Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
Maroc espagnol Algérie traites et coLonisations : La rupture Tutelle britannique après 1882 (dépend toujours de l’Empire ottoman), protectorat en 1914 Tunisie Maroc L’EUROPE ACCÉLÈRE LA COURSE AUX COLONIES L’impérialisme politique européen suit et appuie l’expansion commerciale et culturelle de l’Europe. Il est légitimé par un européocentrisme et des nationalismes qui s’affirment au cours du siècle. Jusqu’aux années 1870, l’expansion coloniale reste très limitée, hormis dans les colonies de peuplement d’Afrique du Nord et d’Afrique australe. Pendant cette période d’ouverture libérale, les empires forment des chapelets de points d’appui portuaires qui ceinturent le continent de réseaux maritimes stimulés par les innovations navales (bateau à vapeur) et la réduction des durées de transport (canal de Suez, inauguré en Égypte en 1869). Certains historiens ont parlé Nil 78 / L’ATLAS DeS AfriqueS … À L’ADMINISTRATION COLONIALE Soudan anglo-égyptien Sénégal Saint-Louis Gambie Guinée portugaise Guinée ÉTHIOPIE Cameroun Guinée espagnole Co n Gabon Moyen-Congo Les étapes de la colonisation AfriqueOrientale britannique go Congo AfriqueOrientale allemande Vers l’Eu rope Axe de pénétration Royaume-Uni Allemagne noye le M s r Oléagineux, peaux, Ve gommes, bois précieux, ivoire, métaux précieux Comores Nossi-Bé Rhodésie Mozambique Zambèze Sainte-Marie française 1870 1900 1914 britannique 1870 1900 1914 portugaise 1870 1900 1914 1900 1914 allemande Mozambique Sud-Ouest africain allemand s igne are asc M La Réunion (Bourbon) Transvaal Maurice Swaziland État libre d’Orange espagnole italienne Union d’Afrique du Sud belge État indépendant Le Cap Basutoland Frontières en 1914 Ressources Oléagineux Madagascar Bechuanaland Autres dominations en 1914 Ivoire e ’Ind et l Zanzibar Angola Vers l’Amérique Domination nt Orie Mombasa Luanda Oléagineux, peaux, bois précieux, ivoire, métaux précieux, caoutchouc France Somalie italienne Ouganda Libreville São Tomé-et-Príncipe Sources : F.-X. Fauvelle, Atlas historique de l’Afrique, Autrement, 2019 ; l’Afrique des routes, Musée du quai Branly-Jacques Chirac/Actes Sud, 2017 © LA VIE/LE MONDE AFRIQUE Côte française des Somalis Somalie britannique Togo Freetown Nigeria Gold Côte Sierra Leone d’Ivoire Coast Lagos LIBERIA en blanc Érythrée r ge Les activités des comptoirs européens sont fondées depuis le XVIe siècle sur le commerce d’esclaves africains et de produits manufacturés (textiles asiatiques et européens, armes européennes, etc.). Elles sont mises en tension par les bouleversements de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Ces transformations sont géopolitiques, du fait de l’indépendance d’une partie des colonies d’Amérique et de la montée en puissance du Royaume-Uni. Elles sont aussi économiques et juridiques par l’abolition des traites puis de l’esclavage dans les vieilles colonies d’Amérique et des Mascareignes, même si des traites illégales perdurent tout au long du XIXe siècle. Elles sont enfin macroéconomiques, car le monde atlantique connaît une importante croissance industrielle dès la première moitié du XIXe siècle. Tout cela engendre une modification des termes de l’échange et renforce la dépendance des élites africaines au commerce mondial. L’affaissement progressif de la traite des esclaves et le développement d’une demande nouvelle en produits tropicaux conduit à une lente reconversion des économies africaines. Les élites promeuvent dès le début du XIXe siècle la production de produits bruts ou semi-transformés. Les oléagineux (huile de palme, d’arachide, de coprah), les bois précieux (ébène, palissandre), les gommes (copal, arabique), les végétaux tinctoriaux (orseille, indigo), les cuirs ainsi Soudan central Cap-Vert h i da st Ou a a cr Co Ac pe am Ca ass B dan DES RELATIONS COMMERCIALES… que l’ivoire sont particulièrement recherchés par les industriels européens et américains. Le dernier quart du XIXe siècle connaît enfin l’essor de la traite des latex. Toutes ces productions africaines sont compétitives sur les marchés tropicaux, du fait d’un foncier abondant, d’un riche écosystème forestier et d’une main-d’œuvre très peu chère. Cette reconversion économique vers le « commerce licite » – en opposition aux traites des esclaves, devenues illégales – a une conséquence paradoxale : elle stimule le recours au travail servile dans les sociétés africaines, ce qui permet aux entrepreneurs et aux souverains africains d’abaisser les coûts de production des produits d’exportation destinés aux marchés