Les Turdétans ou Tartessiens
Michel-Gérald Boutet, Drummondville, Québec, automne 2016 –
hiver 2017
Le masque de Tharsis ou tête d’Arganthonios,
ancienne gravure de livre.
Qui étaient les Turdétans ou Tartessiens, une civilisation biblique
légendaire, voire une lointaine colonie phénicienne, ou une véritable civilisation
ibérique?
Selon l’archéologie, la civilisation tartessienne débute au tout début du premier
millénaire, c’est-à-dire entre 1200 et 1100 et elle atteint son pic civilisationnel aux
alentours du 6e siècle, entre 800 et 540 avant l’ère commune. Les archéologues et
les historiens de l’art divisent l’histoire tartessienne en deux grandes périodes :
l’époque culturelle à motifs géométriques et la période culturelle dite
orientalisante. La période aux motifs géométriques se situe vers la fin de l’Âge
du bronze, à partir de -1200 et se terminant vers environ 700 av. l’è. c. et ce, plus
exactement, au début de l’âge du fer. La date de 1200 av. l’è. c. coïncide avec
l’évènement de l’éruption des Peuples de la Mer dans la Méditerranée orientale
sur Chypres ainsi que sur les littoraux de l’Égypte et de Canaan. Quant à la
période dite orientalisante, elle s’étale sur les siècles allant de 750 jusqu’à 550 av.
l’è. c. et est marquée par une nette influence méditerranéenne orientale due
principalement aux apports culturels et matériels perçus des Phéniciens
carthaginois et des helléniques.
Les Grecs, dont l’explorateur Pythéas de Marseille (né vers -330, mort vers -300),
connaissaient bien les côtes ibériques.
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Platon (né à Athènes vers -127 et mort vers -347), dans son Timée et son Critias,
décrit le pays de l’autre côté des colonnes d’Hercule qu’il appelle Atlantide. Il est
clair par la description qu’il fait de son śtlantide qu’elle est née de la même fable
à peine historicisée que la Tartessos de Strabon et que ce sont deux
dénominations grecques pour un seul et même pays.
Voici ce qu’écrit Platon (Timée, chapitres 25 et 26) au sujet de l’śtlantide :
« Ces livres nous apprennent quelle puissante armée Athènes a détruite, armée
qui, venue à travers la mer Atlantique, envahissait insolemment l'Europe et
l'Asie; car cette mer était alors navigable, et il y avait au-devant du détroit, que
vous appelez les Colonnes d'Hercule, une île plus grande que la Libye et l'Asie.
De cette île on pouvait facilement passer aux autres îles, et de celles-là à tout le
continent qui borde tout autour la nier intérieure ; car ce qui est en deçà du
détroit dont nous parlons ressemble à un port ayant une entrée étroite: mais c'est
là une véritable mer, et la terre qui l'environne, un véritable continent. Dans cette
île Atlantide régnaient des rois d'une grande et merveilleuse puissance; ils
avaient sous leur domination l'île entière, ainsi que plusieurs autres îles et
quelques parties du continent. En outre, en deçà du détroit, ils régnaient encore
sur la Libye jusqu'à l'Égypte, et sur l'Europe jusqu'à la Tyrrhénie. Toute cette
puissance se réunit un jour pour asservir, d'un seul coup, notre pays, le vôtre et
tous les peuples situés de ce côté du détroit. C'est alors qu'éclatèrent au grand
jour la vertu et le courage d'Athènes. Cette ville avait obtenu, par sa valeur et sa
supériorité dans l'art militaire, le commandement de tous les Hellènes. Mais,
ceux-ci ayant été forcés de l'abandonner, elle brava seule les plus grands dangers,
arrêta l'invasion, érigea des trophées, préserva de l'esclavage les peuples encore
libres et rendit à une entière indépendance tous ceux qui, comme nous,
demeurent en deçà des Colonnes d'Hercule. Dans la suite de grands
tremblements de terre et des inondations engloutirent, en un seul jour et en une
nuit fatale, tout ce qu'il y avait chez vous des guerriers ; l'île Atlantide disparut
sous la mer; aussi depuis ce temps la mer est-elle devenue inaccessible et a-t-elle
cessé d'être navigable par la quantité de limon que l'île abîmée a laissé à sa place.
»
Platon dit bien que les Atlantes « régnaient encore sur la Libye jusqu'à l'Égypte,
et sur l'Europe jusqu'à la Tyrrhénie (les terres et îles de la mer Tyrrhénienne)».
Cette affirmation décrit précisément le territoire que les peuples de la mer
fréquentaient à l’époque de leur expansion maximale.
Et comme l’explique Strabon, les terres et îles dans l’estuaire du Bétis exposées
aux marées, aux crues du fleuve et aux tremblements de terre étaient sujettes aux
inondations. C’est sans doute à partir de ces récits que Platon a forgé son récit.
Pour citer Strabon (Géographie, I, 9) :
« Le port de Ménesthée, qui succède à Gadira, est lui-même suivi de l'estuaire
d'Asta et de Nabrissa. On nomme estuaires certains enfoncements que la mer
remplit à la marée haute, et par lesquels on peut remonter, comme par la voie
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des fleuves, jusque dans l'intérieur des terres et jusqu'aux villes qui en bordent le
fond. »
Puis, comme le rappelle Ivar Lissner (Civilisations mystérieuses, p. 141) :
« À proximité de l’embouchure du Guadalquivir se trouvait autrefois – jusqu’à
500 avant J.-C. un lac appelé « Lacus Ligustinus ». À cette époque, le fleuve
s’écoulait du lac par trois émissaires qui formaient des îles ou une grande île. Un
peu plus tard, entre 500 et 100 avant J.-C., le fleuve n’avait plus que deux bras
dont nous parlent les géographes Strabon et Pausanias dans leurs récits de
voyage. Le bras du milieu s’était ensablé.»
Ou encore, Platon dans le Critias, 114 :
« Le plus vieux, le roi, reçut le nom qui servit à désigner l’île entière et la mer
qu’on appelle śtlantique, parce que le premier roi du pays à cette époque portait
le nom d’śtlas. Le jumeau né après lui, à qui était échue l’extrémité de l’île du
côté des colonnes d’Héraclès, jusqu’à la région qu’on appelle aujourd’hui
Gadirique en ce pays, se nommait en grec Eumélos et en dialecte indigène Gadire
(Cadix), mot d’où la région a sans doute tiré son nom. Les enfants du deuxième
couple furent appelés, l’un śmphérès, l’autre Evaimon. Du troisième couple,
l’aîné reçut le nom de Mnéseus, le cadet celui d’śutochthon. Du quatrième, le
premier-né fut nommé Elasippos, le deuxième Mestor ; à l’aîné du cinquième
groupe on donna le nom d’śzaès, au cadet celui de Diaprépès. Tous ces fils de
Poséidon et leurs descendants habitèrent ce pays pendant de longues
générations. Ils régnaient sur beaucoup d’autres îles de l’Océan et, comme je l’ai
déjà dit, ils étendaient en outre leur empire, de ce côté-ci, à l’intérieur du détroit,
jusqu’à l’Égypte et à la Tyrrhénie. »
D’où nous vient le nom d’śtlantide?
Atlantide nous vient du grec ἀ αν ϰὸ , Atlanti- + -icos, d’Atlantis, la fille
d'Atlas, qui se trouve être la déesse toponymique des terres faisant face aux
monts Atlas, donc de la péninsule ibérique. Il ne faut pas chercher l’Atlantide
ailleurs!
On a longtemps cru, suivant les indications de Strabon (Géographie, Livre II,
chapitre 13), que la population Tartessienne était d’origine phénicienne, ce qui
n’est vrai qu’en partie, mais ce ne sont pas eux, selon les dires de Platon, qui
occupaient les côtes occidentales, de la Tyrrhénie (Italie) à l’Europe atlantique. Et
ce n’était pas eux non plus les vrais Tartessiens. Les Phéniciens et leurs colons
carthaginois avaient un comptoir commercial à Gades (l’actuelle Cadix) certes,
mais ils n’exploitaient pas l’arrière-pays. En fait, Strabon ne pouvait expliquer la
destruction de Carthage que par la dénonciation de la perfide alliance militaire
jadis contractée par Hannibal avec les rois des pays celtiques.
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« Mais la chose ressort mieux encore [de l'emploi qu'il a fait de certaines notions
positives] que nous allons rappeler : l'expédition d'Hercule, par exemple, en ces
contrées lointaines et celles des Phéniciens aux mêmes lieux lui donnait des
vaincus l'idée d'un peuple riche et amolli; et il est de fait que l'assujettissement de
cette partie de l'Ibérie aux Phéniciens a été si complet, qu'aujourd'hui encore,
dans la plupart des villes de la Turdétanie et des campagnes environnantes, le
fond de la population est d'origine phénicienne. »
C’est-à-dire que sous l’occupation phénicienne, ceux-ci s’étaient concentrés dans
les centres urbains ainsi que dans certains chefs-lieux ruraux.
Il dit aussi qu’Ulysse et ses hommes y auraient séjourné et qu’il se trouve en
Ibérie « une vile du nom d'Odyssea, un temple dédié à Minerve »; puis rajoutant
au chapitre 14, que les Carthaginois y avaient fait une expédition militaire en
quête de minerais d’argent et que leur roi s’appelait incidemment Arganthonius.
Rajoutons que les renseignements de première main venaient des Phéniciens,
qui, maîtres de la meilleure partie de l'Ibérie et de la Libye depuis l'époque
d'Homère, demeurèrent en possession de ces contrées jusqu'à la destruction de
leur empire par les armes romaines.
« Quant à la richesse de l'Ibérie, elle nous est attestée encore par ce que disent
certains historiens, que les Carthaginois, dans une expédition que commandait
Barca, trouvèrent les peuples de la Turdétanie se servant de crèches d'argent et
de tonneaux d'argent; on se demande même à ce propos si ce ne serait pas
l'extrême félicité de ces peuples qui aurait donné lieu à la réputation de longévité
qu'on leur a faite, qu'on a faite surtout à leurs rois, et qu'Anacréon rappelle dans
ce passage : « Je ne souhaite pour moi ni la corne d'Amalthée ni un siècle et demi
de règne sur l'heureuse Tartesse »; ce qui expliquerait, pour le dire en passant,
comment Hérodote nous a conservé le nom d'Arganthonius, l'un de ces rois. »
Or, il s’avère que le nom du roi légendaire de Tartessos n’est pas de langue
phénicienne, mais bien celtique ancienne, voire protoceltique.
Selon les données épigraphiques, il appert qu’un bon nombre de stèles ou de
commémorations funèbres turdétanes mentionnent Asalon et Ecron, la citadelle
d’Ecran de Palestine. Sans oublier Cadix qui serait étymologiquement lié à Gaza.
Ce qui sous-entend que Tartessos fut colonisée par des expatriés philistins. Suite
à la destruction des cités philistines et judéennes par les armées babyloniennes
de Nabuchodonosor en 604 avant notre ère, une partie de cette population fut
emportée en esclavage, notamment les tribus judéennes et israéliennes. Une fois
libérés, les Juifs retrouveront la Judée alors que les Philistins ne reverront plus
jamais la Palestine. Le mystère de la disparition complète des Philistins intrigue
et fascine les historiens depuis toujours, car plus près de la côte et en possession
de navires. Ceci dit, suite à leurs défaites contre les Égyptiens, les Peuples de la
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mer s’étaient déjà rabattus sur l’ouest de la Méditerranée, la Sicile, la Sardaigne,
ainsi que sur la côte européenne de l’śtlantique, plus exactement.
