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8 I DOSSIER © M.studio – fotolia.com Prévenir la radicalisation violente : nouveaux habits d’une action publique à la française ? Benjamin DUCOL L ongtemps considéré comme un facteur explicatif du faible nombre d’attentats terroristes en France au cours des deux dernières décennies, le dispositif antiterroriste français apparaît sous pression au lendemain des attentats de janvier 2015. Restées jusqu’ici relativement hermétiques à une approche dite « douce » en matière de lutte contre l’extrémisme violent, les autorités françaises vont opérer à partir de cette période une inflexion avec l’émergence progressive d’une action publique de prévention de la radicalisation 1. Face aux limites d’un paradigme antiterroriste qui peine à saisir les nouveaux avatars de la menace jihadiste et une demande sociale qui requiert la mise en œuvre de solutions par les pouvoirs publics, se met en place, non sans une série de tâtonnements et de débats, un champ d’action publique inédit. L’ambivalente mise à l’agenda de la « radicalisation » en France Malgré une longue histoire du terrorisme en France, les attentats de janvier 2015 illustrent une rupture, tant par leur dimension symbolique que par la séquence meurtrière qu’ils introduisent. Les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher marquent les actions terroristes les plus meurtrières en France depuis 1961 2. Avec les attentats du 13 novembre 2015 (130 morts et plus de 400 blessés), la France doit faire face à une menace terroriste plus manifeste que jamais. Entre janvier 2015 (attentats de Charlie Hebdo) et mars 2018 (attentat de Trèbes), ce ne sont pas moins de 14 attaques terroristes qui ont lieu en France (17 tentatives d’attentats échoués) causant 246 morts et au moins 2 305 blessés 3. Des chiffres qui (1) Pour une vue extensive de l’action publique des autorités françaises en matière de prévention de la radicalisation violente, lire Sèze (R.), 2019, Prévenir la violence djihadiste. Les paradoxes d’un modèle sécuritaire, Paris, Le Seuil. (2) Le 18 juin 1961, l’attentat perpétré sur la ligne de train Paris-Strasbourg par l’Organisation de l’armée secrète (OAS) fait 28 morts et 170 blessés. (3) Statistiques tirées de Seelow. (S.), Dahyot. (A.) et Baruch. (J.), 2018, « De 2013 à 2018, la France au rythme des attentats », Le Monde, 30 Mars. À consulter sur le site web Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/03/30/de2013-a-2018-la-france-au-rythme-des-attentats_5278453_3224.html (consulté le 21 mars 2019). Benjamin DUCOL Benjamin Ducol, PhD, est responsable de l’équipe de recherche du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV) à Montréal, professeur associé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal et chercheur associé au Centre international de criminologie comparée (CICC) de l’Université de Montréal. Il est membre du réseau pancanadien Canadian Network for Research on Terrorism, Security & Society (TSAS). Prévenir la radicalisation violente : nouveaux habits d’une action publique à la française ? – Benjamin DUCOL benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 DOSSIER I 9 témoignent d’une vague terroriste sans précédent, et ce y compris au regard des épisodes terroristes qui s’exercent sur le territoire hexagonal au cours des années 1970-1980 ou au tournant de l’année 1995. Au lendemain des attentats de janvier 2015, c’est un cadrage de la menace terroriste comme une attaque aux valeurs nationales qui prévaut tant du point de vue gouvernemental qu’au sein de la société française [Faucher et Boussaguet, 2017]. L’interprétation est aussi celle d’une menace issue des « marges de la République » cœur du recrutement du jihadisme, à l’image des parcours de déshérence des frères Kouachi ou d’Amedy Coulibaly marqués par la marginalité, la criminalité et la prison [Packer, 2015]. Ce cadrage de la menace de radicalisation violente en provenance des « marges 4 » va initialement limiter le spectre des réponses par les autorités publiques, ces dernières prolongeant les grandes lignes du paradigme antiterroriste traditionnel. Cette logique va toutefois rapidement se heurter à une série de questionnements portant sur l’efficacité du modèle antiterroriste français face aux mutations contemporaines de la menace jihadiste et à la diversification croissante des profils sociologiques associés à cette mouvance. Parallèlement émerge dans la sphère publique une demande d’action gouvernementale vis-à-vis de la radicalisation, en provenance des familles touchées par la réalité des départs (ou des tentatives de départ) de proches vers la Syrie [Sèze, 2019]. Un paradigme antiterrorisme sous pression Construit autour de la loi 1986 5, le dispositif antiterroriste français s’est constitué autour d’une doctrine de « neutralisation préventive » [Bonelli, 2008, p. 168] fondée sur des acteurs spécialisés 6 d’un champ de l’action antiterroriste et des procédures 7 dérogatoires au droit commun [Foley, 2013]. Cette tendance est accentuée par les actualisations législatives successives, en particulier avec la loi de 1996 et l’introduction de l’incrimination de « délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste 8 » qui élargit le spectre d’action de l’antiterrorisme français et renforce du même coup sa capacité de neutralisation en amont même de la commission de potentiels actes terroristes [Hellmuth, 2015a, p. 980]. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, la France ne connaît pas de transformation majeure en ce qui a trait à son paradigme de lutte antiterroriste considérée comme efficace pour lutter contre la menace jihadiste en développement, et ce même si plusieurs lois majeures se succèdent à partir de 2006 [Bartolucci, 2017] en vue d’ajuster celuici aux nouvelles réalités de la menace terroriste. Ces lois viennent renforcer tour à tour différents aspects du dispositif antiterroriste français, qu’il s’agisse des moyens d’enquête et de surveillance, des procédures de détention préventive, des motifs de judiciarisation ou encore des moyens de coordination et de partage du renseignement. Au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, on assiste avant tout à un renforcement de l’ancrage sécuritaire, marqueur de l’antiterrorisme hexagonal, avec notamment le déclenchement de l’opération Sentinelle et le déploiement de plus de 10 000 soldats de l’armée de Terre (ayant pour mission d’assurer la protection des sites considérés à risque : aéroports, gares, musées, artères commerciales, édifices religieux, etc.) [Tenenbaum, 2016], mais aussi avec le renforcement des moyens financiers et humains dédiés à la lutte contre le terrorisme ; en particulier en ce qui (4) À titre d’exemple, on pourra considérer que le rapport du député de l’Essonne Malek Bouthi intitulé « Génération radicale » remis au Premier ministre en juillet 2015 participe d’un renforcement de cette grille de lecture. Consulter : Bouthi (M.), 2015, Génération Radicale, rapport remis au Premier ministre. (5) Loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État. La loi de 1986 fait suite à l’abolition de la Cour de sûreté de l’État en 1981 et au besoin de l’État français de se redonner un cadre juridique pour le traitement des faits de violence politique. Sur cette thématique, lire Codaccioni, (V.), 2015, Justice d’exception. La cour de sûreté de l’État sous la Ve République : l’État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, Éditions CNRS. (6) À l’instar de nombreux pays, le dispositif antiterroriste français mobilise des acteurs spécialisés de police judiciaire, des services de renseignement et de gendarmerie. Une spécificité tient toutefois à la centralisation des affaires terroristes au niveau national dans les mains d’acteurs judiciaires spécialisés dont la 14e section du Parquet de Paris (14 magistrats spécialisés en 2017) et des juges d’instruction spécialisés du tribunal de grande instance de Paris (11 juges d’instruction spécialisés en 2017). (7) Parmi ces procédures dérogatoires au droit commun, on pourra citer l’extension de la durée normale de garde à vue de 24 heures jusqu’à 96 heures, le retardement de la présence d’un avocat jusqu’à la 72e heure de garde à vue, la possibilité de perquisitions de nuit ou encore les procédures de saisies et d’analyse informatiques facilitées. Ajoutons à cela que contrairement aux procès pour des crimes de droit commun, les procès pour terrorisme sont jugés par des cours d’assises spéciales composées de magistrats professionnels en lieu et place de jurés populaires. (8) Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire. Cette « infraction-obstacle » permet de sanctionner la préparation d’actes de terrorisme avant même que ces derniers soient commis. Elle permet donc une incrimination plus versatile pouvant couvrir une vaste catégorie d’actions et de contextes (financement, logistique, recrutement) associés au fait terroriste. Cahiers de la sécurité et de la justice – n°46 benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 10 I DOSSIER a trait au renseignement et aux enquêtes policières 9. Ce renforcement des moyens d’action s’accompagne d’un décloisonnement des services de renseignements 10 et d’une réorientation des missions des forces de sécurité intérieure au niveau territorial [Gauthier, 2016]. Au-delà des moyens pratiques de l’antiterrorisme, le cadre législatif bascule également dans une « fièvre législative » [Chalkiadaki, 2015]. À partir de janvier 2015, plusieurs lois visant à renforcer les moyens d’action en matière d’antiterrorisme 11 sont votées et donnent lieu à l’introduction de plusieurs « infractions-obstacles 12 » permettant une judiciarisation plus préemptive que jamais des potentiels acteurs terroristes. Jusqu’ici loué pour son efficacité et sa supposée adaptabilité à la menace terroriste [Perelman, 2006], le dispositif antiterroriste français apparaît néanmoins affaibli au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, puis ceux de novembre 2015, et ce pour trois grandes raisons. En premier lieu, l’évolution de la menace ne semble pas avoir été totalement prise en compte par les services concernés. Considérée avant tout comme de nature exogène, la montée en puissance d’une scène jihadiste sur le territoire national [Caillet et Pruchot, 2017] semble avoir été mal appréhendée par les autorités publiques. En second lieu, la réforme du renseignement opérée en 2008 avec la fusion des Renseignements généraux (RG) et de la direction de la Surveillance du territoire (DST), donnant lieu à la création de la direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI), devenue en 2014 direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), semble avoir produit une désorganisation du travail de renseignement rendant difficile l’évaluation de la menace alors même que les profils devenaient plus diversifiés et complexes. Finalement, considérées avant tout comme une problématique sécuritaire et non sociale, les autorités françaises sont demeurées dans une perspective très largement attentiste et réactive face à la menace jihadiste [Sèze, 2019, p. 19-22]. De la mise en visibilité de la radicalisation violente comme « problème social » C’est donc face au constat des limites de l’action sécuritaire de l’antiterrorisme français à prévenir efficacement la menace jihadiste que va en premier lieu s’opérer la mise à l’agenda progressive de la prévention de la radicalisation violente. Comme le note Marret [2016, p. 11] : « Après un immobilisme très français d’une décennie, la France a décidé de se lancer dans la prévention [de la radicalisation]. Elle ne l’a fait non pas par opposition à la sécurité répressive, mais parce que rationnellement, il était nécessaire de le faire compte tenu des tensions capacitaires de la police et du nombre croissant de djihadistes français Cette mise à l’agenda est, par ailleurs, confortée par une mise en visibilité opérée par une série d’acteurs dans l’espace public. La publication au cours de l’année 2014 du rapport « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? » par la Fondation d’aide aux victimes du terrorisme [Seelow, 2015], de l’ouvrage de Dounia Bouzar : Désamorcer l’islam radical : ces dérives sectaires qui (9) Fin janvier 2015, le Premier ministre Manuel Valls annonçait le déblocage d’un montant de 246 millions d’euros et la création de 2 680 postes au sein du ministère de l’Intérieur. Revault d’Allonnes (D.) et Bonnefous (D.), 2015, « Manuel Valls annonce la création de 2 680 postes pour lutter contre le terrorisme », Le Monde, 21 décembre. Sur la période 2015-2017, les ressources financières allouées aux acteurs de l’antiterrorisme ont été considérablement augmentées. Selon les données disponibles, entre 2015 et 2017 ce sont 824 millions supplémentaires qui ont été consacrés aux forces de police et de gendarmerie, alors que 479 millions supplémentaires ont été accordés à la justice et à l’administration pénitentiaire. Parallèlement, le budget consacré au financement des services de la communauté du renseignement a augmenté de 11,3 % entre 2013 et 2016. Cazeau (B.) et Goy-Chavet (S.), 2018, Rapport n˚ 639 fait au nom de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État islamique [Rapport], Paris, Le Sénat, p. 101. (10) À titre d’exemple, en 2016 la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) a été désignée comme étant désormais le pôle référent en matière d’antiterrorisme pour tous les services de l’État sur l’ensemble du territoire. La DGSI se voit ainsi transmettre par l’ensemble des acteurs de la communauté du renseignement et des forces