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Imperatif Degalite-Cndh

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Ali Benmakhlouf

Rabéa Naciri
Ali Benmakhlouf
Rabéa Naciri

Avec le soutien de :
Sommaire

Présentation 07

Egalité des droits et équité des situations 09


Par Rabéa Naciri

Rapport de synthèse 19
Le sens de la justice entre égalité et équité
Par Ali Benmakhlouf

Annexes 37
Forum des droits de l’Homme :
argumentaire, programme, participants
Présentation
Depuis maintenant sept ans, les équipes du CNDH et du festival Gnaoua et Musiques
du monde organisent en commun le forum des droits de l’Homme. Durant deux demi-
journées intenses, festivaliers, intellectuels, créateurs et militants sont invités à apprendre et
à discuter autour d’un thème. Chaque année et quelle que soit la problématique retenue1,
le forum a constitué un espace civique d’une grande richesse. La magie des Gnaoua
aidant, intervenants et auditeurs ont établi une belle tradition, faite de science, d’écoute et
d’engagement, de civisme et d’empathie.

Et depuis sept ans, nous regrettions qu’il ne reste pas de trace écrite des interventions
et des riches échanges qui ont marqué chaque édition. Avec cette publication, ce ne sera
plus le cas.

Cette année, en juin dernier, c’est autour de l’impératif d’égalité que nous nous sommes
retrouvés2, une édition ouverte par une leçon inaugurale de Mme Rabéa Naciri et clôturée
par une synthèse des travaux de M. Ali Benmakhlouf. Ce sont leurs deux interventions,
revues par leurs soins, qu’on lira ci-après.

Pour celles et ceux qui voudront retrouver l’intégralité des échanges, le lien en note de bas
de page le leur permettra3. Ils pourront constater de visu l’atmosphère à la fois studieuse
et décontractée des échanges mais aussi la diversité des participant-e-s, qu’unissait une
conviction forte : aucune société amputée de sa moitié ne saurait avancer.

Ce forum est aussi intervenu, et cela s’est senti dans les échanges, à un moment historique
rare. Le rapport de la commission des libertés individuelles et de l’égalité - COLIBE venait
d’être publié en Tunisie et la députée qui avait animé cette commission, Mme Bochra Bel
Haj Hmida, était parmi nous4. Nous ne savions pas du tout ce que le président tunisien
allait retenir des propositions de la commission qu’il avait créée. Mais le forum baignait
dans une sorte d’imperceptible atmosphère optimiste. Nous nous doutions que le rapport
de la COLIBE ne resterait pas sans lendemain.

Ce contexte et la qualité des invité-e-s, leur diversité et le courage dont leurs combats
témoignent ont donné à ce forum une tonalité particulière, que la lecture de ces textes
permettra probablement de retrouver. Tout en réitérant nos remerciements à tous ceux
qui ont fait ce moment exceptionnel, nous vous souhaitons une bonne lecture.

Neila Tazi
Driss El Yazami

1- Jeunesse, culture, femmes africaines, diasporas africaines, numérique, etc.


2- On pourra lire en annexe l’argumentaire, le programme et la liste des participant-e-s de cette édition.
3- Compte Youtube : CNDHMorocco (Playlist : 7ème édition du Forum des droits de l’Homme)
4- www.colibe.org
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L ’ i m p é r at i f d ’ é g a l i t é

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L ’ i m p é r at i f d ’ é g a l i t é

Egalité des droits et équité


des situations - Par Rabéa Naciri

Suite aux débats ayant précédé et suivi l’adoption de la constitution de 2011, la référence
de plusieurs acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux et parfois, même dans
des travaux académiques, aux notions relatives à la discrimination, à l’égalité et à la parité a
été, souvent, marquée du sceau de la confusion conceptuelle et de l’ambivalence normative.

En effet, malgré les progrès réalisés au Maroc, aucun cadre juridique ni jurisprudence
nationales n’ont procédé à une définition de ces concepts. En l’absence de définitions
claires, les acteurs publics ont tendance à faire usage de ces trois notions d’une manière
indifférenciée et équivalente. Sans oublier qu’on leur associe, souvent, d’autres notions
telles que l’équité, l’égalité des chances ou encore le genre.

Or, le problème n’est pas anodin. Il ne s’agit pas d’une rhétorique académique ou
théorique mais d’enjeux importants, car chacune de ces notions a des implications et des
prolongements dans l’ordre juridique national et dans les politiques publiques.

J’aborde dans mon intervention, la portée conceptuelle, normative et parfois opérationnelle


des notions relatives à l’égalité, à la non discrimination en premier lieu (1) car ces deux
principes constituent le cadre global dans lequel s’insère la notion de parité entre les
hommes et les femmes (2) pour traiter, d’une manière synthétique, la relation entre les
notions d’équité et d’égalité, ainsi que les enjeux politiques et idéologiques qui y sont
attachés (3).

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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

I. Egalité et non discrimination


L’égalité et la non-discrimination sont indivisibles et constituent les deux versants de la
même notion. En effet, égalité et interdiction de la discrimination se retrouvent dans
l’ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et sont au cœur
même de la protection des droits de l’homme.

Alors que chaque forme de discrimination présente des caractéristiques propres et


exige une attention spécifique, le combat contre l’ensemble des manifestations de la
discrimination s’enracine dans un seul et même principe fondamental, celui de l’égalité en
droits et de l’égale protection de la loi.

Déjà, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 commence par le principe
de l’égalité : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »

L’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) énonce que:
«Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit, sans discrimination, à une égale
protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les
personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine
nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »

Le même article ne se limite pas à interdire les discriminations mais consacre aussi un droit
positif, celui de l’égalité devant la loi et de l’égale protection de la loi. Il ne se contente pas
d’interdire les discriminations dans l’exercice des droits protégés par le traité mais aussi les
discriminations dans tous les domaines, y compris en matière de droits économiques et sociaux.

De la discrimination directe et indirecte


L’Observation générale n° 18 du Comité des droits de l’Homme des Nations- unies
de 1989 sur la non-discrimination1 reconnait ce principe en tant que droit fondamental
autonome et fait référence à « toute autre situation ». La liste des motifs de discrimination
expressément interdits n’étant pas exhaustive.

Dans son préambule, la constitution marocaine de 2011 stipule que le royaume s’engage
à : « bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe,
de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, de
l’handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit ».

1- HRI/GEN/1/Rev.9 (Vol. I)

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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

L’emploi des termes « ou de quelque circonstance personnelle que ce soit » laisse entendre
que la liste des catégories et des motifs de discrimination n’est pas exhaustive. Cette
disposition a donc un champ d’application étendu.

La discrimination peut être définie comme étant un traitement inégal et défavorable


appliqué à une personne ou à des groupes de personnes sur la base de critères illégitimes
relevant de caractéristiques inhérentes à la personne (sexe, race, ethnie, couleur, âge,
etc.), ou de caractéristiques acquises (langue, religion, statut matrimonial, appartenance
syndicale, etc.). Elle peut être perpétrée par des personnes physiques ou juridiques, des
agents de l’Etat ou par des institutions publiques ou privées.

Toutefois, à l’opposé, par exemple, de la discrimination raciale, l’interdiction de la


discrimination fondée sur le sexe ne figure pas parmi les normes impératives du droit
international (jus cogens)2. En effet, la Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT,
1969)3 consacre une hiérarchie entre deux catégories de normes : fondamentales ou
impératives « jus cogens », dont l’importance est telle qu’on ne peut y déroger, et les
autres normes de droit, qualifiées de « normes dispositives ». La discrimination à l’égard
des femmes serait donc une norme dispositive à laquelle la communauté internationale
pourrait déroger !

Dans plusieurs de ses arrêts, la Cour de justice des Communautés européennes


appréhende la discrimination comme l’application de règles différentes à des situations
comparables ou l’application de la même règle à des situations différentes. Cette définition
intègre à la fois l’approche formelle de l’égalité (égalité de traitement dans des situations
comparables, quelle qu’en soit la résultante) et une approche plus substantielle intégrant
la conséquence de l’application de la même règle à un groupe défavorisé.

Concernant la discrimination pour motif de sexe, l’article premier de la Convention de


lutte contre toutes les formes de discriminations à l’égard de la femme (CEDEF)4 définit
cette dernière comme «toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour
effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice
par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de
la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique,
économique, social, culturel et civil, ou dans tout autre domaine ».

2- L’article 53 de la CVDT dispose qu’une norme impérative (Jus cogens) est « une norme acceptée et reconnue par la
communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise
et qui ne peut-être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère ».
3- Adoptée par l’AG des Nations unies le 23 mai 1969. Entrée en vigueur le 27 janvier 1980.
4- Adoptée par l’AG des Nations unies (résolution 34/180 du 18 décembre 1979) et entrée en vigueur le 3 septembre
1981.
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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

La mention « ayant pour effet ou pour but » contenue dans la définition précitée renvoie
aussi bien à la notion de discrimination directe (« ayant pour but ») qu’indirecte (« ayant
pour effet »). En faisant référence à « l’effet » et au « but », la CEDEF décline deux formes
de discrimination, à savoir la discrimination indirecte et directe.

La discrimination directe a pour but de désavantager, par le biais des lois ou de politiques
publiques, un groupe donné par rapport à un autre. La discrimination indirecte a pour
effet de désavantager un groupe donné par rapport à un autre et recouvre l’ensemble des
pratiques qui, formellement neutres, ont néanmoins un impact négatif disproportionné
sur les individus appartenant à certains groupes marginalisés et ce, indépendamment des
motivations de leurs promoteurs.

