Technique Membranaire - Copie
Technique Membranaire - Copie
Technique Membranaire - Copie
Patrice Bacchin
Patrice BACCHIN
Université Paul Sabatier Laboratoire de génie Chimique 31 062 TOULOUSE Cedex 9
Email : bacchin@chimie.ups-tlse.fr
La filtration membranaire est de plus en plus utilisée comme procédé de séparation dans de
nombreux domaines notamment dans le cycle de l’eau (potabilisation de l’eau, traitement des
effluents, réutilisation de l’eau, adoucissement, dessalement …). La filtration membranaire est
basée sur l’application d’une différence de pression qui permet le transfert du solvant à travers
une membrane dont la taille des pores assure la rétention de solutés. Ces opérations, classées
selon une taille des pores décroissantes, sont : la microfiltration, l’ultrafiltration, la
nanofiltration et l’osmose inverse. Ce sont des procédés mature technologiquement (une
bonne part du développement technologique est déjà réalisé) mais encore en plein
développement industriel. A titre d’exemple, dans le domaine de la potabilisation de l’eau, la
capacité de production des plus grosses usines est multipliée par dix tous les 5 ans.
Fig. 1 : Les opérations de filtration membranaire selon la taille des pores et des espèces retenues.
Les matériaux synthétiques à la base des membranes sont des polymères organiques (acétate
de cellulose, polysulfone …) ou de matériaux inorganiques (ZrO2, TiO2, alumine). Leur
structure asymétrique est constituée d’un support macroporeux (pour la tenue mécanique) et
d’une peau ou couche superficielle (pour la sélectivité). Le but est d’assurer une bonne
sélectivité avec une faible résistance au transfert tout en ayant une bonne tenue mécanique.
Que choisir ? Ce choix se fait tout d’abord par rapport à la séparation à réaliser : de façon
générale la taille des pores est généralement 2 fois plus petite que l’espèce la plus petite à
retenir (pour assurer une bonne rétention tout en limitant le colmatage en profondeur de la
membrane). Le matériau doit être choisi afin de limiter les affinités avec les espèces du fluide
à traiter (pour limiter les phénomènes d’adsorption). Il faut enfin satisfaire les contraintes du
fluide (pH, température) et du domaine d’utilisation (stérilisation, agrément …) et que le coût
soit compatible avec la valeur ajoutée du produit.
alimentation rétentat
perméat
Que choisir ? Le choix doit se faire selon les contraintes qui sont les plus importantes par
rapport à l’application industrielle envisagée. Plusieurs critères (compacité, coût, …) sont
donc utilisables pour choisir le type de module optimal (Tab. 2). Chacun des types de modules
a ses avantages lui permettant de trouver des applications industrielles.
Tab. 2 : Principaux avantages et inconvénients des modules membranires (Aptel et al. 1996).
Disque
Choix selon Critère Plan Spiralé Tubulaire Fibres rotatif
Surface disponible Compacité + ++ - +++ -
Caractère colmatant Rétrolavage - - -/++ ++ -
Valeur du produit Coût + +++ - +++ -
Viscosité Pertes de charges - ++ +++ ++ +++
Turbidité Prétraitement nécessaire + - +++ + +++
Dans ces opérations, on travaille le plus couramment avec un écoulement de fluide continu
tangentiellement à la membrane pour limiter l’accumulation de matière à la surface
(colmatage) qui est le principal phénomène antagoniste à la séparation. Ce mode de
fonctionnement (filtration tangentielle) permet de fonctionner en continu avec un flux de
perméation constant mais nécessite de dépenser de l’énergie pour assurer l’écoulement et
vaincre les pertes de charges (PR –PA). Il est aussi possible d’opérer en filtration frontale
(absence de rétentat) ce qui permet de simplifier l’opération et de réduire la consommation
énergétique du procédé mais nécessite d’opérer séquentiellement des rétrolavages (circulation
du fluide opposée au sens de perméation) afin d’éliminer le colmatage.
