Gestion Des Dechets Par La Marie de LBV
Gestion Des Dechets Par La Marie de LBV
Gestion Des Dechets Par La Marie de LBV
Anicet Mboumba
Anicet Mboumba
Docteur en géographie de l’université Paris-10
Résumé La primauté des administrations centrales dans la gestion des villes africaines
est bien connue. La gouvernance, conçue comme mode de gestion pluraliste,
a été introduite dans les pays du sud par les bailleurs de fonds, afin d’infléchir
le centralisme. Au Gabon, comme dans tous les pays africains, la gouvernance
accompagne désormais toutes les réformes qui touchent aux modes de gouver-
nement des villes, notamment dans le domaine des services de base. Le succès
médiatique et politique de cette notion traduit-il pour autant le recul de l’inter-
ventionnisme étatique ? L’étude du jeu d’acteurs dans la gestion des déchets à
Libreville illustre une évolution majeure : l’association croissante de partenaires
privés dans les politiques publiques. Mais elle montre aussi la manière dont les
autorités étatiques freinent le désir d’émancipation des autorités municipales
et le besoin d’affirmation de la société civile dans les processus décisionnels.
© Armand Colin | Téléchargé le 28/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.142.109.251)
Mots clefs gestion urbaine, Libreville, déchets, gouvernance, décentralisation, État, secteur
privé, municipalité, bailleurs de fonds, associations
Key words city management, Libreville, waste, governance, decentralization, central author-
ities, private sector, local authorities, financers, associations
Introduction
Le service de collecte des déchets à Libreville a été inventé par les autorités
coloniales vers la fin des années 1950 ; il ne couvrait alors que les quartiers occupés
par les Européens. Les autorités post-coloniales ont fait de la physionomie de
leur capitale et de sa propreté un enjeu symbolique (le reflet de la réussite du
jeune État pétrolier), mais aussi un instrument de la politique sociale (égalité
Articles La difficile mutation du modèle de gouvernement des villes au Gabon • 159
d’accès des citadins aux services de base). Pour ces raisons, l’État est intervenu
directement, et souvent seul, dans la gestion des déchets au sein de la capitale.
1 Pourtier (1989) souligne notamment les investissements importants réalisés en matière de santé,
d’éducation, ainsi que dans le chemin de fer et dans l’infrastructure urbaine au cours des années 1970
et 1980.
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1.3 ...Mais l’ambition d’« un service de ramassage des déchets pour tous »,
remise en cause par la croissance urbaine
Le système mis en place fonctionne relativement bien au cours des décennies 1960
et 1970 avant d’être débordé par les fortes poussées spatiales et démographiques
des années 1980 et 1990. Notons qu’au milieu des années 1970, Libreville
comptait 150 000 habitants. Par la suite, l’enrichissement spectaculaire de l’État
2 Lasserre (1958) nous en donne une image saisissante dès la fin des années 1950.
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et l’ouverture de grands chantiers dans tous les domaines attirent les populations
vers les grandes villes : Libreville va de ce fait connaître une accélération de
sa croissance démographique. En 1980, la ville compte près de 200 000 âmes,
dix ans plus tard elle en compte 330 000. Le recensement de 1993 avance
le chiffre de 420 000 habitants. Le rythme démographique ne faiblira pas au
cours des années suivantes, à tel point qu’en 2006 la population de Libreville
approche les 600 000 habitants ; près de la moitié de la population du pays.
Cette accélération démographique entraîne à la fois une densification des anciens
quartiers populaires (avec une occupation souvent illégale des terres, y compris
dans des zones de bas-fonds non constructibles) et une extension de l’habitat
vers les zones périphériques (figure 1).
Le système de ramassage des ordures est donc mis à rude épreuve : dans les
quartiers populaires, les conteneurs sont vite débordés et les ordures s’accumulent
sur les chaussées ; les périphéries et les bas-fonds, qui posent d’importants pro-
blèmes d’accessibilité du fait du manque de routes, sont quant à eux partiellement
ou totalement privés du service de ramassage des déchets (figure 1).