Plusieurs traités du droit international relatif aux droits de l’Homme définissent la


discrimination indirecte comme un concept basé sur les effets discriminatoires qui résultent
d’une règle ou d’une mesure apparemment neutre.

En effet, le Comité des droits de l’homme s’est orienté, Dans sa jurisprudence récente,
vers une conception plus rigoureuse de la discrimination indirecte, caractérisée non
seulement par des effets discriminatoires, mais également, ceux survenant en l’absence de
toute intention discriminatoire.

Par conséquent, l’interdiction de la discrimination comprend des mesures qui ne sont pas
discriminatoires en apparence (neutres), mais qui sont discriminatoires dans les faits et
dans leurs effets, constituant ainsi une discrimination indirecte.

Selon la Recommandation générale n° 25 (2004) concernant le premier paragraphe de


l’article 4 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes, portant sur les mesures temporaires spéciales, il existe une discrimination
indirecte à l’égard des femmes « quand une loi, une politique ou un programme fondés sur
des critères apparemment neutres ont pour effet concret de désavantager les femmes. Des
lois, politiques et programmes présentant cette neutralité peuvent perpétuer involontairement
les effets de discriminations passées. Elles peuvent être calquées par mégarde sur des modes
de vie masculins et en conséquence ne pas tenir compte d’aspects de la vie des femmes
qui ne correspondent pas à ceux des hommes. Ces différences peuvent découler d’attentes,
d’attitudes et de comportements stéréotypés à l’égard des femmes fondés sur les différences
biologiques entre les sexes. Elles peuvent aussi être dues au fait général de la soumission de
fait des femmes aux hommes »5.

5- Annexe 1 de la Recommandation.

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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

Au plan juridictionnel, la définition de la discrimination indirecte bénéficie de plusieurs


arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJCE) dont notamment, parmi les plus
significatifs, l’arrêt Ursula Voß contre Land Berlin6 concluant à une discrimination indirecte la
rémunération par une entreprise des heures supplémentaires effectuées par une salariée
à temps partiel, à un taux horaire inférieur à celui des heures de travail correspondantes
effectuées par un salarié à temps plein. La Cour a considéré qu’il existe une différence
de traitement entre les deux catégories de fonctionnaires : ceux qui travaillent à temps
plein et ceux qui travaillent à temps partiel au détriment de ces derniers, dans la
mesure où les travailleurs à temps partiel au sein du groupe des travailleurs féminins
étant considérablement plus élevé qu’au sein du groupe des travailleurs masculins, cette
différence de traitement ne repose pas sur des facteurs objectifs et étrangers à toute
discrimination fondée sur le sexe.

Dаns l’аffаirе Waltraud Brachner contre Pensionsversicherungsanstalt7, un dispositif


d’аugmеntаtion еxcеptionnеllе dеs pеnsions dе viеillеssе mis еn plаcе еn Аutrichе
еxcluait lеs titulаirеs dе pеnsions minimаlеs, cеs dеrniеrs bénéficiаnt d’unе аugmеntаtion
à un tаux infériеur à un аutrе titrе. La CJCE a considéré que cеttе mesure еst constitutivе
d’unе discriminаtion indirеctе еn rаison du sеxе dans la mesure où elle désavantage
une proportion beaucoup plus élеvée dе fеmmеs touchant unе pеnsion minimаlе quе
d’hommеs dans la même situation (57% du nombrе totаl dе fеmmеs pensionnées contre
25% pour les hommes).

Ainsi dans les deux affaires, même si les mesures et dispositifs sont neutres et ne disposent
d’aucune discrimination directe en raison du sexe, les deux arrêts rendus ont conclu à
des discriminations indirectes en raison d’effets désavantageant les femmes en tant que
groupe dans des proportions beaucoup plus importantes que les hommes se trouvant
dans la même situation.

De l’égalité formelle et réelle


Si le principe d’égalité repose sur l’interdiction de toutes formes de distinction entre les
individus lorsqu’elles relèvent de critères illégitimes prohibés par la loi, toutefois, dans un
objectif de promotion d’une égalité réelle et donc de réduction des inégalités entre des
catégories d’individus, des différenciations sont, de fait, introduites dans le droit.

Généralement, dans la littérature spécialisée, il est fait mention à deux grands modèles
d’approche de l’égalité :
- L’égalité « formelle », fondée sur l’égalité pour les personnes, la neutralité formelle et
la justice procédurale. Elle est passive et statique, n’assure aucun résultat particulier et

6- Arrêt C-300/06 Ursula Voß contre Land Berlin, 6 décembre 2007.


7- Arrêt C-123/10 Waltraud Brachner contre Pensionsversicherungsanstalt, 20octobre 2011.

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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

néglige les dimensions collectives inhérentes à l’inégalité telles que l’appartenance à un


groupe ou les réalités sociétales ;
- L’égalité «substantielle», «asymétrique», centrée sur les caractéristiques et les
désavantages d’un groupe, les résultats effectifs et ceux souhaités. L’égalité substantielle
remédie aux limites de l’égalité formelle en mettant l’accent sur les résultats et en prenant
en considération les dimensions de groupe.

Au Maroc, le chantier législatif visant à mettre en œuvre les dispositions de la Constitution


a été marqué par certains développements préoccupants dont notamment la décision
n° 943/14 du 25 juillet 2014 du Conseil constitutionnel sur le projet de loi organique n°
66-13 relative à la Cour constitutionnelle, qui a déclaré non-conforme à la Constitution
les dispositions de la loi organique, visant à garantir préalablement la représentation des
femmes au niveau de chaque catégorie de membres de la Cour constitutionnelle8.

Alors que la proposition du projet de loi visait à garantir une meilleure représentation des
femmes dans la Cour constitutionnelle en conformité avec le droit international des droits
de l’Homme, notamment l’article 4 de la CEDEF et l’article 19 de la Constitution9 qui fait
référence à la fois à l’égalité et à la parité, le Conseil a considéré que « cette mesure prévue
enfreint le principe de non-discrimination, ainsi que le principe d’égalité des droits entre les
hommes et les femmes, consacré par le premier paragraphe de l’article 19 de la Constitution ».

Or, la portée et le sens de la proposition du projet de la loi organique doivent être


interprétés à la lumière des objectifs et buts généraux de la Constitution (préambule et
article 19) et de la CEDEF - à laquelle le Maroc est partie- en vue d’instaurer une égalité
de droit et de fait entre hommes et femmes.

En effet, le paragraphe 1 de l’article 4 de la CEDEF stipule que « L’adoption par les États
parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait
entre les hommes et les femmes n’est pas considérée comme un acte de discrimination tel
qu’il est défini dans la présente Convention ». Dans le même sens, une décision du Conseil
constitutionnel français, considère que le principe d’égalité « ne s’oppose ni à ce que le
législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour
des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui
en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit »10. Il s’agit ici de la concrétisation
effective du principe de l’égalité formelle qui, sinon, resterait abstraite.

8- CNDH : Etat de l’égalité et de la parité au Maroc. Préserver et rendre effectifs les finalités et objectifs constitutionnels,
2015.
9- « L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel
et environnemental, énoncés dans la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés
par le Royaume ».
10- Décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, consorts L. (cristallisation des pensions), cons.9.

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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

II. De la parité
Les instruments internationaux des droits de l’homme y compris la CEDEF ne font pas
mention de la notion de « parité » mais de « mesures spéciales »11 visant à lutter contre
les discriminations passées et présentes à l’encontre des femmes.
Dans son article 19, alinéa 2, la Constitution de 2011 introduit, pour la première fois,
l’obligation constitutionnelle à l’Etat marocain d’œuvrer à la réalisation de la parité entre
les hommes et les femmes et crée, à cet effet, l’Autorité pour la parité et la lutte contre
toutes formes de discrimination.

La parité peut être définie comme étant l’égale représentation des femmes et des hommes
au niveau quantitatif dans tous les domaines et dans l’accès aux instances de prise de
décision dans le secteur public, professionnel et politique. Elle vise la reconnaissance d’une
altérité socialement construite. A ce titre, elle constitue un puissant mécanisme de lutte
contre les discriminations indirectes.

Mais, c’est généralement dans le domaine politique que la mise en œuvre de la parité
fait l’objet des controverses les plus importantes en relation avec le dilemme classique
que soulève la citoyenneté des femmes en démocratie représentative, entre défenseurs
du principe de l’égalité formelle et ceux qui prônent la prise en compte de la réalité des
discriminations à l’encontre des femmes en tant que groupe.

Selon les opposants à la parité, le principe d’universalité et l’intérêt général s’opposeraient


au catégoriel, et toute discrimination positive menacerait l’égalité de tous les citoyens. Selon
cette vision, dès lors que l’éligibilité est établie en droit de la même façon pour tous, le citoyen,
donc le candidat/l’élu, ne peut être distingué selon des caractéristiques particulières. Toute
différenciation briserait l’unité du corps électoral, et pourrait susciter des revendications de la
part d’autres catégories de la société ou conduire au communautarisme. En outre, l’institution
de quotas, ou de la parité, jetterait un doute sur la compétence de ses bénéficiaires.