de sécurité toutes les informations pertinentes en ce qui concerne la sécurité du territoire et le terrorisme. (11) Entre 2015 et 2018, ce sont pas moins de sept lois en lien avec la lutte antiterroriste qui sont adoptées en France : loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement ; loi n° 2015-1556 du 30 novembre 2015 relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales ; loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs ; loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ; loi n° 2016987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant sur les mesures de renforcement de la lutte antiterroriste ; loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique ; loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. (12) Parmi ces nouvelles infractions-obstacles, on retiendra l’infraction de provocation à des actes de terrorisme ou d’apologie du terrorisme (article 421-2-5 du Code pénal), l’infraction d’entrave aux mesures de blocage des sites faisant l’apologie du terrorisme (article 421-2-5-1 du Code pénal), l’infraction d’entreprise individuelle terroriste (article 421-2-6 du Code pénal). Prévenir la radicalisation violente : nouveaux habits d’une action publique à la française ? – Benjamin DUCOL benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 DOSSIER I 11 défigurent l’islam et d’un premier rapport par son Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam (CDSI 13) marque une mise en visibilité de la radicalisation violente comme problème social. Parallèlement les familles touchées par un départ ou une tentative de départ d’un proche (le plus souvent un enfant) vers la Syrie vont amorcer une mobilisation auprès des pouvoirs publics [Hamaïde, 2014]. LOIN DE NE SE LIMITER QU’À UNE FRANGE MARGINALISÉE DE LA POPULATION, LA RADICALISATION TOUCHE DÉSORMAIS DES FRANGES JUSQU’ICI INVISIBLES DE LA SOCIÉTÉ. LA SOCIOLOGIE DU Cette visibilisation de la radicalisation comme problématique dans l’espace public hexagonal s’accompagne d’une prise de conscience de la diversité des profils d’adhésion au jihadisme et des candidats au départ vers la Syrie. Loin de ne se limiter qu’à une frange marginalisée de la population, la radicalisation touche désormais des franges jusqu’ici invisibles de la société. La sociologie du jihadisme n’est donc plus exclusivement celle des marges ou des banlieues, mais aussi celle des classes moyennes et d’une France périurbaine [Khosrokhavar, 2015/16]. Les témoignages de familles qui essaiment dans les médias contribuent à donner un visage à la problématique de la radicalisation en France [Sèze, 2019]. Face à ce contexte, les pouvoirs publics français ne vont avoir d’autre choix que de mettre à l’agenda la prévention de la radicalisation, alors même que la France avait jusqu’ici résisté à ce paradigme d’action publique. Une exception française ? L’émergence tardive d’une action publique de prévention de la radicalisation Alors que des États comme la Grande-Bretagne, les PaysBas, l’Allemagne ou encore le Danemark furent prompts à établir et mettre en œuvre des actions publiques de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent au lendemain des attentats de Madrid (2004) et de Londres (2005), la France s’est longtemps montrée peu encline à s’engager dans une logique préventive [Hellmuth 2015a ; Sèze 2019]. Cette émergence tardive d’une politique publique de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent en France peut être expliquée par plusieurs hypothèses, incluant une méfiance pour un paradigme porté par le voisin britannique, perçu depuis l’Hexagone comme trop « soft » en comparaison du modèle français [Ragazzi, 2014, p. 10]. JIHADISME N’EST DONC PLUS EXCLUSIVEMENT CELLE DES MARGES OU DES BANLIEUES, MAIS AUSSI CELLE DES CLASSES MOYENNES ET D’UNE FRANCE PÉRIURBAINE En effet, la croyance des autorités publiques françaises dans l’efficacité du dispositif et des moyens antiterroristes mis en œuvre, et ce jusqu’aux attentats de Mohamed Merah [Sèze, 2019, p. 22-23], limite en premier lieu toute inflexion vers une logique préventive. Chaque attentat plutôt que de conduire à une réflexion sur les orientations gouvernementales conduit en réalité au renforcement de l’arsenal antiterroriste tant du point de vue légal que dans ses moyens d’action. En second lieu, il existe dans le contexte français la perception que le terrorisme constitue avant tout une violation de la loi avant d’être un enjeu de prévention sociétal [Hellmuth 2015a ; Samaan et Jacobs 2018]. En d’autres termes, la lutte contre le terrorisme et les manifestations violentes de l’extrémisme doit être ancrée dans une perspective juridique fondée sur l’application stricte des incriminations du Code pénal [Shapiro et Suzan, 2003, p. 85] et non sur une série de mesures sociétales douces visant à opérer une prévention en amont [Ragazzi, 2014, p. 10]. Ainsi, sur la période pré2015 les départs vers des théâtres de conflit étrangers (Afghanistan, Yémen, ou Syrie) sont appréhendés comme un phénomène devant être traité par les moyens de surveillance ou répressifs traditionnels plutôt que par des mesures douces de prévention. L’identification et la surveillance des voyages auprès de cellules terroristes à l’étranger de Mohammed Merah comme des frères Kouachi témoignent de cette inclinaison des autorités françaises [Hellmuth, 2015b, p. 5]. La nature relativement extensive du cadre légal dans lequel opère l’antiterrorisme français permet en effet de judiciariser très en amont les individus engagés dans une trajectoire de radicalisation violente au-delà même de leur participation effective à un groupe ou une action terroriste [Shapiro et Suzan 2003], conduisant les autorités à privilégier une logique (13) Bouzar, (D.), Caupenne, (C.) et Valsan, (S.), 2014, La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes. Rechercheaction sur la mutation du processus d’endoctrinement et d’embrigadement dans l’islam radical, Paris, Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam. Cahiers de la sécurité et de la justice – n°46 benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 12 I DOSSIER préemptive par le droit. Comme le souligne Hellmuth [2015b, p. 21] : «As it is comparatively easy to arrest people preventively on terrorism-related charges and put them behind bars, radicalization until recently was not considered an issue that required separate attention, ideological debate or the introduction of soft measures». Finalement, cet exceptionnalisme français dans le domaine de la prévention de la radicalisation [Hellmuth 2015b] est attribuable à la conception française de la liberté de conscience [Ragazzi, 2017b, p. 3], l’universalisme républicain reposant sur l’absence de reconnaissance des communautés ethniques ou religieuses au sein de la société française [Ragazzi, 