Tartessos et la Bible
« La parole de Yahweh fut adressée à Jonas, fils d'Amathi, en ces termes: « Lèvetoi, va à Ninive, la grande ville, et prêche contre elle; car leur méchanceté est
montée jusqu'à moi. » Et Jonas se leva pour s'enfuir à Tharsis, loin de la face de
Yahweh. Il descendit à Joppé (Jaffa), et trouva un vaisseau qui allait à Tharsis et,
ayant payé son passage, il y descendit pour aller avec eux à Tharsis, loin de la
face de Yahweh. »
(Jonas 1, traduction en français du Chanoine Crampon, édition numérique par
Jesusmarie.com)
Le nom de la Tharsis ou Tarsis de la Bible nous vient du grec Tartessos. La
citation mentionnée ci-dessus est importante pour ce propos, car elle établit
clairement le lien entre la Palestine et Tartessos : Jonas descendit à Jaffa en pays
philistin et s’enfuit à Tharsis loin de l’influence des prêtres de Yahweh. À cette
époque, l’expression juive « navires de Tharsis » désignait les navires qui
voguaient en mer. śvec le temps, les juifs de l’śntiquité tardive vont oublier le
véritable sens du nom Tarsis. Pour le traducteur romain de la Bible au latin,
Jérôme (347- 420 è.c.), le terme Tharsis désignait la « mer ». De fait, dans un
commentaire sur Isaïe (Isaïe XXIII), il affirme que le nom hébreu pour la mer était
tharsis. Il s’agit en fait d’un calque du grec thalassa « mer ». Ceci étant dit,
d’autres passages de la Bible confondent Tharsis avec Carthage. La Targum de
Jonathan est identifiée à Tharsis et dans un passage des Rois I0, 22, il écrit que les
navires de Tarsis sont avec ceux de Hiram 1er, roi phénicien de Tyr :
« Car le roi (Salomon) avait en mer des navires de Tarsis avec ceux de Hiram; et
tous les trois ans arrivaient les navires de Tarsis, apportant de l'or et de l'argent,
de l'ivoire, des singes et des paons. »
Ce qui confirme que la flotte de Hiram faisait partie de la même ligue maritime
que celle des Tartessiens.
Ainsi, lorsque les Peuples de la mer sont passés dans l’śtlantique par les
colonnes d’Hercule, ils sont devenus les śtlantes de Platon!
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Les peuples de la mer, les Philistins (Pulasati) et les Sicanes (Tsakkaras), colonne de
Medinet Habu, Égypte. Illustration tirée du livre d’śrthur Evans, The Palace of Minos at
Knossos, tome 1, planche 489.
Un mot sur les Peuples de la mer
Les peuples de la mer s’étaient regroupés autour d’une appartenance commune
indo-européenne pontique et jouissaient d’une nette avance technologique
matérielle, métallurgiste et militaire sur les autres civilisations. Contrairement au
préjugé courant, à l’époque du bronze final, ils s’étaient déjà affranchis de la
culture de l’oralité traditionnelle et maîtrisaient parfaitement les domaines de la
diplomatie, du renseignement et de l’encodage. Dès lors, ils avaient constitué une
puissante ligue maritime qui déborda des côtes des mers Adriatique et Noire et
se dispersèrent dans la mer d’Égée. Ils occuperont les nombreuses îles de cette
mer, incluant Chypres, pour enfin se rabattre sur les basses terres des littoraux
d’Égypte et de Canaan. Ils exerceront là une grande influence sur les peuples
sémites avoisinants, dont les Phéniciens et les Cananéens. Puis, lors de la 19e
dynastie, règne de Ramsès Ier, ils fonceront sur une Égypte décadente et en déclin
militaire. Cet évènement fut consigné dans les annales d’Égypte sur les papyri et
monuments hiéroglyphiques de Medinet Habu. Ils furent éventuellement
vaincus par Ramsès III, pharaon de la 20e dynastie; trêve conclue, ils s’allièrent
en tant que nation cliente à l’Égypte. Les scribes égyptiens retinrent trois groupes
à la tête des peuples de la mer, nommément : les Dnjn (Denen), les Pršt (Prsht) et
les Wšš (Wawaitw). Les Dnjn ou Denen sont identifiables aux Danunas des
Hittites, les Danawoi, puis les Danaoi des Grecs, c’est-à-dire les Danoi de l’Iliade;
les Pršt ou Prsht, Plst, Frst ou Pulushta sont les Pelestes des Grecs et les Pilistim
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des Hébreux, tandis que les Wšš ou Wawaitw sont vraisemblablement des
Vénètes. Les Danaoi seront une des principales ethnies à coloniser l’île de
Chypre. Les autres membres de la coalition sont : les Tškl, les Sicules, qui
coloniseront la Sicile, les Šrdn ou Sardes, qui s’établiront en Sardaigne et les
Sakar, qui deviendront peut-être les Sicâni ou Sicanes de Sicile. Ce sont ces
mêmes peuples qui prendront l’assaut de l’śtlantique bien avant Pythéas le
Massaliote (vers -320) en passant par les colonnes d’Hercule et qui, selon la thèse
de Joseph Monard, s’établiront dans le sud-ouest de la péninsule ibérique, puis
plus au nord sur la côte armoricaine, dans les marais salés des îles de la Frise,
Helgoland, ainsi qu’au Danemark. Un important contingentement de ces peuples
s’était réfugié plus à l’ouest à l’abri des invasions assyriennes ou perses, loin des
hésitantes forces maritimes égyptiennes.
Bref, si les Turdétans ou Turdules descendaient en partie des Peuples de la mer,
il faut s’attendre à ce qu’ils soient eux aussi tournés vers la mer. Vu la qualité de
leurs ports, il n’est à douter qu’ils aient possédé une imposante flotte.
Strabon (Géographie, chapitre II, 6, 31) le confirme :
« Ce qui peut du reste donner l'idée de l'importance des exportations de la
Turdétanie, c'est le fort tonnage et le grand nombre des bâtiments turdétans : de
tous les bâtiments de commerce, en effet, que l'on voit, soit à Dicaearchie, soit
dans le port d'Ostie, arsenal maritime de Rome, les plus gros viennent de la
Turdétanie et leur nombre n'est guère inférieur à celui des bâtiments qui
viennent de Libye. »
Les Grecs n’ignoraient donc pas l’importance de ces colonies maritimes avec
lesquelles ils échangeaient et l’une de celles-ci était Tartessos. Le nom α
ό
est une corruption du celtique ibérique Turtha agrémenté du suffixe de
désinence grec –essos. Turtha est de la racine proto-indo-européenne *tur- <
*tuer- « tourné, emprise, empoigne », de là le protoceltique *tur-da > *turđa «
monticule, tertre, colline artificielle, tour » et en jeu de mots avec torta « lieu
humide, mouillé ». Le radical tur- se trouve aussi dans l’ethnonyme pluriel ibère
Turdoi, Turduli ou Turdetani « ceux des hauteurs ou des collines ». Le nom
gaélique Tara est de même étymologie : tura > turra, torra « monticule, colline,
tertre, amoncellement de terre ». D’après ce que nous dit Strabon, Tartessos se
disait Turdetania dans la langue du pays. Les autres tribus ibériques de Bétique
étaient nommément les Celtici, les Culbiceni, les Cunetes et les Oretani. Ce sont
tous des noms celtiques; voir les étymologies :
Celtici < Celticoi « les celtiques »; Culbiceni < Culibicenoi « du recoin des ruches
»; cula « recoin », culos « arrière » + bicenna « nid d’abeille, ruche »; Cunetes «
chasseurs avec chiens »; Oretani < Oretanoi / Orietanoi « les orientaux, ceux
d’Oreton »; Oreton, l’actuelle Oria, ville de la province d’ślmeria en śndalousie.
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Il faut donc conclure que la Bétique était incluse dans la grande ligue celtique
ibère.
La dame de Baza, sculpture de grès du 4 e siècle avant notre ère, de la
nécropole del Santuario in Baza, Grenade. Gravure numérique d’après une
photo de Pablo Alberto Salguero Quiles, musée archéologique national
d’Espagne.
Afin de mieux saisir la nature du peuplement de la vallée de la Bétique, voici la
citation de Strabon tirée de sa Géographie, Livre III:
« Du nom du fleuve qui l'arrose ladite contrée a été appelée Baetique ; elle
s'appelle aussi Turdétanie d'un des noms des populations qui l'habitent. Ces
populations, en effet, portent deux noms : celui de Turdétans et celui de
Turdules; suivant les uns, ces deux noms auraient toujours désigné un seul et
même peuple, mais suivant les autres (et Polybe est du nombre de ces derniers,
puisque, à l'entendre, les Turdétans avaient pour voisins au nord les Turdules),
ils désignaient d'abord des peuples différents. En tout cas, aujourd'hui, toute
distinction entre ces peuples a disparu. Comparés aux autres ibères, les
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Turdétans sont réputés les plus savants, ils ont une littérature, des histoires ou
annales des anciens temps, des poèmes et des lois en vers qui datent, à ce qu'ils
prétendent, de six mille ans; mais les autres nations ibères ont aussi leur
littérature, disons mieux leurs littératures, puisqu'elles ne parlent pas toute la
même langue. Cette contrée sise en deçà de l'Anas, se prolonge à l'est jusqu'à
l'Orétanie et a pour borne au Midi la portion du littoral comprise entre les
bouches de l'Anas et les Colonnes d'Hercule. Du reste il est nécessaire que nous
la décrivions plus au long, ainsi que les lieux qui l'environnent, afin de ne rien
omettre de ce qui peut contribuer à faire connaitre tous les avantages, toutes les
richesses dont la nature l'a dotée. »
Il est donc clair que pour Strabon, les savants et raffinés Turdules étaient
étroitement en lien avec les autres peuples ibères. Grâce à leurs routes, nombreux
ports et imposantes flottes maritimes, ces provinces ou royaumes distincts
communiquaient entre-deux. Et comme le proclame fièrement une pièce de
bronze celtibère du centre-ouest, ils voyageaient le Monde!
Sagonton avec le Monde
Pièce de bronze de Saguntum avec côté face : la tête de Pallus de Rome portant l’inscription
Sagvninv en caractères romains et côté pile : la proue d’un ponton précédé du caducée de
Mercure avec la Victoire ailée volant au-dessus portant l’inscription celtibère ADuNM’.
Sagvninv est la forme latine de Sagon(t)inu, comitatif, instrumental « avec, par » de
Sagonton « lieu de la couverture du soldat »; sagon « manteau de soldat », sagos « tunique
courte » + suffixe de lieu –nton < –enton, alors que la mention sous le navire Adunm’
signifie « avec le monde » : a- < ad- « avec » + dumnom / dumnon, « monde, cosmos ».
Que les Turdétans et autres peuples du Sud ibérique, possèdent une littérature et
qu’ils consignaient leur histoire dans des annales ou inscriptions lapidaires n’est
surement pas une exagération de la part de Strabon. Il n’est pas impensable aussi
de soupçonner que les Tartessiens descendaient en partie de peuples indoeuropéens venus de l’est, ou que tel autre peuple ibère, dont les Callaeci ou
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Astures, ait des liens avec la ligue vénète présente dans les ports de l’Europe
atlantique.
Ils en ont peut-être gardé le souvenir et la trace de ces pérégrinations se retrouve
sans aucun doute dans leurs écrits. Les textes des Gaëls et Scots des îles du Nord
parlent justement des errances de leurs ancêtres sur les mers et les terres de l’est
du monde connu. Il semblerait que les généalogies royales hiberniennes ou
calédoniennes mentionnent indirectement cette lointaine filiation avec les
Philistins que les bardes médiévaux confondaient avec les pharaons d’Égypte.
Les annales d’Écosse sur l’Espagne
Calendarium Anno Mundi 2544, « calandre de l’année du Monde 2544 ».
Nel, fils de Fenius, qui est instruit en plusieurs langues, est allé en Égypte. Glose :
« Je vous l’ai dit, ô lecteurs que je n’aime pas la tâche d’écrire ce passage qui
m’est imposée, ainsi je vous implore au nom de l’amitié vraie, de ne point me le
reprocher (à moins que vous n’en compreniez la raison, puisqu’il est certain que
ce ne sont pas ceux du Clann Firbisigh qui sont en faute.) » Calandre : c’est suite
au meurtre de Reflor par Neman (comme il est écrit dans le livre des Invasions
d’Erinn) que Milidh, fils de Bile, partit de l’Espagne pour la Scythie, puis de la
Scythie vers l’Égypte et ne comprenez point que ceci ne s’était pas passé au
moment de la mort de Nel en Égypte, mais plusieurs années après. C’était
justement suite au meurtre de Reflor que la souveraineté de Scythie fut contestée.
