L'agriculture Au Coeur de La Santé Unique Jean Pierre Rennaud
L'agriculture Au Coeur de La Santé Unique Jean Pierre Rennaud
L'agriculture Au Coeur de La Santé Unique Jean Pierre Rennaud
Avant-propos
Introduction
Une approche systémique des liens entre les
écosystèmes naturels et humains
La Santé Unique au regard des expériences de l’histoire
Les grandes dates de la Santé Unique
L’agriculture au cœur des enjeux de Santé Unique
L’agriculture, épicentre d’un développement durable et
inclusif
Le sol, socle de la santé du vivant
La santé des plantes, expression d’un sol vivant
L’application Agape pour aider les agriculteurs
africains à adopter le push-pull
Lutter contre les effets du changement climatique pour
assurer la souveraineté alimentaire : l’exemple du
Burkina Faso
Choisir une agriculture respectueuse de la biodiversité
pour prévenir les pandémies
Des corridors verts pour protéger la biodiversité : les
initiatives de Symbiose
Le bien-être animal pour la santé de tous les
écosystèmes
L’agriculture, déterminante d’une bonne santé humaine
S’engager pour la santé du vivant
Agricultures plurielles et ressources restaurées
Une chaîne de valeur plus juste et ancrée dans les
territoires
La transparence dans la chaîne de valeur
L’agro-intelligence, l’intelligence artificielle pour
analyser les données agricoles
Solutions et technologies innovantes au service d’une
agriculture durable
La météo connectée au service des agriculteurs
Répondre aux objectifs d’un développement durable
grâce à la bioéconomie
Prendre soin de l’eau, des poissons, des sols et de
l’énergie en une solution intégrée
L’alimentation, notre première médecine
Les menus « PNNS » alimentaires vers une évolution
durable des pratiques agricoles
Retrouver le goût des bonnes choses
Les Systèmes Alimentaires Territorialisés et
la reconquête de la souveraineté alimentaire : le cas de
l’Afrique subsaharienne
Le modèle de l’aire agroalimentaire métropolisée
Associer l’échelle territoriale à la réflexion Santé
Unique
Le savoir et l’expérience par l’histoire naturelle
Agir pour la recherche et les pratiques - les
programmes intrégrés
PREZODE – Une collaboration d’envergure pour
détecter et prévenir les zoonoses émergentes
« One Health Poultry Hub », un réseau en santé
publique vétérinaire en Asie
« Une Santé durable pour tous »
Santé publique : l’expérience de l’ONG Friendship
Le succès de la recherche intégrée : l’exemple africain
de l’ICIPE
Au Sénégal, le projet Thiellal
Le concept de la Double Pyramide et le projet « Su-
Eatable Life » de la Fondation Barilla
Valoriser les déchets agricoles
L’engagement de la Banque mondiale dans la Santé
Unique
Aux États-Unis, un partage de connaissances entre
acteurs de santé publique et jeunes agriculteurs
« One Health » : des programmes scientifiques,
académiques et associatifs à travers le monde
Conclusion
La Santé Unique pour un avenir alimentaire sain
Remerciements
AVANT-PROPOS
L’approche écologue
Le lien entre développement humain et approche écologique et
écosystémique est mis en lumière dans la seconde moitié du XXe siècle
par l’écologue britannique Julian Huxley8. Et ce sont les travaux de
l’épidémiologiste vétérinaire Calvin Schwabe qui forgent le terme de
« One Medicine » (Médecine unique). De son travail avec des pasteurs
Dinka au Soudan, Schwabe écrit dans un ouvrage9 publié en 1964 : « Il
n’y a aucune différence de paradigme entre médecine humaine et
médecine vétérinaire. Les deux sciences partagent un corpus commun
de connaissances en anatomie, physiologie, pathologie, sur les origines
des maladies chez toutes les espèces. »
En 1968, le rapport final de la Conférence de l’Unesco sur la biosphère10
indique que « l’homme fait partie intégrante de la plupart des
écosystèmes, non seulement influençant mais subissant l’influence ; que
sa santé physique et mentale, présente et future, est intimement liée
aux systèmes dynamiques d’objets, de forces et de processus naturels
qui interagissent avec la biosphère et incluant également la culture de
l’homme ».
„
la planète sont indissociables.
Inger Andersen
Directrice exécutive du PNUE
1. La définition officielle retenue par le groupe d’experts de haut niveau Santé Unique
(OHHLEP) pour les Nations unies est rédigée en anglais :
“One Health is an integrated, unifying approach that aims to sustainably balance and optimize
the health of people, animals and ecosystems. It recognizes the health of humans, domestic and
wild animals, plants, and the wider environment (including ecosystems) are closely linked and
inter-dependent. The approach mobilizes multiple sectors, disciplines and communities at
varying levels of society to work together to foster well-being and tackle threats to health and
ecosystems, while addressing the collective need for clean water, energy and air, safe and
nutritious food, taking action on climate change, and contributing to sustainable development.”
