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La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Éditeurs sciencfiques Luc Descroix, Juan Estrada, José Luis Gonzalez Banios, David Viramontes !RD Éditio ns INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT Collection t ~ .: ~k\ Paris,200S ~ :.. « Latitudes 23 » est une collection généraliste, pluridisciplinaire. Elle vise à publier des synthèses thématiques ou géographiques privilégiant les systèmes complexes, croisant différents regards, et à faire le po.nt sur une question à une large échelle de temps et d'espace. Les thématiques privilégiées sont relations hommes- milieu, gestion des ressources naturelles, environnement-développement. Toutes les disciplines sont concernées, avec une priorité accordée aux approches associant les sciences de la nature et de la société. Directrice de collection: Marie-Christine Cormier-Salem (cormier@mnhnfr) lTe de couverture: IRDIL. Descroix - Cascade de Basaseachic, dans la barranca de Candameiia (240 m de haut) : la plus connue de la Sierra Madre, car la plus accessible. 4' de couverture: Cenid Raspa (Inifap)IR. jasso - L'arroyo « Cienega de la vaca », dans le massif de La Candela: l'un des très rares ruisseaux pérennes des hauts plateaux de la Sierra Madre occidentale. Frontispice : IRDIL. Descroix - Lac coUinaire, situé dans le secteur le plus haut de la sierra La Candela, à 2 800 m d'altitude. Les photos intérieures sont de Luc Descroix. sauf celle qui introduit la partie trots (p. 187) qui est de J. Poulenard. Coordination Catherine PI asse Préparation éditoriale et correction. Yolande Cavallazzi Mise en page' Bill Production Maquette de couverture' Michelle Saint-Léger Maquette intérieure' Catherine PI asse La loi du t er Juillet 1992 (code de la propriété intellectuelle, première partie) n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article L. 122-5, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans le but d'exemple ou d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1er de l'article L 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon passible des peines prévues au titre III de la loi précitée. © IRD, 2005 ISSN. 1278-348X ISBN 2-7099-1582-0 à Henri Barral Remerciements Nous tenons à remercier très chaleureusement les habitants du village Les mots appar aissant en gras renvoient au glossa ire situé p 30 3. 1 (ejido 1) de Boleras, qui nous ont très bien accueillis et hébergés durant dix années de suite Nous remercions aussi les autres ejidos (La Posta de Jihuites, Escobar, La Ciénega de Escobar) qui nous ont autorisés, à travers leur comité ejidel, à installer cinq bassins versants expérimentaux, des parcelles et micro-bassins de mesures sur quatre sites différents, et un réseau de cinquante-six capteurs pluviométriques. Nous tenons à spécifier qu'absolument aucune dégradation, aucun vol ni vandalisme de tout ce matériel n'a été observé durant toutes ces années Nos remerciements se portent tout particulièrement sur la famille de Anita et Hilario Delgado, dont l'accueil nous a permis de nous sentir chez nous dans le hameau de Pilitas de Abajo (ejido Boleras) ; cette famille a mis une maison à notre disposition durant toutes ces années et a facilité le contact avec les habitants, les autorités et dans la vie de tous les jours, nous ont aidés de mille et une façons, ne serait-ce que pour les nombreux dépannages de véhicules ou le transport des malades à la clinique de La Posta Leurs enfants et petits-enfants nous ont accompagnés, aidés et accueillis les bras ouverts, leur amitié a été un soutien incommensurable pour les vingt-et-un stagiaires et Jeunes étudiants français, mexicains et autres qui se sont succédé à Boleras, de même que pour les chercheurs français et mexicains peu accoutumés à la région au départ. Un grand coup de chapeau aussi à notre cher et regretté copain et collègue Henri Barral qui nous a aidés de sa solide expérience et de ses grandes connaissances du milieu et des gens du Nord-Mexique; son humour et sa gentillesse comme sa disponibilité ont été d'un immense secours tout au long de ces années. Devenu l'ami de beaucoup d'entre nous, nous sentons tous que, comme disait Brassens, « jamais au grand jamais son trou dans l'eau ne se refermera» 1 Les auteurs Eva Anaya , biologiste et pastora liste , spécia liste de s air es pr o t égées, so us-déléguée du mi nistè re me xicain de l' Envir o nn eme nt dans l' État de Dur ang o, en charge de la Lagun a (Gornez Palacio) Jeff rey Bacon , professeur de sciences forestière s à la UJED (universit é de Dura ngo). Henri Barral, géo gr aphe pastora list e, spécialiste de la gest io n des aires prot égées, déc édé en 2001 , ét ait direct eur de recherche à l'IRD. A rnau d Bollery, géographe, chargé des systèm es d'inform ation géo graphiq ue au conse il généra l de l' Isère (Greno ble). Christe lle Boyer, géog rap he, f on cti onnair e t erri t ori ale au dépa rteme nt de la Drô me (Valence) . Luc Descroix, gé ogr aph e et hydrologue, cha rg é de recher che s à l'IRD, actue llem ent en po ste à Niamey (Niger). Célin e Duwig , hy drolo gue, cher che ur à l'IRD, en po ste à Me xico . M ichel Esteves. hydrologu e, ch erche ur à l'IRD. Juan Estrada , hydr ologue, chercheur au Ceni d Raspa. Co ral Garcia , doct or ant e au labor at oire de géog rap hie ph ysiq ue (CNRS, Me udo n) José Luis Gonzalez Barrios , hyd ro -p édo log ue, di recteur de reche rche au Cenid Raspa (Inifa p) de G6m ez Palacio A lfo nso Gutierrez, hydr ologue, chercheur à l'IMTA (Cue rnacava) M arie-Areti Hers , pro fesseu r d ' archéol ogie à l'Un am (Un iversidad Nacio nal Aut6 no ma de Méxi co), Mexico Béatri ce Inard Lombard , géog raphe, age nt de l'aménagement et de l' environnemen t à la mairi e de Seyssins (Isère) Jean- Louis Janeau, pédologue à l'I RD, en poste à Bangkok, a travaillé de 1990 à 1995 dans le dé sert de Chihuahua et a participé au pr ogramme « Sierra Madre » en nou s aidant à caractériser les états de surf ace de la sierra Jean-M arc Lapetite, t echnici en hydro log ue à l'IRD. Lesauteurs 7 8 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Frédéri c Lasserre, prof esseur de géographie à l'université Laval (Québec) Laura Macias, ingénieure inf ormaticienne au Cenid Ra spa (G6mez Palacio) Jean-Françoi s Nouvelot, hydrologue, directeur de recherche retraité de l'IRD, il a dir igé le programme de 1995 à 1997 . Al ain Plenecassagne, ingénieur ch im iste à l'IRD. Oscar Polaco , professeu r d' archéo log ie à l' Unam (Universidad Nacio nal A ut6 noma de Méx ico), M exico . Jérôme Poulenard , pédologue, maître de conférences à " université de Savoie (Chambéry). M aria Guadalupe Rodriguez Camarillo, ing én ieure forest ière, chargée de m ission à l'éc ole fore stière de la UJED (université de Durang o). Raul Solis. enseignant à l'Écol e fore stière de Durango , th ésard de l'U niv ersidad Aut 6noma de Nuevo Leon (Linares, Me xiqu e). Mar c Tardy, prof esseur de géo logie à l'université de Savoie. David V iramontes , éco-p édologue et géographe, chercheur à l'instituto Mex icano de Tecnologia dei Agu a (iMTA, Cuernavaca ) Sommaire 11 Avant- pro pos . . ..... 13 Préambule . Jean-François NOUVELOT 15 Int roduct ion Luc DESCROIX Encadré 1 : Géologie de la Sierra Ma dre occidentale. 33 Co nst it ut io n et ori gi ne . Marc TA RDY MILIEU NATUREL ET DANS PEUPLEMENT LA SIERRA MADR E OCC IDENTALE Les ressources en eau dans le cent re-nord du Me xique . . Perspective historique . 49 David VIRA M ONTES Encadré 2 . Propr iété pr ivée et pub liq ue, gest ion coll ect ive. Quelle po lit iq ue patrimon iale ) Luc DESCROIX 65 Une mon tag ne en voie d 'a bando n? . Béatrice INARD-LOMBARD Encad ré 3 : Un co ntex te démog raphique et économi q ue de transit ion . Démog raphie compa rée de la Sierra Ma dre avec celle de deux autres régio ns agro -pa stor ales . 83 Luc DESCROIX Le projet Hervideros. Un regard sur le passépréhispanique de la Sierra Madre occidentale du Durango , Mexique 93 Marie-Areti HERS et Oscar l . POLACO Encadré 4 : L'indianité et l'indigénisme au Me xiq ue et dans la Sierra Mad re 115 occide nta le . . Luc DESCROIX LES SOLS ET L'EAU PRÉCIPITATIONS ET RUISSELLEMENT DANS LA SIERRA Le climat et l' aléa pluviométrique au Nord -Me xique . . 129 Jean -François NOUVELOT, Luc DESCROIX et Juan ESTRA DA Sommaire 9 10 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé La spatialisat ion des précipitations sur les deu x versants de la Sierra Madre occi dent ale 145 Luc DESCROIX, Jean-François NOUVELOT, Juan ESTRADA et Alfonso GUTIERREZ Un encroû t ement des sols lim itant l' infi ltration . . . 155 Jérôme POULENARD, José Luis GONZALEZ BARRIOS, David VIRAMONTES, Luc DESCROIX et Jean-Lou is JANEAU Des cond itio ns favorisant une érosio n et un ruissellem ent en nappe .. 171 José Luis GONIALEI BARRIOS, Luc DESCROIX, David VIRAM ONTES, Jérôme POULENARD, A lain PLENECASSAGNE, Laura MAClAS, Christelle BOYER et Arnaud BOLLER Y PÂTURAGES ET FOR~TS SOUS PRESSION Trop de bétail et trop de bûcheron s. Une économie minière . . 191 David VIRA M ONTES, Eva ANA YA, Coral GARCIA, Jérôme POULENARD, Henri BARRAL, Laura MAClA S et Maria Guadalupe RODRIGUEl CAMARILLO Encadré 5 : L'app réciat ion du sur pât ura ge ... 201 Eva ANA YA, Luc DESCROIX et Henri BARRAL Une eau menac ée par la dég radat ion de s ressour ces végé tales 20 7 Luc DESCROIX, David VIRAMONTES, Eva ANA YA, Henri BARRAL, Alain PLENECASSAGNE, José Luis GONZALEI BARRIOS, Jeffrey BACON et Laura MA ClAS Influence de la forêt sur la pluviomét rie ... 221 Luc DESCROIX, José Luis GONI ALEZBARRIOSet Raul SOLIS UNE EAU DISPUT ÉE DANS UN ESPACE ENCOR E LIBRE L'e au, agen t écono miq ue et enjeu pol itiqu e .. 249 Luc DESCROIX et Frédéric LASSERRE L'écot ourisme : une alternative à la déprise et à la surexploit at io n? Des at o ut s pour développer une nouvelle acti vité . . 26 5 Luc DESCROIX Eau et espace à Valle de Bravo. La bataille pour l' eau . 283 Luc DESCROIX, M ichel ESTEVES, David VIRA MON TES, Céline DUWIG et Jean-Marc LAPETITE Conc lusion : une région à constr uire, un te rritoire et des ressourc es à prése rver . .. 29 5 Luc DESCROIX, David VIRAM ONTES et José Luis GONZALEZ BARR/OS Glossaire .... 30 3 Résum é ... 311 Sumrnary .. . 317 Resumen . . ... 32 3 Avant-propos Cet ouvrage est le fruit d ' une longu e co llabora t io n entre une équipe de l' IRD (ex-Orstom) et des che rcheurs de plu sieur s labor ato ires mexicain s, en particuli er le Cen id Raspa (Cent re Nacio na l de lnvestiqa cion Discipli naria en la Relac ion Agua Suelo Plant a Atrncsfer a)" de Gornez Palacio (État de Durango), qui a accuei lli le programme « Usage et gestion de l'eau dans un bassin du Nord-Mex iq ue ». Pendant plus de cin q anné es sur pl ace (de 1992 à 1998) puis pour de plus co urt es mi ssions, de 1998 à 2004 , nou s avons pu me ner ensembl e des tra vau x de terrain , de lab or at o ire et de bureau dans des co ndi t io ns excellente s et dan s une t rès bonn e amb ianc e Nou s t enon s à remerci er ici Carlos Hernandez et Ign acio Sanc hez Coh en , les deu x dire cte urs successifs du Cenid Raspa, ainsi que l'ensembl e de l'é qu ipe pré sent e sur pla ce, en particulier Leopoldo M oreno, Raquel A ng uiano et Ernesto Rom ero . Nou s rem ercion s éga leme nt le pr ogramme Ecos-No rd qu i a part icipé au fina ncem ent de ces recherches, et le progr amme Isis du Cnes , grâce auquel nou s avons pu disposer d'imag es sate lli tales Spo t à t arif tr ès préfé rent iel. Par ailleurs, nou s avons pu compter sur l'immen se connai ssance du terrain et des ho m mes, du mi lieu et de son cont exte me xicain , que nous a offe rt Henri Barral , notre collèg ue géo grap he, malheureusem ent décé dé depu is. Henr i a beauco up donné de son temp s pour enca d rer les étu diants de l'équ ipe, p our parfaire les co nnaissances de ses collègues, fr ançais et mexicain s, moins expérimentés qu e lui ; c'est lui qui a impulsé les recherche s sur la qualité des pâturages et sur les mo des de gestion de l'e space, qui nou s ont permis de comprendre co m ment le surpât urage pou vait modifier le co m po rte ment hyd ro -p édol ogiqu e des mili eu x. Sa grande expér ience, et l'amitié et l'affect ion q u 'il a eue s pour ce grand pays, cul turellement si riche et passionnant, ont été un grand apport t ant po ur ce modest e t ravail qu e po ur la co llabo ra tio n scie nti fi q ue fr anc o-mexicaine, en parti culier au no rd de ce gra nd pays. To us ces tra vaux repo sent sur le précieux tr avail de l' équipe du lab orat oi re, qui sous l'œil vigil an t de Al ain Plene cassagn e et José Luis Go nzalez Barrios, a procédé à plus ieurs diz aines de m illiers d 'analyses d 'eau. de sols, de roche s et de pla ntes du rant toutes ces années . L'équipe qu i avait en ch arge le dép ouill ement de s do nn ées, leur saisie et leu r tr ait em ent Avant -propos Il 1 Cen tre de recherche de l'I nifa p (Instituto Nacional de Investigacio nes Forestales y Ag ro -Pecuarias). 12 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé informati qu e ainsi que la saisie des cartes a eff ect ué un travai l de fo ur mi sans lequel tout ceci n'a urait pas vu le jou r : Laur ita M acias a su fé dérer le t ravail de l' éq uipe, avec l'a ide de Irene, Romuald , Stéphane, Salomé, Diana et Cristobal, et con stituer la base de don nées et le systè me d 'informat ion géograph iqu e. Les saisons des plui es, sur le terrain, ont été l' occasion de co llecter de gra ndes qu antités de donn ées, et cela n'a pu se faire qu e grâce à l'in t ervent ion de nombreux stag iaires, vo lont aires du service nati onal et ét udiants, à savoir Eva, David , Jérôme, Frédéric, Nelly, Lupi ta, Pierre-Yves, Olivier, Rap haël, Ala in, Cristobal , Murielle, M arco , A rna ud, Christelle, Victor, Sylvie et Béatri ce Nous t enon s à remercier ici nos coll ègues de Durango , Olivier Grunb erge r et Jean-Lou is Janeau, qui nous ont appuyés matériellement, scienti fiqu ement et mora lement dur ant les premières années du programme . Préambule Un bilan de dix années de recherche hydrologique au Nord-Mexique L'eau et sa gest ion représenten t pour le Me xiq ue une prio rité nati ona le depuis de nombreu ses année s et, en parti culier, depui s que la Réforme agraire de 1936 s'e st appuyée, en plus de l' expr opriat io n d'une part ie de chaq ue grand e hacienda , sur la création de nou veaux périmètres irrigués afi n de po urvo ir en terre s le p lus grand nombre possible de paysans L' accès à l'eau agri cole est particulièrement problématique dans les rég ions septentri onales, arides et semi-arides po ur l' essentiel, où sont localisés 53 % des terrains cultivables mai s où ne tombent que 7 % des précipitation s de l' ensemble du pays, les cum uls pluvi om étriques annu els se situant, en moyenne, entre 300 et 500 mm , certa ines zo nes recevant moin s de 200 m m . Dans ce conte xte, l'accro issement démogr aphiq ue, la mauvaise gestion des disponi bil it és, l' ine ffica cité parfois du systèm e communau t aire ejidal, le manque d'u ne culture « hydrauli qu e » et la mentalité pion nièr e - doubl ée d'un comp ortem ent « mini er » d 'ap prop riat ion et d ' expl oitat ion des ressource s naturelles - d'une grande partie des habitants ont vite co nd uit à une surexplo itat io n des ressource s en eau . C' est particu lièrem ent le cas dan s le bassin endoré ique du NazasAguana val, dont les eaux de surface comme de profondeur sont uti lisées presque exclusivement pour l'irrig ation d'un périmètre de 160000 ha, la Lag una, qui conn aît depui s que lq ues année s une gr ave cri se du fait d' une série d'ann ées défici tai res en précipitation s. Cette régio n représent e l'un des trois grand s pr oblèmes auxqu els est confront é actue llement le M exique dans le domaine des ressources hydr iques , les deux aut res étant la sit uat ion con fl ictuelle, face aux Ëtat s-Un is, pour le par tage des eau x (là au ssi trè s déficitaires) du rio Bravol rio Grande , et la disparition ann onc ée de la lagune de Chapala, sit uée dan s l'Etat de Jalisco, proche de la grande ville de Guadalajara , qu i pourrait s'assécher com plètement au m ilie u de cett e décenni e, du f ait de la surexplo itat io n de la ressource sur son bassin versant . Face à cett e problématiq ue, une approch e scient if iqu e s'i m posait af in de fo urnir des bases solides à de possibles solutions . C' est dans ce but Préambule 13 14 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé qu 'ont été menées de 1992 à 2002 des recherches hydr ol ogiques dans le cadre d' une convention passée entre l'O rstom (ancien nom de l'IRD) et le Cenid Raspa, sit ué à Gorne z Palacio, dans la par t ie du périm èt re de la Laguna appartenant à l'État de Du rango. Ce prog ramme de recherche franco-me xicain était so brement intitulé « Usages et gest ion de l'eau dan s un grand bassin du Nord-Mexique » (il s' ag it de la Région hydr ol ogique n° 36, ou bassin des rios Nazas et Aguanava l). Les recher ches o nt été ent reprises sur deux sites expérimentaux : " un en zone semi-aride, où les précipitation s moyennes annuelles sont compri ses ent re 300 et 500 m m, au ranch Atotoni lco, da ns l'État de Durango; l'au t re, en zone de mon tagne sub -humi de, où les pr écipit atio ns moyennes annu elles se sit uent entr e 500 et 800 mm , dans la Sierra M adre occidentale. Ces travaux portaient sur les mécanismes et la modélisation des processus hyd rologiques à différentes éche lles spat io-t empo relles pour, dans une premi ère phase, acquérir une meilleure connaissance des potential ités hydr ique s de l'en sembl e de la région pu is, dans une deuxième phase, rat io naliser o u au moi ns am élior er leu r exp loitation . Cette ét ude avait été précédée par un autre programme qui s'éta it intéressé spécifiquement à la zo ne aride où les précipitations annuelles sont inférieures à 300 mm (le programm e « Mapim i ») ; c'est la raison pou r laqu elle peu de recherches ont été faites dans le cadre de cett e conventi o n « rég ion hydrol og ique 36 » sur cett e derni ère zone clim at iq ue, en dehors d'un bassin expérimental, situé en bo rdure de la Laguna et suivi de 1993 à 1995 (le bassin de la Ventana, dan s l'État de Coahui la). Cet o uvrage pré sente les résult at s de ces recherch es, qui mon t rent l'im pact de la dégradatio n des milieux sur les ressources en eau et l'u rgence d 'adopter une gestion patrimoniale des eau x et , surto ut, de le fa ire à l'é chelle du bassin versant. On y insiste sur le lien qu 'i l peut y avoir entre l'occupation de l'espace par l'homme et les ressources en eau . Il s'ag it là d ' ét udes plurid iscipl inaires pour lesquelles p lusie urs spéci ali stes et div erses équipes ont appo rt é leu rs co nnaissances et leur expérience. Nous les remerc ion s ici de leur contr ibution . Jean-François NOUVELOT Hydrologue Introduction Les recherches qui ont été menées en partenariat ent re l'Orstorn, puis l'IRD, et le Cenid Raspa, entre 1992 et 2002, dans la Sierra Madre occidentale se poursuivent aujourd 'hui dans le cadre d'un programme EcosNord (p ro gramme an imé par l'université Paris-V encou rageant la coopérat ion entre universités française s et latino-améri caine s), sur les bassins expérim entaux du haut bassin du rio Nazas. Cette longue collabo rat ion scientifiq ue, animée essent iellement par des hydr ol o gues et des pédo lo gues, s'est intéressée tout pa rt iculièrement aux cons é- quences hydrologiques des changements d 'usage des sols dans cette grande chaîne de montagne d 'Amérique du Nord . Six années d'observations intensives, suivies d'autant d'années de suivi sur certains sites ayant démontré un intérêt scient if iq ue particulier, nou s ont permi s d 'améliorer les conna issances sur les processus hydrol ogiques dans cett e zon e de montagn e et de comprendre com ment les mo des d 'e xpl o it ation , et leur évo lut ion, ent raîna ient des changeme nts lo in en aval, et po ur les générations f utur es, au point de justifier de conseiller aux autorit és mexicaines, à tra vers le Cenid Raspa, d' inte rvenir dans la gestion de l'e space d 'une régio n qu i con stitue un véritable château d 'eau pour tout le nord du pays. Par ailleur s, ce tra vail est vraiment le fruit d'une intense co llabo rat io n entre no s deu x o rganismes porteurs, et le seul fait que cette collaboration cont inue montre l' int érêt de la communaut é scientifique Les nouvel les direct ives mexicaines dans la polit ique de gestion de l'eau et de l'espace on t pu être inspirées par ces tr avau x ou pourront l'êtr e dans le f utur; au moins une co llect ion de données et d'o bservat io ns de terrain, de t raitemen ts et de modélisation s, sont à la po rtée des scient if iques et des aménag eurs, des preneurs de décision et des responsables poli tiq ues. La Sierra Madre , aujourd 'hui: une montagne relat ivement privilégiée qui se vide La Sierra Madre occidentale est mal connue en Europe , mai s aussi en Amé riq ue du Nor d; au Me xique , elle reste un e rég io n éloi gnée du « centre », peu tou ristiqu e et donc peu visité e Ëtrangement. elle sort de sa torpeur dep uis un e dizaine d 'ann ées, au moment où sa pop ulation émig re en masse aux Ëtats-Unis L' énor me gradi ent de niv eau de vi e Descroix : « Introduction » 15 . population des villes : frontière plus de 12 000 000 hab . route principale de 1 000 000 à 3 000 000 hab . de 500 000 à 1 000 000 hab. Q de 100 000 à 500 000 hab. " autre ville + aéroport important J.. port importan t Golfe du CapSan Lucas Mexique 20 0 a nes Revillagigcdo Océan Pacifique 110 0 - ~ c ..., o. '"""" ." s:c.gciQ 0 . ("t)~- ~ . tJ r ;;log '" Q ...,,,,g::\ il! -g l'tl ~ ~ È '" 200 km de 100 0 route secondaire ent re les deu x côtés de la frontiè re et la relati ve facilité pour alle r et revenir de pa rt et d'autre fav or isent la migration de tr avail so uvent vécue co mme tempor aire au départ mais le plus fréq uemment définiti ve. Pourtant, cette chaîne de montagne sem ble être assez dynam ique : les ressources natu relles y son t relativement abondantes, à commencer par l'eau, le bo is, les fourrages , les miner ais; le niveau de vie des hab itants est bien plus élevé que dans les autres zo nes rur ales mexicaines, a for- tiori les zones de montagne, du fait de la forte propo rt ion d 'émigrés, q ui se traduit par une richesse répartie sur une po pulat io n amoindri e, et aussi par des rentrées de capit au x ; niveau de vie pr obablem ent aidé au ssi pa r les revenu s des cu lt ures illicites. On y sent une - rela tive aisance, peu comm une dan s les mo nt ag nes lat in o-améri caines, q ui contraste avec la misère des paysans indien s de s montagnes d u Sud . Une grande proportion des famill es po ssède ici un véhicule (même s'i l s' agit so uvent d'un vieux pick-up amé ricain souvent non « légal isé » . on rest e aussi parfois dans des zones de non -dr oit. .. ), une ma ison en dur, un mob ilier comp let ; l'électricit é est arrivée dan s de nombreu x vill ages, l'eau courante commence à fa ire so n apparition , le téléphone atteint grâce au sate llite les communautés les plus recu lées. De nombreu x village s sont inaccessibles par la rou te (les barrancas sont sou vent infranchissables) m ais, dans ce cas, l' inst ituteur par exemple est cond uit en avion au mois de septembre, a d roit à des communic ations par radio hebdomadaires avec les siens, et on repasse le prendre en juin pou r les grandes vacances ; l'avion peut au ssi être utilisé pour évacuer les malade s et les bl essés en cas d'u rgenc e On l'aura com pri s, le M exiq ue, pays ém ergent, est aussi l'hérit ier d'u ne Révolution (celle de 1910 , ma is dont les slogans, sur tout dans le nord qu i a ét é l'un de ses be rceau x, restent inscrits en grandes lettr es à " ent rée des villes) qui a aidé à forger un e nation en réu ssissant à scolariser prè s de 100 % des enfants et à installer un systè me de sant é d'u ne qualité qu'o n ne retr ou ve qu 'à Cuba et au Costa Rica dans l'ensemble latino-améri cain . Mais ce dynamisme et cette aisance apparents ont comme co ro llaire , o n l'a vu, une tr ès forte émigrat ion . Celle-ci est le fa it de tous les jeunes en âge de t ravailler et , de pl us en plus, ap rès avo ir été surt out mascul ine , le fa it des deu x sexes. Alo rs une mo nt agn e relat ivemen t privilé giée qui se vide ? Ce paradoxe, d'ailleurs synonyme de hau sse du niveau de vie des « restants », recou vre une migration multiforme (cf . « Une montag ne en voie d'a bandon 7 », p 65 ), et bien des gen s ont pris l'h abitude de tra - verser régulièr ement la fronti ère (pa rf o is clan desti nement) un e o u plusieurs fois par an. Descroi x : « Introduction » 17 18 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Le surpâturage, principale cause des changements hydrologiques Cette dépopu lat ion n'est pas visible dans le paysage, car elle ne s'accompagne pas d'une déprise rurale. Le Me xique est depuis trois décen nies au moins un formidable bassin de main -d'œuvre pour les Ëtats-Unis mais, ici, on a vu en dix ans des villages perdre 80 % de leur population. Or, les paysages montrent toujou rs presque partout des signes de surexploitation même si, dernièrement, l'engouement pour les clôtures a permis de sauvegarder certa ins pâturages . En effet, le Me xiq ue a au ssi connu une « révolution » durant les années 1990 ; c'e st l'entrée dans , Al éria : Allia nce de libre-éc hange nord -américaine (HC . Tratado de Libre Cornercio , en espagno l) , simu lta nément le Me xique a aussi intégr é l'OCDE (Organisat ion de coopé rati on et de dévelop pemen t écon omi ques). l'Aléna' en 1994, qui a conduit à fa ire appliquer « l'abrogation de l'article 27 » de la Const it ut ion, abro gatio n voté e en 1992 d' une loi dat ant de 1936 et instaurant la Réforme agraire Le système des communautés rurales nouvelles (ejidos), issu de l'esprit de la Révolution de 1910 , a volé en éclat et la propriété privée est devenue la no rm e dans presque tout le Me xique (le système communautaire peut persister là où les gens le souhaitent, mais c'est très rare dans le Nord) . Ces f ait s, marq uant s et capi ta ux dans l'histoire du pays, se sont tr aduits par un vaste phénomène d' « enclosu re », les nouveaux propriétaires s'empressant de marquer physiquement les limites de leur nou velle tenure . Ce mouvement d 'e nclosure et cette forte émig ration n'ont que locale ment fr einé ou invers é la tend ance à une t rès forte surexploita t ion de l'es pace, liée princ ipalement au surpâ t urage et secondaireme nt au déboisement. En effet, ni les clôtures de barbe lé, ni l' émigrat ion n'ont provoqué une ba isse du cheptel; au contraire, on profite souvent de l'argent des émigrés po ur acheter une nouv elle vache; certa ins paysans partent même au x États-Unis quelques mois par an uniquement pour acheter une nouv elle vache, sélectionnée, à leur retour. Or, ces vaches sélecti onnées sont certe s plu s produ ctives (il s'ag it ici de race d 'embouche) que les races bovin es utilisées traditionnellement dans la Sierra Madre, mais elles sont peu enclines à la marche en montagne et ont tendance à rester près des points d'ea u ; par ailleurs , les hab itants ont de moins en moins de jeunes bergers pour mener les troupeau x là où les pâturages sont de meil leure qua lité et assurer ainsi une meilleure gestion des parcs. Cette surexploitation de j'espace a condui t à une forte dégradat ion des pâturages et des sols, ce qui a modifié leurs conditions hydro-dynamiques et, pa r conséquent, le ruissellemen t et l'i nfil t rat ion, donc la capacité du 501 à retenir l'eau . Le régime des cours d'eau n'a pas man - qué d 'en être affecté, les crues devenant plus sou daines et courtes, les ét iage s plus marqu és. Les resso urces en eau sont don c menacées à term e si la gest ion de l' espace n' est pas amé lio rée rapidement, dans un e opti que plus pat rimo niale . On l'aura compris, le surpâturage a été cerné co m me la pr incipale cause de dégradation de l'espace et, partant, principale cause des changements hyd ro logiques enr egistrés . On est bien, ici dans une économie agro-pasto rale , et les pag es qui suivent déve lopperont parfo is des éléments de comparaison avec d'autres régions d'économ ie de même type, y com p ris sur d'autres continents (avec le Sahel par exemple où les step pes et les savanes sont aussi des parcours menacés par la surcharge en bétail) Seront aussi évoq uées des comparai son s avec le principal massif montagneu x d' Europe, ces A lpes qui souffrent aujo urd' hui de la déprise rura le mais qui ont connu par le passé des phases de surexplo itation des versants ayant provoqué une t rès sensible déstabilisat io n du rég ime hydro logique (crues et ét iages exacerbé s, inondations des zone s plane s en aval). La dy namique de ces milieux agro-pastorau x est so uvent trè s dépendante du climat, ma is aussi des migration s et des condition s d' accès aux ressources, eau, sol et pâturages . La pr ob lémat iq ue expo sée ici est do nc l' étude des cons éq uen ces des changem ent s d 'usages des sols sur l'évo lution des ressou rces en eau. Les changements d' échelles spati ale et t emporelle nous feront passer de l'un it é élémentaire de sol au bassin versant, et du bassin versan t élémentaire à celui des grands cours d' eau que so nt le rio Nazas, le rio Con chos ou encore le rio So no ra. Les rappels histor iques ou les emprunts aux sciences humaines seron t parfoi s indispensables pour comp rendre l'enchaîneme nt de fa its qui o nt pu mener aux cond ition s actuelles, elles mêmes f ragil es et sans doute prochainem ent caduques La Sierra Madre occidentale et son intérêt pour le Mexique On dit so uvent du Me xique , ma is aussi de toute l'Amérique latine « Pobre México, tan lejos de Dios y tan cerca de Estados Un/dos » (« Pauvre pays, si loin de Dieu et si près des Ëtats-Uni s »). Que dir e de la Sierra Mad re occidentale qui est même en co ntinuité géologique avec la partie occidentale des montagnes Rocheu ses le nord des Ëtat s de Ch ihu ahua et de Sono ra est à la fr ontière de l'A rizo na et d u Nou veauMe xiq ue. La f ron tiè re M exiqu e/ Ëta ts-Unis est la seule f ron ti ère terrestre entre les pays di ts « du No rd » et ceux « du Sud ». Elle vit de ce gr adient fo rmid able et des flux d'hom mes, de ma rchandises, d' argent et de com m unicati o ns de tout genr e qui y son t chaque jo ur plus dév eloppés La Descroix : « Introduction » 19 20 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Sierra M ad re est en marge de cette f ro nt ière même si géo log ique ment elle la t raverse, mais elle est forcé ment très influencée par cette proximité géographiqu e. Cett e frontière est une fronti ère ent re Nord et Sud, certes, mai s peut-êt re pl us encore une frontière ent re culture anglosaxonne et cult ure lat ina-américaine. Bien que les modes de vie nor daméricains soien t très répandus au Mexiq ue, surtou t au nord du pays, et que 35 millions d'habitants des États-Unis soient mexicains ou d'origine mexicaine, bien que le Far West soit en continuité parfaite de paysages et de modes d 'exp loitation avec les grands espaces du No rd-Mexique, bie n que le plus gra nd désert d'Amé rique, celui de Chihuahua, soit à cheval sur la fron tièr e, les t raits des société s sont têtus et la frontière eul- turetle, artistique, socio -économique, religieuse, etc. demeure bi en sur le rio Grande. La Sierra Madre est géologiqu ement en Amérique du Nord et culturellement en Amérique latine, malgré l'in tensité croissante des échanges huma ins et économ iques, et malgré les forts emprunts culturels, dans les deux sens. Nous sommes ici dans une région transfrontalière, et cela nous a amenés parfois à nous intéresse r à ce qui se passe de l'aut re côté de la fr ontière. Mais la Sierra M ad re, c' est avan t tout une région de mont agne, assez élevée (3 300 m au maximum) mais surt o ut tr ès escarpée , elle a do nc des traits et des problématiques propres aux milieux de montagne : difficultés de circulation, di ffic ultés inhérentes à l'agriculture de montagne, clim at rude et sec, pluviométrie excessive en saison des pluies, etc. D'autres zones de montagne seront donc comparées, qu ' elles se situent ou pas en zone tropicale; car, même si nous sommes essentiellement au nord du Tropique, il s'agit bien ici d'une zo ne tropicale : le régime des pluies est trop ical (pluies de saison chaude), les températures sont élevées en plaine; en revanche, l'al ti tude im pose des rigueurs hivernales et, com me dans d'autres massifs monta gneux d'Am ériq ue latine et d'autres régions tro picales, les zo nes les plus hau t es co nnaissen t un climat de type te mpéré, avec des tem pérat ures élevées l'été et basses l' hiver. Cette région de montagne a comporté des intérêts divers et changeants pour le Mexique. Longtemps, les foyers d 'act ivité se sont cantonnés aux mines de métaux rares et aux implantations des jésuites . Les Tarahuma ras, les Tepehuanos, les Yaquis et les Huichol es n 'ont jamais constitué de populations importantes, et leur économie de semi-nomadisme avait peu d'impact sur le milieu. La variété et l'abond an ce des minerais ont don c longtemps Justifi é la coloni sat ion espagn ol e, ma is l'activité n' a pas rayonné ; elle s'est limitée à l'extraction des minerais, leur tra iteme nt se réalisant dans d'au t res rég ion s (Torre6n dans l'État de Coahuila, pou r les métaux rares, Mont errey po ur le fer de Durango, par exemple) La Sierra Mad re est ainsi devenu e au cours de la prem ière moi ti é du xxe siècle une zon e d'élevage extensif , activit é qui est encore de nos jou rs la pr incipale ressou rce des populations locales. Cependant, ce n'est pas la produ ction agricole ni l'a ctivité min ière qui , aujourd 'hui, repré sente le plus grand intérêt de cette sierra. Ce sont ses ressources en eau qui fondent son principal ato ut. Elle app rov isionne ainsi d'autres régions , plus peuplées mais manquant sévèrement d'eau , en particuli er les zones arides ou semi -arid es qui l'ento urent à l'ouest (désert côt ier du Sonora et de Basse-Ca lif orn ie) comme à l'est (désert de Chihuahua) Depuis la période colonia le, les villes se sont installées à pr oximité des cours d 'eau débouc hant de la sier ra Cu liacan sur le rio Huma ya, El Fuerte sur le rio du m ême nom, Ciudad Obreg6n sur le rio Yaq ui ; cette logique de localisation prévaut bien sûr pour la période postérieure, avec Hermo sillo installée sur le rio Sonor a, Torre 6n sur le Nazas, Jim enez sur le Conches. etc. A u cou rs du xx e siècle, de vast es périm ètr es ir rigués, alim entés par de gra nds barrages, on t vu le jou r et se sont développ és. M ais ces aména gements ont prof it é à la pér iphérie sans bénéf icier aux pop ulations installées dans les montag nes. La question qui ne manque pas de se poser de no s jours, où la concurrence pou r l'e space et pour l'eau devient vive, surto ut en zon e semiaride , c'est de savoir si cette eau ne pourrait pas produire autant ou plu s de valeur ajoutée et créer autant ou plus d'emplo i, dans la sierra o ù elle est moins soumise à l'évaporat ion et les so ls à la salini sation . Et par ailleurs, cela rejoint le but scienti fiq ue de nos recherches, cette réserve d'ea u, qui pourrait êt re à terme menacée par la dégradat ion des milieux (so l et végét at ion) dans la zone de monta gne, est presque intégralemen t util isée aujourd'hui . La demande étant croissante, les ut il isateurs de plaine ne vont-ils pas exige r une « sanctuarisation » de la Sierra Madre pour en pérenniser le « rendement hydrologique » ? Si cet ouvrage peut cont ribuer à conseiller les gestionna ires de l'eau en leur démontrant que celle-ci doit êt re une gestion de l'espace, s' il arrive à conv aincre qu 'u n bûcheron, un éleveur ou un exploitant de mines sont aussi des acte urs dans la gest io n de l' eau parce qu 'i ls in tervienn ent sur l'espace du bassin versant et sa cons ervati on , les rech erch es m enées duran t douze années au Nord-Mexi que n'auront pas été vain es. Descroix .« Introduction » 21 22 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Construction de l'ouvrage Après une int roducti on au cours de laquelle seront exposés les principau x t raits physiques de la Sierra Madre occidentale, ce travail se découpe en quatre grand es part ies : - dans la première, on aborde le conte xte histor ique et les circonsta nces hu mai nes, pol itiques et dé mograph iques qui expliquent le dével opp ement du systè me d' exploi tat ion socio-économique act uel et son évo lution récente ; on mettra en opposition la dépopulation rapide des zones rural es avec les début s de l'occupation des monta gnes par l'homme, il y a des mill iers d' ann ées ; - la deuxième partie s'intéresse aux phénom ènes hyd rol ogique s t els qu' ils ont été étud iés pendant plu s de dix ans, et l'on s'app liq uera à en décortiquer les pro cessus de la grande échelle (l' unit é de sol élément aire) à la plus petite (celle des gran ds bassins fluv iaux débouchant hors du massif) ; le climat, et en part iculier la pluie, les sols et leurs états de surface, condit ion première du ru issellement, et les donn ées hydrol o gique s sont analysés afin d'en comprendre leur évolution récente; - la tr oi sième par tie interprète ces évolut ions, à travers ce qui semble êtr e la problémati que prin cipale des mili eux de monta gn e tro picale des pays du Sud : la dégradat io n de leurs ressources (la végét at ion, les sols et donc l' eau), ses causes et ses conséquences ; on s'arrêtera sur les recherches, encor e en cours , d'un e évent uelle rétroacti on des for êts sur la distribution spati ale des précipitation s; - la dernière partie aborde les probl èmes géopolitiques que pose cette question d'un développ ement durable. Si la volonté est unanime d'un e meilleure gestion de l'eau, les intérêts diff èrent Préserver l'espace dans une opt ique pat rimoniale permettr ait à n'en pas doute r de dévelop per une forme d'écot our isme qu i peut être une alternative à la fois à la déprise rurale et à la surexploitation ; cette nécessité de développem ent durable se pose dans les mêmes termes dans le bassin de Valle de Bravo, dont on étudiera la prob lémat ique en fin d'ouvrage, montrant ainsi que les problèmes rencontrés dans la Sierra Mad re occidentale se retrouvent hélas avec encore plus d'acuité là où la pression démog raphique est bien plus réelle, ce qu i est le cas dans toutes les montagnes du sud du pays, mais aussi du reste de l'Am érique centrale et du Sud, et dans la plupart des montagnes trop icales. LaSierra Madre occidentale, « château d'eau» du Nord-Mexique La Sierra Madre occident ale constitue le plus grand massif rhyo lit ique du mond e. Elle s'ét end sur plus de 1 500 km du nord au sud et sur 200 à 400 km de large suivant les endro its . Cette chaîne est co mposée d'u n empi lem en t t rès épais (p lusieu rs milli ers de m ètr es) d 'épanchements d'ignimbrites rhyolit ique s (cf. encadré 1 « Géolog ie de la Sierra Madre occ identale. Constitution et or ig ine », p 33 ) qui ont f aço nné un ensem ble plutô t t abulaire avec un versant oriental, plus sec, descendant régulièrem ent vers l'Alti plano nord-centra l me xicai n et un versant occid en tal , au co nt rai re b ien plu s h um ide et tr ès escarp é, di sséqu é par les nombr euses vallée s dévalant ver s le Pacifiqu e. Les Barran cas dei Co b re (le rio Fuerte et ses affl uent s) et leur s 1 8 50 m de pr of ondeur ne son t que les plus con nu es de ces pro f ondes incis io ns qui re nd en t le fr anchissement de la chaîne d 'est en ou est trè s di ff icile (il n 'y a qu 'un e ro ute act uellement, ent re Du rango et Ma zatlan. et un chem in de f er, de Chihuah ua à Los Mochis, pour franchir l' obst acle au plus court), alors que la circulation sur la lign e des hauts plateau x est relativem ent aisée. Il faut dire qu e ces zo nes sommitales sont d 'altitude subé gale; le po int culmina nt de la sierra est à 3 310 rn, m ais aucun col ne la fr anch it à moins de 2 4 00 m ; c'es t dir e que l' ensembl e est massif mai s peu accid enté pour les sect eurs les plu s hauts (f ig 1) Cett e chaîne co nsti t ue indéni ab lement un « châtea u d 'eau » pou r tout le nord du pays , et tous les cours d'ea u importa nts y pr ennent leur source, qu ' ils s'écoule nt vers l'Atlantique (le rio Conches . affl uent du rio Bravo/Grand e), vers une des dép ressions end or éiques (le rio Nazas) nom b reuses dans cette régio n arid e et semi-aride, ou vers le Pacifiqu e comm e le rio Fuert e, le rio Sonore. le rio Yaqui ou encore le rio Hu maya. La Sierra Ma dre est en cadrée, à l'e st , par le pl us g rand d ésert d 'Amérique du Nord, celui de Ch ihuahua et. à l' ou est. par un e plaine littorale qui bénéficie au sud d 'un clim at tr opical humide, ju squ ' à la lat itud e de Mazat lân, et devient de p lu s en p lus aride vers le nord (300 mm de précipitations ann uelles environ vers Los M o chi s), ju squ 'à laisser la place au x dé sert s côt iers d u Sono ra et de Basse- Calif o rn ie. Le point le p lus sec du Mexi q ue se tr o uve dans la ba sse vallée du Co lo rad o (50 rnm. arr' ) La Sierra Madre OCC ide nt ale co nsti tu e une bar rière au f ra nc hi ssem ent. su rt o ut sur son versant occ ide nta l, t rès escar pé (f ig 2) ; elle est aussi un obstacle pour les ma sses d 'a ir hu mid es ven ues du sud-o uest. qui appor tent l' essent iel des pr écip it at ions en saison des pluies. Il existe aussi une pet it e saiso n des pl uies en h iver (décem br e-janvier) mai s celle-ci , ou tr e qu'elle n ' ap po rt e en moyenne que 10 % des précip it ations an nuelles, est t rès dépendante de l' Enso (El Nino Southern Oscill at ion ) ; en effet. elle est im portante surtou t les années « chaudes », et p lus sur le versant occidental que sur le versant interne de la sierra . Des co ndi t io ns clima - Descroix: « Introduction » 23 24 La Sierra Madreoccidentale, un château d'eau menacé ...... •#... sr=v# / . El Pa ta ~ ·, .•. 1 . . . ... -. • _ +de3 000m _ 2 000 -3 000 rn 1 000- 2 000 m -.~ •• 0-1000 en o Fig. 2 - Relief de la Région hydrologique n' 36 et de la partie centrale de la Sierra Madre occiden tal e. Le recta ngle signa le l'a ire d'étude du haut bas sin du rio Nazas . tiques relativement favorables aux confins de ces lat itudes subtropicales, généralement caractéri sées par l'aridité en façade oue st des continents, fo nt de la Sierra M adr e une régio n a pr ior i attract ive, mais aussi un enjeu du fa it de ses ressources. A l'époque de la colonisation espagnole, ce sont ses ressources miné- rales qui en avaien t fait une aire de spécu lation . Les affleurements de roches plu t oniques et cristallines (f ig . Il dans l'encadré 1 « Géo lo gie de la Sierra Madre occide ntale. Con st it ution et o rigine» p. 33 ) laissent apparaître de nomb reux filons de métaux rares (o r, argent) ou moins rares (cuivre, plomb, etc .), mai s aussi de nombreux gisements de manganè se. L'exploitat ion de ce dern ier minerai , trè s abondant dan s la zon e d'étude du haut Nazas, a bruta lement cessé en 19 74, son prix s'ét ant ef fondré à la fi n de la guerre du Viêt -nam . En revanc he, de tr ès grandes exploitations minières sont encore en act ivité : à Cananea (ext rême-nor d de l'Ëtat du Sonora ), d'où l' on extrait essentie llem ent du cuivre, du plo mb et du zin c ; La Ciénega de Nuest ra Senor a (ouest de l' État de Duran go) et El Colorad o (nord de l'Ëtat de Durango), d 'où l' on extra it surtout de l'or et de l'argent. Depu is la fin du XIXe siècle, l' élevage bov in ext ensif a pris possessio n de ces te rres boisées mais au po t ent iel me ille ur q ue les plaines du cen t reLes acacias sont remplacés par les chênes vers 2 000 rn, puis par les pins vers 2 500 m. 2 no rd bien plu s aride s. La vég ét at io n naturelle de f or êts étag ées suivant l' altitude ? (f ig . 3) de s hau ts versant s et des plateau x de la sierra t end à Mine de cuivre à ciel ouvert de ca nanea, au nord de l'État de Sonora ; au premier plan , le bassin de décan tation des déchets. s.o. N.E. Altitu de en mètres La Candela 3 150 3 20 0 m 3 000 2800 2 600 Tepehuanes a ltitu de 1 800 m Santa Maria dei Oro altitude 1 700 ID 2 400 2200 2 000 1800 Fig. 3 - Étagement altitudinal de la végéta tio n (VlRAMONTES, 1 600 2000) . Descroix : « Introduction » a - = 10 km • Pinus • Quercus ..,... Savane à acacias 25 lijua T s- Précipitations ann uelles moyennes en mm 15 6 400 mm 3 200 mm 1 600 mm ~ 800 mm 400 mm 200 mm 100 mm 50 mm Cap San Lâsaro tropique du C Omm 6ncer Golfe du Mexiqu e '. 20· /les Rcvillagigedo• Océan Pacifique :110· ~g :::«0 ..., ~ -l"' 5'" ... ~ 1 s:: _0 " 3: 0 '" Cl ~ Cl Cl '" a~. ::: or=:: 8 :p'o -:- -g ;' '" 200 km 100· êt re remp lacée par les pât urages, sauf dan s les secteurs de sylvicul ture, où cette activi té occupe tout l'e space. Si l'éle vage reste l'activité pr incipale des paysans et des comm unau tés rurales, la sylvicul tu re est deven ue depuis t rente ans l' act ivité motrice de la sierra, ce qui ne va pas sans poser des prob lèmes de gestion des ressour ces. Un château d'eau naturel et. .. artificiel Les conditions naturelles préalablement décrites, en particulier la topograph ie, la géolog ie et la végé tation , font de la Sierr a M adr e un chât eau d'eau natu rel. M ais c' est bi en sûr la pl uviométri e et le clim at en gén éral qui so nt les pri ncipa ux éléme nt s con duis ant à cet te relat ive richesse en eau De fai t, 54 % des terres arables du Me xiq ue se tr o uvent dans sa mo it ié no rd, laquelle ne reço it que 7 % des précip itations tombées sur l' ensemble du pays. Toutefois, la figure 4 montre bien qu e les haute urs pr écipitées sont pl us impo rta n tes dans la Sierra Madre que sur la plaine cô tière du Pacif iq ue, d ' une part, et que sur l'a lt iplano no rd-central mexicain, de J' autre Il y pleut bien plus que dans les zon es avo isinant es, et l' évaporat ion po tent ielle y est sensib leme nt plu s fai ble du fa it de l' alt itude. Certa ines stat ions, sur le versant Pacif ique de la sierra, dans les États de Durango et Sinaloa , reço ivent aux alentou rs de 1 500 mm par an . Ces condit ions font des cours d'eau issus de la sierra des émissaires relat ivement abondants pour la région, les seuls apportant des ressources représentati ves, malgré des débits spécifiques très faibles pour des zon es de mon tagne : inférieu rs à 2 I.s-l .km-2 sur le versant intérieu r de la Sierra Madre, ent re 5 et 10 I.s-1. km·2 sur le versant Pa cifique . C'est pourta nt sur le versant donnant sur l'alti piano que l'explo itat ion des cours d'eau sortant de la Sierra Madre a com mencé, avec le barrage de La Boqu illa sur le Conchos, construi t en 1916, et le barrage t.azaro Cardenas sur le Nazas (tabl 1 et fig 5) Nom du barrage Cours d'eau État La Boqui lla A. Lapez Mateos Conchos Hurnaya J. Lapez Portillo Migu el Hidal go Sanalona A. L. Rodrigue z Tabt. 1- Les principaux barrages et périmètres irrigu és alimentés par des eaux provenant de la Sierra Madre occidentale. Ann ée Superficie bassin (km 2 ) Capacité totale (10 6 m 3 ) Chihua hua 19 16 28 000 3990 39 700 Sinaloa 1964 11000 3 160 1261 00 San Lorenzo Sinaloa 3 400 26 0 000 Sinaloa Sinaloa 198 1 195 6 8 200 Fuerte 29 600 3290 230 000 1949 3 250 1 095 194 8 253 3 000 95 00 0 10 000 1953 2 1900 73500 220 000 1946 19 00 0 4400 160 00 0 Tamazula Sonora Al varo ob regon Yaqui Sonora Sonora Lazare Càrdenas Nazas Durango Descroix . « Introduction » 27 Superfic ie irriguée (km 2 ) 28 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé NEV\\.ME. 'Ica .- AHIZONA \ Cd juarez • • • • • • • • ••••• • :' .p •••. 1 .J \ ) 1 1 \ Hermosillo • . / .?I \ . ..... A.L Rodri lez P. \ : : , l i: -: : enas C<t1lc. \ C';.. ~ '2: ('>'6..... ~ k d • • 1 \ U Boqnilh ..53::17ch Q< • 2J00 "1 A. Ruiz Curtin ••• --' ••••,.-J 0". Parral • • • • • •• __.._' _ Limite d'État Barrage et réservoir A. Lop'cz Mateos Nom du barrage ~I\ Mazatlan '?? ~ ~= • '-.& / ': " ~O 3080 ( f (i~ : :. ,- ~ 3~) C _ Lo ·... . Ii • .~ I~ )' ~ ./ ., Z CATECAS 1 :" \ ~ :' ..:': : /. ' ~ " " j ~ ) ' .? ..: .~ ". .\ ~ ~ l' :: : . ~ \' NAYAR11': .. \ .. \ ........ .. : JALISCO • zacatccas .. ---... :.' , :. ..:.... ..: .... : .: ~ "' , •••••• • • •: :- :' ••• • . '('i (/ : • .. .. ... •• ..... 1.. . • :' / / :l.. ..•.. ~ r"> . : G~ " '\ Saltillo ~ : . Torre6n .r- ". - r< «: Tepic Fig. 5 - Localisation des principaux barrages-réservoirs sur les cours d'eau issus de la Sierra Madre occidentale. ( ' ••• • ~." -z- ' { ,~ 3 Il"" .••••• Gomez : Palacio : ~ i / · ~ . 2 3 'Q U , RAN '. \p( C; .... .... . ). to pez Porullc %. •••••• ••• . :•. 33·10···........ .. . . . ..:. . 100 km COAHUILt\ --' ._ F r ,' ,:c État : '''' - \ IH'K. .'. , -. ••• Chihuahua \ M1g\l cl Hldalz .::'6.0 .1 a --- ~ •• ( ): f.! TE.' AS •• 1·--' \ F\ obregj h /<v C/'"Q. . ' '. / _ / ~ \ i> ~ • °",•• -,:'("'e (. co / -1;, • . -.' ,;-- ' •••• .... . -»\ , ~~ ) CHIHlIAHU : •• •• • ' \j.' AlvaroObregéln ~ -....J ~ '?"t."" J'ol' .~ . 1'" (;,'1' <.? · ._-1'/0 ~ \ \ ' ORA ! sa ~v ..... \ 4o 1: ~ '. ~ '-\ •••• . 0 ";).I\\ \(t&, ·' G ~ a d a l a j a r a Ensuite, c'est sur le versant Pacif ique de la sierra qu e se sont concent rés les effo rt s d'a ménagement . Il est à not er que la période la plus int ense de constru cti on correspo nd aux ann ées 194 0, q ui sont les anné es où l'Am érique lat in e a vécu un peu isolée du mon de en gu erre et, aussi, l' époque des régimes « populistes » qui ont men é de so lides et vo lo ntaires politiques d'indu striali sation par « substitution aux impo rt at ions » ; c'est surto ut, au Me xique, la présidence de l.azaro Cârden as, qui a fa it appliquer la Réforme agraire et a donc cherché à pourvoir les petits paysans en terres arab les par la créat ion de pér imètres irrigués. La construc tion de nombreux gros barrages a été comme ncée sous cett e présidence. On peut remarqu er les éléments suivants : - les barrages ont de grande s capacités (tabl 1) ; ils on t avant tout une vocat ion de stockage à bu t agr ico le (irrigati on ) et ne produise nt en général pas d'hydro-élect ricité . Six d' ent re eux ont une capacité de sto ckage supérieure à 3 km 3 ; à titre de comparaison, les deu x plus grands réservoirs françai s, ceu x de Serre-Ponçon sur la Dura nce et de Sainte Cro ix sur le Verdon, ne dépa ssent pas 1 km ' de réserve uti le ; mai s de nombreux ouvrages plu s modestes ont aussi été const ruits ; Barr age La Haciend ita sur le rio Matapé (Éta t de Sonora). Descroix : « Introduction » 29 30 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé - tou s les cou rs d 'eau importants de la Sierra M ad re ont été mi s à cont ribution, sauf à l'e xtrém ité sud de la sierra où , la pluviomé tri e étant bien plus importante, l'irrigati on est rarement nécessaire (f ig . 5); - les périmèt res irrigué s ainsi créés sont également de t rès grande exten sion, dépa ssant po ur cinq d'en t re eux les 100000 ha irrigab les ; c'est le f ruit d' une politique vo lon tariste et de co nq uête d 'une nouv elle fro ntière, celle de la ressource en eau; il est à rem arquer que cette poussée vers le nord intervient après les année s du New Deal américain qu i ont vu les ch antiers f leu rir sur les cou rs d 'eau am éricains, en réponse à la grande crise (le barrage Hoover sur le Co lorado, qu i pr ivera le Me xique de 9 5 % des eaux de ce fleu ve qui se jette au f ond du go lfe de Calif orn ie, a été mis en eau en 1932) ; - ces périm èt res se dédien t surt o ut aux cult ures indust rielles: canne à sucre, cot on , localement maïs ; po ur la Lagun a - oasis naturel le de piedmont du rio Nazas, dont l'a lim entation a été régul ée par le ba rrage Làzaro Càrden as -, l'activité, auparavant cotonnière et mèr e d'un puissant compl exe agro -industriel, a été remplac ée dans les ann ées 1980 par la prod uct ion de fou rrag es (essenti elleme nt la luze rne à hauts rende - Barrage A. L. Rodriguez, en amont de la ville d'Hermosillo (État de Sonora) ; le réservoir est en 2004 complètement vide depuis plus de deu x an s . ments) destinés à nourrir les vaches qui font de la Laguna le premier bassin laitier du Mexique, avec 28 % de la production nationale de produits laitiers, en plein désert; - le remplissage des barrages a été très affecté par la succession d'années de sécheresse (qui s'est achevée avec une année 2004 très pluvieuse; la saison des pluies 2005 est abondante à fin août) qui a touché le Nord-Mexique depuis le début des années 1990 , le barrage Lazaro Cardenas a été à plusieurs reprises pratiquement à sec; et le barrage A L. Rodriguez d'Hermosillo était vide depuis deux ans au printemps 2004 Luc DESCROIX Géog raphe-Hydrologue Références DESCROIX L., 2002 - Le rôle de l'homme dans l'entretien et la dégradation des sols des régions à faible densité de population ; analyse à travers trois cas de figures. Revue de Géographie de Québec, 46 (128) : 215-235. Descroix : « Introduction» GONZALEZ B., DESCROIX L., 2000 Bilan et perspectives de la ressource en eau dans la Région hydrologique na 36 (Nord-Mexique). Revue de Géographie alpine, 2-2000, t. 88 : 115-128. P. D., 2000 - Comportement hydrodynamique du milieu dans lehaut bassin duNazas (Sierra Madre occidentale, Mexique) ? Causes et VlRAMOr;TES 31 conséquences de son évolution. Thése de doctorat de géographie de l'universitéJoseph fourier-Grenoble 1, 450 p. VrRAMONTES P. D., DESCROIX L., 2000Dégradation progressive du milieu et conséquences hydrologiques: étude de cas dans la Sierra Madre occidentale (Nord-Mexique). Revue de Géographie alpine, 2-2000, t. 88 : 27-42. Marc Tardy géologue ncadré 1 Géologie de la Sierra Madre occidentale Constitution et origine La Sierra Madre occidentale est un plastron volcanique tertiaire qui couvre un sixième de la superficie du Mexique (fig. 1). Dans la partie ouest du pays, l'empilement volcanique constitue un plateau élevé (2 500 m d'altitude moyenne, point culminant à 3 350 m) allongé nord-nord-ouest/sud-sud-est, long de 1 200 km et large de 200 à 300 km. Il s'étend, d'un seul tenant, de la frontière des États-Unis aux environs de la ville de Guadalajara où il est interrompu par l'axe volcanique transmexicain plia-quaternaire (moins de 5 Ma). À l'ouest, sa limite avec la plaine côtière du Sinaloa est marquée par un fort abrupt topographique entaillé par les canyons (Barranca dei Cabre) des cours d'eau tributaires du Pacifique. Sur ses bordures nord et est, le plateau est affecté par la distension dite du « Basin and Range» à l'origine de blocs basculés en sierras et de vallées parallèles remplies d'alluvions récentes; son passage au désert du Sonora ou aux dépressions endoréiques du plateau central mexicain (7 500 à 2 000 m d'altitude moyenne) y est progressif. L'existence du plus vaste entablement de roches volcaniques acides connu au monde qu'est la Sierra Madre occidentale a été signalée dès le début du xX" siècle par les travaux des pionniers de la géologie mexicaine. GROONEZ (7900), HOVEY (7907), KING (7939), BURROWS (7949). Ce n'est, cependant, qu'à partir des années 1970 que sont menées, notamment le long de la route Dursriqo-Mezetlén (McDoWEL et KEISER, 1977; SWANSON et al.. 1978) et aux environs de Chihuahua (SWANSON et McDoWEL, 1985), les premières études pétrologiques, géochimiques et radiochronologiques de l'ensemble de l'empilement volcanique qui constitue cette montagne 34 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menace Mogollon Plateau ............... -, -, '. '. '. '. USA •••••• ...... . MEXIQUE •••••••• • () El Paso . . .. Trans Pecos ..........:.e • Chihuahua. ~ • .. Hidalgo dei Parral o • Durango Mazatlân • o 100 • 200 km Guadalajara Fig. 1- La Sierra Madre occidentale dans les parties ouest et nord-ouest du Mexique et le sud-ouest des États-Unis; le gris représente le massif montagneux. À la suite de ces travaux, complétés depuis par de nombreuses études d'équipes internationales (RANG/N, 1986, DEMANT et al, 1989), il est clas- sique de distinguer dans cette sierra (fig. II) . - un complexe volcanique de base, d'épaisseur mal connue, constitué essentiellement d'andésites et de dacites (dans lesquelles sont intercalés quelques niveaux de rhyolites) recoupées par des corps intrusifs de granodiontes Les roches volcaniques sont généralement métamorphisées dans le faciès schiste vert et, de plus, hydrothermalisées au contact des intrusifs. Les datations, ainsi que les caractéristiques pétro-géochimiques, indiquent que laves et roches intrusives appartiennent à un même complexe magmatique calco-alcalin, lequel, vers l'ouest, se poursuit jusqu'en Basse-Californie. Sa mise en place s'est effectuée, entre 90 Ma (Crétacé supérieur) et 40 Ma (Éocène supérieur) - avec un wsw « ENE El Salto El Espinazo dei Diablo Mazatldn 65 km 2600 m 2 400 m Durango 1 900 m Copala 600 m , Rhyolite -, CVS 1 t@@3 ~ 2 CYB ~ r=J 4 ~ 5 ,, , .' \1 ~ lkrn 20 km Noter l'exagérati on des hauteurs par rapport aux longu eurs . 1 : basaltes miocènes : CVS (Complexe volcanique su périeur) da ns lequel ont été dist ingu ées 2 : sèq uence de Durango avec sa structure de caldeira et 3 : séq uence de Espinazo - El Salto ; CYB (Complexe volcanique basal ) comprenant 4 : andésites et 5 : gra nod iorites . paro xysme entre 60 et 55 Ma (Paléocène supérieu r) - à travers et sur les roches an térieu rement déformées du Paléozoïque et du Mésozo ïque des parties occidentales du con tinent mexicain ; - un complexe volcanique supérieu r, discordant sur l'ensemble précéden t, plus clairemen t représentatif de la Sierra Madre occiden tale . Oépassant 1 000 m d'épaisseur et débutant parfois dès l 'Éocène supé rieur (40 Ma) par des andésites, il est for mé de tufs, d 'ignimbrites de com p osition rhyodacitiqu e à rhyoli tique et de dômes -coulées de rhyolite. Cet ensemble a été géné ralement mis en place, en con tex te de volcanisme explo sif (on rapp or te la présence de près de 400 ancie nnes cald eiras associées aux ignimb ri tes), en tr e 34 Ma et 20 Ma (Oligocène-M iocène inférieu r), " est à noter que dan s la partie no rd de la Sierra Madre occidentale, en Sono re. des la ves basiques (basal tes et andésites basaltiques), pouvan t atteindre 600 m d 'épaisseur et da tées entre 30 et 20 Ma , son t in ter calées dan s la séquence acide ; - couronnant l'é difice, des épanchements basaltique s épars et de faible épaisseur, les uns alcalins (72 Ma) liés à la genèse de petits fossés d 'effon drements au M iocène, les autres tholéiitiq ues surmo ntant des allu vions quaterna ires. Fig. II - Coup e géologique simplifiée de la Sierra Madre occiden tale lev ée le long de la route . 36 Vue des affleurements de rhyolite de bordure orientale du fossé d'effondrement du bassin du rio Santiago, en rive droite de ce cours d'eau. La genèse de l'édifice volcanique de la Sierra Madre occidentale est liée à la subduction océan-continent qui a fonctionné, de façon non permanente, depuis le Crétacé supérieur (90 Ma) jusqu'à l'apparition de la tectonique en extension du Basin and Range. La subduction était celle de la paléo-plaque océanique Farallon (elle occupait la partie orientale du Pacifique) sous la marge continentale de la plaque Amérique du Nord. Initiée dès le début du Crétacé supérieur, elle a engendré sur la bordure du continent un arc volcanique et plutonique, dont témoigne aujourd'hui le complexe volcanique de base de la Sierra Madre occidentale. Ce régime s'est achevé à l'Éocène alors que le Mexique enregistrait les effets de la tectonique laramienne, à l'origine notamment de la Sierra Madre orientale. L'Éocène est aussi la période durant laquelle ont été enregistrés, d'une part, une réorganisation du mouvement des plaques dans le Pacifique et, d'autre part, un ralentissement de la vitesse de convergence entre les plaques Farallon et Amérique du Nord. Ce ralentissement de la subduc- tion, qui a entrsîné une accentuation de l'angle de plongement de la plaque Farallon, a provoqué une distension dans le bord de la plaque continentale supérieure et, par voie de conséquence, a permis l'émission des magmas ignimbritiques caractéristiques du complexe volcanique supérieur de la Sierra Madre occidentale. Ce contexte s'est maintenu jusqu'à ce que, une fois disparue par subduction, la plaque Farallon, s'installe, il y a 20 Ma environ, en même temps que l'extension du Basin and Range, la nouvelle frontière de plaque transformante à l'origine de l'actuel système de San Andreas Références BURRows R. H., 1949 - Geology of northern Mexico. Bol. Soc. Geol. Mexicana, 7: 85-103. KING P. B., 1939 - Geological reconnaissance in northern Sierra Madre occidental of Mexico. Geol. Soc. of Amer. Bull., 50 : 1625-1722. DEMANT A., COCHENÉ J-J, DELPRETITI P., 1989 - Geology and petrology of the tertiaryvolcanics of the northwestem SierraMadre occidental, Mexico. Bulletin de la Société Géologique de France, série 8, tome V, fascicule 4 : McDoloVEL F. W., KEISER R. P., 1977 Timing of mid-Tertiary volcanism in the Sierra Madre occidental between Durango City and Mazatlân, Mexico. Oeol. Soc. cf Amer. Bull., 88 : 86-94. ORDONEZ E., 1900 - Las riolitas de México. México lnst. Geol. De México, bol. 15, 76 p. HoVEY E. O., 1907 - A geoJogical reconnaissance in the Western Sierra Madre of the State of Chihuahua, Mexico. Amer. Mus. Nat. Hist. Bull., 23 : 401-442. 1479-1487. du Mexique: une coupe de la BasseCaifornie centrale à la Sierra Madre occidentale en Sonora. Société Géologique de France, Mémoire n" 148, 133 p. SWANSON E. R., McDoWEL F. W., 1985 - Geology and geochronology of the Tomochic caldera, Chihuahua, Mexico. Geol. Soc. qf Amer. Bull., 96: 1477-1482. RANGIN C., 1986 - Contribution à l'étude géologique du système cordil/érain mésozoïque du nord-ouest 3T SWANSON E. R., KEIZER R. P., LYONS J. 1., CLABAUGH S. E., 1978 - Tertiary volcanism and caldera development near Durango City, Sierra Madre occidental, Mexico. Geol. Soc. qf Amer. Bul/., 89: 1000-1012. La Sierra Madre occidentale peut-elle être considérée comme le chateau d'eau du nord-ouest du pays? Certes, mais tout est relatif et la pluviométrie est la plus importante (cf. fig . 4, p . 26, et fig . 2 5 p . 