d’Young des fibres, mg la masse totale du renfort, V f
le taux volumique de fibres après compaction, V0 le taux volumique de fibres avant compaction, ρ la
densité du renfort et, k et n des constantes liées à la structure du renfort.
Sur la base de plusieurs résultats expérimentaux disponibles dans la littérature, Toll a validé son mo-
dèle et démontre ainsi qu’il est représentatif du comportement réel en compaction de différents renforts
(tissus, mats, laine, torons de fibres . . . )
La figure 1.37 montre la validation du modèle pour quelques renforts tissés et mats. Les valeurs du
paramètre n issues de l’ajustement du modèle sont données (l’ajustement a pour but de rapprocher le
modèle de la réalité).
F IGURE 1.37 – Validation du modèle de Toll pour des renforts tissés et mats. Courbe pression de com-
paction en fonction de la porosité [3]
47
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
σ = a1 + b1 x (1.8)
— régime (2) : glissement des mèches et des fibres ; réduction des pores et diminution de l’épaisseur
du renfort. Cette étape survient quand l’effort de compaction dépasse l’effort de frottement des
fibres entre elles (figure 1.39c). Le comportement est non linéaire et représenté par une courbe
exponentielle dont l’équation s’écrit :
σ = a2 eb2 x + c2 (1.9)
— régime (3) : compression latérale des mèches et des fibres suite à une pression maximum ; réduction
maximale des vides (figure 1.39d). Ce régime est aussi linéaire comme le régime 1 et est représenté
par ci-dessous :
σ = a3 + b3 x (1.10)
48
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
Ce modèle est défini par la relation 1.11 que l’on peut retrouver ci-après :
H c
= a σ + b ln σ + + d (1.11)
H0 σ
avec H0 l’épaisseur initiale du renfort, H l’épaisseur de renfort lors de la compaction, et a, b, c et d
des constantes de régression.
La figure 1.40 montre l’évolution du rapport H/H0 en fonction de la contrainte de compaction pour
des empilements de renforts mats (les trois courbes de dessous) et tissu 2D (la courbe de dessus). On
peut voir que, à pression égale, les mats sont plus écrasés que le tissu 2D (épaisseur mats < épaisseur
tissu). Ils se compactent donc plus vite que le tissu. Ceci signifie que les renforts mats contiennent des
porosités plus élevées que le renfort tissé 2D.
49
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
F) soit aux paramètres microstructuraux comme le taux volumique de fibres V f et la porosité Φ, soit à
l’épaisseur du renfort H.
F = c Hm (1.17)
Remarque : Tous les paramètres apparus dans les modèles ci-dessus, en dehors de ceux définis, sont
des coefficients d’ajustement que l’on peut obtenir au travers d’une analyse des courbes expérimentales
des essais de compaction.
1.9 Conclusion
Notre étude bibliographique a commencé par la présentation des matériaux composites dans leur
globalité. On a ensuite exposé les particularités des composites à renforts fibres naturels d’une part et à
renforts fibres synthétiques d’autre part. L’accent a surtout été mis sur les renforts lin et carbone car ils
ont au cœur de notre travail de thèse qui sera présenté par la suite. Nous avons vu que les matériaux com-
posites hybrides par association de renforts naturel et synthétique au sein d’une même matrice offraient
des propriétés mécaniques intéressantes.
L’état de l’art a montré le caractère néfaste des porosités sur les propriétés mécaniques des strati-
fiés notamment en cisaillement interlaminaire. Ce qui favorise un délaminage précoce du matériau. Des
dispositions doivent être donc prises pour éviter au maximum la présence de ces porosités.
Les propriétés mécaniques d’un matériau composite dépendent de ses constituants et du procédé de
mise en œuvre. Au cours de cette mise en œuvre intervient le phénomène de compaction qui joue un
50
CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART
rôle important dans la qualité de la pièce composite. Il a notamment trait au taux volumique de fibres
du composite. Ce taux volumique de fibre V f est une des propriétés importantes du composite. Cette
propriété sera évoquée tout au long de cette thèse. Un renfort qui se compacte bien permet d’atteindre
des taux volumiques de fibres satisfaisants offrant ainsi de bonnes propriétés mécaniques.
L’objectif de notre thèse est de développer de nouveaux composites stratifiés hybrides carbone/lin et
d’étudier l’influence de la séquence d’empilement sur les propriétés mécaniques et la microstructure de
ces stratifiés. On passera donc forcément par une phase de caractérisation pour connaître les caractéris-
tiques mécaniques.
Avant d’exposer nos résultats et nos analyses, nous allons dans le chapitre suivant, présenter les
différentes techniques expérimentales de caractérisation utilisées ainsi que le procédé de mise en œuvre
adopté.
51
Chapitre 2
Sommaire
2.1 La matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
2.2 Mise en œuvre des composites stratifiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
2.3 Cuisson des plaques fabriquées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
2.4 Découpe des éprouvettes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
2.5 Techniques de caractérisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
2.5.1 Compaction de renforts secs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
2.5.2 L’indentation instrumentée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
2.5.3 La résilience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
2.5.4 La flexion trois points . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
2.5.5 Essai de vibrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
2.6 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
52
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
2.1 La matrice
D’une manière générale, les matrices ont pour but de transmettre les efforts mécaniques aux renforts.
Elles permettent aussi de protéger les renforts vis-à-vis des agressions environnementales. On distingue
principalement deux familles de résine : les thermoplastiques et les thermodurcissables. Les thermodur-
cissables, dont fait partie la résine époxy, ont la particularité d’être infusibles, insolubles et d’avoir des
transformations irréversibles. La faible viscosité de la résine époxy (et des thermodurcissables en géné-
ral) la rend plus compatible avec les méthodes de mise en œuvre exigeant un bon écoulement de la résine
dans les renforts fibreux.
La matrice utilisée dans nos travaux est une résine époxy fabriquée par la société Hunstman. Pour
former la matrice, un mélange de résine et de durcisseur a été appliqué. La résine est de type Araldite
R
LY 1564 SP alors que le durcisseur est commercialisé sous le nom d’Aradur 3487 BD. Le fabriquant
R
propose un ratio de 100/34 pour le mélange résine/durcisseur. La viscosité du mélange à 25◦ C est com-
prise entre 220 et 320 mPa.s alors que la durée de vie en pot 1 du mélange se trouve entre 130 et 160 min
pour 100 grammes. Le temps de gel est compris entre 65 et 85 minutes à 60◦ C et à 100◦ C, il est compris
entre 6 et 10 min. Quant aux caractéristiques mécaniques, elles sont résumées dans le tableau 2.1.
Tableau 2.1 – Caractéristiques mécaniques de la matrice époxy (pour 15h de cuisson à 50◦ C)
53
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Sur le tissu drainant, nous avons placé un film micro-perforé démoulant avec la plupart des résines ; il
va permettre l’écoulement de la résine et le pelage (action d’enlever) facile du filet de drainage ; il permet
d’éviter aussi des fuites de résine. Le duo drainant-film micro-perforé assure un bon drainage de la résine
sur toute la pièce pour un rendu uniforme et homogène.
Un tissu d’arrachage, est posé juste au-dessus du film micro-perforé. Le rôle du tissu d’arrachage
est de faciliter le démoulage de la pièce composite, de protéger le composite durant toute la phase de
polymérisation et de lui conférer une meilleure finition de surface (donne un aspect uniforme à la pièce).
Il absorbe aussi le surplus de résine et l’empêche de remonter vers la pompe à vide.
Sur le tissu d’arrachage, vient se mettre la préforme qui au préalable a été découpée et préparée
suivant la séquence d’empilement souhaitée. Comme on peut le voir sur la figure 2.2, une bande adhésive
spéciale a été mise en bordure de la préforme. Cette bande adhésive a pour but principal d’empêcher la
résine de fuir hors de la préforme. Elle sert aussi d’appui à une bâche des deux bâches à vide dont la
fonction sera expliquée dans les lignes suivantes.
Les tissus environnants qui ont été décrits antérieurement se retrouvent également sur la partie su-
périeure de la préforme. Ils ont le même rôle que les précédents sauf qu’ils s’occupent plus de la partie
supérieure de la plaque. Comme le montre le schéma, les tissus environnants placés de part et d’autre de
la préforme sont dans un ordre symétrique par rapport à cette dernière.
Un contre-moule métallique réponse sur tout l’ensemble. Ce contre-moule permet de plaquer la pré-
forme afin d’assurer à la pièce composite finale une seconde face lisse, à l’instar du moule. Sur le contre-
moule, de petits trous centraux ont été faits dans le but d’évacuer l’excès de résine. Une première bâche
à vide recouvre le contre moule, les tissus environnants inférieurs et la préforme. Cette bâche à vide est
utilisée pour la mise sous vide de ce sous-ensemble.
La bâche à vide est mise en place à l’aide d’un joint d’étanchéité. Le joint d’étanchéité est placé sur
54
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
55
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
56
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
57
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
(a) (b)
F IGURE 2.5 – Méthodes de découpe des échantillons : laser (a) et scie diamantée (b)
paction a été menée sur des renforts secs et, d’autre part des essais comme l’indentation, la résilience, la
flexion trois points et des essais de vibrations ont été réalisés sur les composites stratifiés.
58
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
La compaction a été faite à l’aide de deux massifs en acier, l’un fixe et l’autre mobile. Le renfort
est posé sur le massif inférieur et, grâce à un mouvement de la traverse de la machine d’essai, le massif
supérieur descend pour effectuer le compactage. Les deux massifs sont de forme cylindrique comme
l’indique la figure 2.6 et, sont de 100 mm de diamètre. Ces deux massifs sont montés sur une machine
de traction universelle MTS Criterion Model 43. La machine est équipée d’un capteur d’effort de 5 kN
afin de mesurer de grandes pressions de compaction. Le déplacement du plateau mobile est mesuré par
un extensomètre de 5 mm de course. L’extensomètre est placé sur une tige coulissante connectée au
mors supérieur à l’aide d’un élastique. Ceci a été fait parce que la taille des plateaux ne permet pas aux
plateaux d’épouser directement les lames de l’extensomètre.
Les essais ont été exécutés à une vitesse de 0.5 mm/min et à température ambiante, pour l’ensemble
des renforts.
Les essais ont été répétés plusieurs fois (4 essais par renfort de façon générale) et il n’y a pas eu
de recompactage. Les renforts ont, à chaque fois, été renouvelés car nous considérons que les tissus se
déforment après chaque compactage et donc leurs propriétés évolueraient.
Cellule d’effort
Tige coulissante
Empilement de renfort
Le tissu sergé de lin 750 g/m2 nous a posé quelques problèmes lors de sa mise en compaction.
Son empilement était si épais que le déplacement ne pouvait pas être mesuré par l’extensomètre. Le
déplacement qu’il requiert à la vitesse de 0.5 mm/min dépasse la course de l’extensomètre.
59
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Nous nous retrouvons donc face à plusieurs choix. Soit on réduit le nombre de plis dans la séquence,
soit on augmente la vitesse d’essai, soit on mesure le déplacement avec la traverse de la machine. Mais
par souci de cohérence en termes de comparaison avec les résultats issus de la compaction des autres
renforts, nous avons trouvé un moyen de mesurer ce déplacement tout en gardant le même nombre de
plis et la même vitesse d’exécution.
En effet, nous avons décidé de photographier l’essai durant tout son déroulement (figure 2.7). Pour
ce faire, un dispositif Arduino 3 a été utilisé pour déclencher automatiquement la prise de photos.
Capteur d’effort
Led
Éclairage
Appareil photo
Renfort empilé
Arduino
Une photo est prise toutes les 10 secondes du début jusqu’à la fin de l’essai. Les images recueillies
passent ensuite par une phase de traitement (corrélation d’images). Elle aboutit à la connaissance du
déplacement du massif supérieur que nous recherchions.
L’essai d’indentation instrumentée est de plus en plus utilisé ces dernières années en vue de l’identi-
fication du comportement mécanique des matériaux. Dans cette section, nous allons présenter le principe
de cet essai ainsi que le protocole expérimental adopté pour le réaliser.
3. Carte électronique open source, composée principalement d’un microcontrôleur, d’un port USB et des connecteurs d’en-
trée/sorte.
60
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Très souvent, d’après la littérature, les essais d’indentation sont présentés sous forme de courbe
effort-déplacement. La variation de l’effort et du déplacement du pénétrateur sont mesurés instantané-
ment lors de l’essai. Ces essais sont appelés essais d’indentation instrumentés. Les données issues de
l’essai permettent donc de remonter aux propriétés mécaniques ainsi qu’à la loi de comportement du
matériau, par analyse de la courbe d’indentation. Sur la figure 2.9, sont représentées les étapes d’un essai
d’indentation ainsi que sa courbe classique. Cette figure présentes deux différentes phases. Une première
61
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
phase de charge, traduite par l’enfoncement de l’indenteur jusqu’à un déplacement maximal hmax . Une
seconde partie de décharge, correspondant au retrait de l’indenteur laissant une empreinte résiduelle de
profondeur rémanente h f après suppression de la charge.
La profondeur hs correspond au déplacement de l’indenteur au travers de la surface du matériau lors de
l’indentation. Sa valeur correspond au point d’intersection entre l’axe des abscisses h (axe des profon-
deurs) et la tangente à la courbe de décharge à la force maximale Fmax . hs correspond au retour élastique
du matériau. En ce qui concerne hc , c’est la profondeur de contact qui représente la profondeur pour
laquelle la pointe de l’indenteur et le matériau sont à la surface de contact maximale. Le paramètre S est
la raideur de contact qui n’est rien d’autre que la pente en début de décharge (S = dP
dh ).
(a) (b)
F IGURE 2.9 – Indentation instrumentée : (a) phase d’indentation et (b) courbe charge-décharge [146]
62
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Capteur d’effort
Mors mobile
Indenteur
Éprouvette
Support éprouvette
63
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Le type d’indentation utilisé est l’indentation sphérique. Un indenteur doté d’une bille en acier, de
10 mm diamètre, est monté sur la machine de traction universelle MTS présentée antérieurement. L’in-
denteur, supporté par une pièce intermédiaire, est monté sur la machine au travers de son mors supérieur
mobile.
Les essais se sont déroulés en température ambiante et, ont été pilotés en déplacement avec une
vitesse de 1 mm/min aussi bien pour la phase de charge que pour la phase de décharge. La rigidité
du support de l’éprouvette et du bâti de la machine permet l’application de l’effort sans vibration ni
choc pouvant perturber la mesure. La charge maximale marquant la fin de la première phase de l’essai
(charge) et le début de la deuxième (décharge) a été programmée à 5 kN. Par matériau, cinq essais ont
été réalisés. L’effort d’indentation F et le déplacement de l’indenteur h sont mesurés en temps réel par la
machine d’essai reliée à un ordinateur permettant l’acquisition des données. Ce déplacement représente la
profondeur de l’enfoncement généré par l’indenteur dans le matériau. Les paramètres F et h, accessibles
en fin d’essai, permettent de remonter aux propriétés mécaniques des matériaux.
2.5.3 La résilience
L’essai de résilience ou essai Charpy ou encore essai de choc est très utilisé dans le monde industriel
pour caractériser la fragilité des matériaux. Son développement provient de sa facilité et sa rapidité d’exé-
cution et du fait qu’il nécessite peu de matière. L’inconvénient de cet essai est qu’il donne des indications
qui ne peuvent être rigoureusement transposées aux structures réelles car celles-ci sont généralement de
dimensions plus grandes que celles de l’éprouvette [147].
Le principe de l’essai de résilience consiste à mesurer l’énergie absorbée par la rupture lors du choc
d’une éprouvette sollicitée en flexion 3 points (voir 2.11 pour la géométrie) ; c’est pour cela que cet
essai porte aussi le nom d’essai de choc par flexion. En effet, cet essai permet de déterminer de façon
précise l’énergie nécessaire à la rupture d’une éprouvette suite à un choc calibré généralement produit
par un marteau situé à une hauteur donnée de l’éprouvette. Cette mesure est réalisée à l’aide d’un mouton
pendule qui est également normalisé.
On définit la résilience du matériau comme l’énergie absorbée par l’éprouvette pendant le choc rap-
portée à la surface de la section. La résilience caractérise la résistance au choc.
2.5.3.1 Objectif
Le but de cette expérience dans le cas de notre étude, est de trois ordres :
— déterminer la résilience de chacun des matériaux composites de notre étude ;
— identifier le mode de rupture ;
— étudier l’influence de la séquence d’empilement sur la résistance des stratifiés hybrides.
64
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Éprouvette
Appuis
F IGURE 2.11 – Éprouvette de résilience posée sur deux appuis (sollicitée en flexion 3 points lors du choc
avec marteau)
taper en son milieu l’éprouvette en butée sur deux appuis distants de 62 mm. Selon la géométrie du
pendule, au moment du choc, la vitesse du marteau tourne autour de 5 m/s.
La ténacité des composites, définie comme la résistance à la propagation de fissure, peut être déduite
à partir des mesures effectuées lors des essais Charpy et de la section de l’éprouvette.
Quatre éprouvettes ont été testées par séquence d’empilement et tous les essais ont été réalisés à
température ambiante.
Une analyse des éprouvettes rompues permet de qualifier le type de rupture subi par l’éprouvette
(rupture complète, rupture partielle, délaminage . . . ). Suivant la résistance du matériau, l’éprouvette se
déforme et se rompt, complètement ou non. Après choc, entraînée par le manteau, l’éprouvette quitte
donc les appuis. L’énergie qu’elle absorbe pendant le choc est donnée par la différence d’énergie poten-
tielle entre la position initiale (hi ) du marteau et la positon finale (h f ) qu’il a atteinte.
K = mg(hi − h f ) (2.2)
avec m la masse du marteau et g l’accélération de la pesanteur.
Cette différence d’énergie potentielle est déterminée à l’aide d’un cadran permettant de mesurer
l’angle de rotation du pendule.
2.5.4.2 Objectif
L’objectif des essais de flexion est de :
— mesurer les propriétés de flexion des différents stratifiés telles que la contrainte à la rupture et le
module de flexion ;
— étudier l’influence de la séquence d’empilement des couches sur les propriétés des stratifiés hy-
brides ;
— de pouvoir comparer des résultats donnés par une approche analytique (qui sera développée dans
le chapitre 5) avec les résultats expérimentaux.
65
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Freinage du marteau
Éprouvette
Appuis
66
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
l = 20 h (2.3)
La portée L est définie comme la distance entre les appuis (inférieurs) sur lesquels repose l’éprou-
vette. Elle est donnée par la relation 2.4.
L = 16 h (2.4)
67
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
68
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Parce qu’une différence relativement importante du taux d’humidité peut influer sur les résultats
expérimentaux, la température et l’humidité relative de l’air ont été mesurées avant le déroulement des
essais, afin d’être sûr que tous les matériaux ou toutes les éprouvettes, ont été testés dans les mêmes
conditions expérimentales. Le taux d’humidité relative était de 52,3 % alors que la température s’élevait
à 20,5◦ C.
Cellule d’effort
Éclairage
Éprouvette
Banc d’essai
Caméra
Afin de valider les calculs de déplacement effectués par corrélation d’images, nous les avons confron-
tés avec les déplacements mesurés directement par la traverse de la machine d’essai. Le logiciel de CIN
utilisé dans le cadre de ce travail est le logiciel 7D développé par P. Vacher et T. Coudert au laboratoire
S YMME d’Annecy [149].
La figure 2.15 indique l’évolution des comportements de l’ensemble des séquences aussi bien pour
l’étude réalisée en corrélation que pour le déplacement de la traverse. On remarque qu’il y a une bonne
concordance entre les deux méthodes. Les tendances sont similaires. Ce qui montre que notre démarche
de calcul est en accord avec la réalité expérimentale.
Néanmoins, on observe un écart entre les deux courbes caractéristiques relatives aux deux méthodes.
Cet écart s’explique par une présence de jeu dans la machine ou par le déplacement des corps rigides. En
réalité, la technique de corrélation d’image ne se focalise que sur l’éprouvette et donc elle élimine tout
jeu ou déplacement parasite ou encore le poinçonnement de l’éprouvette sur les appuis. C’est pour cela
que les déplacements de CIN sont inférieurs à ceux mesurés par la machine.
Dans tous les résultats qui seront présentés dans cette thèse par rapport à la flexion, seuls les dépla-
cements mesurés par CIN seront pris en compte, car nous considérons qu’ils sont les déplacements réels
de l’éprouvette.
69
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
700
Continu = CIN
[CCCC]s
600 Pointillé = Traverse
[CCLL]s
500
Contrainte (MPa)
[CLCL]s
400
[LCLC]s
300
[LLCC]s
200
[LLLL]s
100
0
0 1 2 3 4 5 6
Déformation (%)
F IGURE 2.15 – Validation du calcul de déplacement par CIN (Corrélation d’images numériques)
70
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
F IGURE 2.16 – Représentation d’un essai de flexion trois points et des différents modes de rupture qui y
sont liés [150]
tir ces vibrations. L’amortissement est défini comme la dissipation d’énergie dans la structure. Cet amor-
tissement est une caractéristique importante du comportement dynamique de la structure.
Ainsi, pour des applications à hautes performances il faut non seulement réunir de bonnes propriétés
mécaniques mais aussi de bonnes propriétés dynamiques au sein des structures.
Les composites en fibres synthétiques ont d’excellentes propriétés mécaniques mais de moindres
propriétés dynamiques. Or la fibre de lin est reconnue pour ses bonnes caractéristiques dynamiques.
Il parait donc logique d’hybrider les fibres synthétiques, en l’occurrence la fibre de carbone avec des
fibres de lin afin d’améliorer leurs propriétés dynamiques. En tirant profit du pouvoir d’amortissement
du lin et de la qualité mécanique du carbone, on peut élaborer un composite ayant à la fois de bonnes
performances mécaniques et dynamiques.
L’objectif est de connaître le comportement dynamique de chacun des stratifiés (caractériser leurs
propriétés vibratoires) et d’analyser l’influence de la séquence d’empilement sur les propriétés des hy-
brides.
Les éprouvettes de vibration sont de forme parallélépipédique. L’éprouvette doit être suffisamment
longue pour générer un nombre suffisant de modes de vibration pour les analyses (au moins quatre)
mais aussi pour avoir suffisamment de marge pour pouvoir encastrer l’éprouvette. Les dimensions des
éprouvettes sont toutes de 200 mm x 20 mm quelle que soit la séquence d’empilement. Il faut toutefois
retenir que 40 mm ont été utilisés sur la longueur pour assurer l’encastrement, et donc le test n’a été
effectué que sur une longueur de 160 mm.
71
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
Tout près de l’extrémité encastrée, la poutre a été excitée par un marteau d’impact de type PCB
070A02 (actionné manuellement). Un vibromètre laser de type OFV 303 mesure le déplacement à l’ex-
trémité libre de la poutre.
Les signaux d’excitation et ceux de réponse sont numérisés et traités par un analyseur de signaux
dynamiques développé par LabVIEW. L’analyseur de signaux dynamiques est associé à un logiciel de
contrôle et de traitement de signaux. Ce système effectue donc l’acquisition des signaux et, contrôle les
conditions d’acquisition et d’analyse des signaux.
Les facteurs d’amortissement proviennent de la transformée de Fourier de la fonction de réponse en
fréquence à une entrée impulsionnelle.