Et comme il est écrit dans ce parchemin dont nous avons la copie, cent navires
constituaient sa formidable flotte, quinze familles dans chaque bateau, ainsi que
des soldats sans femmes à bord. Ils séjournèrent trois mois dans l’île de
Taprobane (Ceylan). Puis trois autres mois dans la mer Rouge jusqu’à ce qu’ils
soient reçus par le Pharaon roi d’Égypte, là où ils apprirent les arts de ce pays. Ils
séjournèrent huit années auprès du Pharaon d’Égypte où ils propagèrent leurs
différents arts ainsi que leurs diverses actions. Scota, fille du Pharaon, épousa
Milidh, fils de Bilé. Par la suite, Milidh partit avec ses hôtes sur la grande mer
(ainsi qu’avec lui Scota, la fille du Pharaon) au-delà de l’île de Taprobane dans
laquelle ils séjournèrent un mois. Puis, ils ramèrent autour de la Scythie sur
l’Inbher (le cours du fleuve Volga) de la mer Caspienne. Ils y restèrent
immobilisés pour l’équivalence de trois d’errances en mer sur la Caspienne par le
chant des sirènes jusqu’à ce que le druide Caicher les en délivre. Ils voyagèrent
ensuite au-delà de la pointe de Sliabh Rife (la pente gelée) jusqu’à ce qu’ils
atteignent la Dacie. Ils y restèrent un mois durant. Caicher le druide leur dit
alors : « nous ne nous y attarderons pas, car nous repartirons pour l’Irlande. »
Par la suite, ils passèrent en Gothie, par la Germanie, vers Bregann dans le but
d’éventuellement regagner l’Espagne. À leur arrivée, la contrée de Bregann
n’était pas encore habitée. Ils restèrent là trente ans et y livrèrent quarante-quatre
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batailles contre les Frisons, les Longobardes et les Bachru, puis furent rejoints par
Milidh, fils de Bile. Ces batailles furent livrées pour le bien de l’Espagne au nom
de Milidh, roi d’Espagne. Et ce fut en cet endroit que naquirent les deux fils de
Milidh, Eremon et hErennan. C’était les deux plus jeunes. Les plus vieux
s’appelaient Donn et Ebhir puisque Donn est né en Scythie et qu’Ebhir est né en
Égypte. En un seul jour, douze familles succombèrent en Espagne par la peste
incluant leurs trois rois, à savoir : Milidh, fils de Bilé, ainsi que Uige et Oige. Il
advint que quarante-sept familles et quatre soldats partirent en Irlande avec les
fils de Milidh et de Scota, la fille du pharaon. Éventuellement, ils atterrirent en
Irlande en un lieu appelé Inbher Slaini. Ils voguèrent autour de l’Irlande par trois
fois jusqu’à ce qu’ils se trouvent à Inbher Sgene. Erenan, le plus jeune des fils de
Milidh, se hissa sur le mat du navire afin d’estimer la distance de sa position en
mer à la terre ferme. Il périt là sur la poitrine de sa mère, les membres écrasés
entre les rochers. Elle soupira alors ces mots : « Il n’est pas surprenant qu’Erenan
passe entre deux cours d’eau (Inbhers), non pas qu’il soit retrouvé dans l’Inbher
par lequel y est passé, mais qu’on le retrouve dans l’autre cours. Il avait fait une
terrible tempête le jour même et le navire dans lequel était Donn, fils de Milidh,
ainsi que cinquante hommes, douze femmes et quatre soldats, fut emporté. Ainsi,
ils furent tous noyés dans la mer de l’ouest à Dumacha dans un lieu appelé Tech
nDuinn. C’est au dix-septième jour, le jeudi des calendes du mois de mai, que la
flotte des fils de Milidh prit l’Irlande à Inbher Sgene. Il arriva que Sgene Davilsir,
la femme d’śimergin Gluingil, soit morte en ce lieu et sa tombe s’y trouve
encore; de là le nom d’Inbher Sgene. Et non loin, la tombe d’Erennan se trouve de
l’autre côté en face. Le troisième jour, suite à prise d’Irlande par les gens de
Milidh contre les démons Fomoires fut livrée la bataille de Sliabh Mis. Par la
suite, ce sont les fils de Milidh qui remportèrent la bataille en gagnant la
souveraineté de l’Irlande. » Glose : « Je passe à une autre époque, que Celui qui
Est les bénissent tous. »
Suite à la lecture de ce passage tiré des annales d’Écosse, nous comprenons en
filigrane que les Celtes connaissaient parfaitement les extensions de leur monde,
dans le temps comme dans l’espace, ainsi que celles de leurs voisins indoeuropéens. Et surprise, leur monde connu va de l’Irlande à l’Inde. Les Scythes
(du grec ancien ὐ α , Skúthai) étaient connus par les indo-aryens sous le nom
de Sakas. Leurs proches voisins cimmériens (dont l’épopée remonte aux
pérégrinations des peuples de la Mer incluant celles dans les Balkans et en
Anatolie) les appelaient Skolots. Et leurs poètes connaissaient tous leurs hauts
faits de conquête et de guerre depuis d’innombrables générations et cette
réputation ne devait jamais tomber dans oubli, c’était un devoir sacré de
commémoration. N’oublions pas que dans la littérature irlandaise, la Scythie
désigne les pays à l’est des Alpes, si ce ne sont pas ceux de l’Europe orientale.
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Notons au passage un autre nom, celui de cet Ith venu d’Espagne en Irlande avec
les autres envahisseurs ibères dans la vague dite « milésienne ».
Le passage qui suit est tiré des annales des quatre maîtres d’Irlande :
« L’Âge du Monde, 3502
1 : La première année du règne d’Eremhon sur l’Irlande ; puis lors de la seconde
année après l’arrivée des fils de Milidh, Eremhon divisa l’Irlande. Il donna la
province d’Ulster à Emhear, fils d’Ir ; le Munster aux quatre fils d’Emhear Finn ;
la province de Connaught à Un et à Eadan ; et la province de Leinster à
Crimhthann Sciathbhel, roi des Domnonéens.
2 : Tea, fille de Lughaidh, fils d’Ith, qu’Eremhon avait épousée en Espagne, à la
répudiation d’Odhbha, était la même Tea qui demanda à Eremhon une colline de
son choix comme douaire en l’endroit qu’elle choisirait afin d’y être enterrée et
que son tertre et sa pierre tombale y soient érigés et que chaque prince de sa race
qui viendra à naître réside en ce lieu. Les garants de l’institution de ceci furent
śmhergin Gluingeal et Emhear Finn. La colline qu’elle choisit fut Druim Caein,
c'est-à-dire Teamhair. C’est en souvenir d’elle qu’elle fut nommée et c’est en elle
qu’elle fut enterrée.
3 : Odhbha, la mère de Muimhne, Luighne et Laighne, mourut, et fut enterrée à
Odhbha.
4 : La bataille de Cuil Caichir, dans laquelle Caicher fut tué par Amhergin
Gluingeal, fut livrée cette année-là ; et sa tombe fut creusée à cet endroit, si bien
que c’est de lui que fût nommé Cuil Caichir. »
Itos chez les Philistins est un des noms dynastiques accordés à leurs chefs et
apparait ici et là dans les registres du pays. Selon la Bible, le roi David avait de
Gath un compagnon du nom d’Ittai, la forme hébraïsée du nom philistin Ithos.
Ce nom se compare à l’irlandais Ith ou Ith Bilé. Ith, le fils de Bregon était un des
compagnons de Mil ou Milesius en version latine. Bref, Ithos et Ith sont de la
même racine protoceltique itos « blond couleur blé », adj. it-os/-a/-on « blond »;
Itos, itus « céréale, grain de blé »; Itus « pin, résineux, baumier ». Les noms
d’Ithos et de Belos, à l’instar d’Ith Bilé, se trouvent associés dans la tablette
philistine de Tell Deir ‘ślla. N’oublions pas que le nom du dieu philistin Belus <
Belos > Bhelos est de même étymologie que le nom irlandais Bile < Belos «
brillant ».
12
Tablette philistine de Tell Deir ‘Alla
De gauche à droite à partir du haut :
Ligne 1: UISIU ǀ IUDhKU ǀ BHLM ǀ MIAU
Ligne 2: UIÂÂ ǀ ITHa ǀ UIDIa ǀ ÉKU
Traduction
Ligne 1 :
UISIU < Uisiu datif, comitatif, instrumental « avec, par, pour »; Uisios ; uisios «
(celui) qui sait, qui connait »; cf. celtique uiseos, uesos « (celui) qui sait, sachant »;
IUDhKU < iuđcu, datif, comitatif, instrumental d’iuđcos « qui combat,
combattant »; cf. celtique iouđo, ioudo, iudo, « combat »; ne pas confondre avec
le grec ancien Iο δαῖο , Ioudaîos, « juif, de la tribu de Juda »;
BHLM < Bhl(o)m < Belom, accusatif « à, toi » de Belos « brilliant », théonyme
Belos;
MIAU< miau, datif, comitatif, instrumental de miaos « lieur (par magie) »; de la
racine proto-indo-européenne : mei- « lier, attacher» / *smei < mei-, « qui
émerveille, qui émeut, qui fait sourire »; comparer avec adj. celtique mei-os/-a/on « en sus »; Miaos, nom propre ou théonyme masculin.
Uisiu iuđcu Bel(o)m Miau.
« Avec Uisios combattant, toi Belos avec Miaos. »
13
Ligne 2:
UIÂÂ < uiaa ; 1ère pers. du pluriel « nous » ; racine PIE *ueiə-,
radical *uī- (< *uiə-); cf. Hitt. wēš, tocharien was/wes, avestique vaēm,
védique vayám, gothique weis, wit (duel), hollandais wij,
anglais wē/we, allemand wir/wir ;
ITHa < ito, locatif « à, dans » d’Itos « céréale », dont la forme hébraïque est Ittai,
qui était un chef de guerre ou un seren en dialecte de Gath dans la Bible; ou
encore : ita ΣsoΤ ; cf. adverbe celtique d’affirmation ita « ainsi », cf. latin ita « ainsi
», adverbe de manière « de cette façon ».
UIDIa < uidia n.c.f. « science, connaissance, savoir »; cf. celtique uidia, sanskrit
vidya « science, sagesse, savoir, connaissance », latin video « voir, regarder,
percevoir »;
ÉKU < ecu, datif comitatif, instrumental d’ecuos « égal, ajusté, équitable »; cf.
celtique ecuos « ajusté, équitable » / ecuos « cheval », ecu « bétail, équidés,
bovins », latin ecus > equus « cheval ».
Uiaa itha uidia ecu.
« Nous Itha, dans la connaissance / savoir ajusté. »
Ce détour vers les tablettes philistines est important car il jette un éclairage sur la
concordance de théonymes et de mythonymes qui peuvent correspondre à des
personnages légendaires que l’on retrouve aussi dans l’épigraphie et la littérature
celtique. Le Dindsenchas de Rennes complète prosaïquement le portrait.
Medraide, Dindsenchas de Rennes, 131.
Medraide, fils de Torchar, fils de Tromda, fils de Calatrom, venait d’une île de
l’ouest de l’Espagne et vint avec Mac Conn en Irlande pour s’établir sur la
lointaine grève appelée Medraide. Ainsi, c’est au gué d’śth cliath Medraide, que
Medraide et Cliath, fils de Cuilenn, fils de Dub-duinn, de la famille de Mac Conn,
échouèrent là. Y étaient aussi Dubri, fils de Duban, fils de Derc, lui aussi de la
famille de Mac Conn et par qui Dubri fut nommé puis, Neide Nithgonach pour
qui l’eau de Neide fut appelée et Gaeth, fils de Nechtan, fils de Firmor, fils
d’Erimon, fils de Ross, fils d’Inbirmuigi, c’est-à-dire le beau-frère de Medraide et
de Marcán, fils de Donn, fils de Dathach de la famille de Conn aux-cents-combats
et de Gaillim, Fille de Bresal – de qui vient Gaillium – qui venait le jour se
baigner au fleuve et Laigen, le gris rude, fils de Daire, fils du roi d’Espagne – par
qui fut nommé le gué de Laigen. Failenn, fils d’Illann, fils de Ner – pour qui fut
nommée l’île de Failenn – et qui vint des rives des côtes de Grèce afin d’assister
14
Mac Con. Et enfin, Boirenn, fils de Bolcan, fils de Ban – du nom de Boirenn qui
sortit d’Espagne pour venir à Boirenn Corcomruad.