15 1) dans les bassins qui s'écoulent vers le Pacif ique , là où le littora l est encore assez arrosé , au sud d u trop ique du Cancer (23 0 27' N). Certaines st ati o ns reço ivent de fa it p lus de 1 500 mm de préc ipitations annuelles moyennes, et même les stat ions côtières ne reçoivent pas loin de 1 000 mm localement ; la saison sèche est longue (7-8 mois), ce qui donne à cette plaine litto rale des caractères tropicaux secs (cactées, végétation complè tement desséchée dès le mois de décem bre), mais la pluie est sufiisan te pou r assurer une bonne récol te de maïs, et même localement de canne à sucre, sans irrigation . En revanche, au nord du 26 0 paral lèle nord, la plaine côtière devient de plu s en plus arid e; les pr écipitations ne dép assent pas 270 mm à Topolobampo et on passe ensuit e progressivem ent aux paysages désertiques du Sonora , avec son pendant sur la pé ninsule californienne, elle aussi arid e. De même, sur les plateaux intérieurs de l' alt ip lano nord-cen trai mexicain, la pluviométrie décroît très vite par rapport à celle de la sierra; les sta tio ns les plus hautes sont au-dessus des isohyètes 800, voire 1 000 mm suivant les altitudes (avec les valeurs les plus faibles au nord, mais celui -ci a aussi des températures plus basses, ce qu i fait que l' évapotranspira tion y est également plus faible ), alors que dans la dépression centrale, la préc ipitat ion annuelle est de 400 mm au nord (Chihuahua) et au sud (Zacat ecas), ma is elle est localement inf érieure à 200 m m dans le fond du Balson de Mapim i, partie sud du désert de Chihuahua . Milieu naturel et peuplement dans la Sierra Madre occidentale 41 42 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé Dans ces conditions-là, la Sierra Madre, même sans de gros abats d'eau annuels, est bien le châ teau d'eau de tou t le Nord-Ouest du pays, et même du Nord-Est . Le rio Conchos, affluent de droite du rio Bravo/Grande, fait nettement remonter le débit du fleuve frontière à leur confluent, et permet d'irrigue r les vastes périmètres proches du fleuve, t ant du côt é mexicain (périm ètre de Matam o ror s, Ëtat de Tamaulipas , 22 0 000 ha), qu e du côté texan Les gros barrages-réservoirs (cf . tabl . l. p. 27) témoignent de la relative abondance de l' eau venue de la montagne . On peut dire sans ambages que c'est elle qui constitue de nos jours, le principal t résor de la Sierra Madre . Ce statut de montag ne pourvoyeuse en eau sur ces deux f lancs, on le retro uve, en Amér ique du Sud, aux mêmes lat it udes de l'h émisphère opposé . La fameu se « diagonale aride » qui part du littoral vers l'intérieu r des terres en montant en lat itude et dépend entièrement des Andes po ur son app rovisionnement en eau, se retrouve, en par tie, du nord-ouest du Mexi que vers l'intérieur de l'Oues t américain et les dépressions arid es des Rocheuses centra les. Là aussi d' immense s barrages (le barrage Hoover et le Glen Canyo n dam, sur le Colorado, stockent chacun plus de 30 km 3 d'eau) retiennent l' eau dans le but d'irriguer et de régu lariser les déb its, et de plus en plus, de pourvoir les grandes agg lomé rations à forte croissance de cette Sun Belt améri caine, qui bat les records mondiaux de consommation d'e au par habitant. En généra l, les mon ta gnes appo rt ent les resso urces en eau nécessaires à l' irr igat ion sur un seul versant; les eaux du Haut Atlas marocai n, t out efois, arrosent aussi bien le Haouz et le Tadla , côté atlantique, que les oasis du piedmont saharien , avec les importants barrages constru it s depuis l'i ndé pendance, sur le Ziz et le Draa. L'Ind us, les fl euves d 'A sie cent rale, les deu x f leuves qui ont fait la M ésopota mie et le Houang -ho on t été, bien avant les f leuves américains ou nor d-africains, exp loités pour donner vie aux déserts, et pour permettre l'irrigation dans les zones arides ou semi-ar ides qu i parsèment le pourtour et le centre de l'Asie. C'est du reste dans l'étude de ces anciennes civilisations que Wi ttfoge l a forgé son concept de « société hydrauliqu e », don t la pé ren ni té serai t basée sur le « despotisme orie nt al » Les gran ds berceaux de l'agriculture irr iguée (Mésopotamie , basse vallée de l'In dus, et bie n plus tard, bas Huang-ho et Asie cent rale) ont été le point de départ de grandes civilisations, car le contrôle des eaux supposait la mise en place préa lable ou simultanée d 'un Ëtat et d' une po lice po ur faire respecter la gestion de l'eau, condition de survie de la société « hydr aul ique ». Plus récemment , Sandra POSTEL (1999) a mo nt ré, dans une passio nnante histoi re de l' irrigat io n, que ces sociétés hydrauli ques ont pu êt re mises à ma l, cert es, par des déstru cturat io ns du syst èm e social qui assura it leur survie, ma is aussi dan s cert ains cas (M ésopot am ie) par des change ments climatiques, qui ont pu produire aussi des salinisation s des sols accélérées conduisant à un e rapide chute des productions agricoles et à la fai llite de l' agri cult ur e. Il s' en est suivi un effon dremen t des sociétés com plexes et des villes déjà t rès peup lées, et fina lem ent, des plu s viei lles civilisat io ns de la Planète . Cet auteur insiste beauco up, du reste, sur l'Égypte, q ui est le seul cas où on peut attes t er de l'exi stence d' une agric ult ure irrigu ée depuis plus de qu at re m illénaires, alors qu e les civi lisat io ns mésopotami ennes et de la basse vallée de l'Indus, pl us anciennes, o nt été un Jour ou l'autre ruiné es par un déséquilibre d' or igine politique ou/et naturel . Dans ces deux cas, on a pu, des siècles ou des millénaires plus t ard, voir resurgir des systèmes irrig ués efficaces à l'origi ne de vi lles et de sociétés co m p lexes ayant laissé de g rands héritages cu lturels. Sandra Post el décri t aussi les grandes « civilisation s hydra uliques » américa ine s de la vallée de Tehuacàn (dans les actuels États de Puebla et Oaxaca, au sud d u Me xique ), et du sud -o uest des État s-U nis (les cités Pueb los et Hupi) Deux mille ans après celles- ci, les Espagno ls on t t ro uvé en arrivant sur le plateau de l' A nahuac (la vall ée de Me xico), Tenochtitl àn, la plu s grand e ville du monde d'alors, peupl ée de plus d 'un million d'habitants. Celle-ci relevait d 'un régime tr ès despotique basé sur le contrô le des eaux des lagunes de Texcoco et de Tenocht it lan. Là, poin t de cause naturelle à l'effondreme nt de tout le système économiq ue et social devant q uelques centaines de soldats espagno ls. Le despotisme des souverains aztèques, s'appuyant sur des sacrif ices humains de plus en plus no mbreux et décriés (était -ce une manière de co nt rô ler la cro issance dém ogr ap hiq ue dans un espace f ini à resso ur ces limitées 1), n'a plus ét é soute nu par une frange important e de la société au mom ent où un e « unit é nationa le» aurait été in dispensable pou r bo uter l'envahiss eu r (GERBER, 1992 ). Mais les Espag nols avaient une vision pré datrice de la colonisation ; la situation actuelle où semb le perdurer une économie « miniè re )} est peu t -être un hérit age de ce que BRUNHES (19 10, repris en 194 7) nommait « rap t éco nomique ». Le sud du Me xique a conservé ses « sociétés hydrau liques » en dép it de la dést ruct uration pol it iqu e et sociétale imposée par les co nquistadores; l' irri gatio n est pra t iq uée dep uis t ro is m ill én aires, dans les vallé es de Tehu acan , de l 'An ahuac (États de M exico et Hidalgo), dans l' Ét at de M icho acan ou encor e celui de Guerrero . Milieu naturel et peuplement dans la Sierra Madre occidentale 43 44 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé L'eau est certes un déterminant essentie l pour l'apparition de nombreuses sociétés, a fortio ri dans les zones d 'excès ou de pénur ie d 'eau caractérisés. M ais dans une gran de part ie des montagnes tropi cales, la fert ilité des so ls est un aut re élément dét ermin ant. En ef f et, aprè s les « civili sations de l'eau » qui ont fleuri dans les vallées du Tigre et de l'Euphra te, du Nil o u encore de l'Indu s, certaines zones de montagne on t été des fo yers d' occupation im por ta nt s cond uisant à de véritab les cul t ures nou velles, comp lète me nt adapt ées à la montagne ; dans beaucoup de région s tropicales, les montagnes (comme autrefois autour du bassin médi terran éen) sont plus faciles à mettre en valeu r que des zone s côti ères rendues inho spitalières par le climat et le contexte paludéen . Une autr e caractéristique mise en évide nce par POUL ENARD et al. (2003) est la localisati on des sols très riches et fertiles constitués sur les cendres volcaniques ; la plupart de ces 5015 sont des ando sols qui sont fragi les et trè s sensibles à l'é rosion éolienne et hydrique. Ils ne co uvrent que 1 % du tot al de la surf ace des terres émergées du globe, mais ils hébergent 10 % du total de sa pop ulati on . En effet. l' Indon ésie, les Philipp ines, les régio ns les plu s peupl ées d 'Afrique t ropicale (Rw anda, Burundi, une partie de l'Éthiopie) et de l'Amérique tropicale (Andes péruviennes, équatoriennes et colombiennes, et toute la chaîne volcanique centro -améri caine , de l' ouest du Panama au sud-o uest du M exique), possèdent de t els sols et ont pu devenir berceaux de civilisat ions. On pense bien sûr à l'î le de Java de même qu 'à Bali, à l'Éthiopie , à l' Empire inca et aux Empires mexicains (la vallée de Tehuacan et sa cu lture mi xtèque, zone montagneuse de l'Empire maya, le Chiapas et le Guatemala act uels). Ces andosol s sont du reste l'o bjet de l'étu de hydrologi qu e, commen cée en 2002, dans le site de la haute vallée du Cutzamala (cf . « Eau et espace à Valle de Bravo. La bataille pou r l'eau » . p . 283 ). La Sierra Madre est tout le contraire de ces berc eaux de civilisations. Les et hnies et sociét és amé rindiennes sont semi-nomades et d'impl ant at ion relativem ent récent e (que lq ues siècles) dans un milieu où ni l' abondance ni la rareté de J'eau n'obligent à contrôler strictement la ressource et où les sols sont issus de terrains volcaniques bien plu s anciens, qui n'apport ent pas les bien fa it s des sols sur cendres récente s. Du reste, ma rginali sées et isol ées dans les montagnes, ces pop ulat io ns (Huicholes, Tepeh uane s, Tarahumara s et Yaqu is. du sud vers le nord ) n'ont jam ais été très nombreuses. Leur occupation de l'espace étant assez lâche et leur marg inalisation ayant perduré jusqu'à nos jours ma lgré l'œuvre constructi ve, mais prémat urément inte rrompue des Jésuit es, on peu t avancer que la co lonisat ion de la Sierra Madre à pa rt ir de la f in du XIXe siècle s'est effectu ée sur une « frontière )) à conquéri r, comme ce fut le cas de l'autre côté de la frontière avec les États-Unis. Le nord du Mexique, aussi bien dans la montagne que dans le désert de Chihuahua, n'a été mis en valeur à grande échelle que récemment; il constitue à ce titre, comme l'Ouest américain ou canadien, un « pays neuf » Dans un tel contexte, il était presque naturel, pour un pays à forte croissance démographique, où la récente Révolution avait mis en évidence une véritable « faim de terres » de la part d'une paysannerie nombreuse et pauvre, de lancer une politique volontariste de colonisation de nouvelles terres Cette politique s'est accompagnée, dès la Réforme agraire, dans les années 1936-1940, de la construction ou la mise en chantier de grands barrages-réservoirs destinés à irriguer de nouveaux périmètres et à permettre l'installation de petits paysans regroupés en ejidos. Reste à définir la montagne « Sierra Madre » par rapport à sa perception dans le contexte nord-mexicain; on est loin de montagnes d'Europe qui ont pu paraître « répulsives » suivant les époques. « La montagne était perçue comme horrible au Moyen Âge par exemple. On opposait alors souvent les" plaines délicieuses" et les montagnes" horribles et dangereuses" et ce jusqu'au XVIIIe siècle (voire au XIXe) » « Quant aux habi- tants de ces contrées, ils sont souvent perçus comme barbares, voleurs, voire crétins ou affligés de maladies endémiques liées à ce milieu hostile (par exemple, le goitre que De Saussure attribue à la "chaleur et à la stagnation de l'air" au fond de certaines vallées) » ... « Pour certains il existe même une gradation de la barbarie avec l'altitude » (VERNEX, 2001) De nos Jours bien sûr en Europe, en Amérique du Nord, en Asie orientale, les montagnes sont des zones de loisir, de recueillement, l'air y est pur et les sociétés développées y trouvent les aires de récréation qu'elles affectionnent. Dès le milieu du XIXe siècle, « le milieu montagnard sera plus fréquenté, sera perçu comme un "riche potentiel naturel pour l'industrie et s'y développeront de nouvelles sensibilités dans la relation de l'homme à la nature. Image plus positive qui fait passer l'aménageur pour un héros » « la montagne devient alors paysage touristique, elle s'intègre au territoire, elle devient le lieu de nouvelles expériences». « L'image d'une montagne hygiénique et revivifiante fera progressive- ment passer du stéréotype du goitreux à celui de l'enfant "aux belles Joues roses" » , enfin, « La montagne est un "château d'eau" dans la mesure où, la température diminuant avec l'altitude, le point de saturation s'abaisse » (VERNEX, 2001) Et là, on rejoint la perception de la Sierra Madre au nord du Mexique, qui est passée sans transition d'un espace non pas répulsif, mais vide par absence de colonisation, à une zone relativement attractive du fait de la Milieu naturel et peuplement dans la Sierra Madre occidentale 45 46 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé meilleure qualité de ses pâturages, mais trop éloignée des villes pour devenir une zone de loisir. Cette montagne est d'ailleurs jugée peu sûre par les Mexicains des villes. Il est vrai qu'il y subsiste des zones de nondroit, et elle est considérée comme une des plus grandes zones de production de marijuana au monde. Et surtout, elle est perçue comme la zone où l'eau et la forêt sont inépuisables. Il est vrai que la forêt est très étendue, mais il a suffi de trente années d'exploitation pour la réduire de moitié; et en cinquante années d'exploitation des eaux de surface, les ressources ont été très fortement sacrifiées Toutes les ressources renouvelables sont, de nos jours, exploitées dans l'ensemble de la chaîne. Dans de nombreux cas, comme dans le périmètre de la Laguna, sur le bas rio Nazas, la nappe est surexploitée depuis plus de cinquante ans. des volumes trois à cinq fois supérieurs à la recharge naturelle y sont pompés suivant les années, entraînant une baisse de la nappe de 1,75 m par an en moyenne. Cette première partie, où l'on aborde les relations entre l'Homme et son milieu, repose sur un thème éminemment géographique s'il en est, puisque le paysage est à un moment le résultat du modelage par l'Homme d'un milieu au départ « naturel ». La perspective historique de la gestion des ressources en eau (cf « Les ressources en eau dans le centre-nord du Mexique. Perspective historique ». p. 49) est évidemment à la base de la situation actuelle, et nous permet de mieux comprendre le contexte ayant pu conduire à l'exploitation des ressources de la Sierra Madre. La pression démographique est loin de poser un problème comme dans la plupart des pays du Sud, puisqu'à l'inverse on assiste à une vaste déprise qui est étudiée par Béatrice Inard Lombard dans « Une montagne en voie d'abandon 1 » (cf p.65) Elle introduit l'aspect humain au moment où l'on s'aperçoit que la montagne se vide très rapidement. La position démographique de cette région est comparée à celle de deux autres espaces agro-pastoraux (cf encadré 3 « Un contexte démographique et économique de transition. Démographie comparée de la Sierra Madre avec celle de deux autres régions agro-pastorales ». p. 83) Bien que peu colonisée jusqu'à la fin du XIXe siècle, cette sierra n'en comporte pas moins des traces d'occupation ancienne (cf « Le projet Hervideros. Un regard sur le passé préhispanique de la Sierra Madre occidentale du Durango, Mexique », p. 93. Cette partie se termine par la notion d'indianité (cf encadré 4 « L'indianité et l'indigénisme au Mexique et dans la Sierra Madre occidentale », p. 115) qui n'est pas toujours très précise au Mexique comme dans le reste de l'Amérique. Références BRU NH ES J., 19 4 7 - La g éographie hum aine. Paris, PUF, édition ab ré- gée, 35 3 p. A., 1992 - Lej ade et l'obsidienne. Par is, Éd. Robert Laffont, GERBER 391 p. S., 1999 - Piltar of Sand. 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David Vira montes éco-pédologue géographe Les ressources en eau dans le centre-nord du Mexique Perspective historique Le centre-nord du Mexique est un territoire vaste où les habitants ont dû s'adapter à un contexte environnemental souvent difficile La mise en perspective historique présentée ici montre comment les sociétés se sont disputées l'approvisionnement en ressources naturelles à tel point qu'aujourd'hui il existe une situation critique de surexploitation et de possible épuisement des ressources hydriques. Il existe peu de connaissances sur les premiers habitants du centre-nord du Mexique Les populations indiennes méso-américaines qui peuplaient ce territoire du Nord avant l'arrivée des Espagnols étaient constituées de plusieurs groupes différents de Chichimèques (hommes-chiens) connus pour leur hostilité et férocité Selon les écrits des Espagnols des XVIIe XVIe et siècles, il s'agissait de plusieurs tribus de petite taille, dispersées, nomades, et barbares. Étant donné le contexte d'aridité de presque tout le territoire, ces tribus nomades suivaient des chemins spécifiques en accord avec la disposition des ressources naturelles comme le long des rivières où ils pêchaient. chassaient et collectaient (HERNANDEZ, 1975 ; BARBOT et PUNZO, 1997) En effet. la vaste superficie du territoire pouvait faire vivre ces populations sans risque apparent de catastrophe écologique Les ruines de la ville de Paquimé à Casas Grandes Chihuahua est l'exception d'une forme de civilisation urbaine dans le centre-nord du Mexique. Une faible population et un vaste espace dans un contexte environnemental souvent difficile 50 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Cette civilisation a dispa ru apr ès un grand incendie en 1340 bien avant l'arr ivée des Espagnols. La colonisation, les luttes indiennes et l'établissement de la propriété pnvee et des grandes latifundia • r Les tro is siècles de dom ination espagnole ont été caract érisés par l' exploitat ion indienne et la concent ration de t erres et de ressource s nat u relles pa r les colons. Comm e conséquences de la conquête espagnole, les habitants du ter rito ire mexicain ont dû souffrir de grand s changements dans leu r manière de vivre. Afin de peuple r ce vaste territ oire, la couron ne espagnole donnait des terres à ses soldats et aventu riers nobl es. Les syst èmes d'app ropr iat ion de l'espa ce appelés la encomiende et le repertimiento permettaient aux colon s de prendre des ter res, des ressources naturelles et des Indiens pour leur service mais ils étaie nt obli gés également d'e nseign er la doct rine chrét ienn e. En effet , ce systè me a étab li l'esclavage des Indiens par les colon s. L'absence d 'un système économique nat ional intég rateur a provoqu é, pendant la colonie, le développement des haciendas ou latifundia sous fo rme d'unités de pr oduction périph ériques aux éco no mies région ales, et qui dépe ndaient pol iti quement du po uvoir cen t ral d'Espagne. Comme résultat de cette approp riation du te rritoire, à la fin du XV IIe siècle plu s de la moitié des terres de cult ure et pâturage du Me xique éta ient pr opr iété des Espagnols. Simu ltanément lors de l'établ issement de ces gr an des prop riét és, ont su bsist é des zo nes habi tées exclusivement par des populat ions indigènes avec différentes formes de mise en valeur collective . Durant le XVIIe siècle la découverte des ressources minières des régions lointaines a attiré l'attention des colons. Cepend ant, le nord du M exique avec une fa ibl e population indienne dispersée et « sauvage» ne pouvait pas êt re soumis aux conq uérants. Depuis le déb ut de la co lonie, les attaques des Indiens « barbares » ont limité l'expansion démographique et l' extension des zones d 'élevage (HARRIS , 1975 ; BARRAL, 1988 ; BARRAL et HERNANDEZ , 1992 ). On ne s'éto nne pas de savoir que se soient déroulées (pendant des siècles) ici, et non dans les zone s de grandes civil isation s indi ennes, les plus grandes batailles pou r la colonisa tion (H ERS, 1993 ). Comme conséquence, presque t out es les sociét és indienn es originaires de cett e région on t di sparu pen dant les premiers siècles de la co lo nie espagno le. Selon HERNAND EZ (197 5), les différen tes tribu s de nomades qui habitaient La Laguna ont été exterminées pendant la période coloniale du fait des massacres organisés par les colons, des maladies et de la misère Il n'existe plus de traces de ces tribus dans la population de cette zone. Les apports indiens dans la population actuelle sont la conséquence des vagues de migrations postérieures Du XVIIe siècle au début du xx e , les luttes pour la possession des eaux de rivières entre les colons et les Indiens sont décrites dans quelques documents. En 1842, les colons de Matamoros ont subi l'attaque des Apaches et des Comanches, lesquels venaient des États-Unis où ils étaient persécutés. En 1850, pendant la construction des premiers barrages du rio Nazas, HERNANDEZ (1975) décrit l'édification d'une tour de surveillance contre les attaques des Indiens. Cette tour est en fait à l'origine du Rancho de Torre6n et actuellement de la ville de Torre6n, dans l'État de Coahuila. Ainsi, à la différence du sud et du centre du Mexique où les grandes civilisations (Olmèque, Maya, Aztèque) ont bien marqué le paysage, l'histoire du nord du pays ressemble plus à celle de l'ouest des États-Unis. L'utilisation de l'espace par l'homme pour des activités différentes de celles des groupes de chasseurs-cueilleurs n'a que quelques centaines d'années. En effet les activités humaines actuelles n'ont débuté que durant la période coloniale, associées en général aux activités minières. Après la période coloniale, le Mexique a dû mener plusieurs guerres pour soutenir son autonomie: la guerre d'indépendance contre la couronne espagnole (1810-1821), la guerre contre les États-Unis (18451848), l'intervention française (1862-1867), en plus de guerres civiles entre les différents partis politiques et les révoltes indiennes Le résultat de cette période a été la perte de la moitié du territoire (pris par les États-Unis), l'endettement et la crise économique D'après Coatsworth (1976) cité par KROEBER (1994), le Mexique avait deux problèmes de base. un réseau faible et peu efficace de transport et une mauvaise organisation économique. De ce fait et de par la faible population du nord du Mexique, les ressources naturelles ont été peu affectées Néanmoins, entre les XVIIe et XIX e siècles, quelques barrages en maçonne- rie ont été construits dans les États du centre du Pays (PabeIl6n, Saucillo, San Bias, El Aguacate, y Loza de Padres entre autres) Tous ces barrages étaient destinés à l'irrigation Viramontes : « Les ressources en eau dans le centre- nord ... » 51 L'indépendance et les guerres contre l'invasion étrangère 52 Le régime de Porfirio Diaz. La réactivation économique du pays et le profit des grandes latifundia La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Sous le gou vernement de Porfirio Diaz (fin du XIXe et début du xxe siècles), la construction des chemins de fer, l' ouverture de po rts, la nouv elle pol itique d'intégration économique, et "e ncouragem ent aux exporta t io ns ont créé les conditions pour le développement d'un nouveau marché dynamique, orienté aussi bien vers la consomma tion interne que vers l'exportation . La pol it ique hyd raul ique du Président Diaz a en cou rag é l'ir rig at ion en donnan t la préf érence aux gr and s inv estisseurs capita listes. En revanche , les petits pr od ucte urs ag ricoles et communautés paysa nnes n' ét aient pas pris en co mpte dan s ce système de développe ment (KROE BER, 1994 ). Les hacien das ainsi que les ent reprises mini ères, pétrolières et for estières ont su profiter des fa cilité s du gouve rnement pour augm ente r leur product io n et leur profit éco nomiq ue. Cependant, le résult at soc ial de cette po litiq ue a été la misère, les ma ladies et l'escla vage des paysans dans la prod uctio n des haciend as. Pendant cett e péri od e, o n observe po ur la premi ère f ois que certa ins sites pr ésentent des pro blèmes de surexploita ti o ns de ressources naturell es. Selon EZCURRA et M ONTANA (1988) et SIMON (1998), la charge de béta il sur les prairies proches des zones habitées du centre du Me xique est devenue un problèm e généralisé. Néan mo ins, dans le nord , l'élevage extensif n'ex iste pas loin des vill es à cause de la peur des Indiens « sauvages ». L'h aciend a El Ojito, près de La Ciénega de Escobar , n'a èté expropriée qu 'en 1973, car elle a pparte na it au gén éral Aguirre, ami de Pancho Villa. La Révolu t ion me xic ain e du début du xx e siècle a pr ovoqu é, de ce fa it. un e sensible dim inut ion des charg es animales et une restaura t ion relat ive des pra ir ies end o m magées La réoccupat io n postér ieure de ces parcours , fa ite avec des syst èm es d'e xpl oit ation à trè s faible technic ité et avec des critè res d ' « extractio n minière », a débouché sur la sit uat io n actue lle de dég radati on des resso ur ces et de basse pr oductivité. Dur an t le go uve rne me nt de Carde nas (1934 - 1940), l' expl o itat io n co llective ag ricole a t rouv é son institu tio nn alisation et sa reconnaissance légale sous la forme de comunid ades , et eji dos Ces derni ers o nt été créés à la suite des expro priat io ns des grosses haciendas La po lit ique of f icielle du Président Carde nas a été d'orienter le développe me nt de préfé rence ver s les zo nes agri co les du pays c'e st le mome nt de la const ruct io n du barr age Lazaro Carde nas (du no m même du Président). qu i sera achevé sous M ig uel Alern àn en 1946, et do nc de l' extens ion du périmè t re irrigu é de La Lag una. Le manque de crédits et la nécessit é de co nce nt rer les efforts sur les zo nes les plus peup lées et de pro duc tio n plus inte nsive, on t fait q ue les zones éloig nées sans irrig ation du no rd du M exique sont restées re lativement moins prioritaires . En effet. il existe à ce JOur dans le nord du Mexique des zones d'irrig at ion à haute techn icité (do nt La Laguna fa it partie) et des zones beauc oup plus vastes sans irrigat ion qu i gardent les mêm es systèmes trad it ionnel s de production (l' élevage ext ensif partout, et des cu ltu res sous pluie là où le clima t le permet) De cette faço n, da ns la Sierra Ma d re oc cide n tale et particu lièrem ent dans le haut bassin d u Nazas, se sont cr éés des ejidos ent re 194 8 et 1970. La no uvelle fo rm e de production co m mun autaire a encouragé la populatio n à déve lop per la prod uction dans l' opt ique d' uti lise r les espèces plus co m merciales et d'au gm ent er la qu antit é de bét ail Chacun des ejidatarios a con st it ué son troupea u q ui assurait un cert ain niveau de vie et qu i lui donnai t un statu t social. De cette faço n, l' élevage des chè vres et des moutons , moin s int éressant d u poi nt de vue co m m ercial , a diminué, et au co ntrai re la quantité de vach es a beauco up augme nt é. Par ailleu rs, pen dant le xx e siècle la cons t ruct io n des g rand s ba rra ges po ur l' irri ga tion a été la forme d 'a dapta tion aux besoins alim enta ires de la population me xicaine. En 1926, fut créée la Commiss ion national e d' irrigation qui en vingt ans d'existence, a constru it 136 ba rrages avec une capac ité globa le de 11 krn' d'eau . Cela a perm is l'o uverture de grandes zones d'irriga ti on rep résen t ant un mill ion d 'hectares irri - Viramontes: « Les ressources en eau dans le centre-nord... » 53 La Révolution . . mexicame et la période postrévolutionnaire 54 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé gables. Par ailleurs, la Commission fédérale d'électricité fondée en 1937 a construit plus de trente grands barrages qui y ajoutent une capacité de stockage de 50 km>. De nos jours, la construction de nouveaux barrages se poursuit. Actuellement, le Mexique a un potentiel d'irrigation de près de sept millions d'hectares (OLIVA, 1999 ; VEGA ARGÜELLES, 1999) L'époque actuelle: une population en pleine expansion et une désertification des campagnes Actuellement, le Mexique fait face à une contrainte démographique. En effet, la population mexicaine a connu une forte croissance. de 26 millions d'habitants en 1940, elle est passée à 67 millions en 1975 et plus de 100 millions de nos Jours. Aujourd'hui encore, il y a un fort taux d'accroissement démographique qui atteint les 2 % par an. A ces problèmes uniquement quantitatifs s'ajoutent les problèmes de croissance démesurée des principales villes du pays. Alors que les campagnes se désertifient, les besoins alimentaires des populations urbaines s'accroissent fortement. En effet, Mexico, la capitale du pays, avec ses vingt millions d'habitants est l'une des villes les plus peuplées du monde. Dans le centre-nord du pays, la zone urbaine de La Laguna est passée d'environ 600 000 habitants en 1960 à 1 100 000 habitants en 1990 (SANTIBANEZ, 1992) Il est donc facile de deviner les problèmes qu'une telle augmentation laisse présager Mais si les villes croissent sans ou avec très peu de contrôle, la campagne, elle, se vide. Dans le cas de la sierra, la population a augmenté jusqu'aux années 1970-1980 puis elle a commencé à décroître, malgré un taux de natalité élevé En effet, une très forte proportion de Jeunes a choisi de partir, le plus souvent aux États-Unis. La plupart d'entre eux ne reviennent plus, ou bien, seulement pour les vacances. De ce fait, la population de la zone diminue sensiblement. Dans le tableau Il nous observons une diminution de la population des quatre municipalités de la zone d'étude. La diminution de la population des ejidos est très rapide. Bien que nous n'ayons pas de statistiques précises, nous avons appris sur le terrain qu'il y a eu une diminution de plus de 100 % du nombre de professeurs d'écoles élémentaires à cause du manque d'élèves entre 1985 et 1998 dans les quatre communautés étudiées. De plus, dans ces quatre ejidos de la zone expérimentale du projet InifapIRD, plus de la moitié des foyers étaient déjà vides en 2000 (INARD LOMBARD et DESCROIX, 2003) Municipalité ElOro Guanacevi San Bernardo Tepehuanes Total Source : l~ EGI. 1980 1990 1995 2000 18461 14815 13516 12247 12821 Il 925 11447 10794 7563 5629 4883 4 147 14 740 14942 13588 12937 53585 47311 43434 40125 1990. 1998 er 2000. Municipalité 1970 État de Durango Guanacevi Tepehuanes Santiago Papasquiaro San Bernardo ElOro Source: I\E,;I, 1990 Tabl. 11- Évolution de la population des quatre municipalités du bassin du haut-Nazas, 2000 1 037857 1102045 1 429965 39035 29663 58400 23818 28247 37050 64699 69971 61 751 28002 25710 41984 82250 51082 61345 Tabl. III - Nombre de têtes de bétail dans l'État de Durango et les municipalités du bassin du haut-Nazas, 1970. 1990 er 200 1 Cependant, la migration des gens n'arrête pas la production Le tableau III montre l'évolution du nombre de têtes de bétail dans l'État de Durango et les municipalités de la zone d'étude Entre 1970, 1990 et 2000 le nombre de têtes de bétail dans l'État de Durango a augmenté. Parmi les municipalités de la sierra, Guanacevî, Tepehuanes et San Bernardo ont vu augmenter leur cheptel de manière significative, par contre les municipalités d'El Oro et Santiago Papasquiaro ont vu diminuer la charge de bétail. La politique actuelle du gouvernement motivée par le désir d'augmenter la production et de promouvoir le système capitaliste incite au départ des paysans vers les villes mexicaines ou dans la plupart des cas, vers les ÉtatsUnis. Néanmoins, les habitants qui restent dans les communautés reçoivent une aide économique de ceux qui sont partis. Ils gardent leurs troupeaux, qui sont, pour ainsi dire, subventionnés par leurs familles depuis le Texas, le Nevada, la Californie ou l'Illinois (principales destinations des migrants). A partir du début des années quatre-vingt, le gouvernement mexicain a engagé un programme de réformes structurelles très profondes de son économie. Désengagement de l'État, ouverture large des frontières (Aléna) et recours à l'action régulatrice de la concurrence ont un impact certain sur le secteur agricole et le monde rural dans son ensemble. Viramontes : « Les ressources en eau dans le centre-nord ... » 55 La politique agricole actuelle 56 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Schématiquement, le projet de « modernisation » de l'agriculture promeut l'efficacité du secteur capitaliste Les textes réglementaires de référence sont la Réforme agraire de 1992, la loi sur les eaux nationales de 1992 et les lois des eaux et d'écologie des différents États ainsi que les normes des municipalités. La réforme agraire a permis la formation des entreprises agricoles qui ont acheté les terres des ejidos. L'accès à la propriété est, selon les économistes, propice à encourager les initiatives constructives et la production Cependant, ces derniers changements socio-politiques au niveau national n'ont pas modifié la forme d'exploitation « rninière » qui utilise l'espace jusqu'à l'épuisement des ressources. La politique agricole actuelle encourage la production, mais elle montre peu d'intérêt pour la pérennisation de l'exploitation. Dans la Sierra Madre occidentale le paysage est actuellement coupé par les barbelés des parcelles individuelles. Les ejidatarios ne se pensent plus comme une communauté; ils prennent leur part des zones de pâturage et des forêts en fonction de la loi du plus fort (plus on a de bétail et plus on prend de l'espace) Si on considère qu'il s'agit d'une forme d'exploitation extensive, le morcellement de terres et la demande de bétail posent de nouveaux problèmes et entraînent une pression encore plus forte sur les ressources naturelles et hydriques. L'actuel gouvernement du Président Fox a lancé une initiative appelée « La croisade pour l'eau et la forêt ». L'objectif est d'arriver à une forme d'exploitation durable qui permette de soutenir la production forestière et l'usage des ressources hydriques dans leur ensemble. Dans cette logique, on a créé la Commission nationale forestière (Conafor) laquelle, avec la Commission nationale de l'eau (CNA), pourrait prendre en main et résoudre les problèmes graves de surexploitation des ressources du pays. Cependant, la logique économique productiviste reste la même. On considère peu les aspects sociaux et moins encore les conséquences de l'environnement dans son ensemble. Dans les conditions du système économique actuel, la surexploitation des ressources naturelles est une caractéristique « normale» de survie de la population et des entreprises. Reste à savoir si la technologie et le nouvel ordre qui s'installent pourront faire face à l'augmentation continue des besoins en ressources naturelles. Dans ce contexte la prospection future des ressources en eau dans le centre-nord du Mexique est donc une priorité. Références BARBOT Ch., PUNZO J.L., 1997 Antiguos caminos en el noraeste durangueiio. Supervivencia de una tradicion prehispanica, Trace na 31 : 22-34. 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INEGI, Instituto Nacional de Estadistica Geografia e Informatica, 1998 Anuario estadistico dei Estado de Durango. Gobiemo dei Estado de Durango. Aguascalientes, México. Viramontes : « Les ressources en eau dans le centre-nord ... » 57 KROEBER CLIITON B., 1994 - El hombre, ta tierra y el agua. Las politicas en toma a la irrigaci6n en la agricultura de México, 18851911. México, IMTA-Ciesas, 274 p. OLIVA C., 1999 - « Estado actual de las presas. Breve resena historica ». ln : El desarrollo de las presas en México-A vances en Hidrdulica 5 : 33-37. SANTIBANEZ E., 1992 - Ensayo monogrcfico de La Laguna. Monografia publicada a cuenta deI autor. México, Torreon, Coah., 240 p. SIMON J., 1998 - México en riesgo. México, D.F., primera edicion, éd. Diana, 302 p. VEGA ARGÜELLES O., 1999 - « El desarrollo de las presas en México », ln : El desarrollo de las presas en México - Avances en Hidrdulica 5 : 167-178. Luc Descroix géographe-hydrologue Encadré 2 Propriété privée et publique, gestion collective Quelle politique patrimoniale? Au fil des réflexions sur les causes du surpâturage que l'on observe un peu partout dans la Sierra Madre, et du reste dans presque tout le Nord-Mexique, on voit en filigrane se dessiner le changement de régime de propriété induit par l'abrogation, en 7992, de l'article 27 de la Constitution mexicaine, article qui instaurait la réforme agraire en 7936 Si cette abrogation était une condition sine qua non imposée par les Américains pour l'adhésion du Mexique à l'Alliance nord-américaine de libre-échange (Aléna), il faut aussi y voir un commencement d'adhésion d'une grande partie des responsables politiques et des techniciens du domaine rural à la « pensée unique» que représente le « consensus de Washington », cette espèce d'idéologie divulguée par l'ensemble de la presse mondiale qui veut que tout doit être à terme privatisé pour assurer un meilleur bien-être des populations Il n'est pas lieu ici de dire si le libéralisme fait ou non dérailler les trains, provoque ou non des coupures de courant aux États-Unis, fait dispereltre ou non, d'un coup de baguette magique, les classes moyennes de tel pays d'Amérique latine, ou entteitie ou non la mort de x milliers d'enfants chaque jour du fait de malnutrition. Durant la dernière décennie au Mexique, le PRI (le Parti révolutionnaire institutionnel, au pouvoir de 7929 à 2000) a nettement changé de men- talité politique et s'est peu à peu rallié au néo-libéralisme Perçue par les élites politiques et en partie par les intellectuels comme un bienfait, cette libéralisation a déjà eu des conséquences sociales telles que la disparition progressive de la Sécurité sociale et l'arrêt des aides au paysan Elle a accéléré la marginalisation des gens qui ne survivaient que La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé dans une économie informelle (la moitié des Me xicains ?). Elle a appauvri les autres qu i gardent la Sécurité sociale mais voi en t leurs salaires augmenter moins vite que l 'inflation afin que le Mex ique conserve ses « avantages comparatifs ». Elle a enrichi considérab lem ent les élites éco- nomiques, au point de faire du Mexique le tro isième pays au monde par son nombre de milliardaires (après les États-Unis et l'Arabie Saoudite). Le Mexique est, plus que jamais, un pays riche peuplé de gens pauvres Alors en quoi le régime de propriété peut-il influencer la conservation des ressources naturelles ? On rejoint là les débats sur la fameuse « théorie de Hardin » concernant la « tragédie des communaux» (HARDIN, 1968). En effet, en dehors du monde maintenant dit « occidental », la propriété privée étai t encore l'exception au début du xx e siècle « La colonisatio n au Xlxe siècle a introduit en Afrique le droit écrit, qui s'est surimposé aux pratiques coutumières. Dans les années 1930, considérées à tort comm e vacan tes et sans mettre, les terres ont fait l'objet de textes instituant des divisions de l'espace souvent établies sans faire grand cas des pratiques existantes. Le foncier fore stier est devenu foncier de l'État. Le droit du développement des années 1960 visait tout simplement à adopter un droit m oderne, inspiré du m od èle occidental, auquel les sociét és devaient s'adapter La cou tume devait dispere îtr e si elle entravait l'État de dro it. A insi les comm unautés indigènes tribales et montagnard es du sous-con tinen t indien (SAR/N, 1995) et les communautés rurale s d 'Afrique (en particulier, francophones) se sont vues privées de leurs prérogatives de gestion collective des ressources de l'e space forestier au profit, dans un premier temps, de l'État colonial, pu is de l'État ind épendant. Cette aliénation a entrein é des conflits qui persistent encore aujourd 'hui dans certaine s régions et très souvent aussi une destruction des forêts compte tenu de l'incapacité de l' administration à faire respecter ces nouveaux dro its. Cet échec met en avan t le foncier com m e source du problèm e et espérons- le comm e sourc e de solu tion . La vision juridique a profon dément été renouvelée. La rég ulat ion par le seul État a montré son insuffisance . On parle aujourd'hui de muttiiuridisme pour "traduire le fait que chaque individu est partie prenante, dans sa vie familiale, professionn elle ou publique, de mu ltiples groupes dont les règle s, règlements, hab itudes ou habitus s'imposent à lui de man ière plus ou moins concurrentielle " (LERo y, 1993) ». Mais le biologiste HARDIN (1968) a voulu montrer que la propriété et la gestion collective condui- saient à la déperdition des biens collectifs (forêt, pâturages, etc) : « En l'absence de règles et de contrôle de l' accès, c'est-à-dire lorsque l'ac cès est libre, les ressources subissent une surexp loitation qu i emre ine leur dégrada ti on, voire leur disparition . Cette dynam iqu e de l'a ccès libre est connue sous la dénomination de "tragédie des comm unaux" » (HARDIN, 1968) D'autres aute urs ont un po in t de vue moins tranché que Garrett Hard in , ainsi, d' après BERKES et al. (J 989), «il est aUJourd'hu i démo n tré qu e ressource commune n 'est nullement syn onym e d 'accès libr e et que de no mbreuses ressources en propriét é commu ne on t été et sont gérées de façon viable à long terme ». La p rivatisatio n des ressources naturelles, et des terres en part iculie r, est de plus en plus souvent considérée pa r les bailleurs de fonds, gu id és en cela par la Banque mondiale et le Fonds mon étaire in ternatio nal, comm e une condit ion préalable pour une allo cation efficiente des ressources et pour donner une chance de succès au développem ent (BELL EFONTAINE et al., 7997). Ma is c 'est bien là un consensus idéologiq ue, c'e st exacte- ment ce type de principe qu e la presse se dép êche de relayer de man ière à ce que cela n 'apparaisse plus comme un dogm e mais comm e un fai t établi et si naturel qu 'il peu t devenir une base de réflex ion . Ces mêmes auteurs en ont conscience, p uisqu 'ils affirm ent : « Ces considérations peuvent pe reitte simplificatrices et fâcheuses. En effet, il est démontré que la propriét é privée, si elle est efficiente d 'un point de vue marchand, peu t très bien condu ire au saccage des ressources lorsque le capital est mobile ou en cas de surinvestissement » Dans les qua tre communautés rura les de la Sierra M adre étudiées ici, et qui son t en cela représen tati ves de l' ensembl e de la cheîne, on constate surt ou t qu 'i l y a un consensus pour essayer de p réserver l'a venir des pâturages, même si les ejidata rios sont conscients que p ou r le moment, la dégradation con tinue. I/s ont souven t, comme à Boleras, consti tué des « réserves », zones de pâ tu res où il est in terdit de mener le bétail duran t la saison des pluies ; elles sont ouvertes au moment où, l'eau venan t à manque r près des villages et des p oints d'ea u habituels, il est j udicieux de mener les tr oup eaux plu s loin, en le dispersant sur l'en sembl e de cette réserve (à Boleras, elle repr ésen te 40 % de l'ét endu e de l'ex-eji do, soit 55 à 60 % des zones de pâ turag e L'herbe y ayan t poussé durant toute la saison des pluies, cette réserve représente à l'automne un gros volume de fo urrage dispo nible ; en même temps, l' éloignem en t du trou peau perm et de limiter le piétinemen t aux alentours des villages du ran t la saison sèche où le sol est p eu protégé. Ceci étan t, il faut pouv oir in tro duire l 'idée de « bi ens comm uns » comme on les appe lle souvent dans notr e m onde de plus en plus g lobal, et ils son t aussi le pl us souvent des « biens collectifs » (la terre, l'air, l 'eau, les océans) Et c'est là que le bât blesse . ju squ'où peu t-on ut iliser un bien 62 La Sierra Madre occidentale, unchâteau d'eau menacé comtnun ? Une étude pu bliée par un syndicat d 'int érêts p rivés notait en 1999 : « Lorsque les bie ns environnemen taux appa rt iennent à tous et que leur utilisation ne fait l'obj et d 'aucune concurr ence, ils sont qualifiés de biens collectifs . L'air en consti tue un bon exemple : p ersonn e ne peut se l'app rop rier, et la consomma tio n d 'un ut ilisate ur ne gêne aucunement la consomma tion des autres utilisateurs. Un bien collecti f est donc défini par deux caractéristiques : - la non -ri valité, c'est-à-dire le fait que la consommation de ce bien par un ind ividu ne p uisse diminu er la consommation de ce même bien par d 'autres individus, -la non-exclusion, c'est-à-dire le fait que l' on ne puisse pas empêcher la consommation par l'instauration d'une interdiction . Mais l' usage qui est fait d 'un bien collectif par différents individus peut conduire au fran chissement d 'u n seuil de saturation (phéno mènes d'encombremen t). L'usage de chacun gênant alors la con sommation et la jo uissance des autres, une rivalité pour l'utilisation du bien considéré commence à voir le j our. 1/ ne s'agi t p lus alors d 'un bien collectif, mais d'un bien commun, don t l'usage fait l'obje t d'un e concu rrence, conduisant à la raréfaction du bien et à l'apparition d'effets externes dans son utilisa tion » Et l'o n revient à la fameuse théorie de Hardin, puisque les auteurs de cette étude concluent : « La comp étition p our l'exploitation de ces biens communs se tradu it dans de nombreux cas par leur épuisemen t, situatio n qualifiée de " tragédie des comm unaux" par le biologiste Garret Hardin en 1968. La définition de droits de propriété sur ces biens repr ésent e, lorsque cela est p ossible, un moyen de les gérer » (SOLAG RA L, 1999) À partir des travaux de Hardin, qui constatait l' impasse de la croissance de la demande face à une offre en ressource inch angée, une autre théorie s'est construite. Celle-ci, développée par O STROM (J 990), indique que de nou veaux modes de gestion des biens communs doivent être organisés. 1/ s'agi t d'échapp er à la privatisation en affirmant le caractère ind ivisible de la ressourc e et en imaginant des modalités de g estion communes des ressource s naturelles. Ceci est envisageable par la décentralisation du niveau d 'organ isat ion, et en se basan t sur des règles coutumières plutôt qu e sur des règles centralisées fixées par l' État. Cette école de pensée est apparue avant to ut comme un e réaction face aux échecs répétés des proje ts de dévelop pement conçus sans les com munau tés locales. Elle concerne surtout les pays en développ ement où de nombreux p roje ts on t été implantés sans tenir compte des mode s traditionnels et séculaires de gestion des ressources (S OLAGRAL, 1999) Cette étude s'achève par le débat sur le rôle de l' autorité p ubliqu e, qui est surtout perçu e à travers les défaillances de ses interventions La propriété pu blique sur un bien d' environnement implique que l'État puisse exclure n 'impo rte qui de l 'usage d 'une ressource en fonction d 'une réglementation d 'origine po litique précisant qui a le droit d 'usage et le droit d'accès. Or, la capacit é de l'État à veiller à cette exclusion pe ut parfois s'avérer trop coûteuse, conduisant inéluc tablemen t à la trag édie des communs . Le rôl e de l'État ne se lim iterait donc qu 'à la formulation de réglementations visant à restreindre les droits de propriété? Une fois de plus, on peut conclure, en revenan t à l'e xemple mexicain, qu 'il y a (ou avait) culturellement deux Mexique : - l' un, au sud où les communauté s indiennes son t en place depu is des siècles, parfois plusieurs mill énaires, et où la gest ion colle ct ive des terroir s a en grande partie survécu à l'abroga tion de l'article 2 7, car la gestion se fait ainsi depuis des générations et l'autorité des conseils de villages est admise depuis touj ours. Le densité de certains secteurs peut faire penser aux « sociétés hydrauliques » chères à Wittfogel, car la survie de tous dépen d du travail de chacun et de l'accep tat ion des règles par tou t individ u. - l'autre, au nord, pays « neuf » où la gestion de l'e space est traditionnellement bien plus indiv idualiste, et où tous les ejidos ont èté dissous en quelques années après 1992, tout en conservant la plupart du temps un conseil ejidal et quelques domaines colle ctifs . A Baieras par exemple, on a maintenu la « réserve », et le système d 'ad duction d 'eau potable cont inue à être géré par ce conseil. Ain si, même du temps des ejidos, on assistait fréquemment à des actes contraires à une bo nne gestio n commune' berge rs menan t de nui t leur troupeau dans la réserve et le laissant quelques jo urs hors période d 'ouver ture à l'insu du conseil ejidal , maquignon rackettant les « indigè nes » et les for çan t à semer du cann abis po ur leur comp te ; « pistol eros » abusant de la p eur qu 'inspire leur arme ment pour ut iliser l'eau potable afin d 'irriguer leur maïs ; j eune immigré de ret our pour les vacances allan t chasser de nuit, aux phares et à la mitraillette, etc Oans un pays neuf, règles et conven tions son t succinctes et restent souvent à construire. C'est encore parfois le cas dans la Sierra Madre occid entale. Le ret our à la p rop ri été privée intégrale après seulement une ou deux générations de vie ej idal ne va sûrem ent pas aider au développ ement de règles patrimon iales. DCSCT ix : te Propriété privée et piibl lqiie, gestion collective» 64 Références La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé BARDIN G., 1968 - TheTragedy of the Commons. Science, 162 : 1243-1248. BELLEFONTAINE R., GASTON A., PETRUCCI Y., 1997 - Aménagement des forêts naturelles des zones tropicales sèches. Cahier FAO, Rome, série Conservation n° 32, 170 p. BERKES F., FEENY O., MCCAY B.J., ACHESON J.M., 1989 - The benefits of the Commons. Nature, (340) : 91-93. LE Roy E., 1993 - ({ Les recherches sur ledroitinterne des pays en développement. Dudroitdu développement à la défmition pluraliste de l'Étatde droit ». ln Choquet c.. Dollfus O., Le Roy E., Vernières M. (dir.) : État des savoirs surledéveloppement. Trois décennies de sciences sociales en languefrançaise, Paris, Karthala : 75-86. OSTROM E., 1990 - Goveming the Common : The Evolution if Institutionsfor Col1ective Action. New York, Cambridge University Press, 253 p. SARIN M., 1995 - Cogestion des forêts en Inde: réalisations et défis. Unasylva, 46 (180) : 30-36. SOLAGRAL, 1999 - « Commerce et environnement », étude Solagral, éditeur © Solagral. Béatrice Inard Lombard géog rap he A l'h eure act uelle, une gr and e partie des zo nes ru rales du Me xique se vide assez rapi dement du fai t des nouvelles loi s agraires et , localement, de la séche resse récurr ent e, qui se surimposent à la dynamique classique Un exode rural transfrontalier de l'exode rural. Dans le sud du pays, le mouvement est classiquement un exode rural, les paysans allant chercher trava il et me illeures cond itio ns de vie dan s les villes ; cet exode se fa it essent ie lleme nt en direct ion des plus grandes villes du Centre , Me xico bien sûr mais aussi Guadalajara et Puebla . Dans le Nord (par extension , tout ce qui se trouve sur les haut s plateau x, au nord de la ville de Agua scalientes), et jusqu'à la f ron tiè re américaine, cette m ig rat ion pr en d des formes différen tes. On ne migre pas vers le sud, mais vers le nor d, c'est -à-dire, soit vers la frontière, soit aux États-Unis ; et l'e xode vers la frontière est plutôt le fait des gens vena nt des vill es, l'exode aux États- Unis plutôt le f ait des gens venant des zones rur ales (ARROYO et PAPAIL, 1996 ) La fron tiè re (en fait les villes mexicaines situ ées à la f rontière, principalemen t Tijuan a, Ciudad Juarez et Nuevo Laredo, seco nda irement Nogales, Ojinaga, M at amoros et d'a utr es vil les moin s impo rta nt es) et les Éta ts-Unis att irent (COMBESQUE, 1999 ) car il est actue llement facile d'y trouver rapidement du travai l. Ce mouvement mig rato ire co ncerne les Éta ts-Uni s, du fa it de la fo rte croissa nce écono mique, et le nord d u Me xiq ue par exte nsion puisque cette zone travaill e majo rita irement pour le mar ché américai n Cett e rég ion co lon isée dep uis peu au niveau agr icole (l' élevage bo vin extens if y est l'act ivité princip ale) souff re d 'une gestion « m in ière » des pâturages qu i a conduit à un surpât urage très aigu . Un exode direct 66 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé « Pieds de vache» sur un versant de sav ane d'altitude au-dessus du village de Boleras (route de Tepehuanes à Santa Maria del Oro). Notre propos est de montrer l'orig inalité de cette migra tion d'une zone rura le du Sud vers les cités du Nord (Nord au sens géopoliti que), et d' insister sur la perméab ilité de la seule frontière terrestre entre ces deu x ensemble s géopolit iques. Il s'ag it d'indiqu er comment le Nord -Mexiqu e est devenu naturellement un bassin de main-d 'œuvre pour les ÉtatsUnis, le départ vers « l'autre côté » étant perçu co mm e un moyen de sort ir du milieu vill ageois, pl us que de s'en sortir t out cou rt, et aussi comme un rite ou une initia tion . Un exemple représentatif de la Sierra Madre occidentale Cette ét ude sur la dynamique mig ratoire a été réalisée dans quatre petits villages de la Sierra Madre occiden ta le, situé s au nord de l'État de Durango (f ig. 6 et 7). Ces quatre villages de 100 à 250 habita nt s font part ie de deu x communes (celles-ci ont la taille d'un département f rançais) : la Ciénega de Escobar est une communauté rurale de la commune de Tepeh uanes, alor s que Escobar, Boleras et La Posta de Jihuit es sont des ejidos de la commu ne de Guanacevi. -- - ..,.:.." .... 1 ,., " . ....... États-Un is ••' .. ,. J .'. - , r· ••• 1 Océan Pacfique 1 ::Santiago Papas quiaro -'. 1 Ba rrage Làzaro ca rdenas , , " " '" Limites de bassins Limites d'Éta t o 50 km Ce sit e d'étude est repr ésent at if de toutes les zon es rura les de la Sierra Fig . 6 - Localisation du site d'étude. Madre occidentale, qu i co nnaissent un très fort exo de (auc une ville, po urt ant, ne dépa sse 100 000 habitants dans la zone mo ntag neuse), alors qu e c'est une régio n plutôt favori sée par les condi tions nat urelles (en parti culier, les ressources en eau), par opposi tion aux plaines et platea ux arides du reste du Nord -Me xique La méthode de travail a consisté en une enquête systématique auprès des habitants, ce que seule autorisait la pet ite taille de toutes ces communau tés. Com me c'est parf ois le cas en zon e rurale, ce t ravail a été rendu diff icile par la méf iance des gens, bien que ceux-ci fussent habitué s à voir les chercheurs hydrologues évoluer sur leur territoire. Mai s il y a toujo urs une cer- Inard Lombard: « Une montagne en voie d'abandon? » 67 Une analyse fondée sur des enquêtes 68 o 5 10 km La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Fig. 7 - Localisation des quatre ex-efidos. taine réticence, liée aussi au fait que l'on se trouve ici dans une zone de non-droit, où les trafics en tous genres sont particulièrement importants (RIVELOIS, 1992) Cependant, au fil des échanges, il s'est instauré un climat de confiance et il a été possible de faire la part des choses sur certains points qui paraissaient flous et aussi de déchiffrer des non-dits et des expressions consacrées souvent assez lointaines du castillan. Un grand nombre d'enquêtes a demandé un gros travail de ré-interprétation, bien que tous les enquêtés, sauf deux personnes, parlaient parfaitement l'espagnol (la plupart des Indiens Tarahumaras sont scolarisés depuis plus d'une génération). Les causes et les formes de la migration Un constat s'impose immédiatement lorsque l'on parcourt du regard les nombreuses zones abandonnées des villages et les maisons vides aux allures fantomatiques de la Sierra Madre occidentale. Les populations ont quitté leur maison pour aller chercher de meilleurs revenus ailleurs (tabl. IV) Cet exil volontai re s'est po rté bien sûr vers une destination bien précise : les teta ts-Unis (appelés ici « el otto lada », l'au tre côté de la fr ontière). Cette ém ig ration des popu lat ions rura les de la Sierra Madre occiden tale vers les Ét ats-Uni s (Illinois , Californ ie et Nevada) essentiell ement , existe déjà depu is plusieurs décenni es. L'aspirat ion à un meilleur aveni r pou sse les populations rur ales à q uitter leur pays d 'ori gine pou r aller tr availl er « de l'autre côt é ». ph énomène accéléré par la rapi de « réussite» sociale des cand idats au départ. Il s'agi t d'un véritable exode rura l des habitants (surt o ut la popul ation active) de la Sierra Madre occiden ta le vers les villes des tetats-Unis (tabl. V). Jffldos 1990 1995 Estimations 1999 Escobar 220 134 120 BaIeras 215 143 100 Posta 283 2 17 198 Municipio de Tepehuanes 14 942 13 588 12 93 7 Municipio de Guanacevi 11925 11 44 7 10794 Municip io de Santiago P. 421 50 42993 435 17 Municipio de Santa Maria 14815 1351 6 [224 5 Tab. IV- Évolution de la population de 1990 à 1995 sur les ejidos inclus dans la zone d'étude et les municiptos: dont elle fa it partie, ainsi que ceux de Santiago et Santa Maria . Sources : DlJFEU, 1998. Estimations : INARDLOMBARD, 2000 , INEGI 2001 . • Les municiptos sont les communes dont dépendent les villages. Baieras, Escobar et la Posta dépendent du municipio de Guanacevi. Les municipios Ont une raille comprise entrecelle desarrondissements er celle des départements en France. Chefs de famille Nombre Pourcentage Travaillent sur l'v ida Viven t aux États-Unis Décédés Autr es SI 127 32 24 22 % 54 % 14 % 10% Tab\. V - Répartition en 1997 de 234 chefs de famille recensés sur ï'ejido de la Ciénega de Escobar en 1967 . Source: D UFLU, 1998. L'impl antation des fa milles de même nat ionalité sur un même te rritoi re existe de lon gue date, ainsi la migra tio n entraîne la mig ration . L'existence d'un réseau de connaissances familial es ou amicales dans un e ville améri caine facilit e l' arrivée des individus dans cette ville . Un réseau de solida rité se met en place pet it à pet it et grandit à chaque nouve l arrivan t. Les personnes nouvelles sont alors accueilli es et dirigées vers les aides admi - Inard Lombard: « Une montagne en voie d'abandon ? » 69 Motivations au départ L'appel desfamiliers ou amis d4jà émigrés 70 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé nistrat ives. Certai ns ont déjà du tr avail avant même de tra verser la fr ontiè re. Cert ain es personne s té lép honent rég ulièrement aux memb res de leur famil le restés au pays pour les informer qu' un em ploi les attend dès leur arrivée aux Ët at s-Unis. Une famill e d u village de Boleras a vu partir un de ses membres à Ho llyw oo d pour t ravailler dans un restaura nt casher (te nu par la mère de Stephen Spielberg). Auj ourd 'hui , on peut compte r dix des hommes de cette même fam ille qui sont allés travailler dan s ce même restau rant à un moment ou à un autre ; la patronne, au bout de quelques ann ées, s'occupe de régul ariser leur situ ation, en échange de l'acceptation de tra vailler quelques années au noir . Ungagne-pain temporaire, souvent difinitfl La mig rat ion temp oraire est so uvent établie sur le principe de l'allerretou r qui empêch e de se fi xer déf init ivement. Elle correspond aux personnes qui ref usent de vivr e de faço n per manente sur le te rritoi re américain Celles-ci préfèrent gagner de l' arg ent pour ensuite l'investir dans leur village nata l. Cett e migr ation peut être dite saisonniè re pour les tr avaux de type agricole ou intermittente pour les t ravaux de type industri el ou liés à la restaurat ion . Beauco up, jeunes et vieu x, sont embau chés plu sieu rs mo is d 'aff ilée pour la récolte des légumes (au Texas ou en Carol ine du Nord la plupart du te mp s) ; beaucoup de ceux qu i tr availlent dans la restaur ation et l'in du strie ne restent que que lques mo is, ils y retourn ent chaque année ou to us les deux ans, en fonction des besoins d'a rg ent de la famille . Le dép art est considéré le plus so uvent comm e volontaire et temporaire . Si la migra t ion est déf initi ve, elle fait référence à des facteurs d'ordre économique et à un cho ix de s' installer ailleurs dans l'espoir de trouver des conditions de vie meilleures. Le niveau de vie étant actuellement assez élevé dans la sierra (du fait de l' appo rt des émigrés), le choix est plus dict é par un besoin urgent de liquidités, une envie d 'indépendance vis-à-vis de la fam ille, et la curiosité de voi r les Ëtats-Unis. Cest égalem ent, il faut bien le di re, une espèce de rite: ceux qui partent pou r la première fois (vers 18 ans en général et don c sans papier), quitte nt le village de manière à passer la fronti ère le 3 jui llet ou le 24 décembre au soir (à la fin d'un semest re scolaire), au moment où elle est le moins surveillée en raison des festivités. Les causes de départ L' histoire de la migration des habitants de la Sierra Madre occidenta le se découpe en deu x temp s. Dans un prem ier temp s, la migrat ion était réservée aux chefs de familles. Ils part aient tr availler pour une durée de q uelques mois af in d' amasser un pécule en vue de retou rn er au village. Par la suite , la demande d 'un e main -d' œuvr e f émin ine s'ét ant accru e, les f emm es mexicaines sont égaIemen t parties de l' autre côt é de la f ront ière . Dans un secon d te mps , les ém igrés de la seco nde génération so n t les jeunes qu i part ent vers dix-huit ans (ceci a ét é observé quel que soit le village nata l) rejo ind re leur s parents de l' aut re côté ; n'aya nt pas vécu leur enfance aux Ëtats-Unis, ils co nst itu ent en fait une seconde « premiè re gén érat io n ». Leurs pa rent s éta nt souve nt clandesti ns, ils n'o nt eff ectivement pas la possibilité de faire jo uer le regr oupement familial On présente ci-desso us les résultats des enquêtes menées durant l'été 1999 auprès de tou s les fo yers des quatre villages concernés. Les résultats des enquêtes on t été classés par thèmes ; les thèmes ont été tr iés à partir des réponses les m ieu x documentées au niveau géographique et socio logiq ue ; celles-ci correspon dai ent le plus souvent aussi aux répo nses les plu s f iab les de la part des personn es q ui ont part icipé à cette co llecte de renseignements. - Les individus partent essentie llement (77,8 % ) pour t rou ver un travail qu i leur permette de gagne r de l'argent Les raison s évo quées comme le tra vail et l' argent so nt données trè s spontanément avec un e co nvict ion dét erminée - Une autre cau se de départ est liée à la vol onté d 'un regr oupement fam ilial Les personn es àgées qu i n' ont plu s de fam ill e au village ont tendance à rejoin dre les memb res de leur fam ille qui vivent aux Ëta ts-Unis. - Dernière cause : les personnes partent par nécessité de remb our ser un prêt La prat ique d'em prunter de l'a rgent po ur co nstr uire sa maison ou acheter du matér iel de tra vail inc ite les individ us à partir cher cher de l'argent ailleurs lor squ'ils so nt tr op endettés. Durant la période de l'enquête, de nombreuses per sonnes ont quitté les quatre vi llages pour aller ch ercher du tra vai l de « "autre cô té ». La mi grat io n des Me xicains de la Sierra Madre occidentale s' est co nsidérablemen t accélérée durant l'été 1999, cert aines mai sons ét ant complète ment abandonnées. La sécheresse de cet ét é 1999 a sans doute été un facte ur d'accélérati on du processus migratoire La figure 8 permet de constater que les émigrés de la première généra tion ont essentiellement travaillé dans le domaine de la restaurati on et dans le secteur de l' indust rie. L' éco nomie des Etats-Unis demande une maind'œuvre importante, d'où le recrutement de travailleurs mexicains. Le dom aine de la restauration a touj our s été un secte ur propice aux travailleurs clandestin s étant donné qu 'il est relativement facile de cacher les personne s derrière les cuisines. Beaucoup sont en cuisine dura nt quatre ou cinq ans, et leur employeur leur facilite ensuite l'accès à la carte de résident ; ils peuven t alors devenir serveurs. Pour le travail de l'agric ulture, il s'ag it de travaux saisonniers tels que les vendang es ou le ramassage des f ruits et du coton . Inard Lombard : « Une montagne en voie d'abandon? » 71 Une émigration de travail 72 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé 12 % 1 D Restauration 2. Ouvriers 3 D Agriculteurs Paysagi stes 6. 4 5 .BTP fig. 8 - Répartition professionnelle des émigrés mexicains de la première génération. Bûcheron 7 8 D Commerce DAutres 27 % La seconde générati on t ravaille (f ig . 9) essentiellement dans les mêmes dom aines qui sont. par contr e, inversés, avec en prem ier l' ind ustrie et ensuite la restaur ati on . Cett e situa t ion ref lète clairement le besoin croissant de main-d 'œu vre manifesté par les Etats-Uni s (du moin s au mom ent de cett e enquête, en 2000) 23 % 16 % 1D Restaurat ion 2 . 0 uvriers 3 D Paysagis tes BTP 5 • f emmes au foyer 6 . Commerce 7 D Autres fig . 9 - Répartition professionnelle des émigrés mexicains de la seconde génération. La moitié des émigré s de la seconde génération travaille dans le domaine de l' industrie qu i conce rn e en réalité le tra vail à la chaîne dans des fabriques d'assemblage . Ce pourcent age d'individu s trava illa nt dans le secteur de l'industrie est sans doute plu s élevé si l'on con sidère le pourcentage im portant de per sonn es dont nou s n'avon s pu déterm iner la profession (car les parents ne la connaissaient pas). Pour les Mexicains, trava iller dans une fab rique ou dans le domai ne de la restauration représente un éche lon supplé menta ire dans la hiér arch ie professionnell e. L'augmentat ion de salaire qu i en découl e est une incit ati on malgré les condit ions de t ravail souven t t rès dures La prem ière gén érat io n d' ém igr és de l'e nqu ête a pr incipalem ent choisi l' État de l'Il lin ois et ensuite , l'Éta t de Calif orn ie comme lieu d'émi gra- Uneforte attraction de Chicag o tion Près des tr ois quart s des ém igr és de la seconde gé nérat ion o riginai res des q uat re comm unaut és m exicaines s'install ent dan s l' État de l'Ill inois. Ain si, cette deu xième gén ération repr od uit le même schéma que la première Les personnes qui choi sissent l'État de l'Ill inois sont de plu s en plus nombreuses. Un effet de mode se produit avec le choix d'un lieu commun pour s' installer aux États-Unis . Il semble qu' il existe une filière qui pousse la plupart des habit ant s de ces quatre vill ages de la Sierra Madre occid ent ale à choi sir l' Illinois, et plu s précisément la ville de Chicago . Le regroupemen t familial est une do nnée très importante dans le choix du lieu d'émigratio n des Mexi cains de la Sierra Madre occidentale. Si les indivi dus ne part ent pas tou s ensemble, ils se ret rouvent généralement dans un lieu précis. De plu s, les famill es étant très nombreuses (le nombre de cousins et de cou sines dans un même village est trè s élevé) et les popu lations des vi llage s peu importante s, il est logique que beaucoup d 'en tre eux se retrouvent finalement en une ville ident iq ue (ici, Chicago ) et même dans les même s quartiers. En 1990 , la population totale des émi grés mexicains représentait environ 13,2 % de la pop ulation tota le de l'agglomération de Chicago . Comme on l'a vu, si les habi tants f uient leur village , le nom bre de vaches a trè s peu dim inué ; cette dim inut ion est liée à la sécheresse (on vend ce qu 'on ne peut plu s nourrir) bien plu s qu 'à l'émigration . En effet, l'émigran t conserve le plu s so uvent des bêtes qu'il confie à ses familiers restés au village ; il garde ainsi des lien s avec sa terre . Une émigration particulière Le maintien de liens qffectjft, culturels et économiq ues Par ailleurs, les mar iages sont l'o ccasion de se retrouver et de reven ir au village. Il n'est pas rare de constater que de jeunes couples mariés parte nt pour les États-Unis que lques jours après leur mariage . Pour la plupart des jeunes fill es, quitter le Mexique t o ut e seule ne serait ni respect able ni souhaitable . Par cont re, lor sque la famille décide d'émi grer, tous les enfants , qu 'ils soient filles ou ga rçons , suiv ent leurs parents . Pour ces derniers, il n'est pas question de laisser leur s enf ants au Me xique Jusqu 'au X IXe siècle, cette rég ion d u Me xique éta it habitée pa r des Ind iens Tarahu maras et Tepehuanes vivant dan s des pet its vill ages disséminés de la Sierr a M adre occidentale. A la fin du XIXe siècle, des popul a- t ions ét rangère s venu es d u sud du pays et compos ées d 'éleveur s de bétail colo nisent ces te rres et vo nt prat iqu er un élevage extensif sur Inard Lombard : « Une montagne en voie d'abandon ? » 73 Un pays neufqui se vide 74 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé d'immenses propriétés privées. Ces grands propriétaires avaient une logique particulière qui consistait à exploiter la terre sans chercher à pérenniser leur mode d'exploitation. L'ère de la Réforme agraire de 1936, lancée par le président Cardenas, va changer cette logique. Les communautés de paysans, autrefois sous la tutelle des grands propriétaires, vont revendiquer leur droit à la terre. C'est la naissance de l'ejido Le principe de cette nouvelle forme d'exploitation de la terre consiste à attribuer des terres collectives à un groupe d'agriculteurs qui s'engagent à les mettre en valeur et à respecter certaines règles établies par la communauté, afin d'éviter le démantèlement (MUSSET, 1990). Cette région du Mexique dont le peuplement est récent assiste aujourd'hui à un dépeuplement précoce et en même temps au démantèlement des ejidos. Que! avenirpour la Sierra? Les ruines de quelques maisons disséminées dans les villages attestent d'une occupation ancienne. Mais les maisons abandonnées seront d'ici peu de temps aussi nombreuses que les maisons habitées (fig 10 et 11). Le départ de familles entières et le délaissement des terres ne laissent pas présager un retour au village. Les terres cultivables laissées en friche posent le problème d'une déprise de l'environnement. L'abandon de ces dernières, combiné à la réforme agraire, entraîne un changement radical pour leur gestion. Les ejidos sont en train de disparaître, dissous par la privatisation des terres, et ainsi chaque propriétaire cultivera sa parcelle indépendamment des autres. Actuellement, les personnes ont le droit de choisir entre acheter et/ou vendre les terres ou bien rester en système ejida/. Mais dans ce dernier cas (très peu représenté au nord du Mexique), si les villageois partent ils perdent alors leur droit de cultiver les terres « ejidales ». Par conséquent, les personnes émigrées qui voudraient revenir au village devront investir des sommes importantes dans l'achat de terres. De plus, les terres non cultivées depuis plusieurs années se sont transformées et il faudrait une somme considérable de travail pour les cultiver à nouveau. Tous ces aspects ne favorisent pas vraiment le retour des émigrés Le peu de gens qui resteront pourront vivre décemment car ils auront regroupé des surfaces de terres suffisantes pour affronter le marché économique nord-américain; ils auront ainsi reconstitué les grandes propriétés contre lesquelles s'est battue la génération de leurs parents ou grands-parents, durant les années cinquante et soixante. Les flux de capitaux en retour des États-Unis s'inscrivent dans le paysage à travers l'amélioration de l'habitat et les signes extérieurs de •• • o • •• • • •• • • •• EJ) .