Integrale
Integrale
Integrale
Semimartingales et calcul
stochastique
Dans une situation déterministe, on intègre une fonction mesurable par rapport à une mesure.
Dans la situation aléatoire, on va intégrer des processus progressifs par rapport à des semimar-
tingales (semimartingale=martingale locale + processus à variation finie).
Définition 1.1 On dit qu’une fonction f de [0, T ] à valeurs dans IR continue avec f (0) = 0 est
à variation bornée ou finie s’il existe deux fonctions croissantes F + , F − : [0, T ] → IR telles que
f = F + − F −.
Remarque 1.2 On peut toujours supposer que F + (0) = F − (0) = 0 et que les fonctions
F + , F − sont continues.
Preuve. Une fonction croissante admet des limites à gauche et à droite en tout point. Comme f
est continue, les sauts ont lieux en même temps et se compensent...on peut donc les “évacuer“. #
Définition 1.3 Soit F une fonction croissante càd sur IR, alors il existe une unique mesure γ
sur (IR, B(IR)) définie par : pour tout a < b γ([a, b]) = F (b) − F (a− ). La mesure γ est appelée
mesure de stieljes associée à la fonction F , et est en général notée dF .
Par exemple, pour F (x) = x on retrouve la mesure de Lebesgue, pour F = I[a,+∞[ on retrouve
la dirac δa .
On souhaite définir une intégrale par rapport à une fonction f à variation bornée en utilisant
sa décomposition en fonctions croissantes f = F + − F − . Mais une telle décomposition n’est pas
unique. Cependant, il existe une ”décomposition minimale“ au sens suivant :
Définition 1.4 Soit f une fonction à variation bornée sur [0, T ]. Il existe une unique décomposition
f = F + − F − , avec F + , F − : [0, T ] → IR croissantes, pour laquelle les mesures de stieljes
γ + = dF + et γ − = dF − associées à chaque fonction sont étrangères : i.e. il existe deux boréliens
B + et B − tels que
41
42
Preuve.
i) Existence
On considère une décomposition de f : f = H + − H − . Alors H = H + + H − est une fonction
croissante. On note ν la mesure de stieljes associée à H, ν + = dH + et ν − = dH − .
Pour tout borélien B, on a ν(B) ≥ ν +/− (B), donc par le théorème de Radon-Nikodyn il existe
des fonctions mesurables g + et g − de [0, T ] dans [0, 1] telles que
"t
Remarque 1.7 1. La fonction t )→ 0 h(s)df (s) est à variation bornée et sa décomposition
canonique est
#! t ! t $ #! t ! t $
h+ (s)dF + (s) + h− (s)dF − (s) − h− (s)dF + (s) + h− (s)dF − (s)
0 0 0 0
où h+ = h ∨ 0 et h− = h ∧ 0.
2. Associativité de l’intégrale : si f est une fonction
"t à variation bornée et h, g des fonctions
mesurables bornées, alors en notant f # (t) = 0 h(s)df (s) on a
! t ! t
g(s)df # (s) = g(s)h(s)df (s).
0 0
On peut faire le lien entre le variation totale de f et sa variation sur les subdivision de [0, T ] :
%n
|df |([0, T ]) = sup{ |f (ti ) − f (ti−1 )|}
i=1
Il suffit de regarder les suites de subdivisions (∆n )n≥0 de [0, T ] emboitées (∆n ⊂ ∆n+1 ) de pas
|∆n | tendant vers 0. On note ∆n = (tn1 , . . . , tnmn ).
|df |
On considérons l’espace probabilisé filtré (Ω = [0, T ], B([0, T ]), (Fn )n≥0 , IP), avec IP =
|df |([0, T ])
et Fn la tribu engendrée par les intervalles [tni , tni+1 ] i ∈ {1, . . . , mn − 1}.
On note g la densité de df par rapport à |df |, g est à valeurs dans {−1, 1} (car df construite à
partir de mesures étrangères).
On définit la martingale Mn = E[g|Fn ]. C’est une martingale fermée, donc converge dans L1
vers M∞ . Comme F∞ = F, M∞ = g. En particulier, E[|Mn |] → E[|g|] = 1 quand n → +∞.