Tous les tests ont été effectués à température ambiante et quatre essais ont été réalisés par séquence
d’empilement. Il est nécessaire d’éviter des bruits dans la salle d’expérience lors de l’acquisition des
fonctions de transfert, au cours d’un test de vibration. Ces bruits pourraient créer des distorsions au
niveau des résultats.
Les paramètres qui nous permettent d’évaluer le potentiel dynamique des stratifiés sont les fréquences
propres et les coefficients d’amortissement modaux. Ces paramètres sont calculés à partir des fonctions
de transfert. Ce calcul sera exposé en détail dans le chapitre 5, consacré à l’analyse vibratoire des com-
posites.
Le point d’impact et le point de mesure sont repérés sur toutes les éprouvettes. Ceci dans le but de
s’assurer que nous ayons les mêmes coordonnées de ces deux points sur l’ensemble des éprouvettes. Il
faut cependant, que ces deux points soient choisis de telle manière qu’aucun d’entre eux ne soit un mode
de vibration, qu’un maximum de modes de vibration soient excités et qu’aucune influence ne soit exercée
sur les paramètres modaux par apport d’une masse ou d’une raideur ou encore d’un amortissement non
négligeable. Un papier réfléchissant a été posé au point de mesure à l’extrémité libre de l’éprouvette afin
d’en faciliter la mesure du déplacement par le vibromètre laser.
La figure 2.18 montre un exemple de fonction de transfert obtenue lors des essais. Cette fonction de
transfert est composée de plusieurs pics de résonance qu’on assimile aux fréquences propres des poutres.
Les modes que nous recherchons sont les premiers modes de flexion.
72
CHAPITRE 2. MISE EN ŒUVRE ET TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES DE
CARACTÉRISATION
2.6 Conclusions
— La résine époxy a été choisie pour sa compatibilité avec la méthode de mise en œuvre et son bon
écoulement au sein du renfort ;
— la technique d’infusion de résine à travers l’épaisseur (afin d’assurer une bonne répartition de la
résine) de la préforme a été utilisée pour la mise en œuvre des composites stratifiés ;
— cette technique a été employée pour sa facilité de mise en œuvre, pour le faible investissement
requis et pour le fait qu’elle permet d’évacuer les bulles d’air grâce au système de pompe à vide,
ce qui va contribuer à la réduction de la porosité des plaques finales ;
— les tests de caractérisation qui nous permettront de connaître les propriétés des renforts secs et
celles des stratifiés élaborés ont été présentés dans ce chapitre. Il s’agit notamment d’essais de
compaction, de flexion, de choc, d’indentation et de vibration.
— les résultats issus de cette campagne expérimentale seront progressivement exposés dans la suite
de ce document ;
— le chapitre suivant sera consacré à l’étude du comportement des renforts secs en compaction.
73
Chapitre 3
Sommaire
3.1 Présentation des renforts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
3.1.1 L’architecture des différents renforts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
3.1.2 La nature des renforts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
3.2 Compaction des renforts secs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
3.2.1 Exploitation des essais de compaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
3.2.2 Taux de remplissage surfacique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
3.2.3 Modèle de compaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
3.2.4 Précision de l’ajustement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
3.2.5 Identification des phases de compaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
3.2.6 Résultats des essais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
3.3 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
74
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
Ce sont des nappes ou des rubans constitués de fibres parallèles entre elles et orientées dans une
seule direction. Lorsque la liaison transversale entre les fibres est assurée par de la résine, on parle de
préimprégnés. Cette cohésion transversale inter-fibres peut être également réalisée par un léger tissage
où les fibres de tissage (dans le sens transversal) sont de l’ordre de 2% de la masse totale du renfort. On
parle de renfort quasi-unidirectionnel lorsque ce tissage transversal présente des fibres en quantité faible
par rapport aux fibres du sens longitudinal.
Les tissus bi-biais (ou bi-axiaux) sont composés de deux nappes unidirectionnelles positionnées à
+45◦ /-45◦ et maintenues par un fil de couture dans le sens de l’épaisseur.
Un tissage est un procédé de fabrication de textile dans lequel deux ensembles distincts de mèches
sont entrelacés à angle droit pour former un tissu. Le tissu est généralement fabriqué sur un métier à tisser.
Les fils qui sont dans le sens du métier sont appelés des fils de chaîne et les fils transverses prennent le
nom de fils de trame.
On appelle armure le mode d’entrelacement des fils de chaîne et de trame c’est-à-dire la manière dont
ces deux types de fils s’entrecroisent les uns avec les autres. On distingue principalement trois familles
d’armures : la toile, le sergé et le satin.
La toile (appelé aussi tissage simple ou uni) : dans l’armure toile, chaque fil de trame passe alterna-
tivement, à chaque rangée, au-dessus puis en-dessous de chaque fil de chaîne. C’est l’armure la
plus ancienne et la plus simple. Elle est aussi la moins déformable du fait d’un grand nombre
d’entrecroisements.
Le sergé : cette armure est facile à repérer car elle crée des lignes en diagonale. Le fil de trame flotte
au-dessus de un ou plusieurs fils de chaîne puis passe en-dessous de un ou plusieurs fils de chaîne.
De plus, chaque nouveau fil de trame se décale par rapport au précédent pour que les passages sous
le fil de trame ne soient pas alignés mais forment un effet oblique.
Le satin : ici, le fil de chaîne chevauche plusieurs fils de trame avant de repasser sous un fil de trame et
de recommencer. Le satin est la plus complexe des armures car le passage du fil de trame sous le
fil de chaîne est variable et déterminé grâce à des méthodes mathématiques en fonction de l’aspect
final que l’on souhaite obtenir pour le tissu. C’est l’armure la plus déformable et elle est souvent
utilisée pour réaliser des formes complexes. Le satin reste l’armure tissée qui présente le moins
d’oscillation des mèches et possède donc de bonnes caractéristiques mécaniques dans le plan.
La différence avec le sergé réside dans le décalage des points de tissage entre deux mèches consé-
cutives qui ne se touchent jamais pour le satin.
75
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
Huit renforts à base de fibres de lin sont impliqués dans cette étude. Ils sont tous produits en France
et proviennent de diverses entreprises.
Les avantages de la fibre de lin sont nombreux. Ces fibres offrent notamment une faible densité
(donc un allègement de la structure), une rigidité spécifique plus élevée que celle des fibres de verre,
une absorption des vibrations plus élevée que celle des fibres de carbone et de verre, des isolations
thermique et acoustique supérieures à celles du carbone, et elles ont un faible impact sur l’environnement
comparativement à la fibre de verre par exemple.
Les fibres de lin constituant ces différents renforts sont passées par les quatre étapes habituelles de
préparation du lin textile : l’arrachage, le rouissage, le teillage et le peignage. Même si les caractéristiques
mécaniques de ces renforts ne sont pas connues, on peut se référer aux informations fournies dans le
chapitre 1.
Les renforts lin utilisés dans nos travaux comportent une toile 1 , deux sergés, deux bi-biais, un UD,
un quasi UD et un UD grille (UD normal + 2 légers tissages perpendiculaires dans le sens longitudinal
et transversal). Le tableau 3.1 résume les caractéristiques relatives à chacun de ces renforts. Le titrage
(3ème colonne du tableau) est la mesure utilisée pour déterminer la grosseur ou la finesse d’un fil ou d’une
mèche. L’unité de mesure internationale du titrage est le tex, donné en gramme par kilomètre.
Nous avons notamment réalisé des essais de compaction sur ces différents renforts de lin mais un
seul parmi eux a été utilisé pour la mise en œuvre et la caractérisation mécanique.
Les fibres de carbone sont essentiellement utilisées pour renforcer les matériaux composites. Elles
sont réputées pour leurs hautes performances mécaniques, surtout en traction. Les caractéristiques méca-
niques de ces fibres ont été présentées dans le chapitre 1. Le renfort carbone utilisé dans le cadre de cette
étude est un tissu bidirectionnel équilibré 0/90◦ à structure sergé 2/2, et ayant un grammage 189 g/m2.
1. Pour la toile en lin, c’est un titrage du fil. Mais tous les autres titrages (y compris le verre et le carbone) sont des titrages
de mèche.
76
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
(a) L1 (b) L2
(c) L3 (d) L4
(e) L5 (f) L6
(g) L7 (h) L8
77
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
C1
Les renforts à fibres de verre impliqués dans notre travail de thèse sont des tissés à structures satin
et sergé. Trois renforts ont été utilisés. Deux parmi eux sont des satins de 4 (l’un est fin (275 g/m2 de
grammage) et l’autre est plutôt grossier avec un grammage de 560 g/m2) et le troisième est un sergé
2/2 de grammage 400 g/m2. Les fibres de verre ont de très bonnes caractéristiques spécifiques et sont
largement utilisées dans le renforcement des plastiques. Les propriétés mécaniques des tissus de verre
utilisés dans cette étude ne sont pas connues mais il s’agit de tissu de verre E standard. Le tableau 3.3
résume les propriétés mécaniques de ce type de verre.
78
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
(a) V1
(b) V2 (c) V3
79
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
On a :
v f ibres
Vf = (3.1)
vempilement
or
m f ibres G′f ibres S
v f ibres = = et vempilement = S ecompactée (3.2)
ρ f ibres ρ f ibres
donc :
G′f ibres S
ρ f ibres G′f ibres
Vf = = (3.3)
S ecompactée ρ f ibres ecompactée
avec :
— m f ibres : masse des fibres ;
— ρ f ibres : densité ou masse volumique des fibres ;
— S : surface compactée ;
— G′ : masse surfacique de l’empilement. Et : G′ = G n où G est la masse surfacique d’un pli et n, le
nombre de plis ;
— ecompactée : épaisseur compactée. Et : ecompactée = ei - ∆e , où ei est l’épaisseur initiale et ∆e, la
variation d’épaisseur. Cette dernière est mesurée par la machine d’essai.
Finalement, le taux de fibres de l’empilement est donné par la relation 3.4 :
Gn
V f ibres = (3.4)
ρ f ibres ecompactée
Dans le tableau 3.5, on peut retrouver les valeurs des masses volumiques des fibres utilisées le long
de nos calculs.
Matériau Lin Carbone Verre
Masse volumique (g/cm3) 1,54 1,7 2,6
80
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
𝐻 𝑒𝑖 = 𝐻 − ℎ − ℎ′
ℎ′
F IGURE 3.4 – Schéma montrant le calcul de l’épaisseur ei pour le tissu de lin 720 g/m2
81
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
Pression de compaction
Lors des essais, l’effort exercé par la machine est relevé en fonction du déplacement relatif correspon-
dant à la variation d’épaisseur de l’empilement de renfort, ∆e. La surface de contact entre le plateau et le
renfort étant constante durant tout l’essai, on peut aisément estimer la pression exercée sur l’empilement
de renfort. Cette pression est donnée par le rapport classique de l’effort à la surface.
F 4F
P= = (3.5)
S π d2
avec :
— F : effort de compaction ;
— S : surface de contact entre le renfort et le plateau ;
— d : diamètre du plateau de compaction (d=100 mm).
82
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
F IGURE 3.5 – Images illustrant la détermination du taux de remplissage surfacique (exemple du tissu
toile de lin) : (a) image d’origine, (b) image rétro éclairée et (c) image seuillée
83
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
σ = a V fb (3.7)
Les paramètres a et b sont des constantes empiriques tandis que σ est la contrainte de compaction et V f
le taux volumique de fibres.
Grâce à la méthode d’optimisation sans dérivée DFO (Derivate Free Optimisation) implémentée dans
Matlab, nous avons obtenu les paramètres a et b.
Le cœfficient de puissance b prend typiquement des valeurs comprises entre 3 et 10 et, ses valeurs
sont dépendantes de l’architecture du renfort [152].
Comme observé dans la littérature, les paramètres a et b n’ont pas vraiment de signification physique.
Il n’y a pas non plus de logique entre les valeurs de ces cœfficients et les caractéristiques des tissus. Ceci a
notamment été démontré dans la thèse de Cadinot [100]. Pour des renforts mats, elle a trouvé des valeurs
de b situées entre 5 et 8 alors que pour des renforts plus ordonnés comme des UD ou des tissés de type
satin, les valeurs de b vont de 9 à 14. Par ailleurs, la valeur de b peut significativement être affectée par
la vitesse de compaction en raison du caractère viscoélastique des renforts en compression [152].
Suivant les renforts utilisés dans notre étude, pour les empilements à 8 plis, les valeurs du cœfficient
b varient de 3,4 à 9,5. En ce qui concerne la compaction monopli, les valeurs de ce cœfficient sont
comprises entre 4,9 à 8,4. Selon les renforts et le nombre de couches compactées, on pourra observer
une différence relative entre les cœfficients (voir tableau 3.7). Il est toutefois important de noter que les
valeurs de a et b sont obtenues dans une configuration où la pression de compaction P est donnée en kPa
tandis que le taux volumique de fibres V f ∈ [0 ; 1].
Le cœfficient de corrélation entre le fittage et les résultats expérimentaux est également donné dans
le même tableau pour chacun des renforts. Nous pouvons remarquer qu’il y a une forte corrélation entre
les points expérimentaux et leur fittage, car globalement ces coefficients sont très proches de 1 aussi bien
pour les séquences 1 pli que celles à 8 plis.
La figure 3.6 montre un exemple d’ajustement de courbes de compaction, courbes issues des quatre
tests expérimentaux réalisés sur l’un des empilements. Cette logique d’ajustement a été bien sûr respectée
pour chacun de nos renforts.
84
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
Tableau 3.7 – Paramètres du modèle de compaction et coefficients de corrélation entre le fittage et l’ex-
périmental
85
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
600
Courbes expérimentales
500 Courbe ajustée
Pression de compaction (kPa)
400
300
200
100
0
10 20 30 40 50
Taux volumique de fibres (%)
F IGURE 3.6 – Ajustement des courbes de compaction (exemple du renfort UD 175 g/m2)
où n est le nombre de points expérimentaux et : inf = inférieur, sup = supérieur, fit = fittée et exp =
expérimental.
Pour l’ensemble des renforts, nous avons globalement observé un intervalle de confiance très res-
treint ; ce qui signifie que les résultats fittés présentent une très bonne précision.
!
dP
ki = (3.9)
dV f
P∈[0 ; 5]
86
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
600
Ajustement
500 Bornes inférieure et supérieure
Pression de compaction (kPa)
400
300
200
100
0
0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5
Taux volumique de fibres
F IGURE 3.7 – Précision de l’ajustement : intervalle de confiance (exemple du renfort UD 175 g/m2)
!
dP
kf = (3.10)
dV f
P∈[595 ; 600]
Soient :
Alors, le critère qui a été défini pour identifier les phénomènes physiques liés aux trois régimes de
compaction est le suivant (figure 3.9) :
— lorsque P < Pi , nous sommes en régime 1 caractérisé par la fermeture des espaces entre les plis et
redressement des mèches ;
— lorsque Pi < P < Pf , le renfort empilé est en régime 2 de compaction qui est attribué au glissement
des plis entre eux et à l’imbrication des mèches entre elles. Ce phénomène physique est aussi
appelé le nesting ;
— enfin lorsque P > Pf , place au régime 3. Ce régime est marqué par la compression des mèches et
des fibres.
Cette technique nous a permis de dégager les plages de V f correspondant aux différents phénomènes
physiques ayant lieu durant la compaction.
87
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
P = 600
Plage pour calcul de 𝑘𝑓
Plage pour calcul de 𝑘𝑖
Pression de compaction (kPa)
P = 595
P=0 P=5
𝑃 = 𝑃𝑓
Pression de compaction (kPa)
𝑘𝑓
𝑃 = 𝑃𝑖
𝑘𝑖
𝑉𝑓 𝑃 = 𝑃𝑖 𝑉𝑓 𝑃 = 𝑃𝑓
Taux volumique de fibres
88
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
V f à P = 1 bar (%)
Renfort Gain (%)
1 pli 8 plis
UD 175 g/m2 20,72 32,88 58,68
UD grille 200 g/m2 19,10 35,63 86,54
Quasi UD 200 g/m2 19,25 27,44 42,54
Toile 240 g/m2 24,12 35 45,11
Bi-axial 250 g/m2 18,85 31,84 68,91
Bi-axial 750 g/m2 29 51,6 77,93
Sergé 370 g/m2 23,54 29,4 24,89
Sergé 720 g/m2 26,73 40,51 51,55
Tableau 3.8 – Influence du nombre de plis : tableau des valeurs de V f , pour les renforts lin
V f à P = 1 bar (%)
Renfort Gain (%)
1 pli 8 plis
Carbone sergé 189 g/m2 30,66 58,85 91,94
Verre sergé 400 g/m2 31,95 57,37 79,56
Verre satin 275 g/m2 26,01 51,43 97,73
Verre satin 560 g/m2 31,34 60,75 93,84
Tableau 3.9 – Influence du nombre de plis : tableau des valeurs de V f , pour les renforts synthétiques
Si pour une même pression, le taux volumique de fibres de l’empilement à huit plis est plus élevé que
celui d’un seul pli, cela veut dire que l’empilement à huit plis témoigne d’une certaine souplesse durant
la compaction.
L’écart de comportement entre les deux systèmes d’empilement s’explique principalement par le
mécanisme du nesting qui est plus accru dans un empilement multi-couches que dans un pli seul, en
89
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
raison des monts et vallées présents dans les couches adjacentes. En effet, ce nesting est créé par le
mouvement de rencontre entre les parties hautes (monts) et basses (vallées) des plis adjacents. Cette
rencontre entre les plis permet de supprimer les espaces vides qui existent entre eux. Le nesting, ajouté
à la réorganisation de fibres au sein de chaque couche, permet de réduire au maximum le vide contenu
dans l’empilement.
Chen et al. [153] propose un schéma (figure 3.10) qui illustre mieux ce qui se passe lors de la com-
paction d’un empilement de plusieurs couches de renfort sec. Il décrit, à différents degrés de compaction
(y compris l’état non comprimé), le déroulement du nesting entre les couches d’un empilement de tissus
bidirectionnels à armure toile.
F IGURE 3.10 – Section d’un empilement de tissus 2D à divers degrés de compaction : (a) V f = 29% (état
non comprimé), (b) V f = 38%, (c) V f = 46% et (d) V f = 62% [153]
On peut observer que suivant la pression exercée, les sections transversales des mèches se déforment
et s’aplatissent. Ceci a un impact direct sur l’ondulation des mèches qui décroit naturellement avec leur
redressement sous l’effet de la pression. On voit au même moment un glissement des mèches des couches
adjacentes (dont les sections transversales sont visibles) les unes sur les autres, de façon à ce que les
espaces vides entre elles soient remplis autant que possible. Au bout d’un moment, on peut remarquer que
le glissement des mèches ainsi que leur déformation atteignent leur paroxysme (les mèches deviennent
quasi statiques) et c’est à partir de cet instant que les fibres commencent à se compacter.
En guise de conclusion, on pourra dire que plus on ajoute de couches plus la compressibilité va aug-
menter. Parce que l’ajout de couches signifie augmentation de possibilité de déplacement inter-couches
et donc augmentation du nesting. Ce glissement fluide entre les plis réduit la rigidité de la séquence et
par conséquent la rend plus compactable.
90
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
200 200
1 pli 1 pli
8 plis 8 plis
Pression de compaction (kPa)
100 100
50 50
0 0
5 10 15 20 25 30 35 40 5 10 15 20 25 30 35 40 45
Taux volumique de fibres (%) Taux volumique de fibres (%)
150 150
100 100
50 50
0 0
5 10 15 20 25 30 35 10 15 20 25 30 35 40
Taux volumique de fibres (%) Taux volumique de fibres (%)
(c) Lin quasi UD 200 g/m2 (d) Lin toile 240 g/m2
200 200
1 pli 1 pli
8 plis 8 plis
Pression de compaction (kPa)
150 150
100 100
50 50
0 0
10 15 20 25 30 35 40 10 20 30 40 50 60
Taux volumique de fibres (%) Taux volumique de fibres (%)
(e) Lin bi-axial 250 g/m2 (f) Lin bi-axial 750 g/m2
200 200
1 pli 1 pli
8 plis 8 plis
Pression de compaction (kPa)
150 150
100 100
50 50
0 0
10 15 20 25 30 35 10 20 30 40 50
Taux volumique de fibres (%) Taux volumique de fibres (%)
(g) Lin sergé 370 g/m2 (h) Lin sergé 720 g/m2
91
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
200 200
1 pli 1 pli
8 plis 8 plis
Pression de compaction (kPa)
100 100
50 50
0 0
10 20 30 40 50 60 70 10 20 30 40 50 60 70
Taux volumique de fibres (%) Taux volumique de fibres (%)
(a) Carbone sergé 189 g/m2 (b) Verre sergé 400 g/m2
200 200
1 pli 1 pli
8 plis 8 plis
Pression de compaction (kPa)
100 100
50 50
0 0
10 20 30 40 50 60 10 20 30 40 50 60 70
Taux volumique de fibres (%) Taux volumique de fibres (%)
(c) Verre satin 275 g/m2 (d) Verre satin 560 g/m2
Afin d’étudier la différence entre un renfort UD et un renfort bi-axial vis-à-vis de leur comportement
en compaction, deux renforts de lin ayant des grammages proches ont été testés. Il s’agit du bi-axial 250
g/m2 et du renfort UD grille 200 g/m2.
La figure 3.13 présente le résultat de ces essais. Mais, avant d’en discuter, faisons une analyse géné-
rale de la courbe de compaction.
Le comportement affiché par chacun des deux renforts est à l’image du comportement typique d’un
renfort fibreux sollicité en compaction, indépendamment de tous les facteurs d’influence que nous allons
étudier. En effet, le comportement global est non linéaire avec une augmentation rapide de la pression de
compaction en fonction de la fraction volumique de fibres.
Ce comportement expérimental confirme les observations que nous avons faites dans la littérature et
que nous avons exposées dans le chapitre 1. Les courbes sont composées de trois zones différentes : (1)
linéaire, (2) non linéaire et (3) linéaire [110].
(1) En début d’essai, lorsque les efforts appliqués sont faibles, l’épaisseur du renfort diminue essen-
tiellement dû à la fermeture des pores entre les fibres et à la désondulation (redressement) des fibres ou
des mèches.
(2) Plus les efforts sont importants, plus le contact entre les fibres est marqué et le frottement entre fibres
commence à s’opposer à la compaction. La résistance à la compression du renfort augmente alors de
façon exponentielle avec la pression.
(3) À partir d’un certain effort, quand les vides entre fibres sont suffisamment petits et quand le glisse-
ment de fibres atteint sa limite, les fibres sont elles-mêmes comprimées. Les efforts s’élèvent rapidement
en fonction du taux volumique.
