Sociologie du travail
Vol. 60 - n° 1 | Janvier-Mars 2018
Varia
De transporteurs à soigneurs ? Vers une
segmentation du travail des ambulanciers privés
français
From Carriers to Caregivers ? Towards a Segmentation of the Work of French
Private Ambulance Drivers
Sylvie Morel
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/sdt/1736
ISSN : 1777-5701
Éditeur
Association pour le développement de la sociologie du travail
Référence électronique
Sylvie Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers
privés français », Sociologie du travail [En ligne], Vol. 60 - n° 1 | Janvier-Mars 2018, mis en ligne le 23
février 2018, consulté le 23 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/sdt/1736
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4.0 International License.
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation
du travail des ambulanciers privés français
From Carriers to Caregivers ? Towards a Segmentation
of the Work of French Private Ambulance Drivers
Sylvie Morel
Résumé
Cet article propose une contribution à la sociologie du travail et à la sociologie des professions.
L’auteure s’est livrée à une observation participante directe du quotidien des ambulanciers privés
français dont le travail reste un angle mort des travaux sociologiques consacrés aux métiers de la
santé. Au-delà des représentations sociales dominantes de l’ambulancier « transporteur », l’enquête
révèle les multiples tâches de soins qu’il réalise et notamment, les soins techniques pratiqués dans
le cadre de transports sanitaires d’urgence. En 2007, la création du diplôme d’État d’ambulancier,
qui prévoit un élargissement de leur mandat sanitaire dans ce domaine, marque un tournant dans
l’histoire de ce groupe professionnel. Il constitue une opportunité de satisfaire les revendications
d’un segment du groupe qui cherche à conquérir le statut de spécialiste de l’urgence en s’appuyant sur l’exemple des ambulanciers paramedics européens et américains. Toutefois, en dépit
de facteurs technologiques et scientifiques favorables, l’aboutissement de ce processus de segmentation reste aujourd’hui incertain au regard des obstacles internes au groupe professionnel,
mais aussi des freins politiques et corporatistes qu’il rencontre.
Mots clés : Ambulancier, Groupe professionnel, Personnel paramédical, Segmentation, Urgence,
Transport sanitaire, Médecin urgentiste.
Abstract
This article represents a contribution to the sociology of work and to the sociology of occupations.
The author undertook a direct participatory observation of the day-to-day lives of French private
ambulance drivers, whose work remains a blind spot in sociological research dedicated to the
healthcare professions. Beyond the dominant social representation of the ambulance driver as a
“transporter”, the enquiry reveals the multiple care tasks that they undertake, in particular the
technical care practised within the framework of emergency health transport. In 2007, the creation
of the state degree for ambulance drivers, which sought to extend their healthcare remit in this
domain, signalled a turning point in the history of this professional group. It provided an opportunity to satisfy the claims of a section of the group that was seeking to acquire the status of
emergency specialists by drawing on the example of European and American ambulance paramedics. However, despite favourable technological and scientific factors, the outcome of this
process of segmentation still remains uncertain today, partly because of obstacles internal to the
professional group, but also because of the political and corporatist barriers in its way.
Keywords: Ambulance Driver, Professional Group, Paramedics, Segmentation, Emergency, Health
Transport, Emergency Doctor.
Dans l’imaginaire social, l’ambulancier français est davantage associé à la figure du
« chauffeur » ou encore du « livreur » qu’à celle du soigneur apparue récemment dans
l’histoire de ce « groupe professionnel »1. Peu (re)connu de la population et des autres
soignants, il assure pourtant au quotidien un rôle important dans la prise en charge des
1
Au sens des théories interactionnistes qui proposent de saisir les professions non comme des états stabilisés,
mais comme des processus de légitimation professionnelle incluant des tensions et des rapports de force
entre groupes professionnels et/ou entre membres du groupe professionnel (Bucher et Strauss, 1961).
Voir aussi Demazière et Gadéa, 2009 ; Bercot et al., 2012.
1
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
malades, que ce soit dans le cadre de transports sanitaires urgents ou non urgents, la part
des premiers ayant sensiblement augmenté ces dernières années. À l’heure du « virage
ambulatoire », le besoin de transport ne cesse en effet de croître, plaçant les ambulanciers
au cœur des nouveaux enjeux de santé publique (Morange, 2014). Plus généralement,
la prévalence des maladies chroniques et le vieillissement de la population modifient les
frontières spatiales de la prise en charge des malades, une partie essentielle du travail
sanitaire (cure et care) étant désormais réalisée par des professionnels non médicaux
situés en marge de l’institution hospitalière. C’est le cas des infirmiers libéraux (Vilbrod,
2003), des aides-soignants à domicile, ou encore des aides à domicile (Avril, 2014) et
des ambulanciers2.
En 2011, l’effectif des ambulanciers français en activité s’élevait à 48 600, dont 4 600
exerçaient dans les établissements de santé3. Derrière une même dénomination, une
première ligne de différenciation interne au groupe professionnel apparaît ainsi qui
réside dans la coexistence de deux formes d’exercice : dans le privé, les ambulanciers
sont salariés au sein d’entreprises de transport sanitaire ; dans le public, beaucoup moins
nombreux, ils exercent en milieu hospitalier. À ces statuts différents correspondent une
organisation et des activités de travail spécifiques : les ambulanciers privés, comme nous
le verrons, sont soumis à des horaires flexibles et transportent des patients dans la France
entière ou, plus rarement, dans les pays frontaliers. Les ambulanciers hospitaliers bénéficient quant à eux d’horaires fixes et réalisent, le plus souvent, des transports locaux
« inter-hospitaliers ». Au sein de ce second groupe, un « segment » minoritaire (Bucher et
Strauss, 1961), représenté par les « ambulanciers SMUR »4, se différencie par sa spécialisation dans le transport sanitaire d’urgence médicalisé. Dans l’attente d’une mission
demandée par le SAMU5, ils assurent ordinairement des tâches d’aides-soignants au sein
d’un service d’urgence hospitalier. Ils représentent, de l’avis des ambulanciers publics
et privés, le plus haut grade qu’on puisse atteindre dans cette profession. S’agissant des
ambulanciers salariés du privé, ils réalisent à la fois des tâches de transport, qui les
assimilent a priori à la figure du chauffeur-livreur (Cholez, 2011) ou à celle du brancardier (Peneff, 2000), et un travail sanitaire relevant du domaine du care (Molinier,
2006) et de soins plus techniques de cure dans le cadre de transports sanitaires d’urgence
(Lalandre, 2009). En cela, ils se rapprochent alors davantage des professionnels de santé
situés au bas de la hiérarchie sanitaire — comme les agents de service hospitalier (Divay,
2014), les aides-soignants, les travailleurs de la morgue (Jeanjean, 2011), les brancardiers ou les aides à domicile. Cette polyvalence et ce statut hybride sont à l’origine de
l’essentiel des revendications publiques6 et des plaintes individuelles émises par ces
travailleurs et travailleuses qui souffrent d’un « manque de reconnaissance de la profession ». En 2007, la création du diplôme d’État d’ambulancier (DEA) et, conjointement, celui d’« auxiliaire ambulancier » que le ministère de la Santé substitue alors au
2
3
4
5
6
Loin d’être spécifiques à la France, ces changements concernent « les [ambulanciers] paramedics du monde
entier » (Bourdon, 2011) qui connaissent, depuis quelques années, une proportion accrue d’interventions
pré-hospitalières non urgentes entraînant, chez ces professionnels, un « conflit de rôle », leur travail
quotidien étant désormais en décalage avec la définition d’un métier centré sur l’urgence.
Chiffres de la DREES (en ligne : https://www.sae.diffusion.sante.gouv.fr).
Services mobiles d’urgence et de réanimation.
Les sigles utilisés dans l’article sont définis à leur première occurrence, mais pour un plus grand confort
de lecture ils ont aussi été regroupés dans une table placée en annexe (NDLR).
Service d’aide médicale urgente.
Le livre Blanc des ambulanciers, FNAA&FNAP, mars 2007 ; « Les ambulanciers du privé en grève », France
Bleu Besançon, 3 juin 2013. Voir aussi : « Manifestation : des ambulanciers vont converger vers Rouen
ce jeudi matin (…) », France 3, 19 juin 2014 ; « Manifestation à Angers. Les ambulanciers défilent dans
les rues (…) », Ouest France, 19 juin 2014, etc.
2
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
Certificat de capacité d’ambulancier (CCA) créé 37 ans auparavant7, marque une étape
importante dans l’histoire de ce groupe professionnel qui voit les médecins urgentistes
lui déléguer certaines compétences médicales8. En élargissant leurs missions sanitaires,
les pouvoirs publics ont ainsi réaffirmé et renforcé leur rôle dans le champ de la santé
et, plus particulièrement, dans le domaine du transport sanitaire d’urgence9. Cette reconfiguration du travail est toutefois loin de faire consensus au sein de ce groupe professionnel10, un clivage interne se révélant entre une majorité peu favorable à l’élargissement des compétences et un « segment » minoritaire qui se mobilise pour être reconnu
comme spécialiste de l’urgence sanitaire pré-hospitalière. C’est à l’analyse de cette reconfiguration du travail et du processus de segmentation qui traverse ce groupe professionnel qu’est consacré cet article.
L’analyse exposée ici repose sur des données empiriques rassemblées dans le cadre d’un
travail de thèse, au cours d’une enquête ethnographique menée en immersion au sein
d’une entreprise de transport sanitaire privée située en milieu urbain (voir l’encadré 1).