Que choisir ? Le mode tangentiel, assurant une productivité élevée (limitation du colmatage)
au prix de coûts plus élevés en terme d’investissement (pompe supplémentaire) et de
fonctionnement (énergie de circulation), est limité à la production de produits à haute valeur
ajoutée (agroalimentaire, pharmacie). La filtration frontale est appropriée pour des filtrations
plus « faciles » -peu de colmatage- et des produits à faible valeur ajoutée -procédé à faible
coût- (eau potable). Dans un cas intermédiaire, les fibres immergées qui permettent d’assurer
à faible coût un cisaillement trouvent leur utilisation pour le traitement d’eau usée.
2.1 Le colmatage
Le fonctionnement d’un procédé de filtration membranaire est conditionné par le colmatage
qui est le phénomène qui s’oppose à la filtration. En effet, au cours de l’utilisation, la matière
retenue par la membrane s’accumule (phénomène de polarisation expliqué par l’étude du
transfert de la matière vers la membrane §2.1.2) réduisant ainsi le flux de perméation et donc
la productivité du procédé (loi de filtration – transfert de solvant à travers la membrane
§2.1.1).
J
cm
c0 z cp
u
0 δ
2.2 La sélectivité
Une membrane retient des solutés selon :
• leur taille : c’est l’effet stérique qui résulte de la structure « tamis » du matériau
• leur charge : une membrane peut être chargée générant ainsi des interactions
électrostatique avec des composés chargés
• leur hydratation : dans le cas de petit soluté le cortège d’eau d’hydratation qui
l’entoure peut participer à la rétention
Dans le cas d’une rétention stérique, il est possible d’estimer à partir de considérations
basées sur l’écoulement du solvant et du soluté dans un pore de rayon, rs, de définir le taux
de rejet par la loi de Ferry :
cp
R = 1− = (1 − (1 − λ ) 2 ) 2 (eq. 4)
cm
r
où λ = s est le rapport du rayon du soluté sur le rayon du pore. L’évolution du taux de
rp
rejet en fonction de λ selon cette relation est représentée sur la figure 4.
1
R
0.8
0.6
0.4
0.2
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8
λ 1
Fig. 4 : Evolution du taux de rejet en fonction du ratio rayon de soluté/ rayon du pore
Une membrane n’est donc pas un séparateur séparant « parfaitement » les espèces par taille :
le transfert d’un soluté deux fois plus petit que le pore est réduit de 40 %. Il faut, pour en
rajouter encore sur « l’imperfection » des membranes, garder à l’esprit qu’une membrane
possède une distribution de taille de pore !
Les conditions opératoires, et plus particulièrement le flux, ont un effet important sur le taux
de rejet. En effet, le taux de rejet observé expérimentalement est défini par rapport à la
concentration en solution, c0 (et non la concentration à la membrane comme dans l’eq. 4) :
cp
Robs = 1 − (eq. 5)
c0
Le taux de rejet observé est alors dépendant du flux (ou du nombre de Péclet, Pe) qui
conditionne la concentration à la membrane. De façon générale (fig. 5), pour des flux faibles -
dans le cas de l’osmose inverse- le taux de rejet croît avec le flux (à cause d’une moindre
importance de la diffusion qui favorise le transfert des solutés à travers les pores) alors qu’au
contraire pour des flux plus important -ultrafiltration ou microfiltration- le flux décroît avec le
flux (à cause d’une concentration de polarisation plus élevée due à la moindre importance de
la diffusion qui limite l’accumulation). Dans le cas intermédiaire de la nanofiltration, il est
souvent observé des taux de rejet quasi-constant correspondant au maximum sur la fig. 5.