- • •• ---------- •• .-.-. richesse (antenne parabolique, véhicule, etc.) ; de fait, le niveau de vie est bien supérieur ici à celui de la moyenne des zones rurales du Mexique, surtout pour une zone de montagne à forte proportion de population « indigène» D'après HABEL (1999), « les millions de Mexicains envoient chaque année près de 5,5 milliards de dollars au Mexique pour atténuer le dénuement des leurs, demeurés au pays ». Les émigrés de la Sierra Madre (surtout ceux de seconde génération) semblent plus à l'aise dans la société américaine que ces « chicanos dont la communauté cherche ses racines et lutte pour définir son identité, formée à partir de son origine mexicaine et du processus d'adaptation et d'assimilation de la culture américaine » qu'évoquent CA STILLO et Inard Lombard: « Une montagne en voie d'abandon? .- •• •.•0 o· • .- • » • Maison vide et abandonnée • Maison habitée o o • • • 100 m 75 D Maison en ruine École • •• • •• Fig. 10 - État d'occupation des maisons à Pilitas de Arriba (gauche) et à Pilitas de Abajo (droite) en septembre 1999. • • 76 -II • • •-=. ~ : \ 1: ~ I ~ · ~~ ~ D ~ Maison vide et abandonn ée • Maison ha bitée o École o Maison en ru ine I> Petite épicerie ~ 0 ~ -D C·. · •• • • • o • Ruissea u - --. • • [> DO 1 • 100 m ===== ..= ~ D LaSierra Madre occidentale, un château d'cau menacé [1_ _-----' Fig. 11 - État d 'occupat ion des maisons à Escobar (gau ch e) et à La Posta de [ihuites (droite) en septembre 1999. --_. •• •• •• • • •• • •••• ••• o• •• • • •• • •• BUSTAMANTE (1989) . Il est possib le que la relative pr oximité du village avec la frontière leu r épa rgne l' impression de vivr e da ns la « prison d'or » dont par le D URAND (199 6) au sujet de leu rs condi tions de vie. Mais il est vrai que beaucoup, par fierté , n'iront pas dire, dans leur vil lage, la dure té de leu r vie « dei otra lado ». L'avenir de ces quatr e villages reste donc bie n incertain en terme d'occupation . Seuls un changement socio -économiq ue et l'offre d'emplois cor rectem ent rémuné rés pourra ient fa ire rester les cand idats au départ. Ma is encore fa udrait- il que les salaires s'alignent sur ceux des États-Unis. Ces derni ères possib ilit és semblan t loin t aines, la dépo p ulat ion reste d'act ualité . La présence d 'une frontière terre stre entre un pays du Nord (le plus puissant qu i plu s est) et un pays du Sud est un cas unique. Ma is l'Europ e, malg ré ta présence de la Mé dit erran ée, a connu et con naît en core un courant d 'immigration important venu du Sud, principalement en provenance des pays d'Afrique du Nord pour ce qui concerne les trois grands pays d' Europe du Sud (France, Itali e, Espagne). Ces deu x migration s sont compa rabl es d 'une part, par t'ancienneté du ph énomène migratoire et, Comparaison du processus migratoire entre l'Europe et les États-Unis d 'autre part , par le fait que chacune fut soumise à l'influence de faits écon omiq ues et sociaux. Tou te l'A mérique est chrét ienne, même si des rites pré-hispaniq ues sur- Principales différences vivent de manière très in tense au Mexi q ue et dan s les pays an dins. En revanche, la majorité des mig rant s africa ins et nord-africai ns en Europe sont musulm ans ou animi stes. En dehors de ces co nsidérat ion s cult urelles, l'émi grat ion vers l' Euro pe diff ère de celle vers les États-Un is sur deu x points essentie ls. La présence d 'u ne mer rend évidemment les con dit ions de passage plus délicates, a fortio ri pour un clandestin ; mais les obstacles physiques instal- Lafrontière, obstacle phy sique lés par les autorités de migration américaines pour s'opposer à l'en trée des clandestin s atténuent gra ndement cette diffé rence. Il est de plus en plus dangereux de franch ir la frontière me xicano-états -unienne . Si on estime que plus d'un millier de personnes disparaissent chaq ue année dans le détroit de Gibralta r, off iciellement plus de 400 personnes meurent chaque année en voulant passer la frontière sud des États-Unis , les principales causes de décès sont les exacti on s de la poli ce américaine et l'abando n pur et simp le des cand idats à l' exil dans le désert de Chihu ahua (le cas de ce fermier du Nouveau-Me xique qu i organ isait des part ies de « chasse à l'émigré » de nuit à l'aide de projecteu rs est of ficie llement resté unique) A la fr ontière nord de l'A mériq ue lat ine, la majori t é des mig rants sont mexicains et volon tai res pou r l'exil. Seuls, des réfugiés du Salvador et du Guatemala, pays soumis à des guer res civiles atroces d urant les années 1980 et 1990 , on t pu émig rer pour des raisons polit iq ues o u plus simplement pour sauver leur propre vie ou celle de leu rs proches. En Europe du Sud, au x migrant s « éco nomiques » d 'Af rique d u No rd s'aj o utent depuis un e di zaine d' années une parti e des 5,4 millions de migrants de l'Af rique subsaharien ne qui avaient le st at ut offic iel de réfugiés, et dont cert ain s parvien nent à atte indre les villes côt ières d'Af rique du Nord (par le Niger et l' A lgérie, ou bien par le Niger et la Libye, ou enco re par le litt oral de l'e x-Sahara occidenta l ou par les Canarie s) ; de Inard Lombard : « Une montagne en voie d'abandon? » 77 Le sta tut du migrant 78 LaSierra Madre occidentale, un château d'cau menacé pl us, d 'autres personnes éta ient déplacées dans des circon stance s voisines de celles des réfug iés mais sans avoir off icielleme nt le statut de réfugiés (FOOT et al., 1996). Principales similitudes La pr oximi té des fr ont ières impliq ue des allers-retours fréquents au co urs de l'année . Cela permet aux personnes seules, ou aux fami lles, La distance une fois leur statut régularis é, de partir travai ller du rant une péri ode et de rentrer dans le pays de départ pour une durée de quelques mois . M ais dans un cas comme dan s l' autre, le temps aujourd 'hu i nécessaire à une régularisat ion de leur st at ut conduit une grande partie des migrants à s'inst aller dans la du rée et parfois à s'accult urer. La transition démographique Les deux zones (le Maghreb , principal po int de départ des migran ts d 'Europe du Sud, et le Me xique ), étant en pleine tr ansit ion démogra phique avec un tau x d 'accroi ssement naturel encore élevé, rep résentent une évolution démog raphique similaire. La population du Maghreb a été multipliée par 5,2 au cours du siècle dernier. En 1900, les Maghrébin s étai ent 12,3 millions ; en 1950, ils étaient 23 milli on s et en 1990, on en recensait 65 millions (GAMBlIN, 1995 ). De son côté, le Mexique est, en raison de son im portant pote nt iel démog raph ique, le premier pays de départ des pays du Sud . En 1993, la population mexicaine aux États-Unis représenta it environ 10 % de la popu lation américaine totale (STALKER, 1995). Elle en représente aujourd 'hui plus de 13 % . Par ailleurs, on peut aussi comp arer, en terme de provenance, d'une part le Maghreb et le Me xique qui restent les pays gros pourvoyeurs, où l'argent des émigrés est une man ne, depuis plus ieurs décenn ies déj à; et d' autre part, l'Afrique subsaharienne et le reste de l'Amér iqu e latine (l'Amérique cent rale avant to ut), qui sont les pays plus défavorisés, JOuxt ant les premiers au sud . Dans un cas comme dan s l' aut re, la proportion des migrants venu s de l'ensemble le plus méridion al s'accroît, et la proportion de cland est ins y est, également pl us g rande. Le volume Le volume des migrants a été similaire jusqu 'à la fin des années soixantedix. Les deu x flu x migratoires, du Me xique vers les États-Unis d 'une part, du Maghreb vers l' Europe de l'autre, comptaient alors des milli on s de per sonne s pour les rég ions en que stion (tabl. VI, pour le Maghreb). A l'heure actue lle, les flux sont plus im port ant s en ce qui concerne le « flu x américain )) qu i ne cesse de s'accroîtr e. A l'i nverse, du f ait d ' une situ a- tion écon omi que moins favor able en Europe, le flux migratoire depuis le Maghreb est devenu bien plus faible. An nées Marocains Algériens Tuni siens Maghrébins 197 0 200 000 600000 100 000 900000 19 74 450 000 850 000 280 000 1580 000 1981 85 0000 90 0 000 35 0 000 2 100 00 0 Source : S IM O~ . Tab l. VI - Évolutio n de la populat ion ma ghréb ine à l'étran ge r. 1983. Ces chiffres sont déjà anciens, mais n'ont pas beaucoup évo lué depuis, car le flux s'est ralenti en raison de la poli tique europée nne et des poli tiques rest rictives de chaque pays. En outre, de plus en plus de migran t s demandent la nation alité d u pays d'accueil, ce qui ne facilit e pas la comparaison avec les Ëtats-Un is où il est plus facile de deven ir citoye n, mais plus diffi cile d' ob tenir la nationa lité. D' aut re part, une difficulté appara ît du fait qu'en France, comme dans d 'autres pays, les recen sements ne permettent pas de connaître l' origine et/ou la religi on des gen s à partir du moment où ils sont françai s. Trois mi llio ns d'immigrés africains vivent en France (ROBIN , 1997), où on estime la population de confession mu sulmane à 5 millions ; on peut en déduire qu'une pet ite major it é des immi grés prov enant d 'Afriq ue ont déjà acqu is la nat ion alité f rançaise Par ailleurs, la dif ficulté à est im er le nombre des cland estins (plusieurs millions) persiste entr e les deux côtés de l'Atlant ique ; po ur la France, les estim ati ons varient de 0,5 million à un peu plus d ' un millio n. Les problèmes concern ant la qualité de vie sont déterm inants dan s le choi x des populations à l'émig ration . Le tableau VII mentionne des données spécifiquement subsahariennes ; il est à noter que la situation s' est plutôt détériorée depu is 1985 . Comme le préc ise AMIN (199 5) • « It is obvious that migrants are rational bein gs who m o ve towards those regions where there is a chance of earning better money » (« il est évident que les migran ts sont des êtres rationnels qu i vont vers les régions où il existe une chance de mieux gag ner leur vie») . La migra tion de travail, qu' elle soit rég ionale ou internation ale, répond à des inégalités de répartit ion des revenus entre deu x pays ou régi on s (TAPINOS, 1993 , MASSEY, 1993 ; STALKER, 199 5). En effet, l'émigration des Me xicain s et des Maghréb ins est cond itionnée par la recherche d'un tra vail. La population de notre zone d'étude ainsi qu 'une partie des M aghrébi ns ont ém igré d ' un milieu rural vers une gr and e ville amér icaine ou euro péenne. Le milieu ru ral ne favor isant pas la possib ilité de t rou ver une autre act ivité pr ofessio nne lle que celle de la te rre , il est plus facile de trou ver du trava il dans une grande ville. Inard Lombard : « Une monragne en voie d'abandon? » 79 La crise économiqueet les migrations internationales 80 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Indicateurs Tab\. VIl- Quelques indicateurs globaux de la pauvreté en milieu rural africain, 1985. Ensemble pays en développement subsaharienne' Part de la population rurale en-dessous du seuil de pauvreté (1985) 37 % 65 % % des besoins journaliers en calories (1985) 109 % 92 % Afrique Source: PNUD, 1992, 1994. . En dehorsde Maurice. des Seychelles, de Djibouti, du Cap-Vert et de SaoTomé. La durée de l'émigration Cette migration internationale de l'Afrique du Nord (et de plus en plus, d'Afrique subsaharienne), dominée par une migration de travail, est généralement considérée comme temporaire et de plus ou moins longue durée. L'idée de départ est de partir dans un autre pays pour travailler et ensuite, de revenir au pays natal. La suite est bien souvent différente puisque les émigrés choisissent souvent de rester dans le pays d'accueil. De même, la durée de la période de migration s'allonge (RUSSEL et al., 1990, RUSSEL, 1998) Cela ressemble aussi beaucoup à ce qui prévaut de l'autre côté de l'Atlantique Évolution du type de migrants Au départ, la migration implique surtout des hommes de 15 à 34 ans qui occupent des postes faiblement rémunérés. Au Maghreb, depuis plusieurs années déjà, on observe une augmentation de la migration féminine dans un but de réunification familiale (RUSSEL et al., 1990 ; RUSSEL, 1998). Une telle évolution a aussi été évoquée, plus haut, à propos de l'émigration des Mexicains et des Latino-Américains aux Ëtats-Unis. Synthèse On retrouve beaucoup de similitudes entre la migration des Africains (en particulier, les Maghrébins) en Europe et la migration des Mexicains aux États-Unis. Ces deux migrations sont largement conditionnées par une insatisfaction du niveau de vie et par la recherche d'un travail permettant une amélioration des conditions de vie. L'évolution tend vers une migration durable et, de plus en plus, vers une migration définitive. Les migrants partent pour satisfaire les besoins familiaux tout en conservant des liens très forts avec leur famille et leur village natal. L'importance du regroupement familial est une donnée qui pousse les femmes (et leurs enfants) à rejoindre leurs maris dans le pays d'accueil. De plus, la différence des salaires entre le pays de départ et le pays d'émigration est toujours trés élevée. Cela permet aux migrants d'en- voyer de l'argent aux familles restées au pays et par là, de faire vivre le village. En 1991, près de 5 % des Maghrébins résidaient hors du territoire national et alimentaient un flux de devises estimé à plus de dix milliards de francs (SIMON, 1983), provenant essentiellement du revenu du travail. Depuis, cette somme, augmentée des apports des migrants d'Afrique subsaharienne, a dû se rapprocher des 5,5 milliards de dollars apportés par l'émigration mexicaine aux États-Unis. Dans les deux cas, on est passé d'une migration temporaire à une installation définitive et les migrants ont apporté de nouveaux éléments culturels, en même temps qu'ils s'appropriaient les traits culturels du pays du Nord où ils se sont installés De plus, la migration économique, de travail, est devenue un apport indispensable à la vie économique, sociale et culturelle du Nord. De l'autre côté de la frontière, la vie de ces émigrés mexicains est bien loin du « rêve américain ». Pour la plupart, après avoir traversé la frontière de façon clandestine, ils travaillent dans des fabriques et vivent entre Mexicains de la même famille et du même village. Leur intégration dans la vie américaine est faible à la première génération; certains ressentent cela comme une véritable injustice. Par contre, dès la régularisation de leur situation, les émigrés s'assimilent très vite aux habitants des États-Unis, surtout au sud, qui appartenait au Mexique Jusqu'en 1848. Mais sur place, l'abandon de la Réforme agraire et le départ des trois quarts des habitants ont transformé les villages, où les conditions de vie se sont nettement améliorées, mais pour un nombre très restreint d'habitants Inard Lombard: « Une montagne en voie d'abandon? » 81 Conclusion 82 Références AMI N S., 199 5 - « Migrations in Temporary Africa. » ln Baker J., Aina TA (eds) : The Migration Experience in Aftica, Stockholm . Sweden, The Nordic Africa Instlture : 25-3 6. 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Luc Descroi x Encadré 3 Un contexte démographique et économique de transition Démographie comparée de la Sierra Madre avec celle de deux autres régions agro-pastorales Le milieu anthropisé auquel on s'intéresse ici est aujourd'hui dans une situation originale de transition démographique et socio-économique L'émigration a vidé les villages de leurs habitants et plus encore de leur force de travail, mais la surexploitation de l'espace persiste, voire s'aggrave du fait de la pression pastorale. Ce type de surexploitation des pâturages est-il représentatif d'une région ou d'une période") Il est intéressant de voir ce qui se passe ou ce qui s'est passé, ailleurs dans un passé plus ou moins récent. Dans certaines régions, la surexploitation de l'espace fait partie du passé et les paysages montrent des signes évidents de dégradation dus à la déprise, ailleurs, on observe seulement de nos jours les premières traces de surcharge pastorale. L'accès à l'eau et aux herbages est décidément un problème permanent de ces cultures. Cette région est replacée dans le contexte global de la mondialisation qui a accéléré les migrations et les mutations des espaces dues à des causes lointaines Une étude comparative est effectuée avec deux autres régions d'économie agro-pastorale, sur deux autres continents. - les Préalpes du Sud où la « transition démographique» est achevée depuis longtemps et où la déprise rurale est eujourd'hui à l'origine de la plupart des problèmes d'aménagement, - le Boundou, région agro-pastorale du Sénégal oriental où la natalité et la croissance démographique sont encore très élevées et où l'espace est depuis quelques décennies occupé à 100 %, ce qui rend délicat un accroissement des ressources (DESCROIX, 2002) géographe-hydrologue 84 Surexploitation ou mauvaise gestion de l'espace: de la crisefoncière à la deprise u d'eau menacé On constate que, dès le XVIe siècle, les Archives des paroisses rurales des Alpes du Sud rapportent de nombreuses plaintes et demandes des responsables et des habitants portant sur les dégâts causés par l'érosion et la torrentialité, et les attribuant au trop grand nombre de troupeaux en alpages Au Xlxe siècle, les ingénieurs du Génie rural et des Eaux et Forêts ont tant et si bien fustigé le cheptel ovin et caprin, « destructeur des forêts », que Les Préalpes du Sud le reboisement a été considéré comme le remède idéal à l'accentuation des ravages dus au ruissellement: on a peu à peu interdit d'immenses territoires aux troupeaux, et profité de la main-d'œuvre pléthorique des paysans obligés de réduire leurs troupeaux, pour effectuer les reboisements des parties les plus dégradées des versants. Mais la formidable progression des forêts est due à 80-90 % à la repousse spontanée des broussailles, puis des arbustes et des arbres (des pins essentiellement), sur les cultures et les pâturages abandonnés par les troupeaux. Le débat soulevé au XIxe siècle sur le rôle des troupeaux dans la dégrada- tion des terrains en montagne s'est poursuivi tout au long du xx e siècle, animé par géographes, forestiers, administrateurs, historiens, les uns défendant les troupeaux, les autres les vouant aux gémonies; il est clair qu'il ya eu surexploitation des terrains: surpâturage, mais aussi essartage inconsidéré et de nombreuses coupes à blanc sous l'effet de la pression démographique et de la « faim » de terre. Il s'agissait, c'est vrai, parfois, de constituer de nouveaux pâturages. Les ravines des « terres noires» sont très étendues et sont les stigmates omniprésents de cette période de surexploitation de l'espace. Elles continuent à être fonctionnelles (les marnes noires des bad-lands des Alpes du Sud connaissent une ablation de 5 à 70 mm/an), mais aujourd'hui, le plus préoccupant, c'est l'abandon des terrains, des terrasses, des canaux, des chemins, des haies, qui provoque, en plus d'une dégradation d'un paysage construit, des problèmes de stabilité des versants liés à la solifluxion. Le défaut d'entretien des drains et canaux, et l'accroissement des coefficients d'infiltration dû à l'embroussaillement sont des questions majeures qui se posent aujourd'hui à l'aménageur dans les Préalpes du Sud dépeuplées et désertifiées (même dans la vallée de Barcelonnette où on a observé le retour de certains émigrés, parfois enrichis, en particulier les « Mexicains »), On continue néanmoins de pratiquer l'élevage ovin traditionnel dans les Préalpes avec, suivant l'altitude, transhumance des troupeaux vers les Alpes en été, et, dans les secteurs les plus élevés, accueil des troupeaux de la plaine. Mais la charge pastorale, bien que localement en progression ces dernières années, est bien plus faible qu'au Xlxe siècle (et surtout que sous l'Ancien Régime, où les communautés rurales louaient leurs secteurs pastoraux aux éleveurs de Provence pour obtenir du numéraire) Elle s'exerce essentiellement sur des terrains abandonnés par l'agriculture, et non plus sur les terrains, bien plus pentus, qui surplombent ces anciens terroirs. Elle est passée de 1-2 ha par ovin à 2-4 haltête en un siècle, d'où la création de « contrats territoriaux» avec les éleveurs, afin qu'ils maintiennent l'espace ouvert (ALLAIRE et al, 1996). Oans ces terrains bien plus résistants (rhyolites, en particulier), la même surexploitation des pâturages dans la Sierra Madre n'a pas ernteïné les mêmes conséquences. Il semble, de fait, que le surpâturage y soit récent· si {es grandes haciendas pratiquèrent en général l'élevage bovin (et bien souvent aussi l'élevage ovin), il apparaÎt d'après les témoignages recueillis auprès des habitants, qu'à partir de l'instauration des ejidos il y ait eu, peu à peu (sans qu'on puisse en déterminer la cause: mauvaise gestion des pâturages ou réelle surcharge pastorale), amenuisement des réserves fourragères et, souvent, érosion des sols. Ceux-ci, de fait, apparaissent dès le début de la saison sèche parfois, souvent à nu sur des étendues de plus en plus grandes autour des villages, alors que, à 2 ou 3 km seulement des villages, des pâturages intéressants restent inexploités Les ravines sont assez rares dans le paysage et semblent autant dues à des concentrations de l'écoulement (caniveaux, drains) en liaison avec la construction des routes ou avec les cultures qu'au surpâturage Chemin desservaot les hameaux isolés de la sierra La concepciôn au-dessus de Tepehuaoes. Le haut bassin du Nazas 86 La Sierra M Ir occidentale, un châtCtlU d'eau menacé Le petit hameau de Toro Quemado au-dessus de Tepehuanes, très isolé au centre de la Sierra Madre occidentale. Comme c'est le cas dans les Alpes (surtout hors Préalpes), le piétinement du bétail se traduit par la formation de petites terrasses parallèles, appelées « pieds de vache» ou parfois mais à tort « terrassettes » (c'est le terme utilisé ici par analogie au terme espagnol, voir DfRRUAU 1974, où la distinc- tion entre pied de vache et terrassette est très clairement décrite) sur les versants, de 20 à plus de 45° parfois (comme à La Posta de Jihuites) On les trouve même dans des secteurs qui ne semblent plus surpâturés aujourd'hui, témoignant peut-être des anciennes surcharges pastorales. On observe aussi que les abords des routes (et, en particulier, l'espace compris au bord des routes, entre la chaussée et les clôtures de barbelé) sont souvent bien plus pâturés que les pâturages voisins, ce qui pourrait être dû à l'abondance de l'herbe favorisée par l'eau venue de l'impluvium formé par la route. Par ailleurs, bien souvent, les limites d'ejidos, ou, dans un même ejido. les limites de potreros (vastes enclos de pâture pour le bétail) se voient très bien dans le paysage par la différence de pacage de part et d'autre des barbelés, l'un des côtés montrant un sol quasiment nu du fait du surpâturage, l'autre côté conservant un abondant manteau herbeux. Le surpâturage semble se poursuivre aujourd'hui, le nombre de vaches se maintenant, sans qu'il y ait extension des pâturages ni modification de la gestion. A noter que certains ejidos (comme Pilitas) sont suffisam- ment étendus pour que les éleveurs passent les mois de saison des pluies dans un rancho situé dans une partie lointaine de l'ejido pour soulager les pâturages proches du village, suivant le même principe que celui des montagnettes et des alpages dans les Alpes, mais sans aucun étagement altitudinal • cela permet de profiter des pâturages les plus éloignés du village, à plus d'une journée de marche. La charge pastorale théorique est en moyenne de 5 ha par vache (UGB), mais le manque de points d'eau amène souvent à de trop grandes concentrations autour des villages et des arroyos Comme la charge souhaitable est de 15 ha/UGB en moyenne, la densité est trois fois trop élevée. De plus, la forêt, sans reculer (les coupes à blanc sont interdites au Mexique), perd une grande partie de sa valeur économique et dans d'immenses secteurs la forêt de pins, fierté de l'État de Durango, est cinq à dix fois moins dense qu'à l'état naturel. En revanche, dans les secteurs surpâturés (savane à chênes), le nombre d'arbres a été multiplié par 2 et même par 4 de 7974 à 7994 Cette augmentation ne concerne que de jeunes pins, et non des chênes qui sont la formation climacique. Cette reconquête très rapide par les pins serait en fait un signe de dégradation de l'écosystème, les jeunes pins, non appétants pour le bétail et n'étant plus concurrencés par l'herbe disparue, peuvent pousser alors que les chênes sont broutés très rapidement. Une série d'années sèches et très sèches (7994, 1995, 1997, 1998, 1999, 2000 et 2007) et la Réforme agraire de 7992 (rétablissant la propriété privée sur toutes (es zones rurales) ont accéléré le processus migratoire (cf « Une montagne en voie d'abandon 7 », p. 65) La surexploitation semble installée depuis des décennies, et l'état des sols (cf 3 e partie) laisse peu de doute sur celle-ci, il est d'autres régions où les traces de surexploitation des pâtures sont récentes (parfois dues à la sécheresse) mais pourraient aussi conduire à de graves modifications du milieu. Ce type de surexploitation est encore plus sévère dans un autre système agro-pastoral tropical, le Sahel, où la croissance démographique, supérieure à 3 %/an en zones rurales, exacerbe les conflits pour l'espace et pour les ressources. Dans cet ancien royaume du Sénégal oriental, situé au contact de la vallée de la Falémé, afffuent de gauche du Sénégal à la frontière avec le Mali, l'économie pastorale est confrontée chaque jour davantage à la diminution de surface des pâtures au profit des cultures. Bien qu'ils soient installés sur des plateaux extrêmement plats, les villages du Boundou (Goudiry Foulbé, Sinthiou Boubou, Sinthiou Alassane, Doulouyabé, Dakaba ont entre 50 et 350 habitants) n'en connaissent pas moins des problèmes de dégradation des sols, en partie liés à la gestion Le Boundou La Sien. des troupeaux. La charge pastorale est ici de 5-6 ha par bovin, pendant l'hivernage (saison des pluies de juillet à octobre), le troupeau est au village ; de fin octobre à février (saison sèche treiche), le troupeau part en « petite transhumance» à 5 ou 30 km vers le sud-est (en direction de la vallée de la Falémé) De mars à juin (saison sèche chaude), 30 % du troupeau part en « grande transhumance », également vers le sud-est dans un rayon de 50 à 130 km, les autres bêtes restant au village. Les points d'eau sont assez rares, et de ce fait, le piétinement dans leurs alentours est importent : les photographies aériennes de la zone soudeno-sehé- lienne montrent la convergence des sentiers du bétail vers ces points d'eau, et les tâches de plusieurs km 2 parfois de sol nu qui les entourent, du fait de la surcharge pastorale. Entre 1953 et 1982, on a obsetvé : - la progression (à peu près proportionnelle à la croissance démographique) de 50 à 100 % de la superficie des terroirs villageois: champs de case et surtout champs de villages, - la stabilisation, voire la régression de la superficie des champs de brousse (ouverts dans la forêt claire tous les 2-3 ans et abandonnés ensuite plusieurs décennies à la repousse, - jachère longue -), - l'extension rapide des zones ravinées autour des villages, surtout sur les rebords des plateaux, là où le bétail passe quotidiennement pour aller s'abreuver aux points d'eau (les puits sont, logiquement, situés dans les bas-fonds). La surcharge pastorale n'est pas trop forte en temps normal: il y a globalement équilibre entre ressources et bétail. Mais le nombre d'années sèches ayant beaucoup augmenté ces dernières décennies, une nette surexploitation des pâturages est apparue, la conséquence première a été la surmortalité bovine. Malgré tout, le cheptel s'est assez vite reconstitué grâce à l'argent de l'émigration, après les plus dures années de sécheresse. Cette dégradation s'observe partout au Sahel, mais elle est plus drastique lorsque le prélèvement herbager s'accompagne d'un déboisement destiné à alimenter les villes en bois de cuisine (comme autour de Dakar ou de Niamey). Le point commun des trois types d'exploitation et des dégradations constatées sur l'espace rural est le surpâturage. De fait, l'élevage extensif est habituellement l'activité dominante des zones rurales peu peuplées. Dans la phase antérieure à la transition démographique, les sociétés rurales connaissent un accroissement des densités de population qui se traduit par une intensification d'un système souvent ancien mais adapté à de faibles densités. Cette évolution provoque assez rapidement une diminution de la productivité des herbages. La dégradation des terroirs et des écosystèmes est le fait autant de la surexploitation que , parfois, de la dép rise. Si la situation des Préalpes du Sud évoque une évolution biostasique croissante, du fait d 'un fo rt développement de la surface boisée, elle n'en cache pas moins un profond problème de stabili té des terrain s et de certaines formatio ns végétales secondaires, don t la présence est li ée à la dép rise agricole . L'évolu tion vers les formation s prima ires ou climaciques est-elle assurée, ne va-t-on pas vers un enrésinement qu i p ourrait apporter d 'au tres déséquilibres (incendies, in vasions par la chenille processionna ire, etc ) ? La progression très rapide du manteau forestier et des broussailles semble alle r de pa ir avec l 'accrois sement des déséquilibres du terrain. Ceci est lié à la fois au manque d 'en tre tien des terro irs (drai ns, canaux, murets, etc) et à la progression du couvert végéta l qui eccroit l'infiltration des eaux. Ces processu s ont aussi pu être observés dan s les Alpes du Nord. Malgré un renouveau démographiq ue constaté localement depuis une vingtaine d'a nnées, et lié au développe ment d'a ctivités de loisir, la déprise est ici totale . Elle se traduit par une baisse de la population , une dimi nution importante du chep tel, un défau t d'entreti en des ter roi rs et une reconquête de la forê t et également par des déstabil isations de versants Dans la Sierra Madre occiden tale, des déséq uilib res flagra n ts se fo nt jo ur depuis quelques décennies, mais on est là dans une phase de surexploitation de l'espace : surpâturage et déb oisemen t massif entreinent (com m e au x/xe siècle en France et au moment du maximum démograp hiqu e, semble-t- il) une dégrada t ion des sols qui ell e-mê m e rendra plus difficile la recon stitu tion des ressour ces fo urragère ou fore stière. La sensible progression du nombre des arbres sur les parcours (ceux qui voient la formation des « terrassettes » de surpât urage) est en fait un signe de dégradation, puisqu'ils tém oignent d 'une disparition de la concurrence de l'herbe p our la p ousse des jeun es pin s. Les revenus de l'extérie ur p ermettent un niveau d e vie amélioré, ce qui pour le momen t a évité une crise ou verte du e au manque de ressources renou velab les. Dans ce cas, la dép rise est part ielle ; on assiste à une t rès forte dimin ut io n de la pop ulat io n par émigr at ion (dans cert ains vill ages, les trois quarts des maisons sont abandonnées), mais le cheptel se maintient, et avec lui le surpât urage , qui s'aggrave même du fait que les pâturages sont de moins en moins bien gérés, f aute de main-d'œuvre. A u Sénégal orien tal, le cumul de la croissance démographique resté e forte et des années de sécheresse a provoqué un déséquilibre du sys- Conséquences de la deprise et de la mauvaise gestion de l'espace occi tème agraire traditionnel, basé sur l'élevage extensif, l'agriculture villageoise et l'agriculture itinérante sur brûlis. La jach ère longue a dû être raccourcie, les troupeaux augmentés pe u à p eu, avant l'apparition de la terrible sécheresse des année s 1968-1985 Cela s'est traduit par un e exploitation accrue d 'un système dont la production prima ire baissait alors pou r des raisons climat iques La dégradation des formations végétales est difficile à cartographier, mais l 'extensi on des zones érodées, au rebord des plateaux en particulier, est visible dans le paysage : elle est bien le signe d'un e surexploi tation qui n 'aurait pe ut-être pas été mise en évidence imm édiatement, sans la péjoration climatique de ces dernière s décennies. La pression sur le mi lieu se maintient et s'accroît mê me localem ent, du fait d'une hausse de la population (et du chept el) ; surpâturage et surexploitation devraient se po ursuiv re les proch aines années , et le risque d' une crise sociale est élevé, en part icul ier en cas de no uvel épisode de sécheresse. On peu t do nc clairement disting uer les tro is régions et ill ustrer leur évolution en terme d 'occupation de l'e space. Cette évolu tion est schématisée par la figure /II. Le Boundou (chiffre 1) commence à peine sa transition démograp hiq ue, et l' ut ilisation de l' espace y est régie par le besoi n d 'alimenter un nombre croissant d 'habitants: l'espace culti vé croit, bien que de manière très modérée. L'accélération dans la rotation des cultu res et la baisse des rendements agr icoles con comitants n'ap paraissent p as. En revanche, la figure III montre clairemen t que la pression sur l'espace se traduit par une dégradation des sols (augmen tation des secteu rs érodés). Les communes de la Sierra Madre (chiffre 2) ont entamé depu is deux ou trois décennies leur tran sition démographique ; mais elles ont été presqu 'aussitôt vidées d 'une grande partie de leurs habitants, ce qui n'empêche p as le main tien du surpâturage et une défore station rapide (la vente des lo ts de bois rapporte des sommes supplémen taires aux villageois). « Les caillou x pou ssent », ainsi s'expriment les hab itants de la sierra devant l' amincissement des sols liés au surpi étinemen t. Cette XIXe expre ssion étai t courante également au siècle dans les Alpes du Sud (chiffre 3), rég ion où la transition démographique est achevée, et où les problèmes de stab ilité des terrains, souvent liés à un défaut d'e ntreti en de l'ancien terroir, ont remplac é les ravinements et la to rrentialité qui a donné bien du fil à retordre aux génération s de paysans ju squ'au début du xx e siècle. Le reboisement, surtout spo ntané, y est la conséquence la plus visibl e de la déprise. Transition démographique Portion de l'es pace non utilisé dé prise , abandon (terrains peu fertiles. pentus, éloig nés , etc.) Transition spatiale de l'espace rural ----- \ -~ -> ------- /' /' .------ Surexploitation de l'espace rural Fig. \ll- Transition dém ographique et transition spatiale de l'utilisation de l'espace rura l. I- ~ -' ~ »<~ / - ~ ~ ~ - Accroissement de l'espace mis en vale ur par actif : augmentation de la tai lle des exploitations (terrai ns fertiles . peu pentus , etc.) ..--2 Espace effectivement mis en va leur par actif rural /r------------------- Population n lfa L'occupati on de l'e space et l'équilibre des ressources so/-végétation-eau qui en résult e dépenden t bien sûr des conditions naturelles et des conditions d'exploitation du milieu . Ils dépenden t beau coup de la manière dont l'utilisation de l'espace se développe en fon ction des conditions naturelles À ce suj et on peut facilement distinguer . - un Mexique du Nord « ne uf », ancienne « fro ntière » où l' homme a parfois gard é l'esp rit pionnier qui fait que la ressource (l' espace, le sol, la végétation, l'eau, les riche sses min érales, etc ) est sou vent appropriée par le premier qui l'utilise (comme dans le cas de ce qui est devenu entre temps le modèle de l'O uest américain) , - un Mexiqu e du Centre et du Sud où de tr ès ancienn es civilisations (l'irrigation est attestée depuis plus de trois millé naires dans la vall ée de l~ Conclusion 1 : Bo und ou 2 : Sie rra Madre 3 : Alpes du Sud 92 La Sierra Madre occidentale. unchâteau d'eau menacé Tehuecen (États de Puebla et Oaxaca) et l'agr icultu re depuis plus de 2000 ans dan s les alen to urs de Mexico) on t a la fois façonn é les pay- sages et p erm is aux p aysans et aux habi tants d 'adapte r les systèmes cultu raux aux conditions nat urelles : les andosols y son t a la fois très riches et fert iles mais fragiles et ils nécessitent des prat iques demanda nt une forte intensité de main-d'œuvre a l'h ectare afi n de réserver ces bon nes condi tions naturelles. La Sierra Madre occiden tale est jusqu 'a maintenant typique du premi er groupe, car les popula tio ns amérindiennes qui l'occupent parfois dep uis des millénaires n 'ont été sédentarisées qu e récemm en t. En dehors des enclaves minières (celles qu i ne sont pas devenues des villes fantômes se sont transform ées en grandes exploitat ions a ciel ou vert), la colonisation « mexicaine » p ourtant très récente (un siècle au maximum sous forme d 'hacienda s, une cinquantaine d 'an nées de système ejidal) n'a mis qu 'une ou deux génération s à arr iver à la surexplo itation de l'espace. Références ALLA1RE LANGLET G. ( éd.) ; HUBERT B. (éd.) , A. (éd.), 1996 - Nouvelles Jonctions de l'agriculture et de l'espace rural E!Jjeux et dtjjis identifiés par la recherche. Paris, lnra-D lï.. 3 13 . (Actes du colloque fina l de l'Act ion Incitati ve Program mée 1993- 1995) D ERRUAU M . 1974 - Précis de géomorpholog ie. Paris, Masson, 452 p. D ESCROIX L., 2002 - Le rôle de l'homme dan s l'entretien et la dégradation des sols des région s à faible dens ité de popu lation, analyse à travers trois cas de figures . Revue de Géographie du Québec, (46), 128 : 215-235 . Marie-Areti Hers archéologue Le prefet Hervideros Oscar J. Polaco archéologue Un regard sur lepassé préhispanique de la Sierra Madre occidentale du Durango, Mexique En 1992, la Universidad Naclona/ Aut6noma de México commençait le projet Hervideros (mot signifiant « fourneaux ») dans le but d'étudier l'histoire ancienne d'une région aux confins septentrionaux de la Méso- Une région frontalière Amérique' la portion nord de la Sierra Madre occidentale de l'État de Duranqo '. Rappelons tout d'abord que l'aire dite « méso-américaine » correspond à l'ensemble culturel et linguistique qui comprend le sud du Mexique et le nord-ouest de l'Amérique centrale; elle regroupe les grandes civilisations telles que celles des Toltèques, des Olmèques, des Mayas, des Totonaques, des Aztèques, etc) ; elle a connu de fortes fluctuations sur sa frontière septentrionale. Durant le premier millénaire de notre ère, elle a atteint son extension maximale, suivie à partir du divers mouvements de contraction et expansion. A IXe siècle de l'arrivée des Espagnols, la frontière se trouvait des centaines de kilomètres plus au sud, le long des fleuves Lerma-Santiago y Moctezuma-Pànuco. Au-delà de cette limite, l'immense territoire était occupé par des peuples nomades, appelés génériquement les Chichimèques. De l'ancienne Méso-Amérique septentrionale ne restait plus que la partie correspondant à la Sierra Madre occidentale et à la côte du Pacifique Ainsi, tout au long de cette histoire fort mouvementée, la Sierra Madre occidentale a joué un rôle d'intermédiaire pour l'avancée vers le nord des peuples et du mode de vie méso-américains et pour l'établissement des liens avec les lointaines contrées de ce que l'on appelle actuellement le sud-ouest des USA (et que nous nommerons ici « South West» pour éviter des confusions) 1 Le projet Hervideras est mené par l'instituto de trwestiqecione: Estéticas de la Unam, en collaboration avec l'instituto de Investigaciones Antrapol6gicas de la même université, le Centre d'études me xicaines et centraméricaines (Cernca). la Subdirecci6n de Laboratorios y Apoyo Académico de l'instituto Nacional de Antropo/ogia e Historia, la Universidad tuerez dei Estado de Durango, le Centra Interdisciplinano de Investigaci6n para el Desarrallo Integral Regional-Unidad Durango du tnstituto Politécnico Nacional. Les travaux ont reçu l'appui financier du Consejc Nacional de Ciencia y Tecnologia (proyectos 0451-H91 08 Y 3286-H9308) et de la Direcci6n General Asuntos dei Personal Académico de la Unam (prayecto IN 402494) 94 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé Pour comprendre la dynam ique d'une frontière aussi fluctuante dans le tem ps et dans l'espace, il était indispensable de couvrir une rég ion t rès vaste qu i témo ig ne à la fois de la gra nde variété des milieux nature ls qu' off re la cord illère et de la dive rsité des peup les et cu ltures mi s en contact dans cette zone f rontalière. De ce fait, le projet f ut div isé en une dizaine de sous-projets dont les aires de recherches respect ives se sont distribuées sur une étendue d'environ 200 km nord-sud et est-ouest et qui comp rend tant les vallées du flanc orien ta l, que les hautes terre s fr oides de la partie centrale de la sierra et les profondes quebradas Les respon sables des divers sous-projets sont Chri stophe Barbot (étude exte nsive du bassin du Tepehuàn), Femando Berroja lb iz (étude inten sive du haut Ramos). Marta Forcano (art rup estre sur toute l' aire du proje t), Marie·A reti Hers (étud e approfondie du site de Hervideros, art rupest re sur le 2ape et prospections archéologiqu es sur le Zape et le Rames), José Luis Punzo (Me sa de Tlahuitol es. hautes terre s des xiximes entre le San Lo renzo et le Piaxtl a), Dol o res Soto (les chasseurs-coll ecteu rs dans les terres f roide s du haut-Humaya) et Yoshiyuki Tsukada (étude du site majeur de Mo lino et de la rég io n du lac d e San riagujl/o). Dans les quebradas, nous avons effectu é collectivement diverses enquête s dans les bassins du haut-H umaya, du haut-San Lorenzo et du haut- Piaxt la. Pour une présenta tio n de chacun des neuf sous-p rojets et de leur st ratég ie partic ulière de recherches, cf . HERS et al. 1998 . 2 (canyons) du versant cuest - . Dans la Sierra Mad re occidenta le, la présence méso-américaine ne s'est pas traduite, comme ailleu rs, pa r de grandes ville s avec pyramides et palais sompt ueux. Elle se reconnaît néanmoins par des caractéri stiques essentielles comme une écon omie basée sur le maïs, une organisa tion sociale propice à une forte humanisation de l'espace con stitué surtout de terrasses, et un réseau commercial comp lexe et dense sur de t rès grandes distances . Cette présence se distingue par un bagage techno lo gique particulier en ce qui concerne l'industrie lithique et la céramique, un ensemble de croyance s religieu ses, de pratiques rituelles et de symbo les qu i se reconn aît au-delà de ce qui fut pro bab lement une grand e diversité ethn ique et lin guisti qu e. Dans leur avancée vers le nord, ces M éso-A méricains f rontaliers sont rentrés en contact avec des peuples fort différents. A l'e st, en particul ier dan s le bassin du Nazas en aval de la confluence des fleuves Ramos et Santa Ma ria dei Oro et juste à l'est de la lagune de Santiaguillo, les te rres étaient trop arides et in hospita lières pour les agriculteurs méso-amé ricains, mais elles accueillaient des peuples nomades de chasseurscueilleurs qui n'ont pas enco re fait l'objet d 'ét udes (fig . 12). A l' ou est, l'archéol ogi e de la plaine côt ière du Sinaloa est encore très mal connue. On y a détecté de fortes fluctuations de la f ront ière culturelle méso-américaine, mais on ignore encore pr at iq uement tout des occupant s non méso-américain s. Durant plu s d'un millénaire, la limite apparente du territoire fut le bassin du rio Piaxtla dans la portion sud de l'État. Puis, ent re le xe et le XIIIe siècle, à l'i nverse de ce qui s'est passé sur le plateau cent ral, a eu lieu une formi dable expansion , sur plu s de 300 km, jusqu'au rio Fuerte à la limite actuelle des États de Sinaloa et de Sonora . Finaleme nt. quelque temps avant l' arrivée des Espagno ls en 1530, on constate une con t racti on vers le sud sur près de 200 km, jusqu'au bassin du rio Culiaca n . Là, les t roupes du co nq uéran t Nuno de Guzman arr ivèrent à l'ancienne Culiacàn. ville commerciale prospère et dernier bastion méso -américain sur la longue route qui menait aux lointaines terres de Cfbol a (Zuni, dans l'actuel Nouveau-Mexique ) (f ig. 12). Au nord, au-delà du Durango colon isé par des peuples méso -américains , il faut trave rser le vaste Ëtat actuel de Chihuahu a, encore t rés mal Fig. 12 - Projet Hervideros dans le contexte général de la Méso-Amérlque et du sud-ouest des USA. Quelques sites de culture chalchihuires étudiésdans le cadre du prefet Hervideros 1 : Loma San Gabriel 2 : Coscomate 3 : Hervideros 4 : Tutuvelda 5: Molino 6: Gomelia 7 : Mesa de ttahuttoles Quelques autres sites de culture chalchihuites 8 : La Fezeria 9 : Alta Vista 10: Montedehum a I l : Cruz de la Boquilla 12 : Huistie 13 : Aflladero 14 : La Quemada 15 : Teül o - =- rio Mezquital-San Pedro 200 ~ 40 0 km Territoire de la culture chalchihuites et airede recherches du prefet Hervideros Hers et Polaco : « Le projet Hervideros » rio Lerma-Santiago 95 96 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé N 1 •• 1 . tltil',(l)'a yU0 " 1 1 1 1 1 l 'O,llf" ,, (lZ'Ùa 1 (\ -", '- 1 COsaia _-===-_==-_ SO Juo Fig. 13 - Aire du projet Hervideros da ns le nord -o ues t du Dura ngo . connu, avant d'atte ind re le terr ito ire des peuples de cultures Hohokam J Appel ée aut refois culture anasazi. et Pueblo Ancest ral! du Sou th West avec lesquels les Méso-A méricains septentrion aux de cult ure chalch ihu it es on t ent retenu de fortes rela- tions. Il est fort probable que ces liens se soient établis par des sentiers le long de la Sierra Madre occidentale considérée, à juste titre et comme le projet Hervideros l'a amplement confirmé, comme la voie naturelle la plus favorable (fig. 12 et 13) Cest dans le bassin du haut rio Florido, à la limite actuelle entre le Durango et le Chihuahua, près de la bourgade de Villa Ocampo, que se trouve le site de Loma San Gabriel, l'établissement méso-américain de culture chalchihuites le plus septentrional reconnu pour l'instant A partir de là, s'ouvrent deux routes possibles pour atteindre le South West. Au nord, le flanc oriental de la Sierra Madre occidentale, et au nord-est, l'ample bassin du rio Conchos dont fait partie le Florido et qui traverse les terres arides du Chihuahua pour rejoindre un des axes principaux de l'aire culturelle du South West, le rio Grande ou Bravo (fig. 12) En plus des routes naturelles qui ont mis les peuples des confins rnéso- américains du Durango en contact avec les ancêtres des Indiens Pueblos, comme nous le verrons, le Nord et, en particulier le bassin du rio Fuerte, ont signifié aussi pour la Sierra du Durango la voie d'entrée des Tepehuanes originaires des terres arides du Sonora. Pour comprendre la Sierra Madre occidentale comme agent actif de l'histoire, en raison des défis qu'elle présente à l'occupation humaine et des opportunités qu'offre son extrême variété de ressources, la perspec- Un projet interdisciplinaire tive interdisciplinaire était indispensable. Les recherches ont donc porté sur l'archéologie et l'histoire de l'art ainsi que sur les paléo-environnements l\Jous en présentons ici les principaux résultats". • Pour une bibliographie archéologique exhaustive du projet Hervideros, d. BRANI" et al. (2001) et CRA' : .AUSSEc (sous presse). L'étude des occupants antérieurs à la présence méso-américaine est difficile parce que leurs vestiges, en surface, se résument à des concentrations de matériaux lithiques. Les études, encore en cours, concernent certains de ces sites et une série d'ensembles de peintures rupestres (FORCANO 1 ApARlclo, 2000.489-510; BRANIFF etai, 2001.65-70). D'une manière fort préliminaire nous pouvons attribuer à ces anciens occupants de la sierra un rôle important à un niveau macro-régional C'est par leur intermédiaire qu'a dû se transmettre la tradition agricole mésoaméricaine Jusqu'au sud-ouest des USA durant le premier millénaire avant notre ère En effet, les anciennes manifestations d'art rupestre témoignent de contacts avec le South West. Il s'agit d'un art essentiellement abstrait, caractérisé par de longues bandes horizontales coupées Herset Polaco : « Le projet Hervideros » 97 Une période ancienne mal connue 98 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé d'éléments verticaux où s'intercalent des motifs astraux, des pointes de projectiles ou quelques animaux. La superposition de motifs chalchihuites sur certaines de ces anciennes peintures rupestres témoigne de leur antiquité. Ce sont ces peuples qui, d'une certaine manière, ont freiné durant la première moitié de notre ère l'avancée méso-américaine le long de la Sierra Madre. En effet, dans la portion méridionale de la cordillère (États de Zacatecas, Jalisco), depuis le début de l'ère avait fleuri une culture originaire du Sud et pleinement méso-américaine, appelée chalchihuites. Ainsi durant près d'un demi-millénaire, l'unique fleuve qui traverse la cordillère, le Mezquital-San Pedro, a joué un rôle de frontière dont la nature et la dynamique nous échappent encore complètement. Sur le haut bassin de ce fleuve, s'étend un immense champ de lave, appelé La Brena, à la confluence d'affluents provenant du nord et du sud. La colonisation méso-américaine de la culture chalchihuites 5 Pour certains auteurs qui proposent une définition spatialement fort restreinte de la culture chalchihuites, il saqit précisément du territoire de cette culture. Cf. KEl1EY, 1971 768-801 Les affluents du Sud irriguent une partie importante du territoire chalchihuites> colonisé dès le début de l'ère, et dont les vestiges se retrouvent par exemple sur les sites de Cruz de la Boquilla, près de Sombrerete, de Cerro Montedehuma près de Gualterio ou d'Alta Vista près de la petite ville de Chalchihuites (fig. 12) Au contraire, les affluents qui proviennent du nord et du nord-ouest traversent des terres sur le piémont oriental de la cordillère où l'on ne reconnaît aucune trace de population méso-américaine antérieure à 600 de notre ère. Il est difficile de savoir le r61e joué par La Brena au cours de cette longue période durant laquelle les colonisateurs ont freiné leur avance le long du flanc oriental de la Sierra Madre. Toujours est-il que vers 600 de notre ère, la Sierra du Durango a connu des changements considérables. Les colonisateurs chalchihuites ont pénétré dans La Brena et y ont laissé une marque indiscutable de leur présence. Ils ont gravé sur le sol de lave, des doubles cercles semblables à ce que l'on considère comme des marqueurs astronomiques caractéristiques de la grande ville de Teotihuacan. On peut dès lors considérer que l'expansion chalchihuites dans le Durango est liée en quelque sorte à la grande diaspora culturelle qui a suivi la fin tragique de cette grande métropole à la fin du Vie siècle et qui se retrouve dans les régions les plus diverses de la Méso-Amérique. D'une certaine manière, par leur caractère de marqueurs spatiaux-temporaires à la hauteur du tropique du Cancer, ces gravures sur le sol de La Brena renferment la signification symbolique que revêtaient probablement pour les Méso-Américains les horizons illimités du septentrion. Malheureusement, nous sommes encore loin de pouvoir la déchiffrer. On ignore encore les motifs qui poussèrent ces peuples du Sud à occuper tout le nord-ouest du Durango, avec ses vallées qui longent le flanc oriental de la Sierra Madre, ses terres hautes et froides couvertes de pins et ses quebradas extrêmement escarpées qui se succèdent sur le versant ouest, dominant la plaine côtière Par ailleurs, le caractère d'intrusion coloniale est attesté par le trait abrupt de cette présence méso-américaine, sans antécédents locaux Au contraire, l'origine méridionale de ces nouveaux occupants est, elle, solidement confirmée par les similitudes évidentes que l'on constate dans tous les domaines comme, par exemple, la structure de l'habitat, l'architecture, l'industrie lithique, ou la céramique. Par l'abondance de vestiges de toutes sortes et par la forte humanisation de l'espace naturel qui les caractérise, ces peuples chalchihuites originaires du Sud sont les plus faciles à étudier. En effet, malgré l'absence d'une architecture monumentale caractéristique de la Méso-Amérique nucléaire, les vestiges sont abondants et facilement détectables. Les terrasses d'habitat qui se succédaient sur les flancs et les sommets des élévations choisies pour assurer la sécurité des sites d'habitats et les plates-formes qui soutenaient chacune des constructions sont en générai bien conservées. Elles ont ainsi protégé efficacement les sites de l'érosion et les fondations en pierre des divers types d'édifications restent encore bien visibles en surface, ce qui permet de lever des plans précis et relativement complets des établissements. Au moyen de ces plans nous disposons en quelque sorte de fenêtres ouvertes sur l'organisation sociale de ces populations, avant même d'entreprendre des fouilles. De plus, les remblais de ces terrasses et de ces plates-formes regorgent de vestiges en tous genres (outillage lithique et restes de céramique, mais aussi matériaux moins résistants comme ossements, fragments de murs et de sols en terre crue, foyers, restes végétaux). Finalement, la coutume méso-américaine d'enterrer les morts sous le sol de la maison et de rester ainsi en étroite relation avec les ancêtres permet de localiser facilement les inhumations et la riche documentation qui les accompagne. Nous savons de la sorte que les colonisateurs méso-américains provenaient du territoire chalchihuites au sud. La manière dont les sites s'inscrivent dans le paysage nous permet de reconnaître les routes qu'ils ont suivies pour occuper le vaste territoire. La partie de la sierra la plus favorable semble avoir été celle des vallées du flanc oriental où les établissements se succèdent le long des cours d'eau. Néanmoins, ces agriculteurs se sont adaptés aussi aux terres froides des hauteurs et dès le début, ils ont commencé à s'installer dans les profondes quebradas Hers et Polaco : « Le projetHervideros » 99 100 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé L' ample ur des sites varie consid érablement selon la qua lité des terre s disponi bles et les ressou rces po ur assure r un syst èm e eff icace de défense. Leur éte nd ue oscille de la sorte entre 0,5 et plus de 30 ha. Dans t o us les cas, l'unit é de base est le patio o u espace ouv ert et aplani de plan quadrangul aire, entouré de lon gues plate s-for mes disposées en angl e droit et dest inées à so utenir les construction s. Ent re celles-ci, on établit difficilement une hiérarch ie qui permette de distinguer le temple ou la demeure de quelque dignitaire d'une sim ple mai son . En général , la fa çade est pourvue d 'une étroit e ba nquette qui semble avoir servi de base à un portique derr ière lequel s'alignent deux à quatre pièces conti guës. Souvent , au cent re du patio, se dr essait un petit autel quadrangulaire so utenu par un e plate-fo rme peu élevée. Quelle que soit l'ét endue des sites, ils sont tou s formés d'une agg lomération de patios refe rmés sur eux-mêmes qui semblent avoir correspon du aux unités parentales qu i st ruct uraient une organ isat ion sociale, de pr ime abord largement égalitaire sur le plan économi q ue mais, comme le suggère l'art rupestre, fort complexe sur le plan religieu x et/ou poli tique . Certain s type s de cons t ruct ions ont un caract ère publ ic et cérémoniel bien marqué. Il s'agit, par exemp le, du jeu de balle qui , dans ces confins de la Mé so-Am ériqu e, avait une form e part icu lièrement sim ple. Il s'ag it de deux plate s-f o rmes parallèles, basses et étr oite s qu i encadraient une aire de j eu fo rt mo deste, en moyenne de 4 à 5 m de large sur une douzaine de long . Ces dimensions mode stes nous révèlent que les équipes devaient sans doute se réduire au st rict mini mum , probablement seulement à deu x joueurs de chaqu e côt é, et c'est ain si d'ailleurs que se tr ouve repré sentée une partie de jeu de balle sur un site de gravures rup est res chalc hihu ites des centa ines de kilomèt res plus au sud, sur le haut rio Chapa lagana . Ces jeux de balle se retrouvent sur certains des sit es les plus gra nds mais aussi sur des pet its hameaux. Ils attestent de la présence dans ces confins d'une activit é sportive, à la fois ritue lle et religieuse qui avait gardé toute son impo rt ance à l'arrivée des conquéra nt s espagnols, comme nou s le rapportent les témoignage s des mi ssionnaires Jésuites parm i les Indiens xixim es et acaxees. La prat ique du jeu de balle, qui a de profondes racines dan s la Méso-Amérique nucléaire, s'est répandue jusqu 'au sud-ouest des USA avec des formes architecturales diverses et est con sidérée comme un des éléme nt s les plu s éloquents des relatio ns du South W est avec l'aire m éso-arn éricaine. sans aucun doute établies par l'i nt ermé diaire des col onisateurs chalchihuite s du Durango . Un autr e ty pe d'e space cérémo niel se ret rouve ent re autre s à Hervideros, à la co nflu ence des rios San ti ago et Tepeh uanes et à la Cha ncaca, en aval dHervideros. près de San José de Ramos (fig 13) Il s'agit dans chaque cas de constructions fort simples et très amples: un espace quadrangulaire de plus de 30 m de côté, au sol plat et dégagé, entouré d'un simple mur bas et étroit Nous en ignorons la fonction précise mais ces espaces semblent fort propices à de grandes assemblées. Ailleurs encore, comme sur le site de La Ferreria, dans la vallée de la ville de Durango et sur une série de sites sur les hautes terres, le sommet rocheux a été mis à profit pour lui donner l'apparence d'une grande pyramide en adossant à ses quatre flans une succession d'échelons rectilignes. Sur d'autres sites, comme à Molino dans le bassin du lac de Santiaguillo, on reconnaît les espaces publics par l'ampleur exceptionnelle de certains patios qui ont dû être le siège de cérémonies particulièrement importantes (TSUKADA, sous presse). Dans ces cérémonies, deux aspects de l'existence de ces colonisateurs devaient sous doute se refléter: la guerre et le rythme saisonnier du maïs. La guerre devait avoir une certaine importance dans leur existence, dans la mesure où les systèmes de défense ont marqué clairement la manière dont ils se sont installés dans le paysage. Ceci est surtout visible sur le flanc oriental de la sierra, c'est-à-dire celui exposé aux possibles incursions des groupes nomades qui occupaient les terres proches plus à l'est, là où la sécheresse constituait une barrière infranchissable pour les agriculteurs méso-américains. L'accent est mis principalement sur le contrôle visuel; ainsi les établissements occupent les hauteurs d'où l'on domine les panoramas les plus amples et où l'on peut voir une série de sites complémentaires afin de contrôler les mouvements sur une grande distance aux alentours. Dans certains cas, des murs protecteurs viennent renforcer les dispositifs défensifs. Sur les hautes terres froides, les colonisateurs ne semblent pas avoir dû se protéger car les établissements n'ont pas de système défensif tandis que dans les quebradas, certains établissements situés sur des lieux particulièrement escarpés nous indiquent une situation aussi précaire que dans les vallées orientales Le mars et le rythme des saisons et des travaux agricoles étaient fort probablement à la base de toute leur vie cérémonielle. Dans les vallées orientales, l'emplacement des sites nous indique en toute clarté que ces colonisateurs suivaient leurs traditions du Sud et leurs préférences pour les terres où l'on pouvait pratiquer les cultures humides et l'irrigation Il ne s'agissait certes pas d'oeuvres de canalisation importantes. On n'en a trouvé aucune trace et la force torrentielle de ces fleuves de montagne les aurait d'ailleurs immanquablement effacées. Il s'agissait d'ouvrages d'irrigation modestes, refaits chaque année et destinés à apporter un Hers et Polaco : « Le projet Hervideros » 101 102 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé supplément d'eau face aux pluies souvent capricieuses sous ces horizons, une garantie minimale de succès face aux rigueurs de la sécheresse pour obtenir une récolte par an. Nous n'avons certes aucune preuve directe de cette pratique modeste mais efficace d'irrigation. Nous disposons seulement des indices indirects que nous procure la structure de l'habitat tournée décidément vers les terres irrigables et organisée en établissements relativement denses et stables. De la sorte, le panorama est assez semblable à celui de l'habitat actuel et contraste fortement avec celui des Tepehuanes, qui, comme nous le verrons, étaient ouvertement tournés vers l'agriculture exclusivement pluviale Pour l'instant, ce sont les fouilles dans les abris rocheux de Zape Chico qui ont fourni le plus d'informations sur les cultigènes et les plantes sylLes abris de Zape Chico sont à mettre en relation avec l'établissement qui occupe le sommet de la meseta, Celu-c.. tout comme les abris rocheux sont des sites de la culture chalchihuites et sont datés du Vol' siècle. 6 Cf. BROOKS et al, 1962 , C ~ll E R , 1978 vestres utilisées par ces colonisateurs méso-arnericainsë. En plus d'une grande variété de haricots et de cucurbitacées, le mais domine la triade traditionnelle de l'alimentation méso-américaine et est représenté, entre autres par les variétés appelées Cristalina de Chihuahua, Harinoso de Ocho, Pima-Papago, Onaveno, Reventador, Chapalote, et Toluca Pop. Le fait que ces colonisateurs aient réussi aussi à adapter leurs cultures aux rigueurs du climat des terres hautes (altitude moyenne de 2 200 m) démontre la riche tradition agricole dont ils étaient les héritiers (PUNZO, 1999 et sous presse; BARBOT et PUNZO, 1997) Ces cultigènes sont encore pour la plupart en usage dans la région et jusque dans le South-West. Il faut néanmoins préciser que comme il s'agit de vestiges qui ne remontent pas au-delà du ViIC siècle de notre ère, ils ne peuvent nous éclairer sur la longue et complexe histoire des origines de l'agriculture dans le South West où l'on dispose de preuves de pratiques agricoles beaucoup plus anciennes. De la sorte, tout est encore à faire pour documenter la manière dont s'est transmise l'agriculture à partir de la Méso-Amérique nucléaire dès le premier millénaire avant notre ère, c'est-à-dire, bien avant que les populations méso-américaines elles-mêmes aient pris les sentiers du Nord. Au-delà de ces informations liées à la subsistance, l'art rupestre nous renseigne sur ces peuples chalchihuites, sur leur manière de penser et de symboliser leur paysage, de ratifier leurs alliances, de marquer leurs routes. Les ensembles de gravures et de peintures sont fort nombreux et déterminent un style caractéristique qui semble avoir fleuri surtout entre 600 et 900 de notre ère Les sites sont en général associés à l'eau, aux rivières, et aux sources d'eau chaude. Ils peuvent se trouver directement liés aux sites d'habitat ou à mi-chemin entre deux sites. Le thème dominant est sans conteste celui des quadrilatères verticaux à la manière de grands boucliers, parfois avec un personnage masqué placé derrière ou sur le côté Ces boucliers semblent être essentiellement des marqueurs sociaux, des références à des associations dont la nature est difficile à préciser. groupes de parenté, fraternités guerrières et/ou religieuses, ou unités territoriales Toujours est-il que ces assemblages de boucliers servaient à la fois, semble-t-il, à ratifier les alliances entre les groupes qui se retrouvaient dans ces sanctuaires régionaux mais aussi à souligner les différences qui permettaient de les reconnaître, car aucune décoration de bouclier pratiquement ne se répète. De plus, leurs agencements donnent forme à ce qui semble avoir été des hiérarchies bien marquées entre ces groupes, symbolisées par la taille des boucliers tandis que leurs relations sont exprimées par des superpositions qui les enchevêtrent et par des lignes qui les relient. Parmi les nombreux autres thèmes de cet éloquent art rupestre chalchihuites, on ne peut manquer de citer ceux qui témoignent sans équivoque des étroites relations que ces peuples avaient établies avec les habitants du South West. En particulier, on reconnaît le fameux flûtiste, populairement et erronément appelé Kokopelli, qui symbolise par excellence les cultures du South West où il apparaît dans l'art rupestre vers les mêmes dates et persiste de nos Jours tant dans les rites que dans les images sacrées des Indiens pueblos et en particulier des Hopis et des Zur'iis. Ici comme au South Wes1, il se présente sous des formes et dans des attitudes les plus diverses Un autre motif tout aussi important est celui du personnage féminin coiffé avec la caractéristique coiffure du « papillon ». soit deux grands cercles de chaque côté de la tête. Cette image qui apparaît égaiement vers 600 de notre ère dans le South West y a gardé encore de nos Jours sa signification puisquil saqit de la coiffure des jeunes filles hopis Ces témoignages de l'art rupestre ne viennent que confirmer ce qui avait déjà été établi quant aux relations entre la Méso-Amérique et le South West (CAROT et HERS, sous presse) et soulignent cette autre caractéristique tellement méso-américaine de la population chalchihuites : le goût pour les échanges, pour intégrer dans la vie de tous les Jours des éléments exotiques, l'art d'établir d'intenses réseaux commerciaux sur des distances considérables. Que ce soient des fines lames prismatiques d'obsidienne provenant de quelque source lointaine de l'Axe néovolcanique, des sonnailles en cuivre, des ornements en arnazonite", des coquillages et de la céramique de la côte du Pacifique, des roches les plus diverses pour leur outillage, les paysans chalchihuites, malgré leur relatif isolement et dispersion, ne se contentaient Jamais des seuls biens qu'ils pouvaient se procurer sur place. Hers et Polaco : « Le projet Hervideros » 103 7 Cette belle pierre verte provenait sans doute du sud du Chihuahua' étude en cours du géologue Ing. Ricardo Sànchez, du laboratoire de géologie de la Direction de laboratoires et appui académique de 1ïnstituto Naciona! de Antropologia e Historia. 