Cours DIP Licence-1
Cours DIP Licence-1
Cours DIP Licence-1
Définition lexicologique :
L’expression de DI remonte à 1780, lorsque le philosophe anglais Jérémy Bentham l’a
employée pour désigner les règles obligatoires qui régissent les rapports entre les nations.
Durant la même période, et pour désigner la même réalité E. Kant avait proposé l’expression
de droit inter-étatique. Ces deux expressions au 19ème siècle étaient équivalentes parce qu’à
l’époque dominait l’idée qu’à chaque Etat correspond une nation et qu’à chaque nation doit
correspondre un Etat (Italie, Allemagne). Il y avait alors une adéquation entre les deux notions
de Nation et d’Etat.
Cette adéquation n’existe plus aujourd’hui. Depuis le début du 20ème siècle on a vu apparaître
des Etats multinationaux. Aujourd’hui, la plupart des Etats sont multinationaux (Russie, Inde,
Chine...). D’un autre côté, certaines nations sont réparties sur plusieurs Etats (nation arabe ;
nation kurde répartie sur 4 Etats : l’Irak, l’Iran, la Turquie, la Syrie). Malgré cela, l’expression
droit international a été conservée.
Avant 1780, d’autres expressions étaient utilisées pour désigner les règles juridiques
organisant les rapports entre les peuples. Autrement dit, le droit international avait des
antécédents. Ces concepts antécédents sont : le droit des gens ou jus gentium dans la
civilisation romaine ou le droit des peuples. « S’il y a une réelle compétition entre les termes
« droit international » et « droit des gens », elle est aujourd’hui entièrement réglée. Bien que
le premier soit plus souvent employé, désormais, ils sont considérés unanimement comme des
termes synonymes et interchangeables. Pour autant, l’identité entre ces deux appellations
n’est pas complète. Le terme droit international est proche de l’idée d’un droit entre les
nations, tandis que le droit des gens évoque la perspective plus large d’un droit commun aux
gens »1.
Dans la civilisation arabo-musulmane cela s’appelle Fikh assiyar c’est à dire les règles
régissant les relations des musulmans avec les non musulmans.
La définition conceptuelle :
1
DAILLIER (Patrick), FORTEAU (Mathias) et PELLET (Alain), Droit international public, Paris, LGDJ, 2009,
p. 44.
1
On constate l’absence d’un accord sur cette définition conceptuelle. Plusieurs définitions ont
été proposées mais aucune d’elles n’est parfaite.
La définition classique du droit international : définition du droit international par ses
sujets :
Le droit international est-il uniquement le droit applicable à des entités souveraines étatiques
ou est-ce qu’il y a eu un dépassement de l’inter étatisme ?
Dès le 19ème siècle, la définition du droit international qui s’est imposée consistait à
caractériser le DI par ses sujets exclusifs : les Etats2. Le droit international était conçu comme
un droit interétatique, un droit qui se fait entre Etats souverains. Ceux-ci sont en même temps
les auteurs et les destinataires des règles de droit. Le droit international désignait alors
l’ensemble des règles juridiques qui régissent les rapports entre Etats. Cette définition signifie
que seul le DI règle les rapports entre Etats et que le DI ne règle que les rapports entre Etats.
Cette vision westphalienne du droit international sera d’abord remise en cause avec
l’apparition du phénomène des organisations internationales (fin du 19ème/début du 20ème
siècle), date à laquelle deux grandes organisations internationales ont vu le jour : l’OIT et la
SDN. Désormais, il n’est plus possible de dire que les Etats sont les seuls sujets du DI. Cette
remise en cause n’était pourtant que partielle car les organisations internationales sont en
définitive des émanations des Etats, des associations d’Etats. Elles constituent certes un sujet
du droit international mais elles restent un sujet dérivé de la volonté initiale étatique.
Suite à la deuxième guerre mondiale, la définition classique du DI par ses sujets connaitra des
crises beaucoup plus profondes. A l’époque contemporaine, le droit international a connu des
évolutions importantes. La première a consisté en un accroissement quantitatif mais aussi
qualitatif des acteurs. En fait, de l’Etat seul sujet primaire et central de l’ordre juridique
international, aux compétences exclusives et à la souveraineté étendue on est passé à une
pluralité d’institutions, d’organisations et d’entités internationales (essor des O.N.G., et des
acteurs non-étatiques). A ce stade surtout, la prise en compte de l’individu en tant que
nouveau sujet du droit international et la « révolution » consécutive des droits de l’homme a
permis une transformation en profondeur, aussi bien du droit que des structures
internationales3.
2
Ce concept n’englobe que les Etats indépendants qui jouissent d’une personnalité juridique internationale. Sont
alors exclus de cette catégorie aussi bien les territoires non indépendants que les Etats fédérés qui font partie de
l’organisation interne d’un Etat fédéral.
3
ELMEKKI (Abir), Les réserves aux traités relatifs aux droits de l’homme, évolutions récentes, Paris,
l’Harmattan, logiques juridiques, 2019.
2
En 1945/1946, les procès d’individus que ce soit des nazis allemands ou des militaires
japonais jugés pour des crimes de guerre, devant des tribunaux internationaux (Tribunal de
Nuremberg en Allemagne et tribunal de Tokyo pour les Japonais), prouvent qu’à côté des
Etats, il y a un nouveau sujet de DI qui est l’Individu. Il est un sujet en tant que redevable
d’obligations. « En faisant juger des individus sur la base du droit international, par un
tribunal créé internationalement, les vainqueurs reconnaissaient la responsabilité de ces
personnes en vertu du droit international, ce qui ne peut se concevoir que si elles sont dotées
de la personnalité juridique internationale »4.
Peu d’années après, l’Individu va également s’imposer en tant que titulaire de droits surtout
depuis l’adoption de la DUDH en 1948. Désormais, dès les années 50, l’Individu est apparu
comme un nouveau sujet du droit international, en tant que titulaire de droits. Ces droits ont
été reconnus par les divers traités et conventions internationales protectrices des droits de
l’homme.
Malgré ces évolutions marquantes d’une nouvelle conception du droit international, plurielle
et « démocratique », la doctrine majoritaire avait soutenu que l’Individu en tant que sujet de
DI ne remet pas en cause la définition classique du DI parce que l’Individu est un sujet
dérivé : ce sont les Etats qui lui imposent des obligations et lui accordent des droits. D’autant
plus, le « développement des droits fondamentaux s’effectue encore par le biais d’un filtre
étatique tant pour la formation des normes que pour leur interprétation »5.
Toutefois, l’émergence sur le plan juridique international de notions telles que jus cogens,
normes erga omnes, ordre public international et communauté internationale signifiera en
relation avec les droits de l’individu que ce dernier bénéficie de droits qui ont un caractère
impératif, certains de ces droits sont intransgressibles, indérogeables, invocables erga omnes
parce qu’ils font partie d’un ordre public international qui serait préservé par la communauté
internationale des Etats dans leur ensemble. Toutes ces catégories manifesteraient
l’émergence en droit international d’obligations qui incombent aux Etats « without or against
their will »6. Cette normativité accrue des règles relatives aux droits de l’homme fait de plus
en plus douter du caractère dérivé de l’Individu en tant que sujet de droit international.
Cette manière de justifier la définition classique du DI ne résistera pas devant l’apparition
d’un quatrième sujet de droit international, à partir des années 50, à savoir les peuples. Le
4
PELLET (Alain, « Le droit international à l’aube du XXIè Siècle », p. 68.
5
CREPEAU (François) et GAREAU (Jean François), « La société internationale et son droit : vers un
changement de paradigme ? », in CREPEAU (François), THERIEN (Jean Philippe) (dir.), Penser l’international,
Perspectives et contributions des sciences sociales, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2007, p. 61.
6
TOMUSCHAT (Christian), « Obligations Arising for States Without ou Against their Will », R.C.A.D.I., T.
241, 2008.
3
peuple apparaît en fait comme une volonté non seulement indépendante des Etats mais
comme contraire aux Etats, surtout coloniaux. Cette évolution s’est vérifiée à l’occasion de la
guerre du Vietnam (contre la France avec la défaite de la France) et de la guerre d’Algérie
(même ennemi et même issue). La volonté d’un peuple se résume dans l’autodétermination :
les peuples doivent décider eux-mêmes de leur propre avenir et disposer d’eux-mêmes. A
partir de ce postulat, la définition classique du DI (étatiste ou inter-étatiste) ne tient plus la
route.
Il faut toutefois souligner que certains auteurs internationalistes adoptent une conception
stricte des sujets du DI. Certains d’entre eux n’englobent dans cette catégorie que les Etats et
les Organisations internationales. Pour d’autres l’Etat est le sujet unique du DI.
Pour suivre ces évolutions, d’autres définitions ont été alors proposées : « Le DI c’est
l’ensemble des règles juridiques qui déterminent les droits et les obligations des sujets du DI
et spécialement des Etats » (Favre). Pour Delbez, « Le DI se définit comme l’ensemble des
règles juridiques qui régissent les relations entre les Etats et les autres entités
internationales ».
Ces définitions ne sont pas satisfaisantes car elles sont ouvertes. Elles définissent le concept
de DI par une liste qui n’est ni fermée ni limitative. Ces auteurs ne nous disent pas qui sont
ces autres sujets du DI, ce qui laisse la définition ouverte, pouvant englober d’autres
catégories : on peut alors s’interroger si les ONG et les STN sont ou non des sujets de DI ?
7
DAILLIER (Patrick), FORTEAU (Mathias) et PELLET (Alain), Droit international public, op.cit., p. 43.
4
Elle confirme enfin le lien sociologique, donc nécessaire entre droit et société. Toute société a
besoin du droit et tout droit est un produit social »8.
Enfin, Paul Reuter définit le droit international comme étant le droit applicable aux relations
internationales.
Serge Sur pense quant à lui que le droit international n’a ni un objet ni une idéologie
particulière. Il est tout simplement un instrument caractérisé par sa neutralité. En effet, le
Droit international selon Serge Sur serait constitué « par l’ensemble des normes
conventionnelles et coutumières. La seule restriction est qu’il doit provenir des Etats,
directement ou indirectement. Mais sous cette condition il peut être universel, régional
comme pour les traités européens, ou bilatéral. Il peut ne concerner que les rapports
interétatiques ou régir les relations interindividuelles. Il peut être un droit privé des Etats ou
un droit public des peuples. Il peut aussi créer de nouveaux sujets et acteurs de droit, comme
les organisations internationales. Cette diversité se retrouve avec ses techniques : il est
contractuel avec les conventions, consensuel avec la coutume, autoritaire avec les actes
unilatéraux »9.
Société ou communauté ?
La définition du DI par son objet soulève l’épineuse question de la distinction entre société et
communauté internationale. Cette question n’est pas purement doctrinale ou théorique, elle a
au contraire des répercussions pratiques, normatives et institutionnelles, importantes.
Le concept de communauté désigne une société où il n’y a pas de contradictions, une société
qui repose sur des intérêts communs. L’idée d’unité l’emporte sur l’idée de diversité. Une
communauté est donc une société très évoluée. Elle nécessite sur le plan normatif
l’acceptation de règles communes, de valeurs parfois impératives qui s’imposent s’il le faut
contre la volonté des Etats. Elle stipule une certaine harmonisation au niveau des valeurs et
principes directeurs du droit et des relations internationales. Les normes impératives et les
obligations erga omnes en plus de la notion d’ordre public international sont parmi les
manifestations de cette unité de valeurs. Il est alors facile de constater que la société
internationale d’aujourd’hui est encore lointaine de cette unité car elle reste conflictuelle sur
plusieurs plans (économique, politique, militaire, idéologique, identitaire, etc..).
II/ Qu’est-ce qu’un sujet de droit international ?
8
DAILLIER (Patrick), FORTEAU (Mathias) et PELLET (Alain), op.cit., p. 43.
9
SUR (Serge), « L’influence française sur le droit international », afri-ct.org/2019/linfluence-française-sur-le-
droit-international-par-serge-sur/
5
Ce sont les Etats qui sont à l’origine de la création du droit international contemporain. Sujets
souverains principaux de l’ordre international, ils sont en même temps les créateurs et les
destinataires des règles. C’est la raison pour laquelle, pendant longtemps, le DI désignait le
droit qui « régit les rapports entre Etats indépendants »10. Cette conception classique ne rend
plus compte de la réalité d’aujourd’hui. Depuis les années 40 et 50 du 20ème siècle, plusieurs
autres sujets et entités viennent rivaliser l’Etat. D’autres sujets se voient reconnaître la
personnalité juridique internationale mais l’Etat reste le seul sujet qui jouit de la souveraineté.
Elle lui est exclusive. C’est l’Etat qui crée les autres sujets et reste, en quelque sorte
le « grand ordonnateur de l’ordre juridique international »11, en contrôlant le contenu et
l’étendue des droits et des obligations des nouveaux sujets de DI. Après les organisations
internationales, l’Individu, les peuples viennent les acteurs non étatiques et les réseaux.
III/ Caractéristiques de la société internationale
1. la société internationale est une société décentralisée.
2. son droit est un droit relatif.
3. l’objet du droit international connaît une extension
§1 Une société sans pouvoir central
Le modèle est radicalement opposé au modèle qui caractérise les ordres juridiques internes. Il
n’y a pas de mécanisme centralisé d’exécution ni de mécanisme centralisé de juridiction. Il y
a des autorités de création du droit, d’exécution, et de juridiction, mais il n’y a pas d’autorité
supérieure comparable à ce que représente l’État : ces mécanismes sont dispersés entre Etats
sur une base égalitaire et paritaire. Cette configuration est typique et trouve son origine dans
la souveraineté de l’État, car la société internationale est un ensemble d’Etats souverains, le
droit international est un produit des autolimitations étatiques.
A) Une société d’États souverains
Attribut consubstantiel à l’Etat, la souveraineté internationale ne désigne pas des pouvoirs
positifs de l’État (émettre sa monnaie, sécurité intérieure et extérieure), mais elle signifie que
les Etats n’ont pas en droit de supérieur(s), qu’il y a une absence d’assujettissements
politiques et juridiques de l’Etat à une entité supérieure. Par souverains, on entend que les
États sont « juxtaposés sans être soumis à un pouvoir politique qui leur soit supérieur »12.
Le droit international ne fait pas disparaître les disparités de puissance économique entre Etats
néanmoins, et ce n’est pas sa vocation. Ce n’est pas un droit socialisant. Le droit international
10
C.P.J.I., arrêt du 7 septembre 1927, Lotus, Série A, n°10, p. 18.
11
Franck ATIAR, Le droit international entre ordre et chaos, Hachette, Paris, 1994, p. 68.
12
P. Reuter, Thémis, 1973, p. 16.
6
considère ces différences de fait entre Etats comme non pertinentes sur le plan juridique : la
souveraineté des États permet que par-delà les disparités, aucun d’eux ne détienne sur les
autres la moindre autorité dans l’ordre du droit. Aucun Etat ne peut être ainsi obligé s’il n’a
pas consenti à l’obligation en question. Le non assujettissement juridique des Etats à d’autres
sujets implique qu’aucun élément de droit ne peut être imposé à un Etat sans son accord
formel. Il n’autorise qu’un droit produit par l’action conjointe des Etats parties à la relation
concernée. Une norme n’est pas imputable à un Etat mais à tous ceux qui en ont accepté les
effets juridiques. Le pouvoir de création de règles est partagé. La distinction organique dans
les modèles juridiques internes, entre les collectivités publiques et les particuliers sujets de
l’État, ne se retrouve pas dans le système juridique international.
Par l’effet du partage du pouvoir normatif entre Etats souverains, les auteurs du droit
international et les assujettis à celui-ci se confondent ; ce qui fait du droit international un
droit de type privé – qui encadre des rapports privés – mais d’un genre particulier puisqu’il ne
s’appuie sur aucune réglementation unilatérale supérieure. Tout repose sur les autolimitations
des Etats.
B) Un droit fait d’autolimitations
Le droit international n’est pas un droit d’habilitations, il n’attribue pas des pouvoirs et des
libertés aux Etats, contrairement aux organes internes des Etats qui fonctionnent sur
habilitation. Le droit international fonctionne en présupposant (et en reconnaissant) des
pouvoirs préexistants dans l’Etat ; d’où résulte une présomption de liberté afin d’exercer les
pouvoirs en question. L’Etat peut donc agir en dehors de toute règlementation internationale,
il est autosuffisant, mais il va en avoir besoin pour mettre en place des relations avec d’autres
Etats. Au moment où l’Etat émerge, son comportement n’est pas conditionné par le DI, il est
vierge d’engagement sur le plan international. Les règles internationales auxquelles il obéit
sont toujours et nécessairement celles par lesquelles il a accepté de se lier (autolimitation), ce
qui fait du droit international un ensemble de règles prohibitives, encadrant la liberté d’agir
des Etats.
Les organisations internationales (SDN ; ONU) sont établies par des traités, dits constitutifs :
ils créent l’organisation, créent ses organes, leurs pouvoirs, leurs habilitations : c’est un
système propre dépendant du traité et dont les compétences sont dites fonctionnelles, elles
sont circonscrites à la réalisation d’une mission caractérisées par le traité. Certaines de ces
organisations ont une mission normative, d’autres des missions opérationnelles, d’autres sont
spécialisées dans un champ particulier (organisation mondiale de la santé, de l’aviation
civile), d’autres un champ général (ONU).
7
Les organisations internationales sont le produit de l’activité juridique des Etats : le traité
constitutif signé par les Etats.
Elles existent pour les Etats essentiellement, ce sont un instrument de coopération. Elles ont
un caractère intergouvernemental car les Etats sont membres de l’organisation, mais aussi
représentés. Elles ont une personnalité juridique pour la plupart d’entre elles, ce qui leur
permet d’agir dans la sphère juridique internationale.
L’ONU a le pouvoir de prendre des décisions contraignantes dans le cadre du maintien de la
paix et de la sécurité internationale, par le biais de son Conseil de Sécurité, mais ce pouvoir
de décision externe est limité à des domaines bien particuliers.