2. Données OMS – FAO – OIE.
3. IPBES, Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques,
2019.
4. Hippocrate, Des airs, des eaux, des lieux, traduit du grec par M. Magnan, Paris, 1887.
5. Linda Nash (2006), Inescapable Ecologies. A History of Environment, Diseases and
Knowledge. Berkeley, University of California Press.
6. Helen Tilley (2011), Africa as a Living Laboratory. Empire, Development, and the Problem of
Scientific Knowledge, 1870-1950, Chicago, The University of Chicago Press.
7. Cité par Rattan Lal (2021).
8. L’écologue Julian Huxley, de l’Université d’Oxford, a cofondé le Fonds mondial pour la nature
(WWF) et initié la création de l’UICN. Il a été le premier directeur de la nouvelle Unesco en
1946.
9. Veterinary Medicine and Human Health, Williams & Wilkins, 1964.
10. Le terme de « biosphère », créé en 1925 par le géochimiste russe Vladimir Vernadski,
désigne le système complexe associant, à la surface de notre planète, des milieux aux
caractéristiques physico-chimiques uniques (océan, atmosphère et couches supérieures de la
lithosphère) et les êtres vivants qui les composent (cit. Larousse).
11. IUCN, Hubert N’Djafa Ouaga, L’Approche écosystémique ou par écosystème, Note
introductive.
12. http://www.wcs-ahead.org/manhattan_principles.html. Ces principes ont été mis à jour par
les « principes de Berlin sur une seule santé » en 2019 lors de la conférence « One Planet, One
Health, One Future ».
13. https://www.who.int/news/item/11-06-2021-26-international-experts-to-kickstart-the-joint-
fao-oie-unep-who-one-health-high-level-expert-panel-(ohhlep)
L’AGRICULTURE AU CŒUR
DES ENJEUX DE SANTÉ
UNIQUE
L’agriculture,
épicentre d’un développement
durable et inclusif
Agriculture régénératrice
La production alimentaire mondiale est suffisante pour nourrir la
population actuelle et future. Sur les trois gigatonnes de céréales
produites, plus d’une est gaspillée, et la proportion de gaspillage peut
être encore plus importante pour les produits frais (c’est-à-dire les
fruits et légumes). Plutôt que de viser à étendre la superficie des terres,
il est pertinent de : 1) réduire le gaspillage ; 2) accroître l’accès à la
nourriture en s’attaquant à la pauvreté, aux inégalités, aux guerres et
à l’instabilité politique ; 3) améliorer la distribution ; 4) accroître
l’exploitation des légumineuses et d’autres sources alternatives de
protéines ; 5) accepter la responsabilité personnelle et ne considérer ni
la nourriture ni les ressources naturelles comme acquises ; 6) réduire
l’écart de rendement en augmentant la productivité des terres
existantes ; 7) faire de l’agriculture une solution aux problèmes
environnementaux ; et 8) promouvoir l’agriculture sans sol (par
exemple, l’aquaponie, l’aéroponie, l’hydroponie), combinée à des
techniques d’agriculture en plein air ou verticale.
L’avenir en perspective
L’agriculture a un bel avenir devant elle. Les changements qui
interviendront entre 2020 et 2050 seront plus nombreux que ceux qui
se sont produits au cours des 12 000 dernières années, depuis
l’apparition de l’agriculture sédentaire. Les systèmes alimentaires
mondiaux ont besoin d’être révisés afin de les rendre plus respectueux
de la nature et de l’environnement. Le concept d’agriculture
régénératrice est basé sur l’adoption de l’éco-intensification,
l’augmentation de l’efficacité de l’exploitation des ressources en
réduisant les déchets/fuites, le recyclage des bioproduits de
l’agriculture, et la production de plus avec moins – moins de terre,
moins d’eau, moins d’énergie et d’émissions gazeuses,– de sorte que
certaines terres agricoles marginales puissent être rendues à la nature.
Par conséquent, la « révolution verte » du XXIe siècle doit être : 1)
centrée sur les sols et fondée sur leur résilience ; 2) centrée sur les
écosystèmes et fondée sur l’éco-efficacité des intrants ; 3) centrée sur
la connaissance et fondée sur les innovations scientifiques ; et 4)
centrée sur la nature et viser à vivre en harmonie/symbiose avec celle-
ci.
La santé des sols, des plantes, des animaux, des personnes, des écosystèmes et des processus
planétaires est une et indivisible.