Elle s’inscrit à la croisée d’une sociologie du travail et des groupes professionnels ainsi
que dans la lignée des travaux sociologiques initiés dans les années 1970, qui encouragent à rompre avec l’appellation « sociologie de la médecine » pour lui substituer celle
de « sociologie de la santé » (Carricaburu et Ménoret, 2004 ; Herzlich et Pierret, 2010)11.
Avec son enquête sur les services d’urgence, Jean Peneff fut l’un des premiers à opérer
cette rupture en menant une recherche par observation participante auprès des travailleurs hospitaliers situés en bas de la hiérarchie sanitaire (brancardiers, agents de service
hospitalier, aides-soignants). Il s’agit ici de se décentrer encore davantage en sortant
du cadre hospitalier pour porter le regard sur un groupe professionnel situé en marge
de l’institution hospitalière et quasiment absent de la littérature sociologique.
Au moment d’entreprendre cette recherche sur les ambulanciers, l’auteure n’a pu en
effet que constater le caractère lacunaire des études françaises dans ce domaine. En revanche, il existe une littérature internationale fournie sur leurs homologues européens,
composée pour l’essentiel de travaux parus dans des revues médicales et paramédicales.
À notre connaissance, les sociologues européens et américains, à l’instar des français, se
sont en effet peu emparés de cet objet (Hughes, 1980). Bien plus, ce sont les ambulanciers « paramedics »12 eux-mêmes qui se sont parfois improvisés sociologues pour étudier
leur profession (Johnston et Acker, 2016). La lecture de ces études nous enseigne entre
autres que la littérature internationale est, depuis 25 ans, consacrée quasi-exclusivement
au stress post-traumatique et aux taux de suicide chez les paramedics (Sterud et al., 2006)
7
Décret n° 2007-1301 du 31 août 2007 relatif aux diplômes d’aide-soignant, d’auxiliaire de puériculture
et d’ambulancier et modifiant le code de la Santé publique. L’auxiliaire est un ambulancier n’ayant pas
passé le diplôme du DEA. Il constitue le premier grade du métier d’ambulancier.
8
Ce processus de délégation de compétences « médicales par intérêt » a été repéré par d’autres auteurs
depuis longtemps pour les sages-femmes (Jacques, 2007) et pour les infirmières (Féroni, 1994 ; Féroni
et Kober, 1995 ; Vega, 2000 ; Acker, 2005, 2008).
9
Sur ce point, voir aussi l’arrêté du 5 mai 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel SAMU – Transport
sanitaire portant organisation de la réponse ambulancière à l’urgence pré-hospitalière, JORF n° 0121 du
27 mai 2009.
10
Les études portant sur les infirmières le montrent également. La reconfiguration de cette profession a
révélé, de façon saillante, l’hétérogénéité du groupe qui se divise entre les infirmières dites « techniciennes »
et celles dites « relationnelles » (Vega, 2000 ; Acker, 2005, 2008).
11
Parallèlement, une poignée de médecins contestataires remet en cause le pouvoir médical. Ces revendications, qui ont émergé au début des années 1960, ont trouvé rapidement un écho auprès d’auteurs comme
Ivan Illich (1975) ou Archibald Leman Cochrane (1977). C’est dans ce contexte que s’inscrivent ces premières études appelant à rompre avec les approches médico-centrées.
12
Ambulanciers dits « paramédicaux » car leur formation est quasi-équivalente à celle des infirmiers en
France.
3
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
qui constituent, contrairement aux ambulanciers français, les principaux intervenants
dans la chaîne des services pré-hospitaliers d’urgence. Au Canada, par exemple, on
distingue les techniciens ambulanciers, qui ne disposent d’aucune compétence médicotechnique avancée, des paramedics dont les soins incluent « l’installation d’un tube
(Combitube©) pour sécuriser les voies respiratoires, de même que l’administration de
certains médicaments par voies intramusculaire, sous-cutanée, sous-linguale, orale, intranasale, et par inhalation » (Dodeler et Tremblay, 2011, p. 10). Ces gestes, réalisés sous
protocoles validés par des médecins, sont considérés en France comme relevant du rôle
médical et, à ce titre, ils restent interdits aux ambulanciers français. La comparaison
permet néanmoins de faire apparaître la relativité culturelle de cette frontière entre
acte médical et non médical qui, dans l’hexagone, tend trop souvent à être naturalisée
(Pasveer et Akrich, 1996). À rebours de cette culture médicale française, un segment des
ambulanciers, s’inspirant de la figure du paramedic (allemand, suisse, canadien, autrichien,
etc.), lutte depuis quelques années pour déplacer ces frontières et obtenir le statut de
spécialiste de l’urgence pré-hospitalière.
En prenant appui sur le modèle d’analyse construit par Rue Bucher et Anselm Strauss,
la profession d’ambulancier est ici appréhendée comme un processus et « une agrégation de segments poursuivant des objectifs divers plus ou moins subtilement maintenus
sous une appellation commune à une période de l’histoire » (Bucher et Strauss, 1961,
p. 2). Dans ce cadre, la première partie de l’article met l’accent sur la polyvalence du
travail des ambulanciers ainsi que sur l’hétérogénéité du groupe dont les membres ne
Encadré 1. L’enquête ethnographique
Après avoir été secouriste bénévole de 1999 à 2005, l’auteure a été recrutée comme ambulancière salariée à temps partiel (non diplômée CCA, certificat de capacité d’ambulancier), dans
une entreprise privée de transport sanitaire par l’entremise d’un secouriste lui-même ambulancier dans cette société. En 2005, l’appellation « auxiliaire ambulancier » n’existait pas ; elle est
apparue en 2007 conjointement au diplôme d’État d’ambulancier (DEA), qui constitue le second
et plus haut grade du métier d’ambulancier. Le cadre de l’enquête, une entreprise qui comptait
50 salariés en 2005 et plus d’une centaine en 2011, offrait l’opportunité de côtoyer des professionnels aux profils variés : certains d’entre eux avaient une expérience de travail en milieu rural,
d’autres étaient parallèlement engagés comme sapeurs-pompiers volontaires (SPV) et, enfin, une
poignée d’entre eux avaient travaillé dans un autre pays et/ou dans un département frontalier.
De nombreux récits d’interventions urgentes ont ainsi pu être collectés auprès d’ambulanciers
privés généralement prompts à s’exprimer sur cet aspect valorisant de leur travail. Ces anecdotes
ont représenté « un des leviers les plus puissants de l’entretien ethnographique » (Beaud, 1996).
À cette diversité de profils d’enquêtés, se sont ajoutées des conversations informelles avec des
médecins urgentistes et des infirmiers anesthésistes. L’auteure a observé durant près de 7 ans
(2005-2011), à raison de 2 à 3 jours par semaine, le quotidien du métier d’ambulancier. L’observation a principalement porté sur des hommes ambulanciers, qui composent environ 60 % de
l’effectif national (ORS, 2015). Les femmes représentent donc 40 % des effectifs. Ce chiffre ne
dit toutefois rien de la réalité du travail des ambulancières (transports en ambulance, VSL,
transport scolaire, etc.) et de leur statut (diplôme, temps de travail). Les statistiques restent en
effet lacunaires et ne permettent pas de mener une analyse en termes de genre. Dans l’état actuel
des données, il est par exemple difficile de savoir si la nouvelle formation a entraîné une féminisation de la profession. De même, pour des raisons liées à la difficulté physique de certaines
courses, l’entreprise enquêtée évitait les binômes de femmes dans les ambulances. Ainsi, cette
position sur le terrain n’a pas permis à l’auteure d’observer le travail des autres ambulancières
(environ 10 % des effectifs de l’entreprise), qu’elle côtoyait pour l’essentiel sur le temps de pause
du midi. Enfin, seuls les ambulanciers citadins ont été enquêtés, une étude du travail des ambulanciers en milieu rural reste donc à faire.
4
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
partagent pas tous la même définition du métier13. S’opposant à une majorité qui se positionne contre l’élargissement des missions sanitaires d’urgence, un segment se mobilise
pour renforcer ses compétences et son rôle dans ce domaine. La seconde partie est consacrée au processus d’émergence de ce segment et, plus précisément, aux résistances qui
proviennent de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) d’une
part — qui y voit une concurrence faite à leur activité de « secours à personne » (ou
« secours à victime », SAV) —, et d’une partie des médecins urgentistes d’autre part. Ces
derniers, qui ont lutté pour être reconnus comme des spécialistes (Danet, 2007, 2008),
refusent de déléguer aux ambulanciers des actes de soins qu’ils considèrent comme
relevant strictement de la médecine d’urgence. En reprenant la perspective théorique
défendue par Eliot Freidson, nous analysons cette division du travail médicale, non pas
comme le seul résultat logique de développements technologiques dans le domaine de
l’urgence, mais avant tout comme le fruit de pressions politiques de la profession médicale dominante qui a su imposer sa définition des compétences relevant du médical
auprès des pouvoirs publics (Freidson, 1984 ; Carricaburu et Ménoret, 2004).