Pour les partisans de la parité, celle-ci est présentée comme un moyen de réaliser dans
les faits l’égalité substantielle, le sexe constituant le seul élément indissociable de la notion
même de personne, que l’on ne pourrait pas assimiler à un groupe social. Les femmes ne
constituant ni une catégorie sociale, ni une minorité, l’instauration de la parité ne serait
donc pas de nature à justifier des revendications paritaires de la part d’autres catégories12.
Etant une exigence au nom de l’égalité de statut, et non pas au nom de la représentation
d’une minorité, la parité serait donc un moyen pour refléter la dualité de l’espèce humaine
constituée d’hommes et de femmes.

11- Article 4 de la CEDEF


12- République Française, Senat : Projet de loi constitutionnelle relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. RAP-
PORT 156 (98-99) - commission des lois, CABANEL (Guy). https://www.senat.fr/rap/l98-156/l98-156_mono.html
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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

L’argument central dans le processus de légitimation de la parité est sa vocation à corriger


les effets de la discrimination indirecte passée et/ou présente et un outil de concrétisation
de l’égalité réelle ou effective qui, à défaut, resterait abstraite.

La consécration de cette notion dans l’article 19 de la constitution marocaine qui porte


sur l’égalité hommes-femmes signifie que cette notion ne s’applique pas uniquement aux
droits politiques, mais qu’elle a une portée transversale englobant l’ensemble des droits
civils, politiques, économiques, culturels et environnementaux consacrés par cet article.

Par ailleurs, en préconisant la mise en place d’une Autorité de la parité et de la lutte contre
toutes les formes de discrimination, la Constitution prend en compte, sans ambigüité, aussi
bien la dimension quantitative de l’égalité (parité) que sa dimension formelle (lutte contre
toutes les formes de discrimination).

L’introduction de la notion de la parité dans la Constitution a contribué à la fois à re-


dynamiser et revisiter le débat sur l’égalité des sexes et à diffuser cette notion devenue une
valeur sociale dans d’autres secteurs de la société, notamment dans la sphère économique.

Toutefois, comme cela a été souligné précédemment, dans le discours politique et dans
les politiques publiques, la confusion opérée entre l’égalité -principe fondamental du droit
international des droits de l’Homme- et la parité est préoccupante. A titre d’exemple, le
titre donné au « Programme Gouvernemental pour l’Egalité à l’horizon de la parité » est
significatif de cette orientation. La parité -mécanisme pour l’atteinte de l’égalité- devient
l’objectif suprême à atteindre!

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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

III. Des enjeux de la controverse autour


de la relation entre équité et égalité
La réflexion sur la notion de l’égalité, de non discrimination et de parité doit associer celle
relative à l’équité. Cette réflexion est légitimée par le constat que l’égalité, appliquée à des
citoyens supposés « abstraits » sans tenir compte des différences concrètes de situation
économique et sociale, peut aboutir, à l’inverse du but recherché, à renforcer les inégalités
en réservant un traitement égalitaire à des situations qui ne le sont pas.

En plus de la confusion opérée entre deux catégories philosophiques et morales


conduisant à un usage de façon interchangeable des termes « équité » et « égalité »,
le débat autour de ces notions est caractérisé par une polarisation et une polémique
politique et idéologique.

Au sein du mouvement féministe et des droits de l’Homme au Maroc et dans les pays
voisins, l’équité est perçue comme visant à affaiblir l’idéal de l’égalité en lui substituant
celui, moins contraignant, d’équité13. En effet, quand les féministes revendiquent l’égalité
hommes/femmes, les islamistes réclament l’équité, c’est-à-dire une complémentarité entre
hommes et femmes articulée sur une essence, un rôle et donc des droits et des devoirs
différenciés pour chaque sexe. Les hommes et femmes ne sont pas seulement différents,
mais aussi inégaux. Ainsi, l’amalgame entre deux notions qui sont les différences naturelles
et les inégalités socialement construites (dimension genre) est vite opéré. Or, le contraire
de l’égalité n’est pas la différence, mais l’inégalité.

Dans son récent rapport sur la justice sociale à l’école, le Conseil supérieur de l’éducation,
de la formation et de la recherche scientifique contribue à cette réflexion autour des
notions de l’égalité et de l’équité dans le champ éducatif en faisant le constat suivant : «
… en dépit des efforts consentis, les disparités territoriales, sociales et de genre se retrouvent
dans l’accès à l’école, dans les parcours selon les niveaux scolaires, face aux diplômes, à la
connaissance, aux compétences, à la culture et à l’emploi… Les élèves ne sont pas égaux
selon leur origine socio-économique et culturelle. Des lors, un enseignement unique engendre et
amplifie ces inégalités […] … Ceci suppose de faire en sorte que le sort des plus défavorisés
ne dépende plus de leurs conditions sociales d’origine et de limiter les inégalités de résultats, en
termes d’apprentissages scolaires et d’intégration sociale et professionnelle »14.

13- En Tunisie, le projet soumis au débat au sein de l’Assemblée constituante (2012) par le parti Ennahdha d’inscrire dans
la constitution la notion de complémentarité entre les femmes et les hommes au lieu du principe de l’égalité, a suscité
une vaste controverse et mobilisation du mouvement féministe qui a abouti à consacrer l’égalité entre les hommes et les
femmes dans la constitution de 2014.
14- CSEFRS : Une école de justice sociale. Contribution à la réflexion sur le modèle de développement, 2018

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Egalité des droits et équité des situations - Par Rabéa Nacir i

C’est ainsi que le rapport établit un constat sur la base de données factuelles : l’égalité
de traitement d’élèves n’appartenant pas aux mêmes milieux sociaux d’origine n’est pas
suffisante pour garantir l’égalité devant la réussite scolaire. Des mesures d’équité s’avèrent
donc nécessaires.

Pour conclure, il est important de souligner que loin d’être antagonistes ou interchangeables,
les différentes notions abordées dans cette intervention se complètent et se renforcent
mutuellement. Elles ne sont pas exclusives les unes des autres mais font partie, à l’opposé,
d’un seul dispositif : garantir l’égalité en droits et l’équité dans les situations.

La prise en compte de l’équité – ou plutôt, l’engagement dans une conception plus


équitable de l’égalité - exige qu’un effort particulier soit accompli en faveur des catégories
sociales féminines les plus concernées par les processus inégalitaires. Alors que l’égalité
formelle exige un traitement identique conférant les mêmes droits aux hommes et aux
femmes en tant qu’individus, l’égalité réelle, quant à elle, vise à prendre en compte le
désavantage social des femmes et l’héritage inégalitaire.

C’est dans ce cadre que s’insèrent les mécanismes d’équité ou de ce qui est appelé
la discrimination positive, les mesures spéciales provisoires (article 4 de la CEDEF) ou
encore de parité. L’ensemble de ces principes et instruments tendent vers un seul objectif
: garantir l’égalité formelle entre les hommes et les femmes en tant que droit fondamental
(droit à l’égalité et à l’égale protection de la loi) et celle réelle (équité des situations
économiques et sociales).

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Rapport de synthèse
Le sens de la justice entre égalité
et équité - Par Ali Benmakhlouf

C’est dans une atmosphère studieuse que ce forum s’est tenu, en même temps que le
festival Gnaoua et musiques du monde La musique fut par le passé un des arts intégrés
à la formation des citoyens dans la Grèce antique et en Chine, le législateur envoyait ses
commis dans les régions pour saisir les formes de lien social induites par la liesse populaire
lors des fêtes champêtres, pour pouvoir refléter dans les lois une image de ce ciment qui
fait tenir les citoyens ensemble, ce qui est attesté aussi dans la tradition arabo-musulmane1.

Il est heureux que le CNDH renoue avec cette tradition millénaire et se saisisse des
questions contemporaines et urgentes comme celle des droits des femmes et de l’égalité
pour faire remonter aux décideurs des réflexions, des avis, des consultations : toutes
choses qui permettent aux démocraties pluralistes d’honorer le débat public et par voie
de conséquence l’éthique publique.

1- Al Fârâbî, commentant le livre des Lois de Platon, insiste sur l’importance des chants et des fêtes pour le législateur :
« Il [Platon] a évoqué certaines prescriptions qui sont fort connues parmi les lois antérieures au sujet des fêtes en disant
qu’elles étaient extrêmement correctes à cause de ce qui s’y trouve du plaisir auquel tous les hommes aspirent par nature
», in Philosopher à Bagdad au Xe siècle, Seuil, 2007, p. 145.

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Rapport de synthèse : Le sens de la justice entre égalité et équité - Par Ali Benmakhlouf

I. Le scandale premier : la discrimination


universelle
Le trébuché de la discrimination universelle
Comme le souligne l’anthropologue Françoise Héritier, la discrimination à l’égard des
femmes est universelle : partout, elle a lieu. Elle n’est ni spécifique à tel ou tel système
culturel, ni issue de croyances relatives à telle région du monde. Ce scandale est premier,
au sens où l’infraction est première avant le travail adoucissant des lois qui installe petit
à petit l’égalité. Il s’agit de scandale, au sens grec du terme : le skandalon est la pierre
d’achoppement, la pierre sur laquelle on trébuche. Ce trébuché de la discrimination est
certes universel, mais il prend des formes particulières selon les contextes. Les tables
rondes ont mis en perspective la situation des pays arabo-musulmans à travers des
analyses juridiques, économiques, politiques et culturelles.