Explicitons la martingale Mn :
! tni+1
Mn (ω) = IP([ti , ti+1 ])
n n
g(s) IP(ds) si ω ∈ [tni , tni+1 ]
tn
i
f (tni+1 ) − f (tni )
=
|df |([0, T ]) IP([tni , tni+1 ])
Donc &mn −1
|f (tni+1 ) − f (tni )|
E[|Mn |] = i=1
−→ 1,
|df |([0, T ]) n→+∞
Définition 1.9 On dit qu’un processus X est à variation bornée s’il est continu, adapté, avec
X0 = 0 et si p.s. pour tout T > 0 la fonction t )→ Xt (ω) est à variation bornée sur [0, T ].
On dit qu’un processus X est croissant s’il est adapté, avec X0 = 0, à trajectoires croissantes
et continues p.s.
44
Remarque 1.11 Associativité de l’intégrale pour les processus à variation bornée : Soient H, K
des processus progressivement mesurables et X un processus à variation bornée, on a
K.(H.X) = (KH).X
Preuve. Comme l’application (s, ω) )→ Hs (ω) sur [0, t]×Ω est mesurable par rapport à B([0, t])⊗
"t
Ft , l’intégrale (H.X)t (ω) = 0 Hs (ω)dXs (ω) est définie pour presque tout ω.
Par ailleurs, pour presque tout ω, la fonction t )→ (H.X)t (ω) est à variation bornée.
On doit maintenant montrer que le processus H.X est adapté.
On considère Et l’espace vectoriel des processus H bornés mesurables par rapport à B([0, t])⊗Ft
pour lesquels (H.X)t est Ft -mesurable. Il contient les constantes et est stable par convergence
monotone bornée.
Cet espace contient la classe des processus élémentaires : on considère une subdivision (t1 , . . . , tn )
de [0, t] et des ensemble Ai ∈ Ft
%n
Hs = Is≤ti IAi
i=1
&n
car (H.X)t = i=1 Xti IAi est bien Ft -mesurable. Par ailleurs, cette classe est stable par mul-
tiplication.
Donc d’après le théorème de convergence monotone, comme les ensembles {s ≤ ti } ∩ Ai en-
gendrent la tribu B([0, t]) ⊗ Ft , on obtient le résultat. #
Remarque 1.12 Le mouvement brownien n’est pas un processus à variation bornée car il est
nul part dérivable. On ne peut donc pas construire de cette manière l’intégrale par rapport au
brownien (voir [6] pour plus de détails).
Définition 2.1 Un processus M est une (Ft )t≥0 -martingale locale s’il existe une suite croissante
de (Ft )t≥0 -temps d’arrêt (Tn )n≥0 avec lim Tn = +∞ p.s. telle que
n→+∞
i) M0 est F0 -mesurable,
ii) pour tout n ≥ 0, (Mt∧Tn − M0 , t ≥ 0) est une (Ft )t≥0 -martingale.
La suite de temps d’arrêt est dite réductrice pour la martingale locale M .
Remarque 2.3 Une martingale est une martingale locale, mais la réciproque est évidemment
fausse.
Attention il ne faut pas appliquer les théorèmes sur les martingales aux martingales locales
avant localisation.
Semimartingales et Calcul Stochastique 45
Proposition 2.4 Si M est une martingale locale, il existe une suite de temps d’arrêt bornés
(Sn )n≥0 telle que pour tout n ≥ 0, (Mt∧Sn − M0 , t ≥ 0) est une martingale uniformément
intégrable.
Preuve. Si M martingale locale et (Tn )n≥0 une suite réductrice de M . Alors (Tn ∧ n)n≥0 réduit
M par le théorème d’arrêt. En posant Sn = Tn ∧ n, temps d’arrêt borné, on a par ailleurs,
(Mt∧Sn − M0 , t ≥ 0) est une martingale U.I. #
Proposition 2.5 Si (Sn )n≥0 et (Tn )n≥0 sont deux suites réductrices de temps d’arrêt finis p.s.
de M , alors (Sn ∧ Tn )n≥0 réduit également M .