104 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Il est cur ieu x à ce suj et que la route de la turquoise qu i a été proposée po ur expliquer la présence de cette pierre verte dans les sites chalchi huite s des Ëtat s de Zacatec as et Jalisco, au sud , n' a pas été con fi rmé e par les travau x dan s le Durang o . Son absence ou gra nde rareté , en effe t, est surprenant e pui squ 'on supposait que la turquoi se proven ait du South West. Or, bien que les liens avec cette rég io n aient été amplement co nfirmés, ces échanges n'ont pas compris celui de la turquoise et la que stio n de savo ir d 'où vie nt l'abo ndan te turq uoise réunie par les peuples cha lchihuites du Sud avec qui ceux du Durango étaient pourtant étroi tem ent appa rentés, du mo ins à leur ori gine , reste posée. Les trois étapes de la présence chalchihuites 8 Pou r une révision de la chron ologi e du Du rango préhîspan iqu e, cf. BE R RJO ~ ~ ,ZIB sous presse-b ; HERS, so us pre sse. On reconnaît trois grandes étapes durant l'occupati on méso-amé ricaine de ces con fi nsë. Entre le Vile et le xe siècle, les colonisateurs s'insta llent sur toute l'éten due de la sierra et jusqu 'au x so urces du Flor ido dans le bassin du haut Conchos, si ce n'est plu s au nord encore. C'es t à cette époque d'apogée, que s'établit un pont de relation s très étroite s avec les peuples du South West comme en témoigne l'a rt rupe stre. Durant le IX e ou xe siècle, les colonis at eur s du Dur ango ont ressenti les effet s d'un phén o mène encore ma l exp liq ué : l' aban do n de la major it é des ét abli ssem ents chalchihuit es du Zacatecas et Jalisco et l'occu patio n des lieux par des peuples du Nord , cult urellement fort d iffére nt s comme le furent, par exemple, les Zacatecos plus liés à la chasse et la cueillette qu'à l'agriculture et la vie sédentaire . Le territoire du Durango, lui, co nti nue à être occ upé par les Chalchihuites et, de la sorte, se transforme en un e enclave méso-américaine relativement isolée. Entre le xe et le XIIIe siècle, on constate apparemment une baisse démographiq ue dans les vallées orienta les. Les sites les plus grands sont abandon nés tot alement ou partiell ement. Par ailleurs, l'enclave du Durango reçoit l'impact de l'expansion méso-américaine sur la côte du Sinaloa (qui correspond à ce que l'on appelle le Complexe Aztatlan). C'est l'époque apparemment de l'occupat ion la plus dense dans les quebradas et de la construct ion de sites monumentaux spectaculaires. Les contacts avec le South W est prennent un autre aspect. On les reconnaît, par exemple, par la présence dans la sierra du Durango de nombreuses constructions dans les abris sous roche, similaires aux fameu x cliff dwellings du South West et, en sens opposé, par l'arrivée des clochett es de cuivre méso-américaines dans cette dernière région. A u XIIIe siècle, une aut re mig rat io n t ransforme rad icale me nt le panorama . Un peup le or ig ina ire d u Son or a, probable me nt au t ravers du rio Fuert e, pénètre le long des vallées orient ales, apparemment déjà abando nn ées par ses an ciens habitants chalchih uite s. Par con t re, dans les terres haut es et les quebradas de l' Ouest, on constat e un e con tinui té qui permet de reco nn aîtr e les peup les xixim es et acaxees décrits par les Espagnols comm e les hér it iers des anciens colon isateurs de cult ure chalchihuites du Vile siècle. A cette époque, ce sont les grandes villes tahues de la côte du Sinaloa qui dominent les relation s avec la Méso -Amérique au sud et le South W est au nord et en particulier l'ancienne Culiacàn qui prospère telle un Tomboucto u sur la route côt ière qu'emprunteront les premières expédit ions espagnoles vers les terres mythiques de Cibola . Les travaux récent s dans le Durango ont démontré que l'hypothèse d'une culture locale, appelée Loma San Gabriel (f ig. 12), antérieure à la Chalchihui tes (fig. 14), qui aurait perduré sans rupture majeure, depuis un lointain passé mi lléna ire remontant à la Culture du Désert et ju squ 'à la réalité actuelle des Tepehuanes n'est plus so utenable. D'une part , les sites att ribués hypot héti q uement à cette cult ure sur la base de tr avaux ext rêmeme nt préliminaires, se sont avérés app art enir pleinement à la culture chalc hihuit es, à part ir en particulier d'études dét aill ées de leur architectu re, de leu r indu stri e lithi que, de leur céram ique et de leur art rupestr e, en pl us de fou ille s dan s cert ain s cas. Qu ' il s'agisse de site s majeurs comme Hervider os (fi g, 15) ou plu s mode stes comm e, par exemple, Coscomate (f ig . 16), La Chancaca , La Candela (f ig. 17) ou Loma San Gabriel , dans tous les cas cette hypothétique culture Loma San Gabri el s'est avérée être le fr uit d'un manque de t ravaux q uelq ue peu approfondis et d'une idée préconçu e selon laque lle plus on se dirig e vers le nord, pl us l'occupation est « primit ive» et « simple ». Par ailleurs, un no uvel aspect de l'histoire ancien ne du Du rango commence à être connu en définissant dans sa pleine origina lité l'origine des Tepehuan es et la culture qu 'ils ont déve loppée lors de leur arrivée tar dive au XIIIe ( BARBOT, en préparation ; siècle dan s les vallées orientales de la Sierra de Durango BERROJALBIZ, 2005 , sous presse-a). Sur tou s les aspects, ils se différencient diamétra lement de leurs prédécesseurs méso-américains : ils installent leur demeure sans modif ier le ter rain , leurs const ru ct ion s sont extrêm emen t frag iles et n'ont pr ati quemen t pas laissé de t races. Les Tepehu anes ne se concentrent pas, mais se dispersent au contra ire en fer mes isolées, aux abord s des te rres de culture Ils éloign ent leurs morts et ne se préo ccup ent appar emm ent pas d 'éta bli r Hers et Polaco : « Le projet Hervidcros » 105 Les Tepehuanes, peuple originaire du Nord 106 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé , fig. 14 - Mesa dei cemal, mun ictpio de Guanacevi, motiva chalchih u iteiio superpuesto o 10 -=::. 20 cm Éta t de Durango. superposition d'un motif chalchihuites sur un ensemble ancien. (relevé de M-A Hers) des réseaux commerciaux importants. Le plus singulier est certes leur agricu ltu re qui dénote leur loint aine orig ine dans les te rres arides du Sonora. Ces nouveau x venus apporte nt en effet avec eux un nouveau type de culture, sans irrigation et sans intérêt pour les terres riveraines Une agriculture pluviale et un mode de vie particulièrement bien adapté à la sécheresse, que les conquérants espagnols auront bien du mal à comprendre et à défin ir selon leurs propres critères. Ma is, faut- il le rappeler, cette dern ière imm igration (celle venue d' Espagne) dans la Sierra Fig. 15 - Plan du secteur sud du site de Hervideros, municiplo de Santiago Papasqularo, État de Durango . On reconnaît une série de patios rectangulaires avec l'aurel respectif au centre et un jeu de balle . (Plan levé par M-A Hers ) Fig. 16 - Plan du site de la Mesa de la Cruz, Coscomate, municiplo de Guanacevi, État de Durango. (plan établi par l'auteur, avec la collaboration de Leslie Zubieta et Nina Meilin ; relevé des gra vures par l'auteur en collaborat ion avec Luis Miguel Quiotero et Felix Hernandez) .* .* 23 , 22 Mesa de la Cruz Coscomate, Guana cevi, Durang o 5 * a .4 * '. 3 * piletas grabadas en la roca * grabados diversos (là 23) • conjuntos de piletas, pocitos, vulvas, palmarcs y canales Hers et Polaco : « Le projet He/videras » "" 2 * 1 * 107 la 20 fi 108 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé Fig. 17- Un des nombreux panneaux gravés de La Candela , municfpio de Tepehuanes (relevé de l'auteur). du Durango fut part iculièrement destructrice. Les épidém ies, les travau x dans les mines, "écrasement sans pitié des mouvements de résistance et en général le chaos cultu rel entraîné par cette dernière invasion ont provoqué en quelques décennies la dispar it io n de la majorité des peup les indiens qui peup laient la région . Les paléopaysages Généralement, on attribue à des facteurs clima tiques ces grandes fluctuations de la front ière méso-américaine en raison de la menace de sécheresse qui pèse de nos jours enco re sur cette région . Dans le cas du Durango, il s'agirait de trois périodes de profonds chang ements : la co lonisation chalchih uites du sud au no rd et dans t out e la Sierra de Durango, à part ir de 600 ; ensuite , l'aband on des terre s du sud (Zacatecas et Jalisco) vers 850 et l' isolement con sécutif de l'en clave du Durango et, f inalement, la m igrat ion te pehuane origina ire du no rd- ouest durant le XIIIe siècle. Cependant, il est fort probable que ces chan- gements radicaux soient plus le fruit de phénomènes sociopolitiques très complexes et encore très mal documentés, que la conséquence de modifications significatives de l'environnement. Le point de vue des biologistes nous est indispensable pour avancer dans la solution de ce problème central. Le flanc est de la Sierra Madre occidentale présente une diversité remarquable d'écosystèmes engendrée par la topographie. Parmi ceux-ci, on trouve les zones semi-arides caractérisées par la présence de végétation épineuse, les plaines couvertes de pâturages, les barrancas au fond desquelles coulent des fleuves pérennes avec une végétation riveraine semitropicale, les systèmes lacustres de grande extension, les bois de pins, de genévriers et de chênes typiques des terres hautes et une grande quantité de ruisseaux de montagne. En raison de cette variété du relief et de la végétation, on trouve également une faune fort diversifiée qui peut être mise à profit. La complexité écologique de la région ainsi que son caractère frontalier, tant dans le temps que dans l'espace, et la grande diversité de ses modes de vie, rendaient indispensable le développement d'un sous-projet d'études de paléopaysages. Au cours de nombreuses campagnes sur le terrain, au rythme des saisons, les travaux se sont orientés vers quatre champs d'observation. L'étude des nids sous-fossiles et récents de rats des agaves du genre Neotoma est destinée à préciser la faune et la flore des alentours, au moyen de l'analyse des restes végétaux et fauniques contenus dans ces nids, et de la datation. Par ailleurs, on établit un inventaire qui recouvre une aire représentative de la variété écologique de chacune des zones étudiées par les divers sous-projets archéologiques. On dispose ainsi d'un schéma de référence de la faune et de la flore actuelles pour le comparer avec les données obtenues dans les nids et les fouilles Le matériel de la faune et de la flore recueilli en fouilles est analysé pour établir les milieux mis à profit par les anciens occupants et les ressources dont ils disposaient. De plus, les colonnes de sédiments permettent de déterminer la possible séquence d'éventuels changements climatiques à partir des restes de faune qu'elles contiennent, principalement des mollusques terrestres. Finalement, nous comptons compléter ces études par une analyse de pollens et phytolithes recueillis en fouilles. Parmi les premiers résultats obtenus, nous avons pu établir que la région comprise entre les villes de Canatlân et Tepehuanes est constituée par une série de vallées qui représentent une extension du désert de Chichuahua. Les vallées où se trouvent Santiago Papasquiaro et Herset Polaco : « Le projet Hervideros » 109 110 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Tepehuanes sont parcourues respectivement par les fleuves Santiago et Tepehuanes, lesquels s'unissent à la hauteur du site d'Hervideros pour former le Ramos (fig. 13) Malgré la présence de ces cours d'eau, la flore et surtout la faune correspondent à celles du désert semi-aride de Chihuahua et se transforment progressivement à mesure que l'on monte dans la sierra. Celle-ci présente une stratification bien marquée, pour le moins, en quatre communautés végétales (CORRAL DIAZ, 1994) Ces communautés sont déterminées par l'usage des sols, l'altitude et la précipitation pluviale annuelle. On doit y ajouter en plus leurs zones respectives de transition. Selon l'altitude, on trouve - La végétation des aires d'agriculture et d'élevage qui se situent entre 1 700 et 1 900 m d'altitude, généralement le long des marges du Santiago et du Tepehuanes. Traditionnellement, on y cultive le mais et le haricot. avec ou sans irrigation, en plus des plantes potagères, des vergers et des cultures fourragères. L'agriculture traditionnelle est en nette diminution face à l'élevage en pâturages de bovins et de chevaux et. à moindre échelle, de moutons et de chèvres. La végétation dominante dans ces zones se caractérise par un mélange de huizache (Acacia scbeitnerîï, mezquite (Prosopis ju/if/ora), nopa/es (Opuntia spp.), ocotillo (Fouquieria sp/endens), biznagas (Echinocactus sp., Echinocereus sp, Coryphanta sp.. Mami/aria sp.. entre autres) et de nombreuses brous- sailles associées à ces cultures, en plus des autres modifications apportées par l'activité humaine. C'est dans ce type de végétation que se trouve le site d'Hervideros, au sommet de la colline du même nom, laquelle présente un substratum rocheux en général bien drainé avec beaucoup de huizaches, diverses espèces de graminées et de cactacées, ce qui nous indique son caractère semi-désertique. - Les bois de genévriers, de pins à pignons et de chênes qui se situent entre 1 900 et 2 300 m. Parmi les éléments caractéristiques, on trouve les chênes (Quercus emoryi, Q. chihuahuana et Q. arizonica) et le pin de pignons (Pinus cembroides). On observe encore beaucoup de huizaches et les genévriers (Juniperus erythrocarpa). On note également une diminution du mezquite et du nopa/ de Durango (Opuntia durangensis) bien que d'autres espèces soient encore communes, en particulier le nopa/ cardon (0 streptacantha) dont les fruits sont fort appréciés dans la région pour leur douce saveur. - Les bois de pins, de chênes et d'arbousiers qui sont observés entre 2300 et 2 600 m. Les changements que l'on distingue dans la communauté des espèces consistent en la présence d'autres chênes (Quercus spp.). de pins (Pinus spp) et d'arbousiers (Arbutus sp.), De plus, la réduction du nombre de cactacées est notable, pour le moins sur les lieux de nos observations - Les bois de pins, de chênes et de sapins Douglas qui apparaissent dans la partie la plus élevée de la Sierra Madre, entre 2 600 et 3 000 m où l'association des pins et des chênes se maintient avec la différence que dans les lieux plus humides et les plus froids, on peut trouver le sapin Douglas (Pseudotsuga menziesii) et le pin ayacahuite (Pinus ayacahuite) De même, le tascate ou genévrier se présente sous la variété de Juniperus deppeana. - La végétation riveraine qui se présente le long des fleuves Tepehuanes, Santiago et Ramos, ainsi que des principales rivières tributaires qui descendent de la montagne, et contraste avec les aires voisines qui sont des terres de culture La flore est plus variée grâce à la présence de l'eau toute l'année. On y remarque en particulier les peupliers (Popu/us fremontù, le saule (5alix bonp/andiana), l'if ou ahuehuete (Taxodium mucronatum) et l'osier (Chi/opsis Iinearis). Bien que l'échantillonnage soit réduit, l'analyse archéozoologique de la région d'Hervideros témoigne d'un accès à ces différents milieux et l'éventail des espèces utilisées suggère que la chasse s'est maintenue comme une activité importante même pour les agriculteurs qui, dans ce domaine, ont pu entrer en compétition avec les chasseurs-cueilleurs. Parmi les vestiges archéologiques, on trouve les coquillages marins provenant de l'ocean Pacifique sous forme d'ornements. Parmi les vertébrés, les poissons sont représentés par trois taxa locaux les silures (Jeta/urus sp.), les Ciprinidae (Gi/a sp.) et les Catostomidae Ces dernières ne se trouvent pas dans la région actuellement. Parmi les reptiles, on note le serpent à sonnette (Crota/us sp.) et les tortues d'eau douce (Kinosternon sp.) Pour les oiseaux, la présence des cailles et des canards nous indique l'utilisation saisonnière des ressources Parmi les mammifères, soulignons parmi d'autres, la présence de l'ours grizzli (Ursus aretos) qui était certainement chassé sur les contreforts de la sierra, le cerf berrendo (Anti/oeapra americana), le cerf co/a b/anea (Odocoi/eus virginierius), le rat rata montera des zones arides (Neotoma a/bigu/a) et les lapins Du milieu semi-aride, on reconnaît le lièvre (Lepus ca/lotis), le rat rata montera et le cerf berrendo, bien qu'il existe la possibilité que celui-ci ait été importé parce qu'historiquement il n'a pas été enregistré dans la région. Hers et Polaco : « Le projet Hervideros » 111 112 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Des barrancas à la végétation riveraine, on remarque le mapache ou raton laveur (Procyon toton, le tatou (Dasypus novemcinctus) et la loutre (Lontra longicaudis), en plus des poissons, des tortues et la palourde d'eau douce (Anodonta sp) qui nous indiquent leur habitat dans les fleuves. Des bois, proviennent fort probablement le puma (Puma ccncolori, le cerf cola blanca, l'ours grizzli, l'écureuil des bois (Sciurus aureogaster), et le lapin (Sylvilagus floridanus) Le renard gris (Urocyon cinereoaergenteusï, le cacomixtle ou bassaride (Bassariscus astutus) et la moufette (Conepatus mesoleucus) peuvent provenir de n'importe lequel de ces milieux. Les conditions de distribution de ces ressources naturelles dans l'aire géographique ont permis tant aux peuples chasseurs-collecteurs qu'aux agriculteurs de les exploiter tout au long de l'année sans avoir à parcourir de grandes distances En effet, dans la sierra, la variété des ressources est accessible toute l'année en se déplaçant seulement en hauteur, depuis le fond des barrancas Jusqu'aux terres froides et boisées des sommets. Quant à l'étude de la faune actuelle, elle nous a confirmé la présence des espèces mentionnées, certaines spécifiques de milieux particuliers. De plus, elle nous a permis de certifier que les changements observés dans la région (fluctuations de l'humidité) n'ont pas affecté la distribution générale des écosystèmes, en raison de la pérennité des fleuves et des rivières, et malgré de possibles variations strictement locales dans leur extension. Elle nous a également montré que les changements constatés actuellement dans la zone sont le produit de la pression démographique et de la modification du milieu créée par l'activité humaine. Références BARBOT c., en préparation - Habitatet populations agricoles préhispanioues dans le bassin du do Tepehuanes, Durango, Mexique. Tesis doctoral en arqueologia, université de Paris-L BARBOT C., PUNZO J. L., 1997 - Antiguos carninos en el Noroeste duranguerio : supervivencia de una tradici6n prehispànica. Trace, 31, Cernca, México: 22-34. BERRO)ALBlZ F., 2005 - Formas de asentamiento en el valle de! no Santiago Papasouiaro. Durango. Tesis doctoral en Antropologia, Facultad de Filosofia y Letras, Universidad Nacional Autonérna de México. BERRojALBLZ F., sous presse-a « Desentraâando un norte diferente : los tepehuanes prehispânicos dei alto rio Nazas ». ln Cramaussel C. 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Le Mexique est indéniablement un des pays où la richesse et la diversité culturelle sont les plus grandes à l'échelle mondiale. C'est un peu moins vrai dans le Nord, beaucoup moins peuplé que l'ensemble du pays (10 à 30 hab.lkm 2 suivant les États pour une moyenne nationale de 50 heb.tkrn»). Mais comme dans l'ensemble du pays, les Mexicains appellent indigènes les gens dont la langue maternelle est indigène. Ceux d'entre eux qui ne parlent pas l'espagnol sont eujcusd'hui peu nombreux du fait de l'énorme effort de scolarisation mené par le Mexique depuis la Révolution Un article de Courrier international du 18 août 2003 fait état d'un rapport des Nations unies insistant sur la ségrégation dont sont victimes les populations indiennes du Mexique, se basant sur des enquêtes menées auprès de toutes les ethnies importantes; concernant la Sierra Madre, cette enquête a touché les Yaquis, les Tarahumaras, les Tepehuanes et les Huicholes Cela va à l'encontre de l'évolution générale de la société mexicaine qui a hérité de ses racines amérindiennes et européennes une 116 solide trad ition démocratique, comm e en témoign e l'important usage des pétiti ons, man ifestations, sit- in, etc. La lutte des « zapatistes » au Chiapas et au Guerr ero est issue aussi de cette tradition, et malgr é les heurts violents et les massacres qui ont émaillé cette lu tte, il n 'y a j amais eu de volonté véritable de l' État fédéral de l' anéan tir ; on peut supposer pourtant qu 'il avait les moyens d'y parvenir. Dans la Sierra Madre, il n 'y a pas eu de problèmes d 'appropriation de terres, car les ethnie s étaient semi-nomades et peu importantes numé riquement Mais indén iablement, on peut parle r de condescendance, voire de ségrégation de la part de la majorité des habitants (qui ont euxmêmes, là encore, une origine essentiellemen t indi gène), vis-à-vis des Deux jeunes cavalièr es dans la vallée du rio Santiago. populations dites « indigènes» (c'est-à-dire qui ne parlaient pas l'espagnol). Ils sont parfois isolés dans leur village d'origine, où personne ne vient s'installer. Quand eux-mêmes demandaient à intégrer un ejido. ils étaient en principe en droit d'acquérir un terrain s'ils étaient installés antérieurement sur le territoire de l'eJido sans en faire partie formellement Même s'ils parlent espagnol, ils continuent à souffrir de leur manque d'instruction et d'ouverture à l'économie marchande. Ils sont fréquemment abusés par les narco-traficants, qui leur font miroiter des sommes d'argent pourtant dérisoires pour les convaincre - sans difficulté en gènéral - de planter de la marijuana ou du pavot Et ils se font souvent dénoncer par les mêmes commanditaires, peu scrupuleux, et désireux d'éloigner les soupçons. Les habitants du village de La Ciénega de Quelites, près de La Posta de Jihuites (fig. 7, p. 68 et fig. 50, p. 257), ont ainsi pendant longtemps semé de la marijuana pour le compte de négociants des villages et villes alentour, qui profitaient du relatif isolement du village (3 heures de mauvaise piste à partir de Santa Maria dei Oro avant le goudronnage de la route en 2002) En 7995, l'armée est intervenue, a brûlé toutes les cultures illicites, et a occupé le village durant toute la saison des pluies, pour éviter les re-semis. Les hommes se sont cachés tout l'été dans la forêt, alimentés la nuit tombée en frijoles. torti/las et en eau par leur femme, à l'orée du bois. Les deux années suivantes, un programme de /'IN! (Institut national indigéniste) a Visé à substituer à la marijuana des cultures de légumes, faute de marché sur place et de moyens de transport, ces légumes s'avérèrent invendables Oès 1998, la Ciénega a re-semé de la marijuana. Les commanditaires eux, ne risquent rien, le fils du maquignon du village voisin a été arrêté durant ce même été 7998 avec son camion à ridelles plein d'herbe de marijuana treîctie , dès le paiement de la caution, il a été libéré et n'a plus jamais été inquiété. Par ailleurs, les traditions perdurant, les commanditaires qui font souvent supprimer des indigènes (paysans récalcitrants, trop bavards ou trop gourmands) sont peu nombreux à être poursuivis Référence Courrier international, 18/8/2003. La Sierra Mad re occidentale a cela d'origina l qu 'e lle est à la foi s peu et surexplo itée . D'un côté, son espace est géré de manière exten sive par des agro-systèmes peu productifs mais qui fournissent des récolte s suff isantes pour des popu lat ion s somme toute peu importantes, clairsemées (densités rura les : ' -2 hab.rkm/ ) et en forte dim in ut ion. D' un aut re côt é, elle est surexp lo ité e da ns la mesure où elle a sub i une gestio n parfois peu patr imo niale des ressources nat urelles, à une période plus récent e. C est aussi un espace pr ivilégi é à l'échelle du Nord- Mexique, avec une pluviométrie et un climat expliquant la présence d 'un sol bien plus profond et fécond , et d'une couverture végéta le naturelle bien plus fournie que ceux des zones avoisina ntes, qui sont bien plus arides, tant sur la bordure Pacif ique du Mex ique, semi-aride au nord du 26° parallè le, que sur l'Al ti plano, où le pl us grand désert nord -américa in descend jusqu 'à la lati tude 24° nor d pratiquement. Paradoxalement, cet espace « privilégié» n'est pas une zone de peuplement. Si les eth nies « montagnardes » que sont les Huicholes, les Tepehuanes, les Tarahuma ras et les Yaquis, s'y sont part iellement sédentar isées, c'est en partie pou r échapper aux exaction s des colon s espagnols et aussi des ethnie s nomades vivant souvent sur le grand altip lano (Comanches, Apaches). Et ces popula tions sont restées peu nombreuses. Les Espagnols ne s'y sont inst allés que parce qu' ils y ont trou vé ce qu'ils éta ient venus cher cher en f ranchissant l'Océan , à savoir les minera is rares. Ces min erais allaient te mpora ire ment enr ichir la cou ro nne d'Espagn e, et plus du rablement, collabo rer à l' accumul at io n capitali st ique qu i permettrait le déco llage économique de l' Euro pe du Nord . Les sols et l'eau: pré cipitations et ruissellement dans la Sierra 121 122 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé M ais ces enclaves de colo nisat io n qu 'ont été les villes min ières parfois dès le début du XVI I~ siècle (Durango en premi er lieu , Guanacevi, Sant a M aria dei Oro, Parral, Topia, Cane las, etc) ne sont absolum ent pas exclusives de la sierra et on les tr o uve aussi dan s le désert de Chihuah ua et ses abo rds. Ma pimf, petit bour g endormi de 5 000 habitan ts sit ué à 50 km de l'aggl om érat ion mi llion nai re Tor re6 n-G6mez Palacio, a do nné son nom à la vaste cuvette qui eng lobe une grosse mo itié sud du désert de Ch ih uah ua (le Bols6n de Mapim O. Peno les, Pedricena, Real de Catorce, Sierra Mojada existaien t aussi dep uis de ux ou trois siècles lo rsque G6 mez Palacio est appa ru en 1887 (apparit io n d'un périmèt re irrigué sur l'emp laceme nt d'u ne oasis de pied mont ) et Torre 6n en 1907 pou r les besoin s fe rro viaires (po nt sur le Nazas) La co lonisation ne s'est do nc fa it e que po nct uellement en fon ct ion de la localisation des f ilons, et ce n' est qu e vers la fin du XI ~ siècle qu e simu l- tanément les plaines de l'altiplano (peu à peu « sécurisées » par le massacre des dernières tr ibus apaches) et les pâturages de la mo nt agne, ont commencé à être exploit és, non par vo lont é pol it ique , mais spontanément par des paysans ou des investisseurs en qu ête d'es pace lor s de la pha se de renf or cement de la nat ion me xicain e (Réforme, porfi riat, périod e révolutionna ire et péri ode act uelle) Le vo lo nt arisme et un e réelle po lit iq ue d 'occupation des vid es n'apparaissent que localement, dès la secon de moiti é d u X I X~ siècle, avec l'impl ant at ion des Men nonit es dans les dépressions intra-et circum -m ontagnardes du f lanc orient al de la sierra (régions de Canatl àn dans l' État de Dur ango, rég io n de Fresnillo dans celui de Zacatecas, région de Cuauhtemoc dans l'Éta t de Chihu ahu a). On est loi n a priori des sit uat ions de surpo pulation qu i on t caractérisé les montagne s péri -méditerranéenn es de l'Europe du Sud dan s les siècles passés (et celles de l'aut re rive de la M éditerr an ée depuis qu elques décennies) ou les pays du Sahel depuis le déb ut de la « Grande Séche resse » (en 196 8 approxim ati veme nt ). Ces phases de surpo pu lati on perm etten t d 'expliquer aisément la dég radation du milieu (diminuti on des couvert ures végétales et érosion consécut ive des sols) que l'on y ob serve ensuite . A l'heu re act uelle , en dépi t de la faible densité de pop ulat ion de cette chaîne d'origine volcaniqu e, le mil ieu paraît dégradé , la végé tati on clairsemée, les sols en grande partie érodés, et les ressou rces en eau menacées. Les paysans perçoi vent cette dé gradation , d 'a bord dan s la product ivité herb agère des pâtu rages, qui sembl e avo ir baissé considérablement, dan s la gestion des eaux de ruissellement, qu' ils ont du mal à maîtriser à l'échelle loca le, p uis dans la gestion des eaux tout sim plemen t En effet, les écou lements durent mo ins longtem ps, les réserves d u sol s'épuisent plus vite qu 'a uparavant (d 'après nos relevés part o ut dans la Sierra Madre). Des problème s d'ér osion des sols son t drastiqu es alors que la lithologie (rhyo lites et ignimbri tes, roches résistantes) se prête peu au départ des particules et à l' affouillement Les pâtu rages de la Sierra Madre ont naturellement, du fait de la pluviométrie supé rieure, une productivité plus élevée qu e ceux d u pied mo nt orienta l de la chaîne et a fortior i, que ceux du Bolson de Mapimi Le ter rito ire des com m unautés rurales de cett e rég ion atteignait fr équemme nt plu sieurs centaine s de m ill iers d'hect ares, ce qui n' ét ait pas excessif lorsqu ' on sait qu'il faut dan s cette zo ne de 20 à 30 ha par têt e de bétail bov in Dans la Sierra Madre, on est ime que la charge souhaitab le est de 10 ha par tête , soit la même valeur que sur le piedmont intérieur, car les pâturages sont plus product ifs, mais entrecoupés de bo squets d 'arbres, d'arbustes et localem ent de rocher s et d 'ébou lis, ce qui diminue d'autant les surfaces enhe rbées. Mais ces pâturages semblent, à l'heure actuelle, trè s généralement surexploités , ce qui se t radu it par de faibles pr oduct ivit és herbagères ( BARRAL et al , 199 5), mais aussi par la gr ande ext ensio n de f or mes de dégra dati on de l' espace. Cette dégradat ion se man ifest e de la façon suivant e : apparit ion de plag es de sol nu , amo indrissem ent de l'épai sseur des sols, remontée des caillo ux en surface, pavag e et indurati o n des horizons de surfa ce, et localement, là où le sol est profond, creu sement de ravi nes pouva nt laisser paraître la roche mère et atteindre plusieurs centaines de mèt res de lon g ueur . Il Y a, simultanément, dégradation des herbages et env ah issement par des li gn eux non appétan ts . Ces phénomè nes ont été qua lifiés pa r V IRAMONTES (2000) dence par de « dégradati on verte des pâturages » et m is en évi- BOUTRAIS (199 4) da ns les savanes africain es : « En savanes, un processus semblabl e de sub st it ut io n aff ecte la stra t e herbacée qui pe rd en den sit é et en taille, Jusqu' à disparaître . A de grandes graminées très recherchées par le bétai l (A ndropogon g ., Hyparrhenia r. ) succèdent d 'abord d 'autres graminées de g rande tai lle moins appé tées (Panicum phragmitoides) Si la pression pastora le se pour suit, les grandes gr am in ées se raréfient, au pr ofit de grami nées basses (Eragrostis) ou de pet ite s plantes non co nsommées (Aframo m um ) Du côt é des lign eux, l'évolu t ion est inverse, avec une mul ti plication d 'arbustes, à mesure qu e les herb es se raréfien t et que la pâtu re s'acc entu e. Parm i ces arbuste s, certains prennent une place dom inante , jusqu 'à for - Les sols et l'eau: précipitations et ruissellement dans la Sierra 123 124 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé mer des peupl ements den ses et homogènes, par exemple Harungana madagascariensis. La prol ifér ati on d'a rbu stes no uveaux ne repr ésent e qu 'un sta de tra nsito ire vers l' installat ion d' arbr es issus de la zone forestière : dès lors, le pâturage a disparu . A la dégradation pastor ale cor res- ponde nt des couverts végétau x plus denses en lig neux. L'érosion des sols est moin s à craindre que l'étouffement et la disparition des herbes. C'e st une for me de dégr adati on verte des pât urage s » . Le même ph énomène est observé dans les savanes d'altit ude de la Sierra M adre, entr e 1 800 et 2 500 m d'a lt itu de et est éga lem ent décr it pa r Boutra is en Afriqu e : « En prai ries d 'altitude so us clim at s humides, le processus d'év olution pastorale est le même qu'e n savanes ». La poursuite du surpâtura ge a des conséquences évidentes en terme hydr ologique : « Le piétin ement du so l entrave l'infiltration de l'eau et favorise de pet ites entailles érosives » (HURAULT, 1975 ). « Ces phénomènes aff ectent surtout les axes de passage habituels des animau x, qui évolu ent en terra ssette s sur les pentes » (BOUTRAIS, 1994 ). Et dans la Sierra M adre, c'est j' ensemble des versants qui a évolué en terra ssettes, occupant localement la grande majorité de l'espace visible, y compris sous la forêt claire. S'agissant d 'une surexplo itati on apparemment sans pression dém ogra ph iq ue sur le milie u, on a, a priori , envi e de parler d'e xploita t ion « mi nière » telle qu'on définit un type d' exp loitat ion sans mise en valeu r et surto ut sans esprit de con servati on patrimoniale. Ce n'est qu 'une foi s une sociét é bien établie que des règle s sont édict ées et imposées, permettant une bonne con servation, même de biens communaux . « La tran smission du patrimoine est un devoir, socialement aussi fondam en tal que le droit à l'hé ritage . On retrouve ici la ph ilosophie sous-jacente à to us les systèm es de pr op riét é co llect ive : assurer la préservat ion des richesses de la commun auté sur le long terme . Ce systè me particul ier repo se sur le maintien d 'un e structure socia le forte ». (M ICH ON et sl ., 2000). C'est cette st ruct ure sociale forte qui a fait défaut jusqu'à présent dan s cette sociét é neu ve d'éleveurs qui a mi s en exploitation les pâturages de la Sierra Madre occidentale. En f ait . il y a pro bablemen t un e exp licat io n plu s sim ple q ui consi ste à pen ser que les nouveaux paysans promu s par la Réforme agraire, qu i ont eu accès à ces terres « vierg es » (en fait déjà exploitées, trè s exten sive- ment, sous forme d'haciendas auparavant), y ont vu de très beaux pâturages, et ont laissé se développer leur troupeau sans chercher à calculer des coeff icients de pâtu rage adaptés ; c'est probable ment seulem ent un e f ois le déb ut de la dégradat ion constaté, apr ès dix, ving t ou tr ente ann ées de surexplo itati on, qu e les éleveurs ont pri s conscien ce des tr a- vers de leur mode de gest ion . Les années 1990 ont été caractérisées par une sécheresse récurrente qui a accéléré la dégrad at io n des pât ures. Ce type d'exploitation « mi nière » relève plus d' une périod e de transit ion dans laquelle une soci ét é s'in stalle, instaure pl us ou mo is spontanément un mode de gestion qui s'avère destr ucteur à moyen terme, et va chercher des correctifs après la prise de conscience de la non-pérennisation de la ressource. C'e st exactement ce qui s'est produit dans le sud de l'Europe au XIXe siècle (déboisement et surpâturage provoquant un stade d'éros ion accélérée), dans les pra iries nord -américa ines au XIX e siècle égaIement et dans les grandes plaines du Mi d West au début du Xxe siècle (dég radat ion des pât urages, dust bowîï La mêm e situation se retrouve à l'h eure actuelle au Texas et au Kansas (prochain épu isement de la nappe de l'Og allala), sur les terres noires de l' Ukraine et du sud de la Russie au début de la période soviéti q ue (grave érosion éolienne des cernozern). en Asie centrale ex-soviétique ensuite (assèchem ent en cours de la mer d'Aral), en Austra lie (salinisation des sols du bassin Murray-Darling), et en Ama zonie actuellement (épuisement trè s rapide des so ls après déboisement) L'épu isement des sols est observé actuellem ent et découle d'événements externes : « la disparit ion de la cou verture arbo rée par exploit at ion de boi s de chauffage est la f orm e d ' anthrop isatio n la pl us clairement liée aux alternatives énergét iqu es. Ainsi, l'in sécurité en zone to uareg s'est rapidement trad uite au Niger par un e reprise des déboisements au nord de Niamey pour pallier la rupture d 'approvisionnement en bouteilles de gaz domestique » (GILLON, 2000) . Au Sénégal, après 1991 , on a ob servé un rapide recul de la masse végétale, la décision du FMI de contraindre le Sénégal d'a rrêter de subvent ionner le gaz bouteille ayant fait bondir la consommation de bois à usage domest ique . Des dégradations ont aussi été constatées suite à de trop forts prélèvements de gibier ou de po isson, comme l'on t observé KATZ et NGUINGUIRI (2000) au Congo, en raison du développement urbain de Pointe-Noire et de la deman de de la pop ulat ion urb aine; les habitan ts des zone s ru rales qui approv isionnent la ville o nt « d'abord constaté une pert urbat ion des cycles d'abon dance des espèces, pu is établ i une corrélation ent re l'évo lut ion de ce phénomène et l'augmentation de la pression sur les ressources ». Il n'y a bien sûr jamais eu volonté poli tique de qui que ce soit en faveur de l'e xploitation min ière de la ressource; c' est aprè s avo ir lancé une dynam ique qu 'on s'a perçoit de ses effets pervers Il est évide nt qu' une sociét é qui s'installe dans un mil ieu vierg e ou qu i intensif ie un milieu jusque-là exploité de manière plus lâche, peut provoquer des déséquilibr es f aute de « savoir-faire » et de connaissances des Les sols et l'eau : précipitations et ruissellement dans la Sierra 125 126 LaSierra Madreoccidentale, lin château d'eau menacé mi lieu x. Les cultures qui on t duré des m illénaires ont peut-être connu lors de leur mise en place des phases de recul ou de repli liées à une dégradati o n de la ressource, ce qui ne les a pas empê chées postérieureme nt de s' épano uir. Ce point de vue semble proch e d'observation s réalisées en Af riq ue soudanienne : « Lorsque l'exploitat ion est une forme peu ou pas artificialisée, l'homme intervient dir ectemen t sur l'espèce en l'utilisant, par cueill ett e, extra ct ion ou prédatio n. Il n'y a pas encore d'o bj ectif de conservation, le prélèvement étant seulem ent fonct ion des besoins tels qu 'ils se présentent Deux cas se rencont rent : l'extraction et la cueillette lorsque la dynamique de la ressource n'est pas mod if iée par le pré lèvement, la prédat ion dans le cas contrai re. Seule l'auto régu lation de typ e proie-prédateur et la mobilité inte rviennent à ce stad e dans la relat ion homm e-mil ieu. Une prédati on régulée par un contrôle du prélèvement définit un premier degré d'artificia lisation » (SERPANTIÉ, 2000). D'après SERPANTIÉ (2000), « l'optimi sation de l'exploita tion nécessite des connaissance s sur l'état de la ressource placée sous explo itation ». Et les société s finissent par s'ad apter au mil ieu en mod if iant leurs pratiq ues : « Cultiv er une ressource, c'est l'adapter elle-m ême ainsi que son m ilieu aux buts poursuivis. Ce sont donc certai nes pratiques et leurs fins qui défini ssent la cu lture, non le poid s des moyens économi ques q u'on engage ou l'organ isation sociale qui l'accompagn e. Il ya plusieu rs degré s d'artifi cialisation de la cult ure, suivant le degr é de contrôle qu'o n recherr he » (SERPANTIÉ , 2000) Des mesures ont été faites chaque année ent re 1994 et 1997 afin d'estimer la valeur des pâturages et de cerner la qualité de la gestion de l'e space (BARRAL, 19 88 ; BARRAL et al ., 199 5 ; A NAYA et BARRAL, 199 5 ; POULENARD, 1995, DUFE U, 1998) (cf. encadré 5 « L'appréciat ion du sur pâtu rage }) , p. 201) . Elles ont perm is de quantifier la surcharge pastorale, que l'on observe ma lheureusement dan s presque toute la Sierra Madre. Ce phénom ène, bien plus q ue le déboisement , est respo nsable de la dégradation de la végéta t io n, pu is des so ls, d 'ab or d par le piétin ement, et ensuite par le décapage des horizons superficiels , du fait de l'a ccroissement du ruissellement. Cette modification drastique des « états de surface », c'est-à -dire des pro p rié tés p hysiques des premiers centimètres du sol (p o ro si t é, perm éabilité, etc ), entraîne des changements imp ortan ts des carac téristiques hydro-dynamiques des versants. Ceux-ci vont être bien plus ruisselant s, accélérant le départ des particules fines, provoquant localement l'apparition de ravines et rendan t plus difficile chaque année une éventuelle récupéra tion de la quali té des pâturages, car les élém ents nutritifs des 5015 s'amenuisent les premiers. C'est cette évolution qui modifie les conditions de l'infiltration et de l'écoulement des eaux. Le débit des rivières s'en trouve changé et les termes du bilan de l'eau finissent par subir le même phénomène dans une région qui sert de château d'eau L'avenir des zones qui dépendent de cette région pour leurs besoins en eau est alors menacé. Cette deuxième partie s'intéresse surtout au milieu naturel, à son évolution et aux conséquences hydrologiques de cette dernière. On commence par étudier le climat sous l'angle de la sécheresse et de l'aridité (cf « Le climat et l'aléa pluviométrique au Nord-Mexique », p. 129), pUIS la régionalisation des pluies de part et d'autre de la Sierra (cf « La spatialisation des précipitations sur les deux versants de la Sierra Madre occidentale », p. 145) Ensuite, le vif du sujet est abordé avec l'évolution des sols et des états de surface dans la Sierra Madre Occidentale qui a fait l'objet de six années de mesures sur le terrain (1994-1999) avec plusieurs autres campagnes plus légères entre 2000 et 2002 (cf « Un encroûtement des sols limitant l'infiltration », p. 155) Enfin, on a cherché à comprendre comment les formes d'exploitation de l'espace influençaient le bilan hydrique (cf « Des conditions favorisant une érosion et un ruissellement en nappe )), p 171). D'après des informations récentes (communication personnelle de Eva Anaya, directrice des services de l'Environnement pour l'État de Durango, qui a mené avec notre collègue Henri Barral de l'IRD exOrstom, décédé en 2000, l'étude sur les pâturages et leur surexploitatien). la qualité des pâturages serait en nette amélioration en cet automne 2004 ; les dernières pluies sont tombées, et la saison a été assez humide Du fait d'El Nirio, l'hiver 2003 a également bénéficié de pluies, ce qui a été favorable à la teneur en eau des sols au moment de la pousse au printemps. Il paraîtrait de plus que le mouvement d' « enclosure » général qu'a connu la Sierra Madre ces dernière années commence à porter ses fruits. les parcelles devenues privées seraient mieux soignées, sans que l'on sache, faute d'un recensement récent du bétail, si cela est dû à une baisse du nombre de têtes ou plutôt à une meilleure gestion des herbages Enfin, dernier point, malheureusement, il semblerait que cette évolution se soit faite aux dépens des pâturages laissés comme communaux, qui auraient été particulièrement surchargés, à l'inverse des parcelles devenues privées. En revanche, un survol-diagnostic des bassins des rios Sonora et Matapé, effectué en mai 2004, montre un état de dégradation des pâturages et des sols, bien plus grave que celui du Nazas Les sols et l'eau: précipitations et ruissellement dans la Sierra 127 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé 128 Références des systèmes agraires : à la croisée des parcours, pasteurs, éleveurs, cultivateurs, coll. Colloques et sémi- ANAYA E., BARRAL H., 1995 - La ganaderia y su manejo en relaciân con los recursos hidricos y forrqf eros en la zona semidrida de México. Aplicaciones al casa de la Hacienda Atoton üco y La Comunidad La Virgen . Folleto Cientifico n° 5 Inifapt du ruissellement et de l'érosion, impact du surp âturage dans la Sierra Madre occidentale. Mémoire orstom. G6mez Palacio, Dgo. de fin d'étudesIstom, Cergy, 73 p. BARRAL H., 1988 - « El hombre y su impacte en los ecosistemas a través deI ganado ». ln Montana C. (ed.) : GILLON Y., 2000 - « Artificialisation et anthropisation », In Gillon Y., Chaboud C., Boutrais J., Mullon C. : Estudio integrado de los recursos vegetacion, suelo y agua en la Reserva de la Biosfera de Mapimf. Ambiente natural y humano. Dubon usagedes ressources renouvelables, IRD, coll, Latitudes 23 : México D.F., Instituto de Ecologia de México, MAB : 241-261. BARRAL H., HERNANDEZ L., ANAYA E., VALLEBUENOM., 1995 - Bétail mestegno dans la réserve de la biosphère de Mapimi ou résurgence d'élevage du xvme siècle, de nos jours dans le nord du Mexique. Cah. orstom, sér. Sci. Hum. : 65-84 . BOUTRAIS J., 1994 - « Éleveurs, bétail et environnement ».ln : Dynamique naires, Orstom : 303-319. DUfEU R., 1998 - Les paramètres 29-38. HURAULT J., 1975 - Surpâturage et transformation du milieu physique, l'exemple des hauts plateaux de l'Adamaoua (Cameroun). Paris, IGN,2 18p. KATZ E. , NGUINGUIRI J-C., 2000 « Compétition pour les ressources au Kouilou (Congo) », ln Gillon Y., Chaboud c. , Boutrais J. , Mullon C. : Dubon usagedes ressources renouvelables, IRD, coll. Latitudes 23 : 187-198 . MICHONG., DEFORESTA H., LEVANGP.. 2000 - « De la forêt aux jardins (Sumatra, Indonésie) », ln Gillon Y. , Chaboud C.. Boutrais J. , Mullon C. : Du bon usage des ressourcesrenouvelables, IRD, coll. Latitudes 23 223-240. 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Jean-François Nouvelot hydrologue Le climat et l'aléa pluviométrique au Nord-Mexique Alors que l'ensemble du territoire mexicain appartient au domaine tropical, caractérisé par l'alternance d'une saison des pluies correspondant aux mois les plus chauds et d'une saison sèche ou relativement sèche, marquée par les mois les plus froids, la majeure partie de la moitié septentrionale, plus précisément 60 % du pays, correspond à des zones arides ou semi-arides, qui reçoivent, en moyenne, moins de 500 mm de pluie par an. Cette vaste région, située entre le tropique du Cancer et le 3r de latitude Nord, est constituée d'un ensemble de hauts plateaux, dont l'altitude varie de 1 000 à 1 200 m, bordé à l'est comme à l'ouest par deux importantes chaînes montagneuses. Dans cet Altiplano, certains reliefs locaux peuvent atteindre 2000 m d'altitude Ce contexte géographique particulier explique le caractère de continentalité que reflètent non seulement les faibles précipitations mais aussi une évapotranspiration potentielle (ETP) qui représente cinq à dix fois les quantités de pluies tombées. Intervient, également et surtout, le rôle des circulations atmosphérique et océanique régnant sur, ou à proximité, de la zone. Les premières sont fortement dépendantes des hautes pressions subtropicales, alors que les secondes entraînent des remontées d'eaux froides le long des côtes de Basse-Californie (courant de Californie), deux facteurs peu favorables à la formation de précipitations abondantes. On conçoit que dans de telles conditions, le problème de la disponibilité de la ressource en eau soit une préoccupation permanente, d'autant que les contraintes édaphiques, entre autres les faibles pentes, rendent les sols plus facilement exploitables ici que dans le sud du pays où les zones de relief escarpé sont prépondérantes. Si la moitié des terres cultivées de ces contrées sèches est irriguée, cela ne signifie nullement que Luc Descroix géographe-hydrologue Juan Estrada hydrologue La Sierra Madre occidentale. un château d'cau menacé 130 seules les cult ures pluvia les, rnajontarrernent les pro ductio ns alim entaires de base, soient soum ises aux aléas climati ques . Les réserves en eaux superf icielles, ma lgré la présence de gr andes ret enu es peuve nt s'avérer insuff isant es certa in es années . Le recou rs, d'une man ière massive, aux réserves sout erraines profon des, dont la ré-alimentation , encore mal co nnu e, est pro bablement limi tée, serait dangereux et le refl et d'une pol it iq ue de gestion à cou rt terme hypo th éq uant l' aven ir. Les facteurs du climat Le climat qui caractérise l'ensemble du Nord-Mexique est régi essentiellement: - par sa situation en latitud e, au nord du tropique du Cancer, o ù la circulati on zonale est sous la dom inance des hautes pressions subtr o picales ; - par son relief qui fait o bstacle à l'entrée des fl ux humid es ; - par les remon tées d'eau f roide du cou rant de Californi e qui lo nge les côtes de la Basse-Califo rn ie. Le bassin du Nazas q ui se situe dan s la par tie mé ridionale de cette région (des latitu des 23 ° à 26°30' N) reste soumis, sensiblement, au x mêmes influences (fig 18). Décembre - février 30' Océan Atlantique <«: -: 0<>/. Il o ~ .-- Alizés 120' lOS' 90' Fig. 18 - Circul ation atmosphérique générale sur le Mexique en hiver (haut) et en été (bas) . 75' 20' • 60' / - Vents dominants .- _ . - + 30 ' Trajectoires de cyclones Pluies sur le front intertropical Pluies du from polaire ~ _ Juin - août Pluies du from tropical mexicain 1 Zone de hau tes press ions 120' lOS' 90' 75' De décembre à mai, to us les hauts plateaux, de même que le littoral du Pacifi q ue, sont sous le rég ime des haut es p ression s sub tropicales; les vent s d'est, do mi nant s à ces lat itud es, ne pén ètr ent alor s que la zone côt ière atlantique . De juin à novemb re, les ha ute s pressions pren nent une position plu s septent rionale, en stationnant sur l' extrême nordouest du M exique et la Cal ifornie américaine (désert cô ti er). Des flu x d 'air humide peu vent alors envahir l'Altiplano me xicain (SANTIBANEZ, 1992 ; CORNET, 1993 ; DelHouME, 1995 ). Les masses d 'air venu du go lfe du Mexique , qu i a tendance à s'assécher en franchi ssant la Sierra Madre orien tal e, peuvent tout de même créer un e instabilité prop ice au déclen chem ent de pluie s de convection. Ces masses d'air rencont rent celles venues du Pacifiqu e à haut eur de la Sierra Madre occident ale, f ormant le Front tropical mexicain (CNA , 1975 ), situé à environ 10 0 p lus au nord que le Front inte rtropi cal (FIT), avec une orien t at ion géné rale NW -SE . Il se crée aInSI à l'ouest une instabilit é favor able à la format ion de précipi tations, d'autant que l'eff et orographique est ici imp ortant : si les sommets dépassent rarement 3 300 m, peu de cols se sit uent au -dessous de 2 500 m. Du côté orien tal de cette barriè re natu relle, les précipitati on s auront tendance à dim inuer sensiblement, et ceci avec d'au tant plu s d' acuité que l'on s'é loi gne du Pacif iqu e. Cield'or age sur les pâturages près de Tepehuanes. Nouvelot et al. : « Le climat et l'aléa pluviométriqu e... » 131 132 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé A partir de la fin août, les queues de cyclon es, formés pr incipalement sur le Pacif ique (ceux de l'At lantique se dirigeant généralement vers le Texas et la côte nord du go lfe du Mexique ), peuvent fra nch ir l'obstacle de la Sierra Madre occidenta le. Des préc ipitat ions import antes peuvent alors être observées sur les crêtes et le versant oriental de la sierra, leur durée com pensant leurs fai bles intens ités. Ma lgré to ut, l'essentiel de ces précipita tions se déverse généra lement sur le littoral et les pre miers relief s. Les 13 et 14 octobre 1994, la qu eue d'u ne dépression t ro picale a attei nt la ville de Durango, située sur les hauts platea ux à une altitude peu infé rieure à 2 000 rn, où il s'est déversé 70 mm en 24 heu res, puis la ville de Torre6n, localisée à 200 km au nord -ouest, à 1 100 m d' alti tu de, où il a été enregistré 30 mm Plus au nord, dans la Sierra Mad re, il n'est tombé qu e 30 à 40 mm sur les villes de Sant iago Papasquiaro et Gua nacevi (haut bassin du Nazas), soulignan t bien la traje ct oi re SW-N E de ce type de perturbati ons, avec parfois une certain e prope nsion à s'infléchir pro gressivement vers l'est (NOUVELOTet DESCROIX, 1996). Répartition régionale et temporelle de l'aridité A l' échelle des hauteurs annue lles, le grad ient alt itud inal et la distance à l'océan Pacifique expliq uent bien (83 % de la variance) la répart it ion spatiale des précipitat ions. Ces deux facteurs ne sont pas indépendants, l' alt itude baissant vers le cent re du bassin endoréïque à mesure que l'on s'éloigne de l' Océan. En eff et , aucu n appor t n'est par ailleurs généré sur le con t inent , con trairement à ce qu i est observé par exemp le da ns le Sa hel africa in, où la moitié des plui es n'est pas p rovoq uée par des entré es océaniq ues. L'accroissement des précipitat ions, en fonction de l'altitu de, serait voisin de 30- 35 mm/ l 00 m. En plus du rôle d'o bst acle orog raphique, lié à la rug osité du relief, souvent accent ué par une couvert ure arborée non négligeable, les zones montagn euses fa vori sent la con densat ion de la vapeur d'eau par un abaissement des temp ératures, d'autant plus import ant qu e croît l'al t it ude (cf. « L'eau, agent éco nomique et enje u po liti que » . p. 249 ). La réparti t ion mens uelle des préci pitat io ns, appelée régime pluviométriq ue par les climatologues, présente également une grande homogénéité . Le profil moyen mensuel a été défini à partir de soixante stations pluv iométriques, répar ties sur l'ensemble du bassin , en ut ilisant la mét hode dite de la Classificat ion ascendante hiérarc hique (CA H). Af in de s'affranch ir de l' eff et d' abondance, pou r qu 'une stat ion à fort es précip itat ions n'ait pas pl us de po ids qu'une station mo ins arro sée, les douze valeurs moyennes mensuelles de chacune d'entre elles ont été ramenées en pourcentage du total annuel. A partir d'une partition ini- tiale, où chaque station représente une classe dans un espace à douze dimensions (les valeurs mensuelles), des regroupements ont été effectués par agglomérations successives des classes les plus proches, caractérisées par leur centre de gravité. La distribution moyenne obtenue (tabl VIII) montre une saison des pluies estivale bien marquée, qui s'étend de Juin à septembre et représente 78 % du total annuel, avec un maximum en août. Les pluies d'hiver ne dépassent pas 8 % de ce même total Une analyse un peu plus fine permet de distinguer une zone nord et nord-orientale qui, exposée davantage aux quelques rares entrées d'est: queues de cyclones atlantiques, et de nord-est: avancées hivernales du front polaire, se caractérise par une distribution des pluies d'été plus aplatie avec un total pour juin à septembre inférieur à 70 % du total annuel, les pluies d'hiver atteignant 12 % et les précipitations de mai et octobre étant également un peu plus abondantes (tabl VIII) Tabl. VlI1 - Distribution mensuelle des précipitations dans le bassin du Nazas (en pourcentage du total annuel). J F M A M Zone: N-NE 3,9 2,2 1,1 2,6 6,0 Reste Nazas 3,0 1,1 0,7 1,6 3,5 Mois L'homogénéité climatique rencontrée, tant au niveau régional que temporel, lorsque ne sont analysés que des valeurs ou indicateurs moyens, ne représente qu'un aspect, nécessairement incomplet, de situations beaucoup plus complexes et contrastées. Cette homogénéité incontestable n'est que le reflet de la stationnarité des phénomènes observés qui oscillent plus ou moins, suivant le type de climat, de part et d'autre d'une situation normale. Une manière commode de définir quantitativement la variabilité d'un facteur mesuré est de calculer son coefficient de variation, Cv, qui est le rapport de l'écart-type, 0, à la moyenne, m : Cv=o/m. L'écart-type ou la variance (0 2), qui mesure la dispersion des observations autour de la moyenne par, comme son nom l'indique, un simple calcul d'écarts, est lié directement aux valeurs des observations, c'est-àdire qu'il risque d'être d'autant plus fort que ces valeurs sont elles mêmes élevées. Il n'est donc pas possible de comparer entre eux des fac- Nouvelot el al. : « Lcclimatct l'aléa pluviométrique... » 133 a N 0 13,5 17,2 19,7 18,1 8,0 3,3 4,4 12,922,3 24,1 18,4 6,9 2,4 3,2 J J A 5 134 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé teurs, ou même des observations de même nature, qui se traduisent par des nombres très différents, par exemple des précipitations de zones désertiques avec des précipitations de zones humides En divisant par la moyenne, l'effet d'abondance est gommé. La variabilité des précipitations annuelles sur le bassin du Nazas, comme d'ailleurs sur l'ensemble du Nord-Mexique aride, se caractérise par une sensible décroissance lorsque la pluviosité augmente Le coefficient de variation passe d'une valeur de 0,40-0,50 pour une précipitation annuelle de 200 mm, à seulement 0,15-0,30 pour 600 mm. Ces valeurs ne présentent pas un caractère d'exception Elles sont très comparables à celles rencontrées en Afrique de l'Ouest et du Centre (Sahel), inférieures à celles du Nordeste brésilien et surtout très inférieures (de moitié environ) à celles caractérisant la zone côtière méridionale de l'Équateur (tabIIX) Le phénomène El Nirïo-Southern Oscillation (ENSO), qui représente un système couplé, circulation océanique-circulation atmosphérique, se traduisant, entre autres, par une élévation significative des températures de surface océanique du Pacifique tropical central et oriental, est la cause de cette exceptionnelle irrégularité. Lorsqu'elles sont soumises aux effets de ce phénomène complexe et encore mal connu, certaines régions désertiques (Ëquateur, Pérou) peuvent bénéficier de précipitations observées généralement en climat tropical humide. Par contre, dans le couloir interandin, proche de ces mêmes régions, sous les mêmes latitudes mais à des altitudes variant entre 2 200 et 3 000 m, avec des pluies annuelles se situant entre 400 et 600 mm, le coefficient de variation (Cv) est sensiblement comparable à celui observé dans le Nord-Mexique. Il faut savoir que pour un coefficient de variation supérieur à 0,20, la distribution statistique des observations n'est plus gaussienne (aussi appelée « distribution en cloche ». celle-ci caractérise les populations statistiques dont les effectifs se regroupent autour des valeurs centrales) P. annuelle Nord-Mexique (mm) Sahel Afrique 200 0,40 - 0,50 0,30 - OA5 Nordeste Brésil Équateur Côte Équateur Andes 0,75-1,00 300 0,35 - 0,45 0,25 - 0,40 400 0,25 - 0,40 0,25 - 0,35 0,35 - 0,45 0,60 - 0,80 0,45 - 0,65 0,20 - 0,30 500 0,20 - 0,30 0,20 - 0,30 0,35 - 0,45 0,40 - 0,60 0,15-0,30 600 0,15-0,30 0,20 - 0,30 0,30 - 0,40 0,40 - 0,55 0,15-0,25 Tabl IX - Coefficient de variation des précipitations annuelles de différentes régions semi-arides. et présente donc une certaine asymétrie (généralement positive pour les précipitations), d'autant plus marquée que le Cv et par conséquent la variabilité sont forts. Pour faciliter les comparaisons avec d'autres régions, il est usuel de déterminer les précipitations dont la fréquence d'apparition est assez rare, la fréquence décennale (F = 0,10) représentant généralement une référence satisfaisante. Un événement correspondant à F = 0,10 ou à son inverse T = l/F, appelé temps ou période de retour, exprimé en années, est observé, en moyenne, une année sur dix, sans que cela signifie, bien évidemment qu'il se répète tous les dix ans. Ainsi, la probabilité d'observer une pluie de fréquence décennale dans une chronique de dix ans n'est que de 39 %, par contre, il existe 19 chances sur 100 d'en observer deux et même 1,5 chance sur 1 000 d'en observer cinq Sous l'isohyète annuelle 400 mm, la pluie Journalière de fréquence décennale est de 45 à 70 mm dans le Nord-Mexique, 80 à 100 mm dans le Sahel africain, 90 à 115 mm dans le Nordeste brésilien et 75 à 100 mm dans la zone côtière équatorienne, seule la zone interandine se caractérise par des valeurs plus faibles: 20 à 40 mm (tabl X). Il semble donc incontestable que, dans ce domaine, J'altitude Joue un rôle fondamental. La tendance reste sensiblement la même si on considère les hauteurs de pluie tombées durant des intervalles de temps plus courts. En comparant les intensités de fréquence décennale observées en 30 minutes, pour une précipitation annuelle de 400 mm environ, on relève (tabl XI) : pour le Nord-Mexique, 65 mm/h , pour le Sahel et le Nordeste, 80 mm/h ; pour la côte méridionale de l'Équateur. 