Les organes de l’ONU ont aussi des pouvoirs de contrôle, le pouvoir d’autoriser des sanctions
commerciales par exemple, mais ces situations sont exceptionnelles dans le monde des
organisations internationales, où la plupart du temps seulement des recommandations sont
possibles. L’ONU a la CIJ et le Conseil de l’Europe la CEDH comme juridiction.
La CIJ est l’organe judiciaire principal de l’organisation. Elle est rattachée au système de
l’ONU sur un plan institutionnel (organe intégré) et administratif (le fonctionnement est
assuré par l’organisation). Pour autant, elle n’est pas le juge des nations unies, sa fonction
n’est pas de trancher des litiges qui pourraient survenir entre l’ONU et les Etats, mais
uniquement entre les Etats membres. L’ONU met à disposition de ses membres ce mécanisme
sans l’imposer (Cour permanente de Justice internationale, 7 septembre 1927, Lotus
(Série A, n°10, p. 18), France c. Turquie : erreur de navigation du Lotus, navire français, qui
va percuter un navire turc, qui coule dans une zone de haute mer, soustraite à toute
souveraineté nationale. Le capitaine est traduit devant les juridictions turques (amende,
prison). Les autorités françaises protestent car un Etat ne pourrait pas exercer ses pouvoirs s’il
ne dispose pas d’un titre expressément prévu par le droit international, ce dont la France
disposerait. La France présente comme un ensemble de règles distributives le droit
international. La Turquie présente une version inverse : liberté en tant qu’Etat tant qu’il n’est
pas restreint par son consentement devant le droit international.
Réponse de la CPJI : « [l]e droit international régit les rapports entre des Etats indépendants.
Les règles de droit liant les Etats procèdent donc de la volonté de ceux-ci, volonté manifestée
dans des conventions ou dans des usages acceptés généralement comme consacrant des
principes de droit […]. Les limitations de l’indépendance des Etats ne se présument donc
pas ».
Ces autolimitations des Etats donnent lieu à des rapports de droit entre les Etats, même s’ils
ne s’appuient pas sur un droit « supérieur », à l’image de la loi dans l’Etat. La souveraineté
8
garantit, protège la liberté de l’Etat de s’engager dans l’ordre du droit mais, en contrepartie,
protège l’engagement souscrit. Ainsi, lorsqu’un Etat s’affranchit d’engagements qu’il a
souscrits, il n’exerce pas sa souveraineté. Il viole tout simplement le droit. La souveraineté
n’est pas naturelle, n’existe pas dans l’ordre naturel, c’est une construction juridique, là où
l’indépendance de l’Etat est naturelle. Être souverain c’est être libre de s’engager mais c’est
aussi en conséquence s’y tenir.
§2 Un droit relatif :
La logique de décentralisation du pouvoir du DI est un obstacle à la mise en place d’un ordre
public international.
A) Production du droit international : partage du pouvoir normatif
Confusion entre auteurs et assujettis : les Etats produisent les règles qui leurs sont applicables
dans leurs rapports. Ils mettent en place entre eux un rapport légal, qui régit leur relation.
Relativité des règles internationales : le droit produit entre certains Etats n’a pas d’existence
objective pour ceux qui n’ont pas pris part à l’opération de sa production ; existence des
règles internationales à l’égard de ceux qui ont accepté d’en être les destinataires. Les règles
n’existent que pour ceux qui les ont acceptées. C’est la relativité du DI.
L’engagement de l’Etat implique nécessairement un vis-à-vis, un engagement miroir. Le DI a
un caractère réciproque, les Etats s’engagent réciproquement. L’Etat n’est jamais face au DI
comme un particulier face à la loi objective, l’acte unilatéral de l’Etat, qui s’applique à lui du
seul fait qu’il se trouve dans son champ d’application. C’est l’intersubjectivité du DI. Pour un
Etat donné, le DI consiste uniquement dans l’ensemble des engagements qui le lient à d’autres
Etats pareillement engagés vis à vis de lui. Il n’y a pas de loi internationale, qui
ordonnancerait l’ensemble du DI, qui lui donne une cohérence globale, mais plusieurs
systèmes partiels, qui se recoupent entre eux.
9
iii) iii) subjective, ne s’exerçant qu’en fonction de la perception par chaque Etat de ses
intérêts.
Deux enseignements, sur le plan organique : absence de clôture stricte entre formation du
droit international et réalisation de celui-ci. Les Etats, qui cumulent les positions de coauteurs
et d’assujettis, sont aussi en charge des fonctions d’administrateurs. Il y a une superposition
des rôles, lorsque l’Etat prend une décision, il le fait sur ces trois plans.
Deuxièmement, les énoncés internationaux étant pour la plupart de nature supplétive, les Etats
ont la possibilité de déroger à la norme, elle n’est pas impérative, mais ils encourent un
régime de responsabilité en cas de violation du DI. La décentralisation de leur exécution entre
Etats est un terrain d’exercice de leur aptitude à déroger entre eux au droit qu’ils ont créé –
absence de droit objectif au sens d’incontestable : la négociation est perpétuelle. Les Etats
peuvent se mettre d’accord pour déroger à la norme, ou même conclure un autre traité.
Cependant, d’autres normes sont impératives, et les accords entre Etats sur le sujet vont être
considérés nuls.
b) Régime d’exception
Il y a parfois l’intervention de tiers pour contrôler l’exécution, des mécanismes de contrôle
non contentieux mais limités par leurs domaines comme leurs effets, ou mécanismes
d’« administration internationale » des engagements internationaux :
- Dans le contexte des organisations internationales intergouvernementales personnifiées
(PM) – exemple de l’ONU, chargée de contrôler, à travers le Conseil de sécurité, la façon
dont les Etats respectent les limitations au recours à la force armée.
- Dans le contexte d’organes conventionnels non personnifiés (Conférence des Etats
parties), ayant pour fonction de surveiller l’application du traité qui les institue (réunion 1
fois par an en général) – Conférence des Etats parties de l’OIAC qui supervise l’application
de la Convention sur les armes chimiques ; COP, Conférence des Etats parties de la
Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992.
L’exécution étatique est exercée sous le contrôle de l’organe collectif, qui joue comme
administrateur du traité. Ces mécanismes prennent une certaine ampleur mais n’interviennent
que dans des secteurs limites et ont des effets limités, sans pouvoir décisionnaire.
2. Contrôle contentieux facultatif
L’Etat a le pouvoir de juger et va réparer ce pouvoir verticalement entre ses différents
organes, et cela s’impose aux parties. Si une des parties au litige décide d’entamer une action,
l’autre n’a pas le choix. C’est le caractère obligatoire de la juridiction, et l’Etat a donc le
pouvoir de dire ce qu’est la légalité, à travers ses tribunaux. Absence dans l’ordre
10
international d’une entité qui serait titulaire, à l’image de l’Etat dans son propre ordre
juridique, d’un pouvoir général de juger les litiges :
Par leur action conjointe, les Etats distribuent le pouvoir international de juger entre des
tribunaux créés par accord. Ces tribunaux ou arbitres ne sont pas les organes d’une personne
publique. Ils trouvent le fondement de leur existence dans l’accord des Etats → caractère
horizontal de l’organisation juridictionnelle internationale.
Dans le contentieux entre Etats, la juridiction des tribunaux internationaux est facultative :
pour qu’elle puisse trancher au fond, il faut que les deux Etats aient consenti en amont, elle
procède du consentement des Etats. La seule obligation est une exigence minimale de
négocier sur l’objet du différend et ne pas tenter de le régler par la force. Ils n’ont pas
d’obligation de régler leurs différends. Le DI leur ouvre un ensemble de moyens de
règlement, de techniques diplomatiques et possiblement d’appel au juge. Le mode judiciaire a
un caractère marginal, peu utilisé par les Etats, notamment dans les délimitations terrestres ou
maritimes, quand la négociation échoue. Quand il y a un jugement, l’affaire est consultable,
mais les accords restent officieux, restent dans la sphère diplomatique.
Cependant, dans quelques domaines du droit international, des mécanismes de juridiction
obligatoire ont été institués :
– Droit de l’Union européenne : centralisation de l’interprétation du droit de l’Union et du
contrôle de son application aux mains d’une juridiction unique, dépouillant les Etats membres
de leur liberté d’appréciation et d’exécution.
– Dans les rapports interétatiques, aucun mécanisme systématique de juridiction n’est
obligatoire, excepté dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce qui instaure un
système renforcé, sorte de juridiction, de garantie du respect de leurs obligations par les Etats
membres.
– Développement de mécanismes renforcés de contrôle juridictionnel dans le cadre
transnational (Etats /personnes privées) :
i) Dans le domaine de la protection régionale des droits de l’homme avec la Cour
européenne des droits de l’homme (dans le cadre du Conseil de l’Europe à
Strasbourg et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, dans le cadre de
l’Organisation des Etats américains au Costa Rica), ouvertes aux Etats comme
aux particuliers en cas de méconnaissance des droits qu’il tire des conventions ;
ii) ii) dans le domaine de la protection des investissements étrangers où prolifèrent
des mécanismes juridictionnels pour régler les litiges entre investisseurs étrangers
11
et Etats (not., dispositif d’arbitrage CIRDI institué par la convention de
Washington de 1965) ;
iii) iii) dans le champ du droit pénal international : mise en œuvre de la responsabilité
internationale pénale des individus pour les crimes internationaux qui leur sont
imputables dans le cadre institutionnel de la CPI, dont la juridiction s’impose aux
particuliers.
L’Etat qui consent en amont à ces mécanismes obligatoires renonce à son pouvoir unilatéral
d’interprétation, d’exécution, de gestion des différends liés à la convention. Ces juridictions
ont le monopole pour dire le droit et développent une véritable jurisprudence. Aujourd'hui,
certains Etats (Russie ex) contestent ce développement des juridictions et affirment qu’ils
n’ont pas consenti à une telle évolution.
12
mécanisme dit des « contre-mesures » qui correspond au droit commun de l’exécution dans
l’ordre international.
—> Difficulté, voir impossibilité structurelle de mettre en place un ordre public international.
§3 Une logique en évolution
Jusqu’il y a 30 ans, le DI pouvait être complètement confondu avec le droit interétatique. Il y
a une frontière entre droit international et interne qui s’est estompée, d’abord car le droit
internat avance dans la sphère interne, et un mouvement de recul du droit international dans
un monde globalisé. Au départ, nous avions un droit qui avait uniquement pour but d’encadrer
les relations internationales. Or, aujourd’hui le droit international des droits de l’homme
pénètre au cœur des souverainetés étatiques et impose aux Etats des normes de conduite à
l’égard de leurs ressortissants sous peine de saisine des différents organes et juridictions
internationales pour violation des droits reconnus par les textes instituant ces mécanismes de
contrôle.
13
Première Partie : L’hétérogénéité de la société internationale contemporaine :
Cette hétérogénéité (qui signifie l’existence d’éléments ou d’entités de nature différente) est
perceptible du point de vue des acteurs internationaux (Section I) et des rapports
internationaux (Section II).
On ne va pas étudier les sujets mais les acteurs parce qu’il y a des acteurs qui ne sont pas
sujets et des sujets qui ne sont pas acteurs.
Les acteurs qui ne sont pas encore sujets (c’est-à-dire ayant des droits et des obligations
trouvant leur source dans le droit international) : les sociétés transnationales et les
organisations non gouvernementales (STN et ONG).
L’individu est bien sujet mais il n’est pas encore un acteur. Les individus n’agissent qu’en
tant que représentants d’Etats. Les entités qui ont un effet sur les relations internationales sont
toujours et principalement les Etats, ensuite viennent les peuples (minorités, ethnies).
A/ Les Etats :
1) La multiplication :
Si on entend par Etat un territoire, une population et un pouvoir, force est de constater que le
phénomène n’est pas nouveau. A partir de 1917, ce qui est nouveau c’est l’accroissement
quantitatif et une diversification qualitative des entités étatiques. D’abord, les Etats se sont
multipliés : la société internationale aujourd’hui n’est plus constituée par les seuls Etats
occidentaux. Elle est aujourd’hui mondiale. La distinction entre Etats civilisés, semi civilisés
et non civilisés n’existe plus. Partout, il n’y a que des Etats. On a vu, d’abord, apparaître des
puissances non occidentales : le Japon d’abord, l’Union Soviétique, la Chine.
Le deuxième événement c’est la décolonisation qui a créé sur la scène internationale une
multitude d’Etats nouveaux.
14
La troisième cause c’est l’éclatement des Etats qui se multiplient par division c’est le cas de
l’ex-Union soviétique, de l’ex-Yougoslavie et de l’ex-Tchécoslovaquie.
2) La diversification :
Malgré cette diversité, ce qu’on constate c’est une tendance à l’hégémonie de l’idéologie
libérale parce que même des Etats qui ont officiellement une idéologie religieuse organisent
leur système juridique et politique sur la base des concepts libéraux. Cette hégémonie évolue
à l’échelle internationale.
b-Hétérogénéité culturelle :
Le monde aujourd’hui peut être partagé, classé en différentes aires culturelles. De plus en plus
il y a une configuration culturelle du monde. Il y a évidemment la culture occidentale qui
couvre l’Europe, le continent américain, l’Australie. Il y a ensuite une culture arabo-
musulmane. Il y a en troisième lieu la culture négro-africaine (expression employée par NS.
Senghor) : culture africaine subsaharienne. Il y a aussi la culture hindou (Inde, Sri Lanka,
Birmanie, Bengladesh). Il y a enfin la culture chinoise qui couvre la Chine, le Japon.
c-Une grande hétérogénéité économique : Il y a des Etats pauvres et des Etats riches. On
peut ajouter une autre distinction : les Etats sui se sont intégrés dans la mondialisation et ceux
qui sont encore en dehors du système mondial, càd dont l’économie n’est pas encore une
économie extravertie, qui ne se fonde pas sur l’exportation, sur le commerce international, qui
n’est pas tournée vers l’extérieur,…
15
Les puissances nucléaires : les Etats qui disposent officiellement ou officieusement de l’arme
nucléaire. A ces Etats, on peut assimiler les Etats qui disposent des 2 autres armes de
destruction massives càd les armes chimiques et les armes bactériologiques
e-Hétérogénéité du point de vue démographique : il y a des Etats très peuplés (La Chine,
l’Inde) et il y a des Etats où le taux de croissance est négatif (exp : les pays nordiques)
B/ Les peuples :
Un Etat c’est une population qui se définit par un territoire et qui accepte le pouvoir d’un
gouvernement, ce pouvoir lui semble légitime. Du point de vue du gouvernement, il faut qu’il
exerce un pouvoir effectif sur une population dans les limites d’un territoire. L’Etat c’est une
synthèse de 3 éléments (définition, acceptation, effectivité) qui coexistent en harmonie. Or, il
arrive que pour une raison ou une autre, cette synthèse éclate et cette harmonie se brise.
Dans les deux cas, la synthèse est remise en cause. La population est passive, elle se définit
par un territoire et accepte un gouvernement. Mais le jour où elle sort de sa passivité et remet
en cause une légitimité et une définition territoriale, elle se transforme en un peuple : un
peuple, c’est une population active. Le peuple agit toujours par la violence et pour cela, le
peuple est un élément de déstabilisation non seulement des Etats mais aussi des relations
internationales. Un peuple n’agit que pour détruire une synthèse dont il ne veut pas, mais il
détruit une synthèse pour annoncer une autre c’est-à-dire un nouvel Etat où il y a une
population qui accepte le pouvoir et se définit par un territoire. Pour cette raison, le peuple
n’apparait que de manière transitoire limitée dans le temps. Il reprend par la suite sa passivité.
16
De tous les temps, les peuples ont agi mais ce n’est que très récemment qu’ils ont été
reconnus comme titulaires de droits : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Selon plusieurs auteurs, la notion de groupe de sociétés, assez marginalisée par les définitions
économiques, est le critère principal de la définition juridique des sociétés transnationales.
L’existence d’une stratégie économique commune liant les sociétés membres à la société
mère en est le critère subsidiaire. Cette méthode a été initiée par B. Goldman qui a défini la
société transnationale en tant qu’un « ensemble de sociétés juridiquement distinctes se
rattachant à plusieurs pays, qui forment une entreprise économiquement unique ou à tout le
moins fortement coordonnée, exerçant une activité internationale sous la direction d’une
société mère »14.
Charles Leben reprend ce mode de définition marqué par l’imprécision de la nature juridique
du lien entre la société-mère et les sociétés membres. Une société transnationale est en fait
« constituée par un groupe d’entreprises (au plan juridique) privées reliées (entre elles) par
certains liens juridiques, obéissant à une stratégie commune et réparties dans des territoires
soumis à des souverainetés étatiques différentes. L’expression entreprise multinationale peut
désigner dans le langage courant soit le groupe multinational d’entreprises soit l’entreprise
chef de file »15. Chacune d’elles constitue la société transnationale et est soumise au droit
commun du pays auquel elle appartient.
13
TOURME-JOUANNET (Emmanuelle), Le droit international, Paris, P.U.F., 2013, citée par MOUCHARD
(Emilie), sqdi.org/up-content/uploads/27-2-2014-Mouchard.pdf, Revue québécoise de droit international, n°27-
2, 2014
14
GOLDMAN (B.), Cours de Droit du commerce international, Les cours de droit, Paris, 1972-1973, p. 102.
15
LEBEN (Ch.), « Problème de définition juridique », in Goldman (B.) et Francescakis (Ph.) dir., L’entreprise
multinationale face au droit, Litec, 1977, p. 67.