Par ailleurs, quand M est une martingale locale continue, on peut toujours prendre
On fait tendre k et m vers +∞, MTn ∧m∧Sk ∧t → MTn ∧t et par convergence dominée, E[MTn ∧Sk ∧m |Ft ] →
E[MTn |Ft ]. Donc E[MTn |Ft ] = MTn ∧t p.s. Donc (Tn )n≥0 réduit M et par continuité des trajec-
toires (Tn )n≥0 croı̂t vers +∞. #
Remarque 2.7 Si M est une martingale locale uniformément intégrable, en général M n’est
pas une martingale (cf [3] example 2.13 p182)
On ne travaillera désormais qu’avec des martingales locales continues.
Proposition 2.8 Soit M une martingale locale continue, nulle en 0. Si M est à variation bornée,
alors M ≡ 0.
Comme M est uniformément continue sur [0, t], par convergence dominée le terme de droite
converge vers 0 quand le pas de la subdivision tend vers 0. Donc pour t > 0 E[Mt2 ] = 0, d’où
Mt = 0 p.s.. Comme M est continue, p.s. ∀t ≥ 0 Mt = 0. #
Définition 2.10 Un & processus X est dit à variation quadratique finie si pour tout t ≥ 0 la
limite en proba de i (Xti+1 − Xti )2 sur les subdivisions ∆ = {0 = t0 < t1 < . . . < tk = t) de
[0, t] quand le pas |∆| tend vers 0 est finie. On note
k−1
%
[X]t = lim (Xti+1 − Xti )2
i=0
aussi noté [X, X]t , et [X] est appelée crochet ou variation quadratique de M .
&
Remarque 2.11 [X]t = sup i (Xti+1 − Xti )2 où le sup est pris sur les subdivisions ∆ =
(t1 , . . . , tn ) de [0, t].
Si H ∈ L∞ et X à variation quadratique finie, alors H + X et HX sont à variation quadratique
finie : [H + X] = [X] et [HX] = H 2 [X].
Théorème 2.12 Soit M une martingale locale continue. Alors M est à variation quadratique
finie et < M > est l’unique processus croissant tel que M 2 − < M > soit une martingale locale.
Dans le cas de martingales locales continues, on a < M >= [M ].
Preuve.
i) Unicité
Soient A et B deux processus à croissant tels que M 2 − A et M 2 − B soient des martingales
locales. Alors par différence A − B est une martingale locale à variation bornée, donc A = B.
ii) Existence de < M >
On va montrer que [M ] existe et vérifie les conditions du théorème.
Il suffit de montrer l’existence pour les martingales continues bornées nulle en 0. En effet, il
suffit de réduire la martingale locale par Tn = inf{t ≥ 0 : |Mt − M0 | = n}. Notons K la borne
de M .
Semimartingales et Calcul Stochastique 47
Soit ∆ = (t1 , . . . , tn , . . .) une subdivision de IR+ sans point d’accumulation. Pour t ≥ 0, il existe
k tel que tk ≤ t < tk+1 . On note alors Vt∆ (M ) (ou juste Vt∆ si pas d’ambiguité sur la martingale)
k−1
%
Vt∆ (M ) = (Mti+1 − Mti )2 + (Mt − Mtk )2 (2.1)
i=1
En effet, si k = n,
Si k = n + 1,
E[Vt∆ − Vs∆ |Fs ] = E[(Mt − Mtn+1 )2 + (Mtn+1 − Mtn )2 − (Ms − Mtn )2 |Fs ]
= E[E[(Mt − Mtn+1 )2 |Ftn+1 ]|Fs ]
+E[(Mtn+1 − Ms )2 |Fs ] + (Ms − Mtn )2 − (Ms − Mtn )2
= E[Mt2 |Fs ] − E[Mt2n+1 |Fs ] + E[Mt2n+1 |Fs ] − Ms2
Vs∆ n
k+1
− Vs∆
k
n
= (Msk+1 − Mtl )2 − (Msk − Mtl )2
= (Msk+1 − Msk )(Msk+1 + Msk − 2Mtl )
∆p
d’où par définition (2.1) de Vt (Vt∆n )
∆p ∆p
Vt (Vt∆n ) ≤ Vt sup |Msk+1 + Msk − 2Mtl |2
k
et par Cauchy-Schwarz
∆p ∆p 2
E[Vt (Vt∆n )]2 ≤ E[sup |Msk+1 + Msk − 2Mtl |4 ]E[(Vt ) ]
k
48
i=1
k−1
%% k−1
%
= 2 (Mtl+1 − Mtl )2 (Mti+1 − Mti )2 + (Mti+1 − Mti )4 en développant le carré
i=1 l>i i=n+1
k−1
% k−1
%
∆p ∆ ∆ ∆
= 2 (Vt p
− Vti+1 )(Vti+1
p
− Vti p ) + (Mti+1 − Mti )4
i=1 i=1
Donc
k−1
% k−1
%
∆p 2 - ∆ ∆ ∆p ∆ .