Cette île de l’ouest de l’Espagne d’où vient Medraide en compagnie des gens de
la maison de Mac Conn est probablement la grande île située en face de Cadix,
c’est-à-dire l’île du Pont ou île de Léon que les Romains appelaient Antipolis. Sur
la carte de Von Spruner, elle est nommée insula Cotinussa. Ce nom semble bien
celtique : cotin, adlatif « à, vers » du n.c.f. cotis « coffin, coffre » + suffixe
qualificatif de tendance –usa < -ousa / -ausa « -eux ».
L’île à l’ouest de l’Espagne mentionnée dans le Dindsenchas de Rennes est
identifiable sur cette carte par le nom latin d’insula Cotinussa. Carte de la région
de Cadix à l’époque romaine, détail d’une carte de la Bétique par Karl Von
Spruner, 1865.
Revenons sur la liste des noms gaéliques que les chroniques d’Irlande attribuent
aux gens d’Espagne, les Milésiens :
Nom gaélique
Aimergin Gluingil
Amhergin Gluingeal
< Amairgen
Ban
étymon
Amarogenos « né du
chagrin »; Amaro «
chagrin, affliction »
Gluigil <
Banos « pâle, gris »
15
description
Druide, guerrier et fils
de Miesius qui fonde
une école de pensée
druidique en Irlande.
Père de Bolcan et grandpère de Boirenn venu en
Irlande d’Espagne.
Bile, Bile Ith
Bregon > Breogan
Bolcan
Boirenn
Bresal < Breasal
Caicher, Caichir
Cingris
Calatrom
Clan Mac Conn
Cliath
Con < Conn
Cuilenn < Culann
Daire
Dathach
Derc
Donn
Belios « du brillant »
Bile Ith était le fils de
Bregon et le père de Mil.
Brigonos « le
Bregon, un des fils de
physiquement et
Milesius et arrière-petitmoralement fort »
fils de Bregon 1er, père
de Bilé et Ith. Celui-ci fit
construire une tour sur
oppidum en Espagne.
Bolcanos « celui de la
Guerrier aristocrate
fissure dans le métal »
Ibère et père de Boirenn.
Boiorenos « la guerre qui Fils de Bolcan.
coule rapide »
Brassalis « le musclé, le
Roi légendaire du pays
corpulent »
d’Hy-Brasil, une île
submergée de l’ouest
atlantique.
Caicaros « celui de
Druide milésien.
l’aveugle »
Cingorixs « chef de
Père de Scota et roi
guerre, général »
d’Égypte ou de Scythie
et grand-père de Fenius
Farsa, père de Niul.
Culatromos « le chien
Père de Tromda venu
super héros »
d’une île de l’ouest de
l’Espagne avec Mac
Conn en Irlande
Qlanda maqoi Conni « le Le clan de Conn aux
clan des fils de Conn »
cents batailles
Cletios « de la claie, de
Cliath, fils de Cuilenn,
l’enceinte, du clos »
fils de Dub-Duinn, du
clan Mac Conn
Connos « le savoir, la
Conn aux cent batailles,
raison »
roi en chef d’Irlande.
Cuslanos / Coslanos « le Forgeron armurier et
coudrier »
père de Cliath.
Darios « le tumulte, la
Fils du roi d’Espagne
bousculade »
Datacos « coloré »
Dathach père de Donn.
Dercos « l’œil »
Père de Duban, du clan
Mac Conn
Donnos « le brun »
Donn, un des fils de Mil.
Donn, fils de Dathach.
16
Dub-Duinn
Duban
Dubri
Eber > Ébhir Finn >
Éibhear Fionn
Eber Donn
Dubi-dunios « homme
noir »
Dubanos « le noir, le
sombre »
Dubrixs « de la rivière »
Ebiros < Iberos « rapide,
preste »; j.-d.m. Iueros,
« frais »; Iberos / Ebros,
« l'Èbre »
Emer > Emhear
Emerios
Emhear Finn
« de l’épeautre »;
emeron > ameron
Eremon, Erimon >
Eremhon, Heremon
« épeautre »
Ariomanos
« commandeur, homme
placé en tête »
Esru, Esras
Eremon, Erimon
Esdratis « qui a les
moyens »
Uindos « blanc »
Uindios « du blanc »
Ariomos « laboureur »
Erenan > hErennan >
Erannán
Erinonos « celui de
germandrée »; Erinon
Failenn,
« germandrée »
Uailannos « le pigeon,
colombin »
Finn ou Fenius
Fenius Farsa > Fenius
Farsaidh,
Uindios « du splendide,
du blanc »; Farsa >
Farsaid < Persios « le
17
Père de Cuilenn et grand
père de Cliath.
Duban, fils de Derc, du
clan Mac Conn
Dubri, fils de Duban, fils
de Derc, du clan Mac
Conn.
Eber Finn, fils de Mil,
devint roi d’Irlande.
Eber Donn, un autre des
sept fils de Mil, était
souverain d’Espagne
conjointement avec
Eremon. Eber, fils de
Partholon.
Un des druides-garants
milésiens en compagnie
d’Amairgen.
Fils survivant de
Milesius et premier roi
de la dynastie
milésienne d’Irlande
sous le conseil du druide
Amaigen.
Père de Seru, père de
Partholon.
Voir : Emer, Farsaid.
Erimon, fils de Ross.
Eremon, le Milésien
Pilote maritime qui
guida la flotte
milésienne en Espagne.
Failenn, fils d’Illann, fils
de Ner, du clan Mac
Conn.
Roi de Scythie, fils de
Cingris, père de Nel et
ancêtre des Goidels.
Firmor
Gaeth
Gaillim,
Gaillium
Goidel > Gaedhal > Gael
ou Goidel Glas, latin
Gaithelus
Perse »; du grec ancien :
Πε σί , Persis « Perse »
Uiromaros « grand
homme »
Goitios « des
bourrasques, des vents »
Gallima « super forte, de
force morale »
Galliamalis « à la
puissance semblable »
Gaidelos « gael, goidel »
Marcán
Gaidelos Glastos « gael
le bleu »
Gollamos « grandement
aveugle »
Alaunos « miroitant »
Inberomoguios « rivière,
cours, du jeune serviteur
»
Eror « aigle »
Itos « le blond »
Lagnios « du faible, du
sans ressort »; en
connotation : lagncia «
lance »
Lagenatis « lancier »
Lugionos « celui qui est
né par serment »
Marcanos « l’entité »
Medraide
Medioreidos
Milidh > Míl Espaine
« mi facile »
Mileto « la dévastation,
destruction voulue »
Golam
Illann
Inbirmuigi
Ir
Ith
Laighne
Laigen > Laighin
Luighne
Milesius
18
Père de Nechtan.
Un des fils de Nechtan.
Gaillim, Fille de Bresal et
mère de Gaillium.
Petit fils de Bresal.
Un des fils de Niul et de
Scota et petit-fils de
Cingris.
Le véritable nom de Mil
ou Milesius d’Espagne.
Illann, père de Failenn.
Père de Ross et grand
père d’Eremon.
Un des fils de Mil.
Ith, frère de Mil.
Frère de Muimhne et de
Luighne.
Un guerrier milésien.
Frère de Laighne et de
Muimhne.
Fils de Donn, fils de
Dathach du clan de
Conn.
Fils de Torchar, fils de
Tromda, fils de
Calatrom.
On le dit descendre
d’une tribu scythe venue
en Espagne. Il épouse la
princesse Scota, née en
Égypte, qui ont deux fils,
Eber et Amaigen.
Muimhne
Momonia, la province
du Munster
Nechtan
Nectanos « authentique,
pur »
Nechtanobos « nettoyé,
propret »
Nechtanebus
Neide Nithgonach
Nedsos / Neððos / Nessos
Nead Nitgonach
Nel < Niul < Niall
« proche, voisin »
Nialos « champion »
Un des trois fondateurs
milésiens et un des fils
de la reine ibère Odba.
Fils de Firmor.
Assimilé au pharaon
égyptien Nechtanebo
dans les annales
d’Irlande empruntant au
Roman d’Alexandre.
Un membre du clan de
Mac Conn
Époux de Scota et père
de Goidel Glas.
Neitogonaccos
Neman
Ner
Odba > Odhbha
Oige
« générateur de héros »
Namans « l’ennemi »
Nero « commandeur,
homme qui prend le
commandement »
Adbadia « la très blonde,
la jaune »
Ogios « jeune »
Partholon
Badolonos « du barde
épique »
Reflor < Rebhlor
Roblaros « pour clair »
Ross
Rostos « se tenant
devant »
Scotta « symbole en
fleur, fleur
emblématique »
Scota
19
Tueur de Reflor.
Père d’Illan.
Première épouse
d’Eremon en Espagne.
Un des trois rois ibères
dont: Milidh, fils de Bile
et Uige.
Père d’Eber, l’ibère. Il
introduisit la charrue et
l’agriculture en Irlande.
Son meurtre par Neman
provoqua la fuite des
Milésiens de la Scythie
vers l’Espagne.
Fils d’Inbirmuigi.
Fille du roi Nechtan ou
du pharaon égyptien
Nechtanebus ou Gingris
selon certaines
chroniques et fille de
Milesius. Elle est la mère
Sera, Seru
Seros « long »
Sgene Davilsir
Starn
Sceina « lame »,
Daelisira « longue part »
Sdironos < Đironos
Tea
« l’étoilé »
Tega « l’appui »
Torchar
Torcaros « le torsadé »
Tromda
Tromodenos « qui
s’élance »
Uige
Uigios « du tressé »
de Goidel et ancêtre des
Goidels ou Gaels.
Père de Partholon et de
Starn.
La femme d’śimergin
Gluingil.
Frère de Partholon et fils
de Sera.
Femme du roi milésien
Eremon. Tara, la
citadelle royale
d’Irlande, fut
familièrement appelée
Tea-mhair en son
honneur.
Torchar, fils de Tromda,
fils de Calatrom, venu
de l’île de l’ouest de
l’Espagne.
Fils de Calatrom venu
de l’île de l’ouest de
l’Espagne avec Mac
Conn en Irlande.
Un des trois rois ibères
dont : Milidh et Oige.
Cette histoire de Scota, fille du pharaon Nechtanebus est tout droit tirée du
Roman d’Alexandre (Le livre de la vraye hystoire du bon roy Alexandre, qui fust filz de
Nectanebus, ms. Bibliothèque nationale de France, 1373) dont certaines copies en
vieux français circulaient dans les îles. Il s’agirait donc d’une adaptation
irlandaise du roman qui aurait été intégrée aux cycles des conquêtes d’Irlande.
Le motif d’ślexandre et de Nechtanebus s’est peut-être greffé à la saga des
Milésiens venus d’Ibérie dans laquelle il était gardé le souvenir d’une origine
méditerranéenne orientale; ou encore d’un fait d’histoire mythologisé évoquant
les origines ibériques de la race des Scots par l’ancêtre légendaire maternel
éponyme Scota. Selon les chroniques d’Irlande, Niul, le fils du roi scythe Fenius
Farsa, se rend en Égypte et épouse Scota, la fille du pharaon Nectanebo; si ce
n’est le roi (philistin?) Cingris. Il n’est pas exagéré d’y voir une allusion à un roi
philistin dénommé Cingorixs Nectanos, c’est-à-dire le « général Nectanos ».,
selon moi cependant, ce Cingris des chroniques irlandaises pourrait n’être au
détour qu’une déformation du Gargoris ou Gargorixs ibère.