75 mm/h et pour la zone andine 30 à 45 rnrn/h. Les averses orageuses du NordMexique sont donc non seulement moins abondantes que celles observées dans certaines autres régions de la planète, appartenant au même domaine climatique, mais elles sont également moins intenses. Néanmoins, si ces pluies se caractérisent par une moindre agressivité, il Tabl. X - Pluies Journalières de fréquence décennale de différentes régions arides. P. annuelle Nord-Mexique (mm) Sahel Afrique Nordeste Brésil Équateur Côte Équateur Andes 200 40 - 60 55 - 75 65 - 75 300 40 - 65 70 - 90 70 - 85 400 45 - 70 80 - 100 90 - 115 75 - 100 20 - 40 500 45 - 72 90 - 105 95 - 120 80 - 110 25 - 45 600 47- 75 95 - 110 100 - 120 90 - 120 30 - 50 Nouvelot et al. ; « Le climat et l'aléa pluviométrique ... )} 135 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé 136 Duree mi nutes Nord-Mexique Sahel Afrique No rdeste Brésil Ëquateur Côte Équateur Andes 10 115 140 125 115 55 - 80 30 65 80 80 75 30 - 4S 60 40 60 6S 50 20 Tabl. XI - Intensités des pluies de fréquen ce décennale de différentes régions a rides pour en viron 400 mm de précipitations annuelles (e n mm/hl. faut soulign er que d'autres facteurs inte rvienn ent dan s les phénomènes de ruissellement. d' inf ilt rat ion et d'é rosion . En eff et , si les précipitatio ns rep résentent effectivement un f acteur détermin ant pou r expliquer le caractè re de plus ou moins grande aridit é des différent s mi lieux rencont rés, il est im po rtan t de considé rer égal ement le devenir de l'eau lorsqu'elle atteint le sol La capacité de ruissellement ou d'absorption, pui s de rét ent ion, du milieu récepteur, joue un rôle de première importance. Ainsi, lorsq ue les sols présentent des caractéristi ques qui tendent à rédu ire leur capacité potentielle d'emmagasinement de l'eau, l' aridit é édaphique (DELHOUME, 1995 ) vient s'ajouter à l' aridité climatiq ue Ce phénomè ne est trè s f réquent dans les zone s sèches, à l'échell e du globe, dès q ue le po urcenta ge de couverture végéta le est infé rieur à 30 ou 40 % . Dans ce cas, la proport ion d 'espaces dénudés, appelés localement peladeros, est telle que les gouttes de pluie arrivant directement sur le so l provoquent par battance la formation de croûtes superf icielles imperméables qui empêchent l'eau de s' infilt rer. Les faib les quan tités d'eau qui franchissent to ut de même cette barrière hydraulique sont très rapidement évaporées (cf (( Un encroû tement des sols limitan t l'infil t ration » . p. 155). Les sécheresses Déf inir sur des critères obj ecti fs les caract éristiques d'une période de sécheresse: intensité, durée, extension spatiale, etc. , représente un exercice peu aisé. Pa r commodité, no us appe llerons année sèche, une année dont le tota l pluviométrique ann uel est inférieur à la moyenn e, calculée sur une période suffi samment longue pou r être stat ist iq uement significative. Une période de sécheresse correspondra donc à une succession d'années sèches Dans le langage cour ant , il est rare (années except ionnellement déficitaires) que le mot sécheresse ne s'app lique qu' à un seul cycle annu el, car l' effet sur les diffé rents mili eux est alors rarement cat astr ophiq ue. C' est le cumu l d 'a nnées sèches qui rend percept ibles les modifi cati ons int ervenues sur les écosystèmes et agro- systèmes, preuve pour certa ins d' un véritab le changement climat ique à plus ou moins lon g terme. BOVIN (199 5) signale qu'u n certa in no mbre de sécheresses remarquabl es auraient sévi au cœur de l' empire aztèque, avant l'a rrivée des con qui st adores, et cite , plu s part icul ièreme nt, la pér iod e 14 50- 1454 durant laquelle aucune plu ie n'aura it été observée , assert ion pr obablement exagérée mai s qui a le mér ite de souligner l'importance du fl éau, avec toutes les conséquen ces sociales et économiq ues qu i l'ont accompagné. Pendant les trois cents ans de la période co lonia le ( 152 1- 18 10), il Y aurait eu, t oujours d'après le même auteur, quatre-v ingt-huit sécheresses, dont beaucoup ont concerné avec plus ou moin s d'acuité le Nord aride, soit une moyenne d'u ne sécheresse tou s les troi s ou quatre ans. Le X IXe siècle n'est pas épargné avec un épisode remarquable entre 1850 et 1852 ; de 1875 à 1910, Bovin dénombre vingt-neuf épisodes secs dont quinze localisés dan s le Nord du pays, c'est -à-d ire une sécheresse tous les deux ans. Ceci laisse à penser que so nt qualifiées de sèches toutes les années inférieu res à la normale, critère qui rejoint la déf init ion déjà proposée, sans que toutefois, ne soit considérée, semble-t -il , la not ion de période sèche regro upant plusieurs ann ées. Quatre année s défic ita ires, séparées chacune par une ou plusieurs années, plus ou mo ins humi des, n'au ront évidem ment pas le mêm e caract ère de grav it é et d'e xcept ion que quat re années sèches successives. Un exemple intéressant est donn é par la période 1948-1962 durant laquelle n' a été observée dans le bassin du Nazas, et probablement sur une grande part ie du Me xique septentrional, qu 'une seule ann ée signi f icat ivement excédentaire: 1958 (année, il faut le préciser, caractérisée par un ENSO) On peut, dan s ce cas, définir une seule sécheresse ou évent uellemen t deu x épisode s séparés par l'année 1958, mais décompter dix ou tre ize sécheresses, suivant que l'on écarte ou non les années proches de la moyenne , serait dénué de sens et surt out occulterait le caractè re except ionnel de cet épisode. Pour essayer de décrire pu is analyser le plus obje ctivement possible les phénomènes mis en jeu, le recours à l'information climatologique est donc indi spensable. Il s'agit essent iellement des donn ées pl uviom étriques ob servées dan s les stat ions les plu s anciennes. Les chro niques obtenues, dont les plu s longues remontent au déb ut des années 1920, ont fait l'objet d'une analyse crit ique afin de s'assurer de leur co hérence au niveau régional. Il a pou r cela été fai t appel à la méth ode dit e du vecteur régional, MVR (DESCROIX et al. 200 2). Cette t echnique, proposée par H IEZ (1986), est basée sur la notion de pseudo-propo rt io nnalité des totaux pluviomét riq ues ent re stat ion s voisines dont l' ensemble des don nées permet ainsi l'él abora tion d' un vect eur représent at if de la région Nouvelot ct al. : « Le climat et "aléa pluviométriqu e... » 137 138 La Sierra Madreoccidentale, un château d'eau menacé couverte . Cette élaboration s'appuie sur un principe du maximum de vraisemblance qu i part du postulat que l'information la plus vraisemblable est celle qui se répète le plus fréquemment. Toute l'information app ortée par chacune des station s d'observation do it contribuer à l'élaboration du vect eur régional, sans qu e les données erro nées puissent avoir une influence sensible sur le résultat. En co ro llai re, l'information fou rnie par ce vecteur perm et d' app réhend er les fluctuations tem po relles des précipitations d'une man ière plu s f iable, au sens de la représentati vité spati ale, que l' inform at ion, nécessairement part ielle, apportée par chacun e des stations prises individuellement. Ceci suppose qu 'un nombre suffisant de stat ion s (t rois au min imum) aient fonc tionné de manière simultanée, ce qui malheureusement n'a pas été le cas lors de la mise en place, nécessairement progressive, des réseaux d'observat ions. Les chronique s les plu s longues util isées co rrespondront don c à des do nnées pon ctuell es et non à des informations régionales. Malgré tout , l'empl oi du vecteur aura servi à débarrasser [es données des erreurs syst émati ques qu i risqu aient d' altérer l' analyse des séries chr onologiques. D' une manière géné rale, de te lles séries peuvent présenter différentes caractér ist iques qu'il est important de déf inir, même si dan s la prat iq ue leu r mise en évidence n'est pas toujours aisée, la durée des chroniques disponibl es étant, comme il a été soulign é, nécessairement limitée. Les variables appartenant à une série chronologique sont dites stat ionnaires qu and leur s caractér ist iqu es stat ist iques (moyenne, autocovarianc e) ne changent pas au cours du t emp s. Dans le cas cont raire, un eff et de te ndance est à mettre en cause. La f igure 19 montre la série chro nologique complète des ob servat ion s pluviom étriques annuelles de la st at ion de Tepehuanes , située à une altitude de 1 800 m et caractérisée par une hauteur pluv iométrique interannuelle moyenne de 472 mm, calculée sur soixante-treize ans (plus longue chronique dispon ible ). Bien que la droite de tendance marque une légère décroissance, il serait hasardeu x d'en déduire que depu is 1923 la pluvio sité diminue, le pourcentage de la variance des précipitations expliq ué par la chron olog ie des années n'étant qu e de 4, 9 % , c' est -à-di re tr ès loin du seuil de signif ication . A l'examen de la série, quelques grande s variati on s pluriannuelles peuvent êt re décrites . l e début de la chronique se caract érise par une succession d'années excédentaires de 1923 à 1927, avec cependant une nette tendance à la baisse qui se poursuit au cours des années 1928 et 192 9, marquées par un très fort déf icit. A part ir de 1930, commen ce 800.0 Fig. 19 - Pluv iométrie annu elIe à Tepehuanes depuis 1923 . E E ;;:; ='" '" =' c:; c:; "' '" =' cr '5 700.0 600.0 500.0 1 'E 400.0 =' 300.0 0 .::;: Ci. ::; ::l =' :r:: "' 1 200.0 100.0 0.0 ':- '" N ~ ~ 00 N '" '" ~ 00 ~ '" Annees [=:J P. annueUe - Droitetendance - une période plu vieuse qui s'ét end jus q u' au début des anné es qua ran te ' les deu x pre m ières années (1930 et 1931 ) sont, ap rès 192 3, les de ux plu s fortes obse rvées en soixante-treize ans (elles ont toutes deux dépa ssé 70 0 mm ). A parti r de 1932, la tendance généra le est, de nou- veau , à la baisse des préc ip itat ions, celles-ci restant tout de même dans J' ensem ble excéden ta ires, exceptée l' année 194 5 qu i sem ble ann oncer la période 1948-1962 au co urs de laquelle seule l'année 1958 dépasse sensiblement la moyenne . La fin de la série no ire correspond à l'année 1962, la plus fa ib le jamais enregist rée : 241 mm . On co nstate donc une nette décro issance des préc ipitat io ns de 1930 à 196 2, avec, en simplifiant, une pre m ière moitié plutôt excédent aire, la seco nde part ie éta nt au contrai re marquée par un net déficit. A partir de 196 3, la di stribu - tio n des précipi tation s en fo nct ion des an nées devie nt beaucoup pl us aléatoire, avec des alternances d 'années excédentaires et d'an nées déf icita ires don t les pics et les creux sont séparés par des intervall es de de ux à cinq ans. Il faut souligner que des dis trib ution s chronologiques assez proches on t été observées sur le pourtou r du Pacif iq ue oriental, entre autres en Amé rique du Sud dans la rég io n côtière méridi o nale de l'Équ at eur, po urta nt exposée dir ecte ment à l' infl uence de l'E NSO qui tend à accuser l'amplitu de des variations (fig . 20 ). Nouvelot et al. : « Le climat et l'aléa plu vi ométrique ... » 139 ~ Moyennemobilesur3 ans 00 00 cr- J 140 ~ 6 c~ ~ 5 ... 4 3 .. .. . ~ 0 c; 0.> =0.> 2 :> c; :il 0.: .~ ; f t. 'IIi' ;~ 0 -1 • l1'~ v ~ ; V~:, A. ~ , l'riI- . ~ , ~ 'l : --0- o<~ .~ " .. Ji : : : V' Tepehuanes : .. .. : : Guayaquil .. X ;-,_ ,~ ~ ;~,.r MJI R 1\.e; rt-l\f 6 ;.,-- ~ .1Ii" : V\\ ...: ...~ - ~ .e..... ~ N ~ : Fig. 20 - Évolu tion com parée de la plu viométrie à Tepe hua nes (Mexique) et à Guayaquil (Équa teu r). ; ,ô f\ R ...0 .~ ~ ê ~ ':!t .P- [\. 0.> 0- La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé ., . : : . ' , ~ . .: ~ . .: . : -Moyenne mobile sur3 ans Les séries hum ides des année s t ren te, comme les senes sèches des année s cinq uante, pourra ient laisser penser que certa ins effets de persistance dom inent la distr ibution temporelle observée , c' est- à-dire que la hauteur pluviométrique d'une année x donnée dépend de la hauteur de la ou des années précédentes. Dans ce cas, la répartition des préc ipitations ne serait pas pureme nt aléatoire. Dans une étude de la variab ilité spatio-temporelle des cumuls pluviométriques annuels de la zone intertropicale, MORON (1996) définit, à l'échelle du globe, trois grandes bandes de fréquence : les périodicités décennales et supérieures, qu i expliquera ient les vingt ans de sécheresse ob servés en Afr iq ue sahélienne ou dans le no rd de l'Am érique du Sud; les périod icités comprises entre tro is et huit ans, associées généralement à l' ENSO , avec un développement planétaire ; enfin, les périodicités qua si biennales, caractéristiques du sous-continent indien , de la région située autour du golfe de Guinée et de l'oues t de l'Au str alie. En tou te logique, le Nord -Mex ique et plus part iculièrement le bassin du Nazas devraient se rattacher essentiellement au deu xième type . ROSSEL (1997) a montré que les précipitations annuelles excédentaires de la zone côtière du sud de l'Equateur sont très liées à l' ENSO mais que dans le nord du pays ses relati on s son t beaucoup plu s f aibles et deviennen t t rès faibles, voire inexistantes, dans le cou loir interandin et sur le f lanc or iental amazonien de la cordillère des Andes , pourtant situés trè s près de la zone concernée . En se référant aux vecteurs pluviométriques régionau x (M VR) définis pour le bassin du Nazas, les liaisons EN SO-années excédentaires n' apparaissent pas sign if icat ives, L'ENSO est un phéno mène d' une te lle variabil ité, non seulement dans le temp s et l'espace , mais également dans son intensité, que les différents spécialistes arrivent parfois à des conclusions opposées lorsqu'il s'agit de définir les années chaudes avec ENSO et les années froides sans ENSO. Toujours d'après Moron, les premières auraient été particulièrement bien marquées en 1952-1953 (déficitaire dans le NordMexique), 1957-1958 (excédentaire en 1958), 1965-1966 (déficitaire), 1972 -1973 (excédentaire), 1982-1983 (proche de la normale), 19861987 (excédentaire), et 1992 (déficitaire), les secondes en 1950 (déficitaire), 1954-1956 (très déficitaire), 1962 (fortement déficitaire), 1974-1975 (déficitaire), 1984-1985 (déficitaire) Il est particulièrement intéressant de noter que les années froides correspondent toutes à des années caractérisées par des précipitations déficitaires, la liaison avec les années chaudes n'étant pas, comme il a déjà été souligné, significative L'exemple du Nord-Mexique semble montrer que les grandes causalités des phénomènes climatiques, et plus particulièrement pluviogènes, restent encore à préciser mêmes si certaines grandes tendances commencent à être mises en évidence. Au niveau régional, l'appartenance à une structure déterminée est beaucoup moins franche. Les grands phénomènes mis en jeu: circulations atmosphériques et océaniques, ne sont pas figés. Leur intensité varie, tant dans le temps que dans l'espace, et il est fort probable que durant certaines périodes plus ou moins longues, en une zone déterminée, certaines influences prédominent pour, au contraire, devenir secondaires dans des phases postérieures. Pour le Nord-Mexique, il serait ainsi possible de rattacher la période allant de la moitié des années quarante à la moitié des années soixante à la classe, qualifiée par MORON (1996), de périodicités décennales, la phase postérieure à 1965 appartenant plutôt à la classe ENSO. La première période serait, toutefois, en phase opposée avec celle de l'Afrique sahélienne, puisqu'elle correspond ici à des années particulièrement déficitaires. L'aridité est une caractéristique du Mexique septentrional qui correspond, néanmoins, en milieu naturel, à un certain équilibre, l'eau et plus particulièrement les précipitations transmettant aux écosystèmes récepteurs leur variabilité. Les caractéristiques physiques de ces milieux, et en premier lieu les conditions édaphiques, interviennent également dans la redistribution des ressources hydriques à laquelle est liée la présence d'un couvert végétal plus ou moins fourni. Cet équilibre précaire et instable est menacé par deux contraintes de natures différentes dont les effets peuvent être catastrophiques. Nouvelot et al. : « Leclimatet l'aléa pluviométrique ... » 141 Conclusion 142 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé La première de ces contraintes est d'origine nature lle puisqu'il s'agit des effets de la sécheresse qui, plus ou moins régulièrement et avec plus ou moins d'intensité, atteint ces régions. Les écosystèmes réagissent par un processus d'autoconservation qui se manifeste par une réduction du couvert végétal, l'espace laissé libre devenant alors stérile. Le développement extrême de cette évolution aboutirait à la formation d'un véritable désert minéral. Confronté à de telles conditions, l'homme a cherché, et souvent trouvé, des moyens de survie qui se sont affinés avec le temps et sont même devenus source d'inégalités. L'édification de grands et moyens barrages par la puissance publique, assurant une gestion interannuelle des réserves, la construction de plus petits réservoirs (presones) par les exploitants privés et parfois par les exploitations com- munautaires (ejidos), l'utilisation à plus ou moins grande échelle des ressources souterraines, parfois profondes et peu réalimentées, sont autant de moyens qui permettent aujourd'hui de lutter contre les aléas climatiques. Toutes ces infrastructures concernent essentiellement le monde agricole puisque dans ces régions l'irrigation représente, et de loin, la plus forte demande en eau. Dans le bassin du Nazas, cette consommation atteint 95 % de la ressource utilisée, malgré la présence de l'agglomération de Torre6n, G6mez-Palacio et Lerdo qui totalisent plus d'un million d'habitants. Il faut préciser que l'agriculture et l'élevage intensifs expliquent la présence d'un périmètre irrigué dont la superficie oscille, suivant les années, entre 120 000 et 160 000 ha Le système de El Palmito ne permet pas, malgré sa grande capacité, de supporter plus de deux années de sécheresse prononcée. Or l'étude des chroniques pluviométriques et hydrométriques montre que la probabilité d'obtenir des séries de quatre à cinq années sensiblement sèches est loin d'être faible. Dans de telles périodes, la tentation est grande de puiser dans les réserves souterraines, même si celles-ci sont peu ou pas renouvelées. En conséquence, à côté des contraintes naturelles auxquelles est soumis le milieu, le poids des influences anthropiques n'est pas négligeable et tend même à s'accentuer Le surpâturage sur de très grands espaces, depuis de nombreuses décennies (grandes haciendas de la deuxième moitié du XIxe siècle), accélère le phénomène de dégradation de la cou- verture végétale qui favorise le ruissellement superficiel et par conséquent l'érosion mécanique, et diminue l'infiltration. Diverses hypothèses ont été proposées pour tenter d'expliquer l'origine des sécheresses: échanges d'énergie entre océans et atmosphère, dérèglement à certains moments des circulations et des températures de surface océaniques en liaison avec des anomalies de la circulation atmosphérique (ENSO), liaisons possibles avec le cycle des taches solaires, rôle de l'albédo différentiel et de l'orog raphi e sur la circulatio n atmos phérique, etc. Ces rech erches ont inc ont establement perm is de faire des progrès significatifs dans la compréhen sion des mécani smes mis en jeu, mais il est encor e impossible aujourd'h ui de prévoir ce typ e de phénom ènes et enco re moi ns d'e n évaluer l'ampleu r. La solutio n, po ur évite r que l'équili bre précaire des mi lieux arides nor d-me xicains ne soit rompu, ne peut donc venir que d'un changement du comportemen t de l'homm e dans l'e xploi tation des ressources naturelles dites renouve lables, qu 'il s'agisse de l' eau, du sol ou de la végét at ion Une attitude résolu ment « conservat io nniste » ou « pat rimonialiste » semble actuellement la seule pla nche de salut pour qu e le point de non -retour, déjà att eint dans certa ines régions, ne se générali se pas, et pour assurer un développement durable. Références BOVINP., 1995 - Les sécheresses au Mexique. Sécheresse, 6 (1) : 53-58. Comisi6n Nacional de! Agua (CNA), 1975 - Atlas del Agua, México. CORN ET A., 1993 - « Principales caractéristiques climatiques ». In : Estudio integrado de los recursos vegetaciôn, suelo y agua en la reserva de Mapimi. Instituto de Ecologia, México, D.F. : 45-7 6. DELHOUM.E J.P., 1995 - Fonction- nement hydro-pédologique d'une toposéquence de solsen milieuaride (Réserve de la biosphèrede Mapim ï, Nord-Mexique). Thèse doctorat, université de Poitiers, 300 p. DESCROIXL., NOUVELOT J.-F., ESTRADA J., LEBELT., 2002 - Complémentarités et convergences de méthodes de régionalisation des précipitations, application à une région endoréique du Nord-Mexique. Revue des Sciencesde l'Eau, 14 (3) : 28 1-305. HIEZG., 1986 - « Bases théoriques du vecteur régional (les premières applications et leur mise en oeuvre informatique) ». In : Deuxièmes journées hydrologiques de l'Orstom à Montpellier, 16-17 sept. 1986, coll. Colloques et séminaires: 1-36. Nouvelot et al. : « Le climat et l'aléa pluviom étrique... » 143 MORONV., 1996 - Régionalisation et évolution des précipitations tropicales annuelles (1946-1992). Sécheresse, 7 (1) : 25-32. NOUVELOTJ.-F., DESCROIX L., 1996 Aridité et sécheresse du NordMexique. Trace. Cemca, Mexico, n° 30 : 9-25. ROSSEL F., 1997 - Irfluence du Niiio sur les régimes pluviométriques de l'Équateur. Thèse de "u niversité Montpellier 2, 265 p. SANTIBANEZ A., 1992 - La Laguna. Monographie publiée à compte d'auteur, Torreon, Mexique. 240 p. La spatialisation des précipitations sur les deux versants de la Sierra Madre occidentale On a vu comment l'aridité pouvait être une contrainte au développement, au Nord-Mexique comme dans d'autres régions La connaissance de la répartition des précipitations est rendue difficile dans ces régions peu peuplées et de fait équipées d'un réseau de mesure d'autant plus lâche que de nombreuses stations ont été arrêtées ces dernières années La répartition des précipitations annuelles sur la partie centrale de la Sierra Madre occidentale (correspondant aux régions hydrologiques n° 36 et 10) telle qu'on peut l'apprécier sur la figure 21 montre : - une nette opposition entre les versants ouest et est de la sierra, le versant ouest étant bien plus arrosé mais présentant une bien plus forte variabilité spatiale, fruit d'un relief extrêmement escarpé (NOUVELOT et DESCROIX, 1996 ; DESCROIX et al, 1997; DESCROIX et al, 2001) , - une diminution régulière des précipitations de la ligne de crête (où elles sont de l'ordre de 800 à 1 000 mm) vers la Laguna et l'est du bassin Nazas Aguanaval (où elles sont localement inférieures à 200 mm par an) ; - une diagonale de très fortes précipitations, qui se sépare du littoral pour se rapprocher de la ligne de crête, du sud vers le nord; on atteint des valeurs de plus de 1 500 mm par an à moins de 80 km du littoral au sud, alors que les maxima, proches de 1 200 mm, sont à plus de 150 km de la côte au nord; - l'apparition d'une zone littorale aride au nord, où l'on se rapproche des déserts côtiers du Sonora et de Basse-Californie (moins de 300 mm à Topolobampo) La figure 22 donne les valeurs du coefficient de variation des précipitations interannuelles moyennes pour le bassin Nazas Aguanaval et une grande partie du versant ouest de la sierra. Plus ce coefficient est élevé, plus l'irrégularité interannuelle de la précipitation est forte On constate Luc Descroix géographe-hydrologue Jean-François Nouvelot hydrologue Juan Estrada hydrologue Alfonso Gutierrez hydrologue Introduction 146 IOB'W 106'W La Sierra Madre occidentale. Ull château d'eau menacé 104' W 102'W 1 26' N 24' N 100 km l06 ' W I02 ' W Fig. 2 1 - Isohyètes interannuelles et localisation des postes pluviométriques dans le bassin Nazas-Aguana val et ses environs . 26' N 24' N [; o = 50 k m Fig. 22 - Coefficient de variation interannuelle des précipitations. que l'irrégularité croît très nettement de la côte vers l'intérieur des terres. Ici, les zones où le Cv est le plus faible correspond aux zones les plus pluvieuses du versant ouest de la sierra; les plus forts Cv se rencontrent dans les zones arides du sud du désert de Chihuahua, c'est-à-dire dans les dépressions endoréiques du Bolson de Mapimi. Dans les secteurs peu instrumentés, comme l'est en général le nord du Mexique, il apparaît un jour ou l'autre un besoin de connaître plus ou moins précisément les hauteurs de précipitation en vue de dimensionner des ouvrages (barrages, canaux, ponts, etc) ou de faire des prévisions de pluies extrêmes et donc de risques naturels (crues, inondations, etc). Aussi, comme le réseau est lâche, on cherchera à déterminer deux types d'informations complémentaires à celles fournies par le réseau, et qui permettent d'interpoler spatialement la validité de l'information acquise, afin de pallier l'existence de zones sans données: - la première est la définition de zones homogènes en fonction de l'information pluviométrique recueillie sur le réseau existant; -la seconde est la distance de corrélation des données acquises. C'est pour parvenir à la définition de régions homogènes que l'on a fait appel une nouvelle fois (cf. « Le climat et l'aléa pluviométrique au NordMexique», p. 129) à la Méthode du vecteur régional (MVR) Cette technique, proposée par HIEZ (1986), est basée sur la notion de pseudoproportionnalité des totaux pluviométriques entre stations voisines dont l'ensemble des données permet ainsi l'élaboration d'un vecteur représentatif de la région couverte. Cette élaboration s'appuie sur un principe de maximum de vraisemblance qui part du postulat que l'information la plus vraisemblable est celle qui se répète le plus fréquemment Mais alors que précédemment, on a utilisé cette méthode pour vérifier la validité des données et repérer d'éventuelles erreurs dans les séries, on s'en sert ici pour la détermination par défaut de zones « pluviométriquement » homogènes. C'est-à-dire que l'on considère que si un vecteur est constitué par un ensemble de stations au comportement « proportionnellement » semblable, il définit une région homogène en terme de comportement pluviométrique. L'analyse de toutes les données disponibles sur le réseau existant a permis de constituer sept « régions pluviométriques », cinq pour le bassin du Nazas Aguanaval (RH36) et deux pour le versant Pacifique de la sierra (RH10) (GuTIERREZ, 2003), constitué de nombreux bassins versants dont les eaux s'écoulent directement vers le Pacifique (fig 23). Descroix et al. : « La spatialisation des précipitations ... » 147 La spatialisation des précipitations 148 1000W IW'W IIO"W LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé 29"N IOT' W 106'W IOS'W 28' N 104'W 103' W 27'N . .. -:.' -~ 102 W ....• .. ......•.• *. 4"'-# : -- 26 'N ir- 25' N 24'N . o IOO km 23°N Limites de région hydrologique A - Cours d'eauprincipaux Barrages ft rèservoirs principaux Limite derégion pluviométrique définie parfaMVR Région hydrologique n' 36 1 - Haut Nazas ft pareaux de Durango 2 - MoyenNazas 3 - Plateaux ft valléede l'Aguanaval 4 - Laguna ft &JIsén deMapimi dont (5) - Sierrasde Panas ft jimuJco Région hydrologique n' 10 6 - CuliaGin-MazI!l.)n 7 - fuelte-SinaIœ Le rôle des facteurs locaux et zonaux dans la distribution spatiale des précipitations fig. 23 -Spatialisa rion déterminée par la Méthode du vecteur régional. Il est toujours délicat de rechercher les facteurs locaux pouvant expliquer la répartition spatial e des précipita t ions. Néanmoin s, le premier regard sur la cart e des isohy ètes (fig . 21) permet de comprendre le rôle pri mordial de l'altitude et de la distan ce à l' Océan Ceci est d'aill eurs paradoxalement bien plus net pour le versan t inté rieur (orie nta l) de la Sierra Ma dre occi den tale. On y voi t nett ement la pluviométri e dim in uer en même temps que l'alt it ude (on passe de 900 mm vers 2 800 m à 200 mm vers 1 100 ml, et inversement à la distance au Pacifique . Les deux évolutions sont log iques et se retrouvent sous prat iquement tous les climats . Simp lement, on a ici, du fait que la sierra est parallèle au tra it de côte (ce qu i est dû à la tecton ique régionale), une add it ion des deux phénomènes sur le versant inte rne. Sur le versant Pacif ique de la sierra, l'évo lut ion est fo rcément plus com plexe po ur la simpl e raison que l'altitu de aug ment e avec l'élo ign ement de la côte, ce qui fait que les deux facteurs se cont rarient. M ais la com plexité est accent uée par : - le relief , très escarpé, du versant oue st de la chaîne; - un fort gradient latitudinall ié aux climats zonau x. Le relief impose une tr ès forte variabilité, spatiale et temporelle, des précipitati ons ; celle-ci serait encore plus marquée si la den sité des postes était plus forte, car la variabilit é est ici à l'échelle de ces vallées profondes et des lambeaux de plateau x qui les do min ent parfois de plu s de 1 500 m. Par ailleurs, on est ici à des lat it udes subt ropicales; on passe de fa it. de climats tropic aux, au sud à des climats subt ropicaux, au nord , caractéri sés par un désert côtier sur le littoral (désert du Son ora ) et des secteurs arides continenta ux sur l'alt ipl ano nord-central me xicain (désert de Chihuahua). De ce fait , il ya une configuration régionale de la pluviométrie, les secteurs littoraux ou leur immédiat arri ère-pay s étant les plu s arrosés en zone trop icale. Ma is 500 km plu s au nord , les littorau x sont conc erné s zonalem ent par l'ar idit é cô tière des f açades ouest de con tinent aux latitudes subtropicales. Du fait de cette complexité, on s'est intéressé ici un iqu emen t au versant interne de la sierra; on a voulu déte rmin er les fact eurs locaux de la plu vio mét rie. Pour ce fai re, on a réalisé deu x analyses stat istiques : une Analy se en composante s princ ipales (AC P) et une Anal yse factorielle des correspondances (A FC). Ces analyses permettent de classer et hiérarchi ser les variables explicatives d'un ph énomène (q ui joue ici le rôle de variable dépendante vis-à-vis des autres, co nsidér ées comme indépendantes). L'ACP permet aussi d 'en supprimer quelques-une s en mettant en évidence la redondance des variab les. Ces analy ses ont été faites à pa rt ir des donn ées de précipitatio n annuelle des 52 stat ions les plus documen tées de la Région hydrologiqu e 36 (bassin du Nazas-Agua naval). L'ACP a été menée avec com me variable dépend ante la plu viométrie, comme variab les ind épend ante s l'altitude, la dis tan ce à l' océan Pacifique , la latitude, la longitude et la densité de la végétation sur troi s aires (0,3, 16 et 94 krn-) aut our du po ste pluviométrique . La f igure 24 mo ntre l'espace des variable s basé sur les deu x prem ières composantes de l'A CP, qui repr ésenten t 75 % de la vari ance expliquée . On rema rqu e que la pluvio mét rie est le plus cor rél ée avec l'alt it ude (positi vement) et avec la dista nce à l'Océan (M ER) néga t ivement . La végétation et la lon git ude (ou est, donc valeurs croissan tes vers l'ouest) Descroix et al. : « La spatialisation des précipitations ... » 149 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé 150 0,6 ALT 0,4 0,2 PLU - -- - - - - - - -<++-- - - - - - - - - MER - 0,2 ' VG2 VGl VG3LON MER : distance à l'océan Pacifique ALT : alt itud e PLU : pluviométrie LON : longi tude LAT : laritud e VG1 : indice sur 0,3 km 2 VG2 : indice sur 16 km 2 VG3 : indice sur 94 km 2 - 0,4 ' - 0,6 - 0,8 . LAT - 1 - 1 - 0 ,8 - 0,6 - 0 ,4 - 0,2 0 0 ,2 0,4 0,6 0,8 axe 1 Fig. 24 - Plan pr i ncip al des v ar iabl es de l 'A C (ax es 1 et 2 ; 52 sta tio ns) . so nt également corrél ées positivement. mai s à un moind re degré. Ceci, de mêm e que le fa it qu e ces dern ières variabl es sont bien co rrélées entre elles, s'expl iquent aisément parce qu e les région s les plus hautes et les plus pluvieuses corr espon dent aux sect eurs les plus pro ches de la ligne de part ag e de s eaux avec les co urs d'ea u se jeta nt da ns le Pacifiq ue, c' est -à-d ire les plu s occidentales. Pour pouvoir prendre en compte des valeurs non nurn érisables. o n a men é à bien une AFC, analy se stati stique qui est le pendan t de l'ACP mais permet d' introd uire des valeurs non numériq ues. Il fa ut t o ut efois déterminer des classes pour chacune des variables prises en compte, afin de les hiérarc hiser si nécessaire, et de to ut es manières, de les distingue r les unes des autres Il faut no ter qu 'e n établissant des classes aussi pour les varia bles qu i o nt des valeurs numéri ques (déj à prises en compte par l'ACP), on peut aussi les analyser dans l'AFC. Les variables étudi ées ici sont rassemblées dans le t ab leau XII. Ce sont celle s qui ont servi à réaliser l'ACP, exceptées la longitude et la latitude, ma is on y a ajouté le type de site et deu x types d'expositi on , celle du sit e (échelle kilo mét rique) et celle, plu s globale, de la région du sit e (échelle de la vingta ine de km ). Les résult at s son t exp osés f ig ur e 25 ; celle-c i représente le plan des variables te lles que classées (d 'après le t ableau XII), sur les axes 1 et 2 de l' AFC, qui repré sentent 60 % de la variance expliqu ée des variables. Fig 25 - Plan principal des variables de l'AFC (axes 1 et 2 ; 52 stations), 2 Les variables sont celles indiquées dans le tableau XII GTF RTF SEL zones de pluviométrie élevée LTF SSR TBA TEM TFP SER N al x ELM rn FYE MDM LA GF"'NWR zones uviornétrie zones de p uviométrie _ \,5 moyenne \ -1 - 1,5 - 1.5 -1 - 0,5 COL ° E 0,5 axe 1 On peut constater que l'AFC permet de distinguer quatre « régions pluviométriques » différentes. - une région de pluviométrie très faible (inférieure à 300 mm) ; elle est associée à un éloignement maximal de l'Océan, une altitude et des densités de végétation minimales, et à une situation en plaine ou de fond de vallée encaissée; cette dernière configuration s'explique par la situation d'extrême abri de certains postes situés pourtant dans la Sierra Madre, mais dans des sites très protégés; - une région de faible pluviométrie (300 à 400 mm) associée à une distance à l'océan de 300 à 350 km, un indice de végétation normalisée NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) faible à moyen, une position de piedmont ou de col, une altitude comprise entre 1 200 et 1600 m ; - une région de pluviométrie moyenne, où l'on a une situation de versant ou de fond de vallée majoritaire, une pluviométrie de 400 à 550 mm, une altitude supérieure à 1 600 m, une distance à la mer comprise entre 250 et 300 km, un indice de végétation moyen à élevé; cela correspond aux bas versants et aux fonds des deux grandes vallées du haut Nazas, dans la Sierra Madre (Sextin et Ramos) , Descroix et al. : « La spatialisation des précipitations ... » 151 1.5 2 152 Precipitations prédéterminées Classes Distance au Pacifique TFP P< 300 mm FAP 300-400 mm MOP 400-500 mm La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Classes predeterminees Altitude TFM D<250km TBA A < 1 200 m FAM 250-300 km BAA 1 200-1 600 m MOM 300-350 km MOA 1600-2000 m ELP 500-600 mm MDM 350-400 km HAA A> 2 000 m TEP P> 600 mm ELM 400-450 km TEM D> 450 km vég. éch. vég, éch reg. 16 km 2 reg. 94 km 2 Valeur NOVI (Classes predeterminees) Type de site Classes predeterminees Wg. locale (30 ha) Classes prédéterminées LTF RTF GTF 120-128 FON fond de vallee LFA RFA GFA 128-135 VER versant LMO RMO GMO 135-141 PLA plaine LEL REL GEL 141-146 FYE vallee encaissée LTE RTE GTE 146-154 COL col PlE piedmont Expo. de la region (XXR) prédéterminées NNR Nord NWL NWR Nord-Ouest WWL WWR Ouest Exposition du site (XXL) NNL Classes EEL EER Est NEL NER Nord-Est SEL SER Sud-Est SWL SWR Sud-Ouest SSL SSR Sud ~ Tabl. XII- Les variables de l'Analyse factorielle des correspondances. et une région de pluviométrie élevée (+ de 550 mm), qui correspond aux plus forts indices de végétation, aux plus hautes altitudes, aux zones les plus proches de l'océan Pacifique. Ces stations sont celles situées sur les hauts versants ou sur la ligne de partage des eaux entre les deux versants (RH36 et RH1 0). On constate par ailleurs que hormis la première zone où aucune exposition n'est remarquée (on est au fond du Bolson de Mapimi essentiellement), les types d'exposition ne permettent pas de classer les régions; on les trouve, tous, dans les trois autres zones. La régiona lisation telle que définie par l'analyse stat ist ique n'est pas tr ès différente de celle obten ue grâce à la M éthode du vecteu r régional. Il lui manque les régions 6 et 7 du découp age MVR, qui sont absent es ici car on n'a pas considér é le versant Pacifiqu e de la sierra . Par ailleurs, les régions 2 et 3 sont ici découpées presque de la même maniè re car les plateaux de l'Aguanaval (régio n 3 de la figure 23) sont à plu s haute alt it ude que la vallée du Nazas (région 2), ce q ui lu i perm et d 'e n êt re dist inguée par l'AFC qu i t ient com pte de l' alt it ude ; ma is ces régi ons sont néanmoins grosso modo les mêmes. Les régions hom ogènes restent les mêmes que lle que soit la méth ode uti- Conclusion lisée. mont rant une certaine redondance de l'informa tio n (DESCROIX et el., 200 1) Les régi on s telles que déf inies, ainsi qu e les variogrammes destinés à connaître la distance de dé-corrélat ion (ou, à l'i nverse, la distance maximale de validité du signal pluviométrique), semblent donc suffi samment robustes pour permettre une exten sion de l'information obtenue sur les que lques poste s po ur lesquels on a de longues séries d 'o bservat ion s, et qui fou rnissent po ur j'essenti el une info rmat ion de bo nne qualité. L'une ou l'autre et a fortiori l'en semble de ces méthodes permettent de pall ier la faible densité du réseau et d 'obtenir un e information spati alisée po ur mieux prévoi r les qu ant it és précipitées sur les zon es peu instru menté es, et régionali ser aussi les risques de crue s et d'inond at ion et à l' inverse, de sécheresses et de pénurie. Références DFSCROlX L., NOU\'ELOT j.-F., ESTRADA j., 1997 - Geografiade las lluvias en una cuenca deI Norte de México : regionalizaciôn de las precipitaciones en la Region Hidrolôgica 36 . Fo/!. Cient. n° 8, OrstomlCenid-Raspa, oomez Palacio. DESCROlX L., Nouvsior ] .- F., ESTRADA J., 2001 - Complémentarités et conver- gences de méthodes de régionalisation des précipitations, application à une region endoréique du NordMexique. Revue des Sciences de l'Eau, 14 (3) : 28 1-305. GUTIERREZ A ., 2003 - Modélisation stochastique des précipitations à l'échelle rég ionale pour la prévision des crues au Nord-Mexique. Thèse de "u niversité joseph FourierGrenoble 1, 150 p. HIEZ G., 1986 - « Bases théoriques du vecteur régional (les premières applications et leur mise en oeuvre Dcscroix et al. : « La spatialisation des précipitations... » 153 informatique) In : Deuxièmes journées hydrolog iques de l'orstom à Montp ellier, 16-17 sept. 1986, coll. Colloques et séminaires : 1-36 . )J. No uvs tor j.-F., D ESCROIX L. , 1996 Aridité et sécheresses du NordMexique. Trace, revue du Centre français d'études mexicaines et centroaméricaines, n° 30 : 9-24 . Jérôme Poulenard pédologue José Luis Gonzalez Barrios hydro-pédologue David Viramontes éco-pédologue Luc Descroix géographe-hydrologue Jean-Louis janeau pédologue Les sols int erviennent sur le cycle de l' eau du fait de leurs propriétés hydriques (capacité de stockage , conductivité hydraulique, sorptivité , etc) qui ont des relations directes avec leurs caractéristiques phy- sica-chimiques (t ext ure, structure , porosité , matière organiq ue, etc) Cependant , toutes ces pro priétés et caractérist iques sont facileme nt modifi ables par les act ivit és humaines, ce qui implique aussi une modification de la réponse hydraulique des sols. Les études sur parcelles et bassins versants expérimen tau x dans différente s région s climat iques du globe mont rent une augmentat ion des écoulements lors des coupes fo rest ières et des compactag es des sols, surt out s'ils ont lieu sur de grandes superfic ies. Ces interactions ont fait l'objet de nombreu ses études en clima t tropical humide, (FRI5TCH, 1990 ; CALDER et al., 199 5 ; Woo et al., 1997 ; Scon MUNRO et HUANG, 1997), en climat méditerranéen (KOSMAS et al, 1997 ; et SORRISO-VALVO et al, 1994), en climat temp éré (COSANDEY et al., 1990 ; GALEA et al , 1993 , HUDSON et GILMAN, 1993 ; CROKE et al., 1999) ; en climat semi- aride et aride (SNELOERet BRYAN, 199 5 ; BERGKAMP, 1998 ). Malgré l'un iform ité de leurs répon ses, les chercheurs intéressés par les processus avancent diverses explicati ons (AMBROISE, 1998 ) ; celles-ci évoquent la part de la végétation, des 5015, et des mod ifi cation s du milieu elles-mêmes, tous facteurs qui interagissent dans le milieu naturel. Le cheminement de l'eau peut suivre et les flu x fo nctionnent de façon diverse dans le temps et dans l'espace Le simple couple entr ée (pluie) et sortie (ruissellement) de l'ea u dans le bassin versant ne mont re pas la forte complexité du cheminement de l'eau dans le système. Introduction La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé 156 Présentation des sols de la Sierra Madre Parmi les caractéristiques du sol impliquées dan s le transport et le sto ckage de l'e au on peut cit er celles ayant peu de variab ilité spatio-temporelie dans la Sierra Mad re occid ent ale com me: la t exture, la présence d'horizons argileux, le ty pe de végétation et de litière. Néanmoins, d' autres caractéristiqu es ayant une forte variabilité spat io-temporelle sont aussi importante s à cons idérer dan s les ét udes de tran sferts d'eau dans le sol comme : la struct ure , l'é ta t de la surface, c' est-à-d ire la présence de cro ûte s, les élém ents gro ssiers, la rugosit é, l'abondan ce de lit ière, ainsi que le degr é de couverture végétale . De plu s, d 'autres f acteurs externe s au sol joueron t parfois un rôle important dan s le transfert et le st ockage de l'eau dans les bassins versant s de la Sierra Ma dre. Tel est le cas de : l' int ensité des pl uies, la to pographie et la pen te, la t aille des implu viums, la taille des aires déforestées, l'intensité d u piét inement par le bétail et le surpât urage. On s'appu iera ici sur des données colle ctées sur les bassins versants expérimentau x (f ig. 26). o 2 km • Loca lité Pluviomètre totalisateur • Pluviographe Limnigraphe ..... ....... Site expérimental Bassin versant expérimental o 1 Os palrrutas Fig. 26 - Les bassins versa nts expérimentaux de la Sierr a Madre occidentale et le réseau de mesure hydro-météorologique. De ce fait, les so ls de la sierra ont une forte variab ilité dans leur réponse hydrolo giq ue, et parfois un e suscept ibilit é accrue aux pr ocessus d 'érosion Le chem ineme nt de l' eau dans la Sierra Ma d re occ ide nt ale est régulé par les caractér istiques biop hysiques du milieu modulées par l' im pact de l'activité huma ine qu 'il faut mieu x appréhender. Dévelop pés sur des matériau x d'origine volcanique mis en place au Tertiaire, allant des basaltes aux rhyo lites, les so ls de la Sierra Madre occidentale sont le principal siège des processus de transfert et de stockage de l' eau dest inée aux activités économiques du Nord mexicain . Les sols témo ignen t d'une pédogenès e distinct ive en milieu fersiallitique modelée par les caractéris ti ques géologiques, not amment la présence d'épa isseurs pui ssant es de t uf s et d'ignimbrites miocènes ainsi que de conglomérats , soumi s aux inf luences anciennes et récentes du climat. Dist ribués le long de la chaîne montagneuse massive entre 1 500 et 3 000 m d'a ltitude, les sols de la Sierra Mad re occidentale sont généra lement peu profonds et riches en éléments gro ssiers : graviers, caillo ux et pierres ( POULENA RD, 1995 ). Ils forment une couverture discontinue avec tr ois grands types de so ls domi nant s : les Leptosol s, les Camb isols et les Phaeozems (ISSS e t el., 1998 ; G ONZA LEZ B A RRIOS, 20 00). Ils regroupent les anciens Lit hoso ls et Regosols, ils sont les plus répandus Les Leptosols dans la Sierra Madre. Ce sont des so ls très peu profonds (mo ins de 0,3 m) se distribuant sur tou s les reliefs massifs et sur la plupart des colline s et versant s de la Sierra Madre occiden tale . On trouve leur grande extensio n dan s les secteurs les plus pentu s o ù ils sont soumi s à une forte érosion qui comp ense largement la vit esse d'a pprofo ndissement des profils, forcém ent assez lente dans cett e régi on soumise aux froid s hiverna ux et aussi à huit moi s de saison sèche. Ce sont donc des sols peu évol ués. De faible profondeur (0, 6 à 2 ml , mais avec un profil bien développé, ils donnent à la supe rficie du so l une couleur beige, jaune, rouge, violette ou verte, selon le typ e de matériel d 'origine et son degré d'al tération; ils se distribuent sur la plupart des collines et versant s de la Sierra Madre. Les princ ipa les sub-unités repr ésentées sont : - les Cambisols chrom iques, ayant un chroma élevé; - les Camb isols vert iqu es, riches en arg iles, avec horizons de struct ure massive et fissurés à sec ; Poulenard et al. : « Un encro ûtementdes sols Iimitant.; » 157 Les Cambisols 158 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé - les Cambisol s gleyiques, ayant des horizon s so umis à l' inf luence d'une nappe. Ce sont les sols bru ns de la classif icat io n fr ançaise. Il s'ag it de sols caractérisés par l'e xistence d 'un horizon d' altérat ion Bw b ien marqu é. Ce sont les sols zonau x des milieux tempérés et leur présence ici est assez typique de milieu x tropicau x tempérés pa r l'altit ude. L' ob servation de variantes à caractè res vertiques est sans doute à mettre en relation avec un climat tempéré chaud à saison sèche marquée, qui , n'était l'inversion des saisons sèches et hum ides, rappe llerait les clima ts méditerranéens. Il en résulte. i) des processus de ru béfact ion , c'est- à-dire une crist allisat ion rapide des oxydes de fer en hémat it e q ui a un pouvoir chroma tique tr ès fort (ro uge) ; ii) des phyllosilicates Il dom inants de typ e 2/ 1 (vermiculite, smecti tes.) qui peuvent peut-être expl iquer localement un début de caract ère vertique. On se rapproche donc d 'une pédogenèse de type fersiallitique . Le caractère gleyique doi t évidemment être mis en relation avec des sols de bas-fonds à pr oximité des napp es. Les Phaeozems Ce sont les sols les plus profonds (plus de 2 ml , et ils se localisent sur les plaines et bas-f ond s des versant s. Ils mo ntrent une couleur brun fo ncé avec un profil bien struct uré et développé, riche en matière organique . On a donc des so ls riches en MO (impo rtance des apports endogènes de MO reliés à la végétation herbacée), notamment dan s un ho rizon de surface sombre . Ceci ref lète une genè se avec un climat typiqu ement cont rasté et suffisamment d'eau pour qu'il y ait percolation dans le profil (les Phaeozems sont des sols qui subissent une certaine lixiviation des bases, mais pas au point d'être désat urés en surf ace) avec un e saison sèche également marquée. A u bil an, un sol qui corr espon d bien au climat act uel, notam ment dans les zones pas trop érodées , couverts d' une végétation gra minéenne importante et conn aissant un bon fonctionne ment biologique . Quoi qu'i l en soit, on observe une pédogenèse globa lement typiq ue de régi on s de mon tagnes tropicales avec saisons contrastées, hum ide et sèche . L'abondance de Leptoso ls dan s ce contexte montre cependant l'intensit é des phénom ènes érosi fs. Certa ins des Camb isols et Phaeozems présente nt ainsi des caractères verti ques en pré sence d'a rgiles abond antes, sans développe r po ur auta nt des surfaces de f ro tt ement dans le pr ofil, ni des reliefs de gilgaï en surfac e. De nombreuses analyses de sol, in situ (mesures physiques à faire sur place) ou en laboratoire (analyses physico-chimiques), ont été réalisées sur les sols des bassins expérimentaux de la Sierra Madre occidentale et leurs environs. Plus de 400 points ont fait l'objet de mesures systématiques de la conductivité hydraulique (au simple cylindre et à l'infiltro- L'eau dans les sols de la Sierra Madre mètre à disques et à succion contrôlée), de la densité apparente, de la porosité et de la granulométrie. Ces éléments ont permis de mieux caractériser le fonctionnement hydro-dynamique des sols de la région, et ce à diverses échelles. Comme on l'a vu plus haut, les sols de la Sierra Madre occidentale sont caractérisés par une abondance d'éléments grossiers. On constate une distribution bi-modale avec un mode vers 25 % massique et un mode vers 50 % massique Cette présence d'éléments grossiers a d'importantes répercussions sur la dynamique de l'eau dans la zone. Sur les pentes inférieures à 20°, les pierres sont le plus souvent enchâssées dans la matrice et contribuent à rendre le sol peu perméable. Sur les pentes plus fortes, les pierres sont le plus souvent libres (pour les raisons citées plus haut) et contribuent au contraire à favoriser l'infiltration; dans ces conditions, lorsqu'on soulève une pierre, on constate souvent que le sol est bien plus meuble dessous, et on note une forte activité faunique; ce qui n'est pas le cas sur les versants peu pentus où les pierres sont scellées dans les croûtes superficielles. Cette forte pierrosité est bien sûr liée à la présence de sols peu épais (Leptosols notamment) et donc à la proximité de la roche mère conduisant à une abondance de cailloux, pierres et blocs On peut aussi dans certaines zones la concevoir comme la résultante de phénomènes érosifs actifs ayant fait migré les particules fines: accumulation relative d'éléments grossiers (EG) par départ des particules fines. Si on raisonne par zone d'étude, on constate trois caractères remarquables des sols: - une relation entre teneur en argile et teneur en éléments grossiers pour le site CUR (bassin d'El Cura); - une relation entre la pente et la teneur en éléments grossiers pour les sites ESM (bassin Esmeralda) (fig. 27), et pour les sites PIL (bassin du Pilitas) jusqu'à des pentes de l'ordre de 20 % On interprète évidemment cette relation comme une observation de la relation: Pente ---+ érosion ---+ départ préférentiel des fines ---+ teneur relative en éléments grossiers plus forte Poulenard et al. : « Un encroûtement des sols limitant... » 159 Les éléments grossiers 160 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé - on remarq ue en revanche qu e les quelques sites sit ués sur les plu s fortes pent es (au-dessus de 25 °) présent ent de s te ne ur s en éléme nt s gro ssiers plus f aib les. Ceci ill ust rerait -il la plus faib le érosion sur des pentes t rès forte s ? ESM : bassin Esmeralda PIL: bas sin Pilitas EG : éléments grossie rs 0.6 0 .5 ,.., E ,..,'-! E ~ otL.I ;:; :; '" c '" f- 0,4 .. 0 .3 D ESM .. PlL D 0.2 Dy 0 .1 · 0 0 =0.004 4x + 0,074 4 r_=0 .41 JO 20 Pente (%) 30 40 Fig. 2 7 - Relation entre la pente et la teneur en éléme nts grossiers , bassin s de Esmeralda et Pilitas, Station hydrométrique du bassin de Pilitas, située au centre du vill age de Boleras, entre Santa Ma ria dei Oro et Tepehuanes. On constate que les différents essais d' infiltration sont réal isés sur des Texture et carbone sols présen tant des texture s très var iées et notam ment de trè s fort es variat ions des tene urs en argile (de 8 à plus de 40 % ). Les variati on s de teneurs en carbone o rganique dans l'hori zon 0-10 cm sont en revan che beaucoup plus faibles (de 0,5 à 2,5 %) (f ig . 28). Le bassin du Cura présente des sols avec des teneurs en argile stat istiqu eme nt plus élevées que celles des tr ois aut res sites . Cependan t la variatio n principale est une variat ion au sein des sites, à met t re en lien avec le deg ré d 'évolut ion des sols et/ou le con texte éros if (zo ne de départ préférenti el versus zon e de dépôt préf érent iel). Il est à not er qu 'aucune relation simple n'a pu êt re établie pour expliqu er la variabilité spat iale des teneurs en carbone des sols. Il est surt o ut rem arq uab le que l'on observe un e extrême variabi lité de t o ute s les pr opriét és physiq ues du sol ( DESCROIX et el ., 200 2), tan t en te rme s de conductivité , de densité apparente, de porosité, que de gra nulométri e (dans le cas présent) , en partic ulier de te neur en argile et en élémen ts grossiers. Difficile donc de fai re une classification des sols o •C • lOCI 60 110 Poulenard et al. : « Un encro ûtement des sols lim itant. .. » Fig. 28 - Répartition des sols sur le diagramme des textures , en fonction de leu r teneur en rnat iére organique. 10 161 162 LaSierra Madre occidentale, un château d'cau menacé d'après leur textu re. Ceci se reflète bie n sûr par une extrême variabi lité des capacités d 'i nf ilt rat ion des sols. La variabilité des teneurs en carbone (et du st ock total de carbone) est à mett re en relation avec la dynam ique actuelle des surfa ces, les mises à nu activa nt f ortement la minéralisat ion du carbone des so ls ( PODWO JEWSKI et et., 2002) et de la végéta tion (surp àturage, remplacement des chênes par les pins .. .). Les teneurs en carbone (en q.kq' de ter re f ine, c'est à dire < 2 mm) sont assez élevées alors que les sto cks calculés sur 10 cm sont plut ôt faibles, ce qui est lié à l'abondance des éléments gro ssiers. Cela illustre le problème d'une expression pondérale sur la terre fine alo rs qu'il y a bea uco up d 'é léments grossiers, et l' intérêt de reven ir à une expression volum ique des teneurs En effet, la richesse en carbone de la terre fine n'a pas de sens, si elle ne représe nt e qu'u ne trè s f aible part ie d u volume. Porosité Comme on l'a déjà remarqué préalablement, il est délicat d'analyser la poro sité de la ter re fine quand celle-ci ne représente que 30 à 60 % du vol um e tota l du sol, du fa it de l'énorme vo lume des éléments grossiers. Cette porosi té de la terre fine peut naturellement être subdivisée en fonc tio n des résultats des mesures de capacité de réte ntion en eau à différ entes succions . En appli quant la loi de Jurin Laplace on peut dissocier : - la porosité corr espond ant à des po res de rayon s < 0,2 IJm (capable s de retenir de l'ea u à pF 4,2) (pF= étan t le po int de flét rissement) ; - la porosi té corresponda nt à des pores de rayons compris ent re 10 et 0,2 IJm (pores pleins d'eau à pF 2, 5 et vides à pF 4,2 ) ; - la poros ité t otale (issue du simp le calcul 1- dat fldr). 0,6 • DO y = 0.654x + 0.0988 0.5 o '"'8 0,4 ~ '"8 ~ 0,3 .~ 'in ...00 0,2 Çl.. o .j 1 0,0 .1 0 Porosité totale (terre fine) • Porosité < 0,2 urn ~ 0, \ o • Porosité < 10 urn y 0.1 0.2 0.3 Argile (g.kg " ) 0,4 =O,5366x + 0,030 1 0.5 Fig. 29 - Relation entre la porosité des sols et leur teneur en argile dans la Sierra Madre occidentale. On constate que la porosité de taille < 0,2 IJ m est tr ès fortem ent reliée à la q uanti té d 'a rg ile (f ig. 29 ). Il s'agit bien d' un e por osit é te xt ur ale En revanche, la porosit é de ta ille 10-0 ,2 IJm qu i peut êtr e le siège de la réserve en eau uti le pou r les plantes est remarq uablemen t consta nt e (les deu x droites de régr ession sont qu asi parallèle s). Enfin, la porosité constituée de pore s > 10 IJm, utiles au transfert rapide d'eau est très clairement indépendante des t eneurs en argi le. Les états de surf ace consti t uent un élément qui est direc teme nt sous la dép endance de l' ut ilisat ion des sols. La figure 30 permet de co nsta t er qu 'ils sont probablement le moyen de classificat ion des sols qui synt hétise le mieux l' info rmation concernant leurs caract éristique s hydr o-dynamiques, souvent dues, comme on l'a vu, aux usages qui sont fait s de ces Les états de surface dans la Sierra Madre occidentale sols. On remarque que ni le typ e de sol, ni le type de roche mère, ni la po sition du site sur le versant, ne permettent une ségrégati on de classes de co nd uctivi té hydraul ique aussi marquée qu e celle auto risée par les états de surface Dans les bassins expérimentau x du haut bassin du Nazas, où des relevés hydr a-pluviométriques ont ét é réali sés de 1994 à 1999 (f ig . 26), on a constaté que toutes les zones situées au-des sous de 2 400 m d'alt itude avaient été tr ansformées en pâturages durant les cinquante dernières années, et ce à parti r des hacienda s et des villages qui ont succédé, au moment de la réforme agrai re, aux cam pements où les employés des grands propr iétaires gardaient les trou peaux. Peu à peu, tout cet espace a ét é dévolu à l'élevage. Les secteurs situés au-d essus de 2 400 m sont aussi avant tout pastoraux ; mais les forêts y couvr ent encore un cert ain pourcentage de l'e space : plu s de la mo it ié au-de ssus de 2 700 rn, et plus de 80 % sur les plu s hauts plateaux, aux alentours de 2 900 3 000 m . Donc , plu s on monte en altitude, et moin s le surpât urag e a modifié les conditions de surface du sol, puisque la forêt a subi peu de coupe s pour les besoin s des pâtures . Par contre, ces secteurs les plu s élevés sont ceux o ù les coupe s se font dans un but d 'e xpl oitat ion fo resti ère ; la pl us f orte pl uviomé t rie et la présence de nom br eux arbust es et des résidus d 'exploitat ion de la fo rêt pro tèg ent po ur le moment les sols d 'un tro p fort imp act du p iét inem ent (les tr oupeau x peuvent paître jusq u'aux crêtes). Poulenard et al, : « Un encroûtement des sols limitant. .. » 163 Des états de surface « jeunes» La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé 164 0.00 8 0 ,007 0 ,006 <Il E 0 ,005 E c 0.004 -<>-- Crête et platea u - ·0 ·- Haut versant - -û-- - -lr- . - -6- - Milieu versant · · · X· · · Bas versa nt -- Fond de vallee 0,008 Carnbisol Leptoso\ Phaeozem aE <Il Vert ic Carnbisol _ _ Tous sols ...c ... :2 -<>-- 0.009 :2 0.003 0,007 0 ,006 0 ,005 0 .004 0 .003 0.002 0,002 0 ,001 0.001 - . .:- . Total 0 0 - 100 - 70 - 40 succion en mm - 10 - 100 - 70 - 40 succion en mm - 10 GC : graviers croûte FPB : free pebbles and blacks, pierres et cailloux libres INT : indured topsoil : sol encroûté 0 ,0 12 0.009 0 ,008 <Il E E ... C <Il :.::: 0,00 7 .. ·0· · · lgnirnbr ües rhyolitiques - -c., - Tufs et conglomerats -fr- Tota l 0,01 l' 1 <Il 1 1 1 1 0,006 1 1 1 0 ,005 .0 1 1 1 0 ,004 1 0 ,003 0 .002 , ,, ,» , , è E ...c :2 . . -c>.. - ·0 - - --6- - 0 ,008 ----0-- Autres GC FPB INT .0 0,006 0 ,004 1 0 .002 0,00 1 a 0 - 100 - 70 - 40 succion en mm Typologie - 10 - 100 - 40 - 70 su ccion en mm - 10 Fig. 30 - Classificati on des mesures de conductivi té hydraulique suivant les ty pes de sol, la lithologie, la position du site de mesure sur le versant , et les états de surface. De la récent e dégradat ion de la couv ert ure végétale et du piétinemen t du bétail ont découlé trois types principaux d'états de surface spécifiques (f ig. 31) , caracté risés pour les uns par un encroûtement généralisé et le dernie r par un empier rement prog ressif de la surface; ces trois états de surface couvrent plu s de 95 % de l'espace dans la zone consacrée exclusivement à l' élevage . Les troi s sont récents et leur formation est liée au surpâturage (DEscRoIX et el., 200 1). Ge (gravierscroûte ougravel-crust) Cet état de surface est typ iq ue des zones de pâturage de pente compr ise entre 2 et 20° ; il s'agit (fi g. 3 1) d'une mi nce croû te de part icu les f ines =t~ :' iJ ~ ~ j I' 1.- o. ', 't . .-", 1--' ' : -, " c " . fi': ....... 1:' () 0 ç . , ~ 0 . n .. O' la \:"-, \ _) Ge . ~ v • . ~ . ~. __-. 1 l/ D . " .'1:"',r-,y : --, ",', ' . ~ ' • ,-. . J o <) o INT ~ - 4:. '! ~ . V · · I( ~ C ~ .:t / . )~ ,) [ _j . c . c ." " ._._._" , ; '-.~; . . .' ·'.1 ... de so ls dan s laqu ell e les grav iers son t incru stés, lim it ant sérieuseme n t l' infiltrat ion de l' eau et favo risant don c le rui ssell em ent . Sa fo rma t io n est Fig . 31 - profil des trois principaux états de surface décrits. liée à l'impact d u splash sur les plages de sol dénu dé de pl us en plus ét endues; ce process us déplace les plus fi nes par t icules du sol, qu i viennent bouch er les pores et f ixer les graviers « 20 mm ) dans la mat rice Ce type de cro ûte correspond aux secte urs conn aissant de forts coe ff icients de ruissellement et des pertes en sols élevées et on le t rouve dan s tous les endro its surpâturés où s'accroissent les zones de so l nu. Il correspond aussi aux croûtes déf inies par CASENAVEet VALENTIN (1989) ; com me l'ont ob servé POESEN et al. (1990), l'incru station des gr avier s dan s la croû te explique les hauts coeffi cients de rui ssellement . Ce type de surface se tr ouve dan s tous les types de m il ieu sur pentes faibles (moins de 10°) ; la locali sation la plus fréquente est l'interfluve ou INT (Indurated topsoi/, sols encroûtés) le bas des versants (là où l'argile n'a pas encore été mobili sée ou bien là où au contraire, elle s'est accumulée), sous pâturages. Il se caractérise par une induration de s hor izon s superficiels (sur 20 o u 40 cm) des ph aeozem s rouges . Ces horizons son t sérieu seme nt comp actés du fa it de fortes teneurs en argile (co nt rairement au « GC ») et du pi ét inem ent incessant du béta il, ma is ne repré sentent que 5 à 10 % de la surface des pât urage s (f ig . 31) . En zone tr op icale, ce type de surface évo luerait vers une croûte f erru gi neuse. On trouve ce typ e de surfa ce sou s fo rêt mais surtout da ns les pât urages , là où les pente s dépassent 20°, Il est caractérisé par un e fort e proportion de blocs, pier res et caillou x (> 20 mm ), non encastrés da ns la mat rice Poulenard et al. : « Un encro ûtement des sols limitant ... » 165 FPB (Free pebbles and blacks, pierres et cailloux libres) 166 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Versant très dégradé sujet au ruissellement en napp e généralisé, au-dessus de la Posta de )ihuites. (f ig. 30). Si la charge bétaill ère excessive se maintient après la formation du pavage, les terr assette s apparaissent du fait du piét inement. Le fa it que les caillou x ne s'en cast rent pas dans la matrice est dû à leur grand no mb re, à leur taille, mais surto ut à la conjon ction de la pen te et du passage incessant des t roup eaux, qu i les déplacent con stamm ent. Une cart ographie ( BOYER, 1999) des états de surface sur deux des bassins expé rim entaux a mon tré la logique de leur distr ibut ion spat iale, en fo nct ion des pentes et de la localisation sur le versant . Des états de surface de zone semi-aride dans un secteur de montagne subtropical Les états de surface act uels, don t on a postulé qu'ils étaient le résultat d'un stade d'érosion antérieur , font penser à ceu x de sect eurs plu s arides . Les surfaces « GC » et « INT » se ret ro uvent par exemple dans le bassin expérimental d'Atoto nilco, en zone semi -aride, au cent re de l'Altipl ano nord-central mexicain . Dans cet autre site d'obse rvation et de suivi hyd rol ogique du prog ramme « Gestio n et usage de l'ea u dans un bassin du Nord-Mexique », la pluviométrie annuelle est de 4 00 mm (cont re 60 0 mm en moyenne sur les bassins de la Sierra Mad re) et les pâturages, même s' ils sont mieu x gérés, laissent app araît re de grandes plages de so l nu entre les touffes de graminées. Le site expér imental est insta llé dans un ranc h privé de 40 000 ha, dont les propriéta ires ont eu les moy ens de creuser une cinq uant aine de puits, et peu vent achet er du soja im po rt é les anné es où les pâtura ges sont t rop pe u product if s ( ESTRADA, 1999) Ceci auto rise dans un site comme dans l'aut re la forma- t ion d'organisat ion s pellicula ires superf icielles et de sols ind urés sur des proportions significatives de la superficie des versants. En gros, on retrouve des états de surface de type « semi-aride» dans un milieu défini comme sub-humide où la pluviométrie permet normalement la présence de pâturages très denses sous chênes Si 95 % de l'espace non forestier est surpâturé et comprend un des types de surface considérés ici comme découlant de la surexploitation des herbages, il est difficile d'imaginer que cela n'a pas d'impact hydrologique. Nonobstant le fait que sur les pentes fortes, le processus de dégradation semble « auto-freiné» par le pavage de la surface, ce type de formations superficielles est bien plus enclin au ruissellement que les rares sites protégés et enclos depuis longtemps où l'on peut encore observer les profils du sol avant dégradation Il apparaît nettement que le piétinement du bétail et la dégradation de Conclusion la strate végétale modifient la structure du sol et l'aspect des versants, en rendant plus aisé le ruissellement (fermeture des pores, tassement, glaçage de la surface) Par contre, sur les versants les plus pentus, la dégradation de la végétation et des sols a produit une forte pierrosité de surface, laquelle freine à présent le ruissellement et l'érosion, en dispersant l'énergie cinétique des pluies et en favorisant l'infiltration. Il est donc important de considérer quelles peuvent être les conséquences de ces activités et de la formation de ces états de surface sur le comportement hydro-dynamique des versants de la Sierra Madre occidentale. Références B., 1998 - Genèse des débits dans lespetits bassinsversantsruraux en milieu tempéré : 1- Processus et facteurs. Revue des Sciences del'Eau, na 4 (11): 617-630. AMBROISE BERGKAMP G., 1998 - A hierarchical view of the interactions of runoff and infiltration with vegetation and micro-topogtaphy in semiarid shrublands. Catena, 33 : 201-220, Poulenard et al. : « Un encroûtement des sols limitant ... » 167 BOYER C,' 1999 - Variabilite spatiale du comportementhydrodynamique des versants dans la Sierra Madre occidentale, Mémoire de maîtrise de géographie, Institut de géographie alpine,UJF-Grenoble, 108 p. 168 CALDER I.R.,HALL L.R., BASTABLEH.G., GUNSTON H.M., SHELA O., CHIRW." A., KAfUNDU R. 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Les parce lles de mesures, par contre, int rod uisent forcément un biais, puisque leur seule insta llatio n est une pert urbat ion des condi tio ns de ruisse llement et d 'infiltrat io n natu relles; on a do nc auta nt q ue fa ire se peut, insta llé de s parcelles en fonction de la topog raphie et en perturbant le moins possib le les éta ts de surf ace préalables . Mais il est clair que les seules données com plèt ement « non bi aisées » sont celles obtenue s à l' exut oire de bassins versants Il est difficile de se faire un e idée des formes du ruissellement et de ses seuils de déclenchement dans l'espac e à part ir des écoulements observés à j'exutoire, dans des bassins de plusieurs mi ll iers de krn-'. C'est po urtan t la seule informatio n dont on dispose sur une longu e du rée dans les étu des hydrologiques au Nord-Mexique . En l'occurrence, la station El Palmito a été mise en service en 1929 sur l'emplacement du futur barrage (mis en eau en 1946) ; les stations Sardinas (sur le Sextin ) et Salome Acosta (sur le Ramos), contrôlant les deux princ ipau x tributa ires du Nazas ont été mises en service en 1970 et ont fonct ionné correcte ment sauf lors de la grande crue de 1991 -1992 172 États de surface et comportement hydra-dynamique des versants LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé On prend ici comme exemple les hydrog rammes de la st at ion El Cu ra pour les années 1995 et 1996 (fi g . 32). Le bassin-ve rsant (f ig. 26 ) mesure 2 1,8 km 2 ; il est creusé dans les rhyolit es et boisé à 43 %, et enfin il est assez peu escarpé (pen te moyenn e 6,6 °). L'observation de la pluviométr ie et des débits de l'a nn ée 1995, représentat ive (tabl. XIII) des année s de mesures 1994-1999 , montre un Un comportement hortonien? ret our rapide à 0 des écoulemen ts après les précip it at ions, caract éristiq ue des ruissellements hortoniens (H ORTON, 1933 ), dus à une intensité des plu ies dépassant la capacité d' inf iltration des sols. Si l'on se réfère à l'ann ée 1996, la seule qui ne soit pas repré sentative des années de mesure, on remarque que ju squ'au 18 août, le comportement des écoulements est conforme à celui de 1995 . Puis, on a l'apparition d'u n débit de base sur le cours d'eau, de quelques centaine s de litres par seconde, et ce dur ant troi s semaines, du fait d'un e pluviosité abondante . L'appar ition d'un déb it de base n' a été ob servée par la suite qu 'à deux occasions: en 1997 durant quelq ues jour s en f in de saison, du fait de précip itat io ns assez abo ndant es et Fig . 32 - Compa rai son des hyd rogramm es de la st ation de l 'arroyo El Cura po u r 1995 et 1996. ... . c: E 10 El <: 15 <li 25000 20 l!l 20000 25 0E 's; 30 :s 15000 I.s· 1 Débits en ..... . Pluviom étrie en mm 10 000 5000 0 <li 'S ' <lI :0 Q 35 000 5 <li ' <lI 35 40 45 1 1 1. Il '" ~ '" ~ 0- g: '" 0 ;::: 0 g ;::: 0- "'è N ~ 0 15 au '" 00- <, œ 0 §: Sécheresse des années d'observation s'" g ro0 Hy drogramme statio n El Cura, jui n-octobre 1996. P = 576 mm a :1 ~ : ~ :: 30000 j du du fait du passage d'un e queue de cyclone (60 mm en 4 jours ). Hydrogramme station El Cura, ju in -octobre 1995. P = 236 mm 35000 rappr ochées, et 20 juin 1998 , c'est-à-dire avant l'arrivée des pluie s de front inte rtropical, '" s '" roN cc g 00- ~, 50 0:: T 30000 ~ !E ~ [T :: , 25 000 <: <li l!l :0 ' <1> Q Ë; :~ ;::.:' 0 : .;; '.; ::':' ; :r :-; fT: i ~; : f::l ~ ~ 5 ; ':'1.. E 10 E c: 15 <li 20 20000 <1> 'S ' <1> 25 E 0 15000 30 Débits en I.s- 1 ... .... Pluvi ométr ie en mm 10 000 5000 Il 0 s 00 "'~ '" 00 ~ ~ 0- 00 0- ~ ;::: ~ s '" 00- ,.. ~ 0N Il 35 ,. 00 00- , ""~ "" :j~ 00 ~l ~ ~ r-, 0 Mais l'obse rvation des séries de précipitations connues da ns la sierra (f ig. 33) montre que les années 1994- 1999 sont des années sèches voire très sèches, et qu'inverseme nt, 1996 est par cont re dans la moyenne des 40 45 00 ~ ~ r-, N ~ -o ~ ,.. 50 '> ::l li:: BVRamos, station Salomé Acosta BVSextin, station Sardinas 1 / / 700 /' 600 400 o 50 ~ 1 / '1 " ; f. . \ .. t, • 1t:)jl ......... \ li: '. •. . " a.·i '.' .Io.,1i.: Ji. 1.-. '. • 1 \ 1 " \ / '.L :. ' ,~ .' ! \ 1 f .. \ 1 ~. \ li' \ ~ ~ " J4 l ' l ,:. ... ". \ 20 1 ~ ,- .\l ;~',. 1 ~ .. " .. " . . \ /'. \ '.' 1 200 "' 100 ~. _ I&~ O_ _ 10 ,~O ~ .:1.._, : _ ~ III , ~ 1 \ I ",i ,.. j:. •.. • .• .' '.' " \ " \ ,i Il 1 li \, ,,,1 \1 \, 30 / 25 ," ,, 20 / 40 ' // 1 500 300 200 100 .30 60 1000 900 800 1 1 / - 15 10 1 \ " l ' • " '1 'I 1 \ : ".; " ."',," ;., .•. Ir" ~ -, •.