17
La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), dans le
World Investment Report (WIR), donne la définition suivante des entreprises
multinationales : « Les sociétés transnationales (STN) sont des entreprises enregistrées ou
non comprenant les sociétés mères et leurs filiales étrangères. Une entreprise mère est définie
comme une entreprise qui contrôle les actifs d’autres entités dans d’autres pays que son pays
d’origine, généralement en détenant une participation dans le capital. Une participation de
10% ou plus des actions ordinaires ou des votes à l’assemblée des actionnaires pour une
firme enregistrée, ou son équivalent pour une compagnie non enregistrée, est normalement
considéré comme le seuil pour en contrôler les actifs16. Une filiale étrangère est une
entreprise enregistrée ou non à laquelle un investisseur, qui réside dans un autre pays, détient
une participation qui lui permet de jouer un rôle durable dans la gestion de cette entreprise
(c’est-à-dire au moins 10% pour une firme enregistrée, ou son équivalent pour une entreprise
non enregistrée) »17.
Dans le code de conduite sur les transnationales de la CNUCED de 1996, on peut lire : « Le
terme de « sociétés transnationales » employé dans le présent Code désigne une entreprise,
comprenant des entités dans deux pays ou plus, quelle que soit la forme juridique et les
domaines de l’activité de ces entités, qui fonctionne sous un système de prise de décision,
permettant des politiques cohérentes et une stratégie commune sous l’effet d’un ou plusieurs
centres de décisions, et où les entités sont liées entre elles, par la propriété ou autrement, de
telle sorte qu’une ou plusieurs d’entre elles est en mesure d’exercer une influence notable sur
les activités des autres, et, en particulier, à partager les connaissances, les ressources et les
responsabilités avec les autres »18 .
16
Dans certains pays, on utilise d’autres seuils. Ainsi, en Grande-Bretagne, on a employé le niveau de 20%
jusqu’en 1997.
17
WIR 2009, Methodological Notes : http://bit.ly/1PT6d81
18
UNCTAD, International Investment Instruments : A Compendium, volume 1 : Multilateral Instruments, Draft
United Nations Code of Conduct on Transnational Corporations, 1996 : http://bit.ly/1HrQ9Ld
18
Les Principes directeurs s’adressent à toutes les entités que comporte l’entreprise
multinationale (sociétés mères et/ou entités locales). En fonction de la répartition effective des
responsabilités entre elles, on attend des différentes entités qu’elles coopèrent et se prêtent
concours pour faciliter l’observation des Principes directeurs »19.
Selon la définition retenue par l’Institut de droit international (IDI) en 1977, il s’agit des
entreprises formées d’un centre de décision localisé dans un pays et de centres d’activité,
dotés ou non de personnalité juridique propre, situés dans un ou plusieurs autres pays20. En
1995, l’IDI donne une définition plus précise selon laquelle la société transnationale est « un
groupe de sociétés opérant sous un régime de propriété ou de contrôle commun et dont les
membres sont constitués conformément à la loi de plus d’un Etat ». Cette définition
correspond aux trois éléments distinctifs des sociétés transnationales que sont « l’existence
d’un groupe de sociétés ou d’un ensemble sociétaire composé par la société-mère et les
sociétés membres, d’une gestion commune ou d’un régime commun liant ces différentes
entités et de localisation ou de rattachement de cet ensemble sociétaire composite à plusieurs
ordres juridiques internes »21.
Ces différentes approches expriment un malaise de la doctrine juridique face aux sociétés
transnationales qui provient non pas de l’absence de critères de définition mais de la difficulté
de transposer à l’analyse juridique l’élément central de la perception des sociétés
transnationales qui est leur unité économique. Les sociétés membres de la société
transnationale prises séparément, sans tenir compte de leurs liens avec la société mère établie
19
OCDE, Les Principes directeurs révisés de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, 27 juin 2000,
p.14 : http://bit.ly/1INTPFQ
20
Voir DAILLIER (Patrick) et autres, op.cit., p. 713.
21
SNOUSSI (Mounir), Sociétés transnationales et mondialisation juridique, Tunis, Latrach édit., 2013, p. 20.
22
OPPETIT (B.), « Les entreprises multinationales et les Etats nations », in Mélanges Bastian, droit des sociétés,
1974, pp. 161-175, p. 162.
23
DAILLIER (P.) et PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ., 2002, p. 647.
19
dans le pays d’origine, impliquent une analyse de sociétés commerciales disparates et
rattachées à divers droits internes. La société-mère prise par abstraction des rapports la liant
aux sociétés membres établies24 dans les pays d’accueil implique une analyse focalisée sur ses
seuls liens avec le pays d’origine. De tous les critères de définition proposés par la doctrine
juridique, seul le concept de société correspond à une catégorie définie en droit. L’entreprise,
le groupe de sociétés, l’unité économique et la stratégie commune demeurent des notions
juridiques en construction25.
Cette forme d’entreprises n’est pas nouvelle mais elle a pris beaucoup plus d’importance
après la chute du mur de Berlin. Avant, ces sociétés couvraient seulement le monde
occidental. Aujourd’hui, elles se trouvent dans tout le monde. De telles entreprises ne sont pas
toujours des sociétés anonymes ou des sociétés privées, il peut s’agir aussi de coopératives ou
d’entités appartenant à l’Etat26, ce que le GATT désigne par l’appellation « entreprises
commerciales d’Etat »27.
En tant que personnes morales privées, du point de vue du droit interne des Etats, ces entités
transnationales sont soumises le plus souvent au droit commun local des associations et à
celui des entreprises industrielles et commerciales. Assez rares sont les pays dont la
réglementation prévoit un régime juridique spécifique à ces entités, au-delà d’une application
du droit des associations et sociétés étrangères. Cette situation ne suffit pas à régler le
problème : les limitations territoriales de l’applicabilité du droit national ne permettent pas
d’encadrer efficacement les activités de ces personnes morales soumises à des législations
différentes. Faire abstraction de leur transnationalité, par une application simpliste du principe
de souveraineté, ne répond ni aux besoins des Etats, ni à ceux des personnes transnationales.
Seule la mise en place d’un corps de règles internationales équilibrées peut résoudre le
problème à long terme. On n’échappe pas à l’exigence d’un régime comportant à la fois des
droits pour les Etats et pour ces entités et les obligations corrélatives28. Mais la portée aussi
bien des droits que des obligations est très imparfaitement déterminée à l’heure actuelle29.
24
SNOUSSI (Mounir), Sociétés transnationales et mondialisation juridique, op.cit., 2013, p. 16.
25
Ibid., p. 17.
26
ONU, Groupe de personnalités, Effet des sociétés multinationales sur le développement et sur les relations
internationales, ST/ESA/6, 1974, p. 27.
27
Mémorandum sur l’interprétation de l’article XVII.
28
Voir par exemple les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, 2001, doc.
DAFFE/IME/WPG(2000)15/FINAL ; voir aussi Les normes sur la responsabilité des sociétés transnationales et
autres entreprises en matière droits de l’homme (élaborées par la Commission des droits de l’homme de Nations
Unies), 2003, E/CN.4/Sub.2/2003/38/Rev.2.
29
DAILLIER (P.), FORTEAU (M.) et PELLET (A.), op.cit, p. 714.
20
Les STN sont des entreprises privées qui fonctionnent par la recherche du profit. Elles ont
donc un poids économique important et entretiennent des rapports avec les pays qui diffèrent
selon qu’il s’agit d’Etats d’origine des STN ou d’Etats d’accueil.
Avec les Etats d’origine : ces Etats sont essentiellement les Etats européens, le Japon, la
Chine, les USA. En règle générale, ces rapports sont harmonieux. D’une part, l’Etat d’origine
soutient la STN. D’autre part, les STN soutiennent leurs Etats d’origine. Ce soutien peut
même aller jusqu’à servir la politique étrangère de l’Etat d’origine dans certains cas. Il y a une
harmonie entre la stratégie des STN et la politique étrangère de l’Etat d’origine (une
multinationale comme ITT (International Telephone and Telegraph Corporation) a été
impliquée dans le renversement du régime du président socialiste du Chilie Alliende, élu
démocratiquement, par un coup d’Etat du 11 septembre 1973).
Parfois, entre la STN et l’Etat d’origine il peut y avoir une sorte de conflit qui apparait
notamment à travers la délocalisation (lorsque la STN déplace son activité). Cela s’explique
par le fait que la délocalisation va provoquer dans l’Etat d’origine deux conséquences (une
perte d’emplois et une baisse des recettes de l’Etat, une diminution de ses richesses. La STN
va exporter les capitaux (c’est de l’argent qui va sortir et en plus les recettes fiscales
diminuent).
On doit d’abord rappeler que les STN investissent peu dans les pays en voie de
développement (à l’exception de l’investissement en pétrole). Elles investissent
essentiellement dans les pays développés. Autrement dit, l’économie mondiale a lieu
essentiellement dans les pays développés. A partir de là, on doit distinguer de quel Etat
d’accueil il s’agit :
Lorsque l’Etat d’accueil est un pays développé : on constate de plus en plus un mouvement de
fusion des STN et un mouvement de concentration de ces mêmes sociétés. Dans leurs rapports
avec les pays développés, il y a de moins en moins de différence entre Etat d’origine et Etat
d’accueil, parce que par le phénomène de fusion et d’acquisition l’Etat d’accueil devient en
fait un deuxième Etat d’origine.
Lorsque l’Etat d’accueil est un Etat du tiers monde : les STN dépendent très peu des marchés
que leur offrent les Etats du tiers monde, alors que ces Etats dépendent beaucoup de ces
21
sociétés. D’ailleurs, aujourd’hui, le tiers monde fait de tout son possible pour attirer ces
sociétés (avantages fiscaux, financiers,...).
Les Etats du tiers monde cherchent à travers les STN 3 choses (la création d’emploi, les
investissements, un transfert de technologie), éléments qui manquent cruellement au tiers
monde. Au contraire, les STN cherchent le profit dans leurs rapports avec les pays sous-
développés. C’est la raison pour laquelle, s’agissant du transfert de technologie ça reste
illusoire. De même, s’agissant du transfert de capitaux, toute société qui investit, dans son
contrat d’investissement, exige de rapatrier une partie des bénéfices (au bout d’un certain
temps on constate que le mouvement de capitaux ne vient pas du Nord au Sud mais va du sud
au Nord).
Le seul bénéfice des pays du tiers monde consiste dans la création d’emplois. Les STN créent
en fait de l’emploi parce que la main d’œuvre est moins chère. Elles ne créent de l’emploi que
dans la mesure où il n’est pas cher, que dans la mesure où elles exploitent. D’ailleurs, les STN
ne prennent souvent pas en considération les besoins des Etats d’accueil en matière de besoins
en développement. Il y a un conflit entre les besoins de développement et la logique de
l’investissement qui ne cherche que le profit.
Plus grave encore est la situation dans laquelle les STN interviennent dans le domaine
politique pour soutenir les régimes qui leur sont favorables et agir contre les régimes qui leur
sont défavorables ou pour entretenir l’instabilité dans certains Etats (c’est le cas de la situation
dans la région des grands lacs en Afrique afin de bénéficier de l’exploitation du diamant).
En 2007, un "noyau" de 147 multinationales contrôle 40% du chiffre d'affaires engendré par
les entreprises au niveau mondial. "En allant plus loin, cela signifie que 0,7% des entreprises
mondiales contrôle 80% des richesses". Barclays, en tête du classement, gèrerait à elle seule
4,05% du chiffre d'affaires mondial. La notion de "contrôle" peut être définie comme "la
capacité pour un actionnaire d'imposer son point de vue sur les autres actionnaires". Les
groupes en tête de classement appartiennent pour la plupart au secteur financier : la banque
britannique Barclays, le fonds d'investissement américain Capital Companies, ou la
compagnie d'assurances française Axa. Logique, dans la mesure où ces entreprises disposent
de toute la palette des instruments financiers que les investisseurs utilisent.
GAFA, cet acronyme utilisé depuis les années 2000 désigne les quatre géants du domaine de
l’internet et du numérique (Google, Apple, Facebook et Amazon). Leur poids est de plus en
plus important sur le plan international. Ainsi, la moitié de tout le commerce électronique
22
passe par Amazon. Facebook contrôle à lui seul plus des trois quarts des échanges sur les
réseaux sociaux. 80% du marché mondial des moteurs de recherche sur internet est détenu par
google. Ces différentes multinationales américaines sont soupçonnées de fraude et d’évasion
fiscale ainsi que d’atteintes et d’exploitation démesurée des données à caractère personnel.
D/ Les ONG :
Les ONG représentent une catégorie qui occupe l’espace médiatique mais dont la définition
juridique n’est pas aisée à établir. Il s’agit d’une innovation dans l’organisation de la société
internationale contemporaine : l’apparition d’un nouvel acteur30. En effet, traditionnellement,
les principaux agents d’impulsion des relations internationales sont les Etats souverains et les
organisations internationales, tandis que l’individu, timidement mais progressivement, a été
considéré comme digne d’intérêt. De leur côté, les entreprises transnationales semblent de
plus en plus à l’étroit dans le cadre national ; les Etats se trouvent face à des établissements
économiques, financiers et commerciaux dont le gigantisme est tel qu’il n’est pas possible de
les saisir dans un cadre purement national. Enfin, l’ONG a fait son entrée sur la scène et s’est
affirmée progressivement dans le domaine du droit humanitaire, de la protection et de la
promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le suivi et le soutien de la
démocratisation de la vie politique et les actions pour le développement.
Une ONG est en quelque sorte une association internationale. Elle est « une institution créée
par une initiative privée – ou mixte – à l’exclusion de tout accord intergouvernemental,
regroupant des personnes privées ou publiques, physiques ou morales, de nationalités
diverses »31. Cette association regroupe, en règle générale, en tant qu’adhérents directs des
personnes physiques et morales de nationalités différentes. Ces personnes doivent être
soumises au lien associatif sur une base purement volontaire32.
Marcel Merle définit l’ONG comme « tout groupement, association ou mouvement constitué
de façon durable par des particuliers appartenant à différents pays en vue de la poursuite
d’objectifs non lucratifs »33.
Les ONG sont, jusqu’à aujourd’hui, soumises aux législations internes des Etats qui peuvent
être de trois types :
Soit que le droit interne n’exige aucune procédure même d’information (Angleterre),
30
RANJEVA (Raymond), « Les organisations non gouvernementales et la mise en œuvre du droit
international », R.C.A.D.I., Vol. 270, 1997, p. 19.
31
DAILLIER (Patrick), FORTEAU (Mathias) et PELLET (Alain), Droit international public, Paris, LGDJ,
2009, p. 711.
32
Ibid, p. 711.
33
DAILLIER (Patrick), FORTEAU (Mathias) et PELLET (Alain), op.cit., p. 711.
23
Soit que le droit interne exige d’informer les autorités de la constitution de l’ONG, de son
règlement intérieur ou charte constitutive et de ses directeurs ; c’est le régime de la
constitution déclarative (France),
Soit enfin, que la constitution de l’ONG est rigoureusement réglementée et conditionnée
(c’est le cas de la plupart des pays arabes avec des différences de degré) (régime de
l’agrément)34.
Les ONG se distinguent par rapport aux sociétés transnationales à travers les finalités
d’organisation car, contrairement aux sociétés transnationales, les ONG ne poursuivent pas de
buts lucratifs, « leur objectif est de tenter d’influencer l’activité des autres sujets du droit
international, en principe par une action étendue à plusieurs Etats (au moins deux, selon
l’article 1er de la Convention de Strasbourg de 1986) »35. Selon l’article 1er de cette
Convention, « La présente Convention s'applique aux associations, fondations et autres
institutions privées (ci-après dénommées ONG) qui remplissent les conditions suivantes: a)
avoir un but non lucratif d'utilité internationale; b) avoir été créées par un acte relevant du
droit interne d'une Partie; c) exercer une activité effective dans au moins deux Etats; et d)
avoir leur siège statutaire sur le territoire d'une Partie et leur siège réel sur le territoire de
cette Partie ou d'une autre Partie ».
Les ONG poursuivent alors des buts non lucratifs de natures différentes. Elles « exercent une
activité utile à la communauté internationale notamment dans les domaines scientifique,
culturel, charitable, philanthropique, de la santé et de l'éducation et contribuent à la
réalisation des buts et principes de la Charte des Nations Unies et du Statut du Conseil de
l'Europe »36.
Concernant les buts poursuivis, il peut s’agir de :
Un but humanitaire (CICR, associations caritatives diverses, Amnesty international,…)
Un but religieux : églises, conseils œcuménique des églises,….)
Un but politique : fédérations socialistes, communistes, libérales)
Un but scientifique (Institut du droit international et International Law Association, dans le
domaine du droit international ; Comité maritime international, qui associe des praticiens et
des enseignants de droit maritime privé ; mouvement « Pugwash », qui a joué un certain rôle
dans la définition de la doctrine stratégique des Etats-Unis au début des années 1960)37.
34
MEKKI (Nidhal) et MAAOUIA KACEM (Sarah), « Le rôle des acteurs non étatiques dans la promotion et la
défense des droits de l’homme dans le monde arabe », in BEN ACHOUR (R.) et LAGHMANI (S.) dir., Acteurs
non étatiques et droit international, Paris, Pedone, pp. 286-287.
35
Ibid., p. 711.
36
Préambule de la Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations
internationales non-gouvernementales, Strasbourg, 24/04/1986, STCE 124.
24
Un but économique et social (fédérations syndicales, associations professionnelles)
Un but sportif (comité olympique international)
Un but écologique (Green peace)
Un objectif documentaire, etc…
Les ONG se distinguent également les unes des autres du point de vue de leur dimension
(certaines englobent des millions de membres surtout les fédérations syndicales), d’autres des
milliers c’est le cas des associations caritatives ou humanitaires, mais la plupart comptent des
centaines ou des dizaines). Elle se distinguent également du point de vue de leur organisation
interne et surtout du point de vue de leur impact sur les relations internationales.
Certaines ONG tablent sur un appui ouvert de l’opinion publique à leurs démarches, d’autres
préfèrent des initiatives plus discrètes pour conserver la sympathie des gouvernements.