20
Au sujet des Cimmériens, le linguiste Joseph Monard qui a bien étudié la
question, nous apporte les détails manquant au fond légendaire historicisé relaté
par les textes irlandais :
« La compatibilité linguistique entre Galates et Cappadociens est confirmée par
Strabon (XII, I, 1) qui était qualifié pour l'affirmer en bonne connaissance de
cause puisque né à Amaseia (maintenant Amasya), tout près de la frontière de la
Galatie anatolienne. Sa ville natale appartenait alors à la Cappadoce, refuge
majeur de l'émigration cimmérienne advenue quelques siècles auparavant:
vaincus par les Scythes et ayant perdu la plus grande partie de leur patrie, grosso
modo l'Ukraine actuelle, les Cimmériens se trouvèrent tassés en Crimée (<
Kimmeria) et dans quelques poches de résistance sur les côtes de la Mer Noire et
de la Mer d'Azov; une partie de ce peuple passa en Anatolie et se conquit une
nouvelle patrie aux dépens de la Phrygie. Pendant l'Empire Perse cette contrée
fut nommée Katpatuka (< *Catubatuca ?) et ce nom fut réécrit Kappadokia en
Grec. Plus tard encore, une petite partie du "Pont", peuplée de descendants de
Cimmériens et jamais conquise par les Galates, fut constituée en "Pontus
Galaticus" lors d'un redécoupage des provinces romaines d'Asie Mineure. »
(Grammaire du celtique ancien – essai de reconstitution grammaticale,
monographie, 2003)
Carte des provinces romaines de la Bétique et de la Turdétanie. Spruner-Menke, Atlas
antiquus, Karoli Spruneri opus, tertium edidit Theodorus Menke Gothae : Sumtibus
Justi Perthes (1865)
21
La cité de Tartessos se situait dans l’estuaire du fleuve Baetis (rebaptisé
Guadalquivir par les Arabes). Selon Strabon (1er siècle av. l’è. c.), les Turdules ou
Turduli occupaient historiquement le bas du fleuve Baetis. Les Turdétans (depuis
le 8e siècle av. l’è. c.) étaient les clients des Phéniciens qui commerçaient avec
ceux-ci à partir du port de Cadix (grec Gadytis, latin Gades). On a longtemps cru
que ce port fut fondé par les Phéniciens, or il appert que ce lieu fut occupé bien
avant eux. Les Grecs appelaient Cadix, Gádeira, de là le nom de Gadir. De fait, la
Gades tartessienne est de même étymologie que la Gaza philistine : Cadytis,
protoceltique Cadi is, Cadi a, n.c.f « nécessité de lutter »; Cadi - + -is suffixe
abstractif « -ise ». La coutume veut que l’on baptise la nouvelle fondation selon
l’ancienne capitale. La plupart des sites archéologiques anciens du Sud-ouest se
trouvent à Huelca (Escacena del Campo, province de Huelva), à Turtha (Puerto
de Santa Maria de Cadix), Urso (Osuna de Séville) et Etibirge (Elvira de
Grenade). La région de Huelva, connue pour les mines de Rio Tinto, fut exploitée
dès l’Âge du bronze. Nous savons par l’épigraphie que la région était occupée
par les Celtes comme en témoigne la céramique du site de l’oppidum de Capote
où l’on retrouve le nom d’śblonios, « l’inquiet, l’agité », sur une poterie du 2e
siècle avant notre ère.
Voici selon Pline (Histoire naturelle, chapitre III, 6), la description du territoire de
la Bétique :
« La partie du littoral adjacente au promontoire Sacré forme le commencement
du côté occidental de l'Ibérie jusqu'à l'embouchure du Tage, et le commencement
du côté méridional jusqu'à un autre fleuve appelé Anas, jusqu'à son embouchure
s'entend. Ces deux cours d'eau viennent du levant; mais le premier, le Tage,
beaucoup plus considérable que l'autre, coule droit au couchant jusqu'à son
embouchure, tandis que l'Anas tourne au midi, formant ainsi, avec le Tage, une
Mésopotamie, dont la population, composée eu majeure partie de Celtici compte
aussi quelques tribus lusitaniennes, que les Romains y ont transplantées naguère
de la rive opposée du Tage. Il s'y trouve en outre, dans la partie haute, des
Carpétans, des Orétans et des Vettons en grand nombre. Tout ce pays-là est déjà
passablement fertile, mais celui qui lui fait suite au midi et à l'est ne le cède à pas
une des plus riches contrées de la terre habitée pour l'excellence des produits
qu'on y retire soit de la terre soit de la mer. »
Villes tartessiennes mentionnées par Strabon :
Strabon dans sa Géographie mentionne quelques noms de lieux dont : Asta,
Nabrissa, Onoba, [Os]sonoba et Maenoba dont voici les étymologies suggérées :
22
Asta « élévation, côte (au figuré) », le port d’Ostie ; n.c.f. asturia « hautes
montagnes »; n.c.m. astis / ostis « os en général »; astna < astana « côte osseuse »,
voir aussi les n.c.n. astinacon / ostinacon « coin », astiiacon / ostiiacon « ossuaire
»; Asta n’est donc pas de même étymologie que le latin Ostia, pl. d’Ostium, «
bouche, porte, embouchure de fleuve »; nom du port du Tibre en Italie.
Dicaearchie, le port d’Ostie : Dicaioarchios « décloisonné » ; di- préfixe de
séparation « dé-, dis- » + caio < cagio « enclos, chais » + vocatif d’arcios « du chef
»; arcos « chef, commandeur » + suffixe comparatif relatif « plus ».
Nabrissa « le garot »; nabra « garrot d’étranglement » + suffixe de désinence
féminin –issa « -esse ».
Maenoba « précieuse (en trésors) »; n.c.m. muinos > moinos < muieno, meino «
trésor » + suffixe adjectival de tendance –bos/-a/-on ; voir aussi : v.a. moinio >
monio, minio « s’acheminer ».
Onoba « aqueuse »; aba, apa, aua, ona, ono « eau » + suffixe adjectival de
tendance –bos/-a/-on ; voir : onobia « breuvages », onobion « boisson, breuvage
».
Ossonoba « à daim »; ossos / uxsos « daim » + suffixe adjectival de tendance –
bos/-a/-on.
Autres noms de lieux mentionnés par les auteurs classiques :
Conistorgis, « sommet des tueurs »;
Ebora, « bourdaine, nerprun »;
Eburobrittium, «peinte en bourdaine »;
Mirobriga, « fort de viande »;
Nertobriga, « forteresse »;
Segida, « la défense »;
Turobriga, « tertre en camp fortifié, oppidum ».
-
Notons que ces toponymes s’expliquent très bien par des étymologies
celtiques anciennes. Le même constat s’applique aux mythonymes ou
noms propres de personnages légendaires.
Les rois mythiques de Tartessos
Geryon < Gerrionos « le bref, le court
», Gerris « bref, succinct, court »
Norax < Noraxs < Noracos, de nora /
noro « générosité, magnanimité » +
Roi légendaire dont les troupeaux
furent volés par Hercule.
Le petit-fils de Geyron qui conquit le
sud de la Sardaigne où il fonda la cité
23
–axs < -acos, suffixe actif pour la
formation de noms propres.
de Nora en y instituant le premier code
de lois; il divisa le royaume en sept
chefs-lieux, sept classes sociales tout en
incitant les aristocrates au travail
collectif.
Il introduisit l’apiculture, le commerce
et de nouveaux instruments aratoires
dont la charrue de fer en Ibérie.
Une série de rois mythiques portent ce
nom dont un qui est mentionné par les
sources classiques en tant que roi de
Tartessos.
Gargoris < Gargorixs, gargos
« sauvage, rude, rustique » et rixs « roi
»
Arganthonios; du celtique ancien
Argantonios « celui de l’argenté »,
arganton « argent ».
Le bronze de Carriazo, artefact orientalisant retrouvé à Séville figurant deux oies égéennes et la déesse
philistine Astarté comparable à l’Athéna Astarté grecque, l’Ostara germanique ou à la Nemetona Sirona
gauloise. Les miroirs en forme de delta, pour la lettre D, expriment peut-être Diuon la pleine lune ou Deuon
la divinité. Gravure numérique de l’auteur.
Sur la religion des Turdétans de la Bétique
Selon le préhistorien Luis Berrocal-Rangel de l’université autonome de Madrid,
les études archéologiques démontrent que l’organisation sociale du Sud-ouest
était plus égalitaire et moins hiérarchisée que celle du centre celtibère. Il constate
néanmoins que celle-ci était tout aussi policée et encadrée par son élite militaire
24
dont le pouvoir s’exerçait selon la nécessité de défense et non que par le privilège
héréditaire ou aristocratique de caste.
Nous savons par les commentateurs classiques que les gens de la province de
Béotie démontraient sensiblement les mêmes pratiques que les Celtibères, à la
différence que ceux-là se montraient plus discrets dans leurs dévotions.
Toutefois, les rituels à grand déploiement étaient célébrés en conformité au
calendrier liturgique ibéro-celtique.
Le peu que nous savons sur leurs pratiques démontre qu’il existait un consensus
théologique entre les diverses nations et tribus ibères. Ce fait se vérifie par
l’épigraphie des théonymes communs, notamment Endovelico et Ataecina.
Le ritualisme turdétan ne pouvait donc pas différer de façon marquée de celle
des tribus celtibères ou lusitaines environnantes.
Donc, à en juger par la normalisation et l’uniformité des types d’offrandes
votives retrouvées aux fouilles du site de Garvâo chez les gens du territoire de la
Bétique, la religion était la même qu’ailleurs dans la péninsule. Ceci se vérifie par
le style graphique des plaquettes repoussées en or et en argent, ainsi que par la
céramique figurant des formes abstraites en forme d’yeux et de motifs en
spirales. Il semblerait qu’il ait fallu plus d’une vingtaine de personnes pour
coordonner ces rituels.
Symboles du pétroglyphe de Solana de Cabañas : flèche,
épée, delta, humain et deux formes circulaires indentées
avec un siège au centre.
Symbolique :
Au-dessus, épée (nord) et flèche (ouest).
Au centre, orbe lunaire avec bouclage mensuel et
computation : 3, 2, 3, 2, 3; puis
à droite : humain (dunios), delta (deuos) et miroir
(lune).
Siège : sedos < sedlon, en jeu de mots avec sidos « paix,
l’au-delà ».
Au bas, deux cercles pour la marche des luminaires sur
l’écliptique avec le carré solaire (à droite) et les solstices
(à gauche) ; voir la symbolique de l’art picte.
Stèle d’ardoise de Solana de Cabañas (Caceres), Âge du
bronze final, début du premier millénaire avant notre
ère. Gravure numérique d’après une photo du Musée
archéologique national de Madrid.
25
Selon Strabon (Géographie, livre III, chapitre 2, 19-21), les gens de la région de
Cadix se rendaient à Asta :
« Dans le pays des Celtici, maintenant, la ville la plus connue est Conistorgis; de
même, la plus connue de celles qui bordent les lagunes ou estuaires est Asta, où
les Gaditans tiennent habituellement leurs assemblées, parce qu'elle n'est pas à
plus de 100 stades au-dessus du port de leur île. »
Stabon, au sujet d’un site ouvert du « cap Sacré » dédié à Hercule, explique qu’il
était simplement aménagé de trois ou quatre monolithes et où un rituel de
circumambulations et de libations y était mené. Ce lieu était désigné
familièrement par le nom de Conion (< gonion « coin ») ou Cuneus en latin. Par
ce détail, il ne faudrait pas conclure que les Turdétans n’avaient pas de temples
fermés. Un oratoire couvert avec autel du 4e siècle av. l’è.c. a été découvert à
l’oppidum de Capote en Espagne. Il semble que ce lieu de culte, comme celui de
Castro de Segovia près de Badajoz, ait servi à l’expression de dévotions discrètes
et prestigieuses.
Afin de mieux comprendre, voici le passage de Strabon (Géographie, Livre III,
chapitre 4) :
« (…) Car, si la terre habitée finit au couchant avec les deux continents d'Europe
et de Libye, avec l'Ibérie, extrémité de l'Europe, et avec la Maurusie, première
terre de la Libye, la côte d'Ibérie au promontoire Sacré se trouve dépasser la côte
opposée de 1500 stades environ. De là le nom de Cuneus, sous lequel on désigne
toute la contrée attenante audit promontoire et qui, en latin, signifie un coin.