2014, p. 35] et les principes stricts de laïcité [Hellmuth, 2015b, p. 4-5 ; Wittendorp et al., 2017, p. 77-78]. Par conséquent, là où le Royaume-Uni ou les Pays-Bas fondent leurs stratégies de prévention de la radicalisation sur les relations communautaires (notamment dans une extension du community policing) ou l’inclusion de figures et d’associations religieuses comme des partenaires de prévention de la radicalisation, cette perspective s’avère inimaginable dans le contexte français [Ragazzi, 2014, p. 10]. L’ensemble de ces éléments explique dès lors l’émergence tardive d’une politique de prévention de la radicalisation violente en France. Si le « rapport Jounot 14 » d’octobre 2013, qui fait suite aux attentats de Mohamed Merah, introduit une première rupture dans le contexte hexagonal et initie une réflexion sur la prévention de la radicalisation en France [Ragazzi, 2014, p. 10], il faut néanmoins attendre le plan de lutte antiterroriste (PLAT) du 23 avril 2014 pour que les autorités françaises entreprennent une véritable action publique de « prévention de la radicalisation ». Influencée par les expériences européennes – notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou encore le Danemark – et les réseaux d’échanges d’expertise internationaux comme le PPN 15 ou le RAN 16 – [Ragazzi, 2014, p. 11], la France déploie pour la première fois une action publique de prévention et de prise en charge de la radicalisation qui demeure toutefois limitée dans ses ambitions et encore indécise dans son cadrage. Construire la prévention de la radicalisation : entre balbutiements et cadrage incertain Comportant 24 mesures, le plan d’action du 23 avril 2014 17 constitue une première étape pour les autorités françaises en matière de prévention de la radicalisation. Les actions engagées demeurent toutefois très largement assujetties à une double logique : d’un côté l’identification, la prise en charge précoce des individus considérés comme radicalisés ou à risque de radicalisation, ainsi que l’accompagnement des familles et des proches confrontés à ces situations, de l’autre la mise en œuvre d’une politique de prévention de la radicalisation autour du diptyque « réaffirmation des valeurs républicaines » et « promotion de la laïcité ». S’inspirant des autres dispositifs européens déjà en place, la France va construire un dispositif de prévention de la radicalisation à sa mesure, tenant compte d’une réalité sociale, historique et institutionnelle particulière. Fortement centralisé et sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, ce dispositif de prévention se déploie à tâtons dans les mois qui précèdent la vague d’attentats de 2015. En avril 2014 est créé le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) afin d’assurer la gestion du numéro national d’appel téléphonique d’assistance et d’orientation à travers lequel peuvent se faire les signalements en lien avec la radicalisation. Rattaché à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), le CNAPR permet de centraliser les signalements d’individus présentant des signes de radicalisation 18. Opéré par des policiers réservistes assistés par une psychologue, ce « numéro vert » offre aux familles et aux professionnels concernés par une situation potentielle de radicalisation une écoute et une (14) Jounot (Y.), 2013, Prévention de la radicalisation, Paris, Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. (15) PPN ou Policy Planners Network est un réseau intergouvernemental réunissant les représentants d’agences gouvernementales de douze pays : Royaume-Uni, Canada, France, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Suède, Belgique, Espagne, Finlande, Norvège et la province de Victoria en Australie. Il vise à permettre un échange de connaissances et de bonnes pratiques en matière de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent. (16) RAN ou Radicalization Awareness Network est un réseau pan-européen mis en place par la Commission européenne visant à mettre en contact les praticiens travaillant dans le domaine de la prévention de la radicalisation en Europe. Le RAN est structuré autour d’un centre d’excellence qui assure une diffusion des connaissances et des bonnes pratiques, ainsi que de groupes de travail sectoriels (communication et discours, EXIT, éducation, etc.) permettant de réunir des praticiens sur des thématiques précises afin d’échanger sur les enjeux, les défis et les bonnes pratiques en matière de prévention de la radicalisation. Le RAN vise ainsi à créer une synergie entre les divers expériences et modes d’actions des acteurs de terrain et diffuser les bonnes pratiques entre États membres européens. (17) La circulaire du 29 avril 2014 INTK1405276C du ministre de l’Intérieur relative à la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles est complétée par des mesures au niveau interministériel. (18) Créé en mars 2015, le Fichier de traitement des signalés pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) vise à recenser l’ensemble des signalements de la plate-forme du CNAPR, ainsi que les signalements en lien avec la radicalisation par les autres acteurs territoriaux. Prévenir la radicalisation violente : nouveaux habits d’une action publique à la française ? – Benjamin DUCOL benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 DOSSIER I 13 orientation vers des démarches de soutien 19. Par cette centralisation des signalements liés à la radicalisation, l’UCLAT assure aussi un suivi statistique et administratif des personnes radicalisées pour l’ensemble du territoire 20. La coordination de l’ensemble du dispositif national de prévention de la radicalisation est confiée au Comité interministériel de prévention de la délinquance, renommé en avril 2014 Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR 21). Le CIPDR a pour mandat la mise en œuvre des mesures de prévention de la radicalisation, la gestion d’un fonds interministériel destiné à financer les actions de prévention sur l’ensemble du territoire, ainsi que la formation des professionnels et des intervenants de première ligne 22. À ce dispositif national centralisateur s’ajoute ainsi un maillage territorial opéré par les préfectures au niveau départemental à l’aide de deux pôles : les groupements d’évaluation départementaux (GED) et les cellules d’écoute et d’accompagnement des familles 23 (CEPRAF). D’un côté, les groupements d’évolution départementaux (GED) regroupent les acteurs sécuritaires (renseignement, police, justice) au niveau local ayant pour mission d’évaluer les signalements susceptibles de porter sur des individus « radicalisés » et d’envisager des mesures judiciaires, administratives ou de prise en charge à mettre en œuvre. De l’autre, les cellules d’écoute et d’accompagnement des familles (CEPRAF) assurent un