Certaines ONG sont en mesure de négocier avec les gouvernements, d’autres font figure de
véritables services publics internationaux : le Comité international de la Croix rouge,
réunissant ces deux caractéristiques, s’est vu confier des responsabilités étendues par les
conventions humanitaires de Genève de 1949 et leurs protocoles de 1977 ; de façon plus
pragmatique, le Conseil de sécurité de l’ONU leur a reconnu un rôle privilégié dans
l’exécution des mesures humanitaires dérogeant aux embargos imposés à l’Irak après
l’invasion du Koweït (résolution 666 (1990) et suivantes) ou dans la recherche d’informations
concernant la violation du droit humanitaire dans l’ex-Yougoslavie (résolution 771 (1992)).
37
Le mouvement Pugwash (ou conférences Pugwash sur la science et les problèmes internationaux) désigne
« une série de rencontres internationales au cours desquelles des scientifiques débattent des dangers nucléaires et
de la sécurité mondiale. La première conférence eut lieu en juillet 1957 dans la propriété du philanthrope
américain Cyrus Eaton, située dans le village de Pugwash (Nouvelle-Écosse, Canada), en réponse à l'appel lancé
par Bertrand Russell, Albert Einstein, Frédéric Joliot-Curie et d'autres scientifiques de renom. Par la suite, une
telle réunion se déroulera tous les ans, dans divers pays, notamment en U.R.S.S., au Royaume-Uni, en
Yougoslavie, en Inde, en Tchécoslovaquie, en Roumanie, en Suède et aux États-Unis. L'objectif principal du
mouvement Pugwash est de rassembler les meilleurs scientifiques de multiples pays afin de
discuter du désarmement et de la limitation de la course à l'armement. Durant la guerre froide, ses conférences
représentaient l'une des rares occasions de communication ouverte entre les États-Unis et l'Union soviétique. Ce
mouvement a également pour but d'examiner la responsabilité sociale des scientifiques au sujet de problèmes
internationaux tels que le développement économique, la croissance démographique et la dégradation de
l'environnement. Les conférences sont organisées par le mouvement Pugwash, fédération de groupes nationaux
placée sous la direction d'un président, d'un secrétaire général et d'un conseil élu dont le siège se trouve à
Londres. Depuis sa fondation, le mouvement Pugwash a publié un grand nombre de rapports sur la question du
contrôle des armes et du désarmement. Ces documents ont probablement contribué à ouvrir la voie aux grands
traités internationaux limitant le développement des armes nucléaires et leurs essais. En 1995, le prix Nobel de
la paix fut décerné au mouvement Pugwash et à Joseph Rotblat – membre fondateur qui en fut le secrétaire
général de 1957 à 1973, puis le président de 1988 à 1997 »,
https://www.universalis.fr/encyclopedie/mouvement-pugwash/
25
D’autres ONG se transforment en organisations inter gouvernementales (OIPC devenue
Interpol, UIOOT devenue OMT (Organisation mondiale du tourisme)38. L’article 3 du Statut
de l’Organisation mondiale du tourisme, relatif aux buts de l’organisation précise que :
« 1. L'objectif fondamental de l'Organisation est de promouvoir et de développer le tourisme
en vue de contribuer à l'expansion économique, à la compréhension internationale, à la paix, à
la prospérité ainsi qu'au respect universel et à l'observation des droits et des libertés humaines
fondamentales sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion. L'Organisation
prendra toutes les mesures nécessaires en vue d'atteindre cet objectif. 2. Dans la poursuite de
cet objectif, l'Organisation prêtera une attention particulière aux intérêts des pays en voie de
développement dans le domaine du tourisme. 3. Afin d'affirmer le rôle central qu'elle est
appelée à jouer dans le domaine du tourisme, l'Organisation établira et maintiendra une
coopération efficace avec les organes compétents des Nations Unies et ses institutions
spécialisées. A cet effet, l'Organisation cherchera à établir des rapports de coopération et de
participation avec le Programme des Nations Unies pour le développement, en tant
qu'organisation participante et chargée de l'exécution du Programme ».
La plus grande partie de ces organisations ont leur siège et la base principale de leurs activités
en Europe et aux Etats-Unis. On peut prendre les exemples suivants :
Action contre la faim (ACF) : le siège principal est à Paris
Care International : le Secrétariat est situé à Genève, mais il existe une volonté de le
délocaliser dans un pays en développement
Green peace : depuis 1989, l’organisation a son siège basé à Amsterdam (Pays-Bas) d’où
sont définis et coordonnés les campagnes de l’ONG
Handicap International : siège principal à Lyon
Human Rights Watch : tout le réseau est piloté depuis New York
Médecins du Monde : le siège principal, tout comme la direction du réseau sont à Paris
Médecins sans frontières : le siège du mouvement international se trouve à Genève
Oxfam International : le Secrétariat international d’Oxfam est situé à Oxford (Grande-
Bretagne)
Reporters sans frontières : a déménagé son siège de Montpellier à Paris en 1994.
Save the Children : le Secrétariat est à Londres
38
Article 1er des Statuts de l’Organisation mondiale du tourisme, « L'Organisation mondiale du tourisme,
dénommée « l'Organisation » dans les articles suivants, est créée en tant qu'organisation internationale de
caractère intergouvernemental résultant de la transformation de l'Union internationale des organismes officiels
de tourisme (UIOOT) », qui était lui une ONG.
26
WWF (World Wild Fund for nature) : le siège a été d’abord installé à Morges (Suisse)
ensuite, depuis 1979, à Gland (Suisse) sur les rives du Lac Léman à mi-chemin entre Genève
et Lausanne.
Les exemples cités d’ONG les plus connues au monde montrent que le Tiers monde reste
encore mal représenté dans ce type d’institutions.
Dans le monde arabe, on peut faire la distinction entre deux types d’ONG :
D’une part, les ONG de proximité ou de service qui sont plutôt des associations d’entraide
offrant des services vitaux dans différents domaines comme l’action humanitaire, l’aide
sociale ou socio-économique et le secours aux plus démunis. Elles sont considérées comme
très proches des pouvoirs publics qui se situent à la lisière des appareils administratifs et
animées par des personnes liées au pouvoir.
D’autre part, les ONG qui œuvrent dans le domaine des droits de l’homme qu’on appelle
aussi ONG militantes parce qu’elles sont l’acteur qui agit le plus en matière de droits de
l’homme, et qui parvient, tant bien que mal, par différents chemins à infléchir l’attitude rigide
des gouvernements39. Le mouvement arabe des droits de l’homme a connu ses premiers
balbutiements avec la Ligue tunisienne des droits de l’homme créée en 1977 qui a
certainement donné de l’impulsion à la constitution d’autres ONG notamment l’Organisation
arabe des droits de l’homme instituée en 1983. Les Etats arabes posent les restrictions légales
et pratiques les plus sévères à la Constitution d’ONG. Ceci explique que le phénomène
associatif, dans le monde arabe, demeure, malgré un certain développement, réduit.
La diversité de ces accusations, l’embarras des gouvernements à leur égard expliquent que ces
derniers désirent leur fixer un cadre juridique international mais aussi qu’ils s’en tiennent à un
régime très partiel et hétérogène. Le seul texte de principe est la Convention de Strasbourg de
1986 sur la reconnaissance de la personnalité juridique de ces organisations, à l’initiative du
Conseil de l’Europe : elle s’en tient à généraliser à tous les Etats parties la reconnaissance et
la capacité juridique obtenues dans l’Etat du siège statutaire de l’ONG considérée, sans
écarter pour autant les restrictions propres à l’« intérêt public éventuel » de chaque Etat
concerné. Malgré son objet limité, elle n’a été ratifiée que par peu d’Etats.
Il est encore très exceptionnel que les Etats acceptent d’associer des ONG à leur activité
normative sur un pied d’égalité au sein d’une organisation internationale (exception l’OIT où
sont représentés des syndicats nationaux et non pas transnationaux ; l’Institut international
pour la démocratie et l’assistance électorale où les ONG peuvent également y devenir
39
MEKKI (Nidhal) et MAAOUIA KACEM (Sarah), article précité, in BEN ACHOUR (R.) et LAGHMANI (S.)
dir., Actuers non étatiques et droit international,..., p. 286.
27
membres associés de l’organisation et être représentés au sein du Conseil au même titre que
les Etats et organisations internationales ; au sein de l’OMT, les ONG bénéficient (comme les
entreprises touristiques) d’un statut de membres affiliés qui ne leur confère que des droits
assez limités).
En principe, les accords conclus par des ONG avec des Etats ne sont pas des traités ; seul le
CICR a pu conclure un accord avec l’Etat hôte de son siège qui peut être assimilé à un accord
international40.
Malgré les appels en faveur d’un statut international qui garantirait aux ONG un traitement
minimum (résolutions de l’IDI de 1923 et de 1950), aucune convention internationale ne
réglemente globalement leurs activités, aucune n’impose une limitation sérieuse aux actions
de l’Etat à leur égard. Leur personnalité juridique est dérivée, fonctionnelle et relative. Par
voie de conséquence, les capacités juridiques qu’on peut en déduire, la gamme des droits et
obligations impliqués sont beaucoup plus variables que pour les entreprises transnationales.
Cela n’exclut certes pas un rôle significatif dans les relations internationales ; mais il faut
reconnaître que ces organisations sont plus adaptées à une participation à l’élaboration des
normes internationales qu’à leur application et à leur contrôle juridictionnel.
Les ONG, comme acteurs non étatiques, élaborent, par ailleurs, en toute autonomie des
normes transnationales ayant pour objet soit l’autorégulation soit la régulation. On peut citer à
cet égard l’IFCO (International Committee on Fundraising Organization) créé en 1958 qui a
établi cinq principes de base pour les ONG qui font appel à la générosité du public. Ces
principes sont relatifs à « la gouvernance des ONG, au contrôle des moyens mis en œuvre
pour remplir les missions sociales des ONG, au contrôle public des comptes, managements et
rapports financiers, aux pratiques concernant la collecte de fonds et à l’information du
public »41.
On peut citer également la déclaration faite à Helsinki en 1964 par l’Association médicale
mondiale (AMM) qui sera reprise par la déclaration de Manille approuvée par le Conseil des
organisations internationales des sciences médicales (CIOMS) et par l’OMS en 1981. On peut
enfin citer l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers42 qui administre les
systèmes de nom de domaine et que le Sommet mondial de la société de l’information qui
s’est tenu à Tunis en novembre 2005 n’a pas pu remettre en cause. Ce pouvoir
40
Ibid., p. 712.
41
LAGHMANI (S.), « Rapport introductif », in BEN ACHOUR (R.) et LAGHMANI (S.) dir., Acteurs non
étatiques et droit international, Paris, Pedone, p. 14.
42
Il s’agit d’une association de droit américain et ce sont, évidemment, les Etats-Unis qui se sont opposés à toute
proposition d’internationalisation de l’administration des noms de domaine.
28
d’autorégulation et de régulation est sans doute le plus perturbateur de l’ordre juridique
international si l’on conçoit celui-ci comme le droit des relations internationales43.
Une observation rapide du phénomène ONG nous amène à faire la double constatation
suivante.
En premier lieu, à la différence des Etats, des organisations internationales ou des entreprises
transnationales, les fonctions des ONG ne peuvent être envisagées de manière homogène.
L’Etat a pour fonction essentielle la promotion et la protection de l’intérêt général, du bien
commun tel que se le représente la collectivité ; l’organisation internationale, de son côté, a
pour mission d’accomplir les fonctions que lui ont assignées les fondateurs, tandis que
l’entreprise transnationale recherche le profit, la puissance dans les relations aussi bien avec
ses concurrents qu’avec les Etats titulaires de la souveraineté. Au contraire, en dehors du
caractère non lucratif, les ONG n’ont pas de fonction type ; à l’intérieur des catégories
énoncées par la Banque mondiale (problèmes de développement et mise en place de
l’infrastructure ; support de l’innovation, administration et popularisation des projets
pilotes ; gestion de la communication sociale ; assistance technique et formation ; problèmes
de recherche, de suivi et d’évaluation de projets ; promotion et défense des pauvres), elles
sont généralement spécialisées dans un domaine particulier qui peut être vaste ou étroit. Il en
résulte une diversité extrême, certaines pouvant atteindre les dimensions et la stature d’une
organisation internationale comme le Comité international olympique.
En second lieu, les ONG présentent trois traits communs qui assurent une unité dans la
diversité. Par opposition aux organisations intergouvernementales, elles sont d’initiative
privée ou non publique, la participation à leurs activités est basée sur le bénévolat et le
volontariat. En outre, les ONG ne poursuivent pas des buts lucratifs, elles se distinguent alors
des entreprises commerciales, multinationales ou transnationales44.
Enfin, elles sont initialement créées dans le cadre d’une législation nationale particulière et
soumises aux règles régissant les personnes morales de droit privé du lieu de leur création45.
La notion conceptuelle de l’ONG se rattache à la théorie des sujets de droit et sa consécration
est de nature à remettre en cause les bases mêmes de l’ordre juridique international46. C’est
43
LAGHMANI (S.), article précité, p. 14.
44
Raymond RANJEVA, cours précité, p. 20.
45
Idid., p. 21.
46
En premier lieu, l’Etat-nation, investi de la souveraineté, représente le principal centre d’intérêt et d’impulsion
de l’ordre instauré depuis la paix de Westphalie de 1648. Il s’agit d’une valeur sûre en droit international, le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes est interprété comme un titre d’accession d’une collectivité au statut d’Etat ;
l’organisation internationale elle-même est analysée en termes de centre d’impulsion et d’action par application
d’une répartition de compétences entre les Etats et l’organisation ; enfin, c’est en relation avec les droits de l’Etat
que se pose le problème de l’accès immédiat de l’individu à la sphère du droit international.
29
par rapport aux relations entretenues avec principalement l’Etat et les autres sujets que sont
l’organisation internationale et, par certains aspects, l’individu, que peut être défini le statut
juridique international de l’ONG. Historiquement, les rapports avec les autres acteurs de la vie
internationale n’ont pas été exempts d’ambiguïtés : la gamme va de la subordination à la
compétition en passant par le partenariat ou la coopération.
30
développement de la technologie a rétréci le monde parce que les nouvelles technologies
abolissent deux anciennes limites que l’homme a toujours connu : le temps et l’espace.
Le concours de ces deux phénomènes fait que d’un seul coup, on a eu une conscience
nouvelle que le monde est fini dans le sens où il est rétréci. Un troisième fait va donner un
autre sens : l’équilibre écologique de la planète : là aussi les avancées de la science ont montré
que la nature ignore les dimensions. Il y a eu une prise de conscience de la nature mondiale
des questions liées à l’environnement, les risques ne sont plus régionaux mais surtout
mondiaux.
La mondialisation est la conjonction de ces 3 faits
2ème sens : ce qui est implicite c’est que la mondialisation est conçue souvent comme une
idéologie. On présente la mondialisation comme un progrès de l’histoire et non seulement
comme un développement historique. La mondialisation est liée au sens de l’humanité c’est-à-
dire qu’on laisse entendre que la mondialisation permettrait de dépasser les égoïsmes
nationaux, d’atteindre la définition de l’homme simplement comme être humain et que tout ce
système n’est possible que grâce au libéralisme entendu comme un système qui nécessite un
« minimum d’Etat » (c’est-à-dire un Etat non-interventionniste).
La mondialisation comme fait détermine deux types de relations :
Coopération entre les Etats
Contradiction entre les Etats
1) Mondialisation et coopération :
Dès le début du 20ème siècle, il y avait une prise de conscience des limites du monde : du point
de vue géographique, il n’y a plus rien à découvrir, on connait également ses limites en
matière de ressources et cela va imposer des solidarités en matière de gestion des ressources et
de gestion de l’environnement
Certains phénomènes dépassent les limites des Etats et sont de plus en importants (les
échanges économiques, l’information, les transports, les problèmes liés à la santé, les
catastrophes naturelles, la criminalité). L’ensemble de ces phénomènes liés à la
mondialisation imposent aux Etats de réagir ensemble, leur solidarité étant dictée par la
nécessité.
Toutefois, on remarque que la coopération est restée une coopération minimum dictée par la
nécessité et l’angoisse des grandes menaces et cela prouve le poids des grandes
contradictions.
31
a-La contradiction idéologique : elle apparait en 1917 et reste dominante jusqu’à 1985. En
vertu de cette contradiction, le monde surtout après la 2ème GM était divisé d’une manière
verticale. La ligne la plus importante de la division du monde traversait l’Europe du Nord au
Sud c’est-à-dire la division de l’Allemagne entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de
l’ouest. Le monde occidental était organisé militairement par l’OTAN et économiquement par
l’OCDE et la CEE alors que le monde communiste était organisé par le Pacte de Varsovie et
le Comecon.
Le principe des rapports entre le monde de l’Est et le monde de l’Ouest c’était « l’équilibre de
la terreur » (chacun des deux blocs dispose des moyens militaires de détruire l’autre même s’il
est attaqué en premier, c’est la politique de dissuasion nucléaire).
C’est grâce à cet équilibre, à la dissuasion nucléaire que pendant 40 ans malgré toutes les
crises (exp : crise des missiles de Cuba) qu’il n’y a pas eu d’emploi de l’arme nucléaire.
Le monde jusqu’en 1985 était commandé par l’équilibre de la terreur (dissuasion nucléaire).
Le résultat c’est que les conflits n’ont jamais eu lieu dans les zones stratégiques (continent
américain, Europe) mais plutôt sur le continent africain et en Asie où les 2 superpuissances
entraient en conflit non pas directement mais par Etats interposés.
En 1985, arrive au pouvoir en Union soviétique une personne qui devrait sauver le
communisme mais qui va en fait l’enterrer, c’est Gorbatchev qui va lancer 2 mots d’ordre : la
pérestroïka et la glasnost (restructuration et transparence). Cette politique va mener à la
dissolution de l’Union soviétique, à l’abrogation du Pacte de Varsovie, à la réunification de
l’Allemagne, en un mot la fin du clivage Est-Ouest.