1. L’ambulancier « transporteur » et/ou « soigneur » : une tension entre deux
identités professionnelles
Placés sous la double tutelle des ministères du Transport et de la Santé, les ambulanciers
privés sont mandatés pour assurer des transports multiples allant du taxi au transport
sanitaire d’urgence. Conséquemment, ils naviguent quotidiennement dans leur travail,
entre des tâches de transport peu valorisées et celles relevant du domaine du soin qui restent aujourd’hui peu (re)connues. Ce statut hybride est à l’origine d’une hétérogénéité
du groupe professionnel qui, derrière l’appellation générique d’« ambulancier », voit
co-exister deux conceptions du métier : l’une est davantage centrée sur la figure du
« transporteur » tandis que l’autre, représentée par un segment minoritaire, défend la
figure de l’ambulancier « soigneur ».
1.1. Un statut hybride à l’origine d’une identité professionnelle instable
Les ambulanciers sont classés par l’INSEE14 dans la catégorie des « Chauffeurs salariés
de véhicules légers, habilités à transporter des malades ou des blessés, qu’ils soient
employés dans un hôpital public ou dans le privé. Profession assimilée : chauffeur de
taxi-ambulance ». Selon le Répertoire national des certifications professionnelles, « les
ambulanciers du secteur privé relèvent de la convention nationale des transports routiers
et activités auxiliaires et des dispositions du Code du travail ». Pourtant, l’autorité responsable de leur certification est la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation
des soins, soit une administration relevant du ministère des Affaires sociales et de la
Santé. Les compétences requises pour être ambulancier traduisent cette situation d’entredeux juridique : l’identité de « transporteur » est présente à travers les tâches physiques
de manutention, de conduite, d’entretien du véhicule et de suivi administratif du transport. Quant à la figure du soigneur, elle se traduit par l’exigence d’une double compétence, de care (écouter le patient, le rassurer, le conseiller, l’aider à la réalisation des
papiers d’hospitalisation, etc.) et de cure (pose d’une attelle, administration de l’oxygène,
prise de la tension, du pouls, de la saturation, etc.). Ces compétences restent néanmoins
largement méconnues de la population et, fait plus étonnant encore, des professionnels
de santé qui considèrent les ambulanciers avant tout comme des transporteurs. Ils vé13
Les auteurs qui se sont intéressés aux ambulanciers tendent à homogénéiser ce groupe professionnel
(Lalandre, 2009 ; Pichonnaz, 2011).
14
L’Institut national de la statistique et des études économiques.
5
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
hiculent d’ailleurs à leur endroit une image plutôt négative, comme a pu le constater
Nicolas Belorgey : « Il [le médecin urgentiste] aime bien les pompiers pour leur engagement dans le service public : on voit tout de suite que ce ne sont pas des commerciaux
comme les ambulanciers » (Belorgey, 2010, p. 79).
Le sort qui leur est réservé par les médias et les pouvoirs publics contribue en partie à
expliquer cette invisibilité sanitaire ainsi que l’image négative véhiculée à leur endroit.
L’analyse de la presse (locale, régionale et nationale) montre par exemple que, s’agissant
des articles consacrés aux urgences médicales, les ambulanciers restent peu présents
dans les débats publics relayés par les journalistes qui, sur ces questions, donnent prioritairement la parole aux médecins urgentistes et aux sapeurs-pompiers. Par ailleurs, les
rares articles de presse qui leur sont consacrés visent, le plus souvent, à dénoncer les
dérives de chefs d’entreprises soupçonnés de facturer abusivement certains transports15.
Dans un contexte politique de maîtrise des coûts, cette image médiatique de l’ambulancier « transporteur-commercial » est forgée et relayée par l’administration sanitaire
elle-même :
« La Cour des comptes, l’IGAS et la MECSS pointent du doigt un système mal organisé, mal
piloté, mal contrôlé, des acteurs déresponsabilisés et mal informés, et une offre inadaptée
et coûteuse » (« Transports sanitaires : 650 millions d’économies possibles », 09/01/2015,
http://www.ifrap.org).
Il convient pourtant de préciser que, dans les faits, les tarifs de transport assis professionnalisés (TAP) fixés entre l’assurance maladie et les représentants des entreprises de
transport sanitaire dans le cadre de conventions nationales sont plus bas que ceux des
taxis « conventionnés » (ORS, 2015, p. 1)16.
À ces facteurs externes (médiatiques, politiques) s’ajoutent des caractéristiques internes
au groupe professionnel qui permettent d’expliquer, pour partie, l’image peu enviable
de « transport commercial » qui lui est attribuée. Fort de leur statut juridique hybride
qui leur confère toute latitude législative pour exercer dans le domaine du transport, de
nombreux chefs d’entreprises privées ont, depuis quelques années, sensiblement élargi
leur éventail de services en matière de transports non sanitaires. Dans l’entreprise enquêtée, par exemple, le parc était composé d’une cinquantaine de véhicules se répartissant, à parts égales, entre les ambulances pour les transports allongés (environ 15
ambulances et 5 ASSU17) et les véhicules sanitaires légers destinés au transport assis
professionnalisé. Ces derniers font l’objet depuis quelques années d’une âpre concurrence
entre les ambulanciers privés et les chauffeurs de taxis « conventionnés » pour qui cette
activité revêt un enjeu économique majeur au regard de l’arrivée de nouveaux professionnels dans leur champ d’activité (Lejeune, 2015). Ces deux groupes professionnels
se disputent également le marché des « assistances » : dans le cadre de contrats établis
avec des compagnies d’assurances qui, en cas d’accident ou de panne, doivent fournir
une solution de transport à leurs clients, certaines entreprises privées de transport sanitaire proposent des véhicules « d’assistance » disponibles 24h/24h. Cette activité de
transport non sanitaire, pour laquelle l’entreprise enquêtée disposait de cinq berlines
grises, est très rentable compte tenu des distances parfois importantes que le chauffeur
doit parcourir18. Enfin, ces dernières années, certains chefs d’entreprises ont investi dans
15
Prenons deux exemples : « Un ambulancier condamné pour fraude à la sécurité sociale », Lalsace.fr,
12/07/2013 ; « Rouen. Un ambulancier mis en examen », LeFigaro.fr, 18/07/2013.
16
Les taxis conventionnés relèvent d’une autre convention signée entre les Caisses primaires d’assurance
maladie (CPAM) et les représentants des taxis, qui sont parvenus à obtenir des tarifs plus avantageux.
17
Ambulance de secours et de soin d’urgence.
18
Ces assistances peuvent également consister en des transports sanitaires dont le paiement est assuré par
les assurances. Ce type d’activité est également très rentable.
6
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
le marché du « transport de corps », une activité très lucrative à en croire les discours
des enquêtés qui restent néanmoins peu nombreux à vouloir assurer ce type de tâche qui
n’entre pas, officiellement, dans leur domaine de compétence. Ainsi, dans l’entreprise
enquêtée, l’une des plus importantes du secteur au moment de l’enquête, les ASSU représentent environ 10 % des véhicules. Précisons ici qu’un arrêté préfectoral oblige chaque
entreprise à réaliser des « gardes préfectorales » (ou « gardes SAMU ») au prorata de leur
nombre d’ambulances. Aussi, dans cette entreprise, l’activité d’urgence est-elle réduite à
son minimum légal. Le chef d’entreprise, un gestionnaire diplômé d’une école de commerce ayant repris l’entreprise familiale, investit volontairement peu dans l’activité
d’urgence, qu’il considère comme peu rentable. Une politique similaire est conduite dans
deux autres entreprises de plus de 50 salariés reconnues comme étant ses principales
concurrentes sur le marché local du transport sanitaire. L’une d’entre elles, Groupe
Ambulance, est composée de neuf entreprises qui, en raison de difficultés économiques,
ont été rachetées par cette société. Forte de 500 véhicules et de 650 salariés, elle couvre
l’ensemble du département enquêté et propose un large spectre d’activités de transport :
transport sanitaire (ambulance, VSL, ASSU), transports de personnes à mobilité réduite
(loisir, école, etc.) et, plus récemment, location de véhicules aux professionnels et aux
particuliers. Les dirigeants de ces entreprises ont généralement un profil de gestionnaires, ils ne « montent » jamais dans les ambulances et ils mènent une politique dans
laquelle l’activité d’urgence reste marginale. Ils s’opposent dans leur conception de
l’identité professionnelle au profil idéal-typique du chef d’entreprise passionné par l’urgence qui consacre l’essentiel de son activité et de son investissement financier (ambulances, matériel de secours, tenues, formation continue19, etc.) aux transports sanitaires
d’urgence. L’entreprise Urgence, située en milieu urbain, s’est ainsi spécialisée dans le
transport sanitaire d’urgence adulte et pédiatrique et son parc de véhicules est composé
majoritairement d’ASSU.
Le marché des entreprises privées de transport sanitaire est ainsi fragmenté, la ligne de
clivage se situant autour de la question de l’identité professionnelle et, plus précisément,
du rôle des ambulanciers dans le champ de l’urgence sanitaire. Globalement, les entreprises se situent sur cette ligne, soit plutôt du côté de l’urgence, soit, à l’extrémité de ce
pôle, du côté de la « gestion » de transport (sanitaire ou non). En écho, une ethnographie
du travail des ambulanciers fait apparaître les deux facettes de ces professionnels : celle
de transporteur, peu valorisée socialement, et celle de soigneur qui émerge depuis quelques années.