92
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
200
Tissu bi-axial (bi-biais) de lin 250 g/m²
UD grille de lin 200 g/m²
Pression de compaction (kPa)
150
100
50
0
5 10 15 20 25 30 35 40 45
Taux volumique de fibres (%)
(a) Courbes P −V f
0 20 40 60 80 100
Taux volumique de fibres (%)
(b) Phases de compaction
93
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
Par rapport au renfort unidirectionnel, on observe qu’à pression de compaction égale, le renfort bi-
axial présente des taux volumiques de fibres plus élevés. Le renfort unidirectionnel est donc plus com-
pactable que le bi-axial. Même si cette remarque est vraie quelle que soit la pression de compaction, nous
allons prendre Po = 1 bar comme pression de référence, soit 100 kPa. Cette valeur correspond quasiment
à celle de la dépression utilisée en infusion (voir chapitre 2) pour mettre sous compaction les préformes
(-0.95 bar). Le tableau 3.10 donne les valeurs du taux volumique de fibres à 1 bar pour les deux renforts
ainsi que leur taux de remplissage surfacique.
Renfort bi-axial 250 g/m2 Renfort UD grille 200 g/m2 Gain (%)
V f à P = 1 bar (%) 31,84 35, 63 11,90
Trs (%) 93,87 86,73 -
À priori, lorsqu’on regarde le taux de remplissage surfacique des deux renforts, on pourrait imaginer
que le renfort bi-axial qui possède un taux de remplissage plus grand que celui du renfort UD serait
plus compactable que ce dernier (parce qu’un taux de remplissage élevé signifie que le renfort est moins
poreux). Mais ce résultat montre que ce n’est pas forcément le cas. Ce qui compte dans la réduction de la
porosité du renfort n’est pas uniquement le taux de fibres de départ mais aussi la capacité du renfort à se
déformer afin de remplir les espaces interstitiels lors de la mise sous compaction, pour faire augmenter
le taux de fibres final.
La valeur plus élevée du taux volumique de fibres du renfort UD s’explique par le fait que le phé-
nomène de nesting se déroule plus facilement dans les renforts UD que les multi-axiaux. Comme nous
l’avons déjà vu, le nesting contribue grandement à la réduction de l’épaisseur du renfort ou de l’em-
pilement durant la compaction. La figure 3.13b explique parfaitement ce résultat. En l’analysant, nous
pouvons voir que pour le renfort UD, comparativement au renfort bi-axial, les plis et les mèches se re-
dressent plus vite et le nesting apparaît plus rapidement. Cette apparition rapide du nesting témoigne
de la bonne capacité du renfort unidirectionnel à se déformer en vue de faciliter le compactage. On re-
marquera aussi que non seulement ce phénomène de glissement de plis survient plus vite mais aussi il
se déroule plus longuement par rapport au renfort bi-axial (étendue de 41,1% de fibres contre 23,6%).
Ceci montre que les plis et les mèches arrivent suffisamment à glisser les uns par rapport aux autres et à
s’entremêler. Ce qui favorisera le remplissage des espaces vides. À la suite de ce glissement, les fibres se
compriment pour achever le processus de réduction des porosités contenues dans l’empilement.
Dans les UD, les fibres suivent une seule direction et sont parallèles non seulement entre elles au
sein du même pli mais aussi parallèles aux fibres des plis voisins de l’empilement. Ces fibres peuvent
donc, durant la compaction faire déplacer d’autres fibres voisines pour remplir les vides ou les espaces
creux, et créer ainsi une structure compacte. Par contre, dans les renforts multi-axiaux les vides laissés
par l’entrecroisement des mèches ou fils sont difficiles à remplir par les fibres des couches voisines qui
comportent elles-mêmes des espaces inter-mèches. Le compactage entre des plis où les fibres sont toutes
orientées dans la même direction est plus facile qu’entre des plis avec différentes orientations des mèches
ou des fibres. Le renfort bi-axial est formé de deux nappes croisées entre elles, orientées à 45◦ l’une par
rapport à l’autre et cousues par un fil. Le croisement de ces nappes crée des trous dans le renfort qui se
révèlent difficiles à remplir (figure 3.14b).
Dans le but d’étudier l’influence du grammage du renfort sur son comportement en compaction, nous
avons effectué des essais sur trois groupes de renforts. Le premier groupe est constitué de deux renforts
unidirectionnels de grammages respectifs 175 g/m2 et 200 g/m2 (figure 3.15), le second groupe de deux
94
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
F IGURE 3.14 – Images illustrant les espaces interstitiels dans les renforts
renforts de lin bi-axiaux de grammages 250 g/m2 et 750 g/m2 (figure 3.16) et enfin la troisième catégorie
regroupe deux tissus de verre satin dont les grammages sont de 275 g/m2 et 560 g/m2 respectivement
(figure 3.17). Les huit couches de chaque empilement sont orientées de la même façon et superposées de
telle manière que le parallélisme des mèches dans chaque direction (trame et chaîne pour les tissus) soit
conservé.
Pour chacune de ces catégories, nous avons remarqué que les renforts à forte densité surfacique sont
plus compactables que ceux dont la densité est moins importante (tableau 3.11).
Tissu bi-axial 250 g/m2 Tissu bi-axial 750 g/m2 Gain (%)
V f à P = 1 bar (%) 31,84 51,6 62,06
Satin de verre 275 g/m2 Satin de verre 560 g/m2 Gain (%)
V f à P = 1 bar (%) 51,43 60,75 18,12
Tableau 3.11 – Influence du grammage : tableau des valeurs de V f pour les 3 groupes de renfort
95
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
plus il y a de possibilité de mouvement au sein des mèches. Le renfort de grammage supérieur commence
donc à se déformer principalement par réduction des espaces vides. Une fois que ces espaces vides se
sont suffisamment réduits, les mèches se compriment elles-mêmes avec l’évolution de la contrainte et la
fraction volumique de fibres augmentent considérablement.
Nous pouvons donc conclure que l’empilement à plus forte densité surfacique, sous l’action de la
contrainte, se déforme plus que celui à faible densité. Cette déformation, affectant premièrement les
espaces vides et ensuite les fibres, contribue à l’obtention d’une structure plus compacte.
200
UD de lin 175 g/m²
UD grille de lin 200 g/m²
Pression de compaction (kPa)
150
100
50
0
0 10 20 30 40
Taux volumique de fibres (%)
(a) Courbes P −V f
0 20 40 60 80 100
Taux volumique de fibres (%)
(b) Phases de compaction
96
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
200
Tissu bi-axial (bi-biais) de lin 250 g/m²
Tissu bi-axial (bi-biais) de lin 750 g/m²
Pression de compaction (kPa)
150
100
50
0
10 20 30 40 50 60 70
Taux volumique de fibres (%)
(a) Courbes P −V f
0 20 40 60 80 100
Taux volumique de fibres (%)
(b) Phases de compaction
97
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
200
Tissu satin de verre 275 g/m²
Tissu satin de verre 560 g/m²
Pression de compaction (kPa)
150
100
50
0
10 20 30 40 50 60 70 80
Taux volumique de fibres (%)
(a) Courbes P −V f
0 20 40 60 80 100
Taux volumique de fibres (%)
(b) Phases de compaction
F IGURE 3.17 – Influence du grammage : comparaison des deux tissus satins de verre
98
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
La rigidité de flexion des renforts joue un rôle important dans leur comportement lors du procédé de
mise en œuvre en impactant notamment la formation de plis.
Les tissus de lin toile et bi-axial de grammages respectifs 240 g/m2 et 250 g/m2 ont été testés pour
étudier l’effet du type de mèches sur le comportement (figure 3.18). Le premier est fait de mèches de
fibres alors que le second est constitué de mèches de fils. Même si le mode de tissage n’est pas tout à fait
le même, ces deux renforts sont analysés comme appartenant à la classe des tissus.
La compression des renforts tissés est essentiellement dominée par l’action combinée de la flexion
des fibres, du réarrangement intra-mèches (glissement des fibres dans les mèches) et de l’imbrication
des mèches des plis adjacents (glissement inter-mèches). Le réarrangement de la structure interne des
mèches est caractérisée par un aplatissement (écrasement) des fils ou des fibres.
Normalement, pour que les fibres puissent être écrasées il faut que l’effort de compaction arrive à
surmonter la résistance de frottement développée par les fibres. Mais, les fils constituant les mèches du
tissu toile sont plus rigides que les fibres unitaires présentes au sein des mèches du tissu bi-axial. Cette
rigidité trop importante des fils occasionne une forte résistance du tissu à l’effort de compaction. Ce
rapport de force entre effort de compaction et résistance de frottement compromet donc la déformation du
tissu. Or une pauvre déformabilité du tissu implique un mauvais compactage en raison d’un remplissage
des porosités intra et inter-mèches insuffisant.
En analysant la courbe, on observe deux tendances : de 0 à environ 300 kPa, V f , bi−axial < V f , toile et
au-delà 300 kPa, V f , bi−axial > V f , toile . Le tableau 3.12 indique les valeurs des taux volumiques de fibres
à 100 kPa et 600 kPa des deux empilements. Dans cette section, nous avons poussé les investigations
plus loin en termes de pression vu le comportement particulier du tissu toile de lin (comportement non
linéaire très rigidifié).
Tissu bi-axial 250 g/m2 Tissu toile 240 g/m2 Gain (%)
V f à P = 1 bar (%) 31,84 35 9,92
V f à P = 6 bars (%) 45,4 42,32 -6,78
Différence (%) 42,58 20,91 -
Le résultat de la première tendance est lié à la prédominance du régime 1 pour le tissu toile compte
tenu de sa configuration géométrique particulière (architecture présentée dans le chapitre 2). En effet, de
0 à 300 kPa, comme on peut le remarquer sur la figure 3.18a, le taux volumique de fibres évolue de 0 à
40%. Si nous nous rapportons ensuite à la figure 3.18b, on pourra constater que sur cette plage de V f , le
mécanisme de redressement de plis suivi d’un aplatissement de l’empilement, correspondant au premier
régime de compaction est prépondérant pour le tissu de lin toile.
À partir d’une certaine pression (quasiment 300 kPa), le taux volumique de fibres du tissu toile passe
en-dessous de celui du tissu bi-axial. À ce stade de la compaction, le mécanisme qui domine est la
compression des mèches (par déformation de flexion). Les mèches du tissu toile formées de fils rigides
ont du mal à se déformer alors que les mèches du tissu bi-axial constituées uniquement de fibres (moins
rigides que le fil) continuent à se déformer et donc à combler les espaces vides pour au final donner lieu
à une structure compacte avec un taux de fibres élevé.
On retiendra donc qu’un renfort de type fil, à cause d’une rigidité de flexion élevée, est moins com-
pactable qu’un renfort fait uniquement de fibres.
99
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
700
Tissu bi-axial (bi-biais) de lin 250 g/m²
600 Tissu toile de lin 240 g/m²
Pression de compaction (kPa)
500
400
300
200
100
0
10 20 30 40 50
Taux volumique de fibres (%)
(a) Courbes P −V f
0 20 40 60 80 100
Taux volumique de fibres (%)
(b) Phases de compaction
100
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
Par le terme « nature de fibre », nous voulons exprimer la différence entre renfort à fibres synthétiques
et renfort à fibres naturelles.
Ainsi, pour analyser l’influence de ce paramètre sur la réaction en compaction des renforts, nous
avons mené des essais sur un tissu de verre sergé de 400 g/m2 de grammage mis en comparaison avec un
tissu de lin sergé de grammage 370 g/m2.
Ces deux renforts ont quasiment un même grammage et possèdent une même architecture. Pourtant,
nous notons un grand écart entre les taux de fibres obtenus quelque soit la pression de compaction. Ce
résultat est en adéquation avec quelques travaux de la littérature [154, 155] où il a été montré qu’un
renfort synthétique se compacte mieux qu’un renfort naturel. Les valeurs à 1 bar sont donnés dans le
tableau 3.13. On remarque aussi en analysant les deux courbes que plus l’effort de compaction augmente
plus l’écart entre elles s’agrandit.
Lin sergé 370 g/m2 Verre sergé 400 g/m2 Gain (%)
V f à P = 1 bar (%) 29,4 57,37 95,13
Plusieurs facteurs d’ordres structural et géométrique expliquent pourquoi un renfort synthétique est
plus compactable qu’un renfort naturel. Ces facteurs sont la forme de la section transversale, l’orientation
des fibres et le degré de séparation des fibres [156].
La forme de la section transversale d’une fibre synthétique est différente de celle d’une fibre naturelle.
Tandis que les fibres naturelles ont une section circulaire ou sous forme de polygone irrégulier, les fibres
synthétiques sont lenticulaires (ayant la forme d’une lentille (concave ou convexe)) en termes de section.
Cette forme lenticulaire de la section des fibres des tissus synthétiques permettrait un fort compactage
inter-mèches par rapport aux mèches des tissus naturels. Les paquets de fibres synthétiques jouissent
d’un bon alignement et tassement à l’état initial, aspect qui contribue à une meilleure compression. La
forme particulière de la section transversale des fibres de verre leur assurerait une bonne insertion les
unes dans les autres sans obstacle majeur.
Le second facteur qui influe sur la moins bonne compaction des renforts naturels est la désorientation
des fibres. Cette désorientation est causée par la torsion et la pilosité.
L’alignement des fibres affecte certainement la compactibilité des renforts. En termes d’orientation, les
fibres sont clairement plus ordonnées et uniformes dans le tissu de verre que dans celui du lin.
La pilosité est aussi une source de désorientation des fibres. En raison de la longueur relativement courte
des fibres naturelles, pendant le processus de filage, toutes les extrémités de fibres ne sont pas bien
intégrées dans la structure de la mèche ou du fil. Cette distribution des fibres qui sortent (de par leurs
extrémités) de la surface des mèches est appelée pilosité. Ces bouts de fibres saillants ont un aspect
négatif sur la compaction parce qu’ils provoquent une mauvaise orientation des fibres dans la mèche.
Alors que plusieurs bouts de fibres débordent de la surface des mèches de lin (et donc du tissu), les fibres
de verre sont parfaitement intégrées dans leurs mèches qui offrent un aspect lisse contrairement au lin. Par
ailleurs, nous avons déjà vu que le frottement entre fibres était un facteur important. Parce que pendant
la compaction, les couches empilées se déplacent entre elles par glissement pour dissiper de l’énergie.
Ainsi, les fibres synthétiques en raison de leur faible rugosité de surface, et donc un faible effort de
frottement, aussi bien à l’échelle microscopique que macroscopique, arrivent à se réarranger entre elles
et à former un ensemble assez compact contrairement aux fibres naturelles qui sont plus rugueuses.
Enfin, comme nous l’avons annoncé plus haut, le degré de séparation des fibres affecte aussi la
compaction des renforts fibreux. En raison d’un degré de liberté élevé, les renforts dont les fibres sont
bien séparées se compactent mieux. Tandis que les fibres synthétiques sont bien séparées entre elles,
101
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
les fibres naturelles se touchent et s’entremêlent ; ce qui explique leur niveau de compaction faible. Cet
entremêlement est notamment lié aux résidus de l’agent de liaison naturel, la pectine.
L’ensemble de ces facteurs contribue à un meilleur compactage de la séquence verre comme nous
pouvons le voir sur la figure 3.19b où le redressement des mèches et le nesting sont bien plus importants
dans l’empilement des couches de verre que celui des couches lin. Ces deux mécanismes, surtout le
nesting, comme évoqué tout au long de ce chapitre, sont des éléments responsables du remplissage des
porosités comprises dans les plis et entre les plis lors de la compaction.
200
Tissu de lin sergé 370 g/m²
Tissu de verre sergé 400 g/m²
Pression de compaction (kPa)
150
100
50
0
10 20 30 40 50 60 70
Taux volumique de fibres (%)
(a) Courbes P −V f
0 20 40 60 80 100
Taux volumique de fibres (%)
(b) Phases de compaction
102
CHAPITRE 3. COMPACTION DE RENFORTS SECS POUR MATÉRIAUX COMPOSITES
STRATIFIÉS
3.3 Conclusions
— 12 renforts de lin, de verre et de carbone (UD et tissus) ont été présentés dans ce chapitre. Un
accent particulier a été mis sur la caractérisation du tissu toile de lin en raison de son architecture
complexe. Ces renforts ont été étudiés en compaction selon une séquence d’empilement à 8 plis et
à 1 pli ;
— la compaction des renforts intervient pendant la mise en œuvre des composites, et elle est dominée
par trois régimes ou mécanismes : réarrangement et redressement des plis et mèches, glissement
des plis et mèches ou nesting et enfin la compression des mèches et des fibres ;
— une méthode basée sur le calcul de pente nous a permis d’identifier ces trois régimes ;
— le modèle de Toll et Manson donné par σ = a V fb a été utilisé pour fitter les courbes expérimentales
afin de décrire le comportement des renforts. Les paramètres a et b n’ont pas véritablement de sens
physique. Une bonne corrélation entre fitting et expérience a été observée ;
— le comportement en compaction des renforts fibreux secs dépend de plusieurs facteurs. Ceux qui
ont fait l’objet de notre étude sont : le nombre de plis de la séquence, l’architecture du renfort, le
grammage, le type de mèches et la nature des fibres. Les séquences :
— à 8 plis sont plus compactables que celles à un pli. De façon générale, plus le nombre de plis
est élevé plus la séquence est compactable ;
— de grammage plus élevé sont plus compactables que celles de grammage faible ;
— dont les mèches sont en fibres sont plus compactables que celles dont les mèches sont en fil ;
— à fibres synthétiques sont plus compactables que celles à fibres naturelles.
103
Chapitre 4
Sommaire
4.1 Choix des renforts pour l’hybridation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.2 Caractérisation du tissu toile de lin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.2.1 Architecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.2.2 Observation optique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
4.2.3 Modélisation 3D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.2.4 Essais de traction sur les fils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.3 Séquences d’empilement et technique hybridation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
4.4 Compaction des empilements hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.4.1 Méthode de calcul de taux de fibres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.4.2 Influence de l’hybridation et de la séquence d’empilement . . . . . . . . . . . 112
4.5 Microstructure des stratifiés et relation avec la séquence d’empilement . . . . . . 114
4.5.1 Caractérisation de la microstructure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
4.5.2 Influence de la séquence d’empilement sur le taux de porosités . . . . . . . . . 116
4.6 Propriétés des composites lin et carbone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
4.6.1 Propriétés de flexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
4.6.2 Propriétés en indentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
4.6.3 Comportement à l’impact (choc Charpy) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
4.6.4 Propriétés d’amortissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
4.6.5 Bilan des séquences non-hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
4.7 Caractérisation des séquences hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
4.7.1 Propriétés en flexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
4.7.2 Propriétés en indentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
4.7.3 Comportement à l’impact (choc Charpy) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
4.7.4 Propriétés d’amortissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
4.7.5 Bilan des séquences hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
4.8 Bilan général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
4.9 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
104
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
105
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
(a) (b)
F IGURE 4.1 – Vue zoomée (a) et dessin manuel du tissu toile de lin (b)
(a) (b)
F IGURE 4.2 – Dispositif montrant les observations optiques réalisées sur le tissu (a) et Image d’un nœud
élémentaire du tissu (b)
Sur cette figure, on observe l’entrelacement entre une mèche de chaîne et une mèche de trame. Le
nœud est formé par 10 fils (5 dans le sens chaine et 5 autres dans le sens trame). Alors si nous désignons
par « c » et par « t », respectivement, un fil de chaîne (sens vertical donc sur cette figure il s’agit du fil
blanc) et de trame (sens horizontal, fil gris sur cette figure), on a un système : 2c-3t-3c-2t. Ceci signifie
tout simplement que dans un premier temps 2 fils de chaîne flottent au-dessus, ensuite 3 fils de trame
106
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
passent en-dessous, puis 3 fils de chaîne passent encore en-dessous et finalement 2 fils de trame viennent
en-dessous de tous les fils précédents pour fermer ainsi le nœud. Pour comprendre facilement ce que
nous venons de décrire, il est nécessaire de lire la figure dans le sens de la profondeur.
La description précédente est particulièrement attribuée au nœud encerclé (en rouge), que nous observons
sur la figure 4.2b.
Mais, d’une façon générale, que ce soit dans le sens vertical ou horizontal, on distingue une alternance
du duo : (2c-3t-3c-2t)-(2t-3c-3t-2c) sur toute l’étendue du tissu.
Nous avons ensuite effectué des mesures grâce à un logiciel lié à la camera. Les premières mesurent
donnent lieu à l’espacement se trouvant entre les mèches dans les deux sens du tissu.
Après cette étape, une quarantaine de fils ont été extraits dans chacun des sens du tissu, afin d’en
connaître le diamètre. Des observations optiques ont donc été menées sur ceux-ci. Et les diamètres on été
calculés. Les résultats ont montré que les fils ont la même grosseur, qu’ils soient blancs ou gris. Toutefois,
il est important de signaler que les fils ne sont pas tout à fait homogènes en termes de diamètre. Donc,
sur chaque fil, des mesures ont été faites tout au long. Pour le diamètre final retenu, une moyenne a été
faite de toutes les mesures effectuées.
F IGURE 4.3 – Images montrant les observations réalisées sur les fils
4.2.3 Modélisation 3D
Avec tous les paramètres précédemment identifiés, nous avons réalisé une représentation 3D du tissu
via le logiciel TexGen. L’objectif de cette modélisation volumique est de mieux présenter le tissu, d’es-
timer son taux de remplissage et de mieux comprendre les sources de porosité dans les composites qui
seront ultérieurement fabriqués. La figure 4.4 montre la représentation d’une maille élémentaire du tissu.
Le taux de remplissage volumique lié à cette maille et donné par le logiciel est de 65%.
107
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
F IGURE 4.4 – Représentation 3D d’une maille du tissu de lin à armure toile, sous TexGen
La différence de couleur peut avoir pour origine des traitements de surface réalisés sur les fils. Ce
traitement dont on ignore la nature, s’il a effectivement été réalisé, pourrait avoir une incidence sur le
comportement des fils qui l’auraient subi.
Les tests ont été effectués sur une vingtaine de fils aussi bien dans la direction chaîne que trame. La
longueur des fils est de 50 mm. Ces tests ont été réalisés à l’aide d’une machine de traction universelle
de type MTS Criterion Model 43. Des mors sous forme de pince ont été montés sur la machine. Au cours
des premiers tests que nous avons faits, nous avons assisté à un glissement des fils des mors lorsqu’ils
sont mis en tension. Afin de remédier à ce problème, des morceaux de papier cartonné ont été utilisés.
Ces morceaux de papier sont fixés aux extrémités des fils à l’aide d’une colle. Les fils, dont les bouts
sont ainsi maintenus dans des papiers sont alors insérés dans les mors et les essais ont pu se dérouler
normalement (figure 4.5).
Les essais ont été exécutés à une vitesse de 0.5 mm/min à température ambiante. Un capteur d’effort
de 500 N a été utilisé pour la mesure des efforts alors que le déplacement des fils a été mesuré par la
traverse de la machine vu qu’un extensomètre ne peut tenir sur les fils.
La figure 4.7 montre l’évolution de l’effort en fonction de l’allongement. Ces résultats montrent un
comportement purement linéaire pour les deux fils avec une rupture assez nette. On observe cependant
avec une différence de pente entre les fils. Ceci signifie que les fils dans le sens chaîne n’ont pas la même
rigidité que ceux du sens trame. En ce qui concerne leur résistance, le fil blanc se montre légèrement plus
108
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
résistant que le marron. Le fil blanc affiche une valeur quasi égale à 12 N (11,97 N) tandis que le marron
est à 10,08 N de résistance. On en conclut que les fils n’ont pas les mêmes propriétés dans les deux sens ;
ceci pourrait être lié au traitement de surface appliqué à ces fils.