Un code patriarcal
Il y a des problèmes structurels qui fondent, en creux, un universel commun, celui de la
dite discrimination. C’est dans le livret d’état civil même, comme Mme Malika Benradi l’a
indiqué dans son exposé la polygamie reste inscrite comme une possibilité : quatre pages
restent prévues dans le livret de famille marocain pour accueillir le nom éventuel de quatre
femmes. Khadija Cherif indique qu’il y a une réelle solidarité des Etats pour ne pas aller
de l’avant. Elle est relayée par Ghita Lahlou qui a mis l’accent sur la frilosité des élites et
des décideurs dans le monde de l’entreprise pour éviter que les femmes soient présentes
dans les instances de décision. Les éléments critiques, au sens de ce qui est en crise, ceux
qui maintiennent la violence et qui font scandale, c’est bien l’universel de la discrimination
subie par les femmes dont le corps est un enjeu de contrôle pour les hommes.
Le code patriarcal est lié à ce contrôle des corps et à la gestion de la propriété : certaines
coutumes (al ‘Urf) ont été sacralisées pour écarter les femmes. C’est le cas du partage des
terres longtemps refusé aux femmes. Nous y reviendrons.

La voix et l’instrument
Soit une musicienne qui ne se contente pas d’utiliser « le plus petit et le plus inapparent
des corps »2 : la voix, mais qui s’engage à jouer d’un instrument à cordes. Elle doit alors
affronter les hommes qui cherchent à exercer leur hégémonie via l’exclusive de l’usage
des instruments. La malienne Fatoumata Diawara a contesté cette exclusive et a intégré
ce monde très masculin des instruments.

2- C’est la définition de la voix donnée par Gorgias.

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Les hommes prolongent leur pouvoir par le corps des outils techniques en général, et
par celui des instruments de musique en particulier. Ce que montre Mme Diawara c’est
comment, en creux, se fait l’humanisation dans notre espèce : les hommes extériorisent
leurs forces dans les outils techniques, sans laisser aux femmes la possibilité de le faire à
titre égal. C’est donc quasi ontologiquement que se fait la disqualification des femmes.
Geneviève Fraisse parle à ce sujet de « sexisme ». D’où les formes d’éducation décriées
par Malika Benradi : le garçon accompagne le père chez le mécanicien et la fille, la mère
chez la couturière.

Filiation, générations, transmission


Au cœur de la discrimination à l’égard des femmes, il y a la filiation, le rapport aux
générations futures et la transmission. Enumérons quelques situations :

1. L’impossibilité, pendant longtemps, à ne pas pouvoir transmettre la nationalité (Mme Bel


Haj Hmida) ;
2. Etre bloqué dans la suite des générations : on peut hériter, depuis peu, au Maroc de
ses grands parents maternels, mais contrairement à l’héritage issu des grands parents
paternels, l’autre héritage s’arrête avec la première génération des petits enfants (Mme
Naciri) ;
3. Ne pas se faire reconnaître l’enfant né hors mariage (M. Janjar) ;
4. L’inégalité dans l’héritage entre hommes et femmes. Mais aussi le fait de voir son
patrimoine dispersé latéralement si le couple n’a que des filles : les oncles s’invitent pour
hériter aussi et à défaut des oncles les cousins paternels ;
5. Ne représenter, pour les femmes, les enfants mineurs qu’en cas d’absence ou de maladie
du père, n’avoir donc pas de légitimité en propre pour cela. C’est l’article 238 du code du
statut personnel au Maroc (Mme Benradi) ;
6. La dot discriminante. La décision archaïque qui donne lieu à des marchandages d’avoir à
fournir un certain nombre de biens matériels pour le mariage des filles.

Pour aborder ces situations, apparemment fragmentaires, il faut une analyse holiste, car il y
a une co-implication des cas. Il s’agit de mettre en réseau les lois, éviter leur incohérence,
et prolonger la loi de l’égalité hommes/femmes par les lois sur la dépénalisation de
l’homosexualité (avis de la commission tunisienne COLIBE à laquelle appartient Mme Bel
Haj Hmida), d’abolition de la peine de mort. C’est le moment où une nation négocie son
tournant moderne.

L’urgence d’agir
Certes il y a quelques avancées, notamment la révision du code de statut personnel

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en 2004 au Maroc. Mais elles restent modestes. Il convient d’accélérer le processus


d’amélioration de la situation des femmes, comme le préconise M. El Yazami. Il s’agit
d’inscrire une exigence (l’égalité) dans une existence, celle des femmes.

Quelques actions devraient donner lieu à une accélération :


1. Mme Rkia Bellot a fait progresser l’enregistrement (1600) des femmes Soulaliyât (voir
infra) pour la répartition des terres ; il s’agit d’accompagner de manière plus énergique ce
processus ;
2. Une sensibilisation sur les situations complexes (Mme El Khomri) qui mêlent la
toxicomanie, la prostitution et la pauvreté (expérience française menée dans le XVIIIe
arrondissement à Paris) ;
3. Cette sensibilisation reste un besoin en raison du déficit médiatique dans
l’accompagnement des femmes. Mme Amina Niandou insiste sur l’invisibilisation des
femmes dans les médias. Elle a participé à la Charte pour l’amélioration de l’image de la
femme au Niger, puis a multiplié des « capsules de sensibilisation ».

Un combat à la mesure des résistances


Les droits ne sont pas octroyés par hasard. C’est toujours de haute lutte, qu’ils adviennent.
Plutôt que de baisser les bras quand les droits ne sont pas reconnus, il faut intensifier les
luttes car les motifs pour les défendre sont alors plus importants. Les résistances sont là
: il y a une régression dans l’emploi des femmes au Maroc sur les dix dernières années,
comme le rappelle le Haut Commissariat au Plan cette année (Mme Lahlou).
Sur la question de l’égalité homme/femme, entre l’Etat et la société civile, il y des rapports
qui oscillent entre antagonisme et partenariat (Mme Bel Haj Hmida, Mme Cherif). Ainsi,
l’expérience démocratique tunisienne a arraché des droits, notamment quant à la parité,
et cela s’est traduit par une bien meilleure représentation dans le parlement (partenariat).
Mais, au gré du changement des gouvernements, quand les islamistes sont aux commandes,
les droits des femmes régressent.

La décision partagée
Ce combat pour obtenir les droits des femmes, quand il se résout par des décisions
permettant aux femmes de partager les décisions, se traduit par une plus grande
performance dans l’action menée (Neila Tazi).

Favoriser ce combat c’est adopter une attitude pragmatiste qui répond aux questions
suivantes : que faire ici et maintenant, dans cet Etat-ci, avec ce rapport de forces là ?
Cette attitude permet de faire tomber les déterminations idéologiques relatives à
l’instrumentalisation par le pouvoir politique de la lutte des femmes, que certains mettent

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en avant, sans se rendre compte qu’ils continuent ainsi à jeter un discrédit sur le combat
pour les droits. Quand on est dans le mouvement, on accepte de n’être pas contemporain
de soi, on accepte aussi la part d’opacité liée à toute action se faisant. Cette opacité
s’explique par l’imprédictibilité structurelle de toute action comprise dans son mouvement
d’accomplissement.

L’expérience française rapportée par Myriam El Khomri est significative : il s’agit, pour
partager la décision, de sensibiliser différentes instances comme la police par exemple,
pour répondre à la détresse des femmes qui sont prisonnières du cycle infernal de la
drogue et de la prostitution.

La parité
Parmi les actions menées, il y a le combat pour la parité. Ce concept a un effet correctif
de la discrimination indirecte. Il n’est ni principiel, ni constitutionnel comme l’est l’égalité
(Mme Rabéa Naciri, Mme G. Fraisse). Il reste un auxiliaire, certes important, de l’égalité,
mais, il ne peut pas tenir lieu de celle-ci.
C’est une notion qui se rapporte à la catégorie de la quantité : tant de femmes dans telle
institution, dans tel jury, etc. C’est un concept qui crée de la valeur dans l’entreprise (Mme
Lahlou). La parité est évoquée à chaque fois qu’il s’agit d’améliorer l’image de la femme
dans la société, ou de rendre les femmes plus visibles dans l’espace public. Le quota est
certes utile, mais il a besoin d’autres mécanismes pour être significatif, parmi lesquels
l’éducation, la participation politique, la lutte contre la précarité, etc.

L’équité
L’autre correctif invoqué dans les situations de détresse féminine ou de négation du
droit des femmes est l’équité. L’équité n’est pas une notion morale. Il ne s’agit pas d’une
bienveillance témoignée à ceux/à celles dont les droits sont bafoués. L’équité est une
notion qui ne se pose qu’à partir d’une situation de droit, même si elle-même n’a pas la
contrainte qu’exerce le droit. L’équité est, ici, requise dans une situation où l’égalité est
mise en défaut et que plus de justice s’impose pour éviter le délitement du lien social. Kant
disait que l’équité était une « divinité muette » qui ne se fait pas entendre facilement. Pour
se faire entendre, l’équité s’inscrit dans une lutte comme celle que Mme Bellot a menée
pour que les femmes aient droit au partage des terres, initialement distribuées aux seuls
mâles d’une région. Cet exemple montre qu’on peut aller plus loin dans la conception de
l’équité : ce n’est pas une simple « divinité muette », c’est un dispositif qui est au centre de
la demande de justice et qui est orienté vers l’avantage accordé aux moins bien lotis dans
un ordre social donné. La justice comme équité permet ainsi au droit de s’inscrire dans
une dynamique structurelle de réformes.