1.2. L’ambulancier transporteur : un statut peu valorisé dans le champ sanitaire
Au cours d’une journée, un ambulancier en VSL travaillant en zone citadine réalise en
moyenne dix à quinze transports. Une équipe en ambulance, quant à elle, effectue le plus
souvent entre un et dix transports sanitaires par jour. Ce nombre varie selon la difficulté
du transport (physique, administrative) et les distances parcourues, qui peuvent atteindre parfois plusieurs centaines de kilomètres. Sur ce point, la capacité de résistance à la
fatigue lors des longues heures de conduite, tout comme l’habileté dans la conduite du
véhicule, constituent des critères de jugement des compétences au sein de ce groupe professionnel. Le nombre de transports varie également en fonction des pratiques de travail
propres à chacun. À l’instar des « chauffeurs-livreurs » (Cholez, 2001) et des « chauffeurs
routiers » (Desfontaine, 2005), les ambulanciers jouissent des marges d’autonomie que
leur procure la soustraction physique au regard du supérieur hiérarchique. Les stratégies
19
Les ambulanciers de cette entreprise se rendent régulièrement au Canada pour se former aux techniques
d’urgence des paramedics. La formation continue n’étant pas obligatoire, elle se fait à l’initiative de l’employeur.
7
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
d’évitement (Goffman, 1974) du « sale boulot » sont ainsi nombreuses, comme par exemple celle qui consiste à négliger, une fois le transport terminé, d’appeler la « régulation »20.
Par expérience, les ambulanciers connaissent, en effet, les horaires des « habitués » dont
certains, pour diverses raisons, sont perçus comme difficiles : corps obèses, sales et/ou
dégageant une odeur désagréable, etc. (Morel, 2016). Loin d’être passifs et disciplinés,
il n’est pas rare qu’ils cherchent à éviter ces « mauvaises courses » en ne se manifestant
auprès du régulateur qu’une fois la distribution opérée. Ces tactiques silencieuses visent
à réduire la charge de travail physique qui s’avère à terme délétère pour la santé des
ambulanciers. D’ailleurs, la force physique requise pour de nombreux transports constitue également un critère de jugement des nouvelles recrues, comme j’ai pu l’expérimenter au début de l’enquête. En tant que jeune femme, dans un univers majoritairement
masculin (Bodart Senn, 2005), je ne pouvais en effet, dans un premier temps, échapper
à l’a priori négatif associé à mes traits corporels, à savoir une faible capacité physique.
La maîtrise technique du brancardage liée à mon passé de secouriste m’a permis néanmoins de contourner ce stigmate.
Enfin, sur le marché du transport sanitaire, la concurrence entre les entreprises privées
pour la captation de la clientèle (CHU, cabinets médicaux, maisons de retraite, etc.)
oblige les ambulanciers à être disponibles 24h/24h. Ces contraintes structurelles du
marché de l’offre de transport sanitaire ont une incidence sur leurs conditions de travail
et, notamment, sur leurs horaires de travail qui sont marqués par une forte flexibilité.
Il est ainsi fréquent qu’un(e) salarié(e) apprenne le soir même, au moment de la « débauche » dont l’heure varie chaque jour, qu’il ou elle doit partir le lendemain de très
bonne heure pour un « rapatriement sanitaire » de plusieurs centaines de kilomètres. Il
n’est pas rare non plus qu’un ambulancier soit contraint de prolonger sa journée de travail pour répondre à une demande inopinée de transport sanitaire. Précisons ici qu’étant
sous la tutelle du ministère des Transports, leur grille salariale est peu avantageuse.
Qu’ils soient diplômés d’État (DEA) ou Auxiliaires, les ambulanciers sont rémunérés à
90 % de leur amplitude de travail pour leur activité de jour et à 75 % la nuit, car les
temps d’attente et coupures diverses sont décomptés forfaitairement (Morel, 2014). Le
taux horaire avoisinant le SMIC, les salariés sont alors nombreux à accepter de multiplier
les heures pour bénéficier d’un revenu jugé correct, et à revendiquer une revalorisation
tarifaire de leur travail. Dans la salle de repos de l’entreprise enquêtée, les affiches
témoignaient d’ailleurs toutes de leur colère et revendications à l’égard des conditions de
travail (« bon de colère à usage unique » ; « la semaine à 100 % »). Ainsi, entre gardes
de nuit, flexibilité et allongement fréquent de la durée du travail de jour permis dans
le cadre de la législation des transports routiers, la principale plainte collectivement
partagée par les ambulanciers — outre un bas salaire — porte sur les horaires dont
l’incertitude et le volume les conduisent, selon leurs propres mots, à « ne plus avoir de
vie sociale » et à « ne vivre que pour le boulot »21.
Cette pénibilité du travail liée à leur subordination temporelle n’est pas compensée par
une valorisation de leur métier dont la polyvalence rend difficile l’émergence d’une véritable identité professionnelle. Bien plus, la diversification des activités de transport ces
dernières années contribue à accentuer l’imprécision des contours de ce métier tout en
renforçant, auprès de la population et des professionnels de santé, l’image de l’ambulancier « chauffeur », « livreur » ou même « brancardier » dont ils cherchent pourtant à
se distancier.
20
Terme indigène désignant le lieu où sont reçus les appels de transports provenant des établissements
sanitaires, des cabinets libéraux et des particuliers.
21
La conciliation entre vie privée et vie professionnelle est également au cœur des préoccupations des
paramedics (Dodelier et Tremblay, 2011).
8
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
Durant la journée, Benoît insiste à plusieurs reprises sur « le manque de reconnaissance
de la profession ». La semaine précédente, une infirmière a dit à un patient devant lui :
« Les brancardiers vont vous emmener ». Il lui a répondu : « Non, nous ne déplaçons pas
les patients d’une pièce à une autre, nous les transportons. Les brancardiers, ils en ont rien à
foutre de l’état du patient, ce n’est pas leur problème » (Journal de terrain, septembre 2009).
Ce manque de reconnaissance ressenti par les ambulanciers se traduit par des plaintes
quasiment quotidiennes.
« On n’est pas des bagagistes », me dit Philippe. Il se plaint aussi d’entendre régulièrement
les aides-soignantes et les infirmières annoncer leur arrivée aux patients en disant : « votre
chauffeur est là » (Journal de terrain, janvier 2005).
« Certains médecins et infirmiers nous prennent pour des moins que rien, des transporteurs »
(Journal de terrain, septembre 2008).
« On aimerait que notre travail soit reconnu parce qu’on est perçus comme des livreurs »
(Journal de terrain, septembre 2008).
À travers ces plaintes souvent exprimées en termes de manque22, on saisit le malaise qui
traverse ce groupe professionnel. Il se manifeste sur le terrain par un turn-over important :
certains salariés quittent définitivement le métier, d’autres se tournent vers une entreprise qui leur correspond davantage (plus axée sur l’urgence, exigeant moins d’heures de
travail, plus proche de chez eux, etc.)23. Les chefs d’entreprises restent toutefois indifférents à ces multiples démissions puisque, dans un contexte de chômage important, ils
parviennent aisément à recruter de nouveaux salariés. La trajectoire de cet ambulancier
de 42 ans est assez représentative de ce cas de figure :
Yves travaille dans l’entreprise depuis 17 ans. Avant d’être ambulancier, il était vigile
(pendant 4 ans) puis ouvrier dans une entreprise de fabrique de cartes à puces. Il mettait
en place les « semi-conducteurs ». Cette entreprise a licencié 300 salariés et comme il était
arrivé dans les derniers, il fut licencié. Il a fait des « petits boulots » durant 6 mois et il a eu
envie de passer le BNS (brevet national de secourisme) à la Croix-Blanche. Un copain à lui
était ambulancier dans la société, il lui conseilla de présenter sa candidature. Il est embauché. En 1989, il passe son CCA (Journal de terrain, novembre 2004).
Au début des années 2000, l’entrée dans le métier suit fréquemment les mêmes modalités (« par hasard », « par défaut », « besoin de trouver un emploi stable »24), comme
en témoigne ma propre trajectoire (voir l’encadré 1). L’obtention du diplôme de CCA
n’étant pas obligatoire avant la réforme de 2007, ils sont nombreux à être entrés dans le
métier munis d’un simple diplôme de secourisme25. Sur ce point, l’embauche régulière
de « saisonniers », dont je faisais partie, confirme d’ailleurs l’absence de diplôme requis
pour exercer ce métier avant 2007. La plupart de ces professionnels n’ont ainsi pas le
22
Dans son analyse consacrée au stress des ambulanciers suisses francophones, Lauriane Pichonnaz (2011)
relève également l’importance de ces plaintes qui traduisent aussi, selon elle, un sentiment de manque
de reconnaissance.
23
Au Canada, une étude fait également état d’un « roulement » important de la main-d’œuvre ambulancière,
de « difficultés de rétention de son personnel dues à des conditions de travail parfois difficiles » (Dodeler
et Tremblay, 2011, p. 14).
24
Le taux d’embauche en CDI est élevé (ORS, 2015 ). Les temps partiels concernent essentiellement des
femmes non diplômées CCA ou DEA. Source : ARS des Pays de la Loire, données 2015.
25
Le CCA, diplôme pratique et théorique nécessitant deux mois d’apprentissage, fut créé en 1973 suite à la
loi de 1970 visant à structurer cette profession. Avant cette date, aucune réglementation n’étant prévue,
n’importe qui pouvait effectuer des transports sanitaires avec son véhicule pour peu qu’il tînt à jour un
« carnet de désinfection ». C’est à la même époque que la croix bleue à six branches a été instaurée comme
signe distinctif pour les entreprises agrées.