1. Phénomène observé lorsqu’une plaque initialement plane, soumise à des efforts agissant strictement dans son plan, quitte
sa configuration plane et fléchit transversalement lorsque des contraintes de compression sont induites dans la plaque du fait de
la sollicitation.
2. Torsion ou déformation par rapport à un plan ou à une ligne de référence.
109
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
15
Fil blanc
Fil marron
10
Effort (N)
0
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0
Allongement (mm)
F IGURE 4.8 – Effet de la symétrie miroir lors du refroidissement après fabrication d’un stratifié [157]
Tableau 4.1 – Définition des séquences d’empilement des stratifiés. s = symétrie, C = Carbone et L = Lin
110
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
111
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Tableau 4.2 – Paramètres du modèle de compaction pour les empilements hybrides et cœfficient de
corrélation entre le fittage et l’expérimental
De ces résultats, nous tirons deux conclusions. La première : le mélange de plis de lin et de carbone
permet d’améliorer le taux volumique de fibres du lin seul en compaction. On passe de 35% à 41,05% en
moyenne soit un gain de 17,28 %. La deuxième : la position des plis de carbone ou de lin dans la séquence
n’a pas un véritable impact sur le taux volumique de fibres. En effet, comme le montre le tableau 4.3, on
obtient dans le pire des cas un taux de fibres 40,08 % ([CCLL]s ) et au mieux, 42,5 % ([LLCC]s ) à 1 bar,
ce qui ne nous semble pas très significatif comme différence.
Le premier résultat s’explique par la perte de rigidité de la séquence [LLLL]s de départ. L’apport des
plis de carbone (la structure des fibres, la faible désorientation, la bonne séparation des mèches) améliore
la déformation de la séquence et favorise la réduction des espaces vides qui résident en son sein, surtout
si ces plis sont placés de par et d’autre des plis de lin.
Ce qu’on pourra retenir du second résultat c’est que, ce qui importe dans la compaction, ce sont
les phénomènes physiques (réorganisation et déformation de fibres/mèches, aplatissement de mèches,
glissement inter-couches . . . ) se déroulant au sein de chaque pli et entre les plis. La position ou l’ordre
des plis rentre très faiblement en jeu durant le processus de compaction de renforts secs. Ce résultat
rejoint quelques analyses effectuées par certains auteurs sur l’effet de la séquence d’empilement sur
le comportement en compaction [158, 159]. En outre, les figures (4.10b et 4.10d) montrant l’ordre et le
déroulement des régimes de compaction viennent corroborer ce constat. En effet, contrairement aux deux
112
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
600
[LLLL]s
500 [CCCC]s
300
200
100
0
20 30 40 50 60 70 80
Taux volumique de fibres (%)
(a) Courbe P − V f
0 20 40 60 80 100
Taux volumique de fibres (%)
[CLCL]s
[CCLL]s
400
300
200
100
0
20 30 40 50 60 70 80
Taux volumique de fibres (%)
(c) Courbe P − V f
0 20 40 60 80 100
Taux volumique de fibres (%)
F IGURE 4.10 – Influence de l’hybridation et de la séquence d’empilement sur la compaction : (a) et (b)
Séquences non hybrides et, (c) et (d) séquences hybrides
113
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
— La double pesée : on pèse le matériau dans l’air et dans l’eau afin de remonter à la masse volumique
d’un corps (s’il est étanche). Connaissant la masse volumique de chacun des constituants, on peut
retrouver le taux volumique de fibres dans le matériau. Cette méthode est performante dans la
mesure où la masse volumique des fibres est différente de celle de la matrice. Par contre, dans
cette méthode, on suppose que la porosité est négligeable ;
— la pyrolyse ou la calcination : permet d’avoir accès au taux massique de fibres. Elle consiste à
brûler totalement la phase polymère du matériau dont on connaît la masse, en le portant à des
températures supérieures à celle de fusion de la résine mais inférieures à celle des fibres. La masse
de fibres restantes après calcination est pesée pour en déduire le taux massique de fibres. Cette
méthode ne donne pas des informations sur la porosité ;
— la microscopie : optique ou électronique à balayage, elle permet d’avoir une évaluation de la mi-
crostructure par analyse de coupes transversales du composite. Elle permet aussi de savoir l’orien-
tation des fibres. Par contre, aucune information 3D n’est possible comme par exemple la connec-
tivité des pores ou l’architecture 3D de l’enchevêtrement des fibres ;
— l’ultrason : technique non destructive, son principe est identique à celui d’une radiographie. On
peut par exemple envoyer une onde ultra-sonore au travers d’une pièce à analyser, par le biais
d’un transducteur, et derrière cette pièce, on récupère le signal atténué par un autre transducteur.
En parcourant ainsi la pièce, on peut construire une carte d’atténuation dans la direction ciblée.
Cependant, les mesures sont moyennées dans l’épaisseur ; il est donc difficile de distinguer très
nettement les fibres de la matrice car les propriétés d’atténuation des deux phases sont très proches ;
— la radiographie à rayons X : non destructive aussi, son principe est également basé sur le mesure
d’atténuation de signal sauf qu’ici ces signaux sont des rayons X. Les mesures sont également
moyennées dans l’épaisseur dans ce cas ; ce qui rend difficile la distinction fibre-matrice ;
— la microtomographie à rayons X en mode d’absorption : technique de tomographie, non-destructive
et permettant d’obtenir des informations tri-dimensionnelles sur le matériau. Elle permet de bien
révéler les pores et de les quantifier, mais les fibres sont difficiles à distinguer de la matrice, pour
les mêmes raisons évoquées que précédemment.
114
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Aussi faut-il noter qu’au vu de la description ci-dessus, la plupart de ces techniques ne fournissent pas
de façon exhaustive les descripteurs de microstructure d’un matériau donné (taux de fibres, de porosité,
orientation du réseau fibreux, etc). Chacune d’entre elles semble être dédiée à un type de mesure.
Dans notre étude, nous avons utilisé une approche analytique pour quantifier la microstructure des
composites. Les lignes ci-dessous présentent cette méthode et donnent les différentes valeurs des taux
volumiques de fibres V f , de matrice, Vm et de porosité, Vp , obtenues selon la séquence d’empilement.
Données
Afin de quantifier la microstructure des stratifiés, les paramètres suivants sont à connaître :
— masse des plaques (pesée effectuée après découpe) : Mplaque ;
— dimensions des plaques : longueur L, largeur l et épaisseur e ;
— masse surfacique des renforts : G (Gcarbone , Glin ) ;
— masse volumique des fibres : ρ f (ρcarbone , ρlin ) ;
— masse volumique de la matrice : ρm .
Méthodologie
Les entités constituant la microstructure des composites renforcés de fibres sont liées par la relation
suivante :
V f + Vm + Vp = 1 (4.2)
où :
vf
Vf =
v plaque
vm
Vm =
v plaque
or :
Mf GSn
vf = =
ρf ρf
Mm Mplaque − M f
vm = =
ρm ρf
v plaque = L l e
GSn
Vf = (4.3)
ρf L l e
Mplaque − G S n
Vm = (4.4)
Lle
— les hybrides :
115
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
S Gcarbone ncarbone Glin nlin
Vf = + (4.5)
Lle ρcarbone ρlin
Vp = 1 −V f −Vm (4.7)
Les caractéristiques des fibres de carbone et de lin (masse volumique et grammage) sont rappelées
dans le tableau 4.4. La masse volumique de la matrice utilisée est également donnée.
Résultats
Les résultats issus de cette méthode d’évaluation de la microstructure des composites stratifiés sont re-
groupés dans le tableau 4.5.
116
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
— Une mauvaise compatibilité des fibres de lin avec la matrice, en raison de la chimie complexe
de la surface des fibres de lin
L’incompatibilité a pour conséquence une mauvaise adhérence entre fibres et matrice, laissant alors
des vides dans les plis et dans la séquence.
— La forme et les dimensions hétérogènes des fibres de lin. Ces caractéristiques géométriques
limitent l’imprégnation matricielle
Les caractéristiques géométriques du tissu de lin (désorientation, ondulation, tissage spécial) peuvent
également, dans une certaine mesure complexifier ou compromettre le trajet d’écoulement de la
résine. En réalité, ce chemin d’écoulement complexe va naturellement induire une mauvaise ré-
partition de la matrice dans la couche de lin. Donc, la matrice au lieu de bien se répartir dans tout
le composite va se densifier dans les couches de lin placées à l’extérieur, au détriment des couches
internes du composite. La matrice va ensuite se polymériser sur les faces laissant un intérieur
pauvre en résine et donc dominé par du vide. Un trajet d’écoulement complexe de la résine lors de
l’injection peut être à l’origine de porosité élevée de la séquence [LLCC]s comparativement aux
autres séquences hybrides.
— Fil torsadé
Les études de Rask et Madsen [161] ont révélé que la torsion des fibres provoque une augmentation
de porosité dans les composites renforcés par ce type de fibres. En réalité, plus le degré de torsion
des fibres est grand, plus les fibres sont extrêmement serrées entre-elles dans le fil. Dans une telle
configuration, il est difficile pour la matrice de s’insérer entre les fibres et de les imprégner comme
cela se doit. Toutes les fibres n’étant pas correctement imprégnées, il en résulte un composite à
taux de porosités important.
117
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
de mèches déformables. Cette spécificité du tissu de lin a pour conséquence une mauvaise com-
pressibilité.
— La perméabilité de la préforme
Les couches de carbone, en raison de leur homogénéité architecturale peuvent assurer une bonne
perméabilité de la résine à travers le stratifié. En effet, les plis de carbone peuvent servir à bien
distribuer la résine dans le stratifié vu le caractère simple du tissage (par rapport au tissage du lin).
En effet, les travaux de Song [162] ont montré qu’un tissage complexe peut provoquer l’apparition
de gradients de perméabilité induisant des écoulements différentiés très prononcés entre la surface
et le cœur du composite. Les écoulements différentiés provoquent des fermetures du front d’avan-
cée de la résine favorisant la présence de porosité au sein dans le composite. Ceci peut expliquer
la différence observée entre les taux de porosités : d’une part entre le composite lin [LLLL]s et
le composite carbone [CCCC]s et d’autre part entre les composites hybrides ayant des couches de
carbone à l’extérieur et les hybrides ayant des couches de lin à l’extérieur.
— Le nesting
Un mauvais nesting entre les plis de lin peut aussi expliquer le taux de porosités élevé. En effet,
une bonne imbrication des fibres et des mèches entre elles contribue à l’augmentation du taux de
fibres du composite par réduction de l’épaisseur. Or, une augmentation du taux de fibres implique
une réduction du taux de porosités.
Prenant en considération tous les éléments précédents, on pourra conclure que la séquence d’empilement
a une influence sur la microstructure finale des composites, en particulier le taux de porosités. Par ailleurs,
étant donné que la réduction du taux de porosités implique une augmentation du taux de fibres, il semble
alors logique d’affirmer que la séquence d’empilement qui, comme nous l’avons vu, influe sur la porosité
influe également et indirectement sur le taux de fibres des composites.
3F L
σ= (4.8)
2 b h2
avec :
118
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
— F : l’effort mesuré ;
— L : la portée ;
— b : la largeur de l’éprouvette ;
— h : l’épaisseur de l’éprouvette.
∆F L3
E= (4.9)
∆ f 4 b h3
avec :
— ∆ f est la variation de la flèche entre f1 et f2 définies comme suit :
ε1 L2
f1 =
6h
ε2 L2
f2 =
6h
où ε1 = 0,0005 et ε2 = 0,0025 ;
— ∆F : la variation de force entre les efforts F1 et F2 liés aux flèches f1 et f2 ;
— la grandeur ∆F
∆ f représente la pente à l’origine de la courbe force-flèche. C’est le cœfficient directeur
de la droite de régression linéaire au sens des moindres carrés relativement à la partie linéaire de
la courbe.
6fh
ε= (4.10)
L2
où f représente la flèche au centre de l’éprouvette.
119
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
800 800
essai 1
700 700
essai 2
essai 3
600 600
essai 4
500 essai 5 500
Effort (N)
Effort (N)
400 400
300 300
200 200
100 100
0 0
0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5
Flèche (mm) Flèche (mm)
(a) (b)
F IGURE 4.11 – Répétabilité des essais : (a) les 5 essais expérimentaux et (b) courbe retenue (essai 5)
d’un pli). Quant au composite lin, on observe un comportement non linéaire au bout duquel on a une
rupture brutale.
La part de non linéarité du composite lin [LLLL]s peut être attribuée à deux phénomènes : une perte
de rigidité globale du stratifié (surtout les couches inférieures sollicitées en traction) due à l’endommage-
ment des plis et une contribution de la matrice. Contrairement aux essais de traction où le comportement
est dominé par celui des fibres, pour les essais de flexion, en dehors des fibres, la matrice et l’interface
entre les plis interviennent dans le comportement général du matériau composite.
La figure 4.13 indique l’évolution des propriétés mécaniques de flexion des stratifiés carbone et lin.
On retrouve notamment la contrainte ultime, le module et la déformation à la rupture. Ces propriétés sont
la moyenne des cinq essais.
On voit que le carbone [CCCC]s est plus résistant, plus rigide, et se déforme moins que le lin [LLLL]s .
On obtient respectivement une résistance et une rigidité de 653,29 MPa et 49,61 GPa pour le carbone
alors que pour le composite lin nous n’avons plus que 100 MPa de résistance et 7 GPa de rigidité. Par
contre le lin se déforme plus que le carbone. Nous obtenons une déformation à la rupture de 1,53 %
pour le stratifié carbone tandis que celle du composite lin est de 2,50 %. Ceci s’explique par la capacité
naturelle d’élongation des fibres de lin qui est plus élevée que celle du carbone.
Les mécanismes de déformations des matériaux élasto-plastiques sollicités en indentation sont com-
plexes car ils dépendent des propriétés mécaniques du matériau à analyser, de celles de l’indenteur et de
la géométrie de l’indenteur. Par exemple, une indentation effectuée avec un indenteur à pointe émoussée
(par exemple une pointe sphérique, générant de faibles profondeurs d’indentation) conduit souvent à une
déformation élastique plus importante que celle que génère une indentation réalisée avec une pointe poin-
tue (pyramidale, conique). Ces mécanismes de déformations résultent d’une combinaison de champs de
120
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
700
[CCCC]s
600 [LLLL]s
500
Contrainte(MPa)
400
300
200
100
0
0 1 2 3 4 5 6
Déformation (%)
F IGURE 4.12 – Comportement des composites lin et carbone en flexion : courbe contrainte-déformation
800 60
653,29 51,38 49,61 2,37
Contrainte à la rupture (MPa)
50
Module de flexion (GPa)
600
40
400 30
20
200
100,30 3,93 10 7,08 0,43
0 0
s
s
s
s
L]
L]
C]
C]
LL
LL
CC
CC
[L
[L
[C
[C
2,5
2,0
1,53 0,04
1,5
1,0
0,5
0,0
s
s
L]
C]
LL
CC
[L
[C
Séquence d'empilement
F IGURE 4.13 – Évolution des propriétés mécaniques des composites lin et carbone
121
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
déformation élastique et plastique qui se forment sous l’indenteur et qui augmentent avec la profondeur
de pénétration [163].
Habituellement, on distingue deux modes de déformation (figure 4.14) :
— le mode sink-in : la surface du matériau indenté est tirée vers le bas et vers l’intérieur par la pointe
de l’indent. Le sink-in désigne un effondrement de surface. Ce mode de déformation est souvent
observé sur les matériaux élastiques ;
— le mode pile-up : ce mode est caractérisé par une remontée du matériau vers le haut. Le pile-up est
plus observé pour des matériaux présentant une forte déformation plastique.
Le degré de sink-in et de pile-up dépend essentiellement du rapport entre le module de Young et la
limite élastique du matériau ( σEe ) et du niveau d’écrouissage [164, 165]. Cela dépend aussi du cœfficient
de frottement entre le matériau et l’indent. Pour des matériaux avec écrouissage et avec un rapport σEe
élevé, on rencontre plus le phénomène de pile-up. En revanche, pour les matériaux sans écrouissage et à
faible valeur de σEe , c’est le sink-in a qui tendance à se produire.
Sink-in Pile-up
a a
A
hc hc
F IGURE 4.14 – Phénomènes de sink-in et de pile-up d’un matériau indenté (A) et les aires de contact
correspondants (B)
122
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
de Sneddon [166] et de Hertz [167]. Vu que la réponse du matériau est élastoplastique, l’idée est de
pouvoir dissocier la phase élastique de la phase plastique afin de procéder au traitement des résultats sur
la contribution élastique au moyen des équations de Sneddon et de Hertz. De toutes les techniques de
traitement de résultat que l’on peut retrouver dans la littérature, il y en a trois qui permettent d’approcher
au mieux le problème. Tout d’abord, il y a la méthode de Doerner et Nix [168] ; c’est la plus ancienne.
Ensuite, il y a les méthodes d’Oliver et Pharr [169], et de Field et Swain [170] qui ont été récemment
développées. La méthode d’Oliver et Pharr (améliorant l’approche de Doerner et Nix) est sans doute
la plus répandue et la plus utilisée de ces trois méthodes d’analyse. Elle sera par conséquent la seule
qui sera succinctement présentée dans cette étude. Nous donnerons par la suite les raisons qui nous ont
amenés à choisir cette méthode pour traiter nos données.
F = α ( h − hr ) m (4.11)
avec :
— F la charge instantanée ;
— h la profondeur d’indentation (déplacement de l’indent) ;
— hr la profondeur résiduelle d’indentation (profondeur de l’empreinte résiduelle) ;
— α constante ajustable en fonction des données expérimentales ;
— m cœfficient donné par le fittage de la portion initiale de la courbe de décharge (entre environ 98%
et 40% de l’effort maximal) grâce à la loi de puissance donnée par la relation 4.11.
Les observations faites par Oliver et Pharr remettent en cause l’hypothèse faite par Doerner et Nix
selon laquelle l’indenteur Berkovich est assimilé à un indenteur de type poinçon plat.
Afin de comprendre la démarche proposée par cette méthode, il est nécessaire de définir les différents
déplacements qui y sont inhérents (figure 4.15).
hs hr
hm hm
hc he
F IGURE 4.15 – Schéma montrant les différents déplacements intervenant dans la méthode d’Oliver et
Pharr
123
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Le déplacement total de l’indent ou la profondeur totale de pénétration hm est défini comme la somme
de la profondeur de contact hc et du déplacement de la surface autour de l’indenteur hs appelé aussi
déflexion élastique.
hm = hc + hs (4.12)
À la fin de la décharge, une empreinte résiduelle est laissée sur le matériau. La profondeur de cette
empreinte résiduelle est notée hr et, le déplacement dû à la réponse élastique du matériau sera noté he .
L’addition de ces deux déplacements est égale au déplacement maximal atteint par l’indent lors de l’essai.
hm = hr + he (4.13)
L’idée de cette loi est de calculer la raideur de contact S en un point spécifique : le point de charge
maximale (figure 4.16). Pour ce faire, un simple calcul de dérivation suffit. On dérive l’équation 4.11 par
rapport à h et on pose h = hm . Nous avons donc :
dF
S= = α m (hm − hr )m−1 (4.14)
dh h=hm
où hm est la profondeur d’indentation maximale.
Fm
S = dF
dh h=hm
hm
h
hr he
Les auteurs supposent ici que le déplacement du matériau lors de la charge est élasto-plastique et que
lors de la décharge il n’y a que la contribution élastique qui est retrouvée. Par conséquent, la profondeur
résiduelle laissée sur le matériau correspond au déplacement plastique induit par l’indenteur. Pour les
124
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
matériaux ayant un comportement plastique inverse, des études [171] ont montré que le déplacement dû
à la plasticité inverse peut être également négligé, puisque cette méthode ne devrait pas marcher pour ce
genre de matériaux.
Afin d’exprimer la fonction d’aire nécessaire au calcul des propriétés mécaniques du matériau (mo-
dule d’indentation et dureté), il faut connaître la profondeur de contact hc . Or cette profondeur n’est pas
expérimentalement mesurable. Donc la solution est de l’exprimer en fonction des paramètres que l’on
peut déterminer à partir des données expérimentales. Ainsi, grâce à l’équation 4.12 on réécrit hc :
hc = hm + hs (4.15)
Le paramètre hm étant le seul mesurable expérimentalement dans cette équation, il faut alors détermi-
ner hs . Et donc pour ce faire, Oliver et Pharr émettent l’hypothèse suivante : la déflexion hs de la surface
à l’extérieur de la zone de contact est purement élastique. Cette hypothèse valable pour un contact pu-
rement élastique ne l’est pour des contacts élasto-plastiques que si on considère un point de la surface
assez éloigné de la zone plastique. Ces auteurs se placent donc dans le cas d’un matériau homogène,
élasto-plastique et linéaire. Se basant sur les solutions de Sneddon [166], et en supposant que le com-
portement plastique du matériau indenté est de type « sink-in » (donc effet « pile-up » négligeable), la
formule suivante est établie par Oliver et Pharr :
Fm
hc = h m − ε (4.16)
S
où : ε est un paramètre lié à la géométrie de la pointe. Quant aux différentes valeurs qu’il prend en
fonction de la géométrie de l’indent, se référer au tableau 4.6.
Tableau 4.6 – Valeurs du paramètre ε selon le type d’indent [166, 171, 172]
Oliver et Pharr ont montré que la formule du module d’indentaton proposée par Doerner et Nix
peut être appliquée à n’importe quel type d’indent (sphère, cône, Vickers, Berkovich . . . ). Ils ont alors
repris cette formule et y ont ajouté un paramètre correcteur noté β qui a pour but de compenser la non-
axisymétrie de l’indenteur [172]. Ainsi, ils définissent le module comme suit :
√
1 π S
Er = p (4.17)
β 2 A pro j
S est la raideur de contact donnée par l’équation 4.14. Le terme β est un terme adimensionnel qui a
fait et fait l’objet de beaucoup d’études. King [173] préconise qu’il vaut 1 dans le cas de petites déforma-
tions d’un matériau élastique indenté par une pointe rigide axisymétrique homogène. Mais en réalité les
poinçons d’indentation sont loin d’être parfaitement axisymétriques. Plusieurs valeurs ont été proposées
dans la littérature mais pour une pointe Berkovich, celle qui est la plus utilisée est donnée par King et est
égale à 1,034.
Les auteurs ont montré que l’équation 4.17 est applicable à toute géométrie d’indent dans le cas d’un
contact élastique et élasto-plastique.
125
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Avec la connaissance de la géométrie exacte de l’indent, la dureté au sens d’Oliver et Pharr s’exprime
par :
F
H= (4.18)
A pro j
où F et A pro j sont respectivement l’effort appliqué et l’aire de contact projetée.
Le résultat que fournit cette approche de calcul de dureté peut être différent du résultat donné par
le traditionnel calcul de dureté surtout dans le cas d’un important recouvrement élastique pendant la
décharge. En effet, le calcul classique de dureté repose sur le rapport entre l’effort appliqué et la surface
de l’empreinte résiduelle après chargement alors que celle donnée par Oliver et Pharr considère l’aire
de contact projetée sous charge. Cette dernière méthode prend en compte la déformation élastique et la
déformation plastique. Donc, elle tient plus de la pression élasto-plastique moyenne du contact que de la
dureté au sens classique (dureté macroscopique).