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La voix des réformes


Les réformes supposent la parité, considérée désormais comme un élément de « bonne
gouvernance » et l’équité comme demande permanente de justice au sein d’un ordre
juridique donné. La difficulté reste de décliner les lois au niveau local, notamment dans les
régions intérieures et rurales. Les conseils constitutionnels pour la famille, la commission
permanente pour la parité au sein du parlement (Mme Bouaïda), l’encadrement proposé
par les partis politiques sont certes des structures importantes. Il reste que les déclarations
de principe et les principes de droit tardent à se traduire dans la société civile dans son
ensemble, et dans les régions défavorisées en particulier. Plus même, le combat pour
la parité risque de faire oublier que c’est l’égalité qui est principielle : la parité n’est
qu’un correctif des situations scandaleuses, elle ne saurait tenir lieu de l’égalité inscrite
formellement dans la constitution, mais si peu effective dans la réalité.

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II. L’égalité : un droit indérogeable


M. El Yazami a rappelé que l’égalité était une « priorité fondamentale ». Elle ne peut ni se
dissoudre dans la parité, ni être trop aimantée par elle.

L’énumération
On ne peut, certes, tout énumérer dans la loi. Mais il y a des expressions génériques qui
sont majeures pour mener une lutte contre les discriminations. Ainsi l’article 26 du Pacte
des droits civils et politiques (ONU, 1966) parle de « tout autre situation », autres que celles
qui sont énumérées à propos des motifs de discrimination, comme les discriminations de
sexe, de couleur ou d’opinion politique. Dans la constitution marocaine, rappelle Mme
Naciri, figure l’expression « dans quelque circonstance que ce soit ». Ainsi, quand un droit
ne figure pas de manière impérative et indérogeable, il importe de souligner cependant
que c’est bien un droit en raison du caractère non exhaustif de la liste où apparaissent les
droits indiscutables comme l’interdit de la torture, la condamnation du racisme. Le « etc. »
n’est pas une paresse à ne pas énumérer, il est inducteur d’une liste à compléter en raison
des discriminations vécues ici ou là. Le « etc. » est une demande explicite d’élucidation et
de contextualisation pour sortir du formalisme du droit.

Egalité formelle et égalité substantielle


M. Janjar, dans la veine des études menées par le prix Nobel d’économie (1998), Amartya
Sen, a insisté sur la distinction entre l’égalité formelle, celle qui est inscrite dans les textes
constitutionnels, et l’égalité substantielle, celle qui est vécue par les individus. L’enjeu est
de convertir les droits, dits encore « biens premiers » selon le philosophe John Rawls (ce
que tout individu rationnel exige), en des capacités, ensemble de fonctionnements qui
permettent d’agir facilement, d’avoir de l’empowerment. Amartya Sen s’inscrit explicitement
dans le cadre des pays en développement comme l’Inde, pays dont il est issu. Il est attentif
à la manière dont les droits formels (voter, se déplacer librement, etc.) sont convertis en
capacités réelles et à la manière dont cette conversion rencontre des problèmes en raison
des inégalités liées au genre notamment, mais aussi à une croissance économique qui ne
se s’accompagne pas de transformations structurelles en vue de promouvoir l’éducation
et la santé pour tous.

D’un côté, on a les lois votées par le parlement et dont les décrets tardent souvent à
voir le jour ; de l’autre, des situations où les femmes mettent en pratique leurs droits,
s’engagent à parler au juge, au qadi, à la communauté, à l’instar de ce que fait, pour l’accès
à la propriété, Mme Bellot.

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Il est un autre enjeu lié à la Constitution. Cette fois-ci, en amont des textes eux-mêmes : c’est
celui d’inscrire dans la Constitution les droits humains affirmés par la Déclaration universelle
des droits de l’homme. C’est ce combat qu’a rappelé Mme Rhiwi, mettant ainsi l’accent sur
l’importance du cadre normatif international, une fois reporté et validé dans les constitutions
particulières. On parle alors des droits des droits de l’Homme : on passe ainsi de la simple
déclaration universelle comme celle de 1948 à la contrainte des principes du droit, inscrits
dans les constitutions particulières. Cette inscription devient alors une protection réelle
pour les citoyens à qui on ne peut plus opposer la force des coutumes locales, bien souvent
discriminantes. Si, culturellement ces coutumes ont une valeur positive, politiquement, elles
doivent rester subordonnées à l’affirmation des droits humains.

Expériences féminines
Il y a des expériences féminines, effectives, mais elles ne sont pas toujours apparentes.
A ce titre, il faut souligner le travail des associations des femmes qui ont encouragé
la participation politique. Le travail de Mme Bellot pour que les femmes, de manière
autonome, obtiennent leur part de terres distribuées, est à ce titre remarquable. Cette
femme a non seulement parlé pour son propre droit, mais elle est devenue aujourd’hui
représentante des autres. Dans le même mouvement, elle a pu lutter aussi pour que les
femmes ne soient plus sans papiers : en effet, de nombreuses femmes, au Maroc, dans les
zones défavorisées, n’ont pas de carte nationale. Elles n’existent administrativement, dès
lors, que lorsqu’elles se marient, par les papiers du conjoint. C’est donc au plus proche des
situations vécues que les droits se conquièrent. Mme Lahbaili parle du suivi des politiques
publiques, notamment dans le domaine de la santé, un suivi qui exige un travail ingrat
au jour le jour, si peu mis au grand jour, mais si ce un travail venait à manquer, les droits
reculeraient.

La parabole de la capabilité
La distinction entre la discrimination directe (par exemple dans la loi sur l’héritage) et
la discrimination indirecte est importante. Dans celle-ci, se trouvent inventoriés tous les
droits formellement reconnus, mais rarement appliqués, comme le droit au travail ou celui
à l’éducation. On sait bien que l’absence de transport scolaire pour les filles en milieu rural
condamne celles-ci à cesser leur scolarité quand le collège est à quelques kilomètres du
domicile : aucune famille ne laisserait à sa fille courir le risque d’une agression sur le chemin
du retour de l’école, à la nuit tombée. Il faut sans cesse différencier au sein d’un même
groupe, les femmes, les personnes âgées, les personnes non inscrites dans l’état civil, les
jeunes filles en abandon scolaire. C’est à ce prix de différenciation que l’on peut combattre
pour l’exigence d’égalité (Mme Naciri).

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Amartya Sen propose une parabole pour souligner combien la lutte pour donner aux
femmes de la capacité demande cette différenciation. Soit un travail indivisible comme
le travail du jardinier. Trois candidats se présentent : celui qui n’a rien, celui a tout perdu
et celle qui est malade et que ce travail pourrait lui permettre de se soigner. On voit là
qu’il s’agit des trois grandes théories du social : celle qui repose sur le contrat social et
qui dit qu’aucun individu ne doit être exclu ; celle qui repose sur la doctrine utilitariste
de réduction des peines et d’augmentation des plaisirs, et celle qui permet aux gens de
convertir leurs droits en capacités. Il s’agit d’avoir une vision inclusive et de concilier les trois
aspects. Mais, surtout, on le voit, la vision capacitaire, rappelée par M. Janjar, est incarnée,
dans cette parabole, par une femme, car les femmes posent directement la question de la
capacité en situation sociale, en raison des entraves continues qu’elles rencontrent sur leur
chemin dans les sociétés à forte présence patriarcale. En mettant l’accent sur les privations
de capacité, on éclaire la situation sociale en général, si tant est que la société tout entière
se mire dans la place occupée par les femmes. L’indicateur « genre » reste la voie royale
pour traiter des inégalités en termes d’emploi, d’éducation et de santé.

Avoir sa part : l’exemple des Soulaliyât


La privation de capacité est particulièrement illustrée dans le cas du combat pour les ayant
droit aux terres collectives. Il s’agit de terres appartenant à la communauté qui, par le ‘Urf,
la coutume (le dahir de 1919), a pris le pli de ne les attribuer qu’aux hommes. Les femmes
se trouvent ainsi réduites à travailler des terres sans les posséder. Exclues de la propriété,
elles sont confinées dans des bidonvilles. Leur maintien dans un statut extra légal comme
l’occupation d’un bidonville, les prive des autres biens premiers comme l’éducation et le
soin. Gardiennes d’un lieu qui n’est protégé par aucune loi, elles ne peuvent quitter leur
bidonville et doivent inscrire dans leur corps même le droit au logement : aucun relais
corporel comme le droit de propriété ou de location ne vient les libérer pour aller vers
les autres tâches essentielles à leur épanouissement. Mais on ne peut demander à ce
qu’une personne porte tout continuellement sur son corps. Il faut des relais constitués par
le droit, relais juridiques du corps pour une vie décente. La lutte menée par Rkia Bellot a
été et reste payante. Les femmes, petit à petit, finissent par avoir leur part des terres de la
communauté et deviennent même représentantes au sein de celle-ci, vu qu’une lutte ne
peut être menée sans une prise de parole reconnue institutionnellement.

Micro et macro agressions


Geneviève Fraisse a évoqué le mouvement Me Too, qui a vu se multiplier, surtout dans les
pays dits avancés, les accusations contre des violeurs par leurs victimes, et ce depuis un an.
Fatoumata Diawara a indiqué, pour sa part, le silence coupable, au Mali, de ceux qui savent
que les filles mineures sont régulièrement violées, y compris par des imams dans l’enceinte
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des medersas, et qui ne disent rien. Il s’agit là de macro agressions qui viennent grossir la
liste de celles que nous avons décrites : les dépossessions des terres, le cycle infernal de
la drogue et de la prostitution, etc. Il faut ajouter à cette horrible liste le cas souligné par
Mme Lahbaili, savoir celui des femmes du monde rural marocain qui, allant chercher l’eau
aux aurores, se font agresser par les chiens errants. Les responsables locaux ne font rien
malgré les plaintes. Lourd silence là encore.