Quant au promontoire même ou à la partie de la côte qui avance dans la mer,
Artémidore, qui nous dit avoir été sur les lieux, en compare la forme à celle d'un
navire; quelque chose même, suivant lui, ajoute à la ressemblance, c'est la
proximité de trois îlots placés de telle sorte, que l'un figure l'éperon, tandis que
les deux autres, avec le double port passablement grand qu'ils renferment,
figurent les épotides du navire. Le même auteur nie formellement l'existence sur
le promontoire Sacré d'un temple ou d'un autel quelconque dédié soit à Hercule,
soit à telle autre divinité, et il traite Éphore de menteur pour avoir avancé le fait.
Les seuls monuments qu'il y vit étaient des groupes épars de trois ou quatre
pierres, que les visiteurs, pour obéir à une coutume locale, tournent dans un
sens, puis dans l'autre, après avoir fait au-dessus certaines libations ; quant à des
sacrifices en règle, il n'est pas permis d'en faire en ce lieu, non plus qu'il n'est
permis de le visiter la nuit, les dieux, à ce qu'on croit, s'y donnant alors rendezvous. En conséquence, les visiteurs sont tenus de passer la nuit dans un bourg
voisin et d'attendre le jour pour se rendre au cap Sacré, en ayant soin d'emporter
de l'eau avec eux, vu que l'eau y manque absolument. »
Strabon (Géographie, Livre III, chapitre 9) parle aussi d’une tour sur le fleuve près
d’Ébure dédiée à la déesse de la Lumière locale. L’oracle des Dioscures
(Gémeaux) se trouvait non loin de la tour sur une petite île du Baetis :
26
« C'est sur une île dans l’embouchure du Baetis que trouve l'Oracle de Ménesthée
ainsi que la Tour de Caepion. »
Rappelons au passage que Ménesthée était le onzième roi légendaire d’śthènes à
être placé sur le trône par les Dioscures. Il y était pratiqué là un culte à déesse du
ciel lumineux :
« (…) De cette tour (Tour de Caepion) part celle des branches du Baetis qui mène
à la ville d'Ebura et au temple de la déesse Phosphore ou Lucifère, autrement
dite Lux dubia. »
Il n’est pas à douter qu’Ebura est un éponyme de la déesse titulaire du lieu. Il
faut aussi savoir qu’Ebura ou sa variante Eburo était un des noms celtiques de la
constellation de la Grande Ourse, avec entre autres, celui d’śndarta. Cette Ebura
est identifiable à la Belisama, « la lumineuse », la déesse celtique de la lumière.
Belisama était évidemment la compagne de l’śpollon celte Belenos; celui-ci étant
le frère jumeau du Mercure celte Lugus.
Le culte à la déesse Carmona est bien attesté dans la vallée du Baetis, ce qui sousentend que le culte associé à Lugus était aussi pratiqué. Le théonyme se
rapproche du nom de la déesse irlandaise Garmuin ou Carman / Carmun <
*Carmantio, « la fuselière cardeuse », la Fata des Celtes. Son culte est intimement
lié aux célébrations des calendes d’aout dédiées à Lugus. En Irlande, elle était la
divine patronne de l’assemblée de la citadelle royale de Tara.
Ceci dit, Carmona vient du nom celtique carmanon « fuseau de tisserand ».
Les oratoires fermés de la Bétique sont de petits immeubles carrés en pierres
semblables aux petits temples philistins et sont caractérisés par une antichambre
menant à une salle aménagée d’un mobilier lithique modeste, dont un autel
rectangulaire en forme de grosse dalle.
1.
Ruines d’un sanctuaire du site
d’archéologie celtique de
Castrejón de Capote, Higuera la
Real, Badajoz, Espagne. Gravure
numérique d’après une photo de
V. Novillo.
2.
27
Ruines du temple philistin de Tell
Qasile, Tel-Aviv, Israël, avec son
petit autel en forme de dalle.
Gravure numérique d’après une
photo de David A. Donev.
Les objets trouvés dans les nécropoles n’ont pas la richesse de ceux que l’on
retrouve dans les sépultures des autres princes celtes ou ibères et sont nettement
de facture orientalisante ou hellénisante. Une influence méditerranéenne
orientale est évidente. S’agit-il d’une importation culturelle d’expatriés
philistins? Bref, il est à constater qu’au travers des âges, ces objets sont marqués
d’une influence hellénique évidente. Le sarcophage, dit phénicien, de Cadix est
de facture plus tardive que l’exemple philistin qui est daté de 450 à 400 av. l’ère
commune.
1. Sarcophage ibère hellénisant de Cadix
en terre cuite attribué aux Phéniciens.
Gravure ancienne de la revue Scientific
American, supplément, No. 832, 12
décembre 1891.
2. Sarcophage philistin de Beth Shan, Israël, en
terre cuite de style grec archaïque mycénien,
vieille gravure de livre.
Le mystère des écritures tartessiennes
Dernièrement en 2009, James Leslie de la Midwestern Epigraphic Society de
Columbus en Ohio m’a partager une lettre écrite à un collègue, M. Roger Sexton,
l’informant que selon l’śssociated Press, des chercheurs tentaient, comme si ce
n’était pas déjà fait par les chercheurs espagnols et portugais, le déchiffrement de
l’ancienne langue des écritures du sud-ouest du Portugal : “The Associated Press:
Experts (are) trying to decipher ancient language Southwest Script in Portugal”.
De fait, il s’agissait un article de l’auteur Barry Hatton. Voici quelques extraits de
l’article (TDL) :
28
« Nous en savons peu sur leurs habitudes quotidiennes ou sur leurs croyances
religieuses, dit-il.» Selon Swiggers, les écritures du Sud-ouest ne sont qu’un
exemple d’un nombre de langues anciennes au sujet desquelles nous n’en savons
pas beaucoup. Le mystère qui les entoure ne fait qu’ajouter au terreau fertile en
conjectures sur l’identité des auteurs de ces inscriptions. Il est généralement
admis que ces textes furent écrits il y a 2500 ou 2800 ans. La plupart des experts
les attribuent au peuple des Tartessiens, une tribu marchande méditerranéenne
qui exploitait en ces lieux le minerai. La région, parmi les plus riches d’Europe,
était connue pour ses mines de cuivre, mais qui s’épuisèrent au bout de quelques
siècles. Certains chercheurs proposent qu’il puisse s’agir de tribus préromaines
telles les Conii ou les Cynetes ou peut-être des Celtes qui s’étaient aventurées
loin au sud de la péninsule.
L’article continue plus loin pour décrire les difficultés de traduction en précisant
que les écritures ne sont pas normalisées :
« Il est presque certain que cette écriture résulte d’une adaptation des alphabets
phéniciens et grecs puisqu’ils empruntèrent certaines de leurs conventions
orthographiques. Et ce malgré qu’ils aient transgressé certaines règles et en
créèrent de nouvelles. »
Certains, dont David Grant Stewart, ont reconnu dans les inscriptions du Sud
ibérique des écritures étrusques. Il conclut, à partir de similitudes graphiques,
qu’il s’agissait d’un dialecte de l’étrusque du 7e siècle d’avant notre ère et note
que 70% des lettres sont comparables à l’alphabet toscan. Cette étude n’est pas
surprenante puisque la plupart des alphabets anciens d’Europe sont apparentés.
Ceci étant dit, l’épigraphiste américain Donal Buchanan, qui s’est penché sur les
écritures ibériques du Sud-ouest sur plus de trente ans, a clairement démontré
qu’il s’agissait bien d’une langue celtique. Selon lui, il s’agit d’inscriptions
funèbres en celtique ancien empruntant certains éléments lexicaux au grec et au
latin évoluant vers l’ancêtre du portugais. Buchanan ne croit pas que ces
écritures remontent aussi loin que les 4e ou 3e siècles, mais qu’elles seraient
plutôt du 2e ou 1er siècle avant notre ère allant jusqu’au 2e siècle de notre ère.
Bref, ce que les spécialistes appellent « tribus ou peuples préromains » étaient en
fait des Celtes, comme l’étaient aussi les Celtibères. Ce constat se vérifie dans les
noms des peuples de la Bétique : les Celtici, « les celtiques », les Connii, « les
connaisseurs », les Cunetes, « les chasseurs ».
D’après Strabon (Géographie, Livre III, 2, 2), la ville la plus réputée des Celti
s’appelait Conistrogis. Il n’est donc pas à douter, comme l’affirme Buchanan, que
les peuples habitant la région étaient des Celtes.
29
Les écritures ibériques du Sud-ouest
Lettre
romaine
moderne
Grec
ancien
Vieil
Étrusque
Celtique
lépontiqu
e cisalpin
Philistins
et
peuples
de la mer
Syllabaire
ibérique
du Sud-ouest
A
B
Ba
Be
Bo
Bi
Bu
C /G
Ca/Ga
Cu/Gu
D
Da
De
Di
Do
Du
E
F(v)
Ê/H
É
Þ (th)
I
K
Ce/Ge
Co/Go
Ci/Gi
30
L
M
N
O
P
Pa
Pe
Po
Pi
Pu
S
K/Q
R
R
Ŕ
Š (sh) /
Ð
Z (sd) /
Ð
T
Ta
Te
Ti
To
Tu
U
U
Ø (ph /
bh)
31
Kh (ch)
/X
La langue de la région tartessienne
Selon la conclusion de Donal Buchanan de 1991, les écritures ibériques
du Sud-ouest se traduisent en celtique. Cette conclusion était alors
contraire à celle des spécialistes de son époque qui y voyaient tout sauf
du celtique. Dans sa monographie intitulée The decipherment of
Southwest Iberic, il y décrit sa méthodologie de décryptage en utilisant la
technique linguistique comparative des éléments lexicaux où chaque
ligne est découpée en petits mots qu’il compare ensuite avec les radicaux
des autres langues anciennes. Suite à cette analyse morphologique du
vocabulaire, il s’est rendu compte que la majorité de ces mots se
comparait aisément au vieil irlandais. Voici sa conclusion (TDL) :
« La langue des inscriptions du Sud-ouest du Portugal était peut-être
celtique, que je me suis dit? Une fois que j’avançais dans la certitude que
ma lecture de la valeur des sons accordée aux lettres était solide, j’ai
tenté des déchiffrements avec des dictionnaires bilingues de vieil
irlandais, de gaélique, de gallois et de cornouaillais. Malheureusement,
les résultats se firent attendre et malgré tout, je progressais de façon
encourageante dans la conviction que ces écrits traduisaient bien une
langue celtique, m’encourageant ainsi à y établir la valeur des vocables. »
Buchanan n’est pas le seul à y voir du celtique. Un autre américain l’historien
John T. Koch abonde dans le même sens (A Case for Tartessian as a Celtic Language,
2009, p. 340):
« Si l’on considère les données comparables à partir des cultures goïdéliques,
brittoniques, gauloises et lépontiques, de même que celles des hispanoceltiques,
beaucoup d’autres étymologies celtiques peuvent être tenues en considération
pour le Tartessien. » (TDL)
Pour son étude linguistique de la culture de la Bétique, le professeur Koch donne
aussi en détail sa méthodologie de recherche pour ces inscriptions qui se
formulent en cinq points :
1. La plupart des formes celtiques identifiables dans les inscriptions du Sudouest sont bien attestées et appartiennent au vocabulaire de base de plus
d’une langue celtique.
2. Il y a plusieurs parallèles hispano-celtiques incluant les comparables
celtibères et lusitaniens de la zone callécienne.
32
3. En particulier dans les inscriptions plus longues, celles qui sont complètes
et qui sont moindrement incertaines. Surtout dans le cas de formes de
langage qui sont nettement identifiables en tant que celtiques (ou qui
ressemblent à de l’indo-européen identifiable au celtique) et qui se
présentent de façon fréquente; alors que celles qui ne ressemblent pas au
celtique sont peu fréquentes. Ou encore qu’il est possible d’interpréter ces
textes de façon systématique en tant que mentions funéraires dans une
langue celtique ancienne permettant ainsi de conclure que la langue des
inscriptions du Sud-ouest ne milite pas en faveur d’une autre langue
empruntant une nomenclature isolée aux langues celtiques.