E[(Vt ) ] = 2 E E[(Vt p − Vti p )|Fti+1 ](Vti+1 − Vti p ) + E[(Mti+1 − Mti )4 ]
i=1 i=1
k−1
% k−1
%
- ∆p ∆ .
= 2 E (Mt − Mti+1 )2 (Vti+1 − Vti p ) + E[(Mti+1 − Mti )4 ]
i=1 i=1
' (
/ 0 ∆
≤ E 2 sup |Mt − Mti+1 |2 + sup |Mti+1 − Mti |2 Vt p
i∈{1,...,k−1} i∈{1,...,k−1}
Comme M est une martingale bornée par K, et comme (Mt2 − Vt∆ , t ≥ 0) est une martingale,
∆ ∆ ∆
on a E[Vt p ] = E[Mt2 ] − E[Mt21 − Vt1 p ] et Vt1 p = Mt21 , d’où
∆p
E[Vt ] ≤ K 2.
Par conséquent,
∆p 2 ∆p
E[(Vt ) ] ≤ E[12K 2 Vt ] ≤ 12K 4 .
La borne est indépendante de k donc de p.
∆
Par conséquent, Vt∆n − Vt p & converge dans L2 et donc en proba quand p, n → +∞. Par
conséquent, la limite [M ]t de i (Mti+1 − Mti )2 existe. Il suffit de considérer des subdivisions
emboitées, car si ∆ et ∆# deux subdivisions, on peut construire une subdivision ∆ ˜ contenant les
˜ ˜
points de ∆ et ∆ (d’où ∆ ⊂ ∆ et ∆ ⊂ ∆, de pas par conséquent inférieur à ceux de ∆ et ∆# .
# #
1. Régularité de [M ].
Le processus V ∆n est continu pour tout n ≥ 0. Par ailleurs, par l’inégalité de Doob appliqué à
∆
la martingale (Vs∆n − Vs p )s≤t , on a
∆p 2
E[sup |Vs∆n − Vs∆p |2 ] ≤ cste E[(Vt∆n − Vt ) ].
s≤t
Donc la convergence est uniforme sur tout intervalle de temps borné, donc [M ] est continu
(convergence dans L2 implique qu’il existe une sous suite qui converge p.s.).
Le processus V ∆n n’est pas croissant. Par contre pour1s ≤ t, s, t ∈ ∆n , Vs∆n ≤ Vt∆n , donc par
passage à la limite le processus [M ] est croissant sur n≥0 ∆n . Comme [M ] est continu, il est
croissant sur IR+ .
Enfin, par passage à la limite dans (2.2) on a M 2 − [M ] martingale.
#
Semimartingales et Calcul Stochastique 49
intégrable).
6. Réciproquement, si < M >∞ ∈ L1 et si M0 ∈ L2 alors M est une vraie martingale bornée
dans L2 et M 2 − < M > est une vraie martingale dominée par une variable de L1 .
Preuve.
1. Évident d’après la Proposition 2.8.
2. Évident.