La contradiction idéologique existe encore, mais elle a perdu son caractère dominant.
b-Contradiction économique :
Cette contradiction est horizontale (entre Nord et Sud), entre pays riches et pays pauvres (tiers
monde, pays sous-développés, en développement). Cette contradiction est passée par trois
étapes :
*1ère étape : la revendication d’un droit au développement : elle coïncide avec les années 60 et
commence dès 1961 date à laquelle l’Assemblée générale adopte la résolution 1710 (XVI) du
19/12/1961 intitulée « 1ère décennie pour le développement ». Cette résolution s’était fixée
pour but 5% de croissance pour les pays en voie de développement à la fin des années 60. Ce
32
but ne sera pas atteint, mais dès 1961, la question du développement devient une
préoccupation de l’Assemblée générale. Les Etats notamment nouveaux demandent un appui
international à leurs efforts de développement (création au sein de l’AGNU d’un groupe qui
réunit les pays en développement ; création d’un organe dont l’unique préoccupation est le
développement nommé Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement
(CNUCED).
A la fin des années 60, on constate que le taux de croissance des pays en voie de
développement a atteint 4% au lieu de 5% mais à la fin des années 60, la dette des PVD s’est
elle aussi multipliée par 4, ce qui signifie que la croissance va servir à payer les dettes.
Au début des années 70, on considérait que les règles des relations économiques
internationales et leurs principes étaient le plus grand obstacle au développement. Ces règles
pour l’essentiel étaient des règles libérales (réciprocité, principe des droits acquis qui
interdisait la nationalisation,…). Il suffit donc pour assurer le développement de modifier ces
règles pour instituer « un nouvel ordre économique international » qui soit favorable aux pays
en voie de développement.
Fort de leur poids au sein de l’AGNU où il constituent désormais une majorité automatique
(du temps de la paralysie du Conseil de sécurité au temps de la bipolarisation), les PVD vont
adopter des résolutions qui concrétisent la revendication des pays en voie de développement
d’un nouvel ordre économique international (Résolution 3201 du 1er mai 1974 intitulée
« Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international ;
Résolution 3202 du 1er mai 1974 intitulée « Programme d’action concernant l’instauration
d’un nouvel ordre économique international ; Résolution 3281 du 12/12/1974 intitulée
« Charte des droits et des devoirs économiques des Etats »). Ces 3 résolutions résument la
doctrine tiers-mondiste d’un développement par le droit. Le droit qui va permettre le
développement se fonde sur un certain nombre de principes :
La souveraineté permanente sur les richesses et les ressources naturelles et économiques, cette
souveraineté permanente permet à l’Etat de nationaliser. Elle va être le fondement juridique
du droit de nationalisation. Par conséquent, le principe des droits acquis va être dépassé.
33
En matière politique la réciprocité est nécessaire, mais en matière économique elle est injuste
et donc il faut établir le principe de non-réciprocité c’est-à-dire l’inégalité au profit du tiers
monde ou le principe de l’inégalité compensatrice.
Il faut garantir la stabilité des prix concernant l’exportation des matières premières du tiers
monde
Fin des années 70, c’était de nouveau un constat d’échec. Cette décennie était bâtie sur une
illusion : il suffit de changer les règles pour changer la réalité. C’était une illusion pour deux
raisons :
2ème raison : on a surestimé l’importance de l’Assemblée générale : les Etats du tiers monde
comme ils étaient en mesure de dominer l’AGNU croyaient par-là dominer les relations
internationales et c’était là une grande confusion parce que l’AG avait seulement un pouvoir
de recommandation et non de décision et donc les règles qu’elle adopte ne sont pas
obligatoires.
3) La désillusion
Dès les années 80, on constate que non seulement la pauvreté n’a pas diminué mais elle s’est
aggravée (le Mexique va déclarer faillite en 1982). Le problème n’est plus de se développer
mais de payer ses dettes. Durant les années 80, on constate une chose de pire que la
désillusion c’est l’absence d’alternative (échec des alternatives adoptés jusqu’alors par les
PVD c’est-à-dire ou bien le socialisme ou bien l’autarcie).
C/ La contradiction culturelle :
Nous allons prendre culture dans le sens large du terme c’est-à-dire le sens des éléments qui
constituent l’identité d’un groupe : la religion, la langue, l’histoire, la nationalité, …Prendre
culture pratiquement dans le sens d’identité. Effectivement, à partir des années 80 on constate
aussi bien sur le plan interne qu’international, les conflits, les oppositions se cristallisent ou
s’expriment sur un mode culturel (les oppositions existent déjà ce qui est nouveau c’est la
manière de les exprimer) :
34
Sur le plan interne par exemple la question de l’immigration, entre les années 70 et 80, il y a
eu une évolution de la manière avec laquelle le problème est posé. Dans les années 70, le
problème de l’immigration était essentiellement posé en termes économiques. Les pays
développés se posaient la question suivante : avons-nous besoin ou non des immigrés ? Ils
estimaient que les immigrés ont le droit à la différence (à leurs spécificités culturelles). A
partir des années 80, on constate que l’immigration est désormais posée essentiellement en
termes culturels (montée de l’extrême droite laquelle estime que le danger de l’immigration
c’est que les européens vont perdre leur identité, les immigrés ne veulent pas s’intégrer).
L’angoisse qu’on fabriquait c’est que l’immigré est un danger, le problème est alors posé en
termes culturels.
Le principe de souveraineté
Le principe d’égalité
Le principe de l’accord.
35
La souveraineté quand elle est alliée à l’égalité détermine une logique de formation du droit,
c’est la logique de l’accord. Tant que le droit international est fondé sur l’égalité souveraine
des Etats, le droit entre Etats ne peut provenir que de leur entente.
D’où dérive la souveraineté ? Quelle est son origine ? Comment est-ce que le droit
international protège la souveraineté des Etats ? La souveraineté est-elle seulement politique ?
Quand on se pose ces questions on envisage la souveraineté tour à tour d’un point de vue
dynamique et d’un point de vue statique.
-d’un point de vue dynamique : on se pose la question : comment est-ce qu’un Etat arrive à
conquérir sa souveraineté ? La réponse dans le droit international contemporain c’est le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes : c’est la souveraineté au stade de sa conquête.
-une fois la souveraineté est conquise, elle doit être protégée et une fois protégée l’Etat
cherche à lui donner une autre dimension : dimension économique : essayer d’approfondir la
souveraineté de la conserver.
I/ Historique du DPDM :
Ce droit n’est devenu un droit positif qu’en 1945 avec la Charte des Nations Unies, mais le
principe politique lui est très ancien. Il remonte à la fin du 18ème siècle à 2événements :
Dans ces deux cas, le droit a été utilisé dans deux sens différents : pour les Etats-Unis, ce droit
signifiait rompre les liens avec l’Etat qui colonise les USA c’est-à-dire la Grande Bretagne,
c’est un droit à l’indépendance, à la décolonisation
Pour la France qui vivait un régime de monarchie absolue, il s’agit d’un droit à l’intérieur
d’un pays, le droit d’un peuple à choisir son système politique, économique, social,…
Dès le 19ème siècle, le DPDM va réapparaître sous la forme d’un principe politique des
relations internationales. Chaque nation ou peuple a le droit de se constituer en Etat : c’est le
fameux principe des nationalités c’est-à-dire le droit de devenir une entité indépendante
(Italie, Allemagne, Bulgarie, Roumanie,…).
36
Au début du 20ème siècle, 3ème étape d’apparition du principe sous sa forme politique après la
fin de la 1ère guerre mondiale. Ce principe a été utilisé dans deux idéologies différentes : il va
d’abord être utilisé par Lénine : pour Lénine, le DPDM signifie exclusivement leur droit à
l’indépendance politique, à la libre séparation d’avec la nation qui les opprime, c’est un droit
à l’indépendance. Lénine, marxiste, à la tête du premier Etat socialiste, a développé la théorie
de l’impérialisme (l’impérialisme stade suprême du capitalisme). L’impérialisme c’est la
situation où des nations oppriment d’autres. Pour en finir avec l’impérialisme, il faudrait que
ces peuples deviennent indépendants. En finir avec l’impérialisme pour Lénine, c’est en finir
avec le capitalisme.
Wilson (chef d’Etat américain) de son côté le 18/1/1918 a adressé une lettre en 14 points aux
Ets européens dans laquelle figure le DPDM que Wilson envisage dans deux situations
différentes dans les points 7, 8, 10 et 11. Wilson propose le démantèlement des empires
d’Europe centrale (empire ottoman, empire austro-hongrois) sur la base du DPDM. Ces
peuples seront libres de choisir leur système politique, économique, social et culturel.
Depuis la fin du 18ème siècle jusqu’au début du 20ème siècle et même jusqu’à aujourd’hui, le
DPDM va toujours hésiter devant ses deux significations :
Externe : l’indépendance
S’agissant des pays colonisés, Wilson y consacre le point 5 où il ne parle pas d’indépendance.
Il émet un simple souhait : le souhait d’une amélioration de la situation de ces populations.
De ces deux doctrines, c’est celle de Wilson qui va l’emporter et qui va être consacrée dans le
Pacte de la Société des Nations. En effet le Pacte de la SDN, sans reconnaître juridiquement le
principe des DPDM va tenir compte des propositions de Wilson. Les empires centraux
(ottoman, austro-hongrois) vont être restructurés, démantelés. Quant aux peuples colonisés
tout ce que la SDN fera c’est d’instituer le régime des mandats (art. 22 de la Charte de la
SDN : le mandat c’est « l’attribution de la gestion d’un peuple à une autorité coloniale afin de
le préparer à l’indépendance », ce n’est pas un principe d’indépendance. En fait, le principe
du DPDM n’entrera dans le droit qu’avec la CNU.
Tout n’est pas fait d’un seul coup. La consécration du principe par le droit international va
être lente et progressive. Elle va passer par des étapes :
37
A- La Charte des Nations Unies :
1- Les travaux préparatoires :
Elle a été négociée à Dumbarton Oaks par les USA, la Chine, l’Union soviétique et le
Royaume-Uni. Il n’y avait aucune trace du DPDM. Après cette conférence, une conférence
générale va avoir lieu à San Francisco entre les Etats vainqueurs. L’Union soviétique a
proposé un amendement du 1er projet selon lequel parmi les buts de l’organisation il y avait
aussi celui de « développer les relations amicales entre les nations fondées sur le respect du
principe de l’égalité des droits des peuples y compris celui de disposer d’eux-mêmes et
prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix dans le monde ». Cette proposition
va être approuvée par l’Egypte, la Syrie, l’Iran, la Yougoslavie, les Philippines, la Biélorussie
et l’Ukraine.
Ce projet a été soutenu par les pays socialistes et les pays du tiers monde et il était à la base de
l’opposition de deux Etats : en Europe, la Belgique et en Amérique la Colombie. La Belgique
s’oppose pour plusieurs raisons : le temps n’est pas venu pour l’indépendance des colonies
(elle était une puissance coloniale) ; la Belgique refusait également toute idée de sécession :
elle est constituée de deux ethnies (wallons francophones et les flamands communauté
hollandaise). La Belgique craint qu’on reconnaisse un droit de sécession. La Belgique a même
proposé de supprimer l’amendement soviétique.
-Indépendance (Pour/contre)
38
dans ces articles le DPDM dans la même expression « principe d’égalité des droits des
peuples et de leurs droits à disposer d’eux-mêmes » (rappel du principe c’est à l’égalité dont
la violation a été à la base de la 1ère guerre mondiale).
Le droit des peuples est devenu un droit positif puisque c’est un droit qui est contenu dans un
traité et les traités une fois entrés en vigueur sont obligatoires. Le DPDM est devenu
obligatoire, positif mais il n’est pas pour autant accompli.
Dans l’article 1er §2, le droit des peuples figure parmi les buts des NU (alors que l’égalité
souveraine figure parmi les principes). Le but c’est quelque chose qu’on espère réaliser mais
il n’est pas là, il n’est pas encore réalisé, il n’est pas immédiatement exigible). Cela est
confirmé par les autres articles dans lesquels figure le DPDM et notamment l’article 73 et 76
parce que l’article 73 se trouve dans un chapitre intitulé : déclaration relative aux territoires
non-autonomes (Chapitre XI), alors que l’article 76 se trouve dans le chapitre XII intitulé
régime international de tutelle. Ces deux chapitres ont reconnu l’existence et organisé la
colonisation mais aussi le régime de tutelle. La CNU organise des situations qui sont la
négation même du DPDM (la tutelle et les régimes non-autonomes), institutions qui privent
les peuples de leur indépendance. Cela confirme l’idée qu’en 1945, le DPDM était un simple
but.
Deuxièmement comme ayant valeur de programme càd qu’il n’impose pas directement et
immédiatement des obligations juridiques aux Etats.
3èmement comme ayant un contenu modéré, il n’implique pas un droit à l’indépendance mais
simplement l’obligation faite aux Etats qui administrent ces peuples de « développer leur
capacité de s’administrer eux-mêmes ». Cet objectif est connu sous le nom de « Self
government ».
Conclusion : nous sommes en 1945, la proposition soviétique semblait marquer une victoire
pour le camp socialiste mais en fait ce principe a été vidé de son contenu.
B/ L’évolution postérieure :
39
L’évolution ne va pas venir du droit, c’est l’histoire, les faits qui vont la déterminer. Deux
guerres de libération nationale (Vietnam et Algérie) vont imposer une évolution dans le droit.
L’évolution va s’effectuer par une résolution de l’AGNU, Résolution 1514 du 14/12/1960
intitulée Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux ». Cette
résolution a été adoptée sans vote contre mais avec l’abstention de 9 Etats colonisateurs, c’est
une simple recommandation, elle n’est pas obligatoire. Cette résolution est par rapport à la
CNU en nette évolution : elle parle d’indépendance. Or, l’indépendance n’est pas un but, elle
est immédiatement exigible (la CNU parle de self government).
Il faudra attendre 1966 où seront adoptés 2 pactes : le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels. Les deux pactes ont été adoptés le 16/12.1966 et sont entrés en vigueur le 3/1/1976.
Ces deux pactes sont relatifs aux droits de l’homme mais ils font du DPDM le 1er des droits de
l’homme (on ne peut pas concevoir la liberté d’un homme dans un peuple qui n’est pas libre
ou qui subit le colonialisme) car la liberté des peuples est une condition évidente de la liberté
de l’homme. Sur cette base, les deux pactes ont un article 1er commun « tous les peuples ont le
droit de disposer d’eux-mêmes, en vertu de ce droit ils déterminent librement leur statut
politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. Les Etats
parties au présent pacte y compris ceux qui ont la responsabilité d’administrer des territoires
non-autonomes et des territoires sous tutelle sont tenus de faciliter la réalisation du DPDM et
de respecter ce droit ».
Une autre résolution de l’AGNU a été prise. Il s’agit de la résolution 2625 du 24 octobre 1970
intitulée « Déclaration relative aux principes de droit international touchant aux relations
amicales et à la coopération entre les Etats conformément à la CNU » (les soviétiques
voulaient l’appeler déclaration sur la coexistence pacifique). Il s’agit d’une résolution de l’AG
et donc c’est une recommandation, elle n’est pas obligatoire comme la plupart des résolutions
de l’AG (d’autres sont de vraies décisions par exemple en matière de budget). Cette résolution
a une histoire particulière, elle a été adoptée après un travail de 10 ans. Cette résolution se
proposait d’interpréter les articles 1 et 2 de la CNU à la lumière de l’évolution des relations
internationales, c’est une interprétation de la charte par les Etats qui ont ratifié la charte, une
interprétation de la charte par ses propres auteurs. Ce type d’interprétation est nommé
interprétation authentique. C’est parce que cette résolution est une interprétation de la charte
authentique que malgré sa forme elle est obligatoire.
40
Il y a deux autres cas où une résolution de l’AG, qui n’est qu’une simple recommandation, est
obligatoire :
-quand la résolution ne fait que reprendre une norme qui est obligatoire par ailleurs (en vertu
d’une autre instrument juridique : coutume, principe général de droit, convention,..)
Le DPDM n’est devenu à la fois obligatoire et exigible qu’à partir de la résolution 2625 de
1970.
C/ La jurisprudence internationale :
Dans l’avis sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de
l’Afrique du Sud en Namibie, La Namibie était à l’origine une colonie anglaise. La SDN l’a
accordé en mandat à l’Afrique du Sud après la 1ère GM (gestion du territoire, le coloniser). Du
temps des NU, le mandat s’est transformé avec la CNU en tutelle. L’Afrique du sud a
considéré que le mandat qu’elle avait sur la Namibie s’est transformé automatiquement en
tutelle ce qui n’a jamais été reconnu par l’ONU. Le conseil de tutelle considérait que c’est à
lui que revient la compétence de transformer le mandat de quelques Etats en tutelle. La
présence de l’Afrique du sud en Namibie est donc illégale. Malgré cela, certains Etats ont
continué à avoir des relations avec l’Afrique du Sud pour des questions intéressant la Namibie
notamment le Royaume-Uni. Le Conseil de sécurité va agir en adoptant une résolution
interdisant tout rapport avec l’Afrique du Sud concernant la Namibie. « Tout rapport » est une
expression vague. La question va être posée à la CIJ sous forme de demande d’avis. Dans cet
avis, la CIJ va faire le point sur le principe du DPDM et va montrer que le principe a évolué
d’un but à un principe immédiatement exigible. La cour n’applique pas mécaniquement la
charte des NU parce que le droit positif n’est pas la lettre de la CNU. Le droit international
s’est enrichi par la coutume internationale. Le droit positif en 1971 : le DPDM n’est plus un
but c’est un principe, le droit des peuples est immédiatement exigible. Cette opinion va être
confirmée par l’avis de la CIJ relatif au Sahara occidental du 16/10/1975.
41
CIJ, Avis, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du
Sud en Namibie, Recueil 1971, pp. 31-32.
« L’évolution ultérieure du droit international à l’égard des territoires non autonomes, tel qu’il
est consacré par la Charte des Nations Unies, a fait de l’autodétermination un principe
applicable à tous ces territoires.