© R. Lal
Le sol, socle de la santé
du vivant
Céline Basset, Fondatrice de l’association La Ferme Blue
Soil, spécialisée dans les outils de transition alimentaire,
agricole et de dépollution, l’agriculture régénérative, la
sécurité alimentaire et la gestion des risques majeurs des
territoires ; formée à l’école de la fondation Soil Food Web
du Dr. Elaine Ingham (États-Unis).
Nourrir en régénérant
Les outils de transition agricole et alimentaire visent à prendre en charge temporairement la
production végétale en milieu urbain et rural de manière concomitante aux changements des
pratiques agricoles régénératives (agroécologie, agroforesterie, etc.) qui nécessitent leur
propre temporalité (20-30 années) tant dans l’apprentissage que dans leurs déploiements.
Ces outils de transition sont des dispositifs hors sol et low-tech (microbioponie4). Ils ont pour
but de répondre à des problématiques de résilience alimentaire et sont décentralisés et
organisés en toile alimentaire de manière à ne plus dépendre des chaînes logistiques et des
ressources externes dans le temps. Ils ont une fonction alimentaire et régénérative : (i) assurer
une assiette végétale aux habitants le temps que les écosystèmes se régénèrent, que les
rendements agricoles augmentent et que le modèle de rentabilité se stabilise dans les
systèmes de cultures en pleine terre et (ii) ils peuvent ensemencer les sols avec la culture de
micro-organismes.
Temporalité de la production alimentaire
Julie Portejoie
Le bien-être animal pour
la santé de tous les écosystèmes
Robyn G. Alders, Professeur honoraire, Centre politique de
développement, Université nationale d’Australie, directrice
de la Fondation Kyeema, Senior Consulting Fellow du
Programme de santé mondiale, Chatham House.
1. http://sg-proxy02.maaf.ate.info/IMG/pdf/AGRIFRA07c-2.pdf
2. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/food-safety
3. Loi du 26 janvier 2016 dite « de modernisation de la santé française ».
4. https://www.inrae.fr/actualites/infographie-logo-nutritionnel-levier-qualite-achats
5. The state of food security and nutrition in the world 2020 (fao.org).
6. Principaux repères sur l’obésité et le surpoids (who.int).
7. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-
physique/documents/depliant-flyer/l-essentiel-des-recommandations-sur-l-alimentation
http://www.healthdata.org/data-visualization/gbd-compare
8. https://documents1.worldbank.org/curated/en/187011475416542282/pdf/WPS7844.pdf
9. https://www.inrae.fr/agroecologie/cultiver-proteger-sans-pesticides/utilisation-risques-
toxicite-pharmacovigilance
10. https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Facteurs-de-risque-et-de-
protection/Environnement/Pesticides
11. https://www.agrican.fr/
12. Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens | Ministère de la Transition écologique
(ecologie.gouv.fr).
13. https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=perturbateursendocriniens
14. Le Moal J., Rigou A., De Crouy-Chanel P., Goria S., Rolland M., Wagner V., et al., « Analyse
combinée des quatre indicateurs du syndrome de dysgénésie testiculaire en France, dans le
contexte de l’exposition aux perturbateurs endocriniens : cryptorchidies, hypospadias, cancer
du testicule et qualité du sperme », Bull. Épidémiol. Hebd. 2018 ; (22-23):452-463.
15. https://www.academie-medecine.fr/11-12-perturbateurs-endocriniens-pes-et-cancers-
analyse-des-risques-et-des-mecanismes-propositions-pratiques/
16. Multigner L., Rouget F., Costet N., Monfort C., Blanchet P., Kadhel P., et al., « Chlordécone : un
perturbateur endocrinien emblématique affectant les Antilles françaises », Bull. Épidémiol.
Hebd. 2018 ; (22–23):480-485.
17. https://agriculture.gouv.fr/securite-sanitaire-contaminants-physico-chimiques-des-aliments
18. https://agriculture.gouv.fr/securite-sanitaire-contaminants-physico-chimiques-des-aliments
19. Données OMS, FAO et OIE.
20. Emerging zoonotic diseases and links to ecosystem health – UNEP Frontiers 2016 chapter |
UNEP - UN Environment Programme.
21. Les Objectifs de développement durable (un.org).
S’ENGAGER POUR LA SANTÉ
DU VIVANT
Scénarios prospectifs
En près de deux cents ans, l’augmentation de nos activités humaines
s’est traduite par une exploitation de plus en plus intensive des
ressources naturelles, considérées comme illimitées. En 2021, nous
extrayons 60 milliards de tonnes de ressources renouvelables et non
renouvelables, deux fois plus qu’en 19801. Nous nous sommes emparés
de la nature, et, paradoxalement, nous nous sommes dissociés des
éléments dont notre vie dépend.