3. Si M ≡ 0, alors M 2 martingale donc < M >≡ 0. Si < M >≡ 0, alors M constante
par définition du crochet et donc M ≡ 0. Comme < M > croissant, < M >≡ 0 ⇔
< M >∞ = 0.
4. Évident par définition du crochet.
5. On peut supposer M0 = 0. M est une martingale fermée. Soit (Tn ) une suite de temps
d’arrêt bornés réducteurs de M 2 − < M >. Alors E[MT2n ] = E[< M >Tn ]. Par convergence
dominée à gauche et convergence monotone à droite, on a E[M∞ 2
] = E[< M >∞ ]. Comme
la limite est fini, on a < M > borné par < M >∞ ∈ L1 . Donc M 2 − < M > est une
martingale dominée par une variable de L1 .
#
Preuve.
1. Évident
- .
2. M N − < M, N >= 12 (M + N )2 − M 2 − N 2 − < M + N > + < M > + < N > est
bien une martingale locale. Soit B un autre processus à variation borné tel que M N − B
martingale locale. Par différence, on a forcément B ≡< M, N >. Voir Remarque 3.5
lorsque M et N indépendantes.
3. Évident
50
4. Comme M N − < M, N > est une martingale locale, M T N T − < M, N >T est encore une
martingale locale, donc par unicité du crochet < M T , N T >=< M, N >T . Par ailleurs,
pour t ≥ T , < M T >t =< M >T et < M T + N >t =< M + N >T +(< N >t − < N >T ),
donc < M T , N >=< M, N >T .
#
3 Intégrale stochastique
Soit (Ω, F, (Ft )t≥0 , IP) un espace probabilisé filtré, avec (Ft )t≥0 càd et complète.
Proposition 3.2 (M2c , ||.||M2c ) est un espace de hilbert, où ||M ||M2c = E[M∞ ]
2 1/2
= E[< M >∞
] . De plus, ||.||M2c est équivalente à ||M || = E[sup Mt ] .
1/2 2 1/2
t≥0
Preuve. Il suffit d’utiliser la croissance de < M > et l’inégalité de Doob. L’espace est bien
complet, car (M2c , ||.||) est complet. #
Définition 3.4 Soit M ∈ M2c . On note L2 (M ) l’espace vectoriel des processus H progressive-
ment mesurables tels que !
- +∞ 2 .
E Hs d < M >s < ∞.
0
On munit l’espace de la norme
! +∞
- .1/2
||H||L2 (M ) = E Hs2 d < M >s
0
Semimartingales et Calcul Stochastique 51
Remarque 3.5 Comme < M >∞ ∈ L1 , L2 (M ) contient tous les processus progressivement
mesurables bornés.
Définition 3.6 On note E l’espace vectoriel des processus H progressivement mesurables élémentaires,
i.e. H ∈ E s’il existe 0 = t1 < . . . < tn < ∞ = tn+1 , et h0 , . . . , hn des v.a. telles que ∀i hi est
Fti -mesurable bornée tels que
n
%
H = h0 I{0} + hi I]ti ,ti+1 ] .
i=1
Remarque 3.7 Les processus de E sont dits prévisibles. Pour tout t ≥ 0, Ht est Ft− -mesurable.
n
%
(H.M )t = hi (Mti+1 ∧t − Mti ∧t ).
i=1
52
Preuve.
1. Il reste juste à montrer que H.M est une martingale. Fixons i ≥ 0 et calculons la quantité
E[hi (Mti+1 ∧t −Mti ∧t )|Fs ] pour t ≥ s. On sait que (Mti+1 ∧t −Mti ∧t )t≥0 est une martingale.
Pour s ≥ ti , E[hi (Mti+1 ∧t −Mti ∧t )|Fs ] = hi E[(Mti+1 ∧t −Mti ∧t )|Fs ] = hi (Mti+1 ∧s −Mti ∧s ).
Pour s < ti ,
On a donc
E[hi (Mti+1 ∧t − Mti ∧t )|Fs ] = hi (Mti+1 ∧s − Mti ∧s )
/ 0
Donc hi (Mti+1 ∧t − Mti ∧t ) t≥0 est une martingale, par conséquent H.M est une martin-
gale.