Une autre étape importante de cette évolution a été la déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et peuples coloniaux (…) applicable à tous les peuples et à tous les
territoires qui n’ont pas accédé à l’indépendance… La Cour doit prendre en considération les
transformations survenues dans le demi-siècle qui a suivi et son interprétation ne peut
manquer de tenir compte de l’évolution que le droit a ultérieurement connu grâce à la Charte
des Nations Unies et à la coutume.
Dans le domaine auquel l’affaire se rattache, les cinquante dernières années ont marqué,
comme il est dit plus haut, une évolution importante. Du fait de cette évolution il n’y a guère
de doute que la « mission sacrée de civilisation » avait pour objectif ultime
l’autodétermination et l’indépendance des peuples en cause. Dans ce domaine, comme dans
tant d’autres, le corpus juris gentium s’est beaucoup enrichi et, pour pouvoir s’acquitter
fidèlement de ses fonctions, la Cour ne peut l’ignorer ».
Il a fallu attendre 1970 pour que le DPDM fasse incontestablement partie du droit positif. Or,
en 1970 l’essentiel de la décolonisation a déjà eu lieu. Le droit des peuples a été reconnu
après qu’il n’ait rempli sa mission. Il a rempli sa mission grâce à la lutte effective des peuples
pour leur auto détermination. C’est un autre exemple du formalisme du droit international : le
droit se limite à mettre en forme juridique des rapports de force. La différence entre le
formalisme du 19ème et celui du 20ème siècle, c’est que le formalisme du 20ème siècle joue en
faveur de celui qui parait le plus faible (les peuples). C’est l’effectivité du DPDM qui a assuré
sa continuité juridique.
Dans la célèbre affaire de l’île de Palmas, l’arbitre Max HUBER souligna que : « La
souveraineté dans les relations entre États, signifie l’indépendance. L’indépendance,
relativement à une partie du globe, est le droit d’y exercer à l’exclusion de tout autre État, les
fonctions étatiques ».
-la plénitude, et
42
- l’exclusivité.
Ces critères permettent de distinguer un véritable Etat d'un Etat "fantoche" (Mandchoukuou,
RTCN, Ossétie du Sud, Abkhazie, Transnistrie, etc), ainsi que d'un Etat de facto
(Somaliland).
Si on revient aux deux pactes de 1966 ou même à la résolution 2625, il semble que cette
question a une réponse évidente : « Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes ».
Il y a une sorte de lacune. La CIJ, dans l’avis sur le Sahara occidental a clairement posé la
question. Elle dit « une certaine population ne constitue pas nécessairement « un peuple »
pouvant prétendre à disposer de lui-même ».
On peut lire dans cet avis, « La validité du principe de l’autodétermination, défini comme
répondant à la nécessité de respecter la volonté librement exprimée des peuples, n’est pas
diminuée par le fait que, dans certains cas, l’Assemblée générale n’a pas cru devoir exiger la
consultation des habitants de tel ou tel territoire. Ces exceptions s’expliquent soit par la
considération qu’une certaine population ne constituait pas un « peuple » pouvant prétendre à
disposer de lui-même, soit par la conviction qu’une consultation eût été sans nécessité aucune,
en raison de circonstances spéciales ».
La vraie question c’est que parmi ces populations quelles sont celles que l’on peut qualifier
de peuple. Qu’est-ce qu’un peuple ? on peut donner une réponse générale. La pratique montre
que sont considérés comme peuples les populations qui ont témoigné d’elles-mêmes
(expression utilisée par Charles Chaumont dans son article « Le droit des peuples à témoigner
d’eux-mêmes ») par la lutte. Un peuple existe à partir du moment où lui-même témoigne de sa
propre existence. Ce témoignage est un acte violent qui se fait par la lutte.
A la question qu’est-ce qu’un peuple, il n’y a pas de définition théorique. Il y a seulement une
définition historique : une population qui témoigne de son existence par la lutte. La notion
même de peuple a évolué parce que sa définition est historique. Elle a évolué de manière
dialectique à la suite d’une série de contradictions qui sont au nombre de 4 :
*de 1945 à 1960 : les Etats colonisateurs disaient que le DPDM est un simple but
contrairement aux Etats socialistes et aux Etats du tiers monde en plus des Etats-Unis
43
d’Amériques qui disaient que ce droit doit être exigible. Derrière cette contradiction il y a eu
la lutte des peuples vietnamien et algérien. Cette contradiction a été dépassée par la résolution
1514 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux. Seuls sont des peuples les
populations colonisées. Si une population n’est pas colonisée elle ne peut pas être un peuple.
Les années 60 s’ouvrent sur l’emprisonnement du leader Nelson Mandela. Un peuple nouveau
apparaît, il s’agit d’un peuple soumis au régime de l’apartheid en plus de la Rhodésie et de la
Namibie. Ces peuples on ne peut pas les classer parmi les peuples colonisés, ils vont lutter.
Un autre peuple particulier dans une circonstance particulière apparaît c’est le peuple
palestinien (Fath puis l’OLP en 64). Là encore, le peuple palestinien n’entre pas dans la
catégorie des peuples coloniaux. C’est une colonisation qui veut faire de la colonie une
nation.
-peuples coloniaux
*de 1970 à 1980 : là aussi la synthèse de la 2ème contradiction est le terme de la 3ème. Seuls sont
considérés comme peuples les populations dominées politiquement. Elle a été défendue par
les Etats conservateurs. Par contre les Etats du tiers monde demandaient que soient considérés
comme peuples les populations dominées économiquement. En 1973 : guerre d’octobre entre
Etats arabes et Israël. En 1974 seront pris 3 textes importants (déclaration sur le Nouvel ordre
économique international ; Programme d’action sur le nouvel ordre économique international
et charte des droits et devoirs économiques des Etats). Les Etats du tiers monde sont arrivés à
instaurer leur système. L’apport principal de ces 3 textes c’est l’instauration de la
souveraineté permanente sur les richesses et ressources naturelles. Dans tous les cas on parle
d’un peuple lorsqu’une population est dominée par un Etat étranger (domination étrangère).
44
Un peuple est une population qui subit une domination interne. La solution peut être double :
soit la révolution, soit la sécession.
*la 4ème contradiction : le droit des peuples est ou bien un droit à la révolution ou bien un droit
à la sécession. La 4ème contradiction est la seule qui n’est pas encore résolue aujourd’hui. Elle
n’a pas répondu à la question : le peuple a-t-il le droit à la révolution ; le peuple a-t-il le droit
à la sécession ?
Il y a une sorte de glissement. On ne s’interroge plus sur l’identification du peuple mais sur la
détermination de ses droits.
-le droit à l’autodétermination externe c’est-à-dire par rapport à l’extérieur et qui se subdivise
en 3 catégories : tous les peuples ont le droit à la non-intervention ; le droit à la libération du
territoire ; le droit de choisir entre indépendance, intégration ou libre association (ce droit
concerne les peuples coloniaux)
-le droit à l’autodétermination interne : choisir son système interne : mettre fin à un régime
raciste qui concerne les peuples soumis à une discrimination raciale (apartheid) ; le droit de
choisir leur système politique, économique, social et culturel ; la souveraineté permanente sur
les richesses naturelles
-droit au développement
Droit à la paix
-certains peuples ont un droit à la guerre : jus ad bellum : ils ont le droit de faire la guerre. Ces
mêmes peuples ont un droit à une aide ou assistance étrangère. On ne peut pas les accuser de
violer le principe de non-intervention. Ils ont aussi le droit humanitaire (jus in bellum).
45
On peut proposer deux types de classifications :
D’une manière descriptive en distinguant d’un côté les droits politiques et de l’autre
les droits économiques, sociaux et culturels
Une seconde classification plus intéressante qui ne se basera pas sur la nature des
droits mais sur la nature des peuples. Les peuples peuvent être classés en 2 catégories :
- soit des peuples non-constitués en Etats auxquels on va assimiler les peuples soumis
à un Etat raciste, les peuples qui subissaient l’apartheid n’avaient pas d’Etat, ils sont
soumis à un régime étranger (des blancs). Ces peuples sont les peuples coloniaux+ la
Palestine ;
-soit des peuples constitués en Etat.
Ils ont tous les droits des peuples. Toutefois, il faut insister sur les moyens dont disposent ces
peuples pour réaliser leurs droits. Le droit international reconnait à ces peuples deux moyens :
des moyens pacifiques qui sont évidemment les plus préférés et des moyens violents en cas de
nécessité pour s’autodéterminer.
Le droit international n’est pas exigeant. Il accepte toutes sortes de moyens pacifiques : le
référendum est accepté parfois même exigé (Sahara occidental) mais malgré l’intérêt de cette
technique, il ne faut pas considérer que c’est une panacée universelle, une solution idéale
parce qu’il est parfois extrêmement difficile à mettre en œuvre , comme le prouve également
l’expérience du référendum au Sahara occidental parce qu’ou bien il y a une unanimité pour
l’indépendance comme c’est le cas de l’Erythrée ou bien il y a deux tendances équilibrées,
chacune ne veut faire le référendum que si elle est sûre d’en sortir victorieuse (problème
d’identification des électeurs au Sahara Occidental, sahraoui ou marocain).
Il y a d’autres solutions, parfois la simple volonté d’un mouvement de libération nationale qui
représente la volonté d’un peuple dans sa totalité ou bien le vote d’une assemblée élue qui
s’est beaucoup passé en Afrique subsaharienne.
Le droit international n’est pas exigeant sur la forme de la consultation quand celle-ci aboutit
à l’indépendance. Il ne fait plus confiance quand ces procédures n’aboutissent pas à
l’indépendance : exemple l’île de Mayotte qui a choisi de rester avec la France mais l’AG a
46
refusé de reconnaître le résultat du référendum.il a fallu le refaire 3 fois pour qu’il soit enfin
reconnu.
La première condition qui justifie le recours par le peuple à des moyens violents c’est que ce
peuple a été empêché par la violence de s’auto-déterminer. Autrement dit, la violence n’est
légitime que si elle est une réaction à la violence de ceux qui le dominent (droit de légitime
défense). Ce droit a été reconnu par un certain nombre de textes. La 1ère fois c’était en 1965,
une résolution de l’AGNU, résolution 2105 (XXème session) intitulée légitimité de la lutte
des peuples coloniaux pour l’exercice de leurs droits à disposer d’eux-mêmes.
L’AGNU a reconnu par une résolution 2621 (XXVème session) le droit de la Palestine, de la
Namibie à la réaction violente.
La résolution 2625 dispose, « Tout Etat a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de
coercition qui priverait les peuples mentionnés ci-dessus (3 catégories : coloniaux, dont le
territoire est occupé, soumis à un régime racial) de leur liberté et de leur indépendance.
Lorsqu’ils réagissent à une telle mesure de coercition dans l’exercice de leur droit à disposer
d’eux-mêmes, ces peuples sont en droit de chercher et de trouver un appui conforme aux buts
et principes de la Charte des NU ».
Cette résolution a été confirmée par d’autres textes d’abord par une autre résolution de
l’AGNU n°3103 (XXVIII) intitulée principes de base concernant le statut juridique des
combattants qui luttent contre la domination coloniale, l’occupation étrangère et les régimes
racistes. Ils sont assimilés à des soldats et jouissent des mêmes protections que les soldats. On
ne les qualifie pars de terroristes.
Une année plus tard, l’AG a pris une autre résolution 3314 (XXIX) adoptée le 14/12/1974
intitulée « Définition de l’agression » : l’agression c’est la seule motivation juridique de la
légitime défense (article 51 de la CNU). Pourtant, dans la charte, il n’y a aucune définition de
ce concept. Il a fallu attendre 1974 pour que l’agression soit définie. L’AG a pris le soin de
distinguer l’agression d’autre chose : l’article 7 de la résolution dispose « Rien dans la
présente définition ne pourra en aucune manière porter préjudice au droit à
l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance telles qu’elles découlent de la charte : des
peuples privés par la force de ce droit notamment, les peuples qui sont soumis à des régimes
coloniaux ou racistes ou à d’autres formes d’occupation étrangères ainsi qu’au droit de ces
47
mêmes peuples de lutter à cette fin et de chercher et de recevoir un appui conformément aux
principes de la charte ».
Si un peuple est privé par la violence de son droit de disposer de lui-même, il a le droit
d’utiliser la violence et il a le droit à l’assistance étrangère. Ces mêmes principes sont de
nouveau confirmés par un traité. Il s’agit en vérité d’un protocole additionnel aux conventions
du 12/08/1949 (4 conventions de Genève qui constituent le droit humanitaire) relatif à la
protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole 1) adopté le 8 juin 1977
et entré en vigueur le 7/12/1978. Son article 1er §4 dispose : « dans les conflits armés
internationaux sont compris les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la
domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice
du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
Conclusion :
-les guerres de libération nationale menées par les 3 catégories de peuples cités sont des
conflits armés internationaux (ce ne sont pas des conflits internes), donc s’appliquent à ces
conflits la totalité du droit à la guerre, du droit humanitaire ou du droit de Genève. Cela veut
dire que les combattants sont des soldats, ce ne sont pas des criminels, ils ne sont pas soumis
au droit pénal. On doit leur appliquer le statut de prisonnier de guerre, ce ne sont pas des
criminels de droit commun.
Ces peuples ont le droit de faire la guerre parce qu’ils ont été privés de l’autodétermination
par la force. Une comparaison doit être faite entre la légitime défense qui appartient à un Etat
agressé en vertu de l’article 51 de la Charte et la guerre de libération nationale qui appartient à
un peuple soumis à la coercition. Le fondement juridique de ce droit à la guerre c’est une
analogie avec la légitime défense.
-ces peuples ont un droit à l’assistance et à l’appui des Etats étrangers c’est-à-dire quand un
Etat tiers aide un mouvement de libération nationale conformément à la Charte, une aide
financière, humanitaire et militaire, on ne peut pas qualifier ses actes d’intervention. Là aussi
le fondement c’est une analogie avec la légitime défense. L’article 51 prévoit que la légitime
défense est soit individuelle soit collective (avec ses alliés le plus souvent). Comme les Etats
ont le droit à une légitime défense collective, les peuples aussi ont le droit à la légitime
défense collective, ils sont les seuls à avoir ces droits.
48
On peut considérer que ce corpus juridique est une grande avancée du droit international, une
arme aux mains des moins puissants contre les plus puissants. Depuis les années 70 jusqu’à
aujourd’hui, ce droit n’a subi aucune transformation mais l’ordre politique international, lui, a
changé. La situation du peuple palestinien aujourd’hui s’explique non par le droit mais par le
nouvel ordre politique international. Aujourd’hui, il y a un abime entre l’ordre politique
international favorable plus que jamais aux plus puissants et l’ordre juridique favorable aux
peuples. Le résultat de ce divorce c’est l’ineffectivité du droit. Toutefois, de la même manière
que ceux qui luttent pour leur libération ont la protection du droit humanitaire, il y a aussi une
obligation qui leur incombe eux aussi de respecter le même droit humanitaire. Les civils ne
doivent pas être tués des deux côtés. Le droit humanitaire joue dans les deux sens. Cela veut
dire qu’est considéré comme un acte de violence contraire au droit international l’acte dirigé
contre des personnes qui ne sont pas des soldats et qui ne sont pas assimilés à des soldats (en
Palestine, les militants de liberté peuvent tuer des colons assimilés à des soldats mais ils n’ont
pas le droit de tuer des civils). Cependant, le droit aujourd’hui est complètement ignoré.
Se trouvent dans deux situations possibles : une situation d’harmonie (population) ou dans
une situation de conflit.
a- Situation d’harmonie :
Il n’y a ni guerre civile ni émeutes,… les populations sont en harmonie avec l’appareil d’Etat
dont ils font partie. Le droit international utilise le mot peuple même dans cette situation et il
reconnaît des droits aux peuples.
b- Situation de crise :
Quand la synthèse est menacée, l’Etat étant la synthèse de 3 éléments : une population qui se
définit par un territoire et accepte le pouvoir d’un gouvernement.
Y a-t-il un droit à la révolution ? Y a-t-il un droit à la sécession ? A l’état actuel des choses,
ces deux questions ne trouvent pas une réponse générale. Il y a là deux contradictions mais
non encore résolues.
50
qu’elle exclut l’un des deux termes. Comment est-ce que le Droit international a géré cette
contradiction ?
-une jurisprudence : affaire jugée par la Commission internationale des juristes, affaire des
îles d’Åland, il s’agit d’un avis du 5/09/1920. En attendant que la CPJI, créée en 1919, soit
mise en place et fonctionner, une instance judiciaire provisoire en a pris la place, il s’agit de la
commission internationale des juristes.
Il s’agit dans cette affaire d’un différend à propos de la souveraineté sur les îles d’Åland. La
Finlande se prévaut de l’effectivité de son pouvoir par contre la Suède prétend que la
population de ces îles désire être rattachée à elle. La Suède proclame l’organisation d’un
référendum ce que la Finlande refuse au nom de sa souveraineté. Le Conseil de la SDN est
saisi du différend et à son tour il saisit la Commission internationale des juristes d’une
demande d’avis. La Commission, dans l’avis rendu par elle a été extrêmement claire : « Il
n’existe pas de règle internationale obligeant un Etat à consentir un démembrement de son
territoire ». La jurisprudence classique est alors très claire.
-une doctrine aussi claire : représentée par Scelle qui dit « Notons bien que le « droit » de
sécession s’affronte avec le droit non moins respectable de la majorité de la population de
continuer à former une nation. On ne saurait admettre que la satisfaction du désir d’une
minorité l’emporte sur les nécessités vitales de la majorité ».
-les travaux préparatoires de la CNU : il était entendu en 1945 que le droit des peuples
n’implique en aucun cas un droit de sécession (Belgique, Colombie). Il était même un simple
but en 1945 et n’impliquait déjà pas un droit à l’indépendance.