1
R R
0,8
R0
0,6
R (-)
0,4
Robs
0,2
0
0,01 0,1 1 10 100
%J
Pe (m/s)
Fig. 5 : Evolution du taux de rejet observé avec le flux (ou le nombre de Péclet)
-2
Vf = 25 L.m
p
12
3 10
12
2 10
12
1 10
0
0 1000 2000 3000 4000 5000 6000
-2
Volume produit (L.m )
Fig. 6 : Evolution de la résistance de colmatage en fonction du volume filtré pour une filtration frontale d’eau de
surface. Des actions hydrauliques sont réalisées pour nettoyer la membrane avec un rétrolavage tous les 100
l/m2 filtrés (triangle) ou avec un rétrolavage tous les 100 l/m2 et un rinçage tous les 25 l/m2 (croix).
On note une dérive nette de la résistance pour l’opération ne comportant que des rétrolavages
(ce qui nécessitera à terme un nettoyage chimique) alors que pour la filtration comportant des
rinçages séquentiels la résistance est pratiquement stabilisée et beaucoup plus faible ; ce qui
peut s’expliquer pas une moindre adsorption des substances organiques sur la membrane.
De telles opérations peuvent s’analyser de façon globale (Bessiere 2005) en terme de
rendement (fig 7a) ou de consommation énergétique (fig. 7b). Il est alors possible de chiffrer
l’impact des actions hydrauliques (rinçage et rétrolavage) sur les pertes en eaux de l’opération
mais aussi sur la consommation énergétique.
rinçage
Volume pompé
6.9
J = 50 l h-1 m-2 eau UF
a) 6.3 rétrolavage
Energie consommée
rinçage 0,1
1.4%
8,9 Wh / m3
100%
4 Conclusions
La filtration membranaire est un procédé de séparation, performant, sûr, facile à conduire
mais pas simple à mettre au point et dimensionner. La cause de ces difficultés est le colmatage
qui reste difficile à éviter ou limiter et complexe à décrire. La stratégie générale à adopter
pour développer ce procédé dans les meilleures conditions est donc basée sur un aller retour
entre des essais (de l’échelle du laboratoire vers l’industrielle) et leurs expertises qui nécessite
des connaissances fondamentales et théoriques des phénomènes de transfert membranaire.
5 Références
Encyclopédie : Techniques de l'ingénieur - Techniques séparatives à membranes - Considérations théoriques, J
2790, A.Maurel & Osmose inverse et ultrafiltration - II Technologie et applications, J 2796, A. Maurel
Livres :
Aptel P., P. Moulin, F. Quemeneur, Les Cahiers du CFM n°2, Micro et Ultrafiltration : conduite des essais
pilotes – Traitement des eaux et effluents, CFM, 2002
Aptel P. et C.A. Buckley dans Water treatment : Membrane processes, AWWA, McGraw-Hill, 1996
Bergel A. et J. Bertrand, Méthodes de Génie des procédés : études de cas, Lavoisier, 2004
Bessiere Y., Filtration frontale sur membrane : mise en évidence du volume filtré critique pour l’anticipation et
le contrôle du colmatage, Thèse de l’Université Paul Sabatier, Toulouse, 2005
Daufin G., F. Rene et P. Aimar, Séparations par membranes dans les procédés de l’industrie alimentaire,
Techniques et Documentation, 1998
Howell J.A., V. Sanchez et R.W. Field, Membranes in bioprocessing – Theory and applications, Chapman &
Hall, 1993
Humphrey J.L. et G.E. Keller, Procédés de séparation : techniques, sélection dimensionnement, Dunod, Paris,
2001
Mallevialle J., P.E. Odendaal et M.R. Wiesner, Water treatment : Membrane processes, AWWA, McGraw-Hill,
1996
Maurel A., Dessalement de l'eau de mer et des eaux saumâtres - Et autres procédés non conventionnels
d'approvisionnement en eau douce, Tec et Doc, 2001
Mémento technique de l’eau, Degrémont, Lavoisier, Techniques et Documentation, 1995