2. Par bilinéarité du crochet il suffit montrer la propriété pour H = hi I]ti ,ti+1 ] . Comme
M N − < M, N > est une martingale, on a M ti+1 N − < M, N >ti+1 et M ti N − < M, N >ti
martingales. Par conséquent, (M ti+1 −M ti )N −(< M, N >ti+1 − < M, N >ti ) martingale.
Comme hi ∈ L∞ (Fti ), hi (M ti+1 − "M ti )N − hi (< M, N >ti+1 − < M, N >ti ) est une
.
martingale (cf 1.), donc (H.M )N − 0 Hs d < M, N >s est une martingale.
#
E → M2c
H )→ H.M
se prolonge de façon unique en une isométrie de L2 (M ) sur M2c , notée encore H.M .
On appelle H.M intégrale stochastique de H par rapport à M et on note souvent
! ! t
(H.M )t = Hs dMs = Hs dMs .
]0,t] 0
En effet, si on note g la densité de la mesure de Stieljes d < M, N > par rapport à |d < M, N > |
(g est à valeurs dans {−1, 1}). En remplaçant H par g H sgn(HK) dans le terme de gauche de
(3.3), on obtient l’inégalité souhaitée.
i) Cas où HK = I]s,t] avec s ≤ t.
On a en proba
%
| < M, N >t − < M, N >s | = lim (Mti+1 − Mti )(Nti+1 − Nti )
|∆|)0
ti ∈∆ subdiv de [s,t]
/% 0 /
2 1/2
% 01/2
≤ lim (Mti+1 − Mti ) (Nti+1 − Nti )2 par Cauchy-Schwarz.
|∆|)0
ti ∈∆ ti ∈∆
% ! bij ! bij
/ 01/2 / 01/2
≤ h2i d < M >s kj2 d < N >s
i,j:Ci,j ,=∅ aij aij
Proposition 3.16 H.M est l’unique élément de M2c tel que < H.M, N >= H. < M, N > pour
tout N ∈ M2c .
Théorème 3.17 Soit M ∈ M2c . Pour tout H ∈ L2 (M ), H.M est l’unique processus de M2c tel
que H.M ∈ M2c et pour tout N ∈ M2c
! ∞
(H.M, N )M2c = E[ Hs d < M, N >s ].
0
L’application précédente est donc continue. D’après le théorème de Riesz, il existe un unique
processus Z de M2c tel que ∀N ∈ M2c
! ∞
(Z, N )M2c = E[ Hs d < M, N >s ]
0
Vérifions que Z coı̈ncide avec H.M . En effet, d’après la proposition précédente, pour tout
N ∈ M2c
(H.M, N )M2c = E[< H.M, N >∞ ] = E[H. < M, N >∞ ].
#
c’est à dire ! ! !
t t∧T t
I[0,T ] (s)Hs dMs = Hs dMs = Hs dMsT .
0 0 0
Semimartingales et Calcul Stochastique 55
2. Associativité de l’intégrale :
Soit M ∈ M2c , H ∈ L2 (M ) et K ∈ L2 (H.M ), alors KH ∈ L2 (M ) et
(KH).M = K.(H.M ),
c’est à dire ! !
t t
Ks Hs dMs = Ks d(H.M )s .
0 0
Preuve. On utilise le fait que H.M est l’unique élément de M2c tel que pour tout N ∈ M2c ,
< H.M, N >= H. < M, N >.
1. Pour tout N ∈ M2c
! t
< (I[0,T ] H).M, N >t = I[0,T ] (s)Hs d < M, N >s
0
! t∧T ! t ! t
= Hs d < M, N >s = Hs d < M, N >s∧T = H s d < M T , N >s
0 0 0
2. Pour tout N ∈ M2c , en utilisant l’associativité de l’intégrale pour les processus à variation
bornée
< K.(H.M ), N >= K. < H.M, N >= KH. < M, N > .
Remarque 3.19 Le mouvement brownien est une martingale, mais n’est pas borné dans L2 .