travail de détection des « signaux faibles » et de remontée des situations potentielles de radicalisation vers le CNAPR à travers la participation de plusieurs acteurs locaux (services pénitentiaires, d’insertion et de probation (SPIP), services sociaux, éducation nationale, protection judiciaire de la jeunesse, aide sociale à l’enfance, agence régionale de santé, etc.). En parallèle, les CEPRAF assurent la prise en charge et l’accompagnement individualisé des personnes concernées par une situation de radicalisation et de leurs proches avec l’appui des acteurs locaux 24 mobilisables. Sur le terrain, la mise en œuvre d’une action publique de prévention n’est pas toujours fluide. Le caractère extrêmement large du plan d’action et de la circulaire du 29 avril 2014 produit sur le terrain une disparité entre les territoires. Alors que certains s’approprient l’action de prévention de la radicalisation et mettent en œuvre les mesures locales appropriées, d’autres demeurent dans une logique attentiste [Benbassa et Troendlé, 2017, p. 19]. Malgré une volonté affichée par les autorités publiques d’expérimenter une logique préventive, les actions entreprises demeurent, à ce stade, encore limitées. Comme le note Ragazzi [2014, p. 35] : «The timid measures of the “mechanisms for countering jihadist networks”, limited for the time being to a toll-free number for alerting the police about potential candidates for jihad, is more a case of a symbolic response than any real policy on the ground which has remained focused on legal and administrative aspects ». Alors qu’un dispositif de prévention de la radicalisation s’implante timidement en France à partir d’avril 2014, les attentats de janvier 2015 vont venir en accélérer son ancrage. Interprétés comme le résultat d’un délitement du corps social et d’un affaiblissement des valeurs républicaines, les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher conduisent à un recadrage de l’action publique de prévention de la radicalisation. La radicalisation n’est plus juste un enjeu sécuritaire, mais devient un enjeu de cohésion sociale [Sèze, (19) Comparativement à d’autres dispositifs similaires pouvant exister au niveau international, la ligne d’assistance française demeure dans un cadre sécuritaire, puisque opéré par le ministère de l’Intérieur et non par des associations ou des organismes indépendants. Sur l’exemple canadien, lire notamment Ducol (B.) et Chevrier-Pelletier (A.), 2018, « Radicalisation(s) et extrémisme(s) violent(s) : regard sur l’émergence d’initiatives de prévention au Canada », Cahiers de la sécurité et de la justice, n° 43, Paris, Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, p. 100-109. (20) Sur les 19 744 individus inscrits dans le ficher FSPRT, ce sont 13 370 qui avaient été signalés via le CNAPR et les états-majors de sécurité et institutionnels au niveau préfectoral, témoignant d’une capacité importante de remontée du renseignement de ce dispositif. Cazeau (B.) et Goy-Chavet (S.), 2018, Rapport n˚ 639 fait au nom de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État islamique [Rapport], Paris, Le Sénat, p. 87. (21) Le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation est rattaché au ministère de l’Intérieur. Initialement créé en 2006 pour fixer les orientations gouvernementales et coordonner les politiques de prévention de la délinquance au niveau interministériel, le CIPD devient le CIPDR en avril 2014 avec pour mandat d’inscrire la prévention de la radicalisation menant à la violence dans une perspective transversale. (22) Pour un aperçu des contenus de formation, consulter le kit de formation de prévention de la radicalisation du CIPDR : secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance (2015), Prévention de la radicalisation - Kit de formation (Paris, ministère de l’Intérieur) disponible en ligne : https://www.interieur.gouv.fr/content/download/92091/717461/file/kit-formation%20version2.pdf (consulté le 2 janvier 2019). (23) Il est à noter que les noms de ces deux pôles ont pu évoluer dans le temps au fur et à mesure de la mise en œuvre du dispositif. Nous gardons néanmoins ces deux appellations, les plus récentes, pour rendre compte de la division du travail dans le dispositif local de prévention de la radicalisation. (24) Au mois de février 2018, les CEPRAF déclaraient avoir pris en charge plus de 6 000 personnes déclarées pour des faits de radicalisation et accompagnés plus de 2 000 familles sur l’ensemble du territoire français. Cazeau (B.) et Goy-Chavet (S.), 2018, Rapport n˚ 639 fait au nom de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État islamique [Rapport], Paris, Le Sénat, p. 209 Cahiers de la sécurité et de la justice – n°46 benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 14 I DOSSIER 2019]. L’État engage dès lors des mesures de prévention qui visent à répondre à ce constat. Sur le terrain de l’action publique, le déploiement des dispositifs de prévention de la radicalisation va ainsi largement s’opérer à travers une réaffirmation du cadre républicain. Au lendemain des attentats de janvier 2015, la mise en œuvre de l’action publique de prévention de la radicalisation s’opère en premier lieu au niveau symbolique avec le Service d’information du gouvernement (SIG) et la campagne de « contre-discours » « Stop Djihadisme ». Composante communicationnelle du dispositif de prévention de la radicalisation du gouvernement français, la campagne « Stop Djihadisme 25 » institutionnalise pour la première fois une stratégie de communication publique dans le domaine [Fragnon, 2018]. Porteuse d’une perspective informative (la publicisation des indicateurs de radicalisation), cette campagne se veut avant tout persuasive puisqu’elle vise à proposer un contre-narratif à celui de l’EI en dévoilant les exactions et le double discours de l’organisation jihadiste. Cette campagne illustre, par ailleurs, un cadrage du phénomène de radicalisation comme « dérive sectaire », résultat d’un processus de manipulation mentale. Ce cadrage trouve une écoute particulière en France en raison d’une expérience historique de lutte contre les sectes [Ollion, 2017] et de la mobilisation de cette grille de lecture explicative par un certain nombre d’acteurs publics 26. la « mission intégratrice de l’école et [insiste sur] la pédagogie des valeurs centrales de la République autour du thème de la laïcité ». Alors que les attentats de Charlie Hebdo ont pu donner lieu à des tensions dans certains établissements scolaires avec la perturbation de la minute de silence ou la contestation du slogan « Je suis Charlie » par certains élèves, l’Éducation nationale va ainsi mettre en œuvre une large mobilisation institutionnelle (notamment autour d’un site web, de formations et de guides) qui ne rencontre toutefois pas toujours