4. Cependant, cette distinction est limitée puisque, dans le cas de la région
de la pointe du Sud-ouest, elle ne s’applique qu’à partir du 7e siècle avant
notre ère.
5. Cette conclusion générale pourrait avoir des implications importantes
pour les historiens et les archéologues et renforce l’idée acquise depuis
quelque temps, à savoir que la présence des langues celtiques dans la
péninsule ibérique, contrairement à ce que nous savons au sujet de celles
de Gaule et de Bretagne, ne peut s’expliquer par la seule expansion des
cultures archéologiques de Hallstatt et de La Tène issues de l’Europe
centrale de l’Âge du fer. Le fait de retrouver une présence celtique aussi
loin au sud-ouest et de plus, à une époque aussi reculée, remet en
question la théorie de la pénétration des cultures de l’Âge du bronze de
Hallstatt pour la celticisation de la péninsule. Selon ces constats, il s’avère
au contraire que les premières formes attestées de la langue celtique
apparaissent plutôt sur le côté atlantique de la civilisation de l’Âge du
bronze final. Voilà une conclusion au diapason avec les propositions
d’ślmagro de 1995 en accord avec les nouvelles théories sur les origines
des langues celtiques de Cunliffe en 2001 et de Brun en 2006.
Ainsi, les écritures dites « tartessiennes » ou « ibériques du Sud-ouest »
s’apparentent tant par l’alphabet que la langue à celles de Lusitanie ou d’Ibérie
celtique. Certains linguistes ou traducteurs y décèlent une forme archaïsante du
protoceltique, possiblement illyrique. Ou encore s’agit-il d’une influence indoeuropéenne centum méditerranéenne orientale? Tout laisse croire que la
présence celtique, voire indo-européenne, dans l’ouest de l’Europe est, de loin,
beaucoup plus ancienne qu’on ne voulait le croire jusqu’à présent.
Syllabaire ibérique du Sud-ouest
Ca/Ga
A
Ba/Pa
33
Da/Ta
L
U
Bu/Pu
O
Bo/Po
Cu/Gu
Du/tu
R
Ŕ
Do/To
Co/Go
E
Ce/Ge
De/Te
S
Be/Pe
Bi/Pi
I
Ê
Ci/Gi
A
Di/ti
M
Â
La tablette d’Almodovar, Algarve, Portugal
Translittération
34
Š
Z (Ð) ?
N
Tablette d’Almodovar, Portugal
Traduction
IINOOIISA
BuEPeE
RAPaOREBuIIO
BoLOCo
UIISICiARE RANENAU
OCoOLEBuLACaI
DeIARAOCeOBoARINOBoOCoOL
Iinooiisa bue pee rapaore buiio Boloco Uiisiciare rane nau ocoole bulacai Deiaraoceo
Boarino.
« Inoiisa, elle fut que pique, vivre à Bolocon avec Uisiciaris, les crins, c’est-à-dire
Ocoelos les enflures, Deiaraoceos Boarinos Boucoelos. »
Ou en lecture rétrograde:
LOGoOBoONIIARBoOICeOARAITE
ICaALBuEL-OCoO
UANENAR-ERACiISIIU
GoOLOBo
OIIBuEROBaR
EPeEBu
ASIIOONII
Logoo Bonii Araite Ica Albueloco uanen Areaci isiiu Golobo Oiibue robar epeebu
Asiioonii.
« Pour Logos (fils) de Bonios d’Aras Ica à Albuelocos, assaut d’Areacos, là avec lui
Golobos d’Oiba, offrir solennellement pour les épiques d’Asie. »
35
Analyse morphologique
IInooiisa < ienoi, pl de ien-os/-a/-on adj. « jeune »; + suffixe de désinence
féminine -issa « -esse, -ise »; n.p.f. Iinoisa / Ienoisa « la jeunesse »;
Bue < bue, boue 3sg ind.ptr « il/elle fut »;
Pee < pe conjonction « que » ; pronom f. « qui, laquelle »;
Rapaore < raparia « pique lancette »;
Buiio, buiio v.c. « vivre », biuo « passer sa vie »; Buiion, buiiom « existence »;
Boloco, locatif « à, dans » de bolocon « feuillu »; bolos « feuille » + suffixe
qualificatif dubitatif -ocos; Bolocos, nom propre masculin ou toponyme Bolocon ;
Uiisiciare, comitatif, instrumental « avec, par » d’uisiciaris ; n.c.f. uisis, uessis «
animal d’un an » + ciauris « cochon domestique »;
Rane, accusatif de rani, n.c.m. pl. « crins, soies »; rano « fourrure pelage »;
Nau, conjonction « ou bien », locution « autrement dire, c’est-à-dire »;
Ocoole, vocatif d’ocoolos < ocoelos < ocelos, adj « proéminent »; Ocoelos <
Ocelos le proéminent «;
Bulacai, pl. de bulaca « enflure, adénite, œdème »;
Deiaraooceo ; deia « brillance» + adj. arauacos « pacifique »; nom propre
masculin ou théonyme Deiarauacios « de brillance pacifique »;
Boarino < boarinos < boarionos, boarianos « boer, éleveur de bétail »; arios «
homme libre » + -onos, -anos suffixe d’appartenance ; bo- relatif aux bovins +
arionos, arianos « guetteur, gardien » + -obos qualificatif caractériel « -if, -eux »;
Boocool < boocelos < bouocelos > boucalis « vacher ».
Et en lecture rétrograde :
Logoo < Logo, datif, locatif « à, pour, dans » de Logos, Lugos « lieu saint »,
Lugos « lumineux », Lugus « corbeau »;
Bonii, génitif de bonios « relatif au blond », suffixe comparatif relatif –ios -ios/- «
plus »; bonos « blond clair, très clair »;
Arbooi < arboi arbos héritier ;
Ce, démonstratif masculin pl. « ceux ces »;
Araite, génitif « à, de » d’aras « conducteur de char »; cf. goïdélique arats, génitif
aratos « conducteur, meneur »;
Ica, n.p.f. « jaillissement »; théonyme féminin Ica;
Albuelocoo < albueloco, albuelocos au locatif « à, dans »; albos blanc mat +
ueloco ; uellos « meilleur, préférable » + suffixe qualificatif dubitatif -ocos ;
uellicos « amélioré »;
Uanen < uanon n.c.n. « assaut »;
Areraci, génitif d’areracos « au-devant du levant »; Areracos, nom propre
masculin ;
Isiiu, comitatif, instrumental « avec, par » d’issio < esios > esio « son, de lui »;
36
Goolobo, locatif « à, dans » ; golos « pleurs »; golouos « lumière émanée » +
suffixe qualificatif caractériel -obos « -if, eux »; Golobos, nom propre masculin ;
Oiibue < oibue génitif duel féminin d’oiba « beauté, forme, aspect »; oibis «
faciès aimable, bonne mine »; aiba, aibo « physionomie, mine »; Oiba, nom
propre féminin ;
Robar < rober « offrir »; robaro, robero, v.c. « offrir solennellement »;
Epeebu < epiebo, collectif, datif, instrumental « à, pour, par » d’epios, eppios adj.
« de cheval, épique »;
Asiionii < Asianii ; génitif d’śsionios « de l’śsiatique ».
Commentaire
Normalement, à l’exemple des conventions indo-européennes, les Ibères
écrivaient de gauche à droite et rarement de droite à gauche. La lecture
orientalisante en boustrophédon imitant le sens des mouvements du bœuf lors
des labours n’était d’usage chez les Étrusques et les Grecs qu’à une période
archaïque. Le texte peut aussi se lire en spirale, en contournement d’une image
ou d’un symbole. La lecture rétrograde se vérifie généralement pour les textes
lapidaires à un mot ou deux. Un texte aussi long peut rarement rester cohérent
dans les deux sens. Il s’agit d’un procédé intentionnel utilisé à des fins
religieuses, mystiques ou magiques par le scribe sous forme de devotio. La
devotio exprimait le vœu d’abandonner des personnes ou des choses aux dieux
des enfers. Ainsi, la lecture en rétrograde renvoyait au côté sinistre du sacrifice
religieux.
Le site archéologique d’Almodovar
Sur le site d’un ancien cimetière d’ślmodovar, ślgarve, au Portugal, furent
retrouvées bon nombre de stèles gravées portant des inscriptions en caractères
ibériques. Les plus anciennes remontent au 9e siècle avant l’ère commune. Et
comme il est écrit plus haut, Donal Buchanan dans son étude intitulée « The
decipherment of Southwest Iberic », démontre méthodiquement qu’il s’agit bien de
commémorations funèbres en langue celtique.
37
Autres inscriptions lapidaires d’Almodovar
Illustration de Donal Buchanan 1991.
ALUDIṞEIÂRAANIDi/TiLUU
Traduction
Aludi < genitive of al(a)udos, « chanteur, chantre »; alauda « alouette »;
Ṟeiâ < Reia, Reiia, Rea, « Vénus (la déesse, la planète), l’étoile du matin », cf. la
Freya Germanique ;
Raanidi < ro-anidi / ro-anitis, « très noble » ; ro- préfixe intensifiant « très »,
anitis « noble », adj ani-/os/a/on « noble, pur, gentil »; annatis « proche parent,
apparenté »; Annidioi ethnonyme pluriel ;
Luu < luu(u), datif, comitatif, instrumental « avec, par, à, pour, dans » de luuios
« chef, guide, leader ».
Aludi Reiâ roaniti luu.
« D’Aludos, Reiâ avec (par) noble chef. »
38
Illustration tirée de l’étude de Donal Buchanan 1991.
ÉKRANEṞASNEAŚELIU – BE/PEEŚÊN
Traduction
Ligne 1:
Ékrane < Ecrone, vocatif d’Ecron-os/a « à, ô, celui d’Ecron », Ecroni, au génitif;
toponyme Ecron-os/a « d’Ecron »;
Ṟasne < ras-ne, vocatif de rasnos < *perasn- « lot, part », cf. randos ;
A eliu < as(s)eliu, comitatif, datif, instrumental « à, pour, avec, par » d’asselios,
asselos, asselis « membre physique, jambe, bras »; voire en jeu de mots: seliu,
comitatif, instrumental de selios « descendant»; selio « ligne tracée, labour ».
Si ce n’est en référence à As(c)eliu, comitatif, datif, instrumental « à, pour, avec,
par » d’ś elion < ś celion « d’ś celon; Ascalon, Ascelo en grec, Ashkelon en
hébreu; toponyme, une des cinq anciennes citadelles de Palestine.
Ligne 2:
Beesên < besenna « ruche »; Besena, nom propre féminin ou encore un nom de
lieu.
Ékrane rasne asheliu. Beeshên.
«Ô Ekran, le lot pour le membre (avec Ascalon ?). La ruche. »
39
Autres pierres portant la mention Ekrane
Paroisse d’Ourique, Algarve, fragment d’une
pierre tombale
Dessin de Donal Buchanan d’après E. Hübner qui
publia cet artefact en 1893.
Hübner, E. Monumenta Linguae Ibericae. Berlin:
Berolini. 1893.
Translittération :
EKRANE
Inscription d’Algarve
Pierre tombale d’Algarve, illustrations de Donal
Buchanan 1991.
Lecture en boustrophedon:
IN EKRANE RAMENAM – NRAUNOSILNIR /
RINLISONUARN.
40
Traduction
Ligne 1:
In < in / en « dans, en, à »;
Ekrane, vocatif ou génitif d’Ekran; toponyme probable : Ekrane, Ekrana ou
Ekrania ;
Ramenam < romenam, accusatif de romen « de merveille »; suffixe -am, une
variante de l’accusatif (complément d’objet direct) celtibère -um et du gaulois –
om ; n.c.n. romen «prodige, merveille »; ou encore une variante dialectale du
latin Romanum « de Rome (?) »;
Ligne 2 (en lecture rétrograde):
Rin < adj rin-/os/a/on « bien-aimé, chéri »; en jeu de mots avec rinos « cours,
flot, coulant en force »;
Lisonu < Lisonu, comitatif, datif, instrumental « avec, à, pour, par » de Lisonos «
celui de la cour, de l’enceinte »; lissos « cour, enceinte, fortifiée, clos, forteresse »,
lisson, « manoir, domaine »;
Arn < orn < orno « destruction, massacre »; ernos « rapace, oiseau de proie », adj.
ern-os/a/on « de grandeur, considérable»; ou encore: arna « rivière », le gué, le
passage de vie à trépas.