Ces différentes agressions ont pour résultat de reléguer les femmes dans la non parole.
Non seulement leur droit est bafoué, mais la formulation même des agressions reste rare.
Or, sans formulation, les violations, les viols, continuent.
A ces agressions massives, il faut ajouter les micro agressions de tous les jours : les femmes
subissent des insultes, des rires moqueurs, des mots déplacés dans l’espace public, quand
ce n’est pas dans l’espace privé même.

Les règles et leurs applications


L’adage dit que « le droit le plus strict est la plus grande injustice », c’est même lui qui est
évoqué à chaque fois que l’on parle de l’équité comme correction du droit : il s’agit
d’écouter une voix que le droit n’a pas prévu. Mais cet adage, sans contexte, ne signifie
pas grand-chose. Quand on applique les mêmes règles à des situations différentes, on est
dans une forme d’universel abstrait, c’est-à-à-dire un universel qui soustrait la réalité tout
en prétendant s’y appliquer. L’exemple débattu lors de ce colloque est venu de la salle :
un participant a demandé pourquoi le temps de garde de l’enfant, dans le cas des parents
divorcés, ou de congé parental, dans le cas de l’enfant qui vient de naître, est toujours à
l’avantage de la femme ? La réponse est simple : comment appliquer une loi, sans regarder
le contexte, quand le cadre général est celui du pouvoir patriarcal et de la discrimination
permanente ? Quand on fait abstraction de ce pouvoir, appliquer la même règle consistera
à redoubler ce pouvoir, au lieu de répondre au sens de la justice (Mme Naciri). Permettre
aux femmes une garde plus avantageuse, un plus grand congé parental c’est au contraire
équilibrer la situation générale où prévaut le pouvoir patriarcal, à la manière dont un ordre
social accorde un avantage aux plus défavorisés.

L’arbitraire
Mais il est une autre situation, inverse de la précédente : il s’agit du cas fréquent où l’on
applique des règles différentes à une même situation. Dans ce cas, l’exemple paradigmatique
est celui de l’inégalité de salaire entre hommes et femmes. Ce cas, contrairement au
précédent, est une injustice caractérisée. Au lieu d’être corrigé par cette diversité de
règles, le pouvoir patriarcal se trouve renforcé.

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Les enjeux éducatifs


Face à tant d’injustices, que fait l’école ? Que font les associations, les pouvoirs publics ?
Il s’agit de déconstruire, par le biais de l’éducation, les représentations stéréotypées de
l’homme et de la femme (Mme El Khomri), de proposer des modules sur la parité (Mme
Bouaïda), de former à l’accès au droit, de favoriser une culture de la visibilisation des
femmes (Mme Niandou).

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III. Le filet des mots


L’incarcération catégorielle
Parler des femmes comme d’une catégorie, produit beaucoup de violence. Plutôt que de
parler de « sexe », on parle de plus en plus de « genre » pour éviter cette incarcération
de la femme dans une catégorie biologique. Le genre permet d’échapper à la supposée
détermination de nature, même si certains refusent de considérer le sexe lui-même
comme un élément biologique : rien dans l’être humain ne permet de séparation nette
entre le culturel et le naturel.

La promotion des études sur le « genre » a pu cependant libérer de nouvelles réalités.


A l’université, les masters sur le genre se sont multipliés. L’écriture inclusive en langue
française vise aussi d’écarter l’hégémonie grammaticale des accords avec le masculin. En
arabe, il y a une différenciation respectueuse, présente dans la langue, qui permet de dire «
toi » (Anta) à un homme, de manière différente de « toi » (Anti) à une femme. De même
pour le pluriel : le relatif « qui » se décline selon le genre : le « qui » dans « les femmes qui
» (allawâtî) n’est pas le même que « le qui » des hommes qui » (alladhîna). La conférence
de Mme Bailati fut un exemple notoire de ce parler respectueux du genre à partir d’une
langue qui en donne si nettement la possibilité.
Mais ces différenciations ne s’accompagnent d’aucune essentialisation.

La transversalité
Quand on parle des femmes, on parle de toute la situation d’un pays et non d’une catégorie
close sur elle-même. Bloquer l’interaction hommes/ femmes en refusant la mixité scolaire
par exemple, c’est bloquer la société dans son ensemble.
M. Janjar rappelle qu’Averroès, de manière inédite dans le monde musulman, a fait exister
dans la langue arabe, notamment la langue philosophique, la pleine égalité homme/femme.
Averroès commente la République de Platon, et grâce à la distance que lui donne le rôle
de commentateur, il fait passer dans la langue, l’égalité défendue par Platon entre les
gardiens de la cité, qui partagent toutes les fonctions sans discrimination.

Mme Belhaj Hmida a mis en évidence une autre transversalité : comment le combat des
femmes traverse les divisions idéologiques, comment en Tunisie les femmes de tous bords
politiques se sont rassemblées pour mener leur combat au sein du parlement : elles ont la
capacité de mettre en minorité le vote, si l’on ne les écoute pas. Preuve s’il en est que la
question des femmes ne se ramène ni à une division politique, ni à une essence intemporelle.

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La confusion conceptuelle
La confusion conceptuelle qui fait des femmes une catégorie à part se traduit dans les
faits. Elle a un effet pragmatique. C’est ainsi, comme nous l’avons vu, que la parité tend à
se substituer à l’égalité, et fait reculer la cause de l’égalité en concentrant la défense des
droits sur une question de quotas. La parité n’est pourtant qu’un concept correctif des
discriminations indirectes. Elle ne saurait prendre la place de l’égalité, constitutionnellement
garantie. Elle présente la pente glissante de penser les femmes sur le modèle d’une minorité
ou d’une catégorie sociale (Mme Naciri), ce qu’elles ne sont pas.

La fragmentation du droit
Il est bien difficile de dérouler les normes juridiques en prenant le critère de la cohérence.
Nous assistons, de fait, à une fragmentation du droit en raison de la primauté accordée
au droit international d’une part et de la survivance, dans le droit national, d’éléments qui
entrent en conflit ouvert avec l’égalité promue par ce même droit international. Si l’on
prend l’exemple du code de la famille au Maroc (2004), on a à la fois, une co-responsabilité
de la famille des deux conjoints, bien affirmée, et le maintien de discriminations comme
la possibilité de la polygamie, les restrictions à la représentativité des mineurs par leurs
mères, sans compter les règles d’inégalité dans l’héritage. Le principe d’égalité ne traverse
pas toutes les lois (Mme Benradi, Mme Rhiwi).
Il y a donc un manque d’harmonisation du droit avec lui-même et du droit avec la société.
Que de femmes sont économiquement chefs de famille sans que cela se traduise par des
droits correspondants ?

Ajoutons au chaos produit par la fragmentation du droit, le conflit entre plusieurs


juridictions, vécu par ceux que l’on appelle «immigrés » et qui ne le sont bien sûr pas dans
leur pays d’origine. Il est symptomatique que ce soit dans leur pays aussi qu’on appelle les
citoyens résidant à l’étranger « immigrés ». Ils sont donc vus comme un corps étranger.

L’héritage
Mme Cherif donne une précision de taille : les règles d’héritage ne font pas partie des
cinq piliers de l’Islam. Ces règles, contrairement à ce qui est souvent dit de la charia, ont
évolué sans cesse. La charia est un produit de l’histoire juridique et varie d’école juridique
à école juridique. Elle est régulièrement aménagée en raison du lieu et du temps. Elle
suppose aussi des fatwas, c’est-à-dire des avis consultatifs qui viennent éclairer la décision
du juge, et non des éléments comminatoires que le salafisme répand sur la toile. De fait, la
charia renvoie, traditionnellement à des dilemmes juridiques bien plus riches que les alibis
religieux dans lesquels on l’enferme souvent aujourd’hui pour des raisons idéologiques.

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Rappelons que Dieu, dans la tradition mu’tazilite, n’oblige les musulmans qu’à la mesure
de leur intelligence (Abdel Jabbar cité par Khadija Cherif). Si donc le problème n’est pas
religieux, c’est qu’il est de part en part politique.

« Le privé est public et il est politique »


Cette expression de Mme Cherif indique combien toute relégation des femmes dans
l’espace privé est politique. Les questions du statut personnel semblent ne relever que du
droit privé. Mais toute dualité entre le droit privé et le droit public est une dislocation du
droit. Le droit privé dérive du droit public et politique.
Il faut aussi cesser, quand on parle d’égalité, de dire que le monde arabo- musulman
emprunte des concepts à l’étranger. Aucune culture n’est isolée. Toutes sont hybrides. Ce
que confirme l’incorporation du droit international dans les droits nationaux.
Il y a une autre situation préoccupante : la manière dont l’Etat, par conviction néolibérale,
délègue au monde privé de l’entreprise ses prérogatives parmi lesquelles l’éducation et la
santé, qui ne sont pas des biens marchands comme les autres. Il s’agit là de biens publics
communs que l’entreprise privée, en l’absence de législation, ne peut prendre en charge,
sans les travestir ou les gauchir.