Si l’accélération de la croissance démographique a mis en échec l’ambition
d’universalisation du service des déchets, la principale explication de cet échec
réside sans doute dans le manque de réactivité des pouvoirs publics. Il convient
d’en élucider les causes, d’autant que ce manque de réactivité a touché tous les
aspects de la gestion urbaine et a contribué, avec d’autres facteurs, à la remise en
cause plus générale du rôle de l’État.
Une des explications réside dans le fait qu’à partir de la fin des années 1970
les autorités ont voulu matérialiser la « modernisation » du pays et de la capi-
tale par de grands investissements de prestige. La construction de somptueux
palais et d’immeubles monumentaux (« Palais Rénovation » ; « Cité du 12 mars »,
« Immeubles du Pétrole », Hôtel de Ville) a pris le pas sur les chantiers d’infra-
structures de base. La restructuration urbaine a progressivement laissé la place
aux dépenses somptuaires ainsi qu’à l’enrichissement de l’élite politique au pou-
voir, alors même que la pauvreté urbaine gagnait du terrain. L’aggravation des
problèmes urbains dans un contexte d’inefficacité de l’action étatique a poussé
les bailleurs à s’intéresser de près à l’administration des villes africaines dès les
années 1980.
Le nouvel ethos politique et social consécutif aux événements de 1990 est marqué
par la libération de la parole et des énergies au sein de la société. Il ouvre de
nouveaux espaces de mobilisations collectives et favorise l’émergence de nouveaux
acteurs dans le champ politique urbain. Qui sont ces acteurs ? Par quels moyens
tentent-ils de s’immiscer dans la gestion urbaine traditionnellement verrouillée
par le parti unique ? Comment le pouvoir central s’adapte-t-il à ce nouveau
contexte ?
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1996, la collecte et le traitement des déchets sont assurés par des prestataires
privés sur la base de contrats passés avec l’État. Le maire centre donc son action
sur le renforcement du contrôle de ces prestataires dont il estime que le travail est
peu satisfaisant (renforcement des sanctions financières en cas de non-respect des
cahiers des charges par exemple). Le volontarisme du nouveau maire améliore
significativement le ramassage des ordures entre 1996 et 1997, malheureusement,
ce dynamisme sera interrompu par la compétition qui va opposer le maire au
pouvoir central à la veille de l’élection présidentielle de 1998.
3.1.2 Le réveil associatif : la tentative d’émergence de la société civile
La commune n’est pas le seul acteur à avoir bénéficié du contexte des années
1990. D’une manière générale, les années 1990 marquent le réveil associatif au
Gabon. Avant cette date, tout mouvement collectif non contrôlé par le régime
était soit interdit, soit durement réprimé. Lors de la Conférence nationale, plus
d’une cinquantaine d’associations en tout genre étaient présentes à côté des
partis politiques. Certes nombre de ces organisations vont disparaître après la
Conférence nationale, mais le besoin associatif des citadins va se confirmer au
cours des années suivantes, avec une progressive spécialisation dans des domaines
variés : défense des Droits de l’homme, des droits des enfants, de l’environnement,
etc. Cependant, dans la plupart des domaines, les initiatives ne naissent pas ex-
nihilo, elles prennent appui sur des dynamiques existantes, ce fut notamment le
cas en matière de gestion des déchets.
Dans ce domaine, les premiers mouvements collectifs semblent être nés du
désarroi des populations coupées des services officiels de ramassage des ordures,
en particulier dans les bas-fonds. C’était pour la plupart des regroupements
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3 Un contrat similaire a été signé entre la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), filiale de Vivendi
et l’État gabonais pour la distribution de l’eau potable et l’électricité.
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Conclusion
anicet.mboumba@hotmail.fr
Bibliographie
Adégika F. (2002). Étude sur la mise en place d’un système pérenne de collecte et de valorisation
des déchets solides urbains, ministère de l’Économie forestière, des Eaux, de la Pêche, chargé de
l’environnement, Libreville, 86 pages.
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