Imaginons une prospective positive et optimiste à échéance d’une
quinzaine d’années. Dans ce scénario, 80 % des maladies
cardiovasculaires, 90 % des diabètes, 60 % de l’ensemble des cancers
auront disparu ; les maladies humaines liées à des zoonoses auront
diminué de 50 % ; un fruit – banane, pêche, orange – suffira à pourvoir
aux apports journaliers recommandés (AJR) en vitamine A ; le
continuum des chaînes alimentaires des hommes et des autres espèces
sera retrouvé. Toutes les surfaces agricoles sur l’ensemble de la planète
bénéficieront d’un couvert végétal permanent ; les émissions de gaz à
effet de serre auront été réduites de 50 % dans le monde. Le danger
d’extinction qui frappait jusqu’en 2020 un quart de la population
mondiale des vertébrés, invertébrés et plantes aura cessé. La pêche
responsable sera devenue une pratique majoritaire. En France, le
nombre d’agriculteurs sera repassé au-dessus de 500 000, dont 30 %
auront moins de 40 ans. L’utilisation des ressources en eau douce par le
secteur agricole ne représentera plus qu’un tiers des ressources
mondiales contre les trois quarts aujourd’hui.
Comment l’agriculture, avec le support de l’ensemble de la société,
aura-t-elle pu rendre possible ce scénario ? Quels changements de
perspective auront permis ces transformations ?
Le changement de perspective de la nature, en régénérant plutôt
qu’en extrayant. La terre, appauvrie par des années d’usage et
d’extraction, sera à nouveau riche et nourricière ; l’utilisation d’intrants
sera devenue marginale, l’autofertilisation une norme. L’énergie de la
photosynthèse sera désormais clé pour se nourrir, protéger les sols et
s’inscrire dans tous nos modes de vie (mobilité, information). La
réutilisation des ressources sera devenue une obligation afin d’extraire
le moins possible de nouvelles matières naturelles et stabiliser les
écosystèmes existants.
Le changement de perspective de la valeur au-delà de la valeur
économique. Une répartition économique plus juste de la valeur se
sera opérée par un ajustement du prix tout au long de la chaîne de
production jusqu’à l’utilisateur. Mais, au regard de la faiblesse des
équilibres liée au partage de la valeur économique, les échanges et les
priorités se sont ouverts sur d’autres éléments qui permettent de
combler l’homme, comme les talents, comme les données demandant
des compétences que l’on apprend, découvre, échange.
Le changement de perspective qui fait de l’alimentation notre
première médecine. Le consommateur se définira par « je suis ce que
je mange » et non par « ce que je consomme ». La nourriture et les
aliments seront moins transformés, plus digestes. Chacun sera devenu
« entrepreneur » de sa santé, dans une logique de prévention et
d’anticipation. On ne jugera plus la santé par l’absence temporaire de
maladies. La science et la médecine auront intégré les principes de
Santé Unique pour proposer des solutions locales et territoriales
adaptées à chaque environnement.
Le changement de perspective de la connaissance où l’information,
le savoir et l’expérience seront au cœur du contrat social. Chaque
individu, de l’enfance à la grande séniorité, aura conscience et
connaissance de cette chaîne du vivant. Les nouvelles technologies et
les supports médias auront cessé d’être les prescripteurs de notre vie.
Ingénieurs, médecins, vétérinaires, agriculteurs seront passés d’un
schéma vicieux (analyse de données – diagnostic – standardisation de
la posologie) à un schéma vertueux (croisement d’expériences – risque
associé) où l’homme retrouve son autonomie d’action, ses
responsabilités en se préoccupant de la prévention.
Les textes qui suivent s’attachent dans ce sens à présenter différentes
pistes qui, à leur échelle, concourent à la concrétisation à grande
échelle de la Santé Unique.
Jean-Pierre Rennaud
“diversité agricole”.„
Le mode de production agricole qui présente le meilleur potentiel est
celui de l’agriculture régénératrice ou régénérative. L’agriculture
régénératrice2 peut se définir comme un système de principes et de
pratiques agricoles visant à réhabiliter et à améliorer l’ensemble de
l’écosystème de l’exploitation du point de vue de la durabilité, y
compris l’amélioration de la santé humaine et de la prospérité
économique. Elle accorde une grande importance à la santé du sol et
améliore les ressources (sol, eau, air, biodiversité, etc.) qu’elle utilise.
Cette agriculture, qui s’inspire de l’éco-innovation et des savoir-faire
traditionnels, est alimentée par des énergies non fossiles. Elle s’appuie
sur une économie circulaire et des infrastructures vertes, et est
soutenue par la recarbonisation de la biosphère terrestre en tant que
fondement du développement durable. Elle est basée sur la « loi du
retour » stipulant que « les substances que nous prenons dans la nature
doivent être retournées sur le lieu où elles ont été prélevées », selon les
mots de Sir Albert Howard (voir ici).