Le référent religieux
Quand on parle de religion, il convient de distinguer entre les institutions, toujours
critiquables, le dogme, toujours respectable et le sentiment religieux, impossible à nier.
Mme Cherif dit que l’avancée des droits des femmes s’accompagne d’un respect total
de la piété des gens. En revanche, tout blocage au nom de la religion ne fonctionne que
comme alibi pour ne pas faire évoluer les situations. Mme Rouba Arja accrédite également
cette idée. Quoi de plus anti-humaniste, donc anti-religieux, que de prétendre justifier les
coups administrés aux femmes ?

Les avancées juridiques contre la loi sur l’héritage qui favorise les familles latérales (Al
Ta’ssib) se font aussi par des pétitions, comme c’est le cas actuellement au Maroc (Mme
Bouaida). Ces pétitions ont pour rôle de faire pression sur les décideurs publics pour
changer la loi.

« La conformité à la charia »
Invoquer la religion dans ce combat contre la discrimination à l’égard des femmes ressortit
à des déterminations idéologiques. La religion devient « un maître général à tout office »
selon l’expression de Montaigne, ce qui veut dire qu’on l’utilise à tour de bras pour tout

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L ’ i m p é r at i f d ’ é g a l i t é
Rapport de synthèse : Le sens de la justice entre égalité et équité - Par Ali Benmakhlouf

contexte. La religion sert toute justification. Certaines constitutions comme celle d’Iran et
d’Arabie Saoudite affirment bien l’égalité entre les hommes et les femmes, mais ajoutent «
en conformité avec la charia », expression qui a pour effet d’annuler l’article de loi affirmant
l’égalité, non pas parce que la charia refuse cette égalité, mais parce que l’expression « en
conformité avec la charia » laisse toute latitude au juge d’adapter la loi selon son humeur.
Cette expression est la porte ouverte à tous les abus possibles, à tous les arbitraires.

De fait, la charia est bien plus un référent indéterminé, d’allure rhétorique, qu’une réalité
juridique. La mobilisation de ce référent est le symptôme d’une crise de légitimité du
pouvoir politique dans sa course concurrentielle avec les mouvements islamistes.

La source, le contenu
Le référent religieux est présent dans les constitutions comme une source et non comme
un contenu. Par exemple, la constitution tunisienne parle bien de « l’attachement du [notre]
peuple aux enseignements de l’Islam et à ses finalités caractérisées par l’ouverture et la
tolérance ». Elle parle bien des finalités (Maqâssid) mais, elle dissocie cette expression du
complément de nom qui lui est souvent associé : « les finalités de la charia » (Maqassid Al
Charia). En Egypte, la constitution parle de « la charia, source principale de la législation », «
source » donc et non contenu, « principale » et non exclusive.

Mme Cherif souligne les vertus de la séparation du politique et du religieux et M. Janjar


rappelle le combat intellectuel d’Ali Abderraziq en 1925, dans son ouvrage L’Islam et les
fondements du pouvoir, combat selon lequel il n’y a dans l’Islam aucun modèle politique,
encore moins un modèle politique prophétique. La charia est une notion spirituelle, et non
un ordre juridique voulu par Dieu.

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Rapport de synthèse : Le sens de la justice entre égalité et équité - Par Ali Benmakhlouf

Conclusion
Trois points de conclusion sous forme de recommandations se dégagent de ce riche
forum.

- Il convient d’honorer les alternatives hypothétiques : être attentif non seulement à ce qui
advient, mais à ce qui pourrait advenir, à ce qui pourrait être autre. C’est à cette condition
que le passé lui-même puisse être perçu comme un inachevé, un inaccompli : la tâche
permanente du présent, notamment, est alors celle de réduire, jusqu’à mettre fin, à ces
discriminations qui touchent toutes les femmes et de chercher à accomplir ce qui est resté
inachevé ;

- Il convient aussi d’honorer les vertus de l’enquête, faire une évaluation des coercitions
implicites et explicites, une évaluation des discriminations directes et indirectes que
subissent les femmes. A titre d’exemple, évaluer la manière dont les filles sont déscolarisées
à la mesure du désengagement de l’Etat dans l’éducation. L’évaluation touche aussi le
droit et ses incohérences, ses ambivalences, sa fragmentation qui disloquent le lien social.
L’impératif d’égalité n’est pas séparable de celui de vérité et de l’interaction collaborative
entre Etat et société civile. L’enquête place la justification des décisions et des dépenses
budgétaires au cœur de l’éthique publique. Les avancées dictées par l’impératif d’égalité
supposent, de manière permanente, un regard qui rend raison et donne les raisons ;

- Il convient enfin de favoriser le débat public ainsi que l’analyse comparative de la mise
en œuvre de la parité selon les pays. Il convient aussi d’archiver la parole des femmes, à
l’instar du travail effectué par Alison Baker avec les femmes marocaines qui ont participé à
l’indépendance du pays (Voices of resistance), et ce afin que les lois traduisent ces voix, et
que l’on commence à voir sa localité avec les yeux du reste de l’humanité.

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Annexes : For um des droits de l’Homme : Argumentaire

Annexes
Forum des droits de l’Homme :
Argumentaire
À l’occasion de sa 21ème édition, le Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira et
le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) organisent, pour la septième année
consécutive, le Forum des droits de l’Homme durant les matinées du 22 et 23 juin 2018.

Depuis 2012, ce forum est un espace de débat et d’échanges entre des intervenants
nationaux et internationaux s ur des problématiques actuelles de nos sociétés. Après deux
premières éditions consacrées successivement à la jeunesse et à la culture, l’Afrique a
constitué trois ans durant la thématique centrale du forum (histoire, femmes et diasporas
africaines).
L’édition de 2017 était consacrée aux liens entre digital et culture et cette septième
édition est consacrée à l’égalité et la parité.

Questions transversales par excellence, l’égalité, la non-discrimination et la parité ont fait


l’objet de débats passionnés ces dernières années. Pour sa part, le CNDH y a consacré
plusieurs avis, rapports et activités en accompagnement du chantier de mise en oeuvre
des dispositions constitutionnelles relatives aux droits des femmes.

En effet, depuis l’adoption de la constitution de 2011, qui a consacré l’égalité et la lutte


contre les discriminations à l’égard des femmes, plusieurs lois ont été adoptées : loi n°
79-14 portant création de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes
de discrimination (APALD), loi n° 103-13 relative à la lutte contre les violences faites
à l’égard des femmes, loi n° 78-14 qui a établi le Conseil consultatif de la famille et de
l’enfance (CCFE) et la loi n° 66-16 modifiant et complétant la loi n° 77-03 relative à la
communication audiovisuelle, qui consacre la promotion de la culture de l’égalité entre les
sexes et la lutte contre la discrimination basée sur le sexe. Par ailleurs, et en réponse
aux mobilisations du mouvement des droits des femmes, les lois organiques relatives
au Parlement et aux collectivités territoriales ont permis de hisser la représentation des
femmes dans les instances élues au niveau national et territorial1.

1- La loi organique relative à la Chambre des représentants a permis de renforcer la représentativité féminine (élevée
à 81 sièges soit 21% du nombre total des membres de la Chambre actuelle) et la loi organique relative à la Chambre
des conseillers stipule qu’« aucune liste de candidature ne doit comporter deux noms successifs de deux candidats de
même sexe ». Lors des élections de 2015, les lois sur les collectivités territoriales ont permis d’améliorer la présence
des femmes dans les conseils communaux (actuellement de 21,6%) et régionaux (37%).
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Annexes : For um des droits de l’Homme : Argumentaire

Toutefois, les avancées réelles enregistrées dans l’ordre juridique interne ne se traduisent
malheureusement pas dans le quotidien des femmes, notamment les plus vulnérables
à la pauvreté et à l’exclusion. Dans un rapport intitulé L’état de l’égalité et de la parité
au Maroc publié en 2015, le CNDH avait rappelé ces avancées, mais avait noté une
«évaporation progressive des promesses constitutionnelles» et la persistance de nombreuses
discriminations légales et de fait. Le CNDH avait notamment mis en exergue le retard
dans l’installation des deux instances constitutionnelles ayant pour objectif de contribuer
à l’effectivité des dispositions relatives à l’égalité de genre et à la parité dans tous les
domaines (l’APALD et le CCFE).

En plus des écarts entre hommes et femmes dans l’accès à l’emploi et aux activités
socio-économiques, de l’importante prévalence des violences subies par les femmes dans
l’espace privé et public, du droit des femmes à mettre fin à une grossesse non désirée,
de la liberté vestimentaire et du mariage des mineures, etc., des débats passionnés ont
marqué l’actualité des dernières semaines. Considérée, dans un passé récent, comme
tabou, la revendication de l’égalité successorale dans le cadre d’une refonte globale et
profonde du Code de la famille et en conformité avec la constitution et les engagements
internationaux du Maroc, État partie à la CEDAW2, fait désormais partie du débat public.

L’occurrence actuelle de ces débats, à la fois inédits et féconds, reflète les mutations
profondes de la société marocaine dont, parmi les plus significatives, la baisse de la
fécondité et son corollaire, la diminution de la taille des ménages, la prédominance de la
famille nucléaire, l’important recul de l’âge au premier mariage et l’accès quasi paritaire des
filles à l’éducation, notamment en milieu urbain.

Mais ces débats sont également l’expression des injustices et discriminations criantes
persistantes à la fois dans l’ordre juridique et dans les choix opérés par des politiques
publiques aveugles à la dimension genre et encore fortement imprégnées du paradigme
«Monsieur gagne-pain et madame au foyer».