On n’a toujours pas répondu à la question initiale qui est de construire une intégrale adaptée
au mouvement Brownien.
Preuve. L’égalité est vraie pour les martingales locales. Par Cauchy-Schwarz, on a
% % %
(Nti+1 − Nti )(Bti+1 − Bti ) ≤ ( (Nti+1 − Nti )2 )1/2 ( (Bti+1 − Bti )2 )1/2 .
ti ∈∆
Comme B est continu et à variation bornée, le terme de gauche converge vers 0. Par conséquent,
si N est soit une martingale locale soit un processus à variation bornée, on a
%
lim (Nti+1 − Nti )(Bti+1 − Bti ) = 0.
|∆|)0
ti ∈∆
Définition 3.24 On dit qu’un processus progressif H est localement borné s’il existe une suite
croissante de temps d’arrêt (Tn )n≥0 avec Tn → +∞ p.s. tel que pour tout n ≥ 0 le processus
arrêté H Tn soit borné.
Remarque 3.25 Si H est localement borné alors pour t ≥ 0, p.s. sups≤t |Hs | < ∞. La
réciproque est fausse (par exple, prendre H0 non borné).
Par contre, si H est continu et H0 borné, alors H est localement borné (prendre Tn = inf{t ≥
0 : |Ht − H0 | = n}).
"t
Définition 3.26 On définit l’intégrale stochastique (H.X)t = 0 Hs dXs d’un processus locale-
ment borné H par rapport à une semimartingale X par localisation successives.
Supposons X0 = 0 et X = M + "A sa décomposition canonique.
t
On définit pour presque tout ω, 0 Hs (ω)dAs (ω) sans problème (dA(ω) est la mesure de Stieljes
associée à A(ω)).
Soit (Tn ) une suite croissante de temps d’arrêt avec Tn → +∞ p.s. qui localise à la fois H et
"t
M telle que M Tn ∈ M2c . Alors 0 HsTn dMsTn a un sens. Par ailleurs pour t ≤ Tn , gràce à la
compatibilité de l’intégrale avec les temps d’arrêt, on a
! t ! t
Hs Tn+1 Tn+1
dMs = HsTn dMsTn
0 0
Il existe donc un processus, noté H.M, tel que sur {t ≤ Tn } (H.M )t = (H Tn .M Tn )t . On définit
alors
(H.X)t = (H.M )t + (H.A)t .
Si X0 1= 0, on a H.X = H.(X − X0 ).
Proposition 3.27 Soit X une semimartingale et H un processus localement borné, alors H.X
est une semimartingale de décomposition canonique H.X = H.M + H.A.
Les propriétés de l’intégrale restent vraies :
3. Associativité de l’intégrale :
(KH).X = K.(H.X).
4. Si X = M martingale locale nulle en 0, H.M est l’unique martingale locale telle que
< H.M, N >= H. < M, N > pour toute martingale locale N .
Alors ! !
t t
Hsn dMs −→ Hs dMs en probabilité.
0 n→+∞ 0
Preuve.
Rappel : Théorème de Lévy
Une suite de fonctions continues et croissantes qui converge simplement vers une
fonction continue sur un intervalle I, alors la convergence est uniforme sur I.
"t
Soit T > 0. Le processus t )→ 0 (Hsn − Hs )2 d < M >s est croissant, donc la convergence est
"t
uniforme sur [0, T ]. En particulier, supn 0 (Hsn )2 d < M >s est une fonction continue.
"t
On pose At =< M >t + supn 0 (Hsn )2 d < M >s . C’est un processus croissant (adapté, continu
et nul en 0).
On pose Tk = inf{t ≥ 0 : At = k}. C’est une suite croissante de temps d’arrêt qui converge vers
+∞ p.s.