In Ekane ramenam rin Lisonu arn.
« En merveille Ekran (romaine ?), bien-aimé Lisonos, de grandeur. »
Illustration de Donal Buchanan, 1991.
Translittération (boustrophédon)
41
AACaRNERIONIRE - RAÊODoBo
A Acar Nerion ire raeodobo
« Ô agent homme derrière pour les rapides ! »
Analyse morphologique
A, interjection « à, ô »;
Acar n.c.m. « personnage (actif), agent, pointe »;
Nerion, accusatif de nerios « homme, mâle »;
Ire préposition « derrière »;
Raeodobo, instrumental, datif collectif « par, à, pour » de Raedos ; adj. raedos,
raidos, reidos « rapide, facile ».
Illustration de Donal Buchanan, 1991.
ECa/GaRNENBa/PaORENABa/PaADe/TeAMIORDi/TiOALERIU.
IAN
Ec-arnen baorena baateami ordi aleriu- ian.
« Sans fluide, à Baorena, meurs du maillet avec/par Alerios. »
E < eb-, ec-, ep-, ex- préfixe privatif « sans »;
42
Arnen, accusative, adlatif « à, vers » d’arno/-ona/-on adj. « qui coule,
fluide »; voir aussi : carnon « angle saillant, trompe, trompette », garnen <
garnon n.c.n. « milieu »;
Baorena < barena « jument stérile »; Barena, nom propre ou théonyme
féminin ;
Baateami Indicatif Présent 1sg -ami ; baati 3e personne sg. ind.prs «
il/elle meurt » < baami « mourir » ; adj. batuos/-a/-on > batos/-a/-on;
Ordi, génitif d’ordos « maillet, marteau »;
Aleriu datif, comitatif instrumental « à, pour, avec, par » d’Alerios « le
rapide, l’allègre » ; alaris, elaris « allègre, rapide »;
Ian < sian / sam « la »; complément d’objet direct eia > ia « elle, c'est elle
qui ».
Bo/PoOARANARCe/GeENII
Boaranargenii, génitif de Boaranargenios < Boarianaregenios « du fils de
Boarianarios »; boarion, neutre de boarios « homme libre, gentilhomme » +
génitif anar- < anare < ande-are « contre, comparé à » + suffixe masculin –genos
« fils de », -genios « du fils de » ;
43
Le monument de Bensafrim
Lecture en boustrophédon:
Ba/PaNśŔÂRDu/Tu - Ba/PaDo/ToÂR ON –
UDu/TuUIREśBa/PaśRENśRCo/GoENDi/TiI
Bana aratu badoar son suduire a Baarena Arcoendii.
Femme des deux cochers elle s’ouvre, ce magicien, à Baarena, la jument stérile
d’śrcoendios.
Analyse morphologique:
Bana, bena, bna n.c.f. « femme »; Bana, théonyme féminin;
Aratu < aratius, génitif duel d’aras « conducteur, cocher »;génitif sing. aratos
Badoar, batoar, indicatif présent, 1ère pers. sg -or / -ar de badô, batô v.c. « ouvrir
tout grand » ;
Son démonstratif ou pronom neutre « ce »;
Suite, la ligne en fer à cheval :
44
Suduire / sutuuire, accusatif de suduiros / sutuuiros < *suduuiros / *sutuuiros «
magicien, homme de magie, d’enchantement »; sudu / sutu « nc.f. « magie,
enchantement » + uiros n.c.m. « homme »; Suduiros, nom propre masculin ;
A, interjection « ô »; préfixe a- « à »; préposition « à »;
Baarena < barena > brana n.c.f. « jument stérile »; Barena, nom propre féminin;
Arcoendii, génitif d’arcoendios « chef ultime »; śrcoendios, nom propre
masculin.
Alcala Del Rio
Texte circulaire:
Co/GoDu/TuUÂRÂDe/TeEDu/TuNIDe/TeSANORBa/PaASEDa/TaÂLÂCe/
GeENEIRśÉÂCa/Gaś EDa/TaśNÂ
Cotuarate duni desan orba seda âlâce Eneiraéâca Aseda Anâ – Telrâ borda
ocutuce.
Analyse morphologique
Cotuarate, vocatif de Cotuaras < Cotuarats, génitif Cotuaratos « conducteur âgé
»; cotu- « vieux, âgé » + aras < arats « cocher, conducteur de char »;
Duni, génitif de dunos « château, palais »;
Desan < deson, adj. neutre « sudiste »;
Orba, orb-os/-a, arb-os/-a « héritier »;
Seda, « siège, assise »;
45
Âlâce, vocatif d’alacos « allègre »;
Eneira < anera, anero « comme un/une aïeule »;
Éâca < eaec-os/-a « présent, habitant »;
Aseda, Asida, théonyme féminin ; asida < a- < ad- « avec » + sida « fée »;
Anâ, Ana, théonyme féminin « source, étang ».
Ligne du milieu:
Do/ToELRÂBo/PoORDa/TaOCo/GoDu/TuCe/Ge.
Toelrâ borda ocotuce.
Analyse morphologique
Toelrâ to-olloôro « à, vers, en direction de tout bord »;
Borda « calembredaine, histoire absurde, extravagante sottise»; borda borda,
bordo n.c.f. « planche »; borda, borta n.c.f. « construction en planches »; bort-os/a/-on adj. « coupé, débité »;
Ocotuce, vocatif d’ocotucos, acatucos « voisin ».
Bensafrim
Translittération
śba/PaŔśUśŔIOUCu/Gu (ba?) ICi/GiBa/PaIOLBaILEŔOCo/Go –
46
INEÂŔRśNBa/PaEISODo/ToŔIDi/Ti.
Abarau ariou Cuicii olbai Leroco – In-earr-Ana Baei Sotoridi.
« Les deux chicaniers gardiens de Cucios à Olba de Lerocos. »
« En arrière du (fleuve) Ana, pour Baea, de Sodoridos. »
Abarau, duel nominatif ou accusatif d’abaros ; adj. abar-os/-a/-on « chicanier »;
abare-os/-a/-on « procédurier »;
Ariou, génitif duel d’arios « guetteur, gardien, garde, préposé »;
Cuicii, génitif de cuicios « celui du coucou »; n.c.m. cuics, cuixs « coucou »;
Cuicios « le coucou », nom propre masculin ; Cuicios, nom propre masculin;
Olbai, pluriel ou datif comitatif « à, pour, avec » d’olba ; cf. alba, alpa « hauteur,
haut pays »; Olba, toponyme;
Leroco, locatif « à, dans » de lerocos « sujet au flot »; lero n.c.m. « flot », ler-os/a/-on adj. « entier, complet » + -ocos suffixe dubitatif « -ieux »;
Ligne du centre :
In-, préfixe « en, dans »;
earrana < earr-Ana « en arrière du fleuve Anas »; earr < erion n.c.n. « derrière, en
arrière » + Ana, latin, flumen Anas; en jeu de mots avec : iara « poule », iarina «
poulette »;
Baei < Badei < Badiei, datif comitatif féminin « à, pour, avec » Baia < Badia « la
blonde » ; adj. badi-os/-a/-on « blond, châtain-clair »; baio < badio n.c.m. « or
jaune »; si ce n’est Baitei, datif comitatif féminin « à, pour, avec » Baita, le fleuve
Baitis, du celtique bait-os/-a/-on, baet-os/-a/-on adj. « insensé, agité » ; Baea,
nom propre féminin;
Sodoridi, génitif de sodoridos « libre et précieux »; sodos « précieux » + ridos «
libre »; Sodoridos, nom propre masculin ;
Commentaire :
Le fleuve Guadiana qui se jette dans le golfe de Cadix est la manifestation de la
déesse-mère panceltique celtique Ana. Les Romains traduisaient le nom par :
flumen śnas, c’est-à-dire, le fleuve d’śna. Cette région du sud de la péninsule
ibérique recoupe le territoire des Celticoi, peuple de l’ancienne Bétique
(Andalousie) entre Anas (Guadiana) et Baitis (Guadalquivir).
47
La stèle d’Abobada
Le monument funèbre d’śbobada (Âge du
Bronze tardif) portant une inscription
ibérique du sud en langue celtique ancienne.
Collection du Museu da Reinha D. Leonor,
Beja, Portugal. Dessin numérique d’après
une photo de Georges Jansoone, 2006.
Ligne 1 : EROMARE ÊADi/Ti ANEADo/ToE
Ligne 2: Do/ToABa/PaUMIDi/TiNECe/GeRANLEIS UBu/PuLAURI
Traduction:
Ligne 1:
Eromare, vocatif d’eros « aigle » + -maros « grand »; aro « agraire »; Aros, cf. grec
Ares, théonyme « Mars »; Eromaros, nom proper masculin.
Êadi, génitif d’aedus « ardent, flamboyant »; nom du soleil déifié ; en
connotation avec aedu « bélier ».
Aneatoe, suffixe adjectival de noms ethniques -anetis / -anatis « habitant de » ;
en connotation avec anoito « trahison, parjure ».
Eromare Êadi aneadoe.
« Eromaros, le grand aigle des gens d’ηadus (du soleil du matin) ».
48
Ligne 2:
Toabaumi - < toadbaumi / toadbami, v. « montrer »; toadbati, 3e pers du sing.
de l’ind. prés., « montre »;
Dinece vocatif de dinecos < deinece / dainece « le hâtif »; adjectif dein-os/-a/on, dain-os/-a/-on, adjectif « hâtif » + suffixe d’agent –cos;
Ran < randa > ranna « part, lot, partie, partition, rôle »;
Leis, préposition «plus»; leises « nombreux, plusieurs, en nombre »; leisos <
leitos « gris, pâle »;
U- < ud-, préfixe de complétion, de jusqu’au bout »; si ce n’est :
Ubulauri < Abulori, génitif d’Abuloros « le chef de clan »; abulos « chef de clan »
+ suffixe -aros ;
Bulauri < Balari, génitif de Balaros « luminescent »; Balaros, nom propre ou
théonyme masculin.
Toabaumi dinece ran leis Ubulauri.
« Il montre la part de ceux d’Ubulauros. »
Iconographie
Le dessin en bonhomme allumette représente-t-il un guerrier ou un dieu? Il
semble que ce personnage représente le dieu ibère Eromaros. Malgré son
armement, le personnage souriant, qui ne semble pas trop menaçant, semble
représenter l’aspect plutôt convivial de Mercure.
Les symboles figurés sur la stèle s’expliquent aisément en ayant recours au
répertoire symbolique usuel des Celtes.
Grannos, le soleil rayonnant ou
barbu
Le croissant de lune symbolisant les
cornes de la vache blanche céleste
dont le sentier est figuré par la Voie
Le losange représentant le feu
solaire ; Greinoclocca, la pierre de
quartz, la pierre solaire
La grille solaire représentant les
dimensions du temps et de l’espace
avec ses quatre points cardinaux
ainsi que le milieu. Sonnocincxs
49
lactée. Luxna, avec Diuon et Lugra,
était un des noms de la lune en
celtique ancien.
étant son parcours annuel le long de
la bande du zodiac.
Stèle d’Abobada, détail du guerrier
Il s’agit vraisemblablement de la figuration du dieu ibère
de la guerre semblable à l’śrès grec et au Mars romain.
Les traits représentent vraisemblablement la foudre.
Le Mercure celtique Lugus dans la numismatique gauloise
Quart de statère d’argent de la tribu
gauloise des Leuques figurant un
personnage aillé accompagné d’une
flèche en direction du couchant.
Lugus, « noiraud », est un jeu de mots
avec lugos < lougos « corbeau, freux ».
50
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Niocaill, édition électronique colligée par Beatrix Färber et Ruth Murphy (2003-2010), fondation
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