L’agriculture régénératrice, qui se fait sans labour, propose un couvert
végétal continu, la gestion intégrée de la fertilité organique du sol, des
rotations complexes avec des cultures de couverture, la restauration du
carbone et de la vie dans le sol (biomasse). Elle permet une intégration
des cultures, de l’élevage et de la foresterie et l’implication dans la vie
sociale du territoire.
Cependant, la pratique d’un seul modèle d’agriculture n’est pas
économiquement viable ni adaptable à l’ensemble de la planète et à
tous les systèmes de production. De la même façon qu’on parle de
« diversité biologique », on doit parler de « diversité agricole ».
Les agriculteurs sont aujourd’hui soumis à la pression de nombreux
acteurs de la société civile, des scientifiques, des décideurs, des
industries agroalimentaires, en lien avec les attentes des
consommateurs et des citoyens de façon générale. Chaque agriculteur
reste le seul maître de ses choix en termes de pratiques. Rien ne doit lui
être imposé, sous peine d’une mauvaise appropriation des pratiques
conduisant à l’échec. Il apparaît donc vital de faire évoluer leur
perception et leur comportement en les sensibilisant aux enjeux
environnementaux, notamment au stockage du carbone dans les sols,
tout en déterminant avec eux leurs besoins, que ce soit en
informations, en conseils techniques ou en accompagnements
financiers.
L’initiative « 4 pour 1000 » a ainsi été développée pour favoriser
l’émergence de l’environnement technique et scientifique permettant
aux agriculteurs de faire leurs propres choix, choix qui doivent en
priorité leur assurer un revenu décent sans dégrader leur
environnement naturel. Il s’agit notamment d’aider à construire des
bases de données sur les bonnes pratiques agricoles dans toutes les
zones agro-pédo-climatiques et circonstances socioéconomiques. À
cet égard, il est important de proposer des solutions différentes en
fonction des systèmes de production, en expliquant les évolutions
induites en termes de charge de travail, d’immobilisation
(équipements) et de résultats économiques (charges, revenus).
Le déploiement de ces agricultures plurielles doit relever le paradoxe
de la diversité en collaboration avec l’ensemble des acteurs des filières
agricoles tout en s’orientant vers des pratiques communes de
régénération des sols et des écosystèmes. Par ce fait, le rôle de
l’agriculture dépasse la simple sécurisation des pratiques de vie
d’aujourd’hui mais contribue très largement à la prévention des
pratiques de vie de demain.
À titre d’exemple, l’initiative « Colza différent8 » utilise une variété tolérante à la maladie
appelée Sclerotinia en combinaison avec un produit de biocontrôle à base d’une souche de
Bacillus. Cette combinaison de solutions réduit de façon significative les indices de fréquence
de traitement. La solution KinsidroTM Start augmente, quant à elle, la résilience du maïs face
aux attaques des insectes. La solution UtrishaTM N permet, par l’intermédiaire d’une bactérie,
de transformer l’azote de l’air en forme utilisable par la plante directement dans le feuillage de
la culture. Cette innovation offre une réponse aux exigences réglementaires, notamment sur
le climat et pour la mise en place de nouvelles mesures agroenvironnementales.
Séverine Jeanneau
Le stockage de carbone
Les stocks de carbone présents dans les sols, les arbres (haies, forêts)
et les produits bois sont très importants. Ces stocks sont estimés
entre 3 et 4 milliards de tonnes de carbone dans les 30 premiers
centimètres des sols en France1 et plus de 1,2 milliard de tonnes de
carbone dans la biomasse forestière en France. Les forêts sont le
principal puits de carbone en France et l’agriculture présente un
important potentiel sous réserve d’une évolution forte des pratiques.
Le premier enjeu reste celui de la préservation des milieux présentant
les stocks et les puits de carbone les plus importants : les forêts, les
haies, les prairies permanentes et les zones humides. Il s’agit donc de
limiter drastiquement l’artificialisation des sols, le retournement des
prairies permanentes, le drainage des zones humides et de raisonner
l’accroissement des prélèvements de bois au regard des enjeux
climatiques.