On a < M >Tk ≤ k. Par conséquent, la martingale locale M Tk est une vraie martingale bornée
dans L2 (voir Proposition 2.14). De plus, on a H n ∈ L2 (M Tk ) car
! t
(Hsn )2 d < M Tk >s ≤ k
0
Par isométrie, on a donc H n .M Tk converge vers H.M Tk dans M2c . Comme (Tk ) converge vers
+∞ p.s., on a le résultat. #
Proposition 3.30 Soit H un processus progressif continu avec H0 borné. Soit X une semimar-
tingale et ∆ = {0 = t0 < t1 < . . . < tk = t) une subdivision de [0, t]. Alors
! t %
(H.X)t = Hs dXs = lim Hti (Xti+1 − Xti ) en probabilité
0 ti ∈∆
où H est le processus simple Hsn = Hti sur ]ti , ti+1 ] et Hsn converge p.s. vers Hs car H continu,
n
Donc, il y a convergence des intégrales stochastiques. Par ailleurs les sommes de ”Riemann“
converges par convergence dominée. #
Exercice 3.33 Soit B un mouvement brownien et (FtB )(t≥0) sa filtration naturelle. Le processus
Mt = Bt2 − t est une martingale. Montrer que < M, B > est un processus gaussien dont on
déterminera la covariance.
"t "t
Preuve. On remarque que Mt = 2 0 Bs dBs . Par conséquent, < M, B >t = 2 0 Bs ds. C’est bien
un processus gaussien (il suffit de voir l’intégrale comme limite de sommes de Riemann), centré
(Fubini), de covariance (Fubini)
! t ! s ! t! s ! t! s
E[2 Bu du2 Bv dv] = 4 E[Bu Bv ]dudv = 4 u ∧ vdudv.
0 0 0 0 0 0
Le processus < M, B > est à variation borné, donc ce n’est pas une martingale. #
La formule d’Itô
Théorème 3.34 Soit (Ω, F, IP, (Ft )t≥0 ) un espace probabilisé filtré satisfaisant les conditions
habituelle.
1. Soit f : IR → IR une fonction de classe C 2 et X une semimartingale continue. On a alors
! !
t
1 t
f (Xt ) = f (X0 ) + f # (Xs )dXs + f ## (Xs )d < X >s .
0 2 0
Semimartingales et Calcul Stochastique 59
Remarque 3.35 Les résultats de la théorie de la mesure classique sur les intégrales multiples ne
s’appliquent pas à l’intégrales stochastique. Notamment, il n’y a pas de théorème de Fubini. Par
exemple, soit B un mouvement brownien et H un processus borné progressivement mesurable
par rapport à la filtration brownienne,
! t ! s ! t ! t
/ 0 / 0
Hu dBu dBs 1= dBs Hu dBu
0 0 0 u
"t
car u dBs = Bt − Bu n’étant pas adapté, le terme de droite n’est pas défini. Par ailleurs, de
nombreux papiers étudient des intégrales stochastiques dépendant d’un paramètre, voir [].
Proposition 4.1 Soit M une martingale locale càdlàg de carré intégrable. Les processus sui-
vants existent
%
[M ]t = lim (Mti+1 − Mti )2
|∆|→0
ti ∈∆
%
< M >t = lim E[(Mti+1 − Mti )2 |Fti ]
|∆|→0
ti ∈∆
Les processus [M ] et < M > sont à variation bornée, et < M > est prévisible.
Proposition 4.4 Soit M une martingale locale de carré intégrable. Alors < M > est l’unique
processus prévisible tel que M 2 − < M > soit une martingale locale.
On considère E l’espace vectoriel des processus H prévisibles élémentaires, i.e. H ∈ E s’il existe
0 = t1 < . . . < tn < ∞ = tn+1 , et h0 , . . . , hn des v.a. telles que ∀i hi est Fti -mesurable bornée
tels que
%n
H = h0 I{0} + hi I]ti ,ti+1 ] .
i=1
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On définit l’espace de Skorohod D des processus adaptés à trajectoires càdlàg et L l’espace des
processus adapté à trajectoires làdcàg.
Alors l’espace E est dense dans L pour la convergence en probabilité uniforme sur les compact
(notée ucp) : H n converge vers H au sens ucp si
∀t > 0, sup0≤s≤t |Hsn − Hs | converge en probabilité vers 0.
∆Xt = Xt − Xt− .
Ce n’est pas une martingale, ceci explique pourquoi on travaille avec des processus de L.
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