9
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
niveau bac, ni suivi d’études supérieures 26, et la majorité d’entre eux sont issus des
classes populaires27.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’enjeu que constitue, pour les ambulanciers
et ambulancières, l’obtention du statut de professionnel de santé. Il permettrait, selon
eux, une amélioration de leurs conditions de travail (augmentation du salaire, réglementation des horaires), ainsi qu’une meilleure reconnaissance de leur travail de soin.
Cependant, si la majorité du groupe souhaite obtenir ce statut, tous ne souhaitent pas
pour autant se former à de nouvelles compétences sanitaires. Ces ambulanciers adoptent
en effet, pour l’essentiel, une posture défensive, l’intérêt étant d’obtenir à travers ce label
une amélioration de leurs conditions de travail. Ils s’opposent au segment professionnel
minoritaire dont les membres mènent une offensive depuis quelques années pour élargir
leurs compétences sanitaires et plus précisément les tâches de cure, pour être reconnus
comme des spécialistes de l’urgence sanitaire pré-hospitalière. David est l’un d’entre eux :
« Les ambulanciers, s’ils ne sont toujours pas paramédicaux en France, c’est à cause des
syndicats qui ne revendiquent que le taux horaire, les paniers repas, etc. C’est un syndicalisme de “vieux”. […] Sur leurs chats, dès que tu abordes l’urgence, seulement 3 sur 60 s’y
intéressent. […] Très peu s’intéressent à faire évoluer la profession vers l’urgence » (Journal
de terrain, 2007)28.
Ce type de discours constitue un indice de la segmentation du groupe professionnel
dont les membres ne s’accordent pas sur la définition de l’identité professionnelle : la
majorité se situe davantage du côté de la figure de transporteur qui correspond à celle
relayée par les syndicats et les médias, tandis que le segment minoritaire se vit essentiellement comme soigneur. Cette identité qu’il met en avant renvoie néanmoins davantage
aux tâches de cure qu’il peine à faire reconnaître qu’à celles de care qui constituent, pour
ce segment, la partie moins valorisée du travail sanitaire.
1.3. L’ambulancier-soigneur : entre méconnaissance et déni de compétence
Les ambulanciers privés réalisent chaque jour de multiples actes de soin relevant à la
fois du care et du cure. À l’instar des autres professions de santé, ce travail est réalisé à
l’abri des regards : dans la chambre du patient à l’hôpital ou à domicile, dans le huis clos
de l’ambulance. Contrairement aux tâches de transport, les actes de soin restent donc
invisibles au public qui, de fait, tend à dénier aux ambulanciers toute compétence sanitaire. À l’instar des observations menées par L. Pichonnaz (2011) sur les ambulanciers de
la Suisse francophone qui ont connu une évolution importante de leur profession depuis
les années 1980, « l’ambulancier étant passé du statut de brancardier au statut de professionnel de santé », il ressort de nos observations que cette négation des compétences
sanitaires est aussi présente dans les discours des professionnels de santé qui perçoivent
les ambulanciers avant tout comme des transporteurs-brancardiers. À de nombreuses
reprises, j’ai pu en effet constater que même si les ambulanciers sont juridiquement
responsables de la prise en charge d’un patient, il n’est pas rare qu’une infirmière ou un
médecin refuse de les informer de l’état de santé du patient. Cela se manifeste par un refus
catégorique de type « ça ne vous regarde pas », et par l’interdiction de lire le courrier
26
Niveau d’étude ou diplôme le plus élevé lors de l’accès à la formation DEA en 2015 : inférieur au Bac, 40,1 % ;
niveau Bac, 34,7 % ; supérieur au Bac, 18,1 % ; non réponse, 7,2 %. Source : ARS des Pays de la Loire,
données 2015.
27
À cet égard, mon intégration dans ce groupe professionnel fut également facilitée par ma proximité
sociale avec les enquêtés, contrairement à Romain Pudal dont la distance sociale qui le séparait de ses
enquêtés rendait cette rencontre sociologiquement improbable (Pudal, 2016).
28
Cet ambulancier, responsable d’une entreprise de transport sanitaire spécialisée dans l’urgence, me confiera quelques années après cet échange, en 2016, qu’il ne réclame plus le statut de professionnel paramédical mais celui de professionnel de l’urgence.
10
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
médical. Les ambulanciers se plaignent ainsi fréquemment de pas être reconnus par ces
professionnels au point, comme j’ai pu l’expérimenter, de ne pas être salués lorsqu’ils
entrent dans un service hospitalier. Ce « manque de considération » se traduit aussi
par divers oublis quotidiens : « le bon de transport n’a pas été fait par le médecin » 29,
« l’infirmière a oublié de nous appeler pour un transport », etc. Dans ce cadre, les ambulanciers partagent le sentiment, tout comme les aides-soignants (Arborio, 1995, 2001,
2009), les brancardiers (Peneff, 1992) ou encore les travailleurs de la morgue (Jeanjean,
2011), d’être à la fois indispensables aux soins et ignorés ou négligés. Pourtant, l’enquête ethnographique révèle qu’en vue de chaque transport sanitaire, les ambulanciers
s’enquièrent systématiquement des raisons de la prise en charge du patient (fractures,
escarres, difficultés respiratoires, etc.), ainsi que de la présence éventuelle d’appareils
(prothèses, sondes urinaire, etc.). L’observation in situ autorise également à mettre en
évidence les compétences de soins qu’ils mobilisent dans le cadre spécifique des transports sanitaires d’urgence30.
À leur arrivée sur les lieux d’une intervention, ils réalisent, à l’instar des sapeurspompiers, les premiers gestes de secours et transmettent un bilan au SAMU qui, le cas
échéant, les oriente vers un service d’urgence. Dans ce cadre, on pourrait a priori s’attendre à ce que les soignants qui les côtoient presque chaque jour aient une connaissance
claire de leur « mandat » (Hughes, 1996). Or, dans les faits, il apparaît que la majorité
d’entre eux ont une représentation qui diffère peu de l’imaginaire social profane.
« Quand on arrive aux urgences et que l’infirmière de tri n’écoute pas mon bilan, ma transmission, ça a le don de m’agacer. Ils nous voient comme de simples transporteurs. Combien
de fois on m’a dit : “les ambulanciers font tout ça ? Ils font aussi de l’urgence ?” » (Journal
de terrain, mars 2007)31.
Certains professionnels de santé, témoins d’une intervention d’urgence, s’étonnent ainsi
des compétences et des techniques mobilisées par les ambulanciers.
« Ils ne savent même pas quel est notre rôle. Un jour, j’ai fait une intervention d’urgence
avec les SMUR devant un hôpital. Plus tard, un aide-soignant m’a dit : “je ne savais pas que
vous faisiez cela aussi vous, les ambulanciers !”. Avant cette intervention, l’aide-soignant
ne me disait jamais bonjour, il ne me calculait même pas, et depuis il me salue à chaque
fois » (Journal de terrain, juin 2006).
La surprise des soignants est parfois telle qu’ils reprochent aux ambulanciers d’outrepasser leurs compétences, comme l’illustre ce récit, fait par David, d’une intervention
réalisée en maison de retraite :
« À notre arrivée, une infirmière était présente et m’a demandé de transporter la vieille dame.
Je lui ai alors expliqué qu’on devait faire un bilan avant de partir. Elle m’a répondu : “Mais
les ambulanciers ne font pas de bilan ! Je n’ai jamais vu ça !”. Et elle nous a ordonné d’emmener immédiatement la patiente. J’ai refusé et après avoir fait le bilan qui n’était pas très
bon, je lui ai dit que je devais appeler le 15. Elle m’a répondu : “Qui ça ? Le 15 ?”. Elle
était furieuse. Elle s’est moquée de nous en disant qu’ils ne se déplaceraient jamais. J’ai
appelé le 15 et je suis revenu dans la chambre. L’infirmière m’a alors demandé : “Alors ?”
— en souriant car elle pensait qu’ils allaient m’envoyer balader, et je lui ai répondu : “alors,
le SMUR se déplace !” » (Journal de terrain, mars 2007).
29
Il s’agit d’une « prescription médicale de transport », un document sans lequel le patient ne peut obtenir
le remboursement de son transport par l’assurance maladie. On note ici que l’usage indigène du terme de
« bon », en lieu et place de « prescription médicale », participe tacitement de l’entretien de la figure du
transporteur ou du livreur.
30
Et ce, contrairement à ce qu’affirme L. Pichonnaz pour les distinguer des ambulanciers de la Suisse francophone : « les ambulanciers français n’effectuent que des transferts non urgents sur prescription médicale »
quand « les ambulanciers suisses, eux, effectuent des interventions urgentes » (Pichonnaz, 2011, p. 22).
31
Leur situation contraste de ce point de vue avec celle des paramedics (Hughes, 1980).
11
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
Dans le cadre d’une intervention d’urgence, le lien de subordination médicale peut être
parfois suspendu, voire inversé, en fonction du type de soignant et aussi de la spécialité
du médecin. Pour ne prendre qu’un exemple, les médecins généralistes s’en remettent
régulièrement aux savoir-faire techniques et relationnels des ambulanciers pour prendre
en charge le patient lors d’une « urgence ». Au regard de ces éléments, on comprend
l’enjeu symbolique que constitue cette mission pour un groupe professionnel en quête
de reconnaissance dans le champ sanitaire.