-la résolution 1514 (XV) : Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples
coloniaux. Cette déclaration dispose dans son paragraphe 6, « Toute initiative visant à détruire
partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est
incompatible avec les buts et les principes de la Charte des NU ». Cette résolution condamne
très clairement la sécession parce qu’elle remet en cause l’intégrité territoriale. Cette
résolution reconnaît l’indépendance des peuples coloniaux qui vont devenir de nouveaux Etats
notamment en Afrique subsaharienne où il n’y a pas de tradition étatique, où la structure
tribale est encore en force, active. La reconnaissance d’un droit de sécession aurait facilement
51
menacé ces Etats fragiles. On comprend que les partisans de l’indépendance soient eux-
mêmes les ennemis de la sécession. Les Etats du tiers monde étaient majoritairement contre la
sécession au point que les chefs d’Etats et de gouvernements africains ont posé un principe en
1963 : principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation « Uti-posseditis ».
C’est-à-dire qu’on ne peut pas au nom du droit des peuples remettre en cause les frontières.
-la résolution 2625 (XXV), Résolution AG/ONU du 24/10/1970 : elle a une force obligatoire
puisqu’il s’agit d’une interprétation authentique de l’article 1 et 2 de la CNU. En commentaire
du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la résolution dispose : « Rien dans
les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action
quelle qu’elle soit qui démembrerait ou menacerait totalement ou partiellement l’intégrité
territoriale ou l’unité politique de tout Etat souverain et indépendant se conduisant
conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d’un gouvernement représentant l’ensemble du peuple
appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de religion ».
Il y a une interdiction de la sécession conditionnée : l’Etat qui est protégé de la sécession est
celui qui est lui-même respectueux du droit des peuples c’est-à-dire doté d’un gouvernement
représentant l’ensemble du peuple. Le droit des peuples est mentionné ici dans sa dimension
auto-détermination interne, c’est un gouvernement qui n’exclut aucune minorité qu’elle soit
raciale, religieuse, ethnique, c’est un gouvernement qui n’adopte aucune discrimination, c’est
l’Etat contre lequel toute sécession est interdite. Cela veut dire a contrario qu’un
gouvernement non respectueux du principe de non-discrimination, qui ne représente pas les
minorités ou certaines d’entre elles, n’est pas un gouvernement respectueux du droit des
peuples et donc n’est pas protégé contre la sécession c’est-à-dire que la sécession à son égard
n’est pas interdite, elle est légitime. Cette résolution marque une date très importante, un
changement très important vers la possibilité d’un droit de sécession.
Toutefois, cette résolution reste imparfaite car comment établir qu’un gouvernement est ou
n’est pas respectueux du DPDM ? Qui va le faire ? Normalement cette fonction devrait être
confiée à un tiers : organe juridictionnel ou politique, l’important c’est qu’il soit un tiers
impartial. Or, la résolution ne prévoit pas ce tiers. Elle pose une condition mais ne prévoit pas
l’organe compétent pour vérifier son existence. La question est livrée aux rapports de force. Si
le gouvernement l’emporte cela signifiera qu’il est représentatif, si le peuple l’emporte cela
signifiera le contraire. Cela est confirmé par l’opinion de certains auteurs, comme Jean
Salmon qui dit « En droit international, une sécession n’est consacrée que par sa réussite
52
c’est-à-dire par l’effectivité ». De la même manière Alain Pellet écrit « la sécession est un fait
politique et le droit international se contente d’en tirer les conséquences lorsqu’elle aboutit à
la mise en place d’autorité effectives ». Cela est le signe du formalisme du droit international
qui ne fait qu’enregistrer les résultats des rapports de force et c’est là une autre manifestation
de son formalisme : quand une sécession réussit il l’applaudit, quand elle échoue il la
condamne.
-cas de la province de Katanga au Zaïre (RDC) qui a tenté de se séparer du Zaïre en 1958-
1959 et cette tentative a échoué et le Conseil de sécurité des NU a alors dénoncé « les
activités sécessionnistes illégalement menées par l’administration provinciale du Katanga ».
-Au Nigéria en 1967 : tentative de sécession d’une minorité ethnique qui sont les Ibos. Ils
voulaient se séparer du Nigéria et créer un Etat dans le Biafra : tentative réprimée dans le sang
et qui a échoué dans des conditions dramatiques. Une fois la tentative échouée, le Secrétaire
général des NU U. Thant va déclarer « L’ONU n’a jamais accepté et n’acceptera jamais je
pense le principe de sécession d’une partie d’un Etat ». Toutefois, l’ONU va accepter en 1974
la sécession du Pakistan Oriental actuellement nommé Bengladesh. Grâce à l’appui de l’Inde,
cet Etat a réussi sa sécession, il devient membre des NU. Le secrétaire général des NU a donc
eu tort en pensant que les NU ne vont jamais accepter une sécession.
-le cas de la Yougoslavie nous donne l’exemple à la fois d’une sécession qui a échoué et une
sécession qui a réussi.
Quand le droit international ne règle pas les contradictions ce sont les rapports de force qui les
règlent. C’est une contradiction qui n’est pas encore résolue, on ne sait pas concrètement si le
droit international est pour ou contre la sécession. Est-ce que cette contradiction n’est pas
dépassable ? N’y a-t-il pas une solution qui ne sera pas la violence et la guerre ?
théoriquement, une telle solution existe, juridiquement elle n’est pas encore réalisée. Une
véritable synthèse de la contradiction reviendrait à concilier à la fois entre le droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes d’un côté et de l’autre la souveraineté de l’Etat.
Pourquoi un peuple veut-il faire sécession ? Parce qu’il représente une minorité et que cette
minorité n’est pas respectée, son identité religieuse ou ethnique ou linguistique ou
nationale,… n’est pas respectée. La vie au sein de l’Etat n’est plus supportable parce que sa
spécificité est ignorée. Arrivée à ce stade d’exaspération, la minorité revendique la sécession.
53
Il faut reconnaître les droits des minorités :
-droits culturels
Le droit international positif aborde les droits des minorités mais il est extrêmement
insuffisant à cet égard, parce qu’il ne définit pas la minorité, aucun texte ne la définit. Cela ne
signifie pas que le concept de minorité soit difficile à définir, cela signifie qu’il y a un conflit
politique à propos de la définition.
Une minorité c’est une partie de la population, un groupe national, ethnique, religieux ou
linguistique différent des autres groupes à l’intérieur d’un Etat souverain.
-le nombre : une minorité ne peut pas être majoritaire numériquement mais par contre une
minorité peut être dominante, en position dominante. Au sens juridique, elle n’est pas
considérée une minorité, c’est le cas des blancs en Afrique du Sud, des chiites alaouites en
Syrie, des sunnites en Irak du temps de Saddam Hussein, …
-il faut que la minorité ait une spécificité : religieuse, ethnique, nationale, ou linguistique. On
peut parler aussi de minorité en termes idéologique et sexuel
-élément subjectif : la minorité doit témoigner de son existence et revendiquer son statut de
minorité. Elle doit exprimer son existence et sa volonté.
En droit international positif, peu de textes consacrent les droits des minorités. On trouve
essentiellement l’article 27 du PIDCP qui dispose « Dans les Etats où il existe des minorités
ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent
être privées du droit d’avoir en commun avec les autres membres de leurs groupes leur propre
vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion ou d’employer leur propre
54
langue ». Ce texte reconnait aux minorités uniquement les droits culturels et non pas les droits
politiques. Ce qui est reconnu dans l’article 27 n’est pas un droit collectif : on ne considère
pas la minorité comme un peuple mais comme un ensemble d’individus appartenant à une
minorité. C’est un texte extrêmement timide et malgré sa timidité, il a fait l’objet de très
nombreuses réserves de la part des Etats parties. En fait, tous les Etats qui ont des problèmes
de minorités ont émis des réserves.
Une révolution est un phénomène extrêmement rare car dans ce cas le peuple dans sa totalité
ou dans son écrasante majorité se soulève pour refonder sa souveraineté, pour remplacer un
ordre social, économique, politique et culturel et non pour changer un gouverneur par un
autre.
Quel est le statut de la révolution en droit international ? On doit distinguer entre le droit
classique et le droit contemporain.
-Le droit classique condamne la révolution, il ne la reconnait pas. Le terme révolution n’existe
pas. On parle plutôt de rébellion ou d’insurrection. Les rebelles et les insurgés étaient
considérés comme des criminels de droit commun auxquels s’applique le droit pénal national.
Le droit international autorisait les Etats tiers à intervenir à côté du gouvernement établi et
leur interdisait d’intervenir aux côtés des insurgés qui se trouvaient dans une position
d’infériorité.
55
A cette règle, il y avait une exception : la reconnaissance de belligérance : reconnaissance
d’un état de guerre. Elle peut soit émaner du gouvernement établi soit des Etats tiers. Quand
elle émanait du gouvernement établi, elle signifie que celui-ci reconnait l’existence sur son
territoire d’une situation de guerre et donc s’engage à appliquer le droit humanitaire (le droit
dans la guerre). Les insurgés sont considérés comme des soldats s’ils sont prisonniers, ils sont
considérés comme des prisonniers de guerre.
Un Etat va déclarer cet état de guerre lorsqu’il a intérêt : lorsque les rapports de force sont
équilibrés ou en faveur des insurgés, pour protéger ses propres soldats. La déclaration de
belligérance est imposée par les rapports de force.
Lorsqu’elle émane d’un Etat tiers, elle signifie que cet Etat se considère en présence d’une
guerre et adopte une position de neutralité qui est au profit des insurgés. Le gouvernement
tiers mets sur un pied d’égalité les insurgés et le gouvernement établi.
Pourquoi un Etat tiers déclare une belligérance ? Un Etat tiers se déclare neutre quand ses
intérêts le dictent et sans ces intérêts quand les rapports de force sont au moins équilibrés
sinon en faveur des insurgés.
-Le droit contemporain : la révolution est au cœur d’une contradiction entre révolution et
souveraineté. Le droit classique a résolu cette contradiction en supprimant l’un des termes de
la contradiction c’est-à-dire en disant qu’il n’y a pas de droit à la révolution. Le droit
international contemporain a évolué : son évolution consistait à transformer ce qui était en
droit classique une exception en une règle, en un principe. La révolution n’est pas une rebelle
mais c’est un conflit armé interne. Cette qualification a été posée par le Protocole additionnel
aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux (Protocole 2) adopté le 8/6/1977 et entré en vigueur le 7/12/1978.
-les Etats n’ont le droit d’aider ni les gouvernements établis ni les révolutionnaires, les deux
sont placés sur un pied d’égalité (protocole 2, art. 3 intitulé « non-intervention »/ le principe
est également posé par la résolution 2625 : tous les Etats doivent s’abstenir d’intervenir dans
les luttes intestines d’un autre Etat ou d’un autre pays).
56
Troisième Partie : L’égalité :
Ce principe e, DI est loin d’être parfaitement accompli. Il y a encore des zones d’inégalité.
L’égalité est encore à parfaire, à accomplir. Ce principe doit être protégé et c’est là la fonction
fondamentale du DI.
L’égalité est imparfaite. Il y a des zones inégales et pas n’importe lesquelles. L’inégalité
juridique persiste dans 3 domaines importants :
A/ La représentation pondérée :
Cela veut dire que les Etats qui possèdent le plus grand nombre de quotes-parts au capital sont
privilégiés en ayant une représentation permanente. Ils ne sont pas élus au Conseil
d’administration. Par exemple, le FMI a un conseil d’administration qui se compose de 22
administrateurs, dont 5 sont permanents ceux qui ont le plus grand nombre de quotes-parts
(France, USA, Allemagne, Royaume-Uni, Japon). On prévoit un siège pour l’Etat dont la
monnaie a été la plus largement utilisée dans 2 exercices financiers c’est-à-dire qui a le plus
vendu et le plus acheté (cet Etat a été par exemple l’Arabie Saoudite : vente de pétrole, achat
d’armes), un siège était accordé à la Chine en raison de son poids démographique et
économique. Les autres membres sont élus. Même chose pour la Banque mondiale sauf que
pour la Banque mondiale, il y a seulement 21 administrateurs. Le statut des 2 institutions
subordonne la modification des quotes-parts à l’accord des membres du Conseil
d’administration et sur cette question, la décision est prise à la majorité de 85%, majorité très
renforcée qui accorde aux 5 membres permanents un véritable droit de véto.
57
B/ Le vote pondéré :
Le principe un Etat une voix n’est pas valable dans le cas des institutions financières
internationales. Chaque Etat dispose d’un nombre de voix proportionnel à son apport au
capital. Chaque Etat membre dispose parce qu’il est membre de 250 voix puis il dispose d’une
voix supplémentaire à raison de chaque fraction de sa quote-part équivalente à 100000
dollars.
Le résultat de ce système c’est que les USA à eux seuls disposent de 20% des voix. Les pays
développés ensemble disposent de 63% des voix. On ne peut modifier les quotes-parts
qu’avec l’accord des membres permanents.
L’article 2 § 1 de la CNU pose le principe de l’égalité souveraine des Etats. La plus grande
dérogation à ce principe se trouve également dans cette charte concernant le Conseil de
sécurité.
B/Le vote :
Il est régi par l’article 27 de la CNU. Cet article parle du principe un Etat une voix et donc il
n’y a pas de vote pondéré au Conseil de sécurité. Selon l’article 27 § 2 : « les décisions du CS
sur les questions de procédure sont prises à la majorité de 9 voies sans autre indication c’est-
à-dire même si les 5 membres permanents votent contre. En d’autres termes, il n’ y a pas de
droit de véto.
58
Le paragraphe 3 poursuit « Sur toutes autres questions les décisions sont prises également à la
majorité de 9 voix dans lesquels sont comprises les voix de tous les membres permanents ».
c’est ce que la doctrine appelle le droit de véto. Un membre permanent peut à lui seul bloquer
une décision.
-9 voix
Si 7 membres non permanents votent contre la décision est bloquée. S’il y avait au CS un
groupe des 7 il remplirait la même fonction qu’un droit de véto.
Le texte de l’article 27 exige un vote affirmatif, quel est alors l’effet d’une abstention ? en
bonne exégèse, l’abstention d’un membre permanent ou de 7 membres non-permanents
bloque la décision. Dès 1946, se présente devant le Conseil de sécurité la question espagnole.
Il s’agissait de décider d’une commission d’enquête sur la situation en Espagne. Au moment
de décider, l’Union soviétique s’abstient mais le représentant soviétique déclare q’il
n’entendait pas par là bloquer la décision et il ajoute que toutefois cela ne doit pas être
considéré comme un précédent, il ne lie pas l’Union soviétique pour l’avenir. L’année d’après
(1947) est soumis au Conseil de sécurité un projet de décision relatif au maintien en Grèce
d’une Commission d’enquête. Les USA vont faire exactement comme l’Union soviétique. En
1950, à l’occasion de l’affaire indonésienne, le Royaume-Uni fait la même chose. Malgré
l’Union soviétique, il y a eu la constitution d’une chaîne de précédents.
De fait, M. Virally, dès 1967, déclare que la CNU a été modifiée par une coutume. Ce qui
était exigé par la charte pour adopter une décision était un vote positif, ce qui est désormais
exigé pour bloquer une décision c’est un vote négatif. Il n’y a pas de hiérarchie des sources en
droit international et donc la coutume peut être contra legem. La thèse de Michel Virally a été
confirmée par la CIJ dans son avis sur les conséquences pour les Etats de la présence continue
de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-ouest africian) nonobstant la résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité.
59
Dans l’affaire namibienne, il y a eu demande d’avis et le Royaume-Uni et l’Union soviétique
s’étaient abstenus. L’Afrique du sud estime que la résolution n’est pas valide puisqu’il y a eu
abstention de 2 membres permanents alors que la charte exige un vote affirmatif de tous les
Etats membres. La CIJ va répondre à cet argument en disant : « L’abstention d’un membre du
Conseil de sécurité ne signifie pas qu’il s’oppose à ce qui est proposé. Pour empêcher
l’adoption d’une résolution exigeant l’unanimité des membres permanents, un membre
permanent doit émettre un vote négatif. La procédure suivie par le Conseil de sécurité… a été
généralement acceptée par les membres des NU et constitue la preuve d’une pratique générale
de l’organisation ». il s’agit d’une coutume, définie par l’article 38 du statut de la CIJ comme
étant « la preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit ».
Aucune des propositions de réforme n’a abouti parce que la CNU a accordé un privilège (le
veto) et a protégé ce privilège par un deuxième (double verrouillage de la CNU) qui est dû à
l’article 108 de la CNU relatif à la révision de la charte et qui exige pour réviser la charte le
vote des deux tiers des membres y compris les 5 membres permanents. Autrement dit, on ne
peut réviser la charte qu’avec l’accord des 5 membres permanents.
La signification du veto :
Avant 90 : le veto était conçu comme une arme juridique défensive c’est-à-dire les titulaires
de ce privilège y recouraient quand ils se sentaient menacés par une éventuelle décision soit
qui les concerne eux ou qui concerne leurs alliés. Cela correspondait à la logique d’un monde
bipolaire. C’est une faculté d’empêcher. C’est ce qui explique que pendant la période 85-90 le
veto était surutulisé au point qu’il en a découlé le blocage et la paralysie du Conseil de
60
sécurité. Cette réalité s’est reflétée dans la doctrine internationale par une opposition farouche
au concept même de veto parce qu’il paralyse le Conseil de sécurité.
Les USA étaient les premiers à disposer de l’arme nucléaire puis vient l’Union soviétique en
1949, puis la France. Au début des années 60, 5 Etats disposaient de l’arme nucléaire, ce sont
les 5 membres permanents. Ils bénéficient d’un privilège de fait qu’ils pensent transformer en
un privilège de droit pour mieux le protéger. Cela va être à l’origine du traité signé le
1/7/1968 et entré en vigueur en 70 d’abord pour 25 ans c’est-à-dire le TNP. En 1995, ce traité
a été reconduit pour une durée indéterminée. 178 membres étaient parties à ce traité. Sont
restés en dehors de ce traité quelques Etats (Israël, Pakistan, Inde, Brésil, Cuba, Angola). La
Corée du Nord qui était membre va quitter la conférence.