Ce sont ces enjeux et défis que le forum des droits de l’Homme qui se tient en marge
de la 21ème édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira, se propose de
débattre en y consacrant plusieurs moments déclinés en quatre grandes questions.

2- Le Maroc a ratifié la CEDAW en 1993 et retiré ses réserves à propos, notamment, de l’article 9 et 16 en 2017.

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Annexes : For um des droits de l’Homme : Argumentaire

1. Egalité, discriminations, parité : les notions, les conséquences


Lors des débats qui ont précédé et suivi l’adoption de la constitution, la référence de
plusieurs acteurs publics gouvernementaux et non gouvernementaux, et parfois même
dans des travaux académiques, aux notions de discrimination, d’égalité et parité est
marquée du sceau de la confusion conceptuelle et de l’ambivalence. Or, la question n’est
pas anodine. Il ne s’agit pas d’une rhétorique académique ou théorique mais d’enjeux
importants car chacune de ces notions a des implications et des prolongements dans
l’ordre juridique national et dans les politiques publiques.

2. Des avancées incontestables, des discriminations persistantes


Malgré la présence accrue des femmes dans les différents espaces, et malgré les acquis en
termes de droits constitutionnels, elles sont loin de bénéficier des mêmes droits que les
hommes.

3. Des Sociétés en mouvement : initiatives en faveur des droits des


femmes.
Des mutations sont en cours, la morphologie sociétale ne cesse de changer mais le statut
des femmes reste sclérosé. Exemples de bonnes pratiques …

4. Les voies de la réforme


Ce panel discutera des fondements et approches qui devraient présider à l’élaboration
des politiques publiques au niveau normatif, institutionnel et opérationnel dans le domaine
de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la parité entre les hommes et
les femmes.

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Annexes : Forum des droits de l’Homme : programme

Programme
Vendredi 22 Juin

9h - Séance d’ouverture
Mme Neila Tazi, Productrice du Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira
M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l’Homme

9h15 à 9h45 - Leçon inaugurale


L’égalité et la parité : garantir l’égalité des droits et l’équité des
situations
Par Mme Rabéa Naciri, membre du Conseil consultatif du réseau international Women’s
Learning Partnership-WLP , Maroc

10h - Table ronde 1 :


Egalité, discriminations, parité : les notions, les conséquences
Modératrice : Mme Fathia Elaouni, journaliste, Maroc

Intervenants :
Mme Bochra Bel Haj Hmida, députée, Tunisie
Mme Geneviève Fraisse, philosophe et historienne, ex-déléguée aux droits des femmes,
France
M. Mohamed Sghir Janjar, anthropologue, Maroc

11h15 à 11h30 – Pause-café

11h30 - Table ronde 2 :


Des avancées incontestables, des discriminations persistantes
Modérateur : M. Abdellah Tourabi, journaliste, Maroc

Intervenants :
Mme Rouba Arja, chargée d’affaires senior, Centre pour les Femmes de l’ESCWA, Liban
Mme Malika Benradi, universitaire, Maroc
Mme khadija Cherif, sociologue, Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD),
Tunisie
Mme Fatoumata Diawara, artiste, Mali

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Annexes : Forum des droits de l’Homme : programme

Samedi 23 juin

9h30 - Table ronde 3 :


Des sociétés en mouvement : initiatives en faveur des droits des
femmes
Modératrice : Mme Souad El Tayeb, directrice, Monte Carlo Doualiya, France

Intervenants :
Mme Rkia Bellot, Mouvement des femmes soulaliyates, Maroc
Mme Myriam El Khomri, ancienne ministre et conseillère de Paris, France
Mme Hayat Lahbaili, directrice Maroc, MENA Women’s Leadership Program , Forum of
Federations
Mme Amina Niandou, présidente de la section de l’Association des professionnelles
africaines de la communication (APAC), Niger

11h15 à 11h30 – Pause-café

11h30 - Table ronde 4 :


Les voies de la réforme
Modératrice : Mme Sanaa El Aji, sociologue, Maroc

Intervenants :
Mme Mbarka Bouaida, Secrétaire d’Etat chargée de la Pêche maritime, Maroc
Mme Ghita Lahlou, directrice de l’Ecole Centrale de Casablanca, Maroc
Mme Leila Rhiwi, représentante d’ONU Femmes Maghreb, Maroc

12h30 - Synthèse des travaux :


M. Mohammed Ali Benmakhlouf, philosophe, France

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Annexes : For um des droits de l’Homme : par ticipants

Les participants
Rouba Arja, Liban Mohamed-Sghir Janjar, Maroc
Chargée d’affaires senior, Centre pour les Anthropologue
Femmes de l’ESCWA
Hayat Lahbaili, Maroc
Bochra Bel Haj Hmida, Tunisie Directrice Maroc, MENA Women’s
Députée Leadership Program, Forum of Federations

Rkia Bellot, Maroc Ghita Lahlou, Maroc


Mouvement des femmes soulaliyates Directrice de l’Ecole Centrale de
Casablanca
Mohammed Ali Benmakhlouf,
France Rabéa Naciri, Maroc
Philosophe Membre du Conseil consultatif du
réseau international Women’s Learning
Malika Benradi, Maroc Partnership-WLP
Universitaire
Amina Niandou, Niger
Mbarka Bouaïda, Maroc Présidente de la section de l’Association
Secrétaire d’Etat chargée de la Pêche des professionnelles africaines de la
maritime communication (APAC)

Khadija Cherif, Tunisie Leila Rhiwi, Maroc


Sociologue, Association tunisienne des Représentante ONU Femmes Maghreb
femmes démocrates (ATFD)
Les modérateurs
Fatoumata Diawara, Mali
Artiste Fathia Elaouni, journaliste

Myriam El Khomri, France Sanaa El Aji, sociologue


Ancienne ministre et conseillère de Paris
Souad El Tayeb, directrice de Monte
Geneviève Fraisse, France Carlo Doualyia
Philosophe et historienne, Ex-déléguée
aux droits des femmes Abdellah Tourabi, journaliste

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L ’ i m p é r at i f d ’ é g a l i t é

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R O Y A U R MO E Y A D U U M EM A D R U O CM A R O C
M E M O R A N D U M R E L A T I F A U
onformément à ses missions et p R O j E T D E L O I N ° 1 2 - 1 9 F I x A N T
prérogatives, le Conseil national les co n ditio n s d’ em plo i des trava illeurs do m estiq u e s
de droits de l’Homme (CNDH)
a élaboré son premier rappor t
thématique consacré à la question de
l’égalité et la parité de genre au Maroc. Il
puise son essence de la conviction du M.N

Conseil quant à la centralité de la


question de l’égalité et de la parité pour
le Maroc.

Le CNDH a élaboré ce rappor t qui se


présente comme un bilan analytique, dix
ans après la réforme du Code de la
famille, trois ans après la promulgation de
la Constitution de 2011 et vingt ans après La mise en place de
l’adoption de la Plateforme de Beijing. L’Autorité pour la parité
Le rappor t qui présente plusieurs l’Autorité pourConseil
la parité consultatif et la lutte
Les conditions d’emploi
État de l’égalité et de la parité au maroc

recommandations se compose de trois


grands chapitres : 1- Pratique et la lutte contre toutes La lutte contre la violence
des travailleurs de la famille contre
et de l’enfance
toutes les formes
les domestiques
conventionnelle et dichotomie juridique ;
2- Egalité et parité en droits
formes de discrimination La création
à l’égard des femmesduLa Conseil consultatif
lutte contre les violences
économiques, sociaux et culturels et 3- de discrimination
Les politiques publiques et leurs impacts Projet de loi N°12-19 Avis du CNDH sur le projet de loi N° 78-14 Avis dude
CNDHla
sur famille
le projet deàloil’encontre
et de l’enfance
des femmes
sur les femmes les plus vulnérables aux
violations de leurs droits. Il dresse un
bilan des différentes formes de
É TAT D E Mémorandum
N° 103-13
Avis du CNDH sur le projet de loi N° 79-14

L’ÉGALITÉ ET
Mémorandum Série
Série contribution au débat contribution
public - N°1 au débat public - N° 4
discrimination relative à chaque axe.

DE LA PARITÉ
AU MAROC
Préserver et rendre effectifs les finalités
et objectifs constitutionnels

L’IMPÉRATIF
D’ÉGALITÉ
Publications du Conseil national des droits de l’Homme
www.cndh.ma www.cndh.ma

Un coffret regroupant les 7 rapports d CNDH sur les droits des femmes

Contributions au débat public


La lutte contre les violences à l’encontre des femmes (2014)
La création du Conseil consultatif de la famille
et de l’enfance (CCFE) (2015)

Avis au Parlement
La lutte contre les violences à l’encontre des femmes
Avis sur le projet de loi n° 103-13 (2016)
L’Autorité pour la parité et la lutte contre les discriminations (APALD)
Avis sur le projet de loi n° 79-14 (2015)
Le Conseil consultatif de la famille et de l’enfance
Avis sur le projet de loi n° 78-14 (2015)

Mémorandums
La mise en place de l’Autorité pour la parité
et la lutte contre les discriminations (APALD) (2013)
La mise en place de l’Autorité pour la parité
et la lutte contre les discriminations (APALD)
Mémorandum additionnel (2014)
Les conditions d’emploi des travailleurs domestiques (2013)

Rapports
État de l’égalité et de la parité au Maroc (2015)
État de l’égalité et de la parité au Maroc
Résumé exécutif (2015)

Disponible sur demande au CNDH

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