Le second enjeu est celui de l’accroissement du stockage naturel de
carbone, en particulier s’il est développé à grande échelle en
agriculture. Le projet « 4 pour 1000 », porté par la France depuis la
COP21 en 2016, illustre cet enjeu de séquestration de carbone. Ainsi,
l’analyse des leviers de stockage de carbone dans les sols réalisés par
l’INRAE donne un potentiel technique de stockage additionnel (lié à
l’adoption de nouvelles pratiques) de l’ordre de 31 millions de tonnes
eq CO2 par an d’ici à 2050, et 50 Mt eq CO2 par an si l’on ajoute le
stockage dans les arbres et les haies. Ce potentiel est majoritairement
lié à la généralisation des couverts en interculture, au développement
des prairies temporaires et à l’extension des systèmes agroforestiers
sur plusieurs millions d’hectares. Outre la fourniture d’un service
environnemental d’intérêt général, les stratégies de stockage de
carbone dans les sols et les arbres permettent de combiner d’autres
bénéfices agronomiques en améliorant la qualité des sols et la
résilience des systèmes de production face aux aléas climatiques.
La biomasse
La troisième contribution du secteur de la bioéconomie concerne la
production de biomasse renouvelable, substituable aux ressources
fossiles. La biomasse est produite par les organismes vivants : plantes,
animaux, insectes, micro-organismes. Ses ressources sont très diverses,
de même que ses usages, qui touchent à de nombreux secteurs
économiques. Elle est « la fraction biodégradable des produits, déchets
et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales
et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des
industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets
industriels et ménagers2 ». La biomasse est considérée comme une
ressource renouvelable à partir du moment où elle est produite selon
des pratiques durables avec notamment une préservation de la qualité
des sols et le rebouclage des cycles biogéochimiques. Si cette
ressource est en France renouvelable, elle reste néanmoins limitée et
doit donc être optimisée dans ses usages.
Les services rendus par la biomasse sont très larges et en évolution
permanente : production de matériaux et produits biosourcés très
divers (construction, plastiques, lubrifiants, détergents, textile,
cosmétiques) ; production d’énergie sous ses différentes formes
(chaleur, gaz, électricité, carburants). La biomasse n’est pas une source
d’énergie nouvelle. En 2017, les biomasses mobilisées, tous usages (non
alimentaires) confondus, ont été évaluées à 50,7 Mt MS (matière sèche)
avec une forte majorité de ressources bois. La biomasse représente
55 % des énergies renouvelables consommées en France, constituant
de loin la première énergie renouvelable. La consommation de
biomasse pour des usages énergétiques (combustion, méthanisation,
biocarburants), pour l’année 2017, a été évaluée à 145,7 TWh PCI
(pouvoir calorifique inférieur) avec une forte majorité de ressources
bois (comparativement aux autres types de ressources : agricoles, IAA).
Cette valorisation est largement orientée vers la combustion
(domestique et collectif/industrie). Elle est amenée encore à se
développer de manière importante dans les prochaines années sous
différentes formes, constituant un enjeu stratégique pour la transition
énergétique.
1. Source : INRAE.
2. Définition par l’article 19 de la loi no 2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre
du Grenelle de l’environnement.
L’alimentation,
notre première médecine
Bernard Schmitt, Médecin, directeur du CERNH, ancien
chef de service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition et
maladies métaboliques du CH Bretagne Sud, co-président
de Bleu-Blanc-Cœur®.
Pour chacun de ces menus, deux déclinaisons ont été modélisées : la première (STD) est
caractérisée par le fait que tous les produits animaux sont issus de la filière conventionnelle, et
la seconde (BBC) par des produits animaux tous issus de la filière BBC, par le remplacement
de 5 % de la farine par un mélange de graines de lin (Linette®), source d’acides gras
polyinstaurés n-3), et par le remplacement total des huiles de tournesol par un mélange
d’huile de colza et d’olive.
1. Lancé en 2001, le Programme national nutrition santé (PNNS) est un plan de santé publique
visant à améliorer l’état de santé de la population en agissant sur l’un de ses déterminants
majeurs : la nutrition. Pour le PNNS, la nutrition s’entend comme l’équilibre entre les apports
liés à l’alimentation et les dépenses occasionnées par l’activité physique.
Retrouver le goût des bonnes
choses
Guillaume Gomez, « Ambassadeur de la gastronomie
française », représentant personnel du président de la
République pour la gastronomie et l’alimentation, chef de
l’Élysée de 2013 à 2021, Meilleur Ouvrier de France 2004.
