La Nouvelle Gouvernance Fiscale
La Nouvelle Gouvernance Fiscale
La Nouvelle Gouvernance Fiscale
Id : PA201508905
Auteur :
L'administration fiscale a publié une charte sur la nouvelle gouvernance fiscale visant à sécuriser
l'environnement fiscal des entreprises, à rationaliser les normes fiscales et à mieux encadrer la
rétroactivité et la rétrospectivité des lois fiscales.
Dans la lignée des assises de la fiscalité des entreprises qui se sont tenues au début de l'année 2014, le
Gouvernement a publié une charte sur la nouvelle gouvernance fiscale 1. Ce texte a pour but d'augmenter
l'attractivité de la place de Paris, a expliqué le ministre des Finances, Michel Sapin, lorsqu'il l’a dévoilé.
Pour assurer le financement de l'économie et la croissance, il convient de « faire en sorte que la finance
soit une finance efficace, au service de l'économie réelle, la place financière de Paris doit être forte. Cela
implique de prendre les mesures pour la renforcer quand cela est nécessaire. J'ai donc décidé de publier
aujourd'hui un code de conduite qui pose le principe de non-rétroactivité en matière fiscale. Très
concrètement, cela veut dire que les changements de fiscalité n'affecteront plus ni les exercices déjà clos,
ni même les exercices ou les années en cours. Les acteurs auront de la visibilité et la garantie que les
règles du jeu sont connues suffisamment à l'avance », a résumé le ministre.
Dès 2004, le rapport Gibert 2, puis en 2008, le rapport Fouquet 3 avaient appelé à la suppression de la
notion de rétroactivité fiscale. Le rapport Fouquet proposait même d'inscrire le principe de non-
rétroactivité ou de sécurité juridique dans le Préambule de la Constitution (proposition no 4).
En effet, si l'article 2 du Code civil précise que « la loi ne dispose que pour l'avenir : elle n'a point d'effet
rétroactif », il n'existe pas de principe de valeur constitutionnelle de non-rétroactivité des lois fiscales à
l'exception de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, qui interdit la rétroactivité
des lois pénales d'application plus sévère. Les propositions de loi constitutionnelle et organique tendant à
encadrer la rétroactivité des lois fiscales présentées au printemps 2013 au Parlement ont été rejetées par
les députés. Le texte présenté par le Gouvernement est donc assez novateur. Reste que ce code de bonne
conduite ne peut avoir qu'une portée assez limitée comparé à un texte de loi par exemple. Autre point
négatif : la charte ne vise que les entreprises. Les particuliers ne sont donc pas concernés par ce texte.
Enfin, la charte ne vise que les hausses d'impôts. Pour des mesures favorables au contribuable, un texte
rétrospectif ou rétroactif reste possible.
Autre exception : les lois de validation. « Dans certains cas, une réforme législative nécessite d'être
rétroactive afin d'éviter qu'une mauvaise application de la loi précédemment en vigueur n'aboutisse, pour
sa réparation, à une désorganisation des services de l'État ou un encombrement de la justice. De telles
dispositions, appelées « lois de validation », sont très strictement encadrées par les jurisprudences du
Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'Homme. En effet, pour être considérées
comme constitutionnelles, les lois de validation doivent respecter la chose jugée et être particulièrement
justifiées par l'intérêt général de l'État ou des collectivités concernées, l'intérêt financier ne constituant pas
à lui seul un motif d'intérêt général suffisant. Pour se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'Homme, ces lois doivent respecter les contentieux engagés avant que leur contenu ne soit
rendu public. Des projets de lois ou d'amendements de validation pourront continuer à être déposés dans
le respect de ce strict encadrement », explique la charte.
Dernier motif d'exception : les dispositions susceptibles d'entraîner des comportements d'optimisation
postérieurement à leur publicité. L'annonce de certaines mesures fiscales est susceptible d'entraîner des
tentatives d'optimisation de la part des contribuables, ces derniers prenant des décisions entre l'annonce de
la mesure et le vote de la loi afin de bénéficier du régime antérieur. « Compte tenu des effets néfastes
découlant d'un décalage entre l'annonce de telles mesures et l'adoption de la loi les mettant en œuvre, les
projets d'articles fiscaux comportant des dispositions susceptibles d'entraîner des comportements
d'optimisation pourront continuer à entrer en vigueur à la date du conseil des ministres au cours duquel
elles sont annoncées. Par parallélisme, lorsque de telles dispositions figurent dans un amendement
gouvernemental, son entrée en vigueur pourra être anticipée à la date de son dépôt par le Gouvernement
», précise la charte.
Encadrer la rétrospectivité
La charte encadre l'entrée en vigueur de la loi fiscale. En matière fiscale, le droit applicable est celui qui
est en vigueur au moment du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire le moment où la dette d'impôt du
contribuable est effectivement constituée. Compte tenu des spécificités de certains impôts, une loi même
non rétroactive peut s'appliquer à des situations intervenues avant son vote : c'est ce qu'on appelle la
rétrospectivité. Pour l'impôt sur le revenu, la règle de droit qui s'applique est celle qui est en vigueur au
31 décembre de l'année. Elle concerne donc les revenus constitués tout au long de cette année.
Pour l'impôt sur les sociétés, la règle qui s'applique est celle est en vigueur à la clôture de l'exercice.
Compte tenu des faits générateurs afférent à ces deux impôts, une disposition législative peut, sans être
rétroactive, être adoptée jusqu'à la fin d'une année civile et s'appliquer, à l'impôt sur le revenu, aux
revenus perçus depuis le 1er janvier de l'année et, à l'impôt sur les sociétés, aux bénéfices perçus depuis le
clôture de l'exercice précédent dans le cas d'une entreprise clôturant son exercice au 31 décembre. « Cette
règle étant source d'insécurité pour les entreprises, dans la mesure où elles n'ont pas la certitude du
traitement fiscal réservé à une opération au moment où celle-ci est effectuée, les projets d'articles
législatifs ou amendements gouvernementaux ne devront plus s'appliquer aux revenus perçus au cours de
l'année d'adoption de la loi et ne pourront s'appliquer qu'aux exercices ouverts à compter de la publication
de celle-ci, sauf mesures favorables au contribuable », précise la charte.
1–
(1) http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/charte-nouvelle-gouvernance-fiscale_2014.pdf.
2–
(2) Rapport Gibert, «Améliorer la sécurité du droit fiscal pour renforcer l'attractivité du territoire», Paris :
Doc. fr. 2004.
3–
(3) Rapport Fouquet, «Améliorer la sécurité juridique des relations entre l'administration fiscale et les
contribuables : une nouvelle approche», Paris : Doc. fr. 2008.