Cependant, l’enquête permet aussi de repérer les divergences de points de vue des ambulanciers par rapport à cette activité, comme l’illustre la stigmatisation que subissent
certains passionnés de l’urgence comme David.
« Pour les vieux ambulanciers, si tu veux faire de l’urgence tu es tout de suite taxé de cowboy. L’urgence est mal vue par beaucoup d’ambulanciers. Moi je me suis fait critiquer au
départ parce que j’allais en Suisse me former et que j’appliquais en France ce que j’avais
appris là-bas. Il faut balayer les vieux qui empêchent la profession d’évoluer. Mais même
certains jeunes qui viennent de reprendre des entreprises ont une vieille mentalité ! » (Journal de terrain, 2007).
Les ambulanciers investis dans l’urgence font, il est vrai, l’objet de commentaires peu
élogieux qu’ils ne manquent pas de retourner contre leurs détracteurs.
« Je ne comprends pas comment les régulateurs peuvent laisser certains ambulanciers monter
dans les lourds. Ils savent pertinemment que certains sont incapables de faire de l’urgence
mais ils les mettent quand même dans les grosses ambulances. C’est à nous de faire le ménage » (Journal de terrain, 2007).
Sébastien, qui a exercé dans le Bas-Rhin, à la frontière allemande où la culture ambulancière s’inspire largement du modèle paramedic, sous-entend ici qu’ils doivent faire le
ménage dans la profession. Ainsi, ce qui s’apparente pour de nombreux ambulanciers à
de l’agitation ou à une déviance (« cowboy ») peut être analysé comme les prémices de
l’émergence d’un nouveau segment qui défend sa conception de son identité professionnelle. Comme le suggère Anselm Strauss, ce segment peut être appréhendé ici comme
un mouvement social qui se développe à l’intérieur du groupe professionnel en se dotant
de dispositifs techniques, de formations et d’associations.
2. L’émergence d’une spécialité d’urgence : vers une segmentation du groupe
professionnel ?
La position des ambulanciers privés français dans le champ de l’urgence sanitaire est
quelque peu paradoxale : d’un côté, ils sont extrêmement visibles dans l’espace urbain où
leurs ambulances blanches marquées de la croix de vie sillonnent la ville toutes sirènes
hurlantes ; de l’autre, leur mandat dans ce domaine reste peu connu de la population
française. Celle-ci confond d’ailleurs bien souvent leurs « ASSU », estampillées « véhicules
de secours et de soins d’urgence », avec les ambulances du SAMU (SMUR). Cette confusion
est compréhensible si l’on considère leur position instable dans ce champ qui, depuis les
années 1970, dépend de l’état d’un rapport de force entre deux groupes professionnels.
2.1. Ambulanciers, sapeur-pompiers, médecins urgentistes
En 1970, le CCA voit le jour dans un contexte de lutte, depuis le milieu des années 1960,
entre d’un côté la FNSPF, soutenue par le ministère de l’Intérieur, et de l’autre le SAMU,
soutenu par le ministère de la Santé, pour le monopole du pouvoir dans le champ de
l’urgence sanitaire. Ce conflit aboutit à l’élaboration de la loi de 1986 relative à « l’aide
médicale urgente » qui signe la victoire des médecins promoteurs du SAMU : elle prévoit
12
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
Encadré 2. L’organisation des urgences pré-hospitalières en France
L’organisation des urgences pré-hospitalières repose sur la loi de 1986 relative à « l’aide médicale
urgente » qui répartit les territoires de compétences des ambulanciers, sapeurs-pompiers et médecins urgentistes dans le champ de l’urgence sanitaire : les urgences vitales sont prises en charge
par les SMUR avec, le cas échéant, le soutien des ambulances privées et des sapeurs-pompiers.
Concernant les urgences qualifiées de non vitales, le centre 15 sollicitent les ambulances privées
pour les interventions à domicile et plus largement pour les lieux privés. Quant aux sapeurspompiers, ils sont appelés pour assurer les secours dans les établissements publics et sur la voie
publique. Dans les faits, la répartition des lieux est loin d’être aussi franche, les sapeurs-pompiers
intervenant souvent à domicile, surtout en milieu rural. De même, les ambulanciers interviennent
davantage dans les lieux publics depuis quelques années, seule la voie publique restant aujourd’hui réservée aux sapeurs-pompiers.
la création d’un diplôme de médecine d’urgence32 et affirme le principe d’une régulation médicale des urgences pré-hospitalières (Chenillet et Prétot, 1986). Contre l’avis
de la FNSPF, elle renforce également le rôle des transporteurs sanitaires privés dans ce
domaine (encadré 2). Quelques décennies plus tard, le DEA est créé dans un contexte
similaire de rapports de force entre ces deux groupes professionnels.
En 2006-2007, la FNSPF s’est engagée dans une politique offensive de « paramédicalisation » de son activité de secours à victime, avec la création de véhicules de liaison
infirmiers (VLI). L’objectif visé est de compléter le maillage territorial et les compétences
des sapeurs-pompiers intervenant avec les véhicules de secours à victimes (VSAV) pour
assurer aux Français un meilleur accès aux soins d’urgence (Morel, 2014). À l’occasion
de son congrès annuel, en septembre 2007, elle justifie cette politique en s’appuyant sur
un rapport « qui dénonce une très forte dégradation de la situation […] au détriment
des victimes ». À travers ce qui est alors appelé « le Manifeste des sapeurs-pompiers », la
Fédération « dénonce un système de secours à bout de souffle […], au bord de la rupture »33. Dans cette alerte largement médiatisée, la FNSPF, soutenue par le ministère de
l’Intérieur, met directement en cause le SAMU et son approche médicalisée de l’urgence qui ne permet pas d’assurer un égal accès aux soins d’urgence sur le territoire. Elle
plaide alors en faveur d’une approche paramédicale des secours, symbolisée par les VLI,
tout en discréditant la présence des ambulanciers privés dans le champ de l’urgence :
elle considère qu’ils n’ont rien à faire dans le « secours à victime » et souligne les dangers
d’une « privatisation des secours incompatible avec l’égalité ». Ces critiques formulées
à l’encontre des ambulanciers ne résistent pas, cependant, aux données de l’enquête
ethnographique dont l’analyse révèle que la concurrence entre les entreprises privées
de transports sanitaires pour s’approprier le marché local de l’urgence empêche structurellement toute sélection de patients (Morel, 2014). Les propos recueillis auprès de
Frédéric, infirmier VLI et ancien ambulancier privé, infirment également les arguments
avancés concernant les dangers de la « privatisation ». Passionné par l’urgence, après
avoir exercé pendant deux ans le métier d’ambulancier dans l’entreprise Urgence il s’est
engagé dans une formation d’infirmier-anesthésiste. Au moment de l’enquête, il travaille
dans un service d’urgence hospitalier tout en menant parallèlement une activité au sein
des VLI.
« Et par rapport à ton expérience, quelle est la différence entre ambulancier et sapeurpompier dans le domaine de l’urgence, en fait ?
— C’est bien le gros problème, il n’y en a pas mais il est spéculé qu’il y a une différence.
En fait, l’ambulancier va faire une urgence, ils ne sont que deux, et le pompier va faire les
32
Les médecins urgentistes n’existaient pas encore ; les urgences étaient alors assurées par des anesthésistesréanimateurs. Sur la genèse de ces deux spécialités médicales, voir Faure, 2005 ; Danet, 2007, 2008 ;
Morel 2014.
33
« L’appel à l’aide des services de secours », Le Monde, 29/09/2007.
13
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
mêmes urgences mais ils sont trois, voire quatre. La grande différence, c’est le coût de
revient. […] À l’époque quand nous [ambulanciers] on sortait sur une urgence pour 200
ou 250 francs, un véhicule pompier qui sortait en intervention ça avait un coût je crois de
pas loin de 4000 francs […]. C’est ça la grosse grosse différence, en fait » (Entretien semidirectif, novembre 2006).
Selon cet infirmier, s’il existe une différence entre les ambulanciers et les sapeurspompiers, elle se situe sur le terrain du coût, comme le confirme d’ailleurs le rapport
de la Cour des comptes de 201134. Le témoignage de ce professionnel montre en outre
que, dans les faits, le conflit entre ambulanciers et sapeurs-pompiers existe davantage
au niveau des représentants institutionnels qu’au niveau du terrain où ils collaborent
régulièrement sur des interventions d’urgence. Sur ce point, il convient de préciser que
le cas de cet enquêté n’est pas isolé. De nombreux ambulanciers font partie des rangs de
la FNSPF dont la politique ne fait d’ailleurs pas consensus en son sein (Pudal, 2016). Les
sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ressentent en effet, pour beaucoup, un
grand désarroi face au décalage qu’ils vivent entre les raisons pour lesquelles ils se sont
engagés (le feu, la désincarcération) et la réalité du métier, plus de 80 % des interventions relevant aujourd’hui du secours à personne. Ces voix restent néanmoins occultées
par la FNSPF qui, après avoir discrédité et symboliquement exclu les ambulanciers du
débat sur les urgences, conclut son manifeste sur cette phrase : « les secours relèvent
des pompiers et le soin de l’hôpital ». Cet engagement de la Fédération sur la voie de
la paramédicalisation ne tarde pas à faire réagir les médecins urgentistes.