•' 1 1 ~ \ 5 ,.11 ~ 0 ___ lame précipitée (mm) lame écoulée (mm) _-,._ coefficient d'écoulement (%) ___ lame précipitée (mm) ..... lame écoulée (mm) - ..... - coefficient d'écoulement (%) années 1970-2000 Peut-on en déduire que l'année 1996, peu représentative de la période d'observation, est en fait tout à fait typique de la série « longue », donc d'une situation « normale» ou « moyenne» 7 Fig. 33 - Pluviométrie, débits observés et coefficient d'écoulement pour les bassins du Sextin (gauche) et du Ramos (droite) de 1970 à 2000. A priori oui, mais le manque d'observation à l'échelle de la parcelle ou du petit bassin nous oblige à nous référer aux grands bassins (Ramos et Sextin) qui eux, confirment que 1996 est plus proche des années antérieures à 1993, et qu'elle est probablement la seule année « représentative » dans les années de mesure, Le tableau XIII fait le point sur les données de pluie des années de mesure, Cela est confirmé par un témoignage oral (mais bien sûr sujet à caution et soumis à une subjectivité incontrôlable) des habitants des villages de la sierra, qui nous ont affirmé en voyant un écoulement semi-pérenne se rétablir dans les petits cours d'eau après le 20 août 1996, qu'en fait cela était la situation normale, du moins celle à laquelle ils étaient habitués, La figure 33 nous apporte des renseignements sur la réponse hydrologique des bassins à la pluviométrie, et à la succession d'années sèches qui a prévalu durant la période de mesures, Tout d'abord on remarque que le déficit pluviométrique, à l'échelle des grands bassins (4 660 km 2 pour le Sextin ; 7 130 km 2 pour le Ramos) est moindre que sur les bassins expérimentaux (déficit de 20-25 % au lieu de 30-35 % à la Ciénega de Escobar, cf, tabl. XIII), Malgré cela, les coefficients d'écoulement et les lames écoulées ont beaucoup diminué après 1993 (sauf pour l'année 1996) dans chacun des bassins, La faiblesse des écoulements depuis 1994 rappelle celle que l'on observe sur Gonzalez Banios et al. : « Érosion et ruissellement. .. » 1 73 Le comportement hortonien des ruissellements mesurés est-il dû à la dégradation des sols ou à des mesures effectuées durant des années sèches ? 174 Site exp érimen tal La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé 199 1 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Rosilla 345 360 612 339 365 Agua]e 295 324 690 298 320 Ma nga 234 284 602 322 272 Ma nga 245 32 1 578 281 260 300 Cura 295 330 643 290 360 340 Esme ralda 315 340 652 310 390 380 Pilitas 3 12 310 620 315 280 310 370 490 694 460 410 365 Tabl. XIIl - Pluviométrie des sites de mesure, 1994-1999 (années des observat ions hydrologiques). BVexp érime ntal Stati on de Ciénega de Escobar' 428 432 512 445 ' II s'agit de la stati on la plus proche du réseau nation al de mesure mexicain (CNA) . Elle est située à 10 km à l' ouest du centre du dispositif expérimental ; sa pluviométrie annuelle moy enne ( 196 5 - 1998) est de 584 mm (écart -ty pe 14 1 mm) . le bassin du Cura en 199 5 (f ig. 32) ; une telle faib lesse a aussi été enregistrée en 1994, 199 7, 199 8 et 1999 . Par contre, la figure 33 montre que l' année 1996 se rapproch e par sa pluv iométri e comme par ses écou lement s des années antérieures à 1991 . L'année 199 7 a un comporte ment spécial , avec une pluviom ét rie élevée et peu d'écou lement . En effet, c'est une année chaud e en te rme de El Nino, ce qu i fai t qu'il y a eu d'a bo ndantes pr écipitat ion s d 'h iver. Toutefois celles-ci n' ont pas atteint le vo lume ob servé durant l'h iver 199 1- 199 2 et surto ut elles n'ont pas eu le même effet en terme de rui ssellem ent. Les pluies de décemb re 1991 et janvier 1992 avaient no n seulement rempli le réservo ir du barrag e El Palm ito, mais elles avaie nt même provo qué des inon datio ns dan s la Lagun a, 150 km en aval, du f ait de l'ou verture brut ale du déver soir de tr op -plein du barrag e liée à une mauvaise prévision des app orts. Cett e erreur des autorités compé tente s aurait entraîn é la dest ructio n vo lo ntaire des archives des deux st at ions pou r les années 1991 et 1992 . On peut imaginer, au vu des donn ées des longues séries sur les grands bassins et des six anné es de mesure sur les pet it s, qu e le ruissellement dans les pâturages de la Sierra Mad re occidenta le est mixte , pr incipalement ho rtonien durant les années sèches et les pr emières semai nes des saisons des pluies, et cappusien (CAPPUS, 1960) lors des cyclones, des hivers d'années « chaud es » (c'est-à-dire avec El Nino ) et lor s des années de pluv iom ét rie norma le, à part ir d' une pluv iomét rie cum ulée de 200 mm en un mois de saison des pluies Pour résum er à la fois spatia lement et tem por ell ement cette variat ion de faciès hydrol o gi que , on peut estim er qu 'i l existe un seuil de 50 0 mm de plu viométrie annuelle au-dessous duq uel t out le ruissellement est hortonien , et au -dessus duquel il est cappu sien. Celui-ci apparaît quand 200 mm de précipitations se sont pro duits en quelques semaines, remplis sant ainsi, dans une grande partie de l'e space, la capacit é d'absorpti on en eau des sols, tell e qu 'ell e a été calculée ( D ESCROIX et ei., 2002) : elle est de 32 mm en moyenne dans les pha eo- zems d'une épaisseur de 0 à 20 cm, et de 135 m m lor squ 'il s ont de 20 à 60 cm de pr of ond eur ; ces deux caté gories rep résente nt 94 % de l'espace da ns les pâ tu rages et les fo rêts de la Sierra Mad re occi de nta le. La faib le profondeur de ces sols et l'impe rméa bi lité totale des ign imbrites rhyolitique s so us-jacentes expliquent ce rap id e passage à u n fonct ionn ement en zon e co ntrib uti ve saturé e, qu e nou s n 'avons pu observer qu' en 1996 de faço n no to ire, du fa it de l' in digence des préc ipitatio ns lors de la pér iod e d'observat ions . Gonzalez Barrios et al. : « Érosion et ruissellement. .. » 175 Ruissellement en nappe sur la tranchée de la route entre Santa Maria deI Oro et Tepehuanes, un jour de pluie: pas de hiérarchisation de l' écoulement. toute la surface ruisselle. 176 Conclusion: l'effet de la durée de l'événement quand le réservoir est petit ! La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé Les pluies d'hiver et les pluies de queues de cyclones ont un enseignement intéressant: elles ruissellent, au bout de quelques heures ou de quelques Jours, malgré des intensités bien plus faibles (0,5 à 2 rnrn.ht) que les conductivités hydrauliques observées sur le terrain. En effet, celles-ci sont en moyenne (avec une très forte variabilité spatiale, cf. DescROIx et al., 2002) de : - 11 rnrn.h' sur les surfaces de type « INT» ; - 14,5 mm.h' sur les surfaces « GC » ; - 29 rnrn.h' sur les « FPB ». Or, si ces pluies sont peu intenses, elles peuvent durer plusieurs jours d'affilée, arrivant à remplir le réservoir sol. Si 40 % de la surface a une contenance de 32 mm d'eau (VIRAMONTES et al., 2002), même si ce réservoir est vide au début des précipitations, (ce qui est toujours le cas des pluies d'hiver, et des cyclones se produisant avant la saison des pluies), le sol peut être rapidement saturé sur cette proportion d'espace. Ces pluies se produisent en effet souvent à un moment où l'évapotranspiration est faible (cas des pluies d'hiver). De ce fait, en deux Jours de précipitation à 1 rnrn.h' par exemple, le réservoir peut « déborder» et les versants fonctionner en surface contributive satu- rée. En début de saison, il faut 20 mm de pluie et en fin de saison, 5 à 15 mm pour qu'un orage d'une heure ruisselle. Cet effet de la durée a aussi été observé sur le site semi-aride d'Atotonilco (communication orale de Juan Estrada). Conséquences sur les propriétés physiques des horizons superficiels des sols Des campagnes de mesures des propriétés physiques des sols ont été menées de 1997 à 2001 sur les bassins de la sierra. La première (1997) a été une campagne de mesure d'infiltrométrie par cylindre unique (méthode suggérée par ROOSE et al., 1993). La densité apparente a été mesurée sur chaque site (méthode du cylindre). Des échantillons ont été prélevés qui ont permis de faire des granulométries (effectuées au laboratoire du Cenid Raspa à G6mez Palacio), ainsi que de déterminer les paramètres suivants: - capacité au champ; - point de flétrissement; - teneur en matière organique; - carbone total; - espace poral. En 1998, une campagne de mesure a été entreprise sur les mêmes sites que les tests cylindres, mais avec des infiltrométres TRIMS (VAUCLIN et CHOPART, 1992) Sur chaque site était réalisé un test en multi-potentiels (en faisant varier la dépression appliquée à l'infiltromètre) et trois tests simples (avec une dépression unique de 10 mm) étaient effectués, l'un avec un grand disque (25 cm de diamètre), les deux autres avec un petit disque (8 cm), pour avoir également une mesure en mode multi-rayons (VANDERVAERE, 1995) Le fait de prendre la moyenne des deux petits disques pour le calcul de K limite un peu l'effet de la variabilité spatiale des valeurs de conductivité. On a utilisé sur chaque site la plate-forme d'un des grands disques pour effectuer un prélèvement de densité apparente avec la méthode dite « de la piscine» ; ceux-ci se sont révélés plus robustes que le test de densité au cylindre. Afin de cerner le lien de chaque variable entre elles et avec la conductivité hydraulique, qui nous paraissait ici devoir être l'élément clé pour comprendre le fonctionnement hydro-dynamique des sols, on a effectué une Analyse en composantes principales (ACP) de ces variables de sol. Les résultats sont exposés dans la figure 34 ; le nom des variables de l'espace des deux premières composantes est explicité dans le tableau XIV. Fig. 34 - Espace des variables de l'ACP paramètres du sol (tiré de DESCROIX et al., 2002). CAC PFP 0.8 ARG CT TEF 0.6 Ll/VI 0,4 EGV KMR EGP KMP TEl 0,2 PEN KCY A DAT DB20 POR PTB _olt B DM DCP sBR B 1S- \) R DBI0 DB50,6 SAB- 0,8 -) - 0.8 - 0,6 - 0,4 - 0,2 -1 ° 0,2 0,4 0,6 0,8 axe 1 Gonzalez Banios et al. : « Érosion et ruissellement. .. » 177 La Sierra Madre occidentale, lin château d'eau menacé 178 Conductivité hydraulique KM R Kmesurée au TRIMS en modemulti-rayons KMP Kmesurée au TRIMS en mode multi-potentiels KCY Kmesurée avec la méthode Seerkan Densité apparente DAT DCP D,'-'\ DR densité apparente du sol complet (matrice plus cailloux) densité des cailloux et pierres densité de la matrice densité réelle Porosité POR espace poral Pente PEN valeur de la pente Dimension du bulbe d'humectation des tests cylindres PTS profondeurtotale du bulbe DSB DB5 OBI O OB IS OB20 diamètre superficiel du bulbe diamètre du bulbe à 5 cm de profondeur diamètre du bulbe a 10 cm de profondeur diamètre du bulbe à l S cm de profondeur diamètre du bulbe a 20 cm de profo ndeur Texture ARG LlM SAB %d'a rgile %de limon %de sable Élémentsgrossiers EGV EGP % d'éléments grossiers (en volume) % d'éléments grossiers (en poids) Sorptivité SOR sorptivité Teneur en eau TEl TEF teneur en eau initiale teneur en eau finale Propriétés du sol CAC PFP CT capacité au champ point de flétrissement permanent carbone total Tabl. XIV- Paramètres physiques du sol pris en compte dans l 'At'P, L'espace des variables permet de mettre en évidence les points suivants (D ESCRO IX et al , 2002 ) : - il existe une co rrélation évidente entre les valeurs de co nd uct ivit é hydraul ique (KM R et KM P en part icul ier) et la teneur en éléments gro ssiers (EGP et EGV) ; ceci correspond aux observations faites en termes de ruissellement et d 'éro sion ; -la pente (PEN), la densité app arente total e (DAT, matrice + g rossiers) et le diamè t re du bul be d'humectat io n (DSB) n'ont pas de relation no to ire avec K. Ces paramètres physiques expliquent les fortes variations de conductivité hydraulique entre les différents états de surface (DEscRolx et al, 2001) Le point le plus important nous paraît être le rôle de la pierrosité, et en particulier le rôle des gros cailloux et des pierres libres dans les terrains pentus. Le premier axe explique 24 % de la variance et est également déterminé par la porosité (POR), corrélée positivement à la conductivité, et par la densité de la matrice (DM), corrélée négativement avec K Le second axe (16 % de la variance expliquée) est caractérisé surtout par la teneur en argile (ARG), la capacité au champ (CAC), le point de flétrissement permanent (PFP), la teneur en carbone total (CT), et la teneur en eau à saturation (TEF), toutes variables corrélées positivement avec K ; par contre, là encore, la densité réelle (DR) lUI est corrélée négativement On a utilisé en grande partie ces paramètres pour déterminer, dans un paysage où domine fortement l'érosion aréolaire (ou laminaire), les paramètres qui étaient à l'oriqine de la formation des ravines. Plusieurs des paramètres utilisés étaient difficilement numérisables, sauf à introduire un biais dans le traitement statistique des données On a dû procéder alors à une AFC, analyse factorielle des correspondances, pour trouver les liens et corrélations entre variables étudiées. Malgré la prédominance de l'érosion en nappe (ou aréolaire), les ravines se développent récemment dans les rares versants aux sols profonds. Gonzalez Barrios et al. : « Érosion et ruissellement. .. » 179 180 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé On a pris en compte ici: - des éléments végétaux (en taux de couverture) : litière (LIT), arbres (ARB), graminées (GRM), plantes annuelles (ANI\J); - des éléments lithologiques' affleurements d'ignimbrites (IGN) ; - des éléments pédologiques : proportion de sable (SAB), états de surface (GC), pierrosité (PIE), graviers (GRV), encroûtement (CRO) ; - des éléments topographiques: pente (PEN), rugosité (RUG), présence de terrassettes (TER), distance de la ravine au drain principal (DRR), pente de cette distance (PRR) ; - des éléments descriptifs des ravines: bassin versant l'alimentant (SRF), longueur (LON), et volume (VOL) de la ravine. La figure 35 reproduit l'espace des variables de cette analyse suivant les deux principales composantes. Ces deux axes représentent respectivement 34 et 17 % de la variance expliquée. Cette analyse permet de souligner les relations suivantes: -la taille des ravines (longueur et volume) est corrélée positivement avec la taille de leur bassin, certes, mais surtout avec: l'encroûtement des sols du bassin, la présence d'ignimbrites, les graminées; 0,8 0,6 TER PIE DRR SAB 0,4 RUG 0,2 N ARB PEN 'lJ ;;j GRV VOL PRR - 0,2 ANN -0,4 LIT - 0,6 GC - 0,8 fig, 35 - Espace des variables de l'AfC sur les ravines (tiré de travaux en cours), -1 - 0,5 GRM IGN LON SRF ° axe 1 0,5 CRO - elle est reliée négativement à la pente, à la rugosité et à tous les éléments qui composent cette ruqosité : terrassettes, pierrosité, présence de graviers. Cette analyse a été réalisée à partir d'un échantillon de 31 ravines réparties sur 400 km2. Elle confirme l'opposition déjà notée en termes d'états de surface, entre: - les secteurs en pente douce et aux versants longs, encroûtés et pâturés, qui connaissent un fort ravinement si les sols sont suffisamment profonds; l'érosion laminaire y est présente aussi, comme en témoignent l'appauvrissement des horizons superficiels en éléments fins, et la fréquente apparition en surface de l'horizon d'accumulation des argiles, normalement situé à 20 à 40 cm de profondeur. - les secteurs de versants courts mais pentus, très rugueux et pierreux, où les ravines sont petites du fait que l'on atteint vite la roche-mère: l'érosion y est essentiellement laminaire, les ravines n'apparaissant en général que dans les talwegs principaux, et leur creusement étant lui aussi bloqué par la forte pierrosité. Cette ségrégation apparaît nettement dans l'espace des ravines (fig. 36), où les deux ensembles se distinguent nettement, avec leurs éléments constitutifs. Les catégories sélectionnées pour l'analyse des correspondances sont mentionnées dans le tableau XV Fig. 36 - Espace des individus de l'AFC ravines. AN4 Petltes ravines en conglomérats: sols minces, fones plcrrosit é et rugos ité. présence de terrasseu res , petits bassins versa nts GV2 PR4 axe 1 Gonzalez Barrios et al. : « Érosion et ruissellement. .. » 181 Grandes ravines sur lgnimbrites : sols profonds, faibles rugosité et pierrosité, sols encroûtés, pas de terrassettes, bassins versants étendus 182 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Volume de la ravine VRI 0-100 Longueur de la ravine LRI 0-90 (mO) VR2 100-1000 (rn) LR2 90-230 VR3 1000-10000 LR3 230-600 VR4 + de 10000 LR4 + de 600 Distan ce entre le bas DRI 0 Pente entre la ravine PRI 0 de la ravine DR2 10-35 et le cours d'eau (0) PR2 2-9 et le cours d'eau (rn) DR3 35- 150 PR3 10-26 DR4 150-250 PR4 90 Surface de l'impluvium BVI 1000-10000 Lithologie CON Conglomérats \m 2 ) BV2 10 000-25 000 de l'impluvium IGN Ignimbrites BV3 25000-250000 BV4 + de 250 000 Pente de l'impluvium (0) PEI 0-9,5 Rugosité RGI 0-5 PE2 9,5-15 de l'impluvium (0) RG2 5-10 PE3 15-25 RG3 10-15 Tau x de boisement ABl 0 de l'impluvium (%) AB2 1-10 AB3 11-30 Taux de couverture en graminées (q GMI 0-3 GM2 3-15 GM3 15-3 1 GM4 + de 31 Taux de couverture LII 0-2 Taux de cou verture ANI 0 par la liti ère ('!il ) LI2 2-6 par les annuelles (%) AN2 0,1- 1,5 LI3 6-12 AN3 1,5-3 Ll4 + de 12 AN4 + de 1,5 de couverture Taux de couverture GVl 0-15 Taux par des graviers (%) GV2 15-25 par des sables (%) SAI 0 SA2 1-7 GV3 25-35 S/\3 7-13 GV4 + de 35 SM + de 13 Taux de couverture PlI 0-3 BLO NON par des cailloux (% ) PI2 3-9 BLl OUI Pl3 9-20 P14 + de 20 Présence de blocs Taux de surface GCI 0-[ 1 Taux de surface CRI 0 en gravier-croûte (%) GC2 19-28 encroûtée CR2 0,5-10 Présence de terrassettes GC3 28-40 CR3 10-21 GC4 + de 40 CR4 + de 21 TRO NON TRI OUI - Tabl. XV- Ensemble des classes de variables prises en compte dans ('AfC« ravines". De fait, pour les états de surface caractérisés par l'abondance d'éléments grossiers (croûtes de type INT et GC), on constate une corrélation satisfaisante entre teneur volumique en éléments grossiers et conductivité hydraulique à saturation (fig 37). Cependant, les points de conduc- t ivité hydraulique ext rême PIL 32 et 33 s'écartent sensiblement de cette rég ression expone nt ielle et consti t uent des hor sain s, c'est-à-dire des éléments stat ist iq uem ent isolés. Qu oi qu 'il en soit, p lus la te neu r en éléments grossiers est élevée, plus la co nductivi t é hydr aulique est forte . La réalisation d 'une régres sion multiple prenant en com pte outre la teneur en éléments gros siers, la porosité de la terre fine am éliore un peu la régression (le coefficient de détermination passe de 0,42 à 0,52 ). On voi t se dessiner un scénario dans leq uel déboisemen t et surtout excès de pâtu rage conduisent à la formation de nouveaux état s de surface (anth ro piq ues 7) qui eux-mêmes sont générateurs de nou veaux compo rte me nts hydrologiq ues de la part des sols et des versants . On verra plus loin ce qu'il en est à l'échelle des grands bassins versant s. Le ta bl eau XVI et la figure 37 mont rent l' imp act du surpât urage sur le co mpo rt ement hydrodynam ique des sols et des versants . tOO 90 o 1 80 .. 70 .. -.<: E 50 ., g V> :G 40 ·1 30 · Fig. 37 - Corrélation ent re conductivité hydrauliq ue et teneur en éléments grossi ers . Les deux carrés blancs représentent les points PIL 32 et PIL 33 mentionnés dans le texte. o 60 . Î 20 10 · 0 1- ° ,•••••• • • . • 3.337 6x y = 5.8523e ~ 0,2 0, 1 •• 0 ,3 3 Densité apparente Espace poral (%) Capacité au cha mp (%) Carbone total (%) Non pâturé (sites PIL32 et PlL 33) 77 1.2 1 49 10 .5 1,4 Surpât uré (sites PIL 3 \ et PIL 3 4) 24 1.5 5 35 8 0 .9 Ks (cylind re) 0,4 Teneur en éléments grossiers (cm .cm mrn/h Type de site Gonzalez Barrios et al. : « Érosion et ruissellement. .. » • 183 ·3 0,5 ) Tab L XVI - Caractéristiques physiques des hor izon s de surface (0-5 cm) d 'un sol s u r deu x sites voisins . 0.6 184 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Les mesures du tableau XVI ont été réalisées deux par deux de part et d'autre d'une clôture de barbelé, sur le même versant (mêmes conditions par ailleurs de pente, type de sol, exposition, etc) Les sites PIL 32 et 33 sont situés dans une parcelle clôturée depuis dix ans; PIL 31 et 34 dans une autre parcelle fortement surpâturée. Les deux paires de mesures ont été faites à 40 m l'une de l'autre. On constate que la densité apparente augmente très sensiblement sous l'effet du piétinement du bétail, et inversement, que ce dernier provoque une nette diminution de la conductivité hydraulique (Ks) à saturation, de l'espace poral, de la capacité au champ et de la teneur en carbone total. Cela signifie que le surpâturage enttsine une compaction du 501 et une très forte diminution de la capacité d'infiltration et de stockage en eau des 5015, ainsi qu'une dégradation de leur structure et de leur fertilité. Ces mesures ont été faites ponctuellement. Le tableau XXII (p 211) montre qu'à l'échelle de la parcelle de 50 m-. les conséquences n'en sont pas moins drastiques En effet, si la présence d'un arbre protège partiellement de l'érosion et du ruissellement les pâturages surexploités, son action est bien moindre que celle d'une mise en défens. Le piétinement du bétail accroît nettement ruissellement et pertes en sol, et a pour corollaire l'apparition d'une porosité non fonctionnelle, nommée porosité vésiculaire (CASENAVE et VALENTIN, 1989) : les pores sont bouchés par la compaction du sol et les effets du splash (rejaillissement) exagérés par la mise à nu de plages de plus en plus grandes du sol. De fait à l'échelle ponctuelle et de la parcelle (comme fraction du versant), on constate des modifications drastiques des états de surface et des caractéristiques physiques du sol, qui ne sont pas sans conséquences sur le fonctionnement hydrodynamique des versants. La surexploitation de l'espace semble tangible (cf. « Trop de bétail et trop de bûcherons. Une économie minière », p. 191) et a des conséquences évidentes au niveau du bilan hydrique; leur mise en évidence à l'échelle locale, dont il a été question ici, suggère des modifications des bilans hydriques à plus grande échelle qui seront abordées plus loin Conclusion Les travaux réalisés sur les propriétés physiques du sol avaient surtout pour but de montrer l'extrême variabilité spatiale de ces propriétés et la difficulté de les spatialiser (Dtscnoix et al, 2002). Mais ils ont permis aussi de bien cerner les propriétés physiques actuelles des sols et ce qu ' elles devaient à la surexp lo itat ion des te rres et en parti cul ier au surpât urage et aux ef f ets d'u n piét in ement exagéré du bét ail. Celui -ci a drast iqu ement ch angé les éta t s de surfa ce et les cond itio ns de J'i nfi lt rati on , modifi ant le régime hyd rol og ique ju squ 'à l' éch ell e du bassin versant de 5 000 km 2 En effe t. com me le mo ntren t de s t ravaux en co urs (DE SCROIX et al ., soumis), l'érosion laminaire (ou aréol ai re) l'emp o rt e du fait de l'e xtrême ext ensio n spat iale du surpâtu rage et des co ndit io ns de surf ace encr oûtées et d'empierrement q u' il génè re . Il en résulte, out re la gén éra lisat io n des « terras settes » sur les pentes supér ieur es à 20 % , une pierr osit é tr ès f o rt e et gén éra le, qu i n 'a qu 'un seul avan t age en te rme de préservation du mi lieu : c'est la co nst itut io n d'un pavage protég eant en part ie le sol de l'énergi e cinétique de la plui e. Références BOYER c., 1999 - Variabilité spatiale du comportement hy drodynamique des versants dans la Sierra Madre occidentale. 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A ., POULE:'<.\RD L. , j ., 2002 - B OLLERY Compor- Les paramè tres sociaux et humains tels qu'analysés dans la premi ère par tie , et les facteurs phy siques, décortiqués dan s la deu xième partie, se comb inent pou r expl iquer l'évolution des milieux anthrop isés de la Sierra Madre occidenta le. De fait , l'ét at des pât urage s et de la forêt se ressente nt de décenn ies d'e xploitatio n de type minier Cette surexploit at ion du milieu dans la Sierra Madre occidentale (cf . « Trop de bét ail et tro p de bûcherons Une économ ie min ière », p. 191) s'est tradu ite par une modification des paysages sur de grandes étend ues : sols nus, pieds de vaches, pâturages dégradés , for êts très éclaircies, et de fait. par une évolut ion para llèle des états de surface et des conditions qui président au devenir de l'eau de pluie arriva nt au contact du sol ; les sols, érodés, amincis, encro ûtés ou indurés, laissent bien moins infiltrer l'eau de plu ie. L'étendue croissant e de ces espaces dégradés a déjà ent raîné des modif icat ions des régim es hydrol o giques (cf « Une eau menacée par la dég radati on des ressources végétal es », p . 207). En effet, on peut craindre qu'à terme, ces changements de condition s de surface n'affectent l'ensemble du cycle terre stre de l' eau. Or rappe lon s qu'une des hypothèses de départ est bien que la Sierra Mad re est un château d'eau pour l'ensem ble du Nord du pays. Les déséquilibres remarqués à pet ite échelle se concrétisent déjà à grande échelle sur les régimes. La que stion de savoi r si une dégradation prononcée de la végétat ion pourr ait avoi r une rét roacti on sur la pluviométrie reste du doma ine de la spéculat ion; on l'aborde sous la forme d'un débat bibliog raphiq ue (cf . « Inf luence de la for et sur la plu viométrie », p. 221 ). Mais cette quest ion reste posée, et Pâturages et forêts sous pression 189 190 t Elle es une o es quesno ns screnturq ues majeur es posées au pro g ramm e A NIM A, Analyse mult idisciplln dire de la rno« ; 0 0 a! Ii Cd,n p , qui est, en 200 5 au débu t de sa phase in ensive La Sierra Madre occidentale. unchâteau d'eau menacé est d ' aill eurs l' une des questions scient if iq ues fo nda men tales de bi en des prog rammes de recher che à l'h eur e actuell e' . Cela fait toutef oi s très longtem ps qu'u ne te lle interrogat ion hant e le trav ail des chercheurs en sciences de la Planèt e, L'e nsemble des q uestion s po sées dan s cette troi sièm e parti e, q ui est elle-même au cœ ur des reche rches qui o nt été menées durant dou ze ans dans la Sierra Ma dre , peut se ram ener à deux conclus ions cruciales : - les modi ficati o ns des paysages et des so ls observées à grande échelle (celle des un it és de sols) o nt des répercussio ns, à pet it e échelle, sur les gr ands bassin s versants et leu r co mporte ment hyd rol ogique ; - et de ce fai t, la gestion de la ressour ce en eau do it en fa it êt re un e gestio n de l'e space, il f aut intégrer dans les org anismes de gestion de l'eau les usage rs de l' espace mêm e s' ils ne sem blent pas a p rio ri des usager s de l'eau . En t ant qu 'u sagers de l' espace, ici l' espace agro-pasto ral et/ou fore stier, les exp loita nt s ag ricol es et les bûchero ns on t un rôl e dans la modi fic ation du cycle hydr ologique, et do ivent donc êt re à part entiè re con sidérés comme des usagers de l'eau En effet en laissant se dégrade r un pâturag e, un éleveur a une respo nsabilité vis-à-vis des uti lisat eurs de l'ea u sit ués en aval ; de mêm e un forestier qui abattrait un pan de forêt à blanc (ce qui , d'a illeurs, est int erdit au Me xique) L'une et l'autre de ces act ion s a des conséqu ences en te rme hydrique et peut donc modif ier le bi lan de l' eau, o u au mo ins le régime des eaux, ce q ui à son to ur peu t comprom ettre l' ap pro vision nement des usagers en aval. 1/ fau t réappre nd re à consid érer l'ensem bl e soi -végéta tion -eau comm e une seule et même ressource ; une mod ific ation de l'un des termes a des rép ercussio ns sur les deux autres. David vlramontes eco-pédologue Eva Anay a biologiste pastoraliste Coral Garcia doctorante en géographie physique Jérôme Poulenard pédologue Henri Barral géographe pastoraliste Laura Mac ias ingénieure informaticienne Maria Guadalupe Rodrigu ez Camarillo ingénieure forestière On a vu que cette surexploitation prenait essentiellement deux formes le surpâturage et la déforestation. L'un et l'autre sont très répandus, votre constituent la règle Malgré un système d'exploitation rustique et peu rentable, l'élevage extensif de bœufs d'embouche est l'activité économique principale et traditionnelle de cette région C'est une forme d'exploitation caractéristique des pays en voie de développement (le bétail vit presque en liberté), avec une ambiance de western (à l'exception des vieux « pickup » des années soixante-dix comme moyen de transport). La nécessité économique, les aides du gouvernement pour la production ainsi que la vente du bétail assurée tous les ans, promeuvent l'élevage dans cette région comme une activité prospère. Cependant, le pâturage semble se faire sans aucune réflexion sur la pérennisation de l'exploitation Dans la gestion spatiale des terres de parcours, il existe un roulement au cours de lannée : durant la saison des pluies, une partie des terres est inaccessible au bétail pour permettre une régénérescence de la couverture végétale (la réserve), alors que le reste des terres est ouvert au pâturage. Ce système existait du temps des ejidos et a été maintenu dans certains villages. Cependant, malgré de grandes surfaces de pâturage le roulement ne s'effectue pas sur des périodes assez longues pour permettre une bonne récupération de la végétation Ce phénomène est cumulatif et il aboutit à une dégradation à long terme et à la diminution de la capacité productive de la zone. Surpâturage: y-a-t-il trop de têtes de bétail, ou plus assez de gardiens de troupeaux? 192 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Fig. 38 - Zones de surpâturage (d'après POULENARD, 1995). EE!l Village Axe de communication ..- Cours d'eau _ Zone de culture • _ Point d'eau Espace surpâturé Ensemble de la zone de pâture Environs de La Posta de [ihuites : « pâturages » surexploités. On observe un surpâturage aigu autour des points d'eau, des axes de communication et des villages (fig 38) Ces zones étaient considérées comme les plus soumises à la pression pastorale, et donc à la dégradation des 5015 (POULENARD, 1995) Le cheminement des animaux se fait toujours vers un point d'eau; cette distance que doit parcourir un animai jusqu'au lieu d'abreuvement conditionne la densité animale en chaque point. Plus cette distance est courte, plus la densité observable est forte Les éleveurs sont aussi désireux d'assurer une surveillance, même lointaine, des troupeaux. La peur des vols de bétail, historiquement nombreux et encore très fréquents, est l'une des causes culturelles de ce désir de concentration de bétail autour des villages. Comme les montagnes du sud de l'Europe jusqu'à il ya quelques décennies, ou comme celles d'Afrique du Nord de nosjours, lesmontagnes d'Amérique latine font face actuellement à une surexploitation qui y accentue lesphénomènes de dégradation des 5015 et de la végétation (DE NONI et el., 2001). La Sierra Madre occidentale ne fait pas exception, et le bassin du Nazas, dans l'État de Durango, a fait l'objet de recherches portant sur la dégradation de la couverture végétale du fait du déboisement (RODRIGUEZ, 1997) et du surpâturage (POULENARD et el., 1996), sur lesétats de surface créés par cette surexploitation (DESCROIX et el., 2001), ainsi que sur les conséquences hydrologiques de cette dégradation à l'échelle du bassin (VIRAMONTES, 2000 ; VIRAMONTES et DESCROIX, 2002, VIRAMONTES et DESCROIX, 2003). Il faut bien mesurer l'ampleur du problème. Dans le secteur du haut Nazas, qui est représentatif de l'essentiel de la Sierra Madre, le surpâturage est extrêmement prononcé, et on a mesuré des charges pastorales trois à quatre fois supérieures à celles autorisées par la qualité des herbages (VIRAMONTES et DESCROIX, 2002) Le tableau XVII montre bien l'ampleur de la surexploitation de l'espace dans cette région (cf encadré 5 « L'appréciation du surpâturage », p. 201). Ce déséquilibre entre la ressource et sa consommation est certes en partie amoindri par les disponibilités en fourrage que les paysans peuvent donner au bétail après la récolte du maïs grain (fig. 39) ; néanmoins, on voit qu'il y a tout de même un sérieux déficit en pâturage Communauté rurale Tabl. XVlI- Charge bétaillère observée et souhaitable dans deux communautés rurales du haut Nazas (en hectare par UGB, Unité de gros bétail). Pâturage disponible 1994 Pâturage nécessaire 1994 Pâturage disponible 1997 Pâturage nécessaire 1997 Posta de Jihuites 2,25 10,50 3,75 9.67 BaIeras 3,95 19.40 5.26 17.14 Ensemble 3,38 16,34 4,83 14,64 Viramontes et al. : « Trop de bétail et trop de bûcherons» 193 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé 194 Posta de [ihultes • Espace disponible Fourrage Pâturage Espace nécessaire Boleras • Espace disponible Fourrage Pâturage Espace nécessaire Ensemble 18 16 .ci -;;;'" ..c Fig. 39 - Ampleur du déficit fourrager expliquanr le surpâturage. 14 • 12 10 Fourrage Pâturage B 6 4 2 o ~ - .-, ,.- Espace disponible - -T" Espace nécessaire C'est surto ut ce surpât urage qui condui t à la dégradati on des sols t elle qu 'on " observe actu ellement. Dans la Sierra M adre occiden tale, le paysage po rt e aussi, presque partout, les traces d' une phase d'é rosion antéri eure à l'actu elle. Du moins, en de nom breux sites, les versants ont des états de surface qui sont hérités dans la mesure où, for més par une phase d'éros ion int ense, ils sont devenus si caillo ute ux qu e le pavage y limit e très sensiblement l' érosion par rapport aux secteurs avoisinants. En effet, il est difficile de parler de phase d'érosion passée, dans la mesure où la couverture végétale et les sols sont de plus en plus dégradés, et les conditions climatiques n'ont pas changé. Toutefois, on observe en maints endroits des ravines creusées dans les versants et qui ne semblent plus actives, leur fond étant envahi par la végétation herbacée. " Pieds de vaches» dans un versant de savane arborée d'altitude. Terrassettes dans des pâturages dégradés. Vira montes et al. : « Trop de bétail et trop de bûcherons » 195 196 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé La pression bétaillère est telle qu 'elle a ent raîné la formation de versants ent iers de « pieds de vaches », ces terrass ettes spécif iques au surpâtu rage en montag ne, déjà observée s da ns les A lpe s et les And es (SERRATE , 1978). En effe t , les vaches qui circulent dans les herbages forment (ici sur les pentes supérieures à 17°) des rep lat s en repassant toujours sur les mêmes passages; les replats se succèdent tous les mè tres ou t o us les deu x mè tres envir on, form ant de véri tables échelles de pet ites te rrasses . Celles-ci appara issent auta nt dan s les savanes d' altitude où quelques chênes parsème nt la prai rie et aucun arbre jeune n' est observé que sur des pâtu rages sans arb res. B. Pinus c. Quercus Graminées Sol D. Pierres Roche mère E. -Fig. 4{) - Étapes de la dégradation verte des pâturages, aboutissant à leur envahissement par des ligneux non app ètants, Il est important de note r, comme l'a fait V IRAMONTES (2000) qu'on assiste en mêm e temps à une « dégradation verte des pâturages », ceux-ci étant envah is par des lig neux non appétants , pr incipa lement des pins. La figure 4 0 mont re les étap es de cette dégradation qu i se produ it en que lques années ou au maximum en quelques dizaines d 'a nnées . M algré la surexploi tation des terr es de pâturage, le dévelo ppemen t du bét ail ne s' arrête pas. Le tableau XVIII mon t re l'évo lution du nom bre de tête s de bét ail dan s l' État de Durang o et les municioios de la zo ne d'étu de Entre 1970 et 2000 , le nom bre de tê te s de bétail dans l'État de Duran go est passé de 1 037 8 57 à 1 429965 . Parmi les municip ios de la Sierra, Guanacevi, Tepeh uanes, San Bernardo et Indé o nt augme nté leur che ptel de manière signif icat ive, par contre les m unicipios d ' El Oro et Sa nt iago Papasqu iaro ont vu dimi nuer la charg e de bét ail. 19 70 1990 2000 1 037 85 7 1 102 045 1 429 965 39 03 5 29663 58 400 Tepehuanes 238 18 28 24 7 37 050 Santiago Papasquiaro 64 699 69 9 71 61 75 1 San Bernardo 28 002 25 710 4 1 984 El Oro 8225 0 51 082 61 345 lnd é 32281 3882 0 42300 État de Duran go Guanacevi Tabl. XVIII - Nombre de têtes de bétail da ns l'Ét a t de Durango et les municipios de la Sierra Madr e occid en tal e. Source: INEGI, 1970, 1990 et 200 1. L'ex ploi tat io n forestière est la deuxièm e acti vité écon o miq ue de la Sierra M adre occidentale . Cett e activité est ici tr ès récente . En eff et. la pr oduc ti on régulière co m merciale de bois a commen cé dans les an nées 1970 avec l'installation de l'o rgani sme f édéral Proform ex. L' im pl ant ation de cet t e occupatio n f or est ière s'est dévelo ppée rapidement sur les forê t s d u nord du Mexiq ue. Cependa nt. dans la plupart des cas, la forê t est vue comm e un don de la nat ure et no n comm e une ent reprise à développer. L' exp loitation de type m inier est caractérist iq ue de pre sque to ut es les for êt s du no rd du M exiq ue. Ac tuelle ment, la partie mon tagne use de l'ouest de l' Ëta t de Du rango (Sierra M adre occidentale) est la zone forestière la plus importante du Me xiqu e. L'e xploitatio n forestière est prise en charge par les entrep rises des villes (Durango, Santiago Papasquiaro , Tepehuanes ). Les paysans de la sierra vendent les permis de coupe de la fo rêt et ils ne par tic ipent pas Viramontes et al. : « Trop de bétail et trop de b ûcherons » 197 Une . . exploitation , mlnlere des ressources forestières 198 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé aux opérations En effet. les arbres repr ésentent des gains en plu s, donnés par la nat ure Les paysans sont t rès occupés avec leur béta il. Le ta bl eau XIX montre l'év olu ti on de la production de bois dans l'État de Durango caracté risée par un e augmentation entre les année s 19 70 et 1980 et une stabilisation ensuite. Années Production de bois en rn-/an 1971- 1974 803 000 1975 -19 79 1 379 000 1980-1989 2 335 000 1990 22 16000 2000 2371 890 Tabl. XIX - Évolution annuelle de la production de bois dans ('État de Durango. Cependa nt , les chi ffres officiels ne mon tre nt pas tout à fai t la réalité. D'après les organismes du gouvernement (Sagarpa, Semarnat et lneqi ), la capacité de la product ion de bo is de l' État est de 2 355 000 m 3 Par co nt re, la demande de bo is par les entreprises est de 3 864 000 m 3 Cett e demande supé rieu re à l' offre des forêt s de la sierr a, et les p ro blèmes liés à l' écon omi e rég ionale o nt pro voq ué une f orte pre ssion sur les ressources et so uvent des violation s de la loi fo restière. En effet , le permi s de coupe cont rôlé par les organismes du gouvernement est souvent peu respecté Les paysans so nt faci leme nt co rro m pus du fait de leurs problèmes éco no m iq ues et de leu r peu d' intérêt pou r la forêt. ils sont en fai t des éleveu rs fiers de leur bétai l. De plus, le contrô le des gros cam ions d'exp loitants est min ime ou sym bolique . En outre, la forme d'ex ploitati o n ext ensive et sélect ive est « discrèt e », elle ne se tr aduit pas par une grande supe rf icie déboisée d'une année sur l' aut re. Un constat: un déboisement massif Néanmoins, le tableau XX donne l'évo lution chiffrée de la cou verture des fo rma tio ns vég éta les en tre 1972 et 1998 pou r le bassin du Sexti n (5 0 50 km -'), situ é dan s la Sierra Madre occiden tale, au nord de l' État de Durango. On s'aperçoit que la forêt est en net recul. Ceci est dû à une surexploi t at io n des ressources, en g rande part ie causée par l'abattage clan dest in (il repré senta it ent re 60 et 70 % de la pr od uct io n to tale entre 199 2 et 2002 ). A u nivea u spat ial, les don nées de base ayant servi à con stru ire le tableau sont de s interprétation s d 'images satellita ires Landsat (1972) et SPOT (1998) (RODRIGUEZ, 1997 ; VIRAMONTES, 2000 ; GARCIA,2003) La production de bois autorisée plafonne à moins de 2 millions de m 3 par an pour l'État de Durango depuis une vingtaine d'années; en fait elle dépasse souvent les 5 millions de m-', du fait de la très forte demande et jusqu'à ces derniers mois du manque de contrôle et de la corruption. L'actuelle croisade pour les forêts et l'eau semble être en train de faire évoluer les mentalités, et on voit dernièrement apparaître de plus en plus de zones reboisées artificiellement. Bassindu rioSextin (5050 krn-) Année 1970 Bassin du rio Ramas (7 128 km2 ) 1998 1970 1998 42 % forêt 76,7 % 48 % 77,7% Prairies Il,5% 22 % 16,6 % 27% 10% 28,5 % 4,3 % 29,5 % 0% 0% 0,4 % 0,5 % 1,8% 1,5% 1% 1% Savane d'altitude Buisson xérophile Cultures Les ressources naturelles exploitées dans le haut bassin du Nazas sont renouvelables. Cependant, le milieu est exploité à un taux bien plus élevé que sa capacité de renouvellement. Avec un marché en pleine expansion et dans un pays qui cherche à se développer, la demande des ressources (de bétail et de bois) génère une forte pression sur les milieux montagnards de la Sierra Madre occidentale. Néanmoins, la capacité de production des zones de pâturage et des forêts est actuellement très inférieure à la demande. Or, l'exploitation des ressources naturelles du nord du Mexique et particulièrement de la Sierra Madre occidentale est récente Dans cette zone, isolée du reste du pays, les activités économiques sont limitées de manière rustique et traditionnelle au pastoralisme et plus récemment à l'exploitation du bois. Ainsi, l'exploitation commerciale de ces ressources a commencé il y a quelques décennies. Reste à savoir pour combien de temps cette zone montagneuse pourra continuer ce taux de production (en bois et en bétail) ou bien si la société mexicaine pourra trouver des nouvelles formes de production plus adaptées aux capacités naturelles du milieu. Viramontes et al. : « Trop de bétail et trop de bûcherons II 199 TabI. XX - Évolution des surfaces des différentes formations végétales de 1972 à 1998 (bassins du Sextin etduRamos). Conclusion 200 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé Références occidentale . Rapport de fin d'études DE NON! 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Hydralogical Processes , ParisVII, 400 p. 17: 129 1-13 06 . SERRATE c., 1978 - Dynamique des Eva Anaya biologiste pastoraliste Luc Descroix géographe-hydrologue L'appréclation du surpâturage Le surpâturage cereît a priori Henri Barral géographe pastoraliste évident et généralisé à toute personne tra- versant la Sierra Madre dans ses espaces non boisés Même à la fin de la saison des pluies, les cailloux semblent occuper une fraction très importante de la surface du sol. Les pâturages, dans la grande majorité des secteurs situés en zone de montagne, et sous la limite de la forêt (mais parfois aussi dans la forêt claire de chênes elle-même) paraissent bien maigres, localement com- Un a priori sur lepaysage plètement râpés, en particulier près des villages. Ils semblent envahis par les pierres et les cailloux, localement aussi par de petits ligneux apparemment non appétents. En fin de saison des pluies, le paysage est très vert, mais en y regardant de près on constate que dans les prés, les brins d'herbe sont en fait très éloignés les uns des autres, laissant eppsreitre des plages de sol nu (et très caillouteux) De plus, les versants sont striés par le tracé des « terrassettes » (à nommer en fait « pieds de vaches ») décrites aussi par HURAULT (7975) et BOUTRAIS (7994), déjà rencontrées dans les Alpes et les Andes où elles ont fait l'objet d'une thèse (SERRATE, 7978) et d'une étude spécifique sur la Sierra Madre occidentale (POULENARO et al, 7996). Lors d'enquêtes informelles, il est apparu que les paysans, qu'ils soient propriétaires (les pequefios, qui n'ont rien de petits paysans puisqu'ils avaient en général des propriétés de taille comparable aux ejidos sous ce qu'on peut à présent appeler « l'Ancien Régime »}, ou ejidatarios. étaient una- Laperception des paysans oc dentale, unch reau d'cau menacé nimes, dans la Sierra M adre, entre 1994 et 1999, po ur dire que la qualité des pâ turages s'était fort ement dégradée du rant les dern ières décennies, la cause en étant attribuée à l' excédent de bétail, à la mauvaise gestion des pâtu rages et dernièremen t aux années de sécheresse. Mais les pâturages étaient déjà en pit eux état quand les recherches du programme « RH36 » ont commencé (BARRAL et ANAYA, 1995). Les anciens (certes pe u nombreux) qu i on t constitué les ejidos au mom ent où a été app liq uée la Réforme agraire entre 1948 et 1972, disent tous qu 'à cette épo que, les pâtu rages étaien t bien meifleurs qu'à l'heure actuelle. Étant donné que ces paysans se son t ba ttus pour qu e soit appliqu ée cette réfor me, s'ils avouen t euxmêmes que la dégra dation des herbages est postérieure à cette réforme et qu 'elle est donc leur œuvre, à eux et à leur système d 'exploitation, il est plus que probable que cela soit vrai. Lessecteurs où l' on voit, part out dans la sierra une clôt ure en fil de fer barbelé, avec un côté privé jaune (prédomin ance des gramin ées, pâturage de bonne qual it é) et un côté ejidal gris (sol nu, nombreux lign eux et cailloux) son t légion ; les tenan ts du système libéral en concfuen t vite que le système privé est bien plus efficient et respectu eux de la conservatio n des pâtu rages. Cela s'est vu il y a qu elqu es années sur une pho to parue dans « Sciences au Sud », la revue de l'I RD, mais prise au Chili. En fait, dans le cas mexicain, on a aussi systématiquement donné aux ejid os (les propriétaires cho isissaien t la fraction de leur propriété dont ils allaient être « spoliés ») les plus mauvaises terres, les pires pâturages, et surtou t, on ne leur a jam ais do nné au départ, des finance- men ts pour creuser des puits, consti tuer des abr euvoirs, cfôturer des réserves afin de pouvoir mener une g estion patrimoniale des herbages ; le secteur privé, lui, ne manquait pas de capitaux dès le départ, et avait accès sans limite au crédit bancaire. Mais cela introduit to ut de mêm e le débat sur le lien entre la tenure des terres et la « patrimon ialisation » des compo rtements (cf encadré 2 « Propriété privée et pu bliqu e, gestion collective. Quelle politique patrimoniale ? », p. 59) En conséquence, « les cailloux poussen t » et semblent sor tir de terre avec le piétinemen t du bétail, comme on l'a entendu dans la bouche même des éleveurs du sud de la France (et aussi de l'Italie, de l'Espagne et pl us tard d'Afrique du Nord). Une hacienda bien gérée vaudrait-elfe do nc mieux qu 'un ejido démuni ? Le problème est bien plus profond qu e cette simple compa raison car le système ejidal main tien t à la campag ne 10 à 20 fois plus d 'emplois par unité de surface qu e le système privé. M ême si le tra vail (au sens macroéconomique) y remp lace le capita l, la p roductivité et les rende m en ts y son t p lus faibles. L'élimination de ces emplois ruraux pouss e les gens vers la ville où ils tr ouvero nt peu t-être un emp loi, mais avec quel revenu et surtou t, quelfe qualité de vie '? Versant présentant un côté surpâturé et envahi par les broussailles à gauche d'une clôture barbelée, et un côté bien géré, à droite, avec une bonne préservation des graminées. Afin de bien chiffrer l'ampleur de ce surpâturage, Barral et Anaya ont, Des mesures quatre années consécutives, effectué des mesures de capacité de charge de capacité de charge des pâtures et de charge effective. Il s'agissait de quantifier le volume de fourrages disponibles dans les pâturages et de compter les têtes de bétail, afin de déterminer la charge maximale requise et la charge réelle. Pour ce faire, on a, sur 16 sites différents répartis sur les 4 ejidos et communautés rurales, effectué des prélèvements totaux de la biomasse disponible sur des surfaces de 1 m2 (plusieurs répétitions par site) On disposait d'un cerceau délimitant une aire de cette surface, que l'on jetait au hasard dans les prairies et à l'intérieur duquel tout était fauché; cette cueillette était ensuite ramenée au laboratoire, séchée et pesée. Cette mesure a été effectuée quatre années de suite (de 1994 à 1997 compris), juste après les dernières pluies (les premiers jours d'octobre), au moment où l'herbe commençait à sécher Connaissant par ailleurs le nombre de têtes de bétail (comptage et recensements des autorités ejidales), on a pu déterminer le volume de fourrage disponible par an et par unité bovine. 203 L III menacé Barral et Anaya ont estimé à 50 % de la biom asseprélevée totale la quantité réellement disponible pou r les bov ins (il fau t tenir compte de la partie non brou tabl e, des espèces no n appétentes, etc; mais dans les savanes africaines ce taux est de 33 % (Barral, comm. pets; 1995). Par ailleurs, il a été estimé que le bétail devait, comme cela est considéré en France et en Afrique, ing urgiter quotidiennement 3 % de leur poids en matiè re sèche végétale, soit en moyenne 13 kg de fourrage sec pa r jour et par vache. Ce protocole de mesure du surpâ turage a par la sui te servi à délimiter les parcelles qui allaient perm ett re de montrer les différences de comportement hydra-dynamiqu e entre secteurs surpâturés et secteurs pro tégés (cf. « Des conditions favo risan t une érosion et un rui ssellem ent en nappe », p. 777) Collecte compl ète de la biomasse sur un mètre carré de pâturage afin d'en déterm iner le potentiel nutritionnel pour le bétail. (Henri Barral et Eva Anaya ) Références BARRAL H., MAYA E., 1995 - La ganaderia y su manejo en relaciôn con los recursos aguay pastizal en la zona semi-drida de México. Gornez Palacio, Mexique, Publicaciones Orstom-lnifap n° 5, 78 p. BOUTRAIS J., 1994 - « Éleveurs, bétail et environnement ». ln : Dynamique des systèmes agraires: à la croisée des parcours, pasteurs, éleveurs, cultivateurs, coU. CoUoques et séminaires, Orstom : 303-319. HURAULT J., 1975 - Surpâturage et transformation du milieu physique, l'exemple des hauts plateaux de l'Adamaoua (Cameroun). Paris, IGN,218p. POULENARD J., OESCROlX L., JANEAU J.L., 1996 - Surpâturage et formation 205 de terrassettes sur les versants de la Sierra Madre occidentale. Revue de Géographiealpine, 84 (2) Grenoble. C., 1978 - Dynamique des versants de haute montagne : Andes centrales péruviennes, Alpes briançonnaises. Thèse, université Paris VU, 400 p. SERRATE Luc Descroix géog rap he- hydrologue David Viramontes Une eau menacée par la dégradation des ressources végétales eco-p édologue Eva Anaya biologiste pastoralis te Henri Barral géogra phe pastoral iste Alain Plenecassagne ingé n ieur chi miste José Luis Gonzalez Banios hydro -pédol ogu e Jeffrey Bacon professeur en sciences de la forêt Laura Macias ingén ieu re in fo rma tic ien ne Les travau x menés à Bolera s penda nt huit années (de 1993 à 2000 inclus ) concernaient les con séquences hydrologiques des changements d'usage des sols. On a déterm iné (cf « Trop de béta il et trop de bûche rons . Une économie min ière » . p 19 1) qu e le débo isement éta it réel et rapide , et qu e le surpâturage éta it aigu C'est d 'ailleurs probab lement ce dernier qui a le plus d' influence sur le régime des cours d'eau, par l'in termédiai re de la créatio n de nouveaux éta ts de surface au comportement hydrodynamique différent de celui des sols végé talisés précéden ts. C'est do nc essentie llement sur les zones de pâturages q ue l'on a mené des mesur es précises. Les t ravaux sur les fo rêts sont décrits ci-desso us, mais les concl usion s sont pl us difficiles à gén éraliser dans le contexte de la Sierra Madre, car les parcelles « f orêt » du site de la Rosilla, suiv ies en 1995 et 1996, n'ont pas été l' objet d'une exploitati on comme celle que l' on observe dans les gra nds sect eurs forestiers de la Cand ela o u de la sierra Tarahumara. De plu s, les grandes forêts de pins exp loi tées étant situé es dans les secteurs les plus hauts et les plus humides, la repousse d'une végéta t ion secondaire y est rapi de, et il est pos sible q ue l'influ ence hydrol ogiqu e d ' un déboisement y soit minime; des reche rches sont en cours dans le massif de la Cande la, sur l'arroyo « Ciénega de la Vaca ». Enfin, signa lons que tous les hab itants de la sierra avec lesque ls on a évoqué ce problème étaient unanimes pour di re que les pâturages et la forêt s'étaient beaucoup dégradés dans les dern ières décennies , et qu 'il y avait bien plus d 'eau (et plus longt emps) dans les cours d'eau auparavant. 208 La question scientifique de l'impact hydrologique des changements d'usage du sol La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé L'impact des changements d'usage des sols sur le comportement hydrologique des bassins versants est actuellement un des problèmes majeurs des responsables de la gestion des ressources en eau. Ces changements sont d'ordre très divers: - la construction de barrages ou d'ouvrages hydrauliques peut influencer très vite le régime et le bilan de l'eau d'un bassin; -Turbanisation. comme l'ont récemment montré ROSE et PETERS (2001) en Georgie (Etats-Unis). peut ne pas modifier significativement les coefficients d'écoulement, mais peut exagérer crues et étiages des cours d'eau; - le surpâturage et le déboisement peuvent avoir un impact, et c'est la question que nous allons étudier ici. Les premiers grands défrichements ainsi que le nombre de crues et leur gravité observés dès le Moyen Âge par les habitants du Dauphiné et de haute Provence ont fait l'objet de multiples spéculations et querelles d'experts avant d'être étudiés scientifiquement. Si l'administration des forêts s'est appelée dans différents pays « Eaux et Forêts» c'est bien que le lien entre les deux semble établi. Aux États-Unis. dès 1909, le bassin expérimental de Wagon Wheel Gap (Colorado) a été équipé pour étudier l'influence hydrologique des usages du sol (HEWLETI et al., 1969) HIBBERT (1967) a produit l'une des premières synthèses de données expérimentales ; à partir du comportement de 39 bassins, il conclut que la réduction du couvert forestier conduit à une augmentation des débits, et qu'inversement, la re-végétalisation de sols dénudés diminue les écoulements. BOSCH et HEWLETI (1982) ont synthétisé les résultats des expérimentations sur 94 bassins versants de différentes régions du monde. Leurs résultats ont confirmé l'augmentation des coefficients d'écoulement avec le déboisement. Ils ont également mis en évidence les faits suivants: - les réponses de l'écoulement aux changements des couverts végétaux du bassin sont sensiblement plus importantes sous les climats humides; -les formes des massifs végétaux ont une grande influence sur le ruissellement et l'écoulement: les conifères réduiraient plus les écoulements que les feuillus, les formations buissonnantes ayant peu d'impact; - cependant, ils ont constaté que dans l'ensemble des résultats, la corrélation entre le taux de progression du boisement et la réduction de l'écoulement est médiocre Le premier point est parfaitement illustré par HUDSON et GILMAN (1993) au Plynlimon (ouest de l'Angleterre) et par COSANDEY (1995) au mont Lozère dans ces deux exemples, la pluviométrie annuelle moyenne dépasse les 2 000 mm et les forêts de reboisement réduisent la lame écoulée annuelle de plusieurs centaines de mm par comparaison aux prairies naturelles préexistantes Une synthèse a été réalisée par STEDNICK (1996), qui a actualisé les données de Bosch et Hewlett, et qui, tout en confirmant le lien entre coupe forestière et augmentation des écoulements, fixe un seuil de déboisement de 20 % du bassin en deçà duquel aucune modification n'intervient L'auteur conclut que « la variabilité des réponses des débits annuels aux coupes forestières suggère des comportements complexes et non linéaires» Cette synthèse intègre des bassins de régions très différentes des États-Unis, et ceux de l'Oregon qui reçoivent aussi plus de 2 000 mm par an, voient les lames écoulées annuelles augmenter de 200 à plus de 400 mm en cas de coupe. Mais dans les secteurs moins pluvieux, les coefficients d'écoulement ne sont pas toujours suffisamment modifiés par les changements d'usage du sol pour qu'on puisse les trouver significatifs C'est pourquoi il est plus pertinent dans ces cas de noter, plutôt que des variations de débits, celles d'indices mis au point pour cela; TALLAKSEN (1995) en propose quelques-uns qui sont utilisables dans les pays tropicaux secs. Dans un secteur aride du piedmont andin, BRAUD et al. (2001) ont observé des résultats inattendus. un bassin largement couvert de broussailles et peu pentu produit deux fois plus de ruissellement et dix fois plus de sédiments qu'un autre bassin peu végétalisé et très pentu; dans ce même secteur, les mêmes auteurs avaient montré auparavant que « la variabilité spatiale de la pluie et des types de sols avait une influence sur le ruissellement d'un ordre de grandeur supérieur à celui de la variabilité spatiale de la végétation» (BRAUD et al, 1999) A l'échelle de la parcelle expérimentale, on a constaté comme plusieurs auteurs qui ont travaillé en différentes forêts du globe (FRISTCH, 1990 r SORRISO et el., 1994, Scon MUNRO et HUANG, 1997 , CROKE et et., 1999), que les arbres et la litière constituent un régulateur des écoulements et un écran protecteur contre l'impact des gouttes de pluies sur la surface du sol. En conclusion, il semble bien que la forêt retient l'eau dans le sol, c'est-àdire que sa présence diminue les écoulements (par rapport à d'autres types de végétation ou d'usage du sol) Elle a surtout indéniablement un rôle régulateur: sa capacité à retenir l'eau lui permet aussi d'en restituer une partie sur le long terme, longtemps après l'épisode pluvieux Par conséquent, un bassin boisé aura des étiages et des crues moins marqués qu'un bassin cultivé ou pâturé. Descroix et al. : « Une eau menacée par la dégradation ... » 209 210 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Lacoupe des forêts et le sur-piétinement des pâturages entraînent l'apparition de nouveaux états de surface qui, en plus de la disparition progressive des systèmes racinaires, modifient lesconditions du ruissellement, de l'infiltration, et l'ensemble du bilan de l'eau y compris des eaux de recharge des nappes, leschemins de l'eau pouvant être drastiquement changés Contrairement à la litière, l'encroûtement des sols détermine en grande partie l'ampleur du ruissellement. Cela concorde avec les observations déjà faites dans le monde sur l'effet des croûtes superficielles du sol (VALENTIN et CASENAVE, 1992 ; JANEAU et RUIZ, 1992 ; TARIN, 1992 ; VANDERVAERE, 1995 ; JANEAU et al., 1999). Le rôle des sols à surface caillouteuse a un impact ambivalent (Ruiz FIGUEROA et VALENTIN, 1983) D'une part, les pierres peuvent empêcher l'infiltration directe des gouttes de pluie et d'autre part, elles peuvent aussi augmenter les valeurs d'infiltration car elles absorbent l'énergie cinétique de la pluie (POESEN et LAVEE, 1994 ; VALENTIN, 1994). Les pierres de la superficie du sol absorbent l'impact des gouttes des précipitations et permettent une diminution de l'effet de splash sur les sols en protégeant la matrice De plus, l'ensemble des éléments grossiers de la matrice du sol permet l'infiltration de l'eau tombant directement ou provenant d'une lame d'eau ruisselée du haut du versant. PONCET (1981), forestier, a tout de même une position originale. « Ce n'est que depuis quelques années, et à l'initiative de chercheurs soviétiques, que la comparaison, par méthodes statistiques, des débits écoulés par de vastes bassins de fleuves ou rivières, couvrant plus de 1 000 krn-. différents par leur couverture végétale mais par ailleurs similaires (géologie, relief, climat .. ) a pu témoigner d'un accroissement des débits écoulés, donc du bilan hydrique global des grands bassins, parallèles à l'augmentation de leur taux de boisement ». Le ruissellement et l'érosion: conséquences du déboisement et du surpâturage dans la Sierra Madre occidentale Faute de pouvoir déboiser de grandes superficies afin de comparer écoulements et pertes en sol avant et après déboisement, on s'est contenté, sur un même site, d'analyser cesdonnées sur des parcelles boisées et déboisées. Pour estimer l'impact du surpâturage, on a utilisé des parcelles dont on savait qu'elles avaient été encloses depuis longtemps, et on a comparé avec des parcelles pâturées (voir détail du dispositif, fig. 26, p. 156). On a montré (cf « Trop de bétail et trop de bûcherons. Une économie minière », p 191) comment le piétinement du bétail transformait les paramètres physiques du sol. Les tableaux XXI et XXII résument les conséquences du déboisement et du surpâturage à l'échelle de la parcelle. Variables Coefficient de ruissell ement (%) Pertes en sol (g.m-l ) 133 Présenceou absence d'arbre (parcelles de 50 ms) Pas d'arbre et pas de litière 23 Pas d'arbre mais présence de litière 8, 5 30 A v ec arbre 2,8 1.1 7)!pe d'arbre (parcelles de 1 m2 , 7 répétitions) Pins 9 74 Chênes 3 45 Pente (parcelle de 1 ms, 3 répétitions) 12 % 6 30 33 % 9 110 57% 5 53 Coeffi cient de ru issell ement (%) Pertes en sol (g .m- l ) 4S Vari ables (2 répétition s à chaque cas) Tab!. XXI- Influence des facteurs environnementaux sur ruissellement et érosion en forêt. Présence ou absence d'arbre Pas d'ar bre 34 Pas d'a rbre mais enclos 19 12 A v ec arbre 19 26 Penre 12 % 31 42 27 % 21 29 av ec 35 70 sans 7 7 Porosité vésiculaire Tabl. XXII- Influence des facteurs environnementaux sur ruissellement et érosion en zone de pâturages (parcelles de 50 rn-) . Piétinement par le bétail avec 43 90 sans 8 7 Les valeurs de rui ssellement et de perte s en 50 1 donn ées dans les tableaux XXI et XXII appo rtent quelques enseign ements : -le couvert des arbres protège bien le 50 1. L'amort issement de l'énergie cinétique des gou ttes par les feuillages fait baisser sensiblement les deux Descroix et al. : « Uneeau menacée par la d égradation. ; » 211 212 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé paramè t res sous les arb res; il est bi en p lus mar qu é en f or êt q u'e n pât urag es. Dans ces dern iers, les gr am in ées et les herbacées pérenn es protèg ent bien le sol, à co nd it io n bi en sû r de ne pas êt re pâturées. On rema rque d 'a illeur s que le pâ t ur age sans arbre limite plus ruissellem ent et pertes en sol q ue l'a rb re sur un t err ain surpâ tu ré ; - la pente n 'est pas un f act eur aggravan t le ruissellement et l'érosion ; c'es t m êm e le contra ire en pât urages, co m m e les différences d 'ét at s de surfac e (cf « Un encr oûtement des sol s lim itant l' infiltration », p. 155) le laissaient présager ; - sous fo rêt, les chê nes pro tège nt mieux le so l que les p ins, ce qu i est d û surt out à leur liti ère p lus épaisse et couv rant e , - la présence de por osité vésicul ai re (p ores ina ctifs car bouchés) est un facteur exagé ran t nettement ruissell emen t et éro sion; il en est de même du pié tine me nt du bét ail, ce que laissait d éjà ent revoir le t abl eau XVI. Les parcelles débo isées q ui ont été inst ru ment ées avaient été coupées plusieur s année s auparavant, et sou vent pât urées; elles présen taien t en grande par tie un sol induré dont la formation est favori sée par la forte t eneur en argile (rep lats, plateau x so mm it aux, bas de versan ts) et le p iétinement du bét ail. Cette fo rt e teneur en argile est respon sab le lorsque ces hori zon s affleure nt (par érosion des horizons supér ieur s) de la f ormati on des croû t es épaisses (ty pe INT) , elle est aussi atte stée par les f entes de retrai t que l'on peut observe r en fin de saison sèche dans l' ho rizon B. On a voul u savoi r quelle pouvait être l'inf luence immédia te d'un déboisem ent ; faute de pouvoir déboiser la 000 ha d 'un seu l tenant comme a pu le fa ire l'US DA à Tombston e (A rizo na), on s'est contenté de d éboiser un micro-ba ssin de 450 m 2 attenant à son alter ego qui a ét é lai ssé te l que l. La coupe a ét é ef fe ct uée au déb ut de la saison des pluies 19 95 . Les consé quences de la co upe ont ét é les suivant es. - le ruissell ement est plus élevé dans le micro-bassin cou pé dès la première an née (24 % de plus) ; cette di ffé re nce s' accroît la deu xiè me ann ée, où le ruissellement est de 53 % supérieur, proba blement du fait de la dispar it io n progressive de la lit ièr e (f ig 41 ) ; - inve rsement, les pertes en sol sont plus faible s la première année sur le micro-bassin co upé que sur celui qui a ga rdé ses arb res ; c'est probablement dû aux b ranchages et résid us de coupe dan s la parce lle qui on t piégé les sédim ent s. La différen ce est plus gr and e l' année de la co up e (62 % de pertes en sols en moi ns sur la parcell e déb oisée) qu e l' année suivante (3 5 % de moins) (fig. 4 2). a Les micro-bassins de la Rosilla (450 m2 ) . a, le bassin boisé ; b et c, le bassin déboisé : b, avant la coupe ; c, juste après la coupe. Les déversoirs en V « à lame mince" servent à la mesure des débits. c Descroix et al. : « Uneeau menacée par la dégradation... » 213 214 .'" ~ 1400 • 1995 0 1996 V> 's 1 200 ..0 .'" '0 = '<;' V> '" ..0 èu Ë ij) dJ 0 600 200 DO f 0:: a • ~ 0 0 ·0: Q] 0 rdeb95 = 1,24 rboi95 + 37 r2 = 0,84; n = 24 rdeb96 = l ,53 rboi96 + 55 2 r = 0,87: n = 42 0 • 0 • V> 's • 0 ~ <j V> 0 0 0 800 400 '" E 0 0 1 000 c: La Sierra Madreoccidentale, un château d'eau menacé • a 400 200 600 1000 800 RuisseUement sur micro-bassin boisé (1) § 100 000 .'" '(5 :e V> "0 10000 Fig. 41 . - Rela tion entre le rui ssellement dans le micro bassin déboisé (rdeb) et le micro-bassin boisé (rboi) pour 1995 et 1996. psdeb95 = 0,38 psboi95 + 67 r2 =0,92 ; n =24 psdeb96 =0,65 psboi96 - 178 1995 r2 = 0,85; n = 42 1996 0 • o 00 • 0 1 000 o o 100 o 0 o la •• • o • • la 100 1 000 l a 000 100 000 Pertes en sol sur micro-bassin boisé (g) Conséquences hydrologiques au mveau des grands bassins versants Fig. 42 - Relat ion entre les pertes en sol du micro-bass in déboi sé (psdeb) et celles du micro-bas sin boisé (psboi) pour 1995 et 1996. Après avoir recher ché les modificatio ns de l'éc oul em ent au niveau des parcelles et des micro-bassins versants , on a tenté de détermin er si l'évolution des usages des sols avait pu avoir une infl uence sur le comporte men t hyd ro logique des gran ds bassins versant s. On s'e st pour cela appuyé sur les donn ées de débits journa lier s des deu x stat io ns qui contrôlent les deu x bran ches amont du rio Nazas, au-dessu s du réservoir de El Palmito . Il s'a gi t de la st at io n Salo m é Acosta sur le rio Ram os (7 130 km 2 ) et de la station Sardinas sur le rio Sext in (5 060 krn-). Les donn ées uti lisées sont les déb it s mo yen s journ aliers de 1970 à 1998 (V IR AMONTES et O ESCROIX, 20 02). Avant de procéder à une analyse stat ist iq ue des do nné es de déb it s journal iers, on s'est assuré d 'ab ord qu e les séries ét ud iées ne comporta ient aucune tendan ce ou anomalie qui po ur rait inf luencer tou t trait ement et le rendr e cadu c o u err on é, et ce en ut ilisant les pr océdés de recherche de tenda nce pro posés par le logic iel Kh ronost at de l' IRD (VIRAMONTES, 20 00) On a ensuit e di spo sé de plusieurs o ut ils afin de détecter des évol ut ions entre les année s 197 0 et les années 1990 Le premi er est basé sur la décom po sit ion des débits de s cours d'e au en déb it s de base et débits de cru e, suivant un algorithme proposé par GUSTARD et al (1989), cité par HUMBERT et KADEN (199 4). Il s' agit de disti ngu er, dans le débit d'un cours d'eau , la part de l'écouleme nt qui est d ue à la pl uie qui vient de se prod uire (débit de crue) de celle qu i est aliment ée par les circulation s retardées (nappes perchées, vidange lent e du so l, etc ) ; cette dernière se serait écou lée même s'il n' avait pas plu (débit de base). La fig ure 43 montr e que le rapport entr e débit de cru e (Kcrue) et débit de base (Kbase) augme nte sensiblement entre la premi ère décennie (19 701979) et la dernière décennie (1990- 1998) de la période ét udi ée, pour le rio Ramos , on note la même tend ance, moin s pro noncée toutefoi s, pou r le rio Sext in (VIRAMONTES et DESCROIX, 200 2). Le deuxièm e outil est la mesure du t em ps de répon se de s cours d'eau , c' est-à-di re le t emps éco ulé ent re la précip it at ion et la mo nt ée de l' eau à l' exut o ire d u bassin . Là au ssi o n co nsta te un e légère évo lut ion, cette foi s-ci plus marq uée dan s le bassin du Sext in que du Ramos ; le tem ps de répo nse du pr emie r d im in ue en effet de S,S % (t abl XXIII) en tre la décenn ie 1970 et la décennie 1990, alor s qu 'i l ne dimi nue que de 1,6 % po ur le bassin du Ram os 1970-1979 0,200 0, 180 2 0.120 ><:: 0.100 u Kcrue = 2.S4 K.base r2 = 0.63 0.18 0 0 ,160 0,140 0, 140 <lJ 1990 -1998 0.200 Kcrue = 2,40 Kbase r 2 = 0 .55 0.160 <lJ 0.120 ><:: 0, 100 2 u 0.080 O.OSO 0.060 0.060 0.040 0.040 0,020 0,020 Fig. 43 - Évolution du rapport entre coefficient d'écoulement de crue (Kcrue) et coefficient d 'écoulement de base (Kbase) pendant les périodes 1970-19 79 et 1990-1998 dans le ba ssin du Ramos , • • • • .t. 0.000 0,000 0.000 0.020 0.040 0 .060 0 .080 0,020 0.000 Kbase Descroix et al. : « Une eau menacée par la dégradation ... » 0,0 40 Kbase 215 0.000 0,0 80 216 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé El CUra, près de Escobar, au-dessus de Tepehuanes : la plupart du temps , les cours d'eau sont vides et ne se remplissent que pour quelques heures après les pluies. AITOYO L'arroyo Pilitas au niveau du hameau de Quelites, au-dessus de Tepehuanes, fin août 1996, à une période où il a gardé de l'eau pendant plusieurs semaines d'armée. Tabl. XXIII - Temps de répons e moyen total et par décennie des bassins versa nts . Séparation par décennie Toral 1970-1 979 Bassin Ramas Bassin Sextin Nombre d'événements Moyenne (jours) Écart-type Coefficient de variation Studenr (80 %) 1980 - 1989 2273 83 6 847 590 1,45 0,38 0,26 1,45 0 ,38 0 ,26 1,46 0,36 0 ,25 1,43 0 ,40 '" '" * t 9 7 1-19 79 1980 -1 989 1990-199 7 1 720 6 15 1,32 0,3 6 0,27 1,34 0 ,35 70 1 1,34 404 1,26 0,33 0,25 0,41 Nombre d'événemen ts Moyenne Écart-type Coefficient de variation Student (80 %) * : Différence des moyennes non significative. 