une traduction réelle au niveau du terrain [Lorcerie et Moignard, 2017]. La volonté de revivifier le sentiment d’appartenance à la communauté nationale s’exerce au-delà des milieux jeunesse par une stratégie de rappel des valeurs républicaines et d’interpellation de différents acteurs publics. En contradiction avec le discours républicain laïc traditionnellement affiché par les autorités françaises, les acteurs du culte musulman sont ainsi interpellés autour de la nécessité d’une réflexion sur la formation des imams et le besoin d’un contre-discours à l’égard d’un courant salafiste appréhendé par les pouvoirs publics comme l’antichambre du jihadisme [Sèze, 2019, p. 143-206]. Jusqu’ici absente du contexte hexagonal, la lutte contre l’extrémisme violent ne devient plus la seule affaire des « professionnels de l’antiterrorisme », mais progressivement un champ de pratique élargi faisant intervenir une variété d’acteurs [Ragazzi, 2017b]. Un basculement qui ne s’exerce toutefois que partiellement puisque le volet répressif demeure dominant dans le dispositif français de lutte contre la radicalisation violente. Face au nombre croissant de signalements post-attentats, les autorités publiques vont venir renforcer le dispositif de prise en charge et d’accompagnement déjà opérant sur l’ensemble du territoire. Afin d’appuyer l’action des préfectures au niveau local, une équipe mobile d’intervention est mise en place, un mandat confié au Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) de Dounia Bouzar. Ce dernier va dès lors intervenir sur l’ensemble du territoire pour assurer un appui logistique aux structures de prise en charge au niveau local ou une prise en charge directe là où les structures de prise en charge s’avèrent absentes. Une logique de prévention de la radicalisation incomplète ? Expérimentations et écueils d’une action publique (2015-2018) Au-delà des mesures de détection et de prise en charge s’amorce un début d’action de prévention globale. L’Éducation nationale est ainsi mobilisée au travers d’un plan d’action intitulé « Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République 27 » qui met en avant Les attentats du 13 novembre 2015 marquent un nouveau traumatisme pour la société française. Face à un contexte exceptionnel, la réaction des autorités françaises va dès lors s’opérer en deux temps. Alors qu’émane une demande sociétale de sécurisation [Brouard, Vasilopoulos (25) Ancrée dans une perspective de contre-discours, la campagne Stop-Djihadisme s’inspire très largement de la campagne de contre-narratif américaine «Welcome to the Islamic Land». (26) À cet égard, on pourra souligner l’implication des représentants de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) ou du Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) dans cette période initiale de cadrage et de mise en œuvre du dispositif de prévention de la radicalisation en France. (27) Pour retrouver les mesures de la « Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République », consulter la page web : http://eduscol. education.fr/cdi/actualites/archives/1er-semestre-2015/mesures-valeurs-rep (consulté le 10 juillet 2018). Prévenir la radicalisation violente : nouveaux habits d’une action publique à la française ? – Benjamin DUCOL benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 DOSSIER I 15 et Foucault, 2018], l’État français s’ancre tout d’abord dans une logique réactive avec le déclenchement de l’état d’urgence 28 et l’accroissement des « mesures administratives anticipatoires » pour lutter contre la menace immédiate [Ragazzi, 2017b]. Les attentats de novembre 2015 et les épisodes terroristes qui s’ensuivent (Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray, Orly, gare de Marseille, etc.) conduisent néanmoins les autorités françaises à une réinterprétation de la nature de la menace jihadiste sur le territoire français. Une réinterprétation qui nécessite du même coup l’accélération d’un déploiement des mesures de prévention de la radicalisation. Suite aux attentats de novembre 2015, le paradigme de prévention de la radicalisation s’entend un peu plus en France, et ce en dépit d’une action publique encore largement envisagée à travers un prisme sécuritaire [Marret, 2016 ; Sèze, 2019]. Au lendemain des attentats de novembre 2015, la mise en œuvre des dispositifs de prévention de la radicalisation demeure incomplète en France. En effet, les mesures mises en œuvre depuis avril 2014, puis renforcées au lendemain de l’attentat de Charlie Hebdo demeurent très largement orientées vers le diptyque « détection-prise en charge » laissant de côté toute action de prévention plus holistique. Il faut attendre mai 2016 pour que le gouvernement annonce une amplification des mesures de prévention avec l’annonce d’un nouveau plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART 29) comprenant 80 mesures dont 50 complémentaires à celles déjà mises en œuvre depuis le PART 2014. De nouveaux secteurs sont visés et la palette d’acteurs engagés dans le champ d’action publique de la prévention de la radicalisation s’élargit : caisses d’allocations familiales, protection de la jeunesse (PJJ), etc. [Pellon, 2017, p. 12]. Bien que presque tous les pans de l’action publique s’avèrent mobilisés dans les actions de prévention de la radicalisation, plusieurs axes prioritaires sont privilégiés : recherche (avec la remise en mars 2016 par l’alliance Athéna d’un rapport permettant d’établir une cartographie des pôles de recherche pouvant être mobilisés en France dans le cadre d’une logique de recherche-action sur les enjeux de radicalisation), éducation (considérée dans le PART 2016 comme un domaine prioritaire 30 avec la formation du personnel de l’Éducation nationale à la détection et au suivi des situations de radicalisation de même que la lutte contre les théories du complot jusqu’à l’éducation aux médias, en passant par la promotion des enjeux de citoyenneté et de laïcité) ou encore la prison (avec la mise en avant d’un ensemble de mesures allant du renforcement du renseignement pénitencier à la formation des aumôniers musulmans en passant par l’expérimentation d’unités dédiées pour les détenus considérés comme radicalisés 31). Si fin 2016 la plate-forme de signalements du CNAPR assure une relative fluidité dans l’identification des situations potentielles de radicalisation sur l’ensemble du territoire, la mise en place des dispositifs de suivi et d’accompagnement au niveau local se révèle encore inégale [Pellon, 2017, p. 13]. Face au besoin de trouver des modèles de prise en charge des individus radicalisés, le gouvernement procède en septembre 2016 à la création du « Centre de prévention, d’insertion et de citoyenneté » (CPIC) de Pontourny aussi plus communément qualifié de « centre de déradicalisation ». Projet