« Le Dr Pelloux s’est élevé contre ceux qui affirment que “les pompiers seraient l’urgence et
les autres, pas grand-chose. […] Certains veulent américaniser encore plus notre société […]
avec des infirmiers qui feraient un petit peu tout”, a-t-il affirmé » (Dépêche AFP du 25/09/
2007 : « Secours aux victimes : les urgentistes “choqués par les propos des pompiers” »).
Quant au président de la Société française de médecine d’urgence, Patrick Goldstein, il
se dit « atterré » par ces attaques qui lui semblent « irrationnelles », tout en vantant les
qualités du système français « envié » par de nombreux pays. C’est d’ailleurs au même
moment que ce syndicat médical incite à l’élargissement des compétences sanitaires des
ambulanciers privés via la création du DEA. Dans ce contexte, l’octroi aux ambulanciers
privés de nouvelles compétences en matière de soins d’urgence préhospitaliers apparaît
une fois encore comme le résultat d’un jeu social complexe : une stratégie initiée par
les urgentistes pour contrer la concurrence de la FNSPF sur le terrain du transport
sanitaire d’urgence « pré-hospitalier ». Les propos de Romuald, qui est, au moment de
l’enquête, un des rares ambulanciers à avoir suivi la nouvelle formation, vont dans ce
sens :
« Ce diplôme est beaucoup plus complet que le CCA, car la nouvelle formation dure 5 mois
au lieu de 3. Il y a beaucoup de cours de médecine, tous axés sur les urgences. Les médecins
du SAMU qui nous dispensaient les cours ont dit à notre promotion qu’ils souhaitaient que
d’ici 10-15 ans les ambulanciers sachent perfuser sucre et sel, et intuber (Journal de terrain,
février 2009).
Romuald a appris à « piquer » et à enlever une perfusion, des actes de soins d’urgence
définis aujourd’hui comme paramédicaux, c’est-à-dire dévolus aux infirmiers (ou aux
urgentistes). Ce témoignage nous enseigne ainsi que certains médecins formateurs au
Centre d’enseignement des soins d’urgence (CESU) sont désormais désireux de déléguer
aux ambulanciers certains gestes paramédicaux35. Romuald précise d’ailleurs que les
34
« Les services départementaux d’incendie et de secours », Rapport public thématique de la Cour des
comptes, novembre 2011, p. 80-81.
35
Dans le département enquêté, les ambulanciers sont formés par des médecins urgentistes hospitaliers et
par des infirmiers SMUR, au CESU qui jouxte le SAMU.
14
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
formateurs étaient tous de jeunes urgentistes qui affirmaient « qu’ils n’allaient pas se
laisser piquer leur travail par les sapeurs-pompiers ». Il conclut sur ces mots :
« En tout cas c’est clair et net, ici, ils veulent faire la pige aux pompiers. Ils nous ont dit :
les pompiers c’est l’incendie, on veut que vous, d’ici 10-15 ans, vous interveniez sur les AVP
[accidents de la voie publique]. Quand la plupart des ambulanciers seront formés au DEA,
on vous enverra sur les AVP » (Journal de terrain, février 2009).
Ainsi, en contractant une alliance avec les ambulanciers privés, plus nombreux et mieux
répartis sur le territoire que les ambulances SMUR, les médecins du SAMU qui contrôlent
la profession ambulancière cherchent à maintenir leur position de pouvoir dans le champ
de l’urgence sanitaire contre la FNSPF. Les propos de Mélanie, âgée d’une quarantaine
d’années et ambulancière depuis 13 ans, attestent de ce déplacement progressif des
frontières professionnelles :
« Le métier évolue doucement. Avant on n’avait pas le droit de mettre de l’oxygène et maintenant c’est bon. Idem pour le DSA [défibrillateur semi-automatique], la tension » (Journal
de terrain, 2009).
Le témoignage de Frédéric, qui, las d’attendre une évolution de la profession, a passé
le concours infirmier, corrobore le discours de Mélanie.
« Alors si toutes les études montrent que le système anglo-saxon semble être plus adapté
aux urgences, pourquoi est ce qu’on ne change pas ?
— Bah c’est une question de pouvoir, cet orgueil comme je te disais tout à l’heure, c’est-àdire que c’est difficile de donner des capacités aux ambulanciers, par exemple. C’est difficile
de leur donner des moyens supplémentaires, je vais prendre le truc tout bête du combitube.
Un combitube, n’importe quel ambulancier pourrait s’en servir parce que c’est tout simple,
c’est une intubation facile, mais si on donne ces possibilités-là, les médecins anesthésistes ne
feront plus cette intubation donc eux ils perdent du pouvoir à ce niveau-là et ils n’ont pas
envie de perdre ça. C’est une certaine reconnaissance qui est perdue. Après on va te dire
qu’il y a l’efficacité, ceci, cela, pourquoi pas ! » (Entretien semi-directif, novembre 2006).
À travers ces discours il apparaît que la division du travail médical, à savoir ici l’autorisation ou non de l’utilisation par les ambulanciers du défibrillateur, de l’oxygène ou
du « dextro », résulte moins du développement technologique que des pressions de la
profession médicale pour définir les actes qui relèvent ou non de son mandat exclusif,
à un moment donné.
Cependant, bien que la création du DEA constitue a priori une fenêtre politique favorable à l’aboutissement du processus de segmentation du groupe, il ne signifie pas pour
autant que les représentants des médecins urgentistes souhaitent en faire des spécialistes
de l’urgence à l’instar des paramedics. En effet, à l’occasion de ses premières assises
organisées en 2012 pour répondre à l’engagement du Président François Hollande de
« garantir pour chaque Français un accès aux soins urgents en moins de 30 minutes »,
les élus du SAMU-Urgences de France ont réaffirmé, très clairement, leur opposition à
toute idée de paramédicalisation des soins d’urgence.
« Permettre à tous d’accéder en moins de 30 minutes à une prise en charge médicale nécessite donc une réflexion régionale et une organisation des effecteurs de l’Aide Médicale Urgente.
La recherche de solutions dégradées, notamment paramédicales, est un faux-fuyant devant
la nécessité de nouvelles organisations médicales. L’optimisation des SMUR et surtout le développement des Médecins Correspondants de SAMU sont possibles. Ils sont le gage d’efficience et de qualité des soins » (SAMU-Urgences de France Paris, 13/09/2012 : « Les 1ères
Assises de l’Urgence : Comment garantir l’accès à des soins médicaux de qualité en urgence ?
Les urgentistes apportent leurs réponses aux questions du moment sur l’urgence médicale
afin d’offrir aux patients des soins de qualité »).
15
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
Les « soins gradués », terme utilisé pour désigner les soins paramédicaux promus par
les directives européennes et en vigueur dans la plupart des pays européens et outreAtlantique, ne constituent pour ces élus qu’une solution « dégradée ». L’enquête ethnographique révèle ainsi l’existence d’un clivage au sein même de la profession médicale
entre ces élus et certains urgentistes rencontrés sur le terrain. Cette division existe également au sein du groupe ambulancier, dont les membres sont partagés sur l’intérêt de
cette reconfiguration du métier.
2.2. Une segmentation en question : les résistances internes au groupe professionnel
L’évolution de la formation a suscité de nombreux commentaires spontanés des ambulanciers concernant leur rôle dans l’urgence, allant du simple rejet au regret de ne pas
se voir accorder davantage de compétences, en passant par l’indifférence. Deux figures
idéal-typiques se dégagent des données de terrain, correspondant à deux conceptions
différentes du métier : la première figure, majoritaire, est composée d’ambulanciers âgés
pour l’essentiel entre 40 et 60 ans. Leur entrée dans le métier a représenté, bien souvent,
une opportunité de stabilisation professionnelle après une période de chômage et/ou de
petits boulots. Ils disposent de peu de ressources, ils sont peu diplômés et se plaignent au
quotidien du « manque de considération » des professionnels de santé. Certains, souvent
les plus anciens, ne s’intéressent pas à l’urgence et la craignent même, si bien qu’ils demandent au régulateur, avec succès ou non, de ne pas devoir « monter dans les lourds ».
Les propos de Mélanie, qui a principalement travaillé en milieu rural au sein d’une entreprise familiale, l’attestent36 :
« C’est dur de faire changer les mentalités des anciens. Quand je suis arrivée là-bas, que je
leur ai parlé de constantes, d’oxymètre de pouls, d’hygiène, ils m’ont regardé avec des yeux
ronds comme ça !
— Et comment se faisaient les urgences ?
— Ils prenaient, ils emmenaient, ça passait ou pas ! ».
Au cours de l’enquête, j’ai pu constater la peur qui s’inscrivait parfois sur le visage de mes
collègues à l’annonce d’une intervention d’urgence. J’ai aussi pu être témoin de l’incapacité de certains « anciens » d’utiliser le matériel d’urgence présent dans l’ambulance.
Aussi n’est-il pas très surprenant d’entendre les ambulanciers correspondant à la seconde
figure idéal-typique affirmer que le « manque de considération » dont se plaignent les
premiers est « tout à fait justifié ». Ces ambulanciers orientés vers la figure du soigneur
sont, pour la plupart, entrés dans le métier par vocation37. Ils sont plus jeunes (entre 20 et
35 ans) et plus diplômés (niveau bac à BTS). Ils souhaitent, disent-ils, « changer l’image
de la profession ». L’un d’entre eux me confiait un jour :
« J’entends des ambulanciers qui se plaignent du manque de reconnaissance, de considération, mais c’est de leur faute. […] C’est à nous de faire le ménage » (Journal de terrain,
janvier 2007).