0 ,26 Différence années 70 et 90 1,6 % 0,28 années 70 et 90 5,5% 0 ,32 * v' v' v' : Différence des moyennes significati ve. Période Param ètres du bassin du Ramas 19 70-1998 19 70-1 979 1980- 1989 1990-1 998 Capacité maximale du réservoir (H m. , ) 220' 220 220 220 Paramétre de décroissance de l'h umidité (a) 0,03 1 0 ,02 0,029 0 ,04 197 1- 199 7 1971-1 9 79 198 0- 1989 1990- 1997 Capacité maximale du réserv oir (Hm. ,) 130 ' 130 130 130 Paramètre de décroissance de l'humidit é (a ) 0,04 0 ,040 0 ,054 0 ,06 1 Période Paramètres du bassin du Sextin Tabl. XXJV- Valeurs des paramètres du modèle Nazas par décennie des bassins du rio Ramas et du rio Sextin . 1990-1998 ' Les valeurs de H ma, sont fixées par le modele, mais som proches des valeurs observees. Cette diminut ion sign ifie que l' éco ulement est plu s rapi de , qu e la rétenti on de l'eau par le bassin versant est inférieure à ce qu 'e lle éta it auparavant. Ceci est lié à la d iminution de la couvertur e végé ta le et à la mod ification des éta ts de surfa ce que celle-ci a occasionnée. Le dernier out il util isé est le paramètre a du modè le Nazasm (DESCROIX et al., 2002) ; ce param ètre de décroissance de l'humidité traduit le temps nécessaire po ur que le sol reprenne son état initia l d'hu midité. C' est l'inverse du temps de ressuyage du sol : plu s il est élevé, et plu s le temps de ressuyage du 50 1 est court Le tablea u XXIV permet de constate r qu e sur les deux bassins, o n a une augmenta tion sensible de la valeur de ce param ètre ent re la décennie 197 0 et la décenn ie 1990 . Cela indique que le temps nécessaire au 501 pou r retrouver son éta t init ial d' humid ité a dim inué, ce qui po urrait , là aussi être dû à la mo dif ication des états de surfa ce du sol. Descroix et al, : « Une eau menacée par la dégradation ... » 217 218 Discussion et conclusion La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Par rapport au x chiffres do nnés par le tabl eau XXI, où la parce lle sans litière éta it débo isée depu is longtemps, on voit bien qu'un déboisement récent a f inalement peu d' impact sur le ruissellement . Po urt ant, la parcelle de 50 m 2 « sans arbr e mais avec lit ière » du tab leau XXI vena it aussi juste d'être déboisée; alors comment expliquer qu'elle ait conn u un tri plement des écoulemen ts et une mu lt iplic ation par 25 des pertes en sol quand les deu x micro-b assins connaissaient, pour les mêmes années de mesure, des modificat ion s bien plus faib les et nu ancées 7 C'e st proba- bl em ent lié au fait que les micro- bassins ont été débo isés comm e s'i l s'a gissait d' une vraie coupe : on ya laissé les détr itu s de coup e, ce qu i a considérablement limité les eff ets du débo isement tant en term es d 'éro sion que de ruissellement. M ais il n'a pas été possible po ur des raisons logi sti q ues t enant à l'éloignem ent du site de mesur e et à la difficulté d'y accéder en voit ure , de pou rsuivre les mesures plus de deux années con sécut ives. Il no us est de ce fait diffi cile de dire ce qu ' il serait advenu des micro-bassins au compo rte ment hyd ro log iqu e app aremment peu modifié pa r la co upe, audelà de ces deu x années . Don c il est im possible de savoir si la lit ière a été dégagée et le sol dénudé et plus dégr adé par le splash et le ruissellement. Il fau t to utefoi s souligne r les résultats du tableau XXI, qui mon trent qu e le déboisement tota l frag ilise con sidérablem ent les sols et en accroît très fort emen t le ru issellement et les pert es de substance. Enf in la comparaison des tab leaux XXI et XXII montre que les coeff icients de ruissellement et de pert es en so l ne sont pas t rès diff érent s sous f orêts et sous pâtu rages. Seules les parties de forêts vraiment sit uées sous la co uronne des arbre s et pro tégées par d 'épai sses litières sont bien plus perméab les et sont beaucoup moins sujett es à l' érosion . Les recherches sur l'imp act du déboi sement ou du reboisement sur le f onct ionnement hydr ologiq ue des bassins ont ét é menées surtout dans des zones très humid es (Guyane, Oregon, Pays de Galles, mont Lozère), où la présence de la forêt se traduit par une baisse de 200 à 400 mm de la lame d'eau annuelle écoulée. Ici, dans la Sierra Mad re occidenta le, la lame d'eau écoulée ann uelle moyenn e est de 100 mm . L' impact du rapi de déboisement actu el est difficile à estimer car il n'y a pas de bassin versant spécif iquement for estier qui soit équipé. De ce fait, l' impa ct du déboisement risque de n'êtr e qu'un bruit de fon d face à l'i mpact du surpât urage et des changem ents d'états de surface qu'i l provoque . C'est aussi la raison pour laquelle on a fait appel, pour les deux grands bassins, à des indices d'évolut ion des régimes d'écou lement plus sensibles, car l' évoluti on attendue est évidemment mo indre ici, étant do nné la fa ible lame écoulée Références BOSCH j.M ., H EwLETT j .O., 1982 - A review of catc hmen t experiments to determine th e effec t of vegeta tio n changes on water y ield and evapotran spir ati on . journal çf hydrology, 55 : 3-23. GUSTARD A ., ROALD L.A., OEML'TH S., PONCET A ., 1981 - « Interactions forêts LUMADjENG H.S., GROSS R., 1989 - Eaux et climats, mélanges çfferts en hommage à C Péguy, Greno ble CNRS: 445 -461 . Flow regimesfrom experimental and network data (FRIEND) . Wallingford (UK) , Institute of Hydrology , 2 vo!. ROSE S.• PETERS N.E., 2001 - Effects HEwlEITJ.O., LULL HW., REINHART K.G., 1969 - ln defence of experimental BRAUD l. , FERNANDEZ P.C., BouRAOUl F., 1999 - Study of the rainfall-runoff wa tersheds. Water Resour. 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Luc Descroix géographe-hydrologue José Luis Gonzalez Barrios hydro-pédologue RaulSolis ingénieur forestier Pluie et forêt 1 ces éléments sont sans conteste liés puisque plus il pleut et plus la végétation naturelle est dense Et les zones de forêts sont souvent associées aux montagnes; les unes et les autres sont souvent liées, et ont pu paraître répulsives ou effrayantes même à diverses époques (CORBIN, 2001) AUJourd'hui où l'on cherche des endroits « sauvages », ce qu'il reste de milieux « moins anthropisés » en Europe, c'est vers la forêt et la montagne qu'on se dirige naturellement, donc vers les zones de pluie. La pluie elle-même a fait l'objet de perceptions différentes à travers les âges: il y a eu des périodes (l'âge romantique) où la pluie était bien accueillie, comme bienfaitrice et purificatrice; or, aux dires d'Alain Corbin, la pluie a été conspuée dans les années 1950-1960, et alors « personne n'osait avouer qu'une averse fine pouvait être très agréable à certains moments de l'année» La perception de la pluie varie plus encore dans l'espace, elle est parfois honnie en Europe quand il fait gris et pluvieux plusieurs semaines de suite et arrive à provoquer des inondations en plaine; elle est unanimement saluée au Sahel, où les enfants se précipitent pour courir sous les gouttes, ou au nord du Mexique, où, que ce soit dans le désert de Chihuahua ou la Sierra Madre occidentale, elle apporte les bonnes nouvelles. Mais qu'en est-il plus scientifiquement, c'est une des questions que se posent les sociétés et les savants depuis longtemps, à travers les âges comme dans des milieux très différents. les forêts peuvent-elles faire pleuvoir) Les relations entre la distribution spatiale des pluies et la localisation des formations végétales font l'objet de débats historiques, qui ne sont pas « Lesforéts précèdent les peuples, les déserts les suivent» François René de Chateaubriand 222 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé sans rappeler ceux qui avaient animé les spécialistes sur le rôle de la forêt dans la formation des écoulements et les causes de l'érosion actuelle dans les Alpes du Sud, entre le milieu du XIX e siècle et la fin du siècle suivant. La présidence du Mexique elle-même a lancé une grande « Croisade pour l'eau et la forêt », (Cruzada Nacional para el Agua y el Bosque), ce qui montre que le débat n'est pas clos Avant d'analyser, par une étude bibliographique puis par un exemple, les résultats des travaux menés sur le rôle de la forêt sur la localisation des pluies, on propose dans ce qui suit de partir de réflexions ou slogans lancés par des responsables mexicains de la gestion des eaux et/ou des forêts; ces réflexions proviennent. - d'un discours du gouverneur de l'État de Mexico, qui en Janvier 2002, a déclaré qu'il fallait arrêter d'abattre inconsidérément des arbres car chaque arbre adulte « produisait» 8 000 1d'eau par an ; dans le même temps, le ministre de l'Environnement du Mexique, Mr Lichtinguer, semble convaincu qu'il va trouver de l'eau pour remplir les aquifères et les barrages en reboisant les montagnes. - d'une enquête réalisée par la journaliste Sandra Gambino en 2000 dans la Sierra Madre occidentale, intitulée « La sierra se està secando » (la Sierra se dessèche) On peut y lire les impressions des habitants de la sierra et des responsables politiques • • un habitant du village de La Ciudad (sur la route de Durango à Mazatlàn) • « l'intense sécheresse que connaît la Sierra Madre occidentale est occasionnée par la coupe inconsidérée des forêts; il sort un camion de grumes toutes les trois minutes, on est en train d'achever la forêt et l'avenir de nos enfants est mis en péril, car les pins génèrent de l'eau» ; • un chauffeur de grumier . « on continue à extraire le bois comme auparavant, sans aucun contrôle, car il n'y a pas de policiers au cœur de la sierra, et dans la plupart des cas, les formulaires sont trafiqués » et plus loin « maintenant il fait plus chaud, il ne pleut plus et les arbres sont plus secs que Jamais » , • un gérant de scierie: « on nous livre du bois chaque jour, mais cela ne nous regarde pas de savoir d'où il vient, nous, ce qu'on veut, c'est produire des planches tous les jours pour répondre à la demande » ; et plus tard, « le prix du bois livré aux scieries est très bas, il n'est que de 40 % du prix pratiqué sur le marché déclaré» ; • le représentant du ministère de l'Agriculture et du Développement rural pour l'État de Durango: « la forêt étant vitale pour générer de l'eau, les volumes de pluie tombés dans la sierra ont diminué drastiquement, provoquant une grave sécheresse » et « le premier facteur qui provoque la sécheresse est la coupe immodérée du boi s, qui n'a jam ais été régul ée », pu is « la di m inut io n des pluies dan s le haut bassin du Nazas a des conséq uences dir ectes sur la Laguna, et cela s'est aggra vé ces dernières années » , ou encore « les conditio ns de sécheresse de la sierra sont cat astrophiques, le paysage qui autrefois ét ait vert ju squ ' en avril, est aujo urd' hui sec et sans vie, le vert a di sparu , et à sa place, tout est jaun e, marron ou ocr e " ; • la f emm e d'u n paysan : « il fa it chaque fois plus chaud , l'éclai rcissement de la for êt a provoqué qu 'il ne pl euve plu s ». Et la jo urn alist e de co nclure, « le panorama est désolant , la coupe immo dérée , l' absence de pro g ramme de rebo isement et d' une cult ure de patrimo ine, font que le principa l poumo n du Nord-Mexiq ue est en train de se dégo nfl er, mettant en pér il des région s comme la Lagu na, ma is aussi les État s de Sinaloa et Nayar it. qui dépend ent des eau x gén érées dans la sierr a de Du rango ». La liaison ent re un e baisse des plui es et une hausse des te m pérat ures du fa it du déboi sement est une idée bien partagée du M exique à l'Afrique; ainsi, o n entend exactement les mêmes réfle xion s en pays sérère au Sénégal, là où la savane arborée est devenue, sur 60 km de profondeur, une steppe tr ès pauvre quand aux anné es de séchere sse s'est ajoutée en 1992, la décision du FMI d'interdi re les subventions au qaz : la cons ommation de charbon de boi s a monté en flèch e, prov oquant un recul de 60 km de la végét at ion arbu stive et arborée . Les relatio ns entre la fo rêt et l'eau ont f ait l'obj et d' un e ét ude t rès int éressante et t rès comp lète effectuée par ANDRËASSIAN (2002). Il commence par présenter un historique de la per ception du lien entre la forêt et l'hyd rologie en général et des recherc hes scient if iques menées, il analyse également les relat ion s entre la végétation et la plu ie. Le vaste panorama historiq ue t racé par ANDRËASSIAN (200 2) comm ence à l' Antiqu it é, mais nous nou s con t enterons d'y pu iser quelqu es remarqu es un peu plus récentes. Ainsi Bernardi n de SAINT PIERRE(1787) note au sujet de l'Île de France (l' île Maurice) : « L'attraction vég étal e des for êt s est si bien d'accord avec l'attraction métallique des pitons de ses montagnes, qu 'un cha mp situé en lieu déco uvert, dan s le voi sinage, manque souvent de pluie, tandi s qu'il pleut pr esq ue t ou t e l'a nnée dans les bo is qui n'e n son t pas à une portée de fu sil ». Peu d'années après , RAUCH (180 1) Descroix et al. : « Influence de la forêt sur la pluviométrie » 223 La vision historique de la rétroaction végétation-pluie 224 LaSierra Madre occidentale, un château d'cau menacé déclare que « l' on sait, à ne plus pouvoir en douter, q ue les bru issante s fo rêts qui f o rment le plus bel ornem ent de la nat ure, exerce nt le plus puissant emp ire sur t ous les mété o res aq ueux ». En 18 19, le pr éfe t des Basses-Alpes (aujou rd' hui Alpes-de-Haute -Provence) propage l'idée suivante : ({ les hautes montagnes exercent une attra ct ion sur les nua ges, et cette attraction est la plus grande possible lor sque les so m mets sont boi sés; alors les nuages so nt non seulemen t attirés, mais ret enu s » (DUGIED, 1819 ). Et pour justifier la nécessité de reboise r les montagnes, le forestier BAUDRILLART (1823) affirme que ({ la quantité d'eau qu i t ombait autrefois en France ét ait beaucoup plus considérable qu 'elle ne l'est en ce mom ent » . cette diminution étant due « à l'abaissemen t des montagnes et à la destr ucti o n des bois qui en couvraien t les sommets» , et plus loin : ({ la destr uct io n des fo rêts, notamment sur les mon tagnes, est considérée comme ayant eu pour résultat la dim inut io n des eaux, l'irrégularité des pluies et le changement de température » . Quelques années plus tard , un agronom e, BOUSSINGAULT ( 1837), conc lut de ses tra vau x que ({ les grands défrichements diminuent la quantité des eaux vives qui coulent à la surface d'un pays, et qu 'il est impossible de dire si cette diminut ion est due à une moindre qu antit é annuelle de plu ie, à une plu s g rand e évapora ti on des eaux pl uviales, ou à ces deu x effets combiné s ». Formé à l' écol e des Pon ts et Chaussées com me Sain t Pierre et Rauch, DAUSSE (1842) est conv aincu qu e « l'homm e a le po uvo ir de chang er en quelques année s, par le déboisement, un climat hum ide en un clim at sec ». Plus scept iqu e, BECQUEREL (186 5) pose une série de questio ns qu i d' aprè s lui restent à éclaircir, parmi lesquel les celle- ci : ({ les forêt s exercent- elles une inf luen ce sur les quantités d'eau to m bées et sur la répar tit ion des plu ies dans le cour s de l' année , ainsi que sur les régime s des eaux vives et des eaux de source ? ». Il renforce ainsi le po int de vue de SURELL, ingén ieur des Ponts et Chau ssées qu i affirmait en 1841 : ({ cette influe nce de la for êt sur le climat n'es t pas rigou reusement démo nt rée, et on l'appuie sur des présomptions plutôt qu e sur des ob servat io ns positives ) To utef ois, en 1878, le forest ier MATIHIEU, étudiant les données pluviométr ique s de tr ois stations situées l' une en forêt de Haye, prè s de Nancy , la deuxième en lisière et la dernière à 20 km en plein champ, mo nt re ({ que la sta t io n sit uée dans la zo ne agricole ne reço it que 80 % des préc ipitations des deu x stat io ns foresti ères. Pour les for estiers, cette différence est la preuve irréfutable que la forêt attire la plu ie (ANDRËASSIAN, 2002 ). Ce cherc heur note une nette d ifférence de perception ent re une éco le ({ fo rest ière ) et un clan d' ingén ieu rs. Ce fait, q ue la fo rêt fa it pleuvoir, est corr obo ré, dans l'éco le des forest iers, en 1909 par JACQUOT, qu i sign ale qu e « ce qui a été étab li à Nancy, est indu bit abl e- ment corroboré par toutes les ob servat ion s con signées en Russie, en Alle magne , A utriche , Suisse et j usque dans les Indes ». Il avait été par con t re comp lèteme nt réfuté par VALLÈS (18 57) qui affi rme : « c' est sur les terra ins dénudés, plutôt que sur les f orêts , qu e la pluie t o mbe en plus gr ande abondance ». Ent re ces deu x dates, CtZANNE (18 72 ) ava it déj à départagé les deu x contradi cteurs : « les fo rêts sont impuissantes à modifie r sensiblement la quantité d 'eau plu viale qui tombe dans le bassin d'un fleuve ». Plus récemment, l'utili sati on de nouveaux moyen s de calcu l a permis d'é labor er des modèles capab les de t enir comp t e d'éventue lles rét roactions de la végétat ion sur les pluies Mais des observations continuent à se faire , chaque jour plus nombreuses; les référence s sont en général eu ro-a f ricai nes plus que mexicaines ou amé ricaines, mais montrent que la question est au cœur des préoccupa tions scientifiques . A nouveau les fore stiers insistent sur le rô le « pluviogène » des masifs fore stier s; ainsi M ARTIN ( 19 50) a montré, pour une peti te co mm une des Landes de Gascog ne au cœur du plu s grand ma ssif fo resti er européen de const itut ion récente, qu 'ent re les pér iodes d' ob servat io ns de 17821818 et de 189 1- 1900, en cad rant à peu près la co nsti tutio n du ma ssif forestier, la pluviométrie moyenne annuelle serait passée de 709 mm à 938 mm , alors qu 'elle ne changeait pas à To ulo use et n 'augmentai t que de 6 % à Paris. L' aug men tatio n de la pluviosité sur la régi on lan daise reboisée serait donc de l'o rd re d'au moins 25 % Cela pose toutefois le problème de fiabilité des plu viom ètres uti lisés dans les deu x cas. Plus au nord , le Jut land était en core boi sé au XVI e siècle mais des guerres élimi nè rent les forêt s de chê ne; au XIX e siècle, la séch eresse des pr in te m ps com pro mettait les cultu res, et un e « société des land es » se co nst it ua en 1866 pour reboi ser le pays en pins, dans l'e spo ir d' humidifier le climat printanie r (BAVIER et BOURQU IN , 1957) La sociét é et l' État reboi sèrent 118 000 ha de landes et 40 000 ha de dunes ; après cela, les précipita tions enregistrées pour les mois d'avril, ma i et juin seraient passées de 100 mm en 25 jours de pluie vers 1870 à 150 mm en 3 5 jours de pluie, mieux répartis et moin s orageu x. Plus récemment, PONCEY ( 1981) conclut que « les massif s forestiers ralenti ssent les vent s jusqu 'à une hau teur au-dess us du sol correspondan t à la couc he limit e de t urbu lence de la circul ati on at mosphér ique, accrue pa r la rug osité aérodynam ique des haute s fr ondaison s Ce puissant fr einage Descroix et al. : « Influence de la forêt sur la pluviométrie » 225 L'évolution récente de cette question 226 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé agit en premier lieu sur l'évapotranspiration réelle des peuplements forestiers et sur le régime thermique Ce freinage des vents, favorable à leurs échanges thermiques avec la couverture du sol, favorise aussi les condensations et facilite les précipitations». Mais cet auteur est par ailleurs un des rares à citer des études dans lesquelles il est démontré que les zones boisées ont des coefficients d'écoulement annuels supérieurs aux zones déboisées alentour, toutes choses étant égales par ailleurs. Les universitaires ont apporté leur contribution à ces recherches. Ainsi, pour l'historien THOMPSON (1980), « L'idée selon laquelle la forêt augmenterait les pluies n'est pas nouvelle. Si l'on en croit son fils Ferdinand, Christophe Colomb savait « par expérience» que la disparition de la forêt qui recouvrait à l'origine les Canaries, Madère et les Açores avait réduit les brouillards et les pluies. De même, il pensait que les pluies de l'après-midi qui se produisent en Jarnatque et dans les Antilles étaient la conséquence de la luxuriante forêt des îles ». Par ailleurs, le passage d'une masse d'air d'un plateau dénudé à une forêt entraîne selon ESCOURROU (1981) un ralentissement de la vitesse du vent et par suite une ascendance de l'air qui renforce l'intensité des pluies. « La reforestation a permis, dans certains endroits, d'augmenter les pluies de plus de 6 % et cette action est surtout sensible pendant les années sèches. La destruction de la forêt dense en Afrique peut avoir des conséquences incalculables quand on sait que les pluies sont plus fortes de 30 %, l'humidité relative de 15 % et les températures plus faibles de 105 dans les partie forestières». Dans les Alpes du Sud (DESCROIX, 1994), la pluviométrie des mois d'été (juin à août compris) a diminué de 0,5 à 8 % suivant les postes entre 1881 et 2000. Cette tendance ne s'observe pas dans les postes des massifs ayant connu les plus forts reboisement (Ventoux-Lure, Préalpes de Digne). Dans les régions tropicales, la déforestation a pu jouer un rôle important. La Côte d'Ivoire connaît une forte pression sur ses ressources forestières depuis une trentaine d'années; or la forêt tropicale humide présente une évapotranspiration annuelle proche de celle des océans tropicaux (1 500 à 2 500 mm) Cette destruction de la forêt n'équivautt-elle pas à éloigner le Sahel des zones de fourniture de vapeur d'eau 7 Concernant les sécheresses sahéliennes post 1968, LABEYRIE estimait en 1985 que « le surpâturage, qui va croissant à mesure que la population sahélienne augmente, contribue sans doute à les rendre de plus en plus prononcées, de plus en plus meurtrières». Il revient à CHARNEY (1975) d'avoir montré, toujours dans le contexte sahélien, le rôle de la végétation dans le déclenchement de la convection, par l'i nterméd iaire de l' albédo « Une augmen tati on de l'albédo de 14 à 35 % au nord de la Zone de conv ergen ce int ert ropicale (ZCIT) provoqu e un déplacement de cett e ZCIT de plusieurs degr és vers le sud, et une di m inution de 40 % de la pluviométrie au Sahel dur ant la saison des pluies » Quelques années plus ta rd, ANTHES(1984) (cité par DIONGUE, 200 1) a passé en revue les ob servations et les études théoriques sur les capacités de la végét ati o n à ren forcer les pr écipitatio ns conv ect ives. Il dénombre t ro is pr incipau x mécan ismes : i) l' augmentat ion de l' énergi e stati q ue hum ide liée à une diminution de l'albédo ; ii) la création de circulations de mésoéchelle associées aux inhomogénéi tés ; iii) le renforcemen t de l'humidité atmosphéri que dû à une augme ntation de l' évaporat io n. Ces de ux auteur s sont phy siciens de l'atm osph ère, et tr availl ent à l'é chelle zonale ; à l'échelle locale, on insiste sur le rôle des microclimats . On peut lire ain si dans un manuel d 'hydrolog ie et d 'i rriga tion dédié aux région s t ro picales : « L'homme ne peut pas ag ir directement sur les macrocli mats. Par contre, il peut cherch er à or ganiser ses te rroirs en vu e d 'y mod if ier, d' y créer ou d' y mainteni r des m icroc limats » (DuPRIEz et DE LEENE R, 1990). La figure 44 met en évidence les effets positifs que peut avoir le co uvert végéta l sur le microclima t d'u n terroi r. Il semb lerait que le rôle des haies, des bosquets et des arb res isolés dans la régulat io n des tem pératures soit tr ès important, ta nt à la sur face du sol que sur la couche limi t e. Par cont re, les effets à mé so ou macr o-éche lle sont presque impossibles à pro uver . C'est ce qui fait dire à BRUIJNZEEL (1990), che rcheur à l'Unesco : « De nombreu x t ravau x menés dans les climats tr op icaux hum ides et tempéré s ont pourtant général eme nt condu it à la co nc lusion q ue la f orê t n'a pas de co nséqu ence sur la p luvio mét rie locale et les résulta ts co nt raires qui ont pu être avanc és pèchent presque tous par la faibl esse des don nées sur lesqu ell es ils reposent ». o Vitesse du vent o ralentie par le feuillage des arbres Insolaiion directe du sol amoindrie sous les arbres fi g. 44 - Effets pos itifs de la végétation sur le microclimat d'un terroir (d'a prés D UPRI EZ et D E L EENER, 1990) . o Sous les arbres , température du soi 0 Rayonnement terrestre amoindri au cours des nuits du fait couvert moins élevée que ceUe du sol nu : dess èchement ralenti de la température plus basse Tous les d!ets relevés ci-dessus, liés entre eux, sont complementaires. Descroix et al. ; « Intluence de la forêt sur la pluviométrie » 227 228 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé Et ici, il faut remarquer que les travaux les plus marquants sur les rétroacti ons végé tation/p luie concernent les gr ands massifs fo restiers tropicaux, et les sect eurs les plus plu vieux de la Planète. En effet l'i m pact de la végét at ion est plu s marqué et de f ait, plus étudié dans ces région s que dan s les zone s moin s pluvieuses. Quelques données observées Les liens avec la végé t at ion étaient, on l'a vu, ancrés dans la mémoire des scient ifi ques co m me un e que stion récurrente basée sur des intu it io ns. Certaine s observations ont toutef oi s aiguillé les chercheurs vers l'existence d' une telle rétroa ction Il a ét é con staté (RABIN et al, 1990), en ut ilisant l'ima gerie satellitai re et des inf ormations in situ , que la co nvecti on se form ait d'abord sur une zo ne avec un sol plu s chau d, comm e par exemple un champ de blé, plutôt qu e sur des sect eurs adjacents recou- verts de végé ta t io n « verte » Les gradients de flu x induits par les con t rastes de surfa ce peuvent êt re attén ués dans la co uche lim ite par tu rbule nce si les régions hétérogèn es ont des dimensions fa ibles ou pe uvent êt re d ilu ées dan s l'é coulement syno pti que TAYLOR et LEBEL ( 1998) o nt démontré que « sous cert aines conditio ns de surf ace, il s'établit une corrélat ion posit ive ent re les précipitat ion s du jour et les pré cipitation s antérieures . Ces circonstances app araissent qu and les combi naisons d 'aver ses précédentes ont modifié les t aux d'évaporation loca le. Les gradients de pluie lors des événements subséquents tenden t à persister, renforçant la co nfi g uration d'humid it é des so ls ». Cela indique le poids important des con ditions de surfa ce. De pl us, PHILIPPON et FONTAINE(2002) o nt établi que les saisons des plu ies humides sur le Sahel ét aient préc édé es d'h ivers (boréaux) où la t eneu r en eau des sols ét ait an or malement élevée sur les régions soudano- sahél ienne s Quoi qu' il en soit , le doute per siste, et LAVABRE et A NDRËASSIAN (2000) affirm ent . « La forêt a un imp act signif icat if sur le climat local (albéd o plu s faible, évapot ranspirat io n plu s forte) A l'échelle régio nale, malg ré qu elqu es résult at s de recher che dans le sens d'un effet positif sur la pluviosité , il est néanm oins difficile de con clure à un effet quelconque de la couverture fo rest ière ». Beaucoup de conclusions basées sur les résultats des modèles Les rétroa cti on s végéta t io n-climat étant bien difficil es à déterminer, o n fai t de plus en plu s appe l aux mo dèles (avec le risque que l' o n const ruise un modèl e po ur répondre à une qu estion scient if ique et q ue du coup, on le mette au point dès le départ pou r rép o ndre dans le sens recherché) . Au sujet d u recyclage de l' eau , COSANDEY et ROBINSON (2000) con cluent « les estimation s varient beau coup d 'un modèle à l'autre . HENDE RSON -SElLERS(19 87) co mpare les résultat s de quatre d' en tre eux : la mo di fic ati o n de s précipita t io ns qui résult eraien t de la déf or estat io n de l'Amazon ie varierait d 'une augme nt ati on de 75 mm (Lrrr au et al., 1979 ) à une réduct ion de 200 à 230 mm (HENDERSON-SElLERS et GORNITZ, 1984 ) ou de 100 à 800 mm selon les endroits (W ilso n, 1984 cit é par HENDERSON-SELLERS, 1987) LEAN et W ARRILOW (1989) pr opose qu e la pluie dimi nue rai t de 20,3 % , les débits de 11,9 % et l' évapo tr anspir ati on réelle (ETR) de 27,2 % . DICKINSON et al . (1986) trouvent aussi un e réduction de l' évapo ration (jusque 50 %) et de s préc ipitat ions (20 %) Un mo dè le proposé par SHU KLA et al. (1990) aboutit à de s est imat io ns voi- sines ». Dans le mêm e ma ssif f or estier, on a détermin é que « l' effet de la dé fo rest at io n est un réchauffeme nt du sol et un e augmentat ion de la conve rgence d ' hum id it é induite par un renf or cement de la ZCIT » (Pmc HER et LAVAL, 1994) . D'autres modèles ont permi s de définir que « " évapo rat io n à pa rtir de l'océan A t lant iq ue t ro pical, de l'Af riq ue de l' Ouest et de " Af riq ue centra le con tr ibue po ur 23,27 et 17 % respectivement, des pluies sur l'Afrique de l'Ouest » ; d'autres auteurs font varier cette proportion de 10 à 90 % , en uti lisant de s mod èles différents (GONG et ELTAHIR, 1996). ZENG et al (1999) ont montré com m ent la prise en co m pt e d'u ne rétr oac t io n de l'hu mi di t é du sol et de la végé t ation reproduisait bien mieux les valeurs de préc ip itat io ns que la seule pr ise en compte de ces éléments sans rétroa ction de leur part . Par ai lle urs, la même équipe a remarqué que « quand le modèle (co uplé at mos phèreterre-végéta tio n) est forcé par des températures de surface de la me r (SST : sea surface temperatures) o bservées, un feedback po sitif de s changements végétaux co nd uit à une augmentation du g radient spatial en t re les régio ns dése rtiques et les région s forestièr es aux dépens des zones de savanes. Qua nd la variation interann uelle des SST est prise en co mpt e, la variabilit é cli ma tiqu e tend à réduir e la pluvio mé t rie et la végét at ion des régi o ns les plus humides et à les accroîtr e dans les zones les pl us sèches, amortissan t la t ransiti o n dé sert -f or êt » (ZENG et NEELlN, 2000). Et, toujou rs en Afrique de l'Ouest, il a été con staté que « des changements de la ci rculatio n générale jouent un rôl e important dans le déc lenc heme nt de la sécheresse au Sahe l ( 1968- 199 5), mais d'autres mécanismes peuvent être respon sables de la per sistance des cond itions sèches. Une AC P centrée sur la vites se vert icale de s ven ts ind iq ue un changem ent impo rta nt dan s la circulati o n géné rale avant la séche resse, du rant les année s soixante . De sembl abl es cha ngements de circ ulat ion générale dans les années 1970 n'on t pas été acco mpagn és d 'un reto ur aux conditions humid es » (LONG et al. , 200 0 ) Descroix et al. : « Influence de la forêt sur la pluviométrie» 229 230 La Sierr a Madr e occidentale, un château d' cau menacé Enfin, SHINODA et GAMO (2000) et SHINODA (2000) ont mis en évide nce une corrélation entre une végétat ion plus fo urn ie que la normale (c' est-à-dire de haut es valeurs de NDV I) et des valeurs de tempér atur e au- dessus de la couc he limi te de conv ect ion inf érieures à la normale; ce dern ier point cond uit à un gradie nt de températ ure alti t udi nal supé rieur et don c à une convect ion améli orée et une pluviométrie supéri eur e ; ils montrent que les « pluies des rnanques ». qu i se produisent au Sahel parfoi s qu elqu es moi s avant la saison des pluies, peuvent aussi pro voquer cette amélioration de la convect ion . Cette rét roact ion végétation -pl uviométrie explique en grande partie le mécanisme de la désertification . Un exemple de recherche de relation rugositépluviométrie dans la Sierra Madre On déjà montré que la relati on pluie-végétation est trè s f orte du fait de l'étagement des format ion s végét ales en fonction de la pluviométrie annuel le moye nne . Cette très forte relation emp êche de trouver, par analyse factorielle, une que lconque relation inverse qu i montrerait une rétroa ction de la végétation sur la distribution spatiale des plu ies. On va tenter ici d ' interpréter les résultats de tra vaux de t erra in effectu és lor s d' une mi ssion réalisée en nove mbre 2002 sur les sit es d 'u n grand nom br e de stat ion s pluviométriq ues de la Sierra Mad re occ iden ta le. 28 27 26 25 24 23 Fig. 45 - Relief de la zone étu diée (d'a près le modèle numérique de terra in mexica in à ma ille de 90 m) et locali sati on des postes. 22 - 111 - 110 - 109 - 10 8 - 107 - 106 - 105 - 104 On a sélecti o nné pour cela une trenta ine de st ati ons réparties sur plus de 400 km du nord au sud, et où les con di ti on s par ailleurs (c' est -à-dire en deh ors du taux de bo isement) éta ient à peu prè s les mêm es. Il faut préciser que le nomb re de stations s'est considérablement réduit, passant de 3 12 à une trenta ine, et ce chiffre est en génér al considéré comme le plancher d'une population statistiquement représentative . Mais il a été impo ssible de trouver davantage de stations en situation homogène : on n'a en effet considéré que les postes pluviométriques situés à "étage de la forêt et dans le plateau sommital de la Sierra Madre occidenta le de manière à ce que le relief, l'altit ude, la rugo sité et le type de for mation végétale soient les plus proch es possibles; on est donc uni fo rmément dans la fo rêt de pins, ent re 22 00 et 3000 m d' altit ude et sur les plateaux rhyolitiq ues de la sierra. La liste des stat ions, localisées aussisur la figu re 45, est po rtée dans le tableau 'XXV. 8005 8038 806 1 8073 8 [28 8 [72 821 4 8267 8271 8312 8319 8320 832 1 832 2 [0 00 7 100[ 0 10025 10029 10036 10040 10043 10044 10048 10050 1005 1 10071 [0093 10094 10096 10103 1012 1 1012 4 10125 10130 1014 7 Balleza Creel, Bocoyna (CFE) El vergel, Balleza (SMN) Guadalupey Calvo (DGE) San Pedro Guadalupey Calvo (SMN) Guachochic (SMN) El vergel, Balleza (DGE) Lagun a Arareco. Bocoy na Guachochic La Laguna, Bocoyna Llanitos, Balleza San Juan Chinatu El Vergel. Balleza (CFE) Ciénega de Escobar Col. Ignacio Zaragoza El Salto, P.Nuevo (SMN) Cuanacevi, Guan. (SMN) La Ciudad , Pueblo Nuevo Las Bayas. Durango Las Vegas, SanDimas Llano Grande, Dur. (CFE) Navios Viejos. Durango Ojlto de Camellones Otinapa, Durango SanMiguel de Lobos El Salto. Pueblo Nuevo Guanacevi, Guanacevi La Chaparra (PFM) Santa Barbara (cia.gan) Los Altares La Fior, s. Bayacora La Rosilla Ignacio Zaragoza El Zape. Guanacevi Tabl. XXV - Liste des sta tions ut ilisées pou r l'an alyse de la relation pluviométr ie/d en sité végétale. Descroix et al. : « Influence de la forêt sur la pluviom étrie » 231 232 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé Aire de stockage de tro ncs de pins sur la piste de Buenos Aires (Sierra La COncepciôn, au- dess us de Tepeh uan es). Hypothèses initiales On a cons idéré qu e les élément s de paysage qui avaient le plu s de chances d'avoir une influence sur la répartition spati ale des précipitati on s étaient les suivants ; les sigles signalés entre parenthèses sont ceux du tableau XXVI tel s qu'utilisés pou r l'analyse en compo santes principales : - la pluviométrie moy enn e (PM O) qui est ici la prin cip ale variable dépendante, mais l'on a aussi introduit l'écart-type des pluies annuelles (PET) et le coeff icient de variati on (PCV) ; - le relief: • l' altitude (A LT) de la sta tio n; par ailleu rs, on a con sidéré l'altitude moye nne aut our de la station . Pour ce faire, on a pri s en com pte , grâce au M NT (modèle num érique de terrain), un carr é de 36 km 2 auto ur du poste, pour lequel on a calculé, non seulement cett e alt itude moyenne (A M O), mai s aussi l'écart-type de ses alt itu des (A ET) et leur coeff icient de variation, que l'on considérera com me la rugo sit é de ce carr é (ACV). - les masses végétales: • la densit é : (lOF et IDC sous forê t et clairiè re respect ivem ent ) et la rugo sité (IRF et IRC ) PMO TabJ. XXV1- Liste des variables considérées dans l'analyse en composantes principales (ACP)" Précipitation moyenne annuelle PET Écart-type des précipitations annuelles PCV Coefficient de variation des précipitations annuelles ALT AJtitude de la station AMO Altitude moyenne du carré de 36 km2 autour de la station AET Écart-type des altitudes du carré de 36 km2 ACV Coefficient de variation de l'altitude du carré = rugosité DIO Distance à l'océan Pacifique LONG Longitude (UTM) LAT Latitude (UTM) IDC Indice Densité Végétale Clairiére IDF Indice Densité Végétale Forêt IRC Indice Rugosité Végétale Clairiêre IRF Indice Rugosité Végétale Forêt IRS Indicede Rugosité du Sol SUPC Superficie de la Clairière La plupart des stations étant situées dans des clairières (il n'est pas conseillé d'installer un pluviomètre au cœur d'une forêt), on a considéré les densités et rugosités de la masse végétale dans les clairières et dans les forêts autour de la clairière -la surface de la clairière (SUPC) - on a aussi pris en compte la distance à l'océan Pacifique (DIO), la latitude (LAT) et la longitude (LONG) de la station ainsi que la rugosité du sol autour du poste (écart-type et CV de la topographie numérisée) On a procédé après avoir dressé la matrice de corrélation (tabl XXVII) à une ACP (Analyse en composantes principales) de manière à classifier les variables et à entrevoir les redondances qu'elles pouvaient comporter entre elles. On a considéré quatre composantes principales et leurs valeurs propres respectives sont signalées dans le tableau XXVIII. El/es expliquent en tout 73,4 % de la variance de la population. La classification des variables apparaît dans les figures 46 (axes 1 et 2) et 47 (axes 3 et 4) Le premier espace des variables représente plus de 51 % de la variance expliquée. Descroix et al. : « Influence de la forêt sur la pluviométrie» 233 Classification des variables par ACP 234 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé ACP VARIABLES 0,8 0,6 + [RF +LONG + IDC 0,4 + PET + IRC 0,2 + AET + ACV - 0,2 + + SUPC -0,4 [RS -° 6 + PCY + LAT -0,8 + - 0,8 - 0,6 - 0,4 - 0,2 DO -1 ° 0,6 0,4 0,2 0,8 AXE 1 Fig. 46 - Espace des variabLes suivant les deux premières composantes de l'Aï'P. ACP VARIABLES 0,6 + PCV 0,4 + PET 0,2 + ALT PMO ++ L Jt ~ ~ S. AMO IRS +;- mr LONr; + IRC - 0,2 + IRF -0,4 + SUPC - 0,6 -0,4 - 0,2 - 0,6 ° AXE 3 0,2 0,4 0,6 Fig. 47- Espace des variables suivant les 3e et 4e composantes. Le premier axe est avant tout déterminé par la rugosité du relief (ACV), son écart-type (AET), l'indice de rugosité des clairières (IRC), la superficie des clairières (SUPC) et l'écart-type des pluies annuelles (PET). La superficie de la clairière corrélée négativement avec la pluie moyenne conduit à penser que les grandes clairières pourraient constituer des zones où la rugosité diminue, entraînant une diminution relative des précipitations Le deuxième axe est défini avant tout par la distance à l'Océan (DIO), le coefficient de variation interannuelle des précipitations (PCV) et l'indice de rugosité de la forêt (lRF) Les deux premiers sont corrélés négativement avec la pluie (PMO) Par contre, la pluie est corrélée positivement avec l'indice de densité et l'indice de rugosité de la forêt (et à un moindre degré avec ceux des clairières) ; ceci semble confirmer le rôle « pluviogène » de la rugosité de la cime des formations végétales. PMO PET PMO 1,00 PET 0,81 1.00 PCV - 0,48 0,11 PCV ALT AMO AET ACV DIO LONG IDC IDf 1RC IRf IRS ALT 0,49 0,45 - 0,25 1,00 0,33 0,29 - 0,15 0.84 1,00 AET 0,02 0,02 0,11 - 0,08 0,00 1,00 ACV - 0,07 - 0,04 0,18 - 0,26 - 0.21 0,97 1,00 DIO - 0,69 - 0,32 0,72 -0,43 - 0,29 -0,14 - 0,05 1,00 0,07 - 0,20 - 0,43 0,06 0,03 0,43 0,39 - 0,56 1,00 LAT - 0,35 0,00 0,63 - 0,23 - 0,16 - 0,33 - 0,27 0,82 - 0,93 1,00 IDC 0,20 0,08 - 0,21 0,13 0.07 0,20 0,16 -0,36 0,24 - 0,31 1,00 lOf 0,53 0,48 - 0,25 0,57 0,44 - 0,17 - 0,27 -0,48 - 0,03 - 0.16 0.19 1.00 IRC - 0,02 - 0,16 - 0,22 - 0,04 0,03 0,23 0,19 - 0,14 0,39 - 0,34 0,66 0,02 1,00 IRf 0,06 - 0,08 - 0,32 0,28 0,27 - 0,02 - 0,07 - 0,45 0.41 - 0,44 0,27 0,47 0,40 1,00 IRS - 0,27 - 0,12 0,31 - 0,19 -0,09 - 0,03 - 0,02 0,35 -0,48 0,50 - 0,10 0,11 - 0,25 - 0,15 1,00 - 0,35 - 0,14 - 0,45 - 0,68 - 0,14 - 0,01 0,10 - 0,01 0,06 - 0,49 0,16 - 0,12 - 0,10 SUPC - 0,24 SUPC 1,00 AMO LONG LAT 0,19 (Les valeurs en grassont celles qui sont statistiquement significatives.) Tabl.XXV11l - Valeurs propres des quatre premières composantes de l'Aep. 1,00 Tabl. XXYlI - Matrice de corrélation des variables. W composante Valeurs propres % Total Variance Cumul Valeurs propres Cumul variance pourcentage 1 4.86142512 30.383907 4.86142512 30.383907 2 3.36378642 21.0236651 8.22521154 51.4075721 3 2.00760329 12.5475206 10.2328148 63.9550927 4 1.50809794 9.42561213 11.7409128 73.3807048 Deseroix et al. : « Influence de la forêt sur la pluviométrie» 235 236 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Le deuxième espace des variables représente encore 22 % de variance expliquée supplémentaire (axes 3 et 4, fig. 47) L'axe 3 est très nettement déterminé par la précipitation moyenne (PMO) qui est, bizarrement, corrélée négativement avec tous les indices de rugosité (IRF et IRC) et de densité (IDF et IDC) au premier rang desquels l'indice de rugosité de la forêt. Cela relativise d'autant plus les observations antérieures que la matrice de corrélation (tabl XXVII) montre qu'il n'y a pas de corrélation pluie-rugosité du couvert Cela va à l'encontre des résultats acquis précédemment (DESCROIX et al. 2001) où l'on observait une corrélation évidente entre pluie et masse végétale (alors exprimée en valeur de NDVI : indice normalisé de végétation sur des carrés de surface différente autour du poste) Mais cette étude sur le lien pluie-NDVI était entachée du problème de la relation inverse bien plus puissante qui fait que la végétation d'une région dépend bien sûr de la précipitation qu'elle reçoit L'axe 4 n'apporte presqu'aucune information concernant la pluie, celle-ci étant trop près de l'axe 3 pour déterminer une corrélation avec la 4 e composante. Il est défini essentiellement par la rugosité du relief (ACV et AET) La contradiction de l'information fournie par les axes 2 et 3 montre bien les problèmes d'interprétation des analyses en composantes principales. On peut obtenir des corrélations inverses suivant les variables considérées, du fait du rôle complémentaire que Joue chaque variable vis-à-vis de chacune des autres. classification des stations par ACP Les individus considérés dans notre population statistique sont ici les stations pluviométriques prises en compte pour cette analyse. Leur intercorrélation est décrite par la figure 48, qui représente les composantes 1 et 2. Les valeurs propres et pourcentage de variance expliquée sont les mêmes que pour les variables On constate dans la figure 48 que les stations se regroupent en trois sous-ensembles assez dissemblables: - le groupe 1 des stations situées le plus bas en altitude (2 000 à 2 250 ml, surtout comprises dan l'État de Durango (sauf Balleza - 8005 - et Llanitos - 8320 -) et qui de ce fait ont une pluviométrie annuelle moyenne modérée (550 à 700 mm) ; - le groupe 2 de stations, essentiellement situées dans l'État de Chihuahua, à haute altitude (de 2 400 à 3 000 m) mais où la pluviométrie est également modérée (600 à 800 mm) du fait de la continentalité, ce sont les stations les plus éloignées de la côte, et surtout les plus septentrionales, donc les plus éloignées du flux de la mousson américaine; - enfin le groupe 3 rassemble les stations les plus pluvieuses, celles situées à assez haute altitude (2 300 à 2 600 m) et sur les zones de plateaux les plus proches du Pacifique et également les plus méridionales, plus exposées à la mousson En conclusion, cette étude portant sur un nombre réduit de stations permet de montrer que si la rugosité du relief et de la végétation, facteurs locaux, Jouent un rôle sur la répartition des précipitations, ce rôle est mineur par rapport aux facteurs régionaux et globaux, tels que altitude, Fig. 48 - Espace des individus (stations) suivant les deux premières composantes. coordonnées géographiques et éloignement par rapport au littoral ACP STATIONS 1 + 10103 1,5 0- + 100 10 + 8005 + 10029 + + 10147 + 8320 10051 + 10093 10130 10094 + 10040 + 10025 + 10007 N + 10124 W >< -< + 8312 8214 - 0,5 + 10036 + 8267 + + 8271 2 -1 + 10125 + 8128 + 8319 + 8038 10050 - 1,5 + 8321 -3 - 2,5 -2 -1. 3 0,5 -1 AXE 1 Les nombres correspondent aux stations suivant la nomenclature mexicaine. Descroix et al. ; « Influence de la forêt sur la pluviométrie» 237 1.5 238 Références ANDRÉASSIAN v., 2002 - Impact de l'évolution du couvertforestier sur le comportement hydrologique des bassins versants. Thèse de doctorat de l'université Paris 6,275 p. ANTHEs R., 1984 - Enhancement of convective precipitation by mesoscale variations in vegetative covering in semiarid regions. ! Climate Appl. Meteor; 23 : 541-554. Trait é général des Eaux et Forêts, chasses et pêches, 1. Paris, Arthus Bertrand, BAUDRILLART ]-]., 1823 - 816 p. BAVIER J.B., BOURQUIN A., 1957 - Defense et illustration de tafor ët. Lausanne,Payot. BECQUEREL A-C., 1865 - Mémoiresur lesforëts et leur irfluence climat én'que. Paris, Firmin-Didot frères, La Sierra Madre occidentale, un château d' eau menacé CORBIN A., 200 1 - L'homme dans le paysage. Paris,Textuel, 190 p. (ht tp:/ /www .terr ese tv i e.com ) 380 p. COSANDEY C. , ROBINSON M., 2000 Paris, Armand Colin, 359 p. 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Montagne répulsive, refuge, obstacle, château d'eau, assimilation à la forêt « el monte ». indifféremment montagne et forêt en espagnol, la Sierra Madre est tout cela bien sûr, à différentes époques, pour différentes personnes. Elle reste un secteur où errent des bandits de grand chemin (en fait quelques voleurs de bétail, dans les zones isolées, et de rares coupeurs de route, sur les grands axes en particulier) mais où le folklore de l'ouest de l'Amérique, avec ses garçons vachers et ses Indiens marginalisés conservant pourtant des rituels millénaires, est encore bien vivant malgré l'émigration L'été est la période des retrouvailles, des grandes fêtes à l'occasion des mariages; on organise des rodéos, des courses de chevaux. Et l'eau là dedans? Une expression mexicaine fait dire à l'égard des égarés: « mais ce qu'il fait, là, c'est comme emmener de l'eau à la montagne » , la symbiose est totale et la prise de conscience récente de la vitesse de dégradation des écosystèmes a pris la forme d'une « Croisade pour l'eau et la forêt ». C'est l'ensemble montagne-forêt qui détermine le fait d'être un château d'eau. La conscience écologique est très forte au Mexique, et le fort taux de scolarisation permet de faire passer des messages assez vite aux jeunes générations. Il semble que les habitants des villes sont aujourd'hui attirés par la sierra. Des « cabanas ». en fait souvent des bungalows et des chalets très confortables, sont installés au bord des ruisseaux pour accueillir les citadins; mais c'est un phénomène récent, datant de vingt ans et qui se développe seulement ces dernières années De fait, le Mexique est un des pays au monde où la pression sur la ressource « eau» va être la plus forte dans les prochaines décennies. Même Une eau disputée dans un espace encore libre 243 244 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé si le pays se résigne à devenir dépendant (ce qu'il est déjà en grande partie) au point de vue alimentaire, de son grand et encombrant voisin du Nord, et s'il attribue aux industries, aux villes et aux loisirs une grande partie des ressources en eau pour l'instant allouées à l'irrigation, la pression se maintiendra avec la croissance sans fin des volumes nécessaires aux activités urbaines De fait, l'illusion entretenue par les responsables de la Comisioti Nacional dei Agua de la Camarca Lagunera (grand bassin irrigué du bas Nazas, entre les États de Durango et Coahuila) selon laquelle l'abandon progressif et programmé de l'irrigation dans le bassin laitier (où elle autorise les deux récoltes annuelles de luzerne destinée au bétail laitier) met à leur disposition un kilomètre cube d'eau supplémentaire pour les autres activités, risque de laisser échafauder de mauvaises stratégies. Certes, on produit bien plus de « valeur ajoutée » en ville dans des activités tertiaires ou industrielles, avec le même volume d'eau, qu'en l'utilisant pour l'irrigation. Mais ce faisant, on développe des activités plus polluantes (pour attirer les capitaux du Nord, on est peu regardant sur les critères environnementaux) et on repousse le problème; en laissant des activités surconsommer l'eau, on va arriver en quelques décennies à dépasser le volume réellement renouvelable, au lieu de d'ores et déjà, imposer des normes strictes en matière de consommation, gestion et recyclage des eaux. A l'heure de la mondialisation où beaucoup de maqui/adaras (usines sous douane) et d'autres entreprises délocalisent leurs unités de production (appartenant de plus en plus souvent au tertiaire - saisies informatiques, centrales d'appel téléphonique, etc) vers d'autres pays moins chers (en terme de main-d'œuvre, en particulier) et aux normes anti-pollution encore moins strictes, comme la Chine, le Mexique doit-il continuer à héberger des industries sous-traitantes, des unités « tournevis » peu productrices de valeur ajoutée, voire des industries polluantes ou dangereuses? A-t-il le choix d'une autre politique) De fait, le Mexique souffre du syndrome de nombreux pays d'aval depuis qu'il a été « spolié» de sa moitié Nord en 1848 (à l'issue d'une guerre perdue face à des États-Unis en pleine conquête de leur « frontière »). il ne maîtrise plus les eaux du Colorado ni du rio Grande/Bravo; le Nord du pays dépend de ce fait en grande partie, pour sa fourniture en eau, du bon vouloir des autorités américaines, avec lesquelles des traités inégaux ont réglé juridiquement le partage des eaux transfrontalières à l'énorme avantage du voisin du Nord, ne garantissant qu'un débit minimal à ces fleuves à leur entrée en territoire mexicain (DESCROIX et LASSERRE, 2003) Si l'on compare la situation du Nord-Mexiq ue avec celle qui prévaut en Mésopotamie (mêmes latitudes, même dépendance à l'égard des sources d' eau situées, en zone montagneuse, dans un pays limitrophe au nord), les Mexicains ont droi t à la portio n congr ue : 5 % du débit natu rel du Colorado arrivent à la fron tièr e, et 10 % environ de celui du rio Grande, l'u n et l'autre avec des eaux de qualit é trè s dét érioré e. La Turquie a certes usé de sa position d'amont pour fa ire pression ou pour punir les pays d'aval (Syrie et Irak) avec lesquels elle a dep uis longtemps des relat ions difficiles, qu i se sont encore comp liquées suite à la signature de son traité d' amit ié avec Israël. Ceci étan t, il ya bien sûr d'é normes différences ent re les deu x configu rati ons : - tout d'abord, la date des équipeme nts ; la Turq uie a commencé à équi per l' Euphrate de manière importante au début des années 1980, et cela va durer enco re pendant vingt ou trente ans, alo rs que le principal barrage du Colorado (Hoove r Dam) a été mis en eau au début des années 1930, bien avant les tra it és de 1944 régla nt les liti ges sur le part age des eaux entre les deux pays ; - ensuite, la basse vallée du Colorado au Mexique n'est bien sûr pas la Mésopotamie ; l' irrigation y est récente et le périmètre de Me xicali ne représente « que » 200 000 ha ; - enfin, même si la Turqu ie est un pays « émergent » au même tit re que le Mexi qu e, et qu'il aspire à inté grer l'Uni on européenne, il reste un pays du Sud; le rapport de forc e ent re le pays d'am ont et les pays d'av al n'est do nc pas, dans ce cas, do ublé d'un rapport Nord-Sud com me au bord du rio Grande et du rio Colorado ; - enf in, histor iquement, si la Turq uie a perdu le contrôle des zones aval qu'a domi né l' Empire ottoman durant des siècles, en Amériq ue, c'est le pays d'av al qui a perdu le contrôle des zones amon t constitu ant le « château d'eau ». Cette qu atr ième partie déb ute just eme nt par l'enjeu géopo litiq ue de l'eau et sa valeur dans un e région en plein développement où elle est assez rare et d'autant plus con voitée . Le plan de convert ir le Nord -Mexique en nouveau « Singapou r » est battu en brèche, non pas par le manque d'eau, mais par la conc urrence des pays où les avantag es compa ratifs sont encore plus nombreux, en parti culier la Chine et son inta rissable réservoir de main-d'œuvre. Si la pui ssante machine économique américaine ne peut employer, d'un côté ou de l'autre de la frontière, tous les paysans « libérés » (ou chassés 7) par la nouvelle réfor me de la tenure et la généralisatio n de la propriété privée, Une cau disputee dans un l· ...pilll' cnrou: Iihll' 245 246 LaSierra Madre occidentale. un château d'eau menacé la situation sociale au Mexique risque de devenir explosive, à l' heure où le pays aff ronte aussi "ouvert ure de ses front ières po ur les pro duits agri coles hyper-subvent ionnés des Ét ats-Unis. com ment peut -on seulement imaginer q ue le maïs et les haricots, base de l'al imentation des Me xicains, puissent revenir moin s cher, tra nsport compris, importés des USA que produ its localement? S'il n'y perd pas son âme, le Me xique va y perd re le reste d ' indépenda nce alimenta ire qu' il avait réussi tant bien que mal à assurer jusqu'au déb ut des années 1990 . Les aspects juridiques sont également abordés avec les traités bilatérau x et leur s con séquences (cf . « L'eau, agent économ ique et enjeu poli tique ». p. 249) . Par ailleu rs, la Sierra M adre occidenta le n'a jam ais été ni particul ièrement at tr act ive, ni répulsive ; c'est l' ensemble du nor d du pays, qu i a longtemp s été vide du fa it de l'insécurité liée aux incurs ions des Apaches et des Comanches sur les grandes haciendas du déser t de Chihuahua . Et dans ce vaste espace, la sierra aur ait pu appara ître à la fois comme un refuge et com me l'oasis en bordu re du désert ; mais ce gran d Nord n'a jamais, ju squ'au début du xxe siècle, été suffis amment peup lé pou r être un enjeu important ; il est resté une « fronti ère » ju squ'à la réforme agraire qui a permis d'eng lober tout " espace d'un coup à la Nation mexicain e déjà forte de plus d 'un siècle d' histo ire, d'une révo lution et d'un énorme héritag e cult urel. Ce relat if vide (de l' ensemble du Nord et no n plus seulement de la sierra) est un atout de nos jours où tout espace est convoité et où les espaces sauvages se raréfie nt devant la pou ssée démograph ique et les nu isances fait es au milieu naturel. Même arides, de gr andes étend ues sauvages ne manq uent pas d'i ntér êt; le no uveau « plan de mane jo )} (plan de gestion ) de la réserve de la Bio sphère de Mapimi (BARRAL et ANAYA, 1996 ; CON ANP, 2004), qui a porté cette zone préservée de 120 000 à 3 50 000 ha, est là pou r prouver l' intérêt de l' Humanité comme des M exicains pour la conservat ion d'aires protégées La Sierra Madre, elle, a de plu s l'i nt érêt d'avoi r une fort e biodi versité et de posséder une relative abondance en eau. Outre qu 'ell e est la principale zone de four niture de bois au Me xiq ue, elle reste un vaste espace sauvage au cœur de l'Amérique; c'est cette nouvelle percept ion d'un ensem ble part iellement vide q ui va être abordée ici (cf. « L'écot o urisme • une alternative à la dépr ise et à la surexploitation ? )} , p. 265 ). Enfin , le nord du Me xique n'est pas la seule zone en « st ress hydrique » du Me xiqu e. Il en est une aut re qu i est pourtant située dans les montagnes parmi les plus pluvieuses du pays, le haut bassin du Cutzama la, entre les États de México et du M ichoacan (cent re-sud du pays). Il y pleut plus de 1 000 mm d'eau par an sur la plus grande partie des reliefs, certes, mais ce bassin est devenu depuis quinze ans l'un des principaux pourvoyeurs d'eau de la ville de Mexico, qu i est. rappe lons- le, avec envi ron 20 m ill ions d'hab itants, l' une des p lus grandes még alopoles de la Planète; la ville nécessit e 64 m 3/s d 'eau à longu eur d' année . Au début des années 1980, on a t ransfor mé un bassin équipé po ur fournir de l'électr icité hydraulique en zone d'approvisionnement en eau pot ab le, ce qui n'a pas été sans conséquence pour ses habitan ts. C'est pou rquo i cet ouvrag e s'in téresse à la gestion de l' eau et de l' espace da ns une autre rég io n du Mexiqu e : Valle de Bravo (cf. « Eau et espace à Valle de Bravo . La bataille pou r l'eau » . p. 28 3) C'e st un aut re château d'ea u, mais il est nettem ent plu s sol licité que la Sierr a M adr e, et ce po ur les seuls besoins domestiques des habitants de Mexi co et pou r les besoins grandissant s du pr em ier bassin indust riel du pays. II reste que la Sierra M adr e est encore loi n d' êt re une région en soi; elle est à la pé ri phérie de tous les États sur lesquels elle s'étend , sans être centra le d ' aucun d'eux ; elle est zone de fo urni ture d 'ea u, de mat ières premiè res aux centres ind ustriels de sa péri phérie principalement Chihuahua, Durango et G6mez Palacio-Tor re6 n. Son aven ir est probablement à imag iner comme un espace où l'e xploitation forestière et pastoral e se ferait en fonct ion de la productivité des mi lieux, de man ière à préserve r paysages et écosystèmes et permettre le déve loppeme nt d ' une no uve lle act ivité : le tourisme, nat iona l comme int ern ati o nal . Références BARRAL H., MAYA E., 1996 - Plan de manejo de la Reserva de la Biog era de Mapimi . Documento interna, Orstom-Instituto de Ecologia, Durango, México, 120 p. CoNAN P (Comisi6n Nacional de Areas Protegidas) , 200 4 - Programa de conservaciôn y manejo de la Reserva de la Biosfera de Mapimi. México, Instituto de Ecologia, 95 p. Une cau disputee d,IIl S un csp.i cc encore libre DESCROlX L., LASSERRE F., 2003 L'eau dans tous ses États: Chine, Australie, Sénég al, États- Unis, Mexique, Moyen-onent. Paris, L'Harmattan, coll. Ressources renou- velables, 350 p. 247 Luc Descroix géographe-hydrologue Frédéric Lasserre L'eau, agent économique et enjeu politique On entend souvent dire que les montagnes sont les châteaux d'eau de la planète. C'est globalement vrai, étant donné que les régions montagneuses sont en général les mieux arrosées et que c'est là que prennent naissance la plupart des grands cours d'eau. Le rôle - réel ou perçu - des montagnes dans l'espace ainsi que dans l'aménagement de l'espace, est très différent d'une région du globe à l'autre. la montagne peut être répulsive dans les régions froides, ou sèche dans les régions sous le vent (versant oriental des Rocheuses canadiennes et américaines; plateau tibétain au-delà de la barrière himalayenne) ; ou au contraire être des plus recherchées dans les régions chaudes du fait d'un climat plus agréable ou d'une meilleure pluviométrie (plateau éthiopien, par exemple) ; dans le cas de chaînes volcaniques récentes, les montagnes peuvent de surcroît offrir l'avantage de meilleurs sols La Sierra Madre occidentale (fig 49) aurait pu représenter une zone attractive aussi bien qu'une zone répulsive; elle pourrait même rester une zone vide entre deux zones vides, d'une part parce qu'elle a peu fait l'objet d'une quelconque « centra lité », ou d'un quelconque aménagement à l'aide d'« équipement structurant» et, d'autre part, parce qu'elle a longtemps été peuplée d'ethnies sédentansées mais très dispersées, entre deux déserts occupés par quelques rares nomades. Mais à y regarder de plus près, c'est en réalité une des régions du Mexique qui a le plus tôt attiré le colon espagnol du fait de sa richesse en minerais, en particulier d'or et d'argent, tant il est vrai que la dimension répulsive ou attractive n'est pas une qualité intrinsèque, mais reflète les représentations de l'espace des sociétés et leur capacité géographe 250 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé d'adaptation. Les villes fantômes et les villes minières, qu'elles soient en sursis ou en plein essor, sont nombreuses sur les deux versants de la chaîne; elles encadrent les autres villes-champignons qui ont surgi, il y a quelques décennies, près de la ligne de crête, de part et d'autre du plus grand massif forestier du Mexique, pour en assurer l'exploitation. Cette exploitation, parfois sauvage et désordonnée, parfois contrôlée et régentée, vise quoi qu'il en soit à tirer le plus grand profit d'une ressource en bois pas si intarissable qu'il y paraît. Il est du ressort des hydrologues de déterminer si la diminution des surfaces forestières peut avoir un quelconque impact sur la ressource en eau ou sur le régime des cours d'eau. Le géographe et l'aménageur peuvent, eux, analyser le rôle de château d'eau indéniablement joué par le plus grand massif rhyolitique du monde dans tout le nord du Mexique. La présidence de la République a lancé en 2001 une Cruzada nacianal para el Basque y el Agua, croisade pour l'eau et la forêt, officialisant ainsi de manière administrative un lien encore à déterminer entre forêt et préservation des ressources hydriques. Les autorités mexicaines, à travers les responsables de la Camisi6n Nacional dei Agua considèrent qu'il y a à l'heure actuelle trois priorités nationales en terme d'eau au Mexique (cf. « Eau et espace à Valle de Bravo. La bataille pour l'eau ». p. 283) (fig. 49) L'une d'elles est l'assèchement de la lagune de Chapala (État de Jalisco, à 20 km au sud de la métropole de Guadalajara) et ne concerne pas directement la Sierra Madre occidentale. Les deux autres sont par contre directement liées à ce massif, puisqu'il s'agit tout d'abord, du litige avec les Ëtats-Unis sur le partage des eaux du rio Bravo/rio Grande (une grande partie des apports d'eau au bas rio Bravo vient du rio Conchos, son principal affluent de droite, descendu du coeur de la Sierra Madre) ; et ensuite de la question des eaux de la Laguna (bassin Nazas-Aguanaval), région endoréique dont l'approvisionnement en eau est essentiellement assuré par le rio Nazas, venu lui aussi de la partie centrale de la chaîne. Ainsi, deux des enjeux hydrauliques nationaux impliquent directement la Sierra Madre occidentale. Ces enjeux de gestion de la ressource ne se situent cependant pas qu'à l'échelle nationale. Des tensions existent au niveau local, entre communautés rurales, notamment pour le partage de la rivière Ciénega de la Vaca ; au niveau régional, à l'intérieur de l'État de Durango, entre la région de la Laguna, où l'agriculture irriguée est fortement développée, et le haut bassin du Nazas, en amont, où l'on envisage la mise en valeur de la ressource hydraulique pour développer l'agriculture irriguée Des tensions existent aussi entre les États de -) ÉTATS-UNIS ( '1 \, \. -, ...... ••••• • • • • ,." <, . El Paso -~ ' Ciudad Juarez'l ( \ .-~\ . B(1$sJE3U no Grande \ n6er ~'!,-_ ~; ( ._---.. Houston \ ~ ~ Bassin sa'~M ... ...... ~ Golfe du Mexique Monterrey Agw}n al Bas/in u Santiago f (/ ------<---, Océan Pacfique ~ " ) 1 . ..