Consommateur, acteur
L’enquête planet A® montre que les Français plébiscitent une
rétribution plus juste du travail des agriculteurs et se disent prêts à
payer plus cher. Il est temps de passer de l’intention à l’acte. Il faut
qu’on bascule de la notion de satisfaction immédiate – consommation
de plats ultratransformés, salés, sucrés – à une planification raisonnée,
qui intègre l’ensemble de la chaîne alimentaire et du vivant dans cette
représentation de l’alimentation. Aujourd’hui, on a encore peu
conscience – ou on a perdu cette connexion – que l’on gère mieux sa
santé par l’anticipation que par la guérison. Plus de 30 milliards d’euros
déboursés par la Sécurité sociale10 chaque année concernent les soins
pour des troubles métaboliques en rapport direct avec des
déséquilibres alimentaires (maladies cardiovasculaires et diabète
alimentaire, notamment). Ne serait-il pas mieux de dépenser cette
somme dans une alimentation saine, comme une médication
préventive ? Une botte de carottes, une salade verte, un poulet élevé en
plein air ne sont pas des médicaments mais participent de cette
prévention et sont incontestablement meilleurs pour la santé et
l’environnement que des antibiotiques ou des vasodilatateurs. Les
consommateurs ont la possibilité de faire bouger les lignes en
choisissant tel produit plutôt que tel autre. C’est ce que soulignent
Anne-Cécile Suzanne et Olivier Coupery, p. 94. La variable
d’ajustement, ce n’est ni la santé du consommateur, ni celle des
agriculteurs : c’est toute la phase intermédiaire. Il est indispensable que
les industries agroalimentaires et les distributeurs réduisent leurs
marges et qu’ils ne promeuvent plus de produits ultratransformés.
1. La FAO distingue quatre catégories d’aliments : les aliments non transformés (viande, lait,
fruits et légumes non préparés…), les ingrédients transformés (condiments, beurre, huiles
végétales…), les aliments transformés (aliments fumés, fromages, pains) et les aliments
ultratransformés (produits avec des formulations industrielles qui comportent plus de 4 ou
5 ingrédients). http://www.fao.org/3/ca5644en/ca5644en.pdf
2. https://alimentation-sante.org/2021/08/les-aliments-ultra-transformes-en-france-la-
situation-en-2021/ – https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33966096/ (Davidou et al., 2021 ; Fardet
et al., 2021* ; Salomé et al., 2021 ; Andrade et al., 2021 ; Julia et al., 2018.)
3. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33966096/
4. https://www.insee.fr/fr/statistiques/4127596#tableau-figure3
5. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1379769
6. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/conso.pdf
7. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-
physique/documents/depliant-flyer/l-essentiel-des-recommandations-sur-l-alimentation
8. https://www.planet-a-initiative.com/section/presse/?lang=fr
9. http://www.ove-national.education.fr/enquete/enquete-sante-des-etudiants/
10. https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/PLFSS/2020/PLFSS-
2020-ANNEXE%201-Maladie.pdf
Les Systèmes Alimentaires
Territorialisés et la reconquête
de la souveraineté alimentaire :
le cas de l’Afrique subsaharienne
La fin du clivage campagne-ville
Il faut écarter l’idée selon laquelle les grandes villes africaines sont
déconnectées des circuits d’approvisionnement en produits du terroir.
S’il est exact que pour certains aliments essentiels, comme le riz, le blé
ou le lait en poudre, l’extraversion est un sujet de préoccupation des
États, la grande majorité des denrées consommées en ville provient des
exploitations locales et régionales.
Ici et là, la césure campagne-ville s’estompe. Près des trois quarts de la
population africaine vivent à l’interface entre zones rurales et zones
urbaines. Autour des grandes agglomérations se forment des « aires
agroalimentaires métropolisées » englobant à la fois des villes, des
bourgs secondaires, des villages et des campagnes qui présentent un
degré élevé d’intégration. Le vivrier marchand irrigue ces aires, avec
autour des villes, voire à l’intérieur de celles-ci (la ville nourrit aussi la
ville), du maraîchage, des cultures fruitières et de l’élevage avicole et
laitier et, plus loin, des espaces consacrés aux céréales, aux tubercules
et aux légumes supportant le transport.
Les filières d’élevage périurbaines d’espèces à cycle court (volailles,
ovins, caprins, porcins) trouvent également des marchés tirés par une
demande urbaine en protéines animales. L’aquaculture est, de son côté,
en passe de s’intégrer aux pratiques productives, comme à
Antananarivo (à Madagascar) ou au Cap (en Afrique du Sud) où elle
apporte un complément de nourriture et constitue une source de
revenus pour les petits pêcheurs et les transformateurs.
https://www.onesustainablehealth.org/fr/
1. Dans les flambées survenues ensuite au Bangladesh et en Inde, la source la plus probable
d’infection au virus Nipah est la consommation de fruits ou de produits dérivés (par exemple,
jus brut de palmier-dattier) contaminés par de l’urine ou de la salive de chauves-souris
infectées (https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/nipah-virus).
Le succès de la recherche
intégrée : l’exemple africain
de l’ICIPE
1. Arbovirus, virus transmis à l’Homme par des arthropodes hématophages (moustiques, tiques, phlébotomes ou
culicoïdes).