L’objet du TNP c’est de limiter le nombre des Etats dotés de l’arme nucléaire. Il définit les
Etats nucléaires comme étant ceux ayant fait exploser un engin nucléaire avant le 1/1/1967
(les 5 membres permanents).
Quelles sont les obligations des Etats nucléaires : ils s’engagent à ne pas aider les autres Etats
à se doter de l’arme nucléaire ; d’aider les Etats non-nucléaires au développement des
utilisations pacifiques de l’énergie atomique. En contrepartie les Etats non-nucléaires
s’engagent à ne pas développer des programmes militaires nucléaires. Le contrôle est confié à
l’Agence internationale de l’Energie Atomique (AIEA).
Il va y avoir également inégalité face au contrôle qui s’exerce d’une part sans aucune limite
pour les Etats non-nucléaires par contre les Etats nucléaires ont signé des accords de garantie
avec l’AIEA par lesquels les USA ont exclu de toutes vérification leurs installations en
rapport direct avec la sécurité nationale des USA. Dans le même sens, la France a gardé toute
latitude pour désigner les installations soumises au contrôle.
61
Section II : L’égalité à protéger :
On la protège contre toute tentative d’un Etat ou d’un groupe d’Etat visant à imposer sa
volonté à un autre Etat ou groupe d’Etats. Il y a deux moyens d’imposer sa volonté : les
moyens militaires et les moyens non militaires et le droit international a prévu deux principes
condamnant ces deux moyens : le principe de non recours à la force armée et le principe de
non intervention.
C’est un principe relativement récent. Jusqu’en 1928, la guerre était considérée de tout temps
comme une compétence normale : compétence de guerre. La guerre était considére comme
une norme juridique, c’est « la continuation de la diplomatie par d’autres moyens ». Même le
Pacte de la société des Nations ne l’a pas aboli, il s’est contenté de la conditionner par des
tentatives de règlement pacifique. Il a fallu attendre 1928 où va être conclu le Pacte de Biand
Kellog, conclu à Paris le 27/8/1928. C’est le pacte qui a mis la guerre hors la loi. Par l’effet de
ce pacte les Etats parties renoncent à leur compétence de guerre. En 1928, ils étaient 15, en
1939 ils étaient 63 c’est-à-dire la totalité des Etats qui existaient au monde à l’époque. C’était
un pacte mondial, c’est cependant durant la même année qu’éclate la 2ème guerre mondiale, ce
qui reflète l’échec total du Pacte.
Ce pacte a interdit la guerre sans prévoir de sanctions. La CNU va tirer des enseignements de
cela en prévoyant les sanctions. En fait, avec la CNU on a deux types de recours à la force ou
deux types de guerre : la guerre illicite et la guerre ou le recours à la force licite. Il y a une
dualité de régime juridique : l’emploi illicite de la force armée et l’emploi licite de la force
armée.
C’est l’article 2 § 4 de la CNU qui régit cette question. Il dispose « Les membres de
l’organisation s’abstiennent dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à
l’emploi de la force soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat
soit de toutes autres manières incompatibles avec les buts des Nations Unies ».
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Cette obligation pèse sur les membres des NU dans leurs relations internationales cela signifie
qu’elle ne pèserait pas sur eux à l’intérieur de leurs Etats c’est-à-dire le recours à la force n’est
pas interdit à l’intérieur des Etats, il est même permis puisque ce sont des affaires internes.
Mais le droit international intervient (sécession, révolution). Dans les conflits armés internes,
il faut respecter un minimum de règles humanitaires (Protocole II relatif aux Conflits armés
non internationaux). Cette question interne suppose l’application de règles internationales
minimales.
Ce qui est interdit ce n’est pas seulement le recours à la force mais également la menace de
recourir à la force c’est-à-dire que l’interdiction posée par le Pacte Briand Kellog a été
élargie.
Selon l’article 2 § 4 aussi, ce qui est interdit c’est le recours à la force contre l’intégrité et
l’indépendance c’est-à-dire un emploi de la force ou une menace qui remettrait en cause
l’indépendance politique c’est-à-dire une guerre qui pour résultat la disparition de cette
indépendance. Ce sont les guerres ayant pour conséquence l’annexion de l’Etat vaincu (exp
l’annexion du Koweït par l’Irak en 1990). Mais il suffit aussi que la guerre porte atteinte à
l’intégrité territoriale de l’Etat sans que le vainqueur annexe le territoire du vaincu. Il se limite
à poser des conditions (exp : l’Allemagne, l’Italie, le Japon dont l’intégrité territoriale a été
atteinte à la fin de la 2ème guerre mondiale mais n’a pas disparu totalement).
« ou de toutes autre manières incompatibles avec les buts des NU » : L’article 2 § 4 annonce
l’interdiction des guerres menées contre des peuples dans l’exercice de leur droit à disposer
d’eux-mêmes. De même sont interdites les agressions menées contre les peuples en
méconnaissance de leurs droits de l’homme. Ce dernier paragraphe a permis à partir des
années 60 de condamner l’usage de la force contre les peuples coloniaux (résolution 1514)
mais également il a interdit l’usage de la force par les régimes de discrimination raciales
contraires aux droits de l’homme.
1-L’agression :
63
Elle apparaît dans les articles 1§1, art.39, art. 51, art. 53. Ce concept apparaît dans des
expressions différentes. Dans l’article 1 et 39, on trouve l’expression « acte d’agression ».
Dans l’article 51, il y a l’expression « agression armée » et dans l’article 53 « politique
d’agression ».
Nous arrivons déjà à un double constat : la CNU ne définit pas l’agression, elle l’exprime
dans des expressions et locutions différentes ce qui augmente l’imprécision de la notion.
Cette dispersion sémantique a été à l’origine des contradictions entre les Etats à propos de la
définition de l’agression. Les contradictions se ramènent aux points suivants :
-pour certains Etats, l’agression est forcément, nécessairement armée. Dire une agression
armée est une tautologie car un acte qui n’est pas armé n’est pas une agression. Pour un autre
groupe d’Etat, la subversion (c’est-à-dire le fait pour un Etat de réaliser sa volonté de
renverser le régime d’un autre Etat sans recourir à la force armée mais plutôt à des moyens de
communication pour dénoncer cet Etat, financer ses opposants politiques, lui faire des
oppositions économiques) est une agression claire. Elle vise à atteindre les mêmes buts
qu’une agression armée mais avec des moyens différents.
-Est-ce que l’agression est forcément réelle ? pour certains Etats, on ne parle de l’agression
que quand elle existe réellement. Cette première thèse défend l’existence d’actes d’agression.
Pour d’autres Etats, on parle d’agression même en dehors de tout acte, c’est-à-dire qu’on parle
de l’agression même si elle est virtuelle, palpable qui n’est pas réelle mais qui risque à tout
moment d’être là. Or, si on admet l’idée d’une agression virtuelle on doit admettre le recours
à la légitime défense préventive. Par exemple, Israël prétend en 1967 qu’elle a des
informations que l’Egypte va l’attaquer et qu’elle avait par là même un droit de légitime
défense préventive. C’est de cette façon qu’Israël a légitimé la guerre des 6 jours contre les
arabes. Pour les USA, la simple détention par certains Etats des armes est constitutive d’une
agression.
-Certains Etats affirment que l’agression est forcément directe c’est-à-dire une guerre
classique entre 2 Etats où un Etat utilise la force armée contre un autre. D’autres Etats
soutiennent que l’agression peut être également indirecte quand un Etat arme, finance,
entraîne un groupe d’individus ou de mercenaires afin que ceux-ci emploient la force armée
contre un autre Etat afin de renverser le régime en place, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une guerre
faite par un tiers.
64
-Certains Etats prétendent que l’agression ne peut être faite que contre des Etats, la victime et
l’auteur doivent être des Etats. D’autres affirment que l’agression a toujours pour auteur un
Etat mais peut avoir pour victime des peuples quand un Etat empêche par l’agression un
peuple de disposer de lui-même. Depuis le 11 septembre 2001, la nouvelle thèse américaine
consiste à dire que l’agression peut ne pas avoir pour auteurs les Etats mais un réseau
terroriste (cela a été avancé pour pouvoir recourir à la légitime défense).
Les Etats ne sont pas d’accord à propos de l’agression sur tous les niveaux (armée, réelle,
directe, victimes, auteurs, moyens). Il va falloir attendre 1974 pour qu’enfin l’agression soit
définie.
Il a fallu 29 ans pour que les NU définissent l’agression et par une résolution de l’AGNU. La
résolution commence par une définition de l’agression : « L’agression est l’emploi de la force
armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique
d’un autre Etat ou de toutes autres manières incompatibles avec la CNU tel qu’il ressort de la
présente définition ».
On constate que l’une des quatre contradictions est clairement et définitivement réglée.
L’agression est une agression armée nécessairement et donc la subversion comme la menace
ne constituent pas une agression.
L’agression est forcément réelle donc ce qui est interdit c’est la légitime défense préventive.
La légitime défense est liée à une agression armée. La deuxième contradiction est aussi
réglée.
L’objet de cet article ce n’est pas la définition de l’agression mais la preuve de l’existence
d’une agression en particulier. Il s’agit de fournir la preuve qu’une agression a eu lieu. La
preuve de l’existence de l’agression implique l’identification de l’agresseur. Cet article
commence par une preuve à première vue. Apriori, la preuve d’une agression est simple :
65
l’Etat qui a employé le premier la force armée est lui l’agresseur. C’est une preuve de faits qui
peut être écartée par le Conseil de sécurité car il peut estimer que qualifier dans un cas précis
d’agresseur celui qui a employé la force armée le premier n’est pas justifié et ne serait pas
juste. Par exemple, en octobre 1973, l’Egypte traverse le canal de Suez et le Sahara de Sinaï.
L’Egypte emploie la première la force armée mais en fait la guerre entre l’Egypte et Israël est
une guerre à épisode (48-56-67-73).
La résolution donne une preuve prima facie qui peut être écartée s’il y a des situations
particulières ou des circonstances pertinentes qui imposent d’écarter la preuve. Toutefois,
l’article 2 ne donne pas de liste, il donne un seul exemple : actes sans grande gravité (exp
entre deux Etats une dizaine de soldats qui passent le territoire de l’autre Etat). Etant donné
l’absence d’une liste exhaustive de ces circonstances, c’est le Conseil de sécurité qui apprécie
et il a un pouvoir discrétionnaire.
L’article 3 de la résolution dresse une liste des actes utilisant la force armée répondant aux
conditions d’un acte d’agression : l’invasion, le bombardement, le blocus, et le fait
d’entraîner, d’armer, de financer des bandes qui vont utiliser la force armée contre un autre
Etat. Il s’agit de l’agression indirecte et donc la subversion et l’agression ne constituent pas
une agression, c’est ça l’apport de la résolution.
Mais l’article 4 dispose « l’énumération des actes ci-dessus n’est pas limitative et le Conseil
de sécurité peut qualifier d’autres actes d’actes d’agression conformément aux dispositions de
la Charte »
La résolution 3314 dans son article 7 a assimilé l’utilisation de la contrainte armée contre les
peuples à un acte d’agression.
Du point de vue des définitions objectives qu’elle contient la résolution est d’un apport certain
car elle a réglé les 4 oppositions entre les Etats à propos de la définition de l’agression :
l’agression doit être armée, elle ne peut être virtuelle, elle peut être indirecte, elle peut
s’exercer contre des peuples. Mais, et c’est là l’aspect négatif de la résolution, du point de vue
66
de son effet sur le pouvoir du conseil de sécurité elle est d’un apport nul puisqu’elle laisse au
conseil un pouvoir discrétionnaire total.
Les représailles se présentent comme un recours ponctuel, limité, justifié comme étant une
réaction à un acte illicite antérieur. Autrement dit, les représailles se présentent comme une
réaction à un acte illicite, ce n’est pourtant pas une légitime défense parce que de l’aveu
même de l’Etat qui y recourt, il n’a pas été victime d’une agression.
a- En droit classique : les représailles armées étaient considérées comme licites. Un Etat
pouvait y recourir s’il avait été victime d’un acte illicite même de nature civile de la part d’un
autre Etat (exp : le non-paiement d’une dette). La seule condition que posait le droit classique
c’était une condition de proportionnalité. Cela a été confirmé par deux sentences arbitrales. La
première rendue dans l’affaire Naulilaa le 31 juillet 1928 qui avait opposé l’Allemagne au
Portugal. La deuxième sentence arbitrale porte sur l’affaire dite du Cysnée qui a été jugée le
30 juin 1930 et qui avait opposé les mêmes parties.
b- En droit contemporain :
Le droit contemporain a condamné, prohibé les représailles armées. Cela est constaté dans la
résolution 2625 « Les Etats ont le devoir de s’abstenir de représailles impliquant l’emploi de
la force ».
-L’emploi de la force par les peuples pour réaliser leur droit à l’autodétermination
-un autre cas qui fait aujourd’hui partie de l’histoire c’est l’utilisation de la force armée contre
les Etats ennemis (Allemagne et Japon en 1945). Ces Etats ne sont plus des ennemis.
-L’emploi de la force en vertu des pouvoirs du Conseil de sécurité, c’est ce qu’on appelle la
sécurité collective.
Elle concerne la totalité du chapitre VII à l’exception de l’article 51. Ce chapitre est intitulé
« Action en cas de menace à la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression
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Qualification Choix des catégories Nature de l’acte Nature de la mesure
L’article 39 →Menace à la paix →il recommande →mesures non
Le Conseil de →Rupture de la paix →ou prend des militaires (article 41)
sécurité constate →Acte d’agression décisions →mesures militaires
l’existence Aucun de ces concepts Là aussi le Conseil (article 42)
d’une… n’est défini dans la CNU de sécurité dispose →mesures
et la définition de la d’une liberté dans le provisoires (article
résolution 3314 ne remet choix de la nature de 40)
pas en cause le pouvoir l’acte qu’il va Il a une liberté de
discrétionnaire du prendre. Il peut choix de la mesure
Conseil. La veut dire que prendre un acte qui n’est pas
le Conseil apprécie obligatoire ou non. déterminée par le
librement au cas par cas Le choix entre les 2 choix de la
l’existence d’une rupture types d’actes ne qualification retenue
ou d’un acte d’agression. dépend pas de la (face à une menace
En plus face à une qualification retenue il peut décider des
situation, il peut aussi la c’est-à-dire que face mesures militaires
qualifier de différend et à une agression il (Somalie,
s’il la qualifie de peut recommander et Yougoslavie,…) par
différend elle rentre dans face à une menace il contre face à une
le chapitre 6 qui exige un peut décider rupture de la paix ou
règlement pacifique à une agression il
(affaire Lockerbie) peut se limiter à une
→liberté de choix de la mesure non
qualification militaire).
A tous les niveaux (la qualification, le choix des catégories, le choix de la nature de l’acte et
de la mesure), le Conseil de sécurité a un pouvoir discrétionnaire et à chaque niveau, il
retrouve la totalité de son pouvoir discrétionnaire.
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MPSI : cette notion de menace à la paix et à la sécurité internationale n’a pas été définie par
la charte et dans la pratique le Conseil de sécurité a donné à la notion des contenus très
différents :
-dans sa résolution 1441 il a considéré ce qui suit « Considérant la menace que le non-respect
par l’Iraq des résolutions du Conseil et la prolifération d’armes de destruction massive et de
missiles à longue portée font peser sur la paix et la sécurité internationale ».
-Il peut s’agir de mesures non militaires (article 41) : cet article cite un certain nombre de
mesures non militaires sans donner une liste limitative. Il prévoit 3 types de mesures non
militaires (interruptions des relations économiques, interruption des communications,
interruption des relations diplomatiques).
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cette fin, le Conseil de sécurité a institué un comité des réparations. C’est également au titre
de l’article 41 que le Conseil a institué les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-
Yougoslavie et le Rwanda.
-Il peut s’agir de mesures militaires (article 42) : si le conseil de sécurité estime que les
mesures prévues à l’article 41 seraient inadéquates ou qu’elles se sont révélées telles, il peut
entreprendre au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres toute action qu’il juge
nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationale. Cet
article confirme l’étendue du pouvoir du Conseil de sécurité qui peut passer à l’article 42. Il
n’y a pas de gradation des mesures qui lie le conseil.
2- La légitime défense :
Elle est prévue par l’article 51 de la CNU. Elle existerait même s’il n’y avait pas eu cet
article. L’article 51 lui-même le dit puisqu’il parle d’un droit naturel de légitime défense.
Peut-être aurait-il été plus clair de parler d’un droit coutumier de la légitime défense parce que
la notion de droit naturel est une notion contestable. Ainsi, le positivisme juridique rejette par
définition l’existence d’un droit naturel. On peut dire que c’est un droit non écrit de légitime
défense.
Selon l’article 51, on ne peut recourir à la légitime défense que si un Etat a été victime d’un
acte d’agression. Nous savons qu’un acte d’agression c’est l’emploi de la force armée
directement ou indirectement par un autre Etat (et donc il n’y a pas de légitime défense
lorsque l’acte armé n’émane ni directement ni indirectement d’un autre Etat ce qui est le cas
des actes terroristes du 11 septembre 2001).
L’article 51 règlemente aussi la légitime défense dans les moyens mis en œuvre : la légitime
défense est soit individuelle soit collective. Cela est logique, il est même normal qu’elle soit
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plutôt collective car l’agresseur est généralement celui qui est ou se croit le plus fort.
L’agressé ne peut se défendre efficacement sans l’appui de ses alliés.
L’article 51 règlemente la légitime défense aussi dans la procédure. En effet, l’Etat qui recourt
à la légitime défense doit informer le conseil de sécurité des mesures qu’il prend à cet effet.
La jurisprudence a abordé la légitime défense dans l’affaire des activités militaires dans
laquelle la Cour a déclaré « en droit coutumier, aucune règle ne permet la mise en jeu de la
légitime défense sans demande de l’Etat se jugeant victime d’une agression armée. Cette
exigence vient s’ajouter à celle que l’Etat en question ait proclamé lui-même qu’il a été
agressé ».
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