Ils forment un groupe minoritaire qui côtoie peu le reste des salariés de l’entreprise : ils
sont ainsi une dizaine à embaucher tous les jours à midi dans une entreprise qui compte
36
Les femmes se situent dans les deux profils idéaux-typiques dégagés. Sur ce point, il apparaît que le degré
d’ancienneté dans le métier et, plus précisément, l’âge d’obtention de la formation, est plus déterminant
que le genre.
37
Certains sont certes passionnés par l’urgence, mais ils sont ambulanciers par défaut. Le profil de l’ambulancier SPV entre dans ce cas de figure. De nombreux jeunes, engagés depuis quelques années chez les
pompiers, exercent le métier d’ambulancier dans l’attente et/ou l’espoir de devenir sapeurs-pompiers professionnels (SPP). Ils recherchent les interventions d’urgence et partagent, sur ce point, la même passion
que les rares ambulanciers entrés dans le métier par « vocation ». Toutefois, ils souhaitent démissionner
au plus vite pour devenir SPP ou bien infirmiers.
16
Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
alors 50 salariés. Deux ans plus tard, nombre d’entre eux sont partis : certains ont créé
leur société d’ambulance spécialisée dans le domaine de l’urgence (sur le modèle suisse)
et d’autres sont devenus associés dans ce type d’entreprise.
Entre le suivi de multiples formations aux soins d’urgence à l’étranger sur leurs propres
deniers et le déploiement quotidien de leurs savoir-faire et connaissances auprès des
patients, sans oublier les conflits qui ne manquent pas de survenir avec des professionnels de santé, c’est une lutte quotidienne qu’ils et elles mènent pour une autre définition
de leur profession. Il faut préciser que même s’ils s’inspirent de la figure du paramedic,
ces ambulanciers ne veulent pas pour autant obtenir le statut de professionnel paramédical. Ce qualificatif renvoie, selon eux, à la subordination d’un rôle et d’un savoir à
la profession médicale. Or, les membres de ce segment cherchent à construire une culture et un savoir propres et à défendre une définition de leur profession en dehors de la
référence à la norme médicale. Face aux résistances, ils ont pris conscience de la nécessité de créer une organisation qui représente leurs intérêts. C’est dans ce cadre que fut
créé, en 2013, le Collectif Ambulanciers des transports sanitaires et d’urgences de France
(CATSUF). Cela signe un tournant dans l’action de ce groupe professionnel qui, pour la
première fois, s’organise collectivement pour « la défense, la reconnaissance et la revalorisation de l’image de la profession » (www.catsuf.fr). Des antennes départementales
(CATSUD) ont depuis lors vu le jour dans 68 départements, et leur activité est suivie par
46 000 personnes. Cette association professionnelle assure la fonction de porte-parole
vis-à-vis du public via son site internet : elle publicise les débats en cours sur la formation38 ; elle relaie le contenu des rapports politiques et des comptes rendus d’échanges
avec le ministère de la Santé ; elle défend les ambulanciers verbalisés par les forces de
police durant des interventions d’urgence en rappelant le cadre juridique dans lequel
ils exercent ; elle diffuse les dernières nouveautés en matière de formation, de tenues
et de matériel « médical » ; enfin, elle rend compte des expérimentations menées par
certaines entreprises spécialisées dans l’urgence, qui exploitent l’évolution de l’état des
connaissances médicales et des techniques pour développer les « ambulances connectées ».
Fortes d’un contexte politique qui leur est favorable39, certaines entreprises se spécialisent en effet depuis peu dans la télémédecine d’urgence. Depuis 2016, une poignée de
médecins régulateurs du SAMU participent avec les ambulanciers privés à l’expérimentation des ambulances « connectées » dans quelques départements. Dans ce cadre, les
ambulanciers se voient déléguer certains gestes dits médicaux et/ou infirmiers tels que
la réalisation d’un encéphalogramme40. Néanmoins, en dépit de ces facteurs favorables, le
processus de segmentation reste encore incertain au regard des résistances qu’il suscite.
3. Conclusion
Entre le transport, le care et le cure, la complexité du travail des ambulanciers requiert
pour être comprise une observation in situ des pratiques professionnelles. Le terme générique « ambulancier », employé ici par commodité d’écriture et de lecture, ne doit pas
faire oublier l’hétérogénéité interne de ce groupe professionnel dont un segment, minoritaire, lutte pour que les ambulanciers soient reconnus comme des spécialistes de l’urgence. Toutefois, les résistances à ce processus de segmentation sont nombreuses et la
38
En 2016, le ministère de la Santé a engagé une nouvelle réflexion sur la formation des ambulanciers et
plus particulièrement sur les modalités d’élargissement de leurs compétences et rôles dans l’aide médicale
urgente. Le patron de l’entreprise Urgences a d’ailleurs été récemment entendu sur ce point au Ministère.
39
Décrets relatifs à la télémédecine issus de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de
l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (NOR: SASX0822640L), dite « loi Hôpital,
patients, santé et territoires » ou « loi HPST ».
40
Sur ce point, voir Mathieu-Fritz et Esterle, 2013.
17
S. Morel, « De transporteurs à soigneurs ? Vers une segmentation du travail des ambulanciers privés français »
reconfiguration du travail mise en évidence à travers cette monographie est plus ou
moins avancée selon les départements. Au-delà de cette diversité de situations, on peut
néanmoins affirmer que ce groupe professionnel n’en est qu’aux prémices d’une évolution qui s’inscrit dans un mouvement plus général de segmentation des professions de
santé rendu nécessaire par les mutations de notre organisation sanitaire (Berland, 2003).
Ces recompositions professionnelles ne se font pas sans heurts, de nombreux travaux
sociologiques ayant mis en évidence les multiples obstacles rencontrés par divers groupes professionnels pour maintenir ou renforcer leurs territoires de compétences dans le
champ de la santé (voir par exemple Cresson et al., 2003 ; Pinell, 2005). En outre, qu’il
s’agisse des sages-femmes, des infirmières ou encore des pharmaciens, les analyses montrent que les résistances à la délégation de compétences sanitaires proviennent invariablement de la profession médicale, et les ambulanciers n’échappent pas à cette constante
historique. Ce fait constitue une spécificité française : la frontière entre les actes dits
« médicaux » et « non médicaux » apparaît en effet plus étanche dans l’hexagone qu’ailleurs. Si on prend l’exemple du domaine des soins d’urgence, force est de constater que
dans le sens commun personne n’a l’idée de remettre en cause la distribution des licences professionnelles qui, avec la force de l’évidence, attribue aux médecins urgentistes la
compétence « naturelle » des actes d’urgence vitaux. Or, une brève comparaison européenne invite, comme d’autres auteurs l’ont fait, à relativiser l’évidence des catégories
et normes « médicales » ou « paramédicales » qui, loin d’être naturelles, résultent d’une
construction socio-culturelle (Pasveer et Akrich, 1996). Pour preuve, le développement de
l’« e-santé » rendu possible par l’exploitation des nouvelles technologies engendre aujourd’hui des recompositions importantes des contours des métiers de la santé : la profession
médicale délègue en effet de plus en plus certaines tâches qu’elle se réservait jusqu’à
présent (Mathieu-Fritz et Esterle, 2013). Dans ce contexte, les ambulances « connectées »,
qui devraient se développer dans les années à venir, semblent constituer une opportunité de voir aboutir le processus de spécialisation voulu par un segment de la profession
(Morel, 2017).
Annexe – Table des sigles
ARS
ASSU
AVP
BNS
CATSUF
CCA
CDI
CESU
CHU
CPAM
DEA
DREES
DSA
FNAA
FNAP
FNSPF
Agence régionale de santé
Ambulance de secours et de soin d’urgence
Accident sur la voie publique
Brevet national de secourisme
Collectif ambulancier des transports sanitaires et d’urgence de France — et ses
antennes départementales, les CATSUD. Site internet : https://www.catsuf.fr/
Certificat de capacité d’ambulancier
Contrat de travail de durée indéterminée
Centre d’enseignement des soins d’urgence
Centre hospitalier universitaire
Caisse primaire d’assurance maladie
Diplôme d’État d’ambulancier
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du
ministère de la Santé et des Solidarités
Défibrillateur semi-automatique
Fédération nationale des artisans ambulanciers
Fédération nationale des ambulanciers privés
Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
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Sociologie du travail 60 (1), janvier-mars 2018
IGAS
INSEE
MECSS
ORS
SAMU
SAV
SMIC
SMUR
SPV
TAP
VLI
VSAV
VSL
Inspection générale des affaires sociales
Institut national de la statistique et des études économiques
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité
sociale
Observatoire régional de santé
Service d’aide médicale urgente
Secours à victime
Salaire minimum de croissance — c’est-à-dire le salaire horaire minimum légal
Services mobiles d’urgence et de réanimation
Sapeurs-pompiers volontaires
Transport assis professionnalisé
Véhicule de liaison infirmier
Véhicule de secours à victime
Véhicule sanitaire léger
Auteur
Sylvie Morel
Centre nantais de sociologie (CENS), 5B quai Henri Barbusse, 44000 Nantes, France
sylvie.morel[at]univ-nantes.fr
Note de la rédaction
Premier manuscrit reçu le 21 novembre 2016 ; article accepté le 11 septembre 2017.
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