industriels. À la charnière de cette transformation se trouvent des sociétés d’intermédiaires aux intentions mercantiles. Les traitants européens et américains, issus principalement des grands ports du monde atlantique (Londres, Liverpool, Marseille, Bordeaux, Hambourg, Boston, etc.) et assistés par les pouvoirs politiques (Royaume-Uni, France, A llemag ne), engagent des relations commerciales avec des élites politiques et des réseaux commerciaux africains, tissant des chaînes logistiques jusque dans des régions distantes des littoraux. Aux côtés des commerçants, d’autres agents, comme les explorateurs (voir page 74), diffusent un soft power européen. Les missionnaires chrétiens ont dans ce domaine une large inf luence. Passeurs de techniques et de modes de consommation, ils diffusent par leurs écoles et leurs prédications des modèles qui se parent de l’éclat de la modernité. Entre adaptation, appropriation ou rejet, ces modèles sont appréhendés de manière ambivalente. De manière générale, les représentations du monde et du temps, les croyances religieuses et les arts de faire s’imprègnent des objets et des principes du monde industriel global en formation. Condominium anglo-égyptien en 1899 Gr A u début du X I X siè c le, le s s o c iété s d’Afrique subsaharienne sont intégrées dans les circulations économiques globales par l’Atlantique, le Sahara et l’océan Indien. Portugais, Espagnols, Anglais, Français, Hollandais, Danois, Allemands et Suédois entretiennent des comptoirs, enclaves portuaires militaro-commerciales dédiées aux activités d’import-export dans un contexte mercantiliste propre aux empires d’Ancien Régime. Les principaux points d’ancrage européens en Afrique se situent en Afrique de l’Ouest (SaintLouis, Freetown), dans le golfe de Guinée (Cape Coast, Accra, Ouidah, etc.), en Angola (Luanda) et en Afrique australe (Le Cap). En Afrique de l’Est, la capitainerie portugaise de Mozambique constitue un des seuls lieux de présence européenne. Dans l’océan Indien occidental, les Français disposent de petits comptoirs (Sainte-Marie de Madagascar) dépendant de Bourbon, tandis que Maurice est une escale britannique entre l’Atlantique et l’Extrême-Orient. Ces comptoirs servent de relais maritimes vers l’Asie et de pôles de transit vers les hinterlands africains. e Río de Oro Ni Dépendants du système commercial international, les États africains ne peuvent freiner l’expansion territoriale et politique des Européens, en compétition pour se tailler des marchés protégés sur le continent. Inauguration du canal de Suez en 1869 Égypte Libye Flux commerciaux d’« empires informels » pour qualifier cette situation où, comme d’autres régions du monde, l’Afrique reste souveraine mais entre dans la dépendance d’États européens. La grande dépression de 1873 et la fin du cycle libéral aiguillonnent la pression impérialiste sur le continent africain. Dès les années 1870, les tensions géopolitiques et le rétablissement des protectionnismes en Europe génèrent une « course aux colonies » à l’échelle mondiale. L’Afrique constitue un des théâtres majeurs de cette compétition pour la capture de nouveaux marchés protégés et l’établissement de bases stratégiques. L’expansion territoriale et administrative s’appuie sur la dépendance des monarchies africaines à l’organisation commerciale européenne. C’est par le truchement de l’endettement des États africains et par la signature de traités liant politique Durban Vers l’Europe Vers l’Amérique 500 km Territoires sous domination boer/afrikaner en 1870, passés sous domination britannique en 1902 et commerce que les empires européens absorbent progressivement de nombreux systèmes politiques dans leurs mailles administratives. Les pouvoirs les plus solides sont soumis par des guerres asymétriques dans lesquelles les Européens disposent d’avantages tactiques (armes modernes, supplétifs africains, ingénierie médicale comme la quinine). Certains États africains tentent cependant de tirer leur épingle du jeu géopolitique, avec des résultats inégaux. Ils se dotent de moyens militaires modernes et jouent diplomatiquement des rivalités entre puissances impériales. En 1896, alors que Madagascar n’échappe pas à l’annexion française, l’Éthiopie écarte la menace italienne à Adoua. À la veille de la Première Guerre mondiale, l’Empire éthiopien et le Liberia restent les seuls États souverains d’un continent placé sous administration coloniale. Samuel F. Sanchez Maître de conférences à l’université Paris 1 –Panthéon Sorbonne, Institut des mondes africains. LA Vie - Le MONDe Afrique / 79