Au Sénégal, le projet Thiellal
1. FAO, I. The State of Food Security and Nutrition in the World 2020 : Transforming Food
Systems for Affordable Healthy Diets. FAO, IFAD, UNICEF, WFP and WHO, 2020.
doi :10.4060/ca9692en.
2. IPCC. Climate Change and Land : An IPCC Special Report on Climate Change, Desertification,
Land Degradation, Sustainable Land Management, Food Security, and Greenhouse Gas Fluxes
in Terrestrial Ecosystems. 2019. Disponible sur https://www.ipcc.ch/srccl.
3. FAO. The State of Food and Agriculture 2020 : Overcoming Water Challenges in Agriculture.
FAO, 2020. doi :10.4060/cb1447en.
4. WWF. Planet-Based Diets | WWF. Planet-Based Diets – Sci.-Based Platform. Encourage Diets
Are Good People Planet. Disponible sur https://planetbaseddiets.panda.org.
5. American Veterinary Medical Association. « One Health » : A New Professional Imperative.
2008. Disponible sur https://www.avma.org/resources-tools/reports/one-health-ohitf-final-
report-2008.
6. Barilla Foundation & Research Unit on Nutrition, Diabetes and Metabolism, University of
Naples Federico II, 2021. A « One Health » Approach to Food, the Double Pyramid Connecting
Food Culture, Health and Climate.
7. Su-Eatable Life : Reducing Carbon Emissions in the EU Through Sustainable Diets. LIFE16
GIC/IT/000038. Disponible sur http://www.sueatablelife.eu.
8. https://www.greenapes.com
9. https://www.wur.nl/en/Research-Results/Chair-groups/Social-Sciences/Health-and-
Society.htm
10. https://thesra.org
L’engagement de la Banque
mondiale dans la Santé Unique
Europe
➢Le Network for Evaluation of « One Health » (NEOH), programme
européen de coopération scientifique et technologique pour
l’évaluation d’initiatives « One Health ».
➢Le projet HERA, qui fixe les priorités d’un programme de recherche
sur l’environnement, le climat et la santé dans l’UE pour l’agenda 2021-
2030 ; il réunit 15 pays et 24 partenaires académiques et
institutionnels.
➢Le Dim 1Health en Île-de-France, projet scientifique qui cible les
actions impliquées dans la chaîne « dépistage-surveillance-traitement-
prévention-prédiction », qui prend en compte la demande sociétale et
croise les recherches entre acteurs d’institutions différentes.
➢La mise en place du groupe de suivi « Une seule santé » du 4e Plan
national santé environnement (PNSE 4), ministère de la Transition
écologique (France).
Le monde de l’éducation et de l’enseignement supérieur s’intéresse
également désormais au champ spectral interdisciplinaire du « One
Health ». Nombre d’universités et d’instituts de recherche proposent
depuis quelques années des programmes dédiés.
1. Grace, D., Mutua, F., Ochungo, P., Jones, K., Brierley, L., et al., 2012. Mapping of poverty and
lively zoonoses hotspots. Zoonoses Project 4. Report to Department for International
Development, UK. ILRI, ZSL, Hanoi School of Public Health. URL :
https://cgspace.cgiar.org/bitstream/handle/10568/21161/ZooMap_July2012_final.pdf?
sequence=4&isAllowed=y
Allen, T., Murray, K. A., Zambrana-Torrelio, C., et al., 2017. Global hotspots and correlates of
emerging zoonotic diseases. Nat. Commun. 8, 1124. URL : https://doi.org/10.1038/s41467-017-
00923-8
2. Carroll et al., 2018. URL : https://www.science.org/doi/10.1126/science.aap7463
3. World Bank, 2021, Safeguarding Animal, Human and Ecosystem Health : « One Health » at the
World Bank. URL : https://www.worldbank.org/en/topic/agriculture/brief/safeguarding-animal-
human-and-ecosystem-health-one-health-at-the-world-bank
4. World Bank, 2016, Regional Disease Surveillance Systems Enhancement (REDISSE). Project
Appraisal Document. URL : https://documents.worldbank.org/en/publication/documents-
reports/documentdetail/965001467305866621/africa-regional-disease-surveillance-systems-
enhancement-redisse-project
5. Berthe, F., Bouley, T., Karesh, W., et al. 2018, Operational Framework for strengthening human,
animal, and environmental public health systems at their interface. World Bank. URL :
https://documents.worldbank.org/en/publication/documents-
reports/documentdetail/703711517234402168/operational-framework-for-strengthening-
human-animal-and-environmental-public-health-systems-at-their-interface
6. World Bank, 2021, op. cit., note 3.
CONCLUSION
La Santé Unique pour un avenir
alimentaire sain