----:--J , MEXICO Guadalajara • Bassin Lerma Chapal MEXIQUE Durango et de Sinaloa, du fait du projet de détournement de cours d'eau pour accroître la ressource du premier. La question du rio Conchos traduit la nécessaire coopération entre le Mexique et les États-Unis dans la gestion des bassins internationaux, mais aussi la délicate position du Mexique par rapport à son puissant voisin. A toutes ces échelles, l'eau constitue un enjeu pour le développement économique, Mais, dans une situation de rareté croissante du fait de l'augmentation de la demande, les autorités sont conduites à faire des choix qui conditionnent l'aménagement du territoire et le type de développement des régions concernées. En ce sens, la question de la gestion des eaux de la Sierra Madre occidentale revêt une dimension très géopolitique, Dcscroix et Lasserre: « L'eau, agent économique ct enjeu ... " 251 Fig, 49 - Localisation des trois « priorités hydrologiques nationales» du Mexique à l'heure actuelle, 252 L'eau du do Conchos est-elle mexicaine ou américaine? LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Grand pour le Nord, sauvage pou r le Sud, le rio Bravo dei Norte ou rio Grande, est issu des montagnes Rocheus es, mais sa « t raversée du désert » est lon gue, et so n débit nature l relati vement faible . Dans son cours inférieur, il forme la frontière entre Mexique et États- Unis. C'est l'e xistence même de la f rontière qui a permis le déve loppement d'une série de « villes-jumelles » . dont la plu s connue est l' ensemble El PasoCiu dad Juarez. Si la gestio n des eaux du bassin est rendu e difficile par la rapide croi ssance des vill es de part et d'a ut re de la frontiè re, elle l' est de man ière plu s drastique au Me xiqu e ; les dix plu s grand es villes du bassin ont en effet vu leur population totale augmenter de 117 % en vingt ans (197 5- 199 5) La princ ipale utili sat io n de l'eau y est ag rico le, et l' intégralité du vo lume di sponible est déjà affectée; de ce fait, on assiste à une salinisat ion des eaux et à un accroissement de leur teneur en pesticide s ; l' érosion dans le haut bassin, liée au surpât urage, accélère de surcroît la sédimentat io n des barra ges (USGS-CERC, 1999 ). En aval d u barr age d 'Elep hant Butte, le plus en aval de la sect ion pur ement amé ricaine du fleuve, un débit mi nimal de 31 m 3/s, régulé par le barra ge, permet l'al imentation d'un pér imètre ir rigué côté te xan ain si qu 'un débi t d ' ét iage jus q u' à la recharge assur ée par le rio Conchos, aff luent de rive d ro it e venu de la Sierra Madre occide nt ale mexicaine; 2, 3 m 3/s sont ég alement garanti s pour l'al imentation d'un pér imètre dan s la vallée de Juarez, côté mexicain . Par aille urs, les villes de El Paso et de Ciudad Iu àrez po mpent leurs eaux dans une nappe qui sera épuisée dans un e tre nta ine d'ann ées au ryt hme actuel d'utilisat ion. Leur cro issance étant très forte, le vo lume d 'eau dont dispo se l'agricultu re pourrait bien servir prochainement à l'alimentation des villes, comme c'est de plus en plus le cas dans toutes les g randes vill es à forte croi ssance du sud-o uest des Ét at s-Un is (Phœnix, Albu querque, Tucson, Las Veg as et surt o ut Los A nge les et San Diego), qui rachèt ent depu is plusieurs décennies les dro its d'eau aux agr iculteurs . A 144 km en aval de Juàrez/El Paso, Fort Quitman sert de point de réf é- rence pour les traités, en particulier le trai t é de 1944 entre les États-Un is et le Mexi q ue ; en aval de ce point. en effet , le fl euve est cons idéré comme un fleuve internat io nal, ce qu i fa it que la gestion à la fois de ses eau x et de celle des affluen ts d' aval (les rio s Conchos et Salado côté mex icain, le Pecos côté texan ) est effectuée collectivement : ain si la presa (barrage) la Boq uilla, sur le haut Co nchos, doit-ell e sou t enir un débit d 'é t iage réservé au bas rio Grande. Bien que les débi ts soien t faibles pour un fleuve de cett e ta ille (seule la moitié du bassin part icipe à l' écoulement), 80 0 000 ha sont irri g ués dans le bassin versant du bas rio Grande , un peu plus de la mo it ié étan t situés au M exique . Se posent aussi de graves prob lèmes de qualité d' eau ; on y retrouve la salinisation des eaux due aux périmètres irrigués te xans, qui abaisse la qualité des eaux dont peut disposer le Me xique ; ma is à terme le problème majeu r est celui des effluent s urbains, non encore traités, des villes de Ciudad Juarez et Nuevo Laredo au Me xique . Cela rappelle le problème du rio Tijuana, dont les eaux po lluées concernent en aval le sud de l'ag glomération de San Diego ; une pollution due là aussi en grande partie au dévelo ppement des maquiladoras et à l' essor des villes qui s'est ensuivi. Comme dans bien d'aut res cas dans le monde, le reno uvellement de ce seul gisement d'e au reno uvelable doit se faire grâce à l'opt imi sation des eaux d ' irrigati on par l'in troduction de techn iq ues connue s mais onéreuses, et surt out le rachat des droits d'eaux agricoles par les ut ilisateurs urbains. Tout en étant capab les d'in vestir dans des techniques de ratio nalisation des usages, ces usagers « urbains » produisent. de plus, une bien plus grande valeur ajoutée par m 3 d 'eau con sommé . Comme ailleurs, la cohabitation des demandes con curr entes des secteurs agricole, industr iel et urb ain ne provoque que des frictions modérée s tant qu'il n'y a pas de pénurie grave. Or, depuis le débu t des années 1990, les Américains ont accru leur consomm at ion d'eau dans le bassin du rio Bravo/Grande pour compen ser la stabilisatio n des prélèvements dans la grande nappe de l'Ogallala (DESCROIX et LASSER RE, 2003 ), qu i est en train de deveni r une « mer d'Aral souterraine ». surexploitée et en voie d'épuisement. Dans le même temps, une sécheresse aigu ë s'est installée sur le no rd du Me xique et le sud des États-Unis à partir de 1992, et les réservoirs sont vides depuis le milieu des années 1990 . On a dû, de part et d'autre, réduire la proporti on des périmè tres irrigués dans laquelle l'eau est effectivement dist ribuée, en com mençant logique ment par ne plus uti liser les ter res les plus éloignées du stockag e, afin de diminuer les pert es en conduct ion Au printemps 200 1, après avoir laissé les paysans du périmètre de Matamoros, côté mexicain de l'embouchure du rio Bravo, réaliser les semis, les autorités américaines ont fait jouer le traité de 1944 pour déclarer - apparemment à bon escient - que le Mexique avait dépassé les quotas auxquels il avait droit . De ce fait , la récolte de sorgho a été de 5 à 20 fois infé rieure à la norm ale dans le pér imètre , et les pertes ont été éno rmes pour les agriculte urs concernés. Cela a provoq ué un ref roidissement des relatio ns ent re les deux pays voisins, les paysans et l'opinion pu blique mexicains ayant du mal à admett re que l' eau du rio Co nchos, pourtant peu abond ante du fait de la sécheresse (le débit moye n au barrage La Boquilla a Descroix et Lasserre: « L'eau, agent économique et enjeu... » 253 254 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé été de 27 m 3/s entre 1993 et 2003 contre 41 m 3/s de 1935 à 1992), était réservée, pour une question de quota, aux paysanset aux villes texans. Ainsi, tant pour des raisons de po litique int érieure (mont rer à l' op ini on publique mexicaine que l'État se préoccupe des questions de souveraineté sur les ressources) que de politique sociale (soutenir les paysans sinistrés du bas rio Bravo), le partage des eaux transfrontalières est devenu une question politique primordiale pour le go uvernemen t mexicain, ainsi que l'objet d'un vaste débat national, qui ne peut s'internationa liser : le traité est en effet clair et il semble qu 'effectivem ent les Mexicains aient bien dépassé, plusieurs années durant, les quotas auxquels ils étaient autorisés Dans ce problème fr ont alier, les volumes d'eau qu i pour raient êt re échangés sont faibl es. Du côté mexicain du moin s, les barrages du nord du pays et en particulier du bassin du Conchos , affluent du rio Bravo, sont vides du fait de la sécheresse. La problématique se rapproche ici, selon le modèle d'O hlsson, d'une pénu rie d'eau de premie r ordre (OHLSSON, 1999 : 148-149), à savoir une rareté physique de la ressource, par opposi tion à une pénurie de second ordre, situation dans laquelle la rareté est indu ite par la répartition de la ressource et la st ruct ure de sa con sommation On parle aussi de raret é indu ite par l'offre (« supplyindu ced scarcity ») (HOMER-DlxoN, 1995 : 589-602 ; HOMER-DlxoN et Bun, 1998 : 6). Cependant, le problème comprend également une dimen sion sociale et po litique (« demand-induced scarcity ») pour deux raisons : réduire la consommation peut amoindrir le problème, d'une part; des arbitrages seront sans doute nécessaires pour déterminer quels secteurs devron t voir leur consommation se comprimer, d'a utre part. Comme ailleurs , il faut apprendre à gérer la pénurie, et pour des eaux transfron- tari ères. le plus logique est de faire cela ensemb le Au cœur de la sierra, la bataille des ejidos : Pilitas contre La Pefia Les ejidos sont des communautés rurale s créées par la Réf orme agraire (1936), aujourd'hui en voie de dissolution . Dans la Sierra La Candela (au cœur de la Sierra Madre occidenta le, fig . 50), il n'y a qu 'u n seul cou rs d'eau permanent, qui est bien alimenté : la Ciénega de la Vaca. Les sources de la Ciénega de la Vaca donnen t en permanence un débi t de plu sieurs centaines de litres/secondes d'une eau de très bonne qualité (Dtscsoïx, 2000 ). Ces eaux cou lent naturellement vers l' est, permettant l'i rrigat ion de plusieurs ejidos , en part iculier Pena (300 hab ita nts) , or les hab itants d'un autre ejido de la sier ra, celu i de Boleras- Pilitas Fig . 50 - Projet de détournement des eaux de la Ciénega de la Vaca. 0\ SANTA MARiA DEL ORO ~ o Ciénega de Escobar ,.f, ':..1Si'./JlQ , " 1 o GENERA L ESCOBEDO o ~ ' ., Cours d'eau pérenne .,. ,. ,._~ Cours d'eau intermittent (moins de 100 habitan ts aujourd' hui), situé plus haut, ont le pro jet de détourner le cours d'eau - qui naît sur un territoi re f édéral - vers le nord, afin d' irriguer les champ s de leur communaut é, sit uée plus haut que la Descroix et Lasserr e : « L'eau, agent économique et enjeu ... » 255 Projet de captage 256 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Pres ôn (petit lac collioaire) sur l'arroyo La Maoga près de Boleras (au-dessus de Tepebuanes) . Petitpres6n au lieu-dit Loma Blanca entre Santa Maria dei Oro et Tepebuaoes. Pres6n de Pitorreal sur la piste de Buenos Aires, au-dessus de Tepehuanes. première, mais dans une autre vallée Ils envisagent pour cela de construire une conduite de 20 km en zone de montagne. Le village ne comprenant qu'une centaine d'habitants, l'investissement n'est éventuellement possible que grâce à l'argent des émigrés, très nombreux à travailler à Chicago, Las Vegas ou Los Angeles. Au niveau légal, les communautés qui souhaitent détourner l'eau « bénéficient» d'un vide juridique, car les terrains fédéraux sont en principe à tout le monde. Et surtout, ils comptent sur la tradition et l'usage qui veulent que celui qui trouve l'eau la prend et en profite - c'est le principe, aussi présent dans la législation de dix-neuf Ëtats américains de l'Ouest, du « premier arrivé, premier en droit» ou prior appropriation (ROGERS, 1996 . 91) Ils comptent aussi sur l'absence d'autorité capable de réglementer ce genre de litiges. Au cas - peu probable heureusement - où ils mettent leur projet à exécution, ils pourront utiliser cette eau pendant des années avant que le litige ne soit résolu, à moins bien sûr qu'il ne soit réglé entre-temps par des moyens peu légaux. Descroix et Lasserre: « L'eau, agent économique et enjeu... » 257 258 Transférer l'eau vers l'intérieur : le litige entre les États de Durango et de Sinaloa La Sierra Madr e occidentale, un château d'cau menacé A l' intérieur même du Me xique, il existe des confl it s potentiels pour l'ac cès à la ressource, entre Ét ats. Ainsi, l' État de Durango form e depuis une dizaine d'an nées un projet de t ransfert assez important , qu i risque d'êt re peu appréc ié par ses voisins (fi g. 5 1). L'État de Durango est globalement assez favor isé, car il comprend un secteur import ant de la Sierra Madre occi dentale, qu i reçoit une pluviométrie correcte (de 500 à 1 700 mm selon les altitudes et les expositions). Étant à cheval sur la chaîne de montagnes, son territoire s'étend part ielleme nt sur le versant pacif ique de la sierra, bien plus arrosé (800 à 1 700 mm par an) que le versant int ern e, tourné vers l'altiplano con t inent al, abrité et sec (qui reçoit entre 500 et 900 mm par an). Paradoxalement. c'est le versant sec qui est le plus peupl é, car le versant ouest humide est tr ès escarpé et diff icile d'accès; seules quelques villes minières s'y sont installées au fond de vallées étro ite s. Les autorités de l' État de Durango ont confi é à un bureau d'études fran çais la réalisat ion des études sur un proje t de transf ert par tun nel d'une partie des eaux cou lant en direct ion du Pacif ique, vers le versant sec bien plu s densément hab ité dans le territoire . Il s'agit de creuser une galerie de plusieurs dizaines de kilomètre s de long depuis les hautes vallées des U' Cl-\lHU. HUA f ig. 51 - Bassin du Nazas -Agu a naval et projet de transfert vers celui -ci des eau x coula nt vers le Pacifique. Désert de .... Chihuahua • • Los Mochis • .... . ..., Z. C: TEl .\ S ~ Périmètre irrigu é Projetde transfert Isohyètes Zacate cas ~ .~ u; 00 o 100 k m Rue de la petite ville de Can elas, au food d'une vaUée dévalant vers le Pacifique. rio s San Lore nzo et Humaya vers le bassin endo réique du Nazas, qui s'éco ule vers le sud du désert de Chihuahua, dans l'anc ienne Laguna de Mayra n . Mais seuls les hau ts bassins du versan t Pacif iq ue se trou vent dans l' État de Durango ; les cours d'eau s'écoul ent en aval dans l' Ëtat de Sinaloa. Or, celui-ci est déjà équipé de plusieu rs gros barrages réservo irs (no ta mment pour assurer l'irri gat ion des péri mèt res de Culiac àn et d' El Fuerte-Los Mochis). Les autor ités du Sinaloa sont donc très inquiètes de ce projet qu i risque de priver d 'eau une région a priori f avo risée du Me xique , mais sujette à une forte variabi lité interannuelle des pluie s : le litto ral est aride au nord, alo rs que les premie rs contrefo rts monta gn eux en arrière de la côte reçoivent de grandes quant ité s d'eau - entre 80 0 et 1 500 mm - en particulier au sud. Ain si, durant la péri ode de « soudure » de l'ann ée 1994 , trè s sèche part out au nord du Me xique , les réservoi rs des barrages du Sinaloa ont été presq ue to ta lement vid és. On se retro uve là devant la situati on typique de « l'avant age à l'a mont » qui met ainsi l' Etat de Durango en posit ion de force. Descroix et Lasserre : « L'eau , agent économique et enjeu ... » 259 260 U ne bataille amont-aval en perspective? La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé Mai s un lit ige am ont-aval pourrait paradox aleme nt aussi surgir, à l'intérieur mêm e de l'Ét at de Dura ngo , entre le haut bassin du Nazas et la Lagu na, le grand périmèt re irrigu é de sa zone basse. De fait, une zo ne am ont peu peup lée peut-elle être ind éf iniment destinée à pou rvo ir de l'eau aux zones en aval plus peuplées et dépou rvue s de ressources en eau ? Cett e co nf iguratio n est typ iq ue des zo nes arides et sem i-arides. où les eaux sont exo gè nes et les approv isionn ements dé pen dant s des secteurs amont en général montagn eux; ce cas de f igure se retrouve sur tou s les con tin ents : huertas espagnoles et françai ses, oasis du sud de l'Atl as en Afrique du Nord, M ésopotami e, Iran , Asie centra le, Pendj ab , gr ands fl euves sahéliens issus du Fo ut a-Djalo n, oasis des piedm onts argent ins, chilien s et péruviens des An des, et péri mètr es irrigués du NordM exique et d u sud-ouest des État s-Unis, po ur ne cit er que ces exemple s. Ces sit uations sont le ref let des proce ssus histor iques de mise en valeur des te rres agricoles. Elles se sont parf o is insti t ut ion nalisées à t ravers des struc tures Jurid iqu es qu i accorda ien t la prop riét é de l' eau o u so n dro it d 'usage au prem ier à la mettre en valeur, comme dans l'Ou est amé ricain notam ment . Dans les basses terres, plu s pr opices au développement de périmè t res irrig ués, se son t do nc développées des éco no mies fo ndées sur l'e xplo itatio n d 'un e ressou rce hydra uliq ue exog ène. Cette opp osit ion ent re amon t et aval pour les quest io ns de gestio n de la resso urce hyd rauliq ue peut êt re rapproc hée du mod èle centr e-périphérie : on observe une co ncent ratio n des moyen s de production en aval, avec dif férenciati on des fon cti o ns de l'espace selon une log iq ue imposée par les modes de produ ct ion de l'aval, et intég rat io n de l'ensem ble du bassin versant selon cette même logique. Ce modèle vaut ce que vale nt les modèles, et ces st ruct ures spatia les de consom mat io n de l'eau perd urent tant qu 'elle s ne sont pas rem ises en cause en amon t. Cette remise en cause, bien entend u, ne s' opère pas sans heurt s ainsi, lor sque les États amo nt d u bassin du Co lo rado, Nevada, Ariz on a, Uta h, on t réclam é une plus grande par t des eaux du fl euve, la Californie s'y est vigou reusement opposée, arg uant de « dr oits historiques » et des do mm ages que tou t prélèvement en amo nt provo quera it à son secteu r agr ico le C'e st l'i nt ervent io n du go uvernem ent fé déral amé ricai n, en ' 99 7, qui a obligé la Californie à accepter les dema ndes de ses vo isins d'amont. De même, lo rsque la Turquie a décidé de mettre en oeuvre son proj et de mise en valeur d u Sud-Est anato lien , en con st ruisant de nom breux barrages sur le Tig re et l'Euphrat e, la Syrie et l'Irak, voisin s d'ava l qui avaient déve loppé leur secte ur irrigu é depuis fo rt lo ng t emps, ont été o bligés de composer avec ce no uveau partage des eaux du fait de la pu issance t urq ue Une dispute récurrente oppo se le Kirghi zst an à l' Ou zbékis tan au sujet de l'emploi des eaux du Syr Daria: le Kirgh izsta n, en am o nt mais plus faib le qu e so n voisin ouzbek , s'eff o rce de faire valo ir ses beso ins face à la puissante pre ssio n de Tach kent. Enf in, dans le bassin du Nil, l'Ëgypte , pays d 'a val, a ju squ 'à présent réussi à cont rôler les usages des eau x du fleuve en am ont so it par t raités avec le Soudan et l' Ouganda, soit par une menace trè s dir ecte à l' endr oit d'une Ëthiopie pa r ailleurs épuisée pa r la récur rence des guerres civiles et de front ière avec l'Érythrée . Peu peup lée et souffrant d 'une mauvai se gest io n de ses pâturages (le surpât urage est généralisé et rest e la règle malg ré une rapide dé po pulati on), la Sierra Madre occi den ta le pourrait très bi en devenir une région d'ag ricult ure int ensive du fai t de ses so ls peu pent us et de ses ressources en eau . Et l' eau consommée sur place ne serait évidemment plus dispo nible en aval On se trouver ait potent iellement ici dans un cas classiq ue d'i rruption d ' une nouve lle demande en amont qui viend rait bouscu ler les habitu des de consommation de l'ava l Or, il y a déjà des te nsion s sur la ressource dan s la zone amont (voir plus haut, le cas de l'Arroyo Ciénega de la Vaca) Cela dit. la sierra se vide de sa ma in -d 'œu vre jeun e, qui préfère s' exiler à Las Vegas ou Chicago ; elle ne prend do nc pas du to ut le chem in d'u ne intensifi cation des cultures On s'est rendu compte, au co ntact des au torités mexicaine s en charge de la gestion des eaux, qu'i l y avait des divergences sur les estimatio ns chiffrées des ressources en eau ; les données répandues par les respon sables po lit iqu es concernant la rech arge naturel le de l'aquifère de la Laguna sont par exemp le deux fo is plus élevées qu e celles pub liées par la CNA iComision Nacional dei Ag ua) Alors qui croir e 7 TOUjo urs est- il que le cas de la Laguna résume à lui seul une g rande part ie des succès et des contrad ict ions de l'esprit pionnier et des excès du « laisser-faire » inhé rent au capitali sme libéral triomphan t en Amérique du Nord . Développé à l'époque du régi me plus « popu liste » et vo lontariste de la présidence de Lazare Càrdena s (19 34- 1940), le périmètre irrigué a longtemps été con sacré au cot on ; dès les année s 194 0, la co nso m matio n en eau de ce pér im ètre de 160 00 0 ha était déjà bien supérieure au volum e renou velable des eaux, à la fo is sou terr aines et de surface. Le contexte éta it celui d'u n partage des terres suivant la Réform e agraire, qui a perm is l'installat ion de milliers de pet its paysans dans le cadr e des Descroix et Lasserre : « L'eau, agent économique et enjeu... » 261 La Laguna ou le triomphe du libéralisme 262 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé ejidos, ces commun aut és rurales créées de toutes pièces sur les terre s exprop riées des haciendas. Les grandes propr iétés ont été démante lées, la loi n'aut ori sant plus les explo itat ions irriguées supérieu res à 150 ha. M ais les pecuetios, nom donn é aux « peti ts proprié tair es », parfois d' anciens hacendados expropriés, disposaient tout de mêm e de 50 fois plus de surface en mo yenne que les ejidatarios, les paysans de ces nouvelles communautés. Le système irrigué étant réalisé en priorité pour les ejido s, les « propriétaires » ont continué à pomper dans la nappe , et ont même accru les volumes souti rés à la nappe, provoquant un abaissement rapide de celle-ci; le maximum est atte int en 1959, année au cour s de laquelle le volum e d 'eau consomm é dans la Lagun a f ut de 2,7 mil liards de m', soit deu x fois le volu me renouve lab le. Mais cette surexp loitat ion, bien qu'e lle ait diminu é dep uis, persiste, et le niveau phréat iq ue cont inue à baisser; l'ab aissement moyen de la nappe reste de 1,75 m/an en moyenne depuis 1950 (f ig. 52). Les mesures même d 'économie d'eau ont eu des impacts négatifs ( RIGAL, 1988 ) : ainsi, en 1960-1962, le fait de cimenter les canau x d'irrigation principau x pour limiter les perte s en conduct ion a immédiatement provoqué un abai ssement supplémenta ire de la napp e, qu e les fu ites des canaux alimentaient incidemment. Il est cependant à noter qu e la surexploita t ion de l'aq uif ère est en dimi nut ion ces dern ières anné es, mal gré la persist ance de la sécheresse ; en eff et. il semb le que les aut orit és aient pris con science de la gravit é de la situation et de la nécessité de pérenniser la ressource . M ais ce son t là des données officielles non encore vérifiées. Toujours est-il que la superf icie irriguée ces dern ières ann ées dan s le périmètre a sérieuseme nt diminué ; on est d'abord passé à des mini-cycles irr igu és (de 160 000 à un périmè tre compri s ent re 50 000 et 90 000 ha) pui s à des micro -cycles (mo ins de 10 000 ha irri gués en 2001 et 2002 ) 1120 : - -E - - - Niveau moyen du sol Revêtement des canau x 1 100 c:: Q.) Q.) ~ 0. 0. 1 0SO 1060 ~ Pluies abondantes de 199 1 Q.) "0 Q.) "0 ~ Fig. 52 - Aba iss ement du nivea u phré at iqu e de la nap pe de la Laguna dep u is 1950 . .ê 1040 1020 1 000 'r- ~-' r- -' - -' _~ _ Les responsable s de la gestion de l'eau de la Lagun a, à l'automne 2002, éta ient trè s optim istes quan t à la résor ption de la surconsommation d'eau . Ils tabl ent à présent sur le libéralisme po ur rég ler le pr oblème. En effet il sembler ait que la hausse des prix de l'ea u soit en train de rendre de gro s vo lume s d'eau disponibles . Comme les villes du Sud-Ouest américain rachètent les droits d 'eau des agri culteu rs pour alimenter leur s réseaux d'ea u pota ble et leurs indust ries, les autorités locales pensen t que la product ion de fourr age, principale réco lt e de la Laguna destinée à l'al im entation des vaches laitières gérées en st abulat ion libre, va être remp lacée par l'impo rtation de fourrages nord-américain s, ce qui per mettra simultaném ent le maintien de la riche industrie agr o-aliment aire de la filière lait (27 % de la producti on laitière du M exique vien t de la Laguna) et la mise à disp osition d 'importants volumes d' eau destinés (pour le moment) à l'irrigation pour des usages à plus for te valeur ajoutée . De ce fait, deu x nouveaux golfs ont été autorisés, un parc d 'attract ion à capi t aux amé rica ins est prévu, de même qu'u ne usine d 'assemb lage d 'a vio ns, éga lement amér icaine . Une par t ie de l' activit é d'éle vage est déjà en tr ain d 'essaimer dans d' autres dépres sions endoréiques, comme celle , normalement protégée, de Cuatro Cienega s, où 64 so urces d'eau minéral es const ituent un paysage de rêve et un sit e unique en plein désert , aujou rd ' hui g ravement mena cé par le laisserfaire du capitalisme libéral. La Laguna se permet même le luxe d 'envisager d 'e xporter de l'eau vers d'autres régions plus démunies encore, comme la ville de Saltillo (capitale de l' État de Coahuila, dont fait partie la vill e de Torre6 n, plus grande cité de la Laguna). En résumé , on ch erche don c à remp lacer la luzern e par des activit és à haute valeur ajoutée, produisant bien plus de valeur (100 à 1 000 fois plus) avec la même quantité d 'eau . Néanmoins, à l'échelle fédé rale de l' État mexicain, il ya une nette pri se de conscience de la nécessité de passer d'une exploi tati on minière de la ressource en eau à une gestio n pat rimoniale. C' est du moins ce qui est affi rmé à la tête de l' Ët at et cela viendrait contrecar rer le comp ortement pionnier qui est celui des habitants du nord du Me xique, si proche de celui des Américains surt o ut de l'Ou est, et si éloigné de celui des communautés indiennes du sud du pays, don t les systèmes agraires ont plus de 3 00 0 ans et sont respect ueux du cad re environ nemental dans leq uel ils perdurent, même si les contexte s sont peu compa rab les. Descroix et Lasserre: « L'eau , agent économique et enjeu ... )l 263 Les problèmes de ressource et d'usage de l'eau: d'une exploitation . . " a" rruruere une gestion patrimoniale 264 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé La pol it ique de l'eau est en tr ain de se const ruire au M exique et la créat ion toute récent e d'org anismes de bassin (largement inspirés du mod èle fr ançais), où se retr ou vent tous les usagers de l'ea u, en constitu e une pr em ière étape prom ett euse. La récurre nce des ann ées sèches n' a toutefois pas aidé à cette mise en rout e, tant a été forte l' imm édiatet é de la pénurie Rappelon s toutefoi s qu e le tr oi sième problème national hydrol ogique (après le rio Bravo et la Laguna), qui n'a pas été évoqué ici puisqu'il ne con cerne pas la Sierra M adre occidentale, est celui du bassin du Lerma Chapala La dispariti on programmée du plus grand lac mexicain, ces toutes prochain es années peut-êt re, est en grande parti e due à la politique expansionniste et libérale de Vicente Fox, alor s gouverneur de l'État de Guanaj uat o qu i couvre 50 % du bassin d u Lerma . Celui -ci a laissé s'inst aurer une gigantesque surconsommat ion d'eau pour permettre un accroissement des rende ments agricoles et l'enri chissement d'une classe de propriétai res qui est en tr ain de reconstituer les haciendas dissoute s, il ya à peine cinqu ante ans. Ce qui montre que si politique hydraulique il y a, elle n'est pas forc émen t cohérente à l'échelle du pays tout ent ier. Toutefoi s, l'a nnée 200 4 ayant été tr ès pluvieuse, le niveau de la lagune de Chapala est remont é pou r la première fois depuis plus de dix ans. Références [) E ~ CROI X L. , 2000 - « Les conflits and Development Review, 21 (3) cole du centre-nord du Mexique. 587-612 . Mémoire de fin d'études, lNAPG Paris Grignon, 96 p. d'usage de l'eau au nord du Mexique: une problématique multiscalaire ». Publications de la MSHAlpes, CNRS, Grenoble : 129- 144. HOMER-OIXON T.F., B UlT J., 1998 Ecovio/ence. Links among environment, population and security. DESCROIX L., LAs SERRE F., 2003 - Eaux OHLSSO:\ L., 19 99 - Environment. scarcity, and Corflict - A study if Malthusian concerns. Dept. of Peace and Development Research, université de Gbteborg, 253 p. et territoires : tensions, coopérations et géopolitique. Paris, L'Harmattan, 280 p. HO.\\ER-DIXON T.F., 1995 - The Ingenuity Gap : Can Poor Countries Adapt ta Resource Scarcity ? Population Rowman & Littleilled, Lanham, 240 p. RIGALG., 1988 - Étude du problème de l'irrigation dans une région agri- ROGERS P. , 1996 -Americas Water. Federal Roles and Responsibilities. Cambridge MIT Press et Twentieth Century, 286 p. USGS-CERC, 1999 -The Lower Rio Grande Ecosystem Initiative. Page de présentation du Columbia Environmental Research Center de l'USGS : (htrp.z/www.cerc.usgs .gov/lrgrei.lr grei.html). L'ecotourisme, une alternative à la deprise et à la surexplouation ? Luc Descroix géographe-hydrologue Des atouts pour développer une nouvelle activité L'exploitation des ressources de la Sierra Madre se fait de manière générale mais sans colonisation rèelle : les forêts sont coupées, et ensuite, pendant dix ou vingt ans, la coupe peut ne recevoir la visite d'aucun bûcheron, et d'aucun troupeau pour peu que le secteur soit éloigné des villages De même, la dégradation des pâturages est le fait de troupeaux errants, souvent à demi sauvages, comme cela a été décrit dans le désert de Chihuahua (BARRAL et ANAYA, 1995) De plus, l'espace est entaillé de vallées très encaissées côté Pacifique, cloisonnant certains secteurs, où même des villages sont coupés du reste du monde. Les dénivellations et les distances sont grandes, et les routes n'ont été goudronnées que récemment, si bien qu'il commence à peine à se former des « fronts de colonisation» sur certains axes de pénétration, où seuls les bûcherons intervenaient Jusque-là. Ce sont souvent les pistes forestières qui deviennent zones pionnières, des paysans profitant des coupes pour installer des champs. Les villages de bûcherons se « durcissent» et les commerces se généralisent Cependant, la Sierra Madre occidentale est encore un espace à peu près vierge, l'un de ces rares espaces de liberté qUI restent près du grand marché nord-américain. Les équipements touristiques sont rares et il est facile de trouver des endroits très sauvages et dénués de toute installation d'accueil touristique On pourrait très bien passer plusieurs semaines en marchant sur des sentiers ou des chemins en ne croisant que des paysans et des éleveurs locaux, souvent d'ethnies indiennes Vers le développement de l' écotourisme 266 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé (Tepehuanes ou Tarahumaras essentiellement). Cependant, il y a deux limitations à cela: -les cartes topographiques existantes (elles sont en cours de renouvellement) sont dépassées quant aux chemins et routes: leur tracé ne correspond plus à la réalité; - les Autochtones, autant que les autorités, déconseillent formellement aux gens de se promener loin des villages, et surtout de camper, arguant de la dangerosité des sites, liée à la présence de bandits de grand chemin, de narco-trafiquants, de planteurs de marijuana ou de pavot peu désireux qu'on s'intéresse à leur activité. Même sur les grands axes, les attaques à main armée ne sont pas rares, et les bals du samedi soir, dans les villages de bûcherons surtout, se terminent souvent en bagarre générale où les morts sont fréquents. En dehors des aspects plus ou moins folkloriques tels l'usage du peyo te (petit cactus hallucinogène très utilisé par les sorciers mexicains) ou la présence des pistoieros, un mythe tenace persiste dans la sierra: tel l'El Dorado aux confins des bassins de l'Orénoque et de l'Amazone, les villageois colportent volontiers l'idée selon laquelle il y aurait quelque part un trésor rassemblant toutes les prises d'un bandit qui a écumé la sierra au début du )(Xe siècle. Chaque village revendique qui une grotte, qui un canyon ou une anfractuosité sur le flanc d'un volcan, dans laquelle reposerait cette richesse. En fait, il ya surtout un grand nombre de mines d'or dans toute la sierra, qui sont pour la plupart fermées (mais l'État de Durango reste le premier État minier du pays) mais qui ont entretenu des mystères et des légendes, où des paysans deviennent milliardaires, et où beaucoup meurent de mort violente sans avoir pu dévoiler la cachette de leur magot .. Cependant, toutes ces limitations ont un pendant positif: les conditions sont réunies pour permettre le développement de l'écotourisme. Une forme de tourisme fondée sur le respect et la meilleure connaissance des milieux naturels, permettant ainsi à la fois d'améliorer les ressources des paysans, et d'aider à préserver les ressources naturelles. Ce type de tourisme cumule plusieurs avantages: - c'est une alternative à l'élevage en tant que ressource économique; ce peut être un tourisme « intégré» où les acteurs seraient les habitants des villages; ceux-ci pourraient prendre en charge: • l'hébergement; • l'aménagement des infrastructures touristiques; • une partie des services nécessaires au développement du tourisme: commerces, restauration, artisanat, guide, transport, animation, etc. - l'amélioration des conditions d'existence des habitants de la sierra et la diversificat ion de leurs activités; cela po urrait amoindrir la surexploita t ien des ressources en fourrag es et en bois; - l'amélioration de l'emploi sur place permettrait de lim it er la déprise rurale qui est aussi une cause de dégradation des paysages, voire des ressources végétales ; - enfi n, l' écoto urisme permet de pro mouvoir une régi o n pour son int érêt paysager et patrimonial; il contribue à la préservation de l'environnement, puisqu 'i l est lié à celui-ci , qui est sa princi pa le condition d'existence L' écot ourisme constit ue une nou velle forme de m ise en valeu r d u pa trimoine nat urel et parfois cult urel. Il s'ins ère dans la popu lation en en fai sant un acteur du développement ; celle-ci en tire profit et cela dynamise la région tout en assurant la protection des milieu x naturels sur le long terme . Le regard extérieur, urbain, d 'une clientèle du Nord, s'attarde sur les aspects naturels, romantiques et sauvages en même temps, de ces espaces peu peup lés. Les tradi t io ns locales sont celles d'un pays neu f , puisq ue la co loni satio n y est récente . Les cou t umes in diennes sont encore bie n vivan t es dans les communautés et villages tarahumaras, tepehuanos et huicholes . L'un des aspects les plus fo lkloriques est l'ensemble des fêt es centrées sur le cheval et le dressage des animau x : rodeos, charreadas, coliaderas, et courses de chevau x, assez co ntrô lées en pr incipe pu isqu 'e lles donnent lieu à des paris (et de fait, beauco up sont organisées clandestinement dans les villages un peu éloignés des rares postes de po lice). L'artisanat est surtout centr é sur le travail du cuir (attelages , sandales, etc), la conf ect ion de froma ges et de sucreries (pâte s de coings et de pommes). Il n'y a pas d'artisanat d'art comme dans les zones méridion ales du pays où dominen t les popu lations d'origine indie nne. Reste que le touriste venu des villes du Me xique, ou des pays du Nord, est avide de paysages et de po ints de vue, de richesse culture lle; ici, c'est princ ipalement la grande variété des paysages, liée à la divers ité des relief s et aux étagements altitudina l et latitudinal, qui constitue l' att rait principal de cette région en devenir . Les paysages sont plus ou moins anthropisés, des zones à peu près vides d 'h abit ants permanents succédant aux clairi ères où quelqu es maiso ns sont ento ur ées de champs de mais et de haricots . Descroix : « L' écotourlsme . une alternative à la déprise ,.. » 267 268 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé Course de chevaux au-dessus du village de Boleras (près de Tepehuanes, État de Durango) . Zone de pinacles rocheux sur le plateau rhyolitique de El Salto (État de Durango) . Clairiè re de ElTar ahum ar. sur la ligne de partage des ea ux de la sierra . Les sites d'intérêt touri sti que promis à un avenir dan s ce doma ine sont nomb reux ; seuls les plus intéressants sero nt évo qués dan s les pages qui suivent. Cest évide mme nt le po int de vue d'un ob servate ur occidenta l, ur bain. mais cela permett ra de cerne r les po te ntia lité s de sites et des richesses cultu relles qui pourraient servir de cimen t à un ren ouveau d' act ivités touri stiques et des act ivités induites d ' hébergement, de t ranspo rt, de restauration, de f o rm at ion de guides, d'am énagement des sites, etc. Le Copp er Canyon est le seul site natur el un tant soit peu tou ristique du nord -ouest du Mexique, en dehors des plages de Basse-Californie. Il est l'un des plus profon ds canyons du monde , d'où le slogan qui le fait connaî tre au Mexique comme aux Etats-Unis (« ce que le canyon du Colorado aimerait être quand il sera grand »}, Il est eff ectivement plus profo nd que le canyon du Colorado (plusieurs tronçons sont encaissés de 1 850 rn). mais ce qui fait « Ce que le canyon du Colorado aimerait être quand il seragrand » l'originalité de ce site, c'est sa diversité et la mu ltip licité des gor ges (sept bien individualisées, la plupart sur des affluents du rio Fuerte , et une huiti ème, Descroix: « L'écotourisme : une alternative à la déprise ... » 269 La Barranca deI Cobre 270 •• ARIZONA ,~ ~D \Ji siru pa 0 Babicora '" ~ 2 800 ~ " :\c B ~ lO P i l "~ fl ~ " ..... 0 : / I· ~ •,- j Ethnie indigène Limites d'État Barrage et rèservoir Principales curiositès naturelles ........... Il ~ : •• ••••••••• • {? '\ .p . Santiago ~ ~ a s q Ul a 7 ° ~ Canelas '.. yv ~ ". : : : PalaCIO : iii Guatimapé 230 . . :. Torreon ( ~ : r-- 'Ç, ~ Nuevo Ideal l('p ''___' ~ \e •zo•" \ ". 0 ~ 3 Gome~ Indé ) Uua nacevi 0 I O OjilO (.f oIf auhep T ~ 5<l1\ \ ·. COAHUlLA . :'''' 3 3 10 ..... , ••••• : Cpe '( .' 3 170 Santa Maria dei Oro caJv,,'>'., J. 1 0 : : /.~r:; ,. • : J : ~ ... ", 100 km ~ .- Guachochic (J> • ( ncas dei Cobreparral • Topia fig. 53 - Carte de localisation des principaux points d'intérêt touristique de la Sierra Madre occidentale. .: .... ;\ • :. '. ~ • •~ .... .... Os ~ \ SINALOA ". • ( ( COI/Ch · crecl. cvC\ Site touristique ••~ / • • • • • • • • , .• ~ r Chihuahua ~ ~" Vestige historique . .. ) ~ \" •• ~ ••••~ TEXAS te, de Huapoca Lr 17a '.. .c ' a Nahueraclû J . o ~ : Ba ~( . . Source thermale ~ . '• . CHIHUAHUA \ • 'q/,><;>; "' ~ ~ • VA QU/S IOc: ''O/-<,,: YAQUIS \ a ~ "''''''0 +-.. ;' SONORA \ Los Mochis o~ '0/A 1 , J i! . ~ " l )~ cd juarez . \ ~ ~ EXICO /\ : ( ! : : •••••• ••• Hermosil~ LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé :~ ,_ . o Penon t:.!..... Blanco ... ••••• .. •• • • " . '. qURANG9....) .: \ s o r e ~ ' P I l h c .' 1 ';: ". J. 3 080 Î 0 D ango ••' \ i ZACATECAS \ 9,/ ,0- ~ . c'lï7cO"7f \ ~ 1 ="": ,ft '"\ ~ 30lIi q xe: ~53 La )oya:derMexquital 1 1J. ,(j T.EPÈ/iU(;O S . Copal. :'•• • '. Ct ~ .~: ~ f ..: S• Zacatecas ..:: ··&'·· ·.. lf : :- ,;r ~ ·:••• : · : ":'0'ty \ ~ .- .. -.. . ~ ------ . ~ · O -~ ft> NAYAfl1 0\) ~CiP T ' ~t,\ : ~ ~ \ ~': ~.: : .. ' -, \:.... :....: : ..-••,: .. - .... .. .. ........... 0 JALlSCO· Guadalajara bien moins profonde, mais pleine de charme, s' écoulant vers l'A ltiplano (fig. 53) Ces gorges sont aussi parsemées de cascades, surto ut impressionnantes à la saison des pluies, de belvédères, et les plateau x dans lesqu els elles sont inscrites sont couverts de belles forê ts de pins et de sapins. Les sept principales gor ges sont les suivantes (fig . 54) : la Barranca dei Cobre (haute vallée du rio Uri que), la Barranca de Urique, celle de Batopilas (sur la rivière du même nom ), celle de Sinforosa, creusée par le rio Verde, et celle de Ote ros-Ch inipas, sont toutes situées sur des affluents du rio Fuert e. Plus au nord, les Barrancas de Huapoca et Candamena appartien nent respect ivement au bassin du rio Yaqui et du rio Mayo. Enfin, la plus petite est la hau te vallée du rio Conches. un affluent de dro ite du rio Grande (appel é rio Bravo dei Nort e par les M exicains). o_ _ _50 KM • Chihuahua Basaseachic ';""'" 11111111 Il, .. . . t l . , . , .. SONORA l',I' ....~ ......... CI-IIIfUAH UA • Ciudad obreg ôn • Panai """ " " III ' 1t  • .t • Fig. 54 - Ca rte des Barrancas dei Cabre. Chemin de fer Chillllilhua-Paclfique PrirkipaJe curiosité nantreile Village typiqu e AUIre curtos j,. Barrage et rêservou Tout es ces barran cas ont été creu sées dans le plus grand édif ice rhyo litique au monde : la sierra mesure plus de 1 500 km du nord au sud, et elle a tou jours au moins 200 km de largeur. Les eau x to m bées sur la sierra ont eu à creuser de profo nde s vall ées pour rejo indre la pla ine côt ière du Pacifique , s'encaissant de plus ieurs centaine s de mètres (et localement pl us de 1 500 m) sur des centaines de kilomètres. Descroi x : « L' écotourisme . une alternative à la déprise... » . " . Gpe y Ca 271 l v~ .: Les 7 barrancas principales 1 - barranca dei Cobre 2 - barranca de Urique 3 - barranca de BatopUas 4 - barranca de Sinforosa 5 - barranca de Candamena 6 - barranca de Oteros-Chinipas 7 - barranca de Huapoca 272 LaSierra Madreoccidentale, un château d'eau menacé Le mirador de LoS altos de Sinforosa, près de Guachocllic. Vue de la Barranca dei Cobre depu is la terrasse de la gare « Divisadero » (( point de vue " en espagnol) du chemin de fer de Chihuahua a u Pacifique; le canyon a ici 1 850 m de profondeur. Plusieurs circuits perm ettent de s'enfoncer dan s les gorges en différents sit es, et des hô tels ou pensions on t été in st allés per mettant de rester plus long te mps ou de visit er plus en dét ail certa ins secteur s. Le seul cent re touri stique est la estaci6n Creel, du nom de l'ingénieur qui a constru it le chemin de fer de Chihuahua au Pacif ique ; près de ce village il y a la gare de Divisadero, de laquell e on domine de 1 800 m le canyo n de Uriqu e, et où se trouvent deux hôtel s de sta nding . M ais l'accès aux barrancas est aussi t rès facile par Guachochic au sud (Barranca de Sinforosa, la plu s profonde) et par Basaseachi c et Ciudad Madera au nord (Barrancas de Huapo ca et Candamen a). Cest l'un des plus impressionnants tra vau x d 'in génierie réali sés au Me xique; cette lign e de chem in de fer ach evée en 1961 dan s le but d 'offrir à Chih uahua un déb ouc hé sur l'O céan, Le train de Chihuahua au Pacifique trave rse la « Sierra Tarahu mara » et t o ut e sa descent e de la lig ne de crête vers le Pacifique se fa it dans les Barran cas dei Cobre. Ces 500 kilo mèt res on t fa it l'objet de prodiges de la part des ing énieurs et des ou vriers qui y tra vaillèrent: 410 ponts et 99 tunnels, une dén ivelée de 2 450 m ; le tracé longe pen dant plusieurs dizaines de kil o mèt res la Barranca de i Septen t rio n, profonde de 1 60 0 m . La ligne a été privatisée en 1997 , et le tarif a alors été multipl ié par 20 , tr ansformant une ligne de liaison intra -me xicaine très utilisée (aucune route ne traverse la Sierra Madre à cet endro it- là ; il faut aller 300 km plu s au nord o u 450 km plus au sud pour trou ver des passages ro uti ers à t ravers la chaîne) en un e lig ne tou ristique et élitiste aux w ago ns climatis és. Le train de Chihuahua au Pacifiqu e dans les Barr an cas. On appelle parf ois la partie nord de la Sierra M adre (État de Chihuahua et nord du Durango) de ce nom-là, déformati on de « raramur i » le vrai nom de cett e eth nie dans la lang ue de ses membres. Le mot signif ie « plant e (des pieds) co ureuse », ce qu i so us-entend « les gen s aux pie ds léger s » Les Tarahumaras étaient traditionnell ement installés aussi dans Descroix : « L' ècotourisme : une alternative à la déprise... » 273 La « Sierra Tarahurnara » 274 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé les grandes plaines de l' État de Chihuah ua, ma is les colo ns espagnols les en on t délogés, ne leu r laissant q ue le refuge de la montag ne . Dans cet ensemb le de gorg es et de pl ateaux aux rebor ds vert igi neux, les Tarahu maras se disting uent en effet par leur trad it ion de cou rse en mo ntagne Ils pratiquent de nos jo urs une religi on qui est un syncrét isme de leur religion traditionnell e et du christ ianisme. Les Jésuites, chassés des co lonies espagnoles en mêm e temp s que sur le vieu x con tine nt, o nt laissé ici une emp reint e fo rte . La f ête t radit ion nelle (au cou rs de laqu elle ils courent en poussant un caillou , par équipes, d'un villag e à l' autre au milieu des falaises et précip ices, comme les f êt es chrétiennes (en particu lier, la Semaine Saint e) commen cent à attirer les t ou ristes. Au déb ut des années trente, en pl ein e vague surréalist e. Antonin A rt aud a passé trois semaines chez les Tarah umaras, d'où il a rapport é des no tes qu i lui ont servi à écri re un petit opu scule dont les parad is arti f iciels de la mo ntag ne (en particulier. le peyote ) sem blent avoir inspiré l'essentiel. Le reste de la Sierra Madre occidenta le n'a aucu n équipement to uristiq ue, Petit e retenue d'eau dan s la forêt de la Sierra de la ca ndela . mais elle n'en comporte pas moins de nombreux sites et aspects attractifs . Du fait de la lati t ude subt rop icale, les som mets de la Sierra Ma d re occident ale, qu i ne dépassent pas 3 4 00 rn. n' o nt pas une alti t ude suffi sante po ur porter des nei ges étern elle s. Du reste, la saiso n des plu ies éta nt l' ét é, les précipitat io ns hivernales sont rares, sauf les années « chaudes» Des paysages de montagne tempérée en te rme de ENSO (El Nino), et ces derni ères ne se prêt ent pas non plus aux précipitati o ns neigeuses. Qu and elle se produ it, la couve rtu re neigeuse ne ti ent que quelqu es jours. Par contre, du fa it de la clarté de l' at mo sphè re, le gel est fréqu ent et peut être assez profond ; il Y a environ 100 jour s de ge l par an à 2 500 m d'altit ude . De fait, la Sierr a Ma d re co mporte ainsi pl usieurs dizaines de mi llie rs de ki lomèt res carr és de forêts denses qui ne sont pas sans rappe ler les fo rêt s alpines, avec ces succession s et alt ern ances de pin s, chênes, sapins, de variétés tr ès diffé rente s, adapt ées à l'exp osition, à la sécheresse et au fro id hivern al ; le relief , par con tr e, est plu s pro che de celui de l'A uvergne ou des Vosges sur le côté plateau (alti pi ano), mai s f ran chemen t orig inal côté barrancas. Durango a long temp s été con sidérée co m me la capit ale du cin éma mexicain ; de fait, en même temps que le surréalisme, qui a conn u son heur e de gloi re dans les arts mexicain s (certa ins arti stes ét aient dans les années tren te à cinquante tr ès liés aux mili eux intellectu els eur opéen s), le M exique a eu jusqu' aux ann ées soixant e-d ix une période de pro ductio n cinémato gra ph iq ue de gr ande renomm ée, qui s' est exportée dans les pays d'A mérique lat in e avec beauc o up de succès ; des f ilm s comiques (c' est la péri od e de Cant inf las), des f ilm s ro ma nti ques (o ù excella it la bell e Maria Felix, récem ment décédée) et des wes terns ou assimilés (des fi lms de pisto leros o u de souvenirs révo luti onn aires) ont rem porté d'éno rmes succès com merciaux tout à fait mérités. Les Am éricains ont ét é att irés par ce savoi r-faire autant qu e par les bas co ûts de la main d'œuvre artis tiq ue et surtout les décors nat urels de la Sierra Ma dre, qui conv enaient tr ès bie n au to urn age des w este rns . Durang o a accueil li Joh n Wayn e, q ui y a hab ité , et John Ford et d'autres produ cteurs o nt co llabo ré à f o rge r cet éphémère Ho llyw ood latin . Il en reste peu de choses, sinon des décor s de cinéma posés dan s la nature, com me le village - habité - de Chupadero s, à 20 km au nor d de la ville, o u le vast e décor en cour s de dépe çage par le vent, la plui e et les habitan ts du coin, des M aÎtres de l'Ombre, film retra çant l'épop ée de la premi ère bom be ato mique amér icaine dur ant la gue rre et censé se situe r à Los A lam os. Descroix . « L' écotourisme : une alternative à la déprise .. . » 275 Un décor de western ' Durango, mythe . du . cinéma mexicam 276 Des villages à l'architecture coloniale, quelques haciendas , et des missions jésuites La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Comme toute l'Am érique hispa nique , la Sierra Madre occidentale a att iré les colons espagno ls en quête de mat ières pr écieuses. De fa it, les gra ndes villes sont sit uées sur le piedmont interne de la sierra. Durango (800 000 habit ants), capitale de l' Ëtat du même nom, localisée à 1 800 m au pied du dernier contrefort de la sierra, est une ville minière, dominée par le Cerro dei Mercado complètement éventré par une mine de fer enco re en activité . La ville se consacre de plus en plu s à l'industrie, celle du bois en particu lier (scieries, papeteries), mais c'est avant tout une capitale administrat ive pro vinc iale qui garde un côté très « norteno », pour ne pas dire « ranchero )) du fa it de l' inte nse activité pastorale qui reste l'économie principale de sa région. Durang o est dominée par une belle cathédrale con struit e dès la fin du XVIe siècle et comp te enco re de nomb reuses maisons de l'époque coloniale. Hidalgo dei Parral (150 000 habitants), où fut assassiné Pancho Villa en 1923, est devenu le prin cipal centre de traitement du bois de l' État de Chihuahua, et tend à distance r Durango (elle d rai ne l'exp loitation du nord de cet Ëtat). Chihuahua (1 500 000 habitants) est sans conteste la plus moderne et la plu s acti ve des villes du piedmo nt int erne; sa sup erbe cathédrale se dresse au milieu de quartiers de plu s en plus modernes et les imm eubles ain si que les industries liées aux investi ssement s venus du Nord tendent à supplanter les ancien s quartiers de style hispanique. Les villes de la plaine côt ière sont complètement coupées autant topographiquement qu'économiquemen t de la Sierra Madre, dont elle s se contenten t de recevoir l'eau relativement abo ndante qui alimente les périmètres irrigués et a contribué à leur déve loppement récent (Los Mochis, Culiacân, Hermosillo, Ciudad Obr eg6n), sauf Ma zatlân dont l'esso r est dû au t ouri sme. Dans la Sierra Madre elle-même, pas d'agglomérati on important e, mais un gran d nombre de petits bourgs souvent nés il y a plusieurs siècles autour des mines (surtout dans les Ëtats de Durango, Zacate cas et le nord du Jalisco) ou de missions jésuites (surtout dans l' État de Chihuahua) d 'abo rd destinées à sauver de l'exode et de l'esclavage les habitants des montagnes membres d'ethnies semi-nomades qui yont trouvé refuge lors de la conquête espagnole (Tarahumaras, Tepehuanes et Huicholes essentiellement). Les villes minières les pl us dignes d ' intérêt sont Santa Mar ia dei Oro et Ind é (celle-ci ressemb le à une ville fantôme tant elle a dépéri depu is quelques décenn ies, suit e à la fermeture des mine s), ainsi que Santiago Papasquiaro et Guanacevi dan s l' État de Durango, et Batopilas au fond des gor ges d u même no m (État de Chihu ahua) . Mai s de nom breux petits bo urgs ont encor e une vieille égl ise ou une maiso n coloniale en ruine , qui témoigne nt de leur passé plus dyn amique Au nord, ce sont les mission s jésuite s qui, comme en Basse-Californ ie, ont laissé les plu s belles traces arch itecturales. Ces mi ssio nnaires on t pénétré la sierra dès le déb ut du XVIIe siècle et y ont mené un t ravail d' évang élisa- tion non exempt de risques, puisqu ' ils du rent s'in terrom pre pend ant près de quarante ans suite à une importante rébellion en 1632 à Varo hios. Cependan t, jusqu ' à leur int erdict io n en 1767, et de nou veau au xxe siècle, ils on t const ruit de nom breux édifi ces dignes d'intérêt , com me les ég lises de Balleza (la premi ère co nst ruite, en 16 14), Chini pas (1626), Guazapares (1626), Temoris (1677), Caju richi (1688) o u encore Cusarare (1752) ou Satev6 (1760) près de Bat opilas. Une cinquantaine de temp les enco re debout so nt signalés dans la Sierra Tarahu mara. Par ailleu rs, sur le pied mont occidental, des villages ont gardé un caractère typiquement colonial comme Copala, près de Con cordia (arrière-pays de Ma zat lan). ou encore des village s comme Topia et Cane las situé s en amont de Culiac én ont bien plus de liens avec la sierra et Durango qu 'avec la plaine dont ils sont coupés par des go rges diffi cilement fran chi ssables. Enfin , des haciendas, do nt la plu part ont ét é dét ruit es ou sont tombées en ruine, ont partici pé à la co lonisa tion économique de l' espace montagnard . Les plu s im po rtantes, encore une foi s, se trouvent sur le piedmo nt oriental, où le cont act mo ntag ne-hauts plateau x se prêta it bien à l' élevage bovin extensif . A insi dès la so rti e de Durang o ou de Parral, on Champ de cosmos près de l'Hacienda El Ojito . Descroix: « L' ècotourisme : une alternative à la déprise... » 277 278 LaSierra Madre occidentale, un château d'eau menacé trouve les restes de grands « cascos » (sièges) d 'haciendas et parf ois des égl ises qu i les accompag naient; celle de Guat imapé (à 100 km au nord de Durango) est typ ique de ce gen re de situat ion . Les plus gra nd es haci end as fu rent celles de Nahuerachi , au no rd, près de M adera , de Sirupa et de Babicora en pays Tarahumar (cett e dern ière, à 60 km à l' est de Madera, était grande de 350 000 ha, et n'a été divisée qu 'en 1952 ; elle est encore en assez bon état) . Près de Tepehuanes ( État de Durango), l'h acienda de El üji to (3 5 000 ha) n'a été déme mb rée entièrement qu 'en 1970 , car elle appartenait au général Aguirre, un grand ami de Pancho Villa. De nornbreux autres centres d'intérêt En fait, la Sierra Madre occidentale n'es t pas encore ouverte au tourisme, et de nombreu x sit es méritent d'être découverts, même si pour l'insta nt aucu ne infrastructu re ne perme t de s'y rend re ou de les visiter faci lemen t. hormis quelques mi rador s et belvédères de la barranca. La cas cade de Basaseachic. De nombreu ses cascades perm ettent aux eaux abo nd ant es (en saison des pl uies) de la sierra de franchir les grand s escarpem ents que constit uent les diff érent s affleureme nt s rhy olith iques de la sierra La plus connue est bie n sûr celle de Basaseachic, au nord des barrancas (dans celle de Candamena) fa cilem ent accessibl e depu is le village d u mêm e no m , car celui-ci est situé sur la route goudronnée de Chih uah ua à Hermosillo Ma lg ré ses 246 mèt res, elle n'est pas la plus haute, pui sque, proche d'e lle dans le même canyon, se trouve la cascade de Pierra Vo lada, bien plu s diffi cile à apercevoir , et qu i n'a ét é découverte qu'en 199 5 ; elle mesure 453 m de haut et n'atteint pas les débits de celle de Basaseachic. D'aut res cascades coupe nt les cours des ba rrancas co m me celles de Rukiraso et Cusarare (près de Creel) ou celle de Tonachic (près de Guachochi c) Petit ruiss eau au-des sus du village de Boleras. Descroix . « L'écotourisme : une alternative à la déprise... » 279 280 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé Bien plus au sud, sur la route de Durango à Mazatlan, la petite cascade de Me xiquillo , à 2 km de La Ciudad, le dern ier village du plateau avant que la route ne plonge sur le versant Pacifique, const it ue une espèce de voi le de marié e. De fa it. dans l'imm ense Mexique semi-ar id e du Nord, la Sierra Mad re et ses nom breu x po ints d 'ea u sont trè s attractifs pour les pêcheurs et les randonneurs. La Sierra M adr e recèle peu de lacs, du fait de sa co nstitu tio n géol ogi qu e et mo rph ologiqu e (pas de vo lcanisme récent, pas de gl aciat ion importante) ; le seul lac intéressant est celui d 'Ara reko, près de Creel, qu i est un site connu et f réq uent é par les Tarahumaras depu is des siècles ; il co m mence à être équ ipé d 'h éberg ements touristiq ues. De nombreux petits lacs souvent temp or aires parsèment les quelqu es grandes dépressio ns fermées situé es sur les secteur s les plus hauts de la Sierra M adre Les source s ther ma les sont à l'inve rse no m breuses d u fait de J'h istoi re géo log iqu e de la sierra . Des sit es sont équ ipés pour recevo ir les tou ristes, en particu lier La Jaya, pr ès de San Francisco de Me zquita l, au sud de Duran go . D'au tr es sont amé nagé s pou r les bains villag eois, comme à El Zape ou à J.M. Morelos, ent re Tepehua nes et Guanacevi (Durango) ; à côté de Durango, les habitants de cette ville peuvent profiter des sources chaudes du canyon du rio Ch ico, qu i franchit là les dern iers relief s de la Sierra Madre avant d'entrer dans la plaine. Plus au nord, la sou rce t her male de Rekowara, dans le canyon de Tararec ua, est la plus connue des Barrancas dei Cobre . Le lac d'Arareko. Enfin, et parce que la vie rurale est encore très active malgrè l'urbanisation et surtout malgré un très fort exode vers les États-Unis. il existe un folklore local, riche du mélange des modes de vie ancestraux des Raramuris (courses à pied, rites religieux ou profanes), des éleveurs (rodéos, courses de chevaux clandestines), des bûcherons et des villageois. On trouve aussi dans cette région le fameux fromage ranchero, très recherché en ville et concurrencé par Mennonites, membres d'une secte arrivée là au les productions des XIX e siècle et à qui les gouverneurs des Ëtats de Zacatecas, Durango et Chihuahua ont volontiers donné à coloniser des terres jusque-là en grande partie vierges du piedmont oriental de la Sierra Madre (secteurs de Juan Aldama - Zacatecas -, Nuevo Ideal - Durango - et Cuauhtemoc - Chihuahua -). Promouvoir l'écotourisme peut être une opportunité dans ces régions de montagne où les paysages ont déjà été considérablement rabotés; c'est une alternative à la monoproduction des bovins, un moyen de préserver celle-ci tout en créant des activités pour les habitants de la Sierra Madre. Par ailleurs, cette anticipation sur le développement rural durable nous donne un avant-goût de gestion patrimoniale de l'espace Références BARRAL H., MAYA E., 1995 - La ganaderfa y su manejo en relacion con los recursos agua y pastizal en la zona semi-drida de México. Publication Orstom-Inifap, G6mez Palacio, Dgo, Mexique, n° 5, 78 p. Gen. Del Turismo dei Gobierno dei Estado de Chihuahua, 40 p. Coordinaci6n General de Turismo, 1995 - Conozca Chihuahua, n° 1. Chihuahua, Mexique, Ed. Coord. Guia México Desconocido, 1996 Barrancas de! Cobre. México n° 26, Ed. [ilguero, 72 p. Descroix . « L'écotourisme: une alternative à la déprise ... » 281 Luc Descroix géographe-hydrologue Michel Esteves hydrologue David Viramontes éco-pédologue Céline Duwig hydrologue Jean-Marc Lapetite hydrologue Le sud et le centre du Mexique sont beaucoup plus favorisés que le nord en terme de bilan hydrique. On considère qu'ils regroupent 46 % des terres arables du pays, mais disposent de 93 % des ressources en eau. Cependant, c'est une région qui est aussi bien plus peuplée, du fait de l'ancienneté de la présence des cultures indiennes, et aussi du fait de la fertilité de ses sols (ce fait et l'ancienneté des civilisations ne sont probablement pas étrangers l'un à l'autre) ; les sols volcaniques sont connus en effet pour leur richesse; par contre, ils sont aussi fragiles et très sensibles à l'érosion. On se propose d'examiner ici le rapport entre la gestion de j'eau et celle de l'espace à travers une autre région du Mexique, celle du haut basin du Cutzamala, situé à 150 km environ à l'ouest de la ville de Mexico. En effet, si deux des trois problèmes hydrologiques « majeurs » que connaît le Mexique de nos Jours concernent avant tout le nord (cf « L'eau, agent économique et enjeu politique », p. 249), le sud n'en est pas exempt, comme en témoigne malheureusement la disparition prochaine du lac de Chapala Effectivement, les autorités mexicaines ont décrété en l'an 2001 qu'il y avait trois urgences nationales en matière hydrologique -la première est le conflit au sujet du partage des eaux du rio Grande/rio Bravo (cf. « L'eau, agent économique et enjeu politique », p 249) qui envenime les relations entre les deux grands voisins et représente la par- Petite géopolitique des eaux au Mexique 284 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé fa ite illustration à la fois du rapport de force nor mal entre un pays du Nord et du Sud, de l' échange inégal, de l' arrogance de la seule superpuissance du mom ent, de ce qu'est l'abse nce de sol idarit é amo nt-aval, des confli t s d' usage et de la raison d u plus fort ; - la deu xième concerne le lac de Chapala, qu i est en t rain de s' assécher une bonne fois pour toutes : il pourrait disparaître au milieu de la décennie 2000, ce dont se réjoui ssent presque les propriétaires terriens qui on t les moyen s d 'en acheter le fond et de le mettre en valeur quand il sera asséché. La disparition prog ressive de cette lagune est due à la surco nsommation d'eau dans le bassin l'extrémité amont du bassin du rio Lerma sert de plus en plus à alimenter Mex ico en eau, et le bassin comporte les meilleures te rres ara bles du Mexique On y a peu à peu installé l' ir rigation pour accroî t re les rendeme nts et diver sifi er les cult ures. Par ailleurs , plu s de la moitié du bassin et de cette zone de grande cult ure est inc luse dans l'État de Guanajuato, dont le gouverneur de 1994 à 2000 n'était autre que "actuel pr ésident - libéra l - de la République mexicaine, Vicente Fox, qui a veillé et continue à le faire, sur l'intérêt des grands cultivateurs . L'absence de con certation amont/aval et l'égoï sme de chaque acteur on t tué la lagune de Chapala; - la tr oisième urge nce nat ion ale est la Laguna, périm ètre irrigué de 160 000 ha sit ué dans le centre-nord d u pays, au sud du désert de Chihuahua , et qui est sinistré depuis une dizaine d'années du fait de la sécheresse récurrente (cf . « L'eau, agent économiq ue et enjeu pol it ique », p. 249) . Dans ce dernier cas n'apparaît aucu n prob lème de so lidarité amont-aval, sinon pour le deven ir des ressources; les paysans de la Laguna ont causé eux-m êm es leur perte en surexploi tant la ressource plus de cinquante ans durant. Il peut paraître étonnant de ne pas voir figurer dans cette liste de priorités absol ues le problème de l'alimentation en eau de la ville de Mexico Cet approvisionnement étan t en fait de plus en plu s épineux, s' il n'e st pas dans les troi s urgences, c'est que celles-ci relèvent vraimen t du désespoi r de l' hydrologue 1 En effet, la vill e de Me xico est un bo n exemple à la fo is de stress hydr ique, tant la ressource est surcon sommée dans son bassin naturel (situé en alt it ude mais en po sition d' abri topographique), et d'absence de solidarité amont-aval La ville ayant épuisé toutes les ressources pro ches et situées en amont ou dan s les nappes du plateau de l'Anahuac, elle va depui s une vingtain e d 'années, chercher l' eau plus bas, sur les versants mieux arro sés de l'Eje Vo lcanico Central, à j'o uest de la vill e. Dans le bassin du Cut zamala, les paysans de plu s en plus nom breux et avides de ter res se voient dép osséde r d' une ressource qui leur per metta it d'acc roître leurs rendeme nt s, de s'assurer de bonnes récoltes ou de pratiquer des cultures plus rémunératrices qu'auparavant, pour alimenter les marchés urbains proches. Cet exemple souligne aussi l'importance de préserver la ressource en amont tant en qualité qu'en quantité, pour pérenniser ses usages. Dans le contexte de changement climatique actuel, des modifications de couverture végétale ou d'usages des sols en amont, des détournements d'eau d'un bassin à un autre, des surpompages des nappes de piedmont ne peuvent-ils pas affecter durablement le bilan de l'eau d'un bassin, remettre en question tout le fonctionnement de systèmes hydrauliques parfois séculaires en aval ou compromettre la simple survie d'un périmètre irrigué ou la gestion d'une nappe alluviale de la plaine aval 7 L'antériorité, le fait d'être en amont, d'avoir des besoins en eau supérieurs à cause d'une population plus nombreuse, sont toutes des raisons tout à fait honnêtes d'utiliser l'eau qui passe chez soi, mais comme la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres, il est important d'apprendre à gérer la ressource dans la plus grande intelligence, dans le cadre d'un bassin, et si nécessaire en signant des traités clairs et ne prêtant pas à confusion entre États. De même que la limite géographique du bassin, il est primordial que soient pris en compte tous les usages de l'eau, ceux qui ne font que prélever momentanément sans altérer (en principe) la qualité de l'eau, ceux qui la réchauffent, ceux qui la polluent, ceux qui s'en servent comme agent de transport ou aire de loisir, ceux qui la consomment partiellement ou intégralement (et en premier lieu bien sûr l'irrigation, de loin le premier usage), etc. Tous les usagers doivent chercher à gérer au mieux la ressource, à en garantir la qualité et à en prélever les plus petites quantités possibles, de manière à préserver la ressource et l'environnement. Avant d'évoquer le bassin du Cutzamala, un dernier élément est à prendre en considération. Le Mexique est un État nation solide et démocratique (la guerilla chiapanèque est a contrario une preuve de l'exis- tence d'un vaste espace de dialogue démocratique, malgré la répression dont elle a fait l'objet directement et par l'intermédiaire des églises néoconservatrices exportées par le voisin du Nord). Ce pays est une société indigène, métisse, créole, latine tout à la fois, et aussi bien sûr l'intime mélange de toutes ces cultures; cependant, il y a tout de même, en plus du clivage très fort entre les 10-20 % de la population qui a intégré le Descroix et al. : « Eau et espace à Valle de Bravo» 285 La Culture ou les cultures 286 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé « marché » et le reste du pays, une cassure culturelle fortement détermi- née par l'espace, l'histoire et les ressources, entre un l'Jord-Mexique aride, semi-aride, et peu peuplé et le Sud occupé depuis des millénaires Le Nord aussi avait ces ethnies indiennes Mais, essentiellement nomades, celles-ci ont peu marqué le paysage et ont été complètement marginalisées par la colonisation rurale au xx"' Il faut de ce fait opposer' - ce Nord où les paysans comme ceux de l'Ouest américain, ont une mentalité de pionnier, sont prêts à tout pour pousser la frontière, et se soucient peu du lendemain et de la pérennisation des ressources naturelles comme de la durabilité de leur système de production; - et le Sud, pays de « vieilles» civilisations indiennes, où l'agriculture se pratique depuis des millénaires (POSTEL, 1999; DESCROIX et LASSERRE, 