Cette méthode a été choisie pour analyser nos résultats expérimentaux parce qu’elle est non seule-
ment applicable à n’importe quel matériau ayant un comportement élastique, plastique ou élasto-plastique
mais aussi applicable à n’importe quel type d’indenteur. En effet, les matériaux qui font l’objet de notre
étude que sont les composites appartiennent à ces classes de matériaux. En plus, cette méthode est par-
faitement adaptée pour le type de poinçon (sphérique) que nous avons utilisé pour faire nos essais. Aussi,
la méthode d’Oliver et Pharr nous permet de nous affranchir de la condition de linéarité de la courbe de
décharge requise par la méthode de Doerner et Nix, car selon eux la courbe de décharge est très rarement
voire jamais linéaire même dans les premiers instants de décharge. Pour les pointes sphériques, il a été
prouvé que les méthodes d’Oliver et Pharr et de Field et Swain, toutes issues de l’équation de contact
élastique de Hertz, sont équivalentes [172, 174]. La différence majeure entre ces deux méthodes est que
les derniers auteurs (Field et Swain) modélisent un couple de données à savoir la charge maximale et
un pourcentage donné de la décharge, tandis que les premiers (Oliver et Pharr) modélisent la pente à la
décharge initiale par dérivation de l’équation de Hertz.
F = α ( h − hr ) m (4.19)
Les paramètres du modèle α et m sont à déterminer (par fitting). Mais avant, il faut déterminer le
paramètre hr .
Détermination du paramètre hr
Physiquement, hr correspond à la profondeur de l’empreinte résiduelle marquée sur le matériau par
l’indenteur après décharge complète. Elle correspond à l’intersection entre la courbe de décharge et l’axe
des abscisses représentant la profondeur de pénétration. Pour l’obtenir, une régression linéaire doit être
appliquée à la courbe de décharge sur une plage de 0,05 à 0,15% de l’effort maximal. Pour cela, nous
avons utilisé la technique du Deming fitting ou régression orthogonale simple, qui est une méthode de
régression linéaire au sens des moindres carrés consistant à modéliser la relation entre deux variables
mesurées expérimentalement tout en tenant compte des erreurs de mesure liées à chacune des variables.
On pose :
126
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Ff it = ah h f it + bh
hr est donnée par :
bh
hr = − (4.20)
ah
où :
1 h q i
ah = Syy − δ Sxx + (Syy − δ Sxx )2 + 4δ Sxy
2
2 Sxy
bh = Fexp − ah hexp
et,
ah
h f it = hexp + Fexp − bh − ah hexp
δ + ah
avec :
1 n
hexp = hi exp
n∑1
1 n
Fexp = Fi exp
n∑1
1 n 2
Sxx = h h
n−1 ∑
i exp − exp
1
1 n 2
Syy = ∑ Fi exp − Fexp
n−1 1
1 n
Sxy = h h F F
n−1 ∑
i exp − exp i exp − exp
1
δ est le ratio des variances des erreurs liées aux deux variables mesurées. Dans le cas d’une régression
orthogonale ces variances sont égales et donc δ = 1.
Y = mX + p
Par conséquent, la méthode de régression utilisée dans la section précédente permet d’obtenir les
paramètres m et p. On en déduit le paramètre α :
127
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Courbe expérimentale
charge-décharge
Modélisation
𝑚
= ℎ − ℎ𝑟
Profondeur résiduelle
ℎ𝑟
Paramètres du modèle
,𝑚
Raideur de contact
𝑑 𝑚−
=( ) =𝑚 ℎ𝑚𝑎𝑥 − ℎ𝑟
𝑑ℎ ℎ= ℎ𝑚𝑎𝑥 Profondeur de contact
Profondeur de contact
𝑚𝑎𝑥
ℎ𝑐 = ℎ𝑚𝑎𝑥 − 𝜀
𝐴 𝑟 𝑗 = 𝑓 ℎ𝑐 = 𝜋 𝑎 = 𝜋 2 ℎ𝑐 − ℎ𝑐
𝐻=
𝑚𝑎𝑥 √𝜋
𝐴 𝑟 =
𝑟 𝑗 2 √𝐴 𝑟 𝑗
F IGURE 4.17 – Étapes d’obtention des propriétés mécaniques des stratifiés composites en indentation
128
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
α = ep
Soulignons que le fittage doit être effectué sur des portions bien spécifiques de la courbe de décharge
pour deux raisons : pour ne pas prendre en compte la virgule qu’on observe souvent en fin de décharge
(figure 4.18) correspondant à un artefact de mesure dû à la machine d’une part, et d’autre part pour
éliminer les effets possibles dus au fluage à la charge maximale [175].
Les valeurs que nous avons trouvées pour m et α sont parfaitement en accord avec la réalité de la
littérature, car il a été démontré qu’expérimentalement l’exposant m n’est pas une valeur constante et que
sa valeur doit être théoriquement comprise entre 1 et 2 [175].
Résultats obtenus
La figure 4.18 montre un exemple d’analyse d’une courbe charge-décharge d’un essai d’indentation
avec la méthode d’Oliver et Pharr.
7
Expérimental
6 Fitting pour obtenir hr
Fitting pour obtenir S
Fmax = 5
5
Effort F (kN)
4 Charge
3
S = 18, 417
kN/mm
2
1 Décharge
0
0 0.5 hr = 0, 784 1 hmax = 1, 213 1.5
Profondeur d'indentation h (mm)
F IGURE 4.18 – Exemple de courbe charge-décharge : méthode d’Oliver et Pharr (essai 1 séquence
[LLCC]s )
Les résultats obtenus en fonction des différents matériaux sont présentés ci-après. Ces résultats sont
la moyenne des cinq essais réalisés par matériau (tableaux 4.7, 4.8, 4.9 et 4.10).
Si hhc > 1 le matériau est de type pile-up et si hhc < 1 il est de type sink-in [176], et dans ce dernier
m m
cas la méthode d’Oliver et Pharr peut-être appliquée. Dans notre cas, tous les rapports hhc sont inférieurs
m
à 1 donc la méthode est fiable pour décrire le comportements des matériaux de notre étude ;
La figure 4.19 montre l’évolution du module d’indentation réduit Er et celle de la dureté H en fonc-
tion des deux composites non-hybrides, carbone et lin. On obtient un module de 4,21 GPa et une dureté
129
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Séquence d’empilement α m
[LLLL]s 15, 90 ± 0, 18 1, 66 ± 0, 02
[CCCC]s 19, 36 ± 0, 38 1, 53 ± 0, 02
Tableau 4.7 – Valeurs des paramètres du modèle pour les stratifiés non-hybrides
Tableau 4.8 – Valeurs des différentes profondeurs de pénétration (en mm) pour les stratifiés non-hybrides
avec Fmax = 5 kN
Tableau 4.9 – Valeurs de l’aire de contact projetée pour les stratifiés non-hybrides
130
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
de 333,50 MPa pour le stratifié carbone contre 2,51 GPa et 149,92 MPa pour le stratifié lin ; soit une
différence de 67,73% et 122,45% respectivement pour le module et la dureté.
5
Module d'indentation réduit (GPa)
4,21 0,11
4
3 2,51 0,04
0
s
s
L]
C]
LL
CC
[L
[C
Séquence d'empilement
(a) Module d’indentation réduit
400
333,50 18,80
300
Dureté (MPa)
200
149,92 6,38
100
0
s
s
L]
C]
LL
CC
[L
[C
Séquence d'empilement
(b) Dureté
Plusieurs raisons seront avancées ici pour expliquer cette différence observée entre les propriétés des
deux composites : la nature des plis, la qualité de l’adhésion interfaciale et la microstructure.
Il a été montré dans les travaux de Zhao et al. [177] que la dureté dépend de l’adhésion interfaciale.
En effet, nous savons que l’interface entre les fibres et la matrice joue un rôle majeur dans les proprié-
tés mécaniques des matériaux composites. En plus d’assurer la non-décohésion entre fibres et matrice,
l’interface fibres/matrice permet d’assurer également un bon transfert de charge de la matrice vers les
fibres pendant un chargement. Or, nous savons qu’au sein d’un composite, les fibres de lin n’adhèrent
pas correctement à la matrice polymère en raison d’une incompatibilité chimique. Cette mauvaise in-
compatibilité va, contrairement au composite carbone, davantage favoriser le décollement des fibres de
131
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Les essais de choc Charpy permettent d’obtenir la résilience ou la ténacité du matériau étudié. Cette
résilience se déduit à partir de l’énergie absorbée par le matériau, mesurée expérimentalement. L’énergie
absorbée rapportée à la section de l’éprouvette donne la résilience du matériau. L’essai de résilience sert
132
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
F IGURE 4.20 – Schémas montrant l’endommagement des plis après la décharge pour les stratifiés non-
hybrides
133
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
4.6.3.2 Résultats
La figure 4.21 montre les valeurs et l’évolution de la résilience des stratifiés non-hybrides. Pour
chacun des stratifiés, la valeur de résilience présentée ici est la moyenne des cinq valeurs correspondant
au nombre d’essais réalisés sur chaque séquence d’empilement.
12
10, 02 ± 0, 7
10
Résilience (J/cm²)
3, 19 ± 0, 57
4
0
s
s
L]
C]
LL
CC
[L
[C
Séquence d'empilement
Les résultats montrent que le composite carbone a une grande capacité d’absorption d’énergie com-
parativement au composite lin. En effet, le composite carbone offre une résilience de 10,02 J/cm2 qui est
supérieure de 214,11% à celle du composite lin (3,19 J/cm2). Des résultats similaires ont été trouvés dans
la littérature [181–184]. En effet, il a été prouvé dans ces différents travaux que les composites renforcés
par des fibres synthétiques (carbone, verre, aramide . . . ) ont une capacité d’absorption d’énergie lors
d’un impact tel qu’un choc (ou une ténacité) supérieure à celle des composites à base de fibres naturelles
134
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
(lin, jute, chanvre . . . ). La différence de comportement observée entre les deux types de composite est es-
sentiellement attribuée à la mauvaise résistance de l’adhésion entre les fibres naturelles (lin) et la matrice
polymère, comparativement aux fibres synthétiques (carbone) qui ont une meilleure compatibilité avec
la matrice. Ces zones de faible adhésion des fibres naturelles avec la matrice favorisent la propagation
des fissures responsables de la dégradation de la résistance du composite. Les propriétés mécaniques des
fibres telles que le module d’Young et l’allongement à la rupture sont des facteurs importants quant au
comportement du composite face à un choc. Les fibres de carbone ont une rigidité plus élevée que celle
des fibres de lin. Cette rigidité des fibres permet au composite carbone d’absorber une grande énergie
de choc. Par ailleurs, la continuité des fibres synthétiques et leur bon arrangement (alignement et pa-
rallélisme) favorisent aussi la résistance des composites renforcés avec ces fibres suite à un impact. En
fait, ces caractéristiques géométriques permettent souvent d’éviter un éventuel pull-out (retrait ou sortie)
précoce des fibres de la matrice [185].
La tolérance aux dommages est le second comportement (en dehors de la capacité d’absorption
d’énergie) qu’on peut analyser sur un composite soumis à un choc. On distingue trois principaux modes
de déformation de l’éprouvette : sans rupture, rupture partielle, rupture complète. Une rupture partielle
des éprouvettes (forme en V) a été observée aussi bien pour le composite carbone que pour le composite
lin, comme le montre la figure 4.22. En revanche, une déformation plus prononcée a été observée pour
les éprouvettes en lin. La majorité des couches ayant rompu dans le composite lin sont celles qui se
trouvent du coté opposé à la face impactée en raison des contraintes de traction subies par ces couches à
la suite choc (figure 4.22c, vue de profil). Le mode de déformation de l’éprouvette est contrôlé par le ou
les mécanismes de rupture qu’elle a subis. Les mécanismes de rupture les plus rencontrés sont la rupture
de la matrice, la rupture des fibres et le délaminage [186]. Dans notre cas un mécanisme de rupture de
fibres a été observé. L’apparition de micro-fissures dans la matrice est le premier endommagement qui
apparaît dans un composite sollicité au choc [186]. Sa présence engendre principalement la réduction
de rigidité de la couche affectée mais pas une rupture sévère du composite. Bien que cette fissuration
matricielle ne soit pas le mode de rupture le plus important, elle provoque la rupture des fibres ou le
délaminage qui sont les modes de rupture principalement responsables de la perte de rigidité globale
du composite. Pour les éprouvettes composites lin, les couches de la face impactée ont déformé sans
rompre ni fissurer (figure 4.23b). Par contre pour les éprouvettes carbone, on a pu observer une rupture
de fibres traversant toute l’épaisseur du composite. Tous les plis ont été très endommagés, ce qui rend
le matériau proche d’une rupture complète ; des fissures ont été repérées sur la couche extérieure au
point d’impact (figure 4.23a). Cette fissuration sur la couche impactée indique une concentration de
contrainte due au caractère fragile des fibres de carbone qui éliminent la distribution des contraintes dues
à l’impact [187] ; ce qui est le contraire des couches de lin qui possèdent une meilleure tolérance aux
dommages à cause de leur flexibilité de pliage [188] afin d’éviter au composite de lin de connaître une
rupture complète c’est-à-dire la séparation de l’éprouvette en deux. En résumé, en dépit d’une mauvaise
capacité d’absorption d’énergie, le composite stratifié lin affiche une meilleure tolérance aux dommages
grâce à une déformation à la rupture de ses fibres plus élevée que celle des fibres de carbone. Les fibres
de lin ont une déformation à la rupture supérieure qui est autour de 3% alors que celles des fibres de
carbone est de moins de 1% [189].
L’amortissement mécanique est défini comme le phénomène de dissipation d’énergie dans un ma-
tériau. Ce facteur est une caractéristique importante du comportement dynamique du matériau. Cette
dissipation d’énergie peut être attribuée à plusieurs phénomènes tels que les frottements internes (frotte-
ments dans le matériau), les frottements externes comme la résistance de l’air, les frottements visqueux,
etc.
135
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
(a) Vue de devant (face impactée) (b) Vue de derrière (c) Vue de profil
F IGURE 4.22 – Modes de rupture observés après les essais de choc pour les séquences non-hybrides : la
première ligne est relative au composite carbone et la seconde au composite lin
(a) Point d’impact du composite carbone (b) Point d’impact du composite lin
(c) Zoom sur la tranche des éprouvettes carbone (d) Zoom sur la tranche des éprouvettes lin
136
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
— La méthode -3dB
Avec cette méthode, il faut se servir de la courbe de la fonction de réponse en fréquence pour
déterminer l’amortissement du matériau. En réalité, le facteur de perte est dépendant de la largeur
de la bande de fréquence prise à -3dB du pic de fréquence. Le facteur de perte est donné par la
relation 4.22 :
f2 − f1
η= (4.22)
f0
où f0 est la fréquence de résonance et, f1 et f2 sont les fréquences correspondant aux abscisses des
points d’intersection de la droite horizontale Amax − 3dB avec la courbe de la fonction de réponse.
La figure 4.26, donnée dans la section 4.6.4.2, illustre parfaitement cette méthode.
— La méthode du facteur d’amplification
Ici également, on peut obtenir le facteur de perte connaissant la courbe de réponse en fréquence. En
réalité, il se déduit du facteur d’amplification dynamique Q. Le facteur d’amplification dynamique
est exprimé comme suit (relation 4.23) :
s
1 + η2
Q= (4.23)
η
1 xn
δ= ln (4.24)
m xn+m
avec :
— δ : le décrément logarithmique ;
— n : le numéro de pseudo-période choisi ;
— m : le nombre de pseudo-périodes considérées dans le calcul du décrément.
— La méthode énergétique
La méthode énergétique s’appuie sur la quantité d’énergie dissipée dans la structure au cours du
mouvement. Dans le cas présent, on considère qu’on peut exprimer en fonction de l’amortissement
et de l’énergie emmagasinée de chaque élément de la structure le cœfficient d’amortissement d’une
structure donnée (relation 4.25).
n
∑ ηi Ui
i=1
η= n (4.25)
∑ Ui
i=1
137
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
F IGURE 4.24 – Courbe montrant la décroissance de la réponse d’un système pseudopériodique [54]
138
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
20
0
Amplitude (dB)
-20
-40
essai 1
-60 essai 2
essai 3
essai 4
-80
0 500 1000 1500 2000
Fréquence (Hz)
F IGURE 4.25 – Exemple d’une fonction de réponse en fréquence. Bonne répétabilité des essais
20
0
Amplitude (dB)
-20
-40
-60
-80
0 500 1000 1500 2000 2500
Fréquence (Hz)
(a) (b)
F IGURE 4.26 – Méthode -3dB pour la détermination du cœfficient d’amortissement appliquée à un mode
propre isolé (a) et à l’ensemble de tous les modes propres (b)
139
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
pouvoir amortissant. Ce constat est en adéquation avec plusieurs travaux de la littérature [190–193]. Les
écarts observés entre les facteurs de perte entre composite lin et composite carbone peuvent être liés,
à différentes échelles, à divers facteurs. Ces facteurs sont le caractère viscoélastique des fibres de lin,
l’architecture des fibres de lin, à l’interface entre les fibres ainsi qu’à l’interface fibres/matrice [6, 190–
192, 194].
— À l’échelle de la fibre
Duc et al. [195] ont montré dans leurs travaux que ces différences sont principalement attribuées à la
structure morphologique des fibres de lin. En réalité, la structure de la fibre de lin favorise mieux la
dissipation d’énergie que celle de la fibre de carbone. Cette dissipation d’énergie s’effectue d’une part
par le frottement de la paroi intra-cellulaire entre la cellulose et l’hémicellulose. Ces deux éléments
structuraux sont contenus dans la couche S2 de la fibre de lin tel que nous l’avons vu au chapitre 1.
D’autre part, la dissipation d’énergie est dû aussi au frottement entre les parois cellulaires.
— À l’échelle du fil
Les fibres unitaires de lin ne sont pas toutes parfaitement séparées. Ces fibres, dans notre cas, sont
assemblées en fils, au sein desquels la résine peut avoir du mal à s’infiltrer durant la mise en œuvre du
composite. Ces zones non ou mal imprégnées créent des mécanismes de friction entre les fibres formant
le fil.
— À l’échelle du composite
Le problème d’adhésion entre fibres de lin et la matrice peut favoriser la dissipation d’énergie dans les
composites lin. En effet, des frottements peuvent avoir lieu au niveau des microfissures laissées par cette
mauvaise adhésion interfaciale. Ce mécanisme contribue à l’amélioration de l’amortissement.
Les paramètres de fabrication des tissus tels que l’angle de torsion des fils et l’ondulation des mèches ont
une importante influence sur le mécanisme de dissipation d’énergie à l’intérieur du matériau composite
[190]. La torsion des fils du tissu toile et l’ondulation que présentent ses mèches provoquent une baisse
de rigidité dans le plan du composite lin comparativement au composite carbone où les tissus ont une
structure plus redressée et plate. Une quantité importante d’énergie se dissipe par frottement entre les
mèches et les fils du renfort toile. Cette dissipation d’énergie explique l’amélioration de l’amortissement
du composite lin.
Le tableau 4.11 montre les valeurs des fréquences et des cœfficients d’amortissement associés aux
modes de vibration des composite de carbone et de lin. Les fréquences propres du composite lin sont
10,45 à 12 % inférieures à celles du composite carbone. Ce résultat semble logique parce que la fréquence
propre est proportionnelle à la rigidité du matériau. Par ailleurs, ses cœfficients d’amortissement sont
283,78 % à 490 % supérieurs à ceux du composite carbone.
140
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
3,0
[LLLL]s
[CCCC]s
2,5
(%)
2,0
Amortissement
1,5
1,0
0,5
0,0
0 500 1000 1500 2000 2500 3000
Fréquence f (Hz)
F IGURE 4.27 – Évolution de l’amortissement des composites lin et carbone en fonction de la fréquence
[LLLL]s [CCCC]s
Mode 1 56 62,67
Mode 2 347,58 388,17
Mode 3 973,58 1082
Mode 4 1902 2100,92
(a) Fréquence propre f0 (Hz)
[LLLL]s [CCCC]s
Mode 1 1,42 0,37
Mode 2 1,77 0,30
Mode 3 1,85 0,35
Mode 4 2,04 0,45
(b) Amortissement η (%)
Tableau 4.11 – Évolution de la fréquence propre (a) et de l’amortissement (b) des composites lin et
carbone suivant les 4 premiers modes
141
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Pour des raisons de clarté, nous souhaitons apporter un éclaircissement par rapport à la lecture du
graphique. Les propriétés sont normées par rapport à la plus grande valeur obtenue sur une échelle de 0
à 1, du centre vers l’extérieur. Le stratifié qui a la meilleure propriété n’est pas forcément celui qui se
trouve à l’extérieur. En effet, pour le taux de porosités du composite, plus nous nous rapprochons de 0
plus nous avons une bonne performance. Pour toutes les autres propriétés, plus on se rapproche de 1 plus
le résultat est intéressant.
[LLLL]s [CCCC]s
Module
d'indentation
(GPa)
Taux de porosités 1
0,9 Dureté (MPa)
du composite (%) 0,8
0,7
0,6
0,5
Taux de fibres du 0,4 Module de
composite (%) 0,3 flexion (GPa)
0,2
0,1
0
Taux de fibres en Contrainte de
compaction (%) flexion (MPa)
Coefficient Déformation à la
d'amortissement rupture en flexion
(%) (%)
Résilience
(J/cm²)
F IGURE 4.28 – Comparaison de toutes les propriétés des composites carbone et lin
Comme nous pouvons donc le constater, en dehors des caractéristiques dynamiques, le composite
carbone est plus intéressant que le composite lin, tant au niveau de l’aspect mécanique que de la micro-
structure.
La différence de propriétés mécaniques entre les deux composites est attribuée aux résistance et
rigidité élevées des fibres de carbone, à leur structure morphologique non poreuse et à leur bonne affinité
chimique avec la résine polymère.
Le taux de fibres élevé et le faible taux de porosités du stratifié carbone s’expliquent par une bonne
capacité de compaction des couches, une bonne répartition de la résine en leur sein et une bonne adhésion
entre les fibres et la matrice.
En revanche, le composite lin en raison d’un excellent pouvoir amortissant des fibres de lin et d’une
mauvaise adhésion entre les fibres et la matrice affiche les meilleures propriétés dynamiques. Le com-
142
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
posite lin offre également une meilleure tolérance aux dommages quant au comportement en choc parce
que les fibres de lin ont la capacité de se déformer avant de rompre.
On voit aisément que les deux composites ont des comportements opposés. Leur hybridation va donc
permettre d’obtenir un composite qui tire profit des propriétés de chacun de ces composites.
400
[CCLL]s
350 [CLCL]s
[LCLC]s
300 [LLCC]s
Contrainte(MPa)
250
200
150
100
50
0
0 1 2 3 4 5 6
Déformation (%)
F IGURE 4.29 – Comportement en flexion des composites hybrides : courbe contrainte-deformation
En flexion, la zone la plus sollicitée du matériau est la moitié inférieure de l’éprouvette, c’est-à-dire
la partie qui se trouve en-dessous de la fibre neutre. Partant de ce fait, nous allons nous intéresser à
la nature et à la position des couches se situant dans cette zone pour mieux expliquer la différence de
comportement entre les stratifiés de type hybride.