pilote destiné à expérimenter un modèle de désengagement potentiellement reproduisible à l’échelle du territoire français, le Centre de Pontourny accueille un public volontaire d’individus considérés comme « radicalisés », mais ne présentant pas un risque avéré de passage à l’acte au sein d’un centre de réinsertion fermé. Après dix mois d’existence, le CPIC de Pontourny qui connaît un résultat mitigé tant par le faible nombre de personnes prises en charge (seulement neuf) que par l’absence de succès démontré (aucun pensionnaire ayant suivi le programme jusqu’à son terme) se voit fermé par le gouvernement [Benbassa et Troendlé, 2017, p. 3944]. Face à l’échec du Centre de Pontourny, les pouvoirs publics français semblent s’orienter à partir de 2017 vers des dispositifs de prise en charge plus localisés. Cette orientation se traduit par une volonté plus grande de décentralisation (encore imparfaite) de la prévention de la radicalisation par l’État français. Ainsi, les services (28) Mesure exceptionnelle, l’état d’urgence avait été utilisé à trois reprises en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : en 1955, puis en 1961 lors des événements de la guerre d’Algérie, en 1984-1985 lors des affrontements violents autour de l’indépendance de la NouvelleCalédonie et temporairement (2 semaines) à l’automne 2005 lors des émeutes urbaines. (29) Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (2016) : https://www.interieur.gouv.fr/Media/SGCIPD/Files/plan-d-action-contre-laradicalisation-et-le-terrorisme-PART2 (consulté le 12 avril 2019). (30) Consulter le site web Canopé : https://www.reseau-canope.fr/prevenir-la-radicalisation (consulté le 12 avril 2019). (31) Cinq unités dédiées, dénommées unités de prévention de la radicalisation (UPRA), sont créées en 2016 dans les établissements de FleuryMerogis, Fresnes, Osny et Lille-Annoeullin. Dotée d’une vingtaine de places, chaque unité possède une équipe pluridisciplinaire en charge d’assurer la mise en oeuvre d’un programme personnalisé pour les détenus. Il est à noter que l’option de séparer les détenus les plus dangereux sur le fondement d’une évaluation sécuritaire, qualifiés de « détenus particulièrement surveillés » était possible auparavant sur une base individuelle et non de manière institutionnalisée comme dans le cas des UPRA. À la suite des critiques de la contrôleure des prisons Adeline Hazan et de l’agression au couteau par un détenu de deux surveillants de l’UPRA de la prison d’Osny, les UPRA sont remplacées par six quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) qui permettent une évaluation préliminaire des détenus, ensuite placés dans un des 27 établissements pénitentiaires en France au sein duquel est structuré un dispositif de prise en charge personnalisé. Cahiers de la sécurité et de la justice – n°46 benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 16 I DOSSIER municipaux et les comités locaux sont mobilisés au travers d’une série de mesures allant d’actions de prévention primaire jusqu’à la prise en charge et l’accompagnement des individus en situation de radicalisation et de leurs proches. Cette territorialisation de la prévention de la radicalisation est encouragée par le gouvernement qui crée, en décembre 2016, une cellule nationale de coordination et d’appui de l’action territoriale de prévention de la radicalisation. Au niveau local, plusieurs initiatives de prise en charge et d’accompagnement voient le jour. Si certaines connaissent des déboires, d’autres apparaissent plus innovantes. Ainsi, la cour d’appel de Colmar et le tribunal de grande instance de Mulhouse mettent en place à partir d’octobre 2015 un programme qui vise à proposer aux individus judiciarisés et considérés comme « radicalisés » un soutien individualisé. Sur un modèle convergent et expérimenté en région parisienne depuis 2016 par l’administration pénitentiaire, le programme « Recherches et intervention sur les violences extrémistes » (RIVE) vise à la prise en charge des personnes placées sous main de justice, suivies en milieu ouvert pour des actes de terrorisme ou identifiées comme radicalisées [voir Herzog-Evans et al., ce dossier]. Conçu comme pluridisciplinaire, le dispositif vise à assurer un suivi individuel et un mentorat permettant d’assurer un désengagement progressif des individus concernés de l’extrémisme violent. La création du Centre d’action et de prévention contre la radicalisation des individus (CAPRI) à Bordeaux en 2016, fondé sur le modèle associatif indépendant représente un autre exemple de ces modèles d’expérimentation de la prévention de la radicalisation violente qui se développent au niveau local depuis 2016. Conclusion. Vers une professionnalisation de l’action publique en matière de prévention de la radicalisation et après ? Fruit d’une adoption plus tardive que beaucoup de ses voisins européens, le dispositif de prévention de la radicalisation français demeure marqué par des hésitations, tant dans son cadrage que dans ses développements. Le plan national de prévention de la radicalisation (PNPR 32) « Prévenir pour protéger » annoncé en février 2018 (et actualisé au mois d’avril 2019 33) illustre néanmoins l’enracinement d’un paradigme de prévention de la radicalisation comme logique d’action publique en France. Marquant une rupture avec la tonalité prioritairement sécuritaire des plans d’action antérieurs, le PNPR met davantage l’accent sur une logique de prévention primaire. Cet aspect se traduit notamment au niveau de l’école, avec la mise en avant des mesures visant l’éducation aux médias, le développement de l’esprit critique ou encore une « pédagogie de la laïcité ». Parallèlement, des secteurs jusqu’ici peu visés par la prévention de la radicalisation (entreprises, universités, milieux sportifs) sont interpellés à leur tour. Tributaire d’une trajectoire historique et d’un contexte propre (modèle républicain, prégnance de la laïcité, mise en œuvre post-attentats 2015, etc.), l’action publique en matière de prévention de la radicalisation apparaît toutefois encore largement en développement en France, alors même que la menace terroriste n’a cessé d’évoluer dans le contexte post-attentats 2015. Depuis ses premiers balbutiements d’avril 2014, le dispositif de prévention de la radicalisation en France a fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires venus dresser un bilan (souvent critique) de l’action publique. Parmi les récriminations les plus récurrentes, celle d’une trop faible professionnalisation, en particulier de certaines structures ou acteurs de terrain, comme en témoignent plusieurs « couacs » médiatisés [Guéguen, 2016]. On assiste néanmoins depuis la fin de l’année 2017 à une montée en compétences et une professionnalisation croissante des acteurs sur le terrain opérant dans ce champ d’action, comme en témoigne notamment la fin du dispositif des équipes mobiles en juin 2017. L’État est, par ailleurs, venu resserrer le cadre d’action des structures de prévention de la radicalisation, conditionnant l’octroi de subventions à un cahier des charges et une série de critères plus stricts 34. Ce resserrement s’est accompagné par une volonté de procéder à l’évaluation des conditions de réussite ou d’échec des initiatives de prévention en vigueur [Cazeau et Goy-Chavet, 2018, p. 265] et de favoriser un meilleur échange de bonnes pratiques entre acteurs de terrain. Plusieurs enjeux demeurent néanmoins, à commencer par la nature fortement centralisée du dispositif de prévention de la radicalisation français qui ne permet souvent qu’une prise en compte partielle des réalités locales. Les enjeux de (32) Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (2018), Prévenir pour protéger : plan national de prévention de la radicalisation. Consultable à l’adresse suivante : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2018/02/201802-23-cipdr-radicalisation.pdf (consulté le 12 avril 2019). (33) Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (2019), Bilan et perspectives du Plan national de prévention de la radicalisation, 11 avril. Consultable à l’adresse suivante : https://www.cipdr.gouv.fr/bilan-et-perspectives-du-plan-national-de-prevention-dela-radicalisation-cipdr-11-avril-2019/ (consulté le 12 avril 2019). Prévenir la radicalisation violente : nouveaux habits d’une action publique à la française ? – Benjamin DUCOL benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 DOSSIER I 17 LES ENJEUX DE COORDINATION ENTRE ACTEURS, PARFOIS CONCURRENTS OU REFUSANT DE TRAVAILLER ENSEMBLE, CONSTITUENT UNE AUTRE PROBLÉMATIQUE OÙ LES AUTORITÉS PUBLIQUES S’AVÈRENT ENCORE DÉFICIENTES MALGRÉ TOUT, LA PROFESSIONNALISATION CROISSANTE DE CE CHAMP D’ACTION PUBLIQUE DE LA PRÉVENTION DE LA RADICALISATION EN PARTICULIER AU TRAVERS D’INITIATIVES LOCALES, PARTICIPE À L’ÉMERGENCE, L’INVENTION ET LA MISE EN COMMUN DE SAVOIRS D’UN NOUVEAU CHAMP DE PRÉVENTION SPÉCIALISÉ coordination entre acteurs, parfois concurrents ou refusant de travailler ensemble, constituent une autre problématique où les autorités publiques s’avèrent encore déficientes. Malgré tout, la professionnalisation croissante de ce champ d’action publique de la prévention de la radicalisation, en particulier au travers d’initiatives locales, participe à l’émergence, l’invention et la mise en commun de savoirs d’un nouveau champ de prévention spécialisé [Guzniczak, 2017, p. 74]. Finalement, l’extrême focalisation du dispositif de prévention français sur le jihadisme et l’islam radical, occultant au passage les autres formes de menaces extrémistes (ultra-droite, nationaliste, etc.), constitue une dernière limite importante du paradigme actuel. À l’instar d’autres expériences internationales, l’action publique de prévention de la radicalisation violente demeure, dans le contexte hexagonal, marqué par une défiance et une série de défis. En premier lieu, c’est bien une opposition de la part d’un certain nombre d’acteurs qui semble questionner la viabilité même d’une politique publique de prévention de la radicalisation. Par méfiance théorique, par incompréhension empirique ou tout simplement refus idéologique, certains chercheurs s’avèrent hautement critiques à l’égard même de la notion de radicalisation et de sa transposition comme problème social nécessitant une action publique [Brie et Rambourg, 2017]. À cela s’ajoute une défiance plus populaire vis-àvis de ce que certains ont pu appeler un « marché de la déradicalisation » structuré autour de figures médiatisées et d’initiatives parfois peu fondées. Les scandales multiples entourant certaines figures du champ de la prévention de la radicalisation, de même que certains échecs fortement médiatisés, à l’instar du Centre de Pontourny fermé en juillet 2017, participent à une dégradation dans l’opinion publique de la légitimité des mesures de prévention de la radicalisation dans leur ensemble. Face à cette défiance demeure l’enjeu de constituer ce domaine en un champ d’action reconnu et légitime. Parallèlement, le déploiement des logiques de prévention dans une tonalité fortement sécuritaire participe à enraciner dans le contexte français la perception d’une « sécuritisation des politiques sociales » [Ragazzi, 2014, 2017a] et l’entérinement d’une logique de suspicion [Ragazzi, 2017b, p. 4] à l’ensemble du corps social. La croissance exponentielle du fichier FSPRT 35, nourri entre autres par les signalements soumis par le biais de la plate-forme CNAPR, soulève ainsi une série d’enjeux en termes de fichage administratif et de dérives sur les droits individuels [Gautron et Monniaux, 2016 ; Leboucq, 2017 ; CNCDH, 2017]. Finalement, c’est bien la « lenteur à produire des effets face à l’urgence de la situation » [Cazeau et Goy-Chavet, 2018, p. 264] qui constitue peut-être le dernier et le plus important des défis pour le dispositif de prévention de la radicalisation en France. Dans un pays encore marqué par la vague d’attentats qui se succèdent depuis 2015, les dividendes de la prévention s’avèrent plus attendus que jamais n (34) Loi n˚2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ; arrêté du 3 avril 2018 fixant le cahier des charges relatif aux actions initiées, définies et mises en œuvre par les structures impliquées dans la prévention et la prise en charge de la radicalisation. (35) En date de mars 2018, ce sont 19 744 individus considérés comme « radicalisés » qui étaient inscrits sur le FSPRT, dont 4 000 relevant du « haut du spectre », autrement dit des profils particulièrement dangereux présentant un risque élevé de dangerosité. Cazeau (B.) et Goy-Chavet (S.), 2018, Rapport n˚ 639 fait au nom de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste après la chute de l’État islamique [Rapport], Paris, Le Sénat, p. 59 et 87. Cahiers de la sécurité et de la justice – n°46 benjamin.ducol@icloud.com - E16-00865838 18 I DOSSIER Bibliographie BARTOLUCCI (V.), 2017, «The Perils and Prospects of the French Approach to Counterterrorism» in ROMANIUK, (S. N.), GRICE, (F.), IRRERA, (D.), WEBB, (S.) (eds.), The Palgrave Handbook of Global Counterterrorism Policy, Londres, Palgrave Macmillan, p. 437-458. 2017, Rapport d’information n˚ 633 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le désendoctrinement, le désembrigadement et la réinsertion des djihadistes en France et en Europe [Rapport], Paris, Sénat. BENBASSA (E.), TROENDLÉ (C.), FOLEY (J.), 2013, Countering Terrorism in Britain and France : Institutions, Norms and the Shadow of the Past, Cambridge, Cambridge University Press. FRAGNON (J.), 2018, « La radicalisation sous emprise ? 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