En analysant à la fois la composition des séquences d’empilement et leurs comportements méca-
niques, on s’aperçoit que plus les couches de carbone s’éloignent de la surface inférieure du composite
143
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
(sollicitée en traction) plus la pente de la courbe décroit. Les couches de carbone apportent de la rigidité
au matériau et donc moins nous en avons à l’extérieur moins le matériau sera rigide. L’écart observé
entre les pentes (paramètre caractéristique de la rigidité d’un matériau) est donc lié non seulement au
nombre de plis de carbone placés en peau du matériau mais aussi à leur position. Plus il y a de couches
de carbone à l’extérieur plus le matériau sera rigide. On peut remarquer cela en comparant les séquences
[CCLL]s et [CLCL]s où dans le premier cas on a mis deux couches à l’extérieur et dans le second une
seule couche. Le second est moins rigide que le premier à cause du pli de lin qui vient séparer les deux
couches de carbone.
La fibre de lin étant naturellement moins rigide que celle du carbone, la rupture fragile du composite
[CCLL]s s’explique par le fait qu’aucune des quatre couches de lin se trouvant au cœur du matériau n’a
été affectée. On suppose que si c’était le cas la courbe aurait connu une variation de pente avant rupture.
La rupture a donc eu lieu dans les plis de carbone. En ce qui concerne les séquences [CLCL]s , [LCLC]s
et [LLCC]s , le changement de comportement (passage à la non-linéarité) que nous avons attribué à une
chute de rigidité s’explique par la présence de plis de lin dans le domaine le plus sollicité du matériau.
Plus nous mettons de plis de lin à l’extérieur plus nous avons une phase non-linéaire plus marquée.
144
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
374,26 18,49
400
214,24 10,95
200 169,15 6,30
100
0
]s
]s
C]
L]
C
LL
LC
LC
CL
C
[C
[C
[L
[L
Séquence d'empilement
(a) Contrainte de flexion
50
41,75 3,82
Module de flexion (GPa)
40
27,26 2,55
30
20
15,05 0,68
10 7,97 0,74
0
s
]s
C]
C]
L]
L
LC
CL
LC
CL
[C
[C
[L
[L
Séquence d'empilement
(b) Module de flexion
4
3,24 0,32
Déformation à la rupture (%)
3
2,42 0,24
2
1,36 0,16
1,03 0,09
1
0
s
s
C]
C]
L]
L]
LC
CL
LC
CL
[C
[C
[L
[L
Séquence d'empilement
(c) Déformation à la rupture
F IGURE 4.30 – Évolution des propriétés mécaniques des composites hybrides carbone/lin
145
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Séquence d’empilement α m
[LLCC]s 19, 23 ± 0, 29 1, 61 ± 0, 04
[LCLC]s 17, 94 ± 0, 23 1, 70 ± 0, 03
[CLCL]s 18, 73 ± 0, 29 1, 62 ± 0, 02
[CCLL]s 19, 74 ± 0, 44 1, 63 ± 0, 02
Tableau 4.12 – Valeurs des paramètres du modèle pour les stratifiés hybrides
Tableau 4.13 – Valeurs des différentes profondeurs de pénétration (en mm) pour les stratifiés hybrides
avec Fmax = 5 kN
Tableau 4.14 – Valeurs de l’aire de contact projetée pour les stratifiés hybrides
146
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
s
s
C]
C]
L]
L]
LC
CL
LC
CL
[C
[C
[L
[L
Séquence d'empilement
(a) Module d’indentation réduit
186,09 11,75
200 169,44 6,75
164,99 12,74 161,90 9,26
150
Dureté (MPa)
100
50
0
s
s
C]
C]
L]
L]
LC
CL
LC
CL
[C
[C
[L
[L
Séquence d'empilement
(b) Dureté
147
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
La première observation que nous pouvons faire est que les résultats d’indentation sont influencés
par la séquence d’empilement des couches (figure 4.31). Par contre, on n’observe pas une tendance
linéaire entre les propriétés obtenues et l’évolution ou l’ordre des couches (de lin ou de carbone) de
l’extérieur vers l’intérieur, c’est-à-dire les propriétés mécaniques n’augmentent pas ou ne diminuent pas
linéairement lorsque par exemple les couches de lin vont de l’extérieur à l’intérieur du stratifié. Nous
avons tracé ici l’évolution du module d’indentation réduit et celle de la dureté en fonction de la séquence
d’empilement avec un ordre décroissant des couches de lin de l’extérieur vers l’intérieur ([LLCC]s –>
[LCLC]s –> [CLCL]s –> [CCLL]s ). On pourra remarquer que le module décroit puis augmente alors que
la dureté décroit, croit et décroit à nouveau. En résumé, une tendance générale ne se dégage pas.
Par contre, nous obtenons un résultat intéressant : si toutes les couches de carbone sont placées à
l’intérieur, le stratifié affiche les meilleures propriétés (sachant que nous avons utilisé 4 plis de lin et
4 plis de carbone). En effet, les plus grandes valeurs du module et de la dureté sont obtenues pour la
séquence [LLCC]s avec 3,14 GPa pour le module et 186,09 MPa pour la dureté. Pour les trois autres
séquence les valeurs sont comprises entre 2,86 et 2,97 GPa, et, 161,90 et 169,44 MPa respectivement
pour le module et la dureté.
L’explication que nous pouvons donner à ce résultat est que les quatre couches de carbone internes
de la séquence [LLCC]s sont assez résistantes pour permettre à ce stratifié de mieux résister à l’effort
d’indentation après qu’il ait perdu la protection extérieure assurée par les couches externes de lin situées
sur la face supérieure indentée. Notre analyse est confirmée par la figure 4.32 qui montre les couches
qui ont été déformées plastiquement après décharge (résultat obtenu grâce à l’analyse de la profondeur
résiduelle hr en connaissance de l’épaisseur d’un pli de composite). Pour la séquence [LLCC]s , on voit
bien que les deux couches de lin de la surface indentée ont subi des déformations plastiques générées
par la contrainte d’indentation. En raison de la rigidité et de la résistance des fibres de carbone, et de la
qualité des interfaces (fibres/matrice, pli/pli), les 4 couches de carbone internes, formant ainsi un bloc
composite solide à l’intérieur du stratifié permet à l’ensemble du matériau de mieux résister à la sollici-
tation en réduisant non seulement la pénétration de l’indenteur mais également la déformation plastique
du matériau. Le composite [LLCC]s présente la plus faible profondeur d’indentation maximale (mon-
trant qu’il est globalement plus résistant que les autres), hmax = 1, 15 mm, et la plus faible profondeur
résiduelle (traduisant une faible déformation plastique par rapport aux autres séquences), hr = 0, 73 mm.
148
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
F IGURE 4.32 – Schémas montrant l’endommagement des plis après la décharge pour les stratifiés hy-
brides
149
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
au composite lin. Ce constat montre que le composite hybride qui offre la meilleure capacité d’absorp-
tion d’énergie est la séquence [CCLL]s . Un écart de 24,20% est obtenu entre l’énergie absorbée par la
séquence [CCLL]s et celle absorbée par la séquence [CLCL]s . Ce qui montre que le nombre de couches
de carbone disposées à l’extérieur a une influence significative sur la ténacité du composite hybride. Plus
il y a de couches de carbone à l’extérieur plus la capacité d’absorption d’énergie augmente. Inversement,
la résilience du composite [LLCC]s où deux couches de lin sont placées à l’extérieur est inférieure de
18,59% à celle du composite [LCLC]s avec une seule couche de lin à l’extérieur. Plus il y a de couches
de lin à l’extérieur plus l’énergie de choc absorbée est moindre. Ces analyses démontrent que la capacité
d’absorption est contrôlée par les couches extérieures c’est-à-dire celle qui sont directement impactées
par l’impacteur. Les raisons qui expliquent la bonne capacité d’absorption d’énergie des couches de car-
bone et la moins bonne capacité des couches de lin ont été déjà discutées dans la section 4.6.3, où nous
avons analysé le comportement au choc des séquences non-hybrides.
7, 34 ± 0, 49
8
5, 91 ± 0, 58
Résilience (J/cm²)
6 5, 04 ± 0, 31
4, 25 ± 0, 46
0
]s
s
C]
L]
L]
C
LC
CL
LC
CL
[C
[C
[L
[L
Séquence d'empilement
En ce qui concerne les modes de déformation, toutes les éprouvettes ont déformé en V (figure 4.34).
L’observation des éprouvettes après essais a montré un mécanisme de rupture de fibres dans le dos des
éprouvettes (face opposée à la face d’impact). Au niveau de la surface impactée, la même remarque faite
pour les composites carbone et lin (figures 4.23a et 4.23b) a été faite ici. Lorsque la face impactée est en
lin (séquences [LLCC]s et [LCLC]s ), on obtient une déformation sans rupture de fibres. Alors que lors-
qu’elle est en carbone ([CCLL]s et [CLCL]s ), une déformation avec quelques fissurations expliquées par
des concentrations de contraintes dues au caractère fragile des fibres de carbone est obtenue. Ce constat
est en accord avec les travaux de Bozkurt et al. [187] qui ont montré que la tolérance à l’endommagement
d’un composite hybride est liée au comportement à l’impact des fibres de la surface sollicitée par le choc.
La ductilité des fibres de lin permet au pli de lin sollicité lors du choc de se déformer sans casser.
Afin d’avoir un bon résultat en choc, deux propriétés doivent être réunies : de bonnes propriétés
150
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
mécaniques surtout la rigidité, et la capacité de déformation. La première assure une meilleure résistance
(absorption de grandes énergies) et la seconde assure une bonne tolérance aux dommages (évite une
rupture catastrophique). Le carbone fournit la première propriété mais a l’inconvénient d’être fragile
(casse brutalement) alors que le lin malgré sa faible capacité d’absorption d’énergie de choc assure
une rupture plus modérée de l’éprouvette. L’hybridation du carbone avec du lin est une bonne alternative
pour répondre à ce besoin. Le carbone compense la défaillance du lin (résistance) et le lin apporte plus de
souplesse et de déformabilité, donc une meilleure tolérance aux dommages au carbone afin de minimiser
son caractère fragile.
F IGURE 4.34 – Modes de rupture observés après les essais de choc pour les séquences hybrides
151
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
3,0
[LLCC]s
[LCLC]s
2,5
[CLCL]s
[CCLL]s
(%)
2,0
Amortissement
1,5
1,0
0,5
0,0
0 500 1000 1500 2000 2500 3000
Fréquence f (Hz)
Le tableau 4.16 indique une tendance similaire à celle des séquences non-hybrides. En effet, on peut
remarquer que suivant les modes de vibration les séquences ayant des couches de carbone à l’extérieur ont
des valeurs de fréquence propre supérieures à celles des séquences dont des couches de lin sont situées à
l’extérieur. Le phénomène inverse s’observe quant aux valeurs des cœfficients d’amortissement. Ceci est
lié à la rigidité en surface des composites [CCLL]s et [CLCL]s due à la présence des fibres de carbone
rigides. Et plus il y a de plis de carbone vers la surface, plus la valeur de la fréquence est élevée et celle
de l’amortissement faible. La séquence [LLCC] ayant les cœfficients d’amortissement les plus élevées et
des valeurs de fréquences les plus basses est la plus intéressante en termes de gain de masse.
152
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Tableau 4.16 – Évolution de la fréquence propre (a) et de l’amortissement (b) des composites hybrides
suivant les 4 premiers modes
153
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Module
d'indentation
(GPa)
Taux de 1
porosités du 0,8 Dureté (MPa)
composite (%)
0,6
Taux de fibres 0,4 Module de
du composite
flexion (GPa)
(%) 0,2
0
Taux de fibres
Contrainte de
en compaction
flexion (MPa)
(%)
Coefficient Déformation à la
d'amortissement rupture en
(%) flexion (%)
Résilience
(J/cm²)
154
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
pilement hybride qui propose la meilleure réponse. Nous avons déjà montré dans la section 4.7.5 que les
meilleures séquences hybrides sont les séquences [CCLL]s et [LLCC]s selon la sollicitation considérée.
La figure 4.37 montre la position de ces deux matériaux hybrides par rapport au composite lin et au
composite carbone.
Module
d'indentation
(GPa)
1
Taux de porosités 0,9
0,8 Dureté (MPa)
du composite (%)
0,7
0,6
0,5
Taux de fibres du 0,4 Module de flexion
composite (%) 0,3 (GPa)
0,2
0,1
0
Coefficient Déformation à la
d'amortissement rupture en flexion
(%) (%)
Résilience (J/cm²)
F IGURE 4.37 – Situation des séquences [CCLL]s et [LLCC]s par rapport aux composites carbone et lin
Ce diagramme indique clairement que le composite lin ([LLLL]s ), contrairement au composite car-
bone ([CCCC]s ), présente des lacunes dans les applications suivantes :
— compaction (renfort sec) : faible taux de fibres ;
— microstructure : taux de fibres faible, taux de porosités élevé ;
— indentation : module et dureté faibles ;
— flexion : faibles résistance et rigidité.
Et donc l’hybridation des couches de lin avec des couches de carbone permet de compenser ces
lacunes et donc d’améliorer la capacité de compaction, la microstructure et les différentes propriétés
mécaniques. La séquence d’empilement hybride qui permet de mieux renforcer les mauvaises proprié-
tés énumérées ci-dessus (à l’exception des propriétés en indentation) est la séquence [CCLL]s où les
quatre couches de carbone sont également réparties de part et d’autre des quatre couches de lin, comme
155
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
le montre la figure 4.37. La présence des couches de carbone à l’extérieur assure de meilleurs rende-
ments. La quantification du gain apporté par cette séquence au composite lin est donnée par le tableau
4.17. Par contre en indentation, c’est la séquence [LLCC]s qui apporte une meilleure résistance et une
meilleure rigidité au composite lin avec des augmentations respectives de 24,73 % et de 25,10 % (tableau
4.18) dû essentiellement à la présence des quatre couches de carbone internes qui arrivent à supporter le
chargement après la perte de résistance des deux plis de lin externes.
Tableau 4.17 – Gain apporté par la séquence d’empilement [CCLL]s au composite lin
Tableau 4.18 – Gain apporté en indentation par la séquence d’empilement [LLCC]s au composite lin
Par ailleurs, le diagramme indique également que le composite carbone malgré ses excellentes pro-
priétés microstructurales et mécaniques a aussi des difficultés pour remplir certaines exigences :
— un mauvais amortissement : faible cœfficient d’amortissement ;
— une faible déformation à la rupture en flexion et une tolérance aux endommagements à l’impact
restreinte dues à son comportement fragile.
Dans ce cas, la séquence d’hybridation qui permet de rattraper ces difficultés est la séquence [LLCC]s
grâce à l’empilement des couches de lin à l’extérieur du composite. Le lin apporte son pouvoir amor-
tissant et sa ductilité au carbone pour le rendre meilleur d’un point de vue dynamique, déformation et
endommagement. Ainsi, par exemple en termes d’amortissement et suivant les modes propres, une amé-
lioration de 183,78% à 402,86% est obtenue en remplaçant deux couches de carbone sur chaque face du
composite carbone par deux couches de lin (tableau 4.19a).
4.9 Conclusion
Au vu des résultats observés dans ce chapitre dédié à l’étude de l’influence de l’hybridation et de la
séquence d’empilement sur les propriétés de composites hybrides carbone/lin à travers diverses caracté-
risations expérimentales, les conclusions suivantes peuvent être tirées :
— le tissu de lin se compacte beaucoup moins que le tissu de carbone ;
156
CHAPITRE 4. PROPRIÉTÉS DES COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN
Tableau 4.19 – Gain apporté par la séquence d’empilement [LLCC]s au composite carbone
— l’hybridation avec le carbone permet d’améliorer le taux de fibres en compaction du lin ; mais la
séquence d’empilement n’a pas d’impact majeur sur le résultat ;
— le composite lin est très poreux par rapport au composite carbone ;
— la microstructure dépend de la séquence d’empilement. Plus les couches de carbone sont situées à
l’extérieur du stratifié, moins le stratifié est poreux et plus son taux de fibres augmente ;
— le composite carbone possède non seulement les meilleures caractéristiques en termes de micro-
structure mais aussi le meilleur comportement en flexion, en indentation et à l’impact (choc). Cette
tenue mécanique est due aux excellentes propriétés mécaniques (contrainte à la rupture, rigidité)
des fibres de carbone et à leur bonne compatibilité avec la matrice polymère. Cependant, il est
limité en termes de déformation à la rupture en flexion et de tolérance aux endommagements.
— le composite lin offre en revanche les meilleures propriétés d’amortissement grâce au pouvoir
amortissant des fibres de lin en raison de leur structure intrinsèquement poreuse et de porosités
dues à la mauvaise adhésion des fibres avec la matrice et à l’architecture du tissu utilisé . Il a aussi
la capacité de se déformer avant rupture ;
— la technique d’hybridation des couches de carbone et de lin au sein d’un même stratifié permet
d’améliorer considérablement les propriétés des composites lin et de carbone pris séparément ;
— la séquence hybride [CCLL]s où deux couches de carbone sont placées sur chaque face du matériau
offre le meilleur taux de compaction, le meilleur taux de fibres, le plus faible taux de porosités.
Cette séquence est l’empilement hybride qui compense le mieux les difficultés du composite lin
en flexion et en choc, grâce à la protection des couches internes en lin par des couches de carbone ;
— la séquence [LLCC]s a le plus faible taux en compaction, le plus faible taux de fibre et le plus grand
taux de porosités . Elle fournit la meilleure performance en amortissement à cause de la présence
des couches de lin à l’extérieur. Elle est également celle qui se déforme le mieux en flexion et donc
qui rompt moins vite. La séquence [LLCC]s permet donc de rattraper les lacunes du composite
carbone ;
— en indentation la meilleure réponse mécanique est assurée par cette même séquence [LLCC]s car
les quatre couches de carbone empilées au milieu sont assez résistantes pour subir la contrainte
due à l’effort d’indentation ;
— la séquence d’empilement hybride à utiliser dépend donc du besoin auquel on veut répondre.
157
Chapitre 5
Sommaire
5.1 Hypothèses de la théorie classique des stratifiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
5.2 Équations de comportement en flexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
5.3 Module de flexion théorique d’un stratifié hybride . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
5.3.1 Stratégie de calcul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
5.3.2 Propriétés mécaniques des fibres de carbone et des fils de lin . . . . . . . . . . 162
5.3.3 Propriétés de la matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
5.3.4 Propriétés des couches unidirectionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
5.3.5 Prise en compte de l’anisotropie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
5.3.6 Propriétés élastiques des couches tissus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
5.3.7 Prise en compte de la porosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
5.3.8 Détermination des cœfficients de rigidité Qi j des couches tissus dans les axes
principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
5.3.9 Comportement du stratifié . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
5.4 Application aux hybrides étudiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
5.4.1 Calcul des cœfficients de rigidité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
5.4.2 Analyse des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
5.4.3 Confrontation des résultats théoriques avec les résultats expérimentaux . . . . 182
5.5 Scénario de rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
5.5.1 Cas de la flexion 3 points . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
5.5.2 Répartition des contraintes en fonction de la séquence d’empilement . . . . . . 184
5.5.3 Analyse et comparaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
5.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
158
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
L’objet de ce chapitre est d’étudier le comportement en flexion des composites stratifiés hybrides
carbone/lin à travers une analyse basée sur la théorie classique des stratifiés (TCS). Le module de flexion
sera déterminé par calcul et mis en comparaison avec le module de flexion expérimental. La seconde
partie du chapitre sera consacrée à la prédiction du scénario de rupture de ces matériaux en flexion.
Par rapport à la théorie classique des stratifiés, nous n’avons ici repris que les éléments nécessaires à
la construction de notre analyse. Pour de plus amples informations sur cette théorie, se référer à [6].
où :
— M f (x, y) est la matrice des moments de flexion subis par la plaque stratifiée ;
— Di j la matrice de rigidité en flexion de la plaque stratifiée ;
— κ (x, y) est la matrice des courbures de la plaque stratifiée.
2
− ∂∂ xw20
κx
2
κ( x, y) = κy = − ∂∂ xw20
κxy ∂ 2 w0
−2 ∂ x∂ y
159
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
w0 est le déplacement transverse du matériau au point M0 (x, y, 0) considéré comme point de réfé-
rence.
Par ailleurs, la forme la plus pratique de l’équation constitutive en vue de la détermination des pro-
priétés en flexion du stratifié est la forme inverse. Elle se note :
∗
κx D11 D∗12 D∗16 Mx
κy = D∗12 D∗22 D∗ My (5.2)
26
κxy ∗ ∗
D16 D26 D66 Mxy∗
où D∗i j sont les cœfficients de la matrice [D∗i j ] définie comme la matrice inverse de la matrice de
rigidité du stratifié. Ces cœfficients sont définis comme suit :
1 2
D∗11 = D22 D66 − D26
∆
1
D∗12 = D16 D26 − D12 D66
∆
1
D∗16 = D12 D26 − D16 D22
∆
1
D∗22 = D11 D66 − D216
∆
1
D∗26 = D12 D16 − D26 D11
∆
1
D∗66 = D11 D22 − D212
∆
avec ∆ discriminant de la matrice [Di j ].
∆ = D11 D22 D66 + 2 D12 D16 D26 − D11 D226 − D22 D216 − D66 D212
Dans le cas d’une flexion suivant l’axe x, la théorie des poutres fait l’hypothèse que :
160
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
Mx = 0 et Mxy = 0 ;
par conséquent, nous n’avons plus que (selon la relation 5.2) :
∂ 2 w0
κx = − = D∗11 Mx
∂ x2
— la flèche est uniquement fonction de x :
w0 = w0 (x)
donc il vient :
d 2 w0
= −D∗11 Mx
dx2
Cette équation s’écrit usuellement :
d 2 w0 M
2
=− (5.3)
dx Ex I
où :
– Ex est le module de flexion de la poutre
12
Ex =
h3 D∗11
b h3
I = Ixy =
12
– M le moment de flexion
M = b Mx
M=0 et w0 = 0 ;
161
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
Avec prise en compte de toutes ces hypothèses et après intégration de la relation 5.3, la flèche au
centre (x = L2 ) de la poutre notée wc s’écrit :
P L3 ∗
wc = D (5.4)
48 b 11
Connaissant donc cette flèche au centre de la poutre pour une chargée imposée P, le module de
flexion s’écrit au final :
P L3
Ex = (5.5)
4 b h3 wc
Contrairement au tissu de lin où on note une différence de propriétés entre les fils du sens chaîne et
ceux du sens trame, les fibres du tissu de carbone sont identiques dans les deux sens.
162
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
Fibres (carbone)
Fil (lin) Matrice époxy
𝐿 , 𝑇 , 𝜈𝐿𝑇 , 𝐺𝐿𝑇 𝑚 , 𝜈𝑚 , 𝐺𝑚
𝑚 𝜈𝑚 𝐺𝑚
Couches UD (0°, 90°) Prise en compte :
anisotropie
𝐿𝑢 , 𝑇𝑢 , 𝜈𝐿𝑇𝑢 , 𝐺𝐿𝑇𝑢
Prise en compte :
Respect de la
Stratifié symétrie miroir
Comparaison
163
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
– couche UD lin :
lin
ELu = EL f il V f il + Em (1 −V f il ) (5.7)
– couche UD carbone :
carbone
ELu = EL f V f + Em (1 −V f ) (5.8)
164
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
ET 1
= E (5.9)
Em m
1+ − 1 Vf
Ef
– couche UD lin :
lin Em
ETu = E (5.10)
m
1+ − 1 V f il
ET f il
ET f il est le module d’Young transversal du fil de lin ;
– couche UD carbone :
carbone Em
ETu = E (5.11)
m
1+ − 1 Vf
ET f
ET f est le module d’Young transversal de la fibre de carbone ;
– couche UD lin :
lin
νLTu = νLT f il V f + νm (1 −V f il ) (5.12)
νLT f il est le cœfficient de Poisson du fil de lin ;
νm est le cœfficient de Poisson de la matrice ;
– couche UD carbone :
carbone
νLTu = νLT f V f + νm (1 −V f ) (5.13)
Gm
Glin
LTu = G (5.15)
m
1+ − 1 V f il
GLT f il
GLT f il est le module de cisaillement du fil de lin ;
Gm est le module de cisaillement de la matrice ;
165
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
– couche UD carbone :
Gm
Gcarbone
LTu = G (5.16)
m
1+ − 1 Vf
GLT f
GLT f est le module de cisaillement de la fibre de carbone.
La démarche précédente doit être appliquée à chacune des couches UD du tissu (en chaîne et en
trame).
166
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
F IGURE 5.3 – Couche tissu faite d’un assemblage de deux couches unidirectionnelles [6]
Alors, dans le cas d’un renfort tissu quelconque, les propriétés élastiques du tissu s’écrivent de la
manière suivante :
h i
EL = (1 − α ) k αch ELu ch + (1 − k) αtr ETu tr (5.19)
h i
ET = (1 − α ) k αch ETu ch + (1 − k) αtr ELu tr (5.20)
Les nouveaux paramètres qui ont été introduits dans les quatre relations précédentes sont définis
comme suit :
1
αch =
2 ETu ch
1 − νLTu ch
ELu ch
167
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
1
αtr =
2 ETu tr
1 − νLTu tr
ELu tr
h i2
k αch νLTu ch ETu ch + (1 − k)αtr νLTu tr ELu tr
α=h ih i
k αch ELu ch + (1 − k)αtr ETu tr k αch ETu ch + (1 − k)αtr ELu tr
nch Tch
k=
nch Tch + ntr Ttr
où :
— nch et ntr sont respectivement le nombre de fils ou de mèches par unité de largeur et par unité de
longueur du tissu ;
— Tch et Ttr , exprimés en tex, sont les titres des fils (ou des mèches) en chaîne et en trame du tissu,
respectivement. Ce sont des masses par unité de longueur de fils ou de mèches.
Si de plus les titres en chaîne et en trame sont identiques comme c’est le cas pour le tissu toile de
lin et le tissu sergé de carbone que nous avons utilisés alors le cœfficient d’équilibrage ne se résume plus
qu’à :
nch
k= (5.23)
nch + ntr
Vu que nos tissus sont équilibrés (tissage équilibré), le nombre de fils ou de mèches par unité de
largeur est égal au nombre de fils par unité de longueur (nch = ntr ). Donc d’après la relation 5.23 le
cœfficient d’équilibrage k vaut 12 . Cette valeur sera retenue pour la suite des calculs.
Par conséquent, les relations 5.19 à 5.22 peuvent être réécrites de la manière suivante :
A) cas de la couche 2D carbone : tissu équilibré dont les fibres ont des caractéristiques identiques
dans le sens chaîne et dans le sens trame.
Les caractéristiques de ce tissu se traduisent par les relations suivantes :
où : ELu , ETu , νLTu et GLTu sont les propriétés d’une couche unidirectionnelle dont la fraction
volumique de fibres est égale à celle de la couche tissu étudiée.
De ce fait, les modules d’élasticité de la couche composite deviennent :
168
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
1
EL = ET = (1 − α ) αu (ELu + ETu ) (5.24)
2
avec :
2
4νLTu
α= !2
ELu
1+
ETu
et,
1
αu =
ELu
2
1 − νLTu
ETu
en considérant les expressions de α et αu précédemment définies, il vient :
1
ET = EL = (ELu + ETu ) (5.25)
2
en ce qui concerne le cœfficient de Poisson et le module de cisaillement, il vient :
2νLTu
νLT = (5.26)
ELu
1+
ETu
ELu ch 6= ELu tr
ETu ch 6= ETu tr
νLTu ch 6= νLTu tr
GLTu ch 6= GLTu tr
Les conséquences suivantes s’en découlent pour les propriétés élastiques de la couche composite
de lin :
1
EL = (ELu ch + ETu tr ) (5.28)
2
1
ET = (ETu ch + ELu ch ) (5.29)
2
1
GLT = (GLTu ch + GLTu tr ) (5.31)
2
169
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
5.3.8 Détermination des cœfficients de rigidité Qi j des couches tissus dans les axes prin-
cipaux
Pour une couche composite orthotrope, la relation contrainte-déformation s’exprime à partir de la
matrice de rigidité réduite Q dans les axes principaux.
σL Q11 Q12 0 εL
σT = Q12 Q22 0 εT
σLT 0 0 Q66 γLT
En fonction des propriétés élastiques des couches précédemment déterminées, les coefficients Qi j
sont définies par les relations suivantes :
EL
Q11 = (5.34)
2 ET
1 − νLT
EL
ET ET
Q22 = = Q11 (5.35)
2 ET EL
1 − νLT
EL
νLT ET
Q12 = = νLT Q22 (5.36)
2 ET
1 − νLT
EL
170
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
Aussi bien pour la couche composite de lin que pour la couche composite de carbone, les valeurs de
ces coefficients sont résumés dans le tableau 5.5.
0 0 A66
avec :
n
Ai j = ∑ (Q′i j )k ek
k =1
0 0 D66
avec :
n
′
2 e3k
Di j = Q
∑ i j k k k 12
( ) e z +
k =1
171
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
— équation constitutive
ε 0
Nx A11 A12 0 0 0 0 xx
Ny A12 A22 0 0
0 0 0 yy
ε
Nxy 0 0 A 66 0 0 0 γ0
Mx = 0
xy
(5.38)
0 0 D 11 D 12 0 κx
My 0
0 0 D12 D22 0 κy
Mxy 0 0 0 0 0 D66 κxy
| {z }
matrice de rigidité globale
Cette équation montre que les résultantes en membrane (Nx , Ny , Nxy ) ne dépendent que des dé-
formations en membrane (εxx0 , ε 0 , γ 0 , ) et les moments de flexion et torsion (M , M , M ) ne dé-
yy xy x y xy
pendent que des courbures du plan moyen (κx , κy , κxy ). Pour une plaque orthotrope il n’y a donc
pas de couplage membrane-flexion/torsion ni de couplages en torsion-cisaillement et en torsion-
flexion.
En raison de la symétrie du problème, les stratifiés ne seront calculés que sur leur moitié supérieure
(couches se trouvant au-dessus du plan moyen).
1. Séquence [LLLL]s (Tableau 5.8 pour les valeurs numériques)
172
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
L
4el
L
zl
L
L
Plan moyen
L
173
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
L
2el
L
z2
C
2ec
z1 C
C
C
174
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
C
z4
z3 L el
z2
C ec
z1
C
175
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
176
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
z4 C ec
z3
z2
L el
z1
177
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
C
2ec
C
L
z2
2el
z1 L
C
C
178
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
C
4ec
C
zc
C
C
C
C
179
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
ε 0
Nx 8, 31.107 1, 76.106 0 0 0 0 xx
Ny 1, 76.106 8, 31.107 0
0 0 0 0 εyy
Nxy 0 0 3, 20.106 0 0 0
γ0
Mx =
xy (5.44)
0 0 0 17, 71 0.38 0 κx
My 0 0 0 0.38 17, 71 0 κy
Mxy 0 0 0 0 0 0, 68 κxy
La figure 5.10 indique l’évolution des cœfficients de rigidité en fonction des séquences d’empilement
hybrides. La figure 5.10a montre que la séquence d’empilement n’a pas d’influence sur le comportement
en membrane des stratifiés. En effet, nous pouvons constater que les termes A11 de toutes les séquences
hybrides sont égaux (valable pour tous les Ai j ). En revanche, on note une différence de comportement
en flexion et en torsion lorsqu’on modifie la séquence d’empilement des couches puisque les cœfficients
Di j diffèrent d’une séquence à une autre (figures 5.10b, 5.10c et 5.10d).
Dans les cas où les couches de carbone sont situées à l’extérieur (séquences [CCLL]s et [CLCL]s ),
les termes D11 (et D22 ) sont supérieurs. De plus, plus le nombre de couches de carbone à l’extérieur est
important plus ces cœfficients sont importants (par exemple, le cœfficient D11 de [CCLL]s est supérieur
à celui de [CLCL]s de 28%) . Cette propriété vient du fait que les couches à modules élastiques élevés
(EL et ET ) sont les plus éloignées du plan moyen du stratifié. À l’inverse, les termes D12 traduisant le
couplage flexion-torsion et D66 sont supérieurs dans le cas où les couches de lin sont placées à l’extérieur
du composite stratifié. Dans ce dernier cas, le composite a une meilleure rigidité en torsion.
Par ailleurs, pour les séquences non-hybrides, [LLLL]s et [CCCC]s , on trouve que les cœfficients de
rigidité Ai j et Di j sont plus élevés pour le stratifié lin que pour le stratifié carbone (voir les tableaux 5.8
et 5.18). Ce résultat est parfaitement logique parce que ces cœfficients sont dépendants de la géométrie
de la poutre. En réalité, l’épaisseur du stratifié lin (2 × 4 el ) ainsi que la cote du centre de ses couches
(zl ) sont plus élevées que celles du stratifié carbone, donc naturellement les cœfficients de rigidité de ce
dernier seront inférieurs à ceux du composite lin.
En conclusion, pour obtenir une bonne rigidité en flexion d’un stratifié hybride (constitué d’au moins
deux renforts de différentes natures), il faut placer les couches les plus rigides le plus éloigné possible
du plan de symétrie du composite ; en d’autres termes les placer de part et d’autres des couches moins
rigides. Par contre, si l’objectif est d’obtenir une meilleure rigidité en torsion, les couches les plus rigides
doivent figurer de part et d’autre du plan moyen du stratifié. Enfin, pour les propriétés en membrane,
l’ordre d’empilement des couches est sans importance.
180
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
107
7 50
6
40
Coefficient A11 (N/m)
4 30
3 20
2
10
1
0 0
s
s
C]
C]
L]
L]
C]
C]
L]
L]
LC
CL
LC
CL
LC
CL
LC
CL
[C
[C
[C
[C
[L
[L
[L
[L
3,0 3,0
Coefficient D12 (Nm)
2,5 2,5
2,0 2,0
1,5 1,5
1,0 1,0
0,5 0,5
0,0 0,0
]s
]s
]s
]s
]s
]s
]s
]s
CC
LC
CL
LL
CC
LC
CL
LL
C
C
C
L
L
L
[C
[C
[C
[C
[L
[L
[L
[L
F IGURE 5.10 – Évolution des cœfficients de rigidité en fonction des séquences d’empilement
181
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
Tableau 5.19 – Module de flexion des stratifiés : comparaison résultats expérimentaux-résultats théo-
riques (TCS)
Ce tableau montre que sur l’ensemble des séquences d’empilement, il y a un bon accord entre les
résultats analytiques et les résultats expérimentaux. Car, au regard des chiffres on remarque un faible
écart entre les deux résultats. Ceci démontre que notre analyse décrit correctement le comportement en
flexion des composites stratifiés.
Ensuite, suivant les séquences d’empilement, la même tendance observée pour les résultats expéri-
mentaux et qui a été discutée dans le chapitre 4 se dégage également pour les résultats théoriques. En
effet, nous pouvons remarquer en ce qui concerne les résultats issus de l’analyse théorique que plus il y
a de couches de carbone à l’extérieur du composite plus le module de flexion augmente. Cette augmen-
tation de la rigidité du composite est liée aux propriétés mécaniques (rigidité et résistance) naturellement
élevées des fibres de carbone.
Par ailleurs, pour toutes les séquences d’empilement à l’exception de la séquence [CCLL]s , nous
pouvons constater que les valeurs du module d’Young obtenu par calcul sont légèrement supérieures aux
valeurs expérimentales. Ce constat se vérifie particulièrement pour les séquences où les couches de lin
sont à l’extérieur (les trois premières séquences du tableau 5.19). Nous pouvons expliquer ceci par :
— le fait que les valeurs des propriétés des fibres de carbone ont été prises dans la littérature contrai-
rement aux caractéristiques des fils de lin dont les valeurs sont « vraies » puisque déterminées
expérimentalement ;
— la courbure des fils de lin qui n’a pas été prise en compte dans les calculs. Cette courbure est due
à la technique de tissage et aux traitements subis par le fil ;
— un éventuel désalignement des fils de lin. Ce désalignement, également créé lors du tissage et de
l’application des traitements sur le fil, même faible peut entraîner des valeurs mesurées (E f il , σ f il )
nettement plus faibles que les valeurs réelles des caractéristiques du fil ;
— une prise en compte plus ou moins juste de la porosité réelle du composite lin dans les calculs.
En effet, la valeur 1 (valable pour les renforts tissus) donnée à l’exposant d’efficacité des porosités
x, peut en raison du caractère particulier de notre tissu de lin être plus ou moins importante (tissu
toile composé de fils torsadés et à armure très spécifique) ;
— d’éventuelles erreurs de mesure expérimentale.
182
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
Qkij désignent les coefficients de rigidité de la couche k rapportés aux axes de la plaque stratifiée.
on a donc :
k
σxx = z(Qk11 D∗11 + Qk12 D∗12 + Qk16 D∗16 ) Mx
k
σyy = z(Qk12 D∗11 + Qk22 D∗12 + Qk26 D∗16 ) Mx
σ k = z(Qk D∗ + Qk D∗ + Qk D∗ ) M
xy 16 11 26 12 66 16 x
k
σxx = akxx M
I z
k
σyy = akyy M
I z
k
σxy = akxy M
I z
avec
h3
akxx = (Qk11 D∗11 + Qk12 D∗12 + Qk16 D∗16 ) 12
h3
akyy = (Qk12 D∗11 + Qk22 D∗12 + Qk26 D∗16 ) 12
h3
akxy = (Qk16 D∗11 + Qk26 D∗12 + Qk66 D∗16 ) 12
Les expressions des contraintes précédemment données ne sont valables que pour des poutres ayant
un rapport bh assez élevé, ce qui est le cas pour nos éprouvettes stratifiées.
Lorsque les poutres sont en matériau homogène, on a : axx = 1, axx = axx = 0 ; et les équations des
contraintes se réduisent à celles de la théorie classique des poutres.
k
σxx = −3 akxx PL3 z
bh
k
σyy = −3 akyy PL3 z
bh
k
σxy = −3 akxy PL3 z
bh
On note σ0 (donnée par la relation 5.46) la contrainte de traction maximale atteinte sur la face en
tension (z = − 2h ) d’une poutre en matériau homogène.
183
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
3PL
σ0 = σxx max = (5.46)
2 b h2
Alors, les contraintes dans la couche k du matériau composite stratifié sont définies par les expres-
sions 5.47.
σxx = −2 akxx σ0 hz
k
k
σyy = −2 akyy σ0 hz (5.47)
σxy = −2 akxy σ0 hz
k
-0.4 -0.4
Carbone Lin
-0.5 -0.5
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2
/ /
xx 0
xx 0
(a) (b)
F IGURE 5.11 – Répartition des contraintes σxx à travers l’épaisseur des composites non-hybrides : (a)
séquence [CCCC]s et (b) séquence [LLLL]s
184
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
-0.1 -0.1
Carbone Carbone
-0.15
-0.2 -0.2
z/h
z/h
-0.3 -0.3
-0.35
Carbone
-0.4 -0.4
Lin Lin
Carbone -0.45
-0.5 -0.5
0 0.5 1 1.5 1 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5
/ d /d
xx 0 c max
(a) (b)
F IGURE 5.12 – Scénario de rupture du stratifié [LLCC]s : (a) répartition des contraintes σxx à travers
l’épaisseur du stratifié : comparaison avec les stratifiés 100% carbone et 100% lin et (b) évolution du
rapport ddc suivant les couches
max
185
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
-0.1 -0.1
-0.15
Lin Lin
-0.2 -0.2
z/h
z/h
-0.25
-0.35
-0.4 -0.4
Lin Lin
-0.45
-0.5 -0.5
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1 1.05 1.1 1.15 1.2
/ d /d
xx 0 c max
(a) (b)
F IGURE 5.13 – Scénario de rupture du stratifié [LCLC]s : (a) répartition des contraintes σxx à travers
l’épaisseur du stratifié : comparaison avec les stratifiés 100% carbone et 100% lin et (b) évolution du
rapport ddc suivant les couches
max
186
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
-0.05
Lin Lin
-0.1 -0.1
-0.15
z/h
-0.25
-0.3 -0.3
Lin Lin
-0.35
-0.4 -0.4
(a) (b)
F IGURE 5.14 – Scénario de rupture du stratifié [CLCL]s : (a) répartition des contraintes σxx à travers
l’épaisseur du stratifié : comparaison avec les stratifiés 100% carbone et 100% lin et (b) évolution du
rapport ddc suivant les couches
max
187
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
-0.05
Lin Lin
-0.1 -0.1
-0.15
-0.2 -0.2
z/h
z/h
-0.3 -0.3
-0.35
Carbone Carbone
-0.4 -0.4
(a) (b)
F IGURE 5.15 – Scénario de rupture du stratifié [CCLL]s : (a) répartition des contraintes σxx à travers
l’épaisseur du stratifié : comparaison avec les stratifiés 100% carbone et 100% lin et (b) évolution du
rapport ddc suivant les couches
max
188
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
Les travaux de Berthelot [6] ont montré qu’un critère en contraintes maximales peut être utilisé
pour prévoir le scénario de rupture des composites stratifiés. Pour une couche k soumise à un état de
contraintes planes (σxx , σyy , σxy ), le critère de rupture en contraintes maximales stipule que la résis-
tance mécanique de la couche est atteinte lorsqu’une des trois contraintes auxquelles est soumise la
couche atteint la valeur de la contrainte à rupture correspondante. Vu qu’en flexion la sollicitation la plus
prédominante est la traction, nous allons analyser le scénario de rupture des stratifiés uniquement sur
leur moitié inférieure (où les plis sont en tension), conformément aux figures montrant les variations de
contraintes.
De manière pratique, rompra en premier la couche dont le rapport ddc est le plus élevé (voir les
max
figures 5.12b, 5.13b, 5.14b et 5.15b). Par contre, s’il y a une certitude par rapport à la prédiction de la
rupture du premier pli, cela n’est pas tout à fait le cas quant à celle des ruptures suivantes puisqu’après
rupture du premier pli il doit y avoir une redistribution des contraintes dans les couches qui peut changer
l’ordre de rupture des plis suivants. Et donc, les prévisions de rupture données pour les plis du stratifié
qui vont rompre après le premier sont à considérer comme des probabilités de rupture. Le déroulement
de la rupture des plis du stratifié hybride selon les séquences d’empilement hybrides est alors indiquée
sur la figure 5.16. Les chiffres ①, ②, ③ et ④ indiquent l’ordre de déroulement des ruptures.
Ce résultat montre que la séquence d’empilement des couches a une grande influence sur la rupture
des plis. En effet, on pourra par exemple constater que l’ordre de rupture du premier pli diffère suivant
la séquence d’empilement des plis de carbone et de lin dans le stratifié. On note aussi que quelque soit
la séquence d’empilement, la première rupture a lieu dans une des couches de carbone qu’elles soient
situées à l’extérieur ou à l’intérieur. Ceci s’explique par la grande capacité d’élongation des fibres de lin
et la grande différence de module d’élasticité entre les fibres de carbone et de lin.
Par ailleurs, il faut remarquer que la contrainte maximale n’est pas nécessairement atteinte sur les
189
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
faces externes du composite car on pourrait naturellement s’attendre à ce que la contrainte maximale
soit uniquement atteinte sur ces faces (vu que la face inférieure subit l’essentiel du chargement ; elle est
notamment soumise à de la traction). Mais les résultats obtenus prouvent clairement que ce n’est pas
forcément le cas. En effet, comme nous pouvons l’observer sur les figures 5.12a et 5.13a, la contrainte
maximale est également atteinte dans les couches situées à l’intérieur du composite. Une tendance simi-
laire a été retrouvée dans la littérature [6] où il a été démontré à travers une étude de l’influence de la
séquence d’empilement sur la rupture en flexion de composites stratifiés symétriques à base de renfort
UD en verre avec diverses orientations que la contrainte maximale peut être également atteinte dans les
couches internes du matériau et pas nécessairement dans les couches externes. En l’occurrence, nous
pouvons citer les séquences [LLCC]s et [LCLC]s où des couches de lin et de carbone situées à l’intérieur
du stratifié ont des contraintes qui atteignent la contrainte maximale.
En termes de résistance, les composites hybrides ayant la couche de carbone à l’extérieur affichent
la meilleure propriété. En effet d’après les résultats obtenus, les contraintes au sein de ces couches sont
faibles et ne dépassent pas la contrainte maximale (rapports ddc inférieurs à 1) comparativement aux
max
deux autres séquences qui portent des couches de lin sur leurs faces extérieures. Ceci s’explique par
les propriétés mécaniques élevées (résistance et rigidité) des fibres de carbone. Par conséquent, lorsque
le stratifié hybride est destiné à des fins requérant de hautes performances mécaniques, il serait plus
approprié de placer les couches de lin (en général les couches à fibres à faible résistance) à l’intérieur du
stratifié et d’en disposer les couches de carbone (couches à fibres à forte résistance) de part et d’autre.
En général, le pli qui va rompre en premier est le pli de contrainte supérieure. Mais ce n’est ce pas
systématique car d’autres facteurs peuvent aussi faire rompre un pli bien qu’il soit soumis à une faible
contrainte. Ces facteurs sont essentiellement la porosité et une mauvaise interface fibres/matrice, particu-
lièrement pour les couches de lin en raison de la structure intrinsèque des fibres de lin et de leur mauvaise
compatibilité chimique avec la matrice. En dehors de la rupture des plis, d’autres mécanismes de rupture
surviennent également au sein des composites stratifiés : rupture (longitudinale et/ou transversale) de la
matrice, décohésion fibre/matrice et délaminage des couches.
Il serait intéressant de pouvoir comparer cette étude de prévision du scénario de rupture des plis
avec la réalité expérimentale. Mais malheureusement, cette comparaison ne pourra pas être fournie ici.
Pour réaliser cette étude comparative de manière appropriée il aurait fallu mettre en place un dispositif
expérimental avec émission acoustique ou avec caméra capable de filmer la tranche de l’éprouvette en
condition réelle durant tout le déroulement de l’essai afin que l’ordre de rupture des plis du stratifié puisse
être correctement identifié. Mais cela n’a pas été réalisé car l’analyse de prédiction de rupture des plis
n’était pas un objectif de départ quand nous réalisions les essais de flexion. Le but était plutôt de caracté-
riser la résistance et le module de flexion de nos plaques composites. Et donc pour cela, la connaissance
de l’effort appliqué et celle du déplacement du matériau suffisaient. Néanmoins, nous pensons tout de
même que cet exercice aurait été très difficile à réaliser puisque les mouchetis réalisés dans la tranche des
éprouvettes ne permettent pas de voir les couches à travers l’épaisseur du composite ni de les distinguer
les unes des autres suivant leur nature (lin ou carbone). En outre, observer les éprouvettes après essais
ne serait pas non plus très utile ici puisque même si on arrive à détecter les couches rompues, il est tout
simplement impossible de savoir quel pli a rompu en premier.
5.6 Conclusion
— Une analyse basée sur la théorie classique des stratifiés a été proposée pour étudier l’influence de
la séquence d’empilement des couches sur le comportement mécanique des stratifiés fabriqués et
pour prédire leur scénario de rupture en flexion ;
— la porosité, l’anisotropie et le type de fibres (fibre ou fil) ont été pris en compte dans le calcul ;
— les expressions générales des grandeurs mécaniques et les hypothèses nécessaires à l’établissement
190
CHAPITRE 5. INFLUENCE DE LA SÉQUENCE D’EMPILEMENT SUR LE COMPORTEMENT
EN FLEXION DE MATÉRIAUX COMPOSITES STRATIFIÉS HYBRIDES CARBONE/LIN :
RIGIDITÉ ET RUPTURE
191
Conclusion générale et perspectives
192
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
De nos jours les composites renforcés par des fibres naturelles sont de plus en plus utilisés en vue de
remplacer totalement ou partiellement les composites à fibres synthétiques qui malgré leur excellente
résistance mécanique ont non seulement un impact néfaste sur la santé de l’homme et son environnement
mais aussi une grande sensibilité au chocs et aux vibrations. Cependant, nonobstant les nombreux avan-
tages qu’elles présentent (disponibilité, faible coût, respect de l’environnement, caractère biodégradable,
caractère recyclable, propriétés spécifiques élevées . . . ), ces fibres naturelles contiennent de nombreuses
porosités posant pour les composites renforcés à base de ces fibres un problème de tenue mécanique.
Ainsi, le développement d’un composite à fibres naturelles ayant les meilleures propriétés possibles
passe par la réduction de ces porosités à travers par exemple une optimisation de la mise en œuvre des
renforts à fibres naturelles. Pour ce faire, il est important de connaître la capacité de compaction de ces
renforts. De plus, afin de répondre aux préoccupations des industriels qui recherchent des matériaux à
la fois mécaniquement performants et ayant d’excellentes capacités d’amortissement, une des meilleures
solutions est l’utilisation de la technique d’hybridation qui consiste à utiliser au sein d’un même matériau
composite deux ou plusieurs types de renfort ayant les propriétés recherchées.
Pour apporter des éléments de réponse à ces problématiques, les travaux réalisés dans cette thèse ont été
scindés en deux différentes parties. La première partie est relative à la compréhension du comportement
en compaction de renforts fibreux secs. La deuxième est liée au développement et à la caractérisation de
matériaux composites stratifiés hybrides renforcés par des fibres de carbone et de lin.
Il nous était nécessaire de comprendre le comportement sous compaction des renforts secs dont sont faits
les matériaux composites, car ce phénomène intervient systématiquement lors du procédé de mise en
œuvre de ces composites. Durant ce processus, une pression statique constante est appliquée au renfort
empilé et lui permet de se compacter suivant son épaisseur par l’intermédiaire du contre-moule, avant
l’injection de la résine. Cette compaction transverse réduit logiquement l’épaisseur du renfort et modifie
par conséquent les porosités qu’il contient en réduisant leur taille et leur quantité. Ceci favorise une
augmentation du taux de fibres du renfort. Ainsi, dans un souci d’optimiser la mise en œuvre et de
prédire le taux volumique de fibres ainsi que l’épaisseur de la pièce composite finale, nous avons trouvé
pertinent d’étudier la capacité de compaction du renfort sec.
Pour réaliser cette étude, des essais de compaction ont été réalisés sur douze différents renforts secs
présentations plusieurs solutions techniques. Les résultats expérimentaux ont été modélisés par la loi
puissance de Toll et Manson qui nous a permis de bien reproduire le comportement réel des renforts.
Les courbes P − V f ont montré que le comportement en compaction d’un renfort sec est constitué de
trois régimes (dans l’ordre : linéaire, non-linéaire et linéaire) correspondant respectivement à trois dif-
férents mécanismes physiques identifiés grâce à un calcul de raideur. Le premier régime linéaire est lié
à la fermeture des espaces entre les plis de la séquence et au redressement des mèches. Le régime non-
linéaire correspond au glissement de plis et à l’imbrication des mèches entre elles ; ce phénomène est
encore appelé nesting. Enfin la troisième phase correspondant au second régime linéaire est liée à la
compression des mèches et des fibres. Nos résultats nous ont permis de mettre en évidence l’importance
du nesting dans la capacité de compaction d’un renfort. La comparaison des différents renforts entre eux
nous a permis d’identifier les divers paramètres ayant une influence sur leur comportement expérimental
en compaction. Ces paramètres sont le grammage, le type d’architecture, le nombre de plis compactés,
la nature des fibres ou encore le type de mèches. En raison d’un nesting plus important, un empilement
de plusieurs couches de renforts secs est largement plus compactable qu’une séquence à un seul pli. Ce
résultat a été vérifié sur l’ensemble des renforts testés dans cette étude. Parce que leurs fibres sont bien
alignées, parallèles et toutes orientées dans le même sens, les renforts UD se compactent mieux que les
renforts tissés. Cette propriété géométrique des UD favorise le remplissage des espaces vides par glisse-
ment des plis et entremêlement des mèches contrairement aux tissés ou aux bi-biais dont le tissage ou
la couture bloque le déplacement des mèches. Les renforts à grammage élevé sont également capables
de mieux se compacter que ceux dont le grammage est faible car, un grammage supérieur implique une
193
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
taille de mèche supérieure favorisant ainsi le contact des mèches entre elles et la possibilité de mouve-
ment en leur sein. Nos résultats ont montré que les renforts synthétiques ont un meilleur comportement
en compaction que les renforts naturels. Ceci est expliqué par le fait que ces renforts synthétiques sont
moins rugueux, sont continus et sont dotés de fibres bien séparées, bien orientées et ayant des sections
lenticulaires uniformes. Enfin l’analyse de l’influence du type de mèches sur la capacité de compaction
des renforts a révélé que les mèches de type fil sont moins compactables que les mèches faites en fibres.
La rigidité trop importante des mèches de fils empêchant la déformation du tissu explique ce résultat.
La première partie de ce travail nous a permis de montrer que les renforts à fibres de lin se compactent
moins bien que les renforts à fibres synthétiques précisément ceux à fibres de carbone et de verre. Les
résultats obtenus nous permettent de conclure que pour optimiser la capacité de compaction d’un renfort
sec à fibres de lin il faut privilégier un empilement de plusieurs couches à une seule couche, un renfort
de type fibres à un renfort de type fil, un renfort de grammage élevé à un renfort de faible grammage
ou encore un renfort UD à un bi-biais ou à un tissé. Par conséquent, si on arrive à mettre en place un
empilement de plusieurs couches de renfort UD de lin de type fibre et de grammage élevé, on pourra
obtenir un taux de fibres en compaction (donc un taux de fibres composite) très important.
Les matériaux composites renforcés par des fibres naturelles constituent aujourd’hui une véritable alter-
native aux composites à fibres synthétiques conventionnelles. Cependant l’emploi de ces matériaux dans
des applications structurelles pose un problème de tenue en service notamment lorsqu’ils sont soumis à
de sévères sollicitations. En effet, pour que les composites puissent répondre à des cahiers de charges
exigeants, il leur faut de bonnes propriétés mécaniques et dissipatives. Les composites renforcés avec
des fibres naturelles possèdent de très bonnes propriétés dissipatives en raison de leur porosité élevée
mais sont mécaniquement défaillants. Par contre, les composites à base de fibres synthétiques, malgré
leur bonne résistance aux charges, sont très sensibles aux vibrations et aux chocs. Ainsi, un des moyens
de développement d’un composite respectant à la fois ces deux exigences est l’utilisation de la technique
d’hybridation qui consiste à utiliser au sein d’un même matériau deux différents types de renforts ou
plus. Nous avons choisi les fibres de lin pour leur fort pouvoir amortissant et leurs propriétés spécifiques
intéressantes, et les fibres de carbone pour leurs bonnes propriétés mécaniques notamment pour leur
grande rigidité.
Ayant déjà fait l’objet de plusieurs études au sein de notre laboratoire et de notre école (thèse, stages,
projets d’études), ayant une faible capacité de compaction (au vu de nos résultats de compaction) et pré-
sentant une grande quantité de porosités (65% de taux volumique de fibres obtenus d’après les résultats
de sa caractérisation architecturale), le tissu toile de lin a été choisi pour réaliser les hybridations avec le
tissu de carbone qui est quasiment sans porosités et qui possède une excellente capacité de compaction.
Quatre différentes séquences hybrides constituées de huit couches ont été élaborées suivant la symétrie
miroir : couches de lin à l’extérieur ([LLCC]s ), couches de carbone à l’extérieur ([CCLL]s ), alternance
de couches de lin et de carbone ([LCLC]s et [CLCL]s ).
La technique d’hybridation a effectivement permis d’améliorer les propriétés de compaction du tissu
de lin. Une augmentation de 21,43% du taux de fibres a été observée avec la séquence [CCLL]s . En re-
vanche, la séquence d’empilement des couches de lin et de carbone n’a pas d’effet majeur sur les résultats
puisque les taux de fibres des quatre séquences d’empilement hybrides sont quasiment les mêmes.
Un procédé de mise en œuvre par infusion de résine de bas vers le haut à travers l’épaisseur du renfort
empilé a été mis en place afin d’optimiser la mise en œuvre du composite en maîtrisant toute fuite d’air
et de résine. Les plaques composites ont été fabriquées suivant les quatre séquences d’empilement hy-
brides précitées. Pour des raisons de comparaison, les séquences non-hybrides (100% carbone, [CCCC]s
et 100% lin, [LLLL]s ) ont été également fabriquées. La microstructure des plaques a révélé que le com-
posite lin était très poreux avec 13% de taux de porosités contre 1,16% pour le carbone, en raison de la
structure poreuse des fibres de lin, de leur mauvaise adhésion avec la matrice polymère, de l’architecture
du tissu de lin et de la mauvaise capacité de compaction de ce tissu . . . Les résultats ont également montré
que la séquence d’empilement a une influence majeure sur la microstructure des plaques hybrides. Nous
194
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
avons trouvé que plus les couches de carbone se situent à l’extérieur plus le taux de fibres du compo-
site augmente et plus son taux de porosités baisse. Inversement, plus les couches de lin sont placées à
l’extérieur plus le taux de fibres diminue et plus le taux de porosités augmente. Grâce à la présence des
couches de carbone à l’extérieur, la meilleure microstructure a été obtenue avec la séquence [CCLL]s
avec un taux de fibres de 44% et un taux de porosités de 4,03%. Cette séquence permet d’améliorer le
taux de fibres du composite lin de plus de 25% et de réduire son taux de porosités de 69%.
Les performances techniques des stratifiés ont été étudiées à travers différents essais de caractérisa-
tion : flexion, indentation, choc, essais de vibrations. Afin de mieux analyser l’influence de la séquence
d’empilement sur les propriétés des stratifiés hybrides, les propriétés des stratifiés non-hybrides ont été
d’abord analysées. En raison des propriétés mécaniques élevées des fibres de carbone (rigidité et résis-
tance), d’une bonne adhérence entre les fibres de carbone et la matrice et d’une bonne adhérence entre
les plis de carbone au sein du stratifié, le composite carbone [CCCC]s affiche les meilleures caractéris-
tiques mécaniques en flexion (résistance maximale et module), en indentation (dureté et module) et en
choc (résilience). En revanche, le composite lin [LLLL]s a montré une capacité de déformation et une
tolérance aux endommagements supérieures à celles du composite carbone à cause de la ductilité des
fibres de lin. De plus, la meilleure performance en termes d’amortissement est offerte par le composite
lin, essentiellement grâce au pouvoir amortissant des fibres de lin (structure poreuse) et à la mauvaise
adhésion entre les fibres de lin et la matrice.
En ce qui concerne les stratifiés hybrides, nous avons vu que non seulement l’hybridation permet d’amé-
liorer les propriétés des composites lin et carbone mais aussi la séquence d’empilement des couches
impacte de manière considérable les propriétés du composite hybride. En flexion, il a été démontré que
le module et la résistance augmentaient avec la présence des couches de carbone à l’extérieur. Par contre,
la déformation à la rupture en flexion augmente avec la présence des couches de lin à l’extérieur. Le
même constat a été fait quant au comportement à l’impact ou au choc où la résilience du composite
hybride augmentait avec la disposition des plis de carbone à l’extérieur. Les propriétés d’indentation ont
montré que la dureté et le module d’indentation du composite lin s’améliorent significativement avec
l’hybridation avec le carbone. Il a été démontré qu’il était mieux de placer les couches de carbone à l’in-
térieur du composite hybride et les couches de lin à l’extérieur. Dans cette configuration, le bloc carbone
interne permet au stratifié de mieux résister à la charge de l’indenteur après que les couches externes en
lin aient perdu leur résistance. Les résultats des essais de vibrations (traités par méthode -3dB) ont mon-
tré que l’amortissement du composite hybride croissait avec la présence des couches de lin à l’extérieur.
La capacité d’amortissement d’un composite hybride est donc contrôlée par le comportement des fibres
du ou des plis de l’extérieur.
Sachant que les matériaux de référence sont les composites carbone et lin, la séquence d’empilement
hybride qui propose le meilleur compromis dépend du type de sollicitation. Pour les propriétés méca-
niques, nous avons vu qu’il s’agissait de la séquence [CCLL]s en flexion et en choc tandis qu’en inden-
tation c’était la séquence [LLCC]s . Pour les propriétés d’amortissement, la meilleure performance est
assurée par la séquence [LLCC]s . En effet, par rapport au composite lin, des augmentations de 273%, de
490% et de 130% ont été respectivement observées pour la résistance en flexion, le module en flexion et
la résilience avec la séquence [CCLL]s . Alors qu’en indentation les propriétés du composite lin ont pu
être améliorées de 25% aussi bien pour la dureté que pour le module d’indentation. D’un point de vue
amortissement, avec la séquence [LLCC]s , les propriétés du composite carbone se sont vus grimper de
184% à 403% suivant les modes de vibration.
Une analyse basée sur la théorie classique des stratifiés avec prise en compte de la porosité, de l’ani-
sotropie et du type de mèches a été proposée dans le dernier chapitre afin d’étudier le comportement
théorique des plaques stratifiées hybrides en flexion. Les stratifiés symétriques renforcés à base de tissus
ont un comportement élastique orthotrope. Ces tissus de renfort ont été considérés comme une superpo-
sition de deux couches UD dont les propriétés sont données par la loi des mélanges. Cette analyse nous
a permis de reproduire correctement les propriétés de flexion des différents stratifiés car les modules de
195
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
flexion calculés théoriquement sont en bon accord avec les modules de flexion obtenus expérimentale-
ment. Enfin, le calcul des contraintes normales à travers l’épaisseur des stratifiés couplé à un critère de
rupture en contraintes nous a permis de prédire le scénario de première rupture des plis. Les résultats ont
montré que la séquence d’empilement a un grand impact sur la charge à rupture d’un composite hybride.
De plus, nous avons vu que même si la première rupture varie d’une séquence hybride à une autre, elle
survient dans un pli de carbone quelle que soit la séquence d’empilement hybride considérée. Ceci est
probablement lié à la grande capacité d’allongement des fibres de lin et à la grande différence de module
d’Young entre les fibres de lin et les fibres de carbone.
La seconde partie de notre thèse a montré qu’avec la technique d’hybridation, on peut d’une part com-
penser les propriétés mécaniques moyennes d’un composite à fibres naturelles, en l’occurrence les fibres
de lin, et d’autre part, améliorer la mauvaise capacité d’amortissement et de déformation d’un compo-
site à fibres synthétiques en l’occurrence les fibres de carbone. La séquence d’empilement à utiliser sera
soit celle dont les couches synthétiques sont disposées à l’extérieur soit celle dont les couches naturelles
sont à l’extérieur. Mais le choix à faire parmi ces deux séquences dépendra de l’application visée. Cette
deuxième partie de la thèse a également démontré qu’il est bien possible de dimensionner un stratifié
hybride malgré les dissemblances de propriétés que peuvent présenter les couches constitutives.
Les études réalisées au cours de cette thèse de doctorat ont permis d’obtenir plusieurs résultats intéres-
sants. Cependant, quelques perspectives d’amélioration peuvent être envisagées pour de futurs travaux :
— comprendre la réaction en compaction des renforts lin lorsqu’on fait varier la vitesse de compaction
et lorsqu’on effectue un recompactage 1 ;
— approfondir la compréhension du comportement des stratifiés en indentation notamment le mé-
canisme de déformation des plis sous l’effet de la contrainte d’indentation en effectuant des ob-
servations micrographiques sur la zone indentée voire coupler ces observations avec un modèle
éléments finis ;
— comprendre le phénomène de rupture des composites stratifiés en flexion en mettant en place un
dispositif expérimental avec émission acoustique ou avec caméra permettant d’observer la tranche
de l’éprouvette en temps réel. Cela pourra permettre de comparer les résultats avec ceux prédits
par le scénario de rupture donné dans ce travail, et également d’avoir des informations sur le
délaminage ;
— optimiser davantage les propriétés des composites hybrides en jouant sur le nombre de plis dans
la séquence, sur l’orientation des fibres, sur la fraction volumique de fibres ou en testant d’autres
séquences d’empilement des couches . . .
196
197
Table des figures
198
TABLE DES FIGURES
199
TABLE DES FIGURES
4.1 Vue zoomée (a) et dessin manuel du tissu toile de lin (b) . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
4.2 Dispositif montrant les observations optiques réalisées sur le tissu (a) et Image d’un nœud
élémentaire du tissu (b) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
4.3 Images montrant les observations réalisées sur les fils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.4 Représentation 3D d’une maille du tissu de lin à armure toile, sous TexGen . . . . . . . 108
4.5 Exemple d’un échantillon fil avant essai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
4.6 Montage des fils dans les mors de la machine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
4.7 Comportement des fils en traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
4.8 Effet de la symétrie miroir lors du refroidissement après fabrication d’un stratifié [157] . 110
4.9 Illustration des séquences d’empilement des couches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.10 Influence de l’hybridation et de la séquence d’empilement sur la compaction : (a) et (b)
Séquences non hybrides et, (c) et (d) séquences hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
4.11 Répétabilité des essais : (a) les 5 essais expérimentaux et (b) courbe retenue (essai 5) . . 120
4.12 Comportement des composites lin et carbone en flexion : courbe contrainte-déformation 121
4.13 Évolution des propriétés mécaniques des composites lin et carbone . . . . . . . . . . . . 121
4.14 Phénomènes de sink-in et de pile-up d’un matériau indenté (A) et les aires de contact
correspondants (B) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
4.15 Schéma montrant les différents déplacements intervenant dans la méthode d’Oliver et Pharr123
4.16 Courbe charge-décharge illustrant la méthode d’Oliver et Pharr . . . . . . . . . . . . . . 124
4.17 Étapes d’obtention des propriétés mécaniques des stratifiés composites en indentation . . 128
4.18 Exemple de courbe charge-décharge : méthode d’Oliver et Pharr (essai 1 séquence [LLCC]s )129
4.19 Évolutions du module d’indentation réduit et de la dureté en fonction de la séquence
d’empilement (séquences non-hybrides) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
4.20 Schémas montrant l’endommagement des plis après la décharge pour les stratifiés non-
hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
4.21 Évolution de la résilience des composites lin et carbone . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
4.22 Modes de rupture observés après les essais de choc pour les séquences non-hybrides : la
première ligne est relative au composite carbone et la seconde au composite lin . . . . . 136
4.23 Mécanismes d’endommagement des éprouvettes composites carbone et lin . . . . . . . . 136
4.24 Courbe montrant la décroissance de la réponse d’un système pseudopériodique [54] . . . 138
4.25 Exemple d’une fonction de réponse en fréquence. Bonne répétabilité des essais . . . . . 139
4.26 Méthode -3dB pour la détermination du cœfficient d’amortissement appliquée à un mode
propre isolé (a) et à l’ensemble de tous les modes propres (b) . . . . . . . . . . . . . . . 139
4.27 Évolution de l’amortissement des composites lin et carbone en fonction de la fréquence . 141
4.28 Comparaison de toutes les propriétés des composites carbone et lin . . . . . . . . . . . . 142
200
TABLE DES FIGURES
201
Liste des tableaux
4.1 Définition des séquences d’empilement des stratifiés. s = symétrie, C = Carbone et L = Lin110
4.2 Paramètres du modèle de compaction pour les empilements hybrides et cœfficient de
corrélation entre le fittage et l’expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
4.3 Influence de l’hybridation et de la séquence d’empilement en compaction : tableau des
valeurs de V f à P = 1 bar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
4.4 Caractéristiques des renforts et de la matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
4.5 Quantification de la microstructure des composites stratifiés . . . . . . . . . . . . . . . . 116
4.6 Valeurs du paramètre ε selon le type d’indent [166, 171, 172] . . . . . . . . . . . . . . . 125
4.7 Valeurs des paramètres du modèle pour les stratifiés non-hybrides . . . . . . . . . . . . 130
202
LISTE DES TABLEAUX
4.8 Valeurs des différentes profondeurs de pénétration (en mm) pour les stratifiés non-hybrides
avec Fmax = 5 kN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
4.9 Valeurs de l’aire de contact projetée pour les stratifiés non-hybrides . . . . . . . . . . . 130
4.10 Valeurs de la raideur de contact pour les stratifiés non-hybrides . . . . . . . . . . . . . . 130
4.11 Évolution de la fréquence propre (a) et de l’amortissement (b) des composites lin et
carbone suivant les 4 premiers modes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
4.12 Valeurs des paramètres du modèle pour les stratifiés hybrides . . . . . . . . . . . . . . . 146
4.13 Valeurs des différentes profondeurs de pénétration (en mm) pour les stratifiés hybrides
avec Fmax = 5 kN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
4.14 Valeurs de l’aire de contact projetée pour les stratifiés hybrides . . . . . . . . . . . . . . 146
4.15 Valeurs de la raideur de contact pour les stratifiés hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . 146
4.16 Évolution de la fréquence propre (a) et de l’amortissement (b) des composites hybrides
suivant les 4 premiers modes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
4.17 Gain apporté par la séquence d’empilement [CCLL]s au composite lin . . . . . . . . . . 156
4.18 Gain apporté en indentation par la séquence d’empilement [LLCC]s au composite lin . . 156
4.19 Gain apporté par la séquence d’empilement [LLCC]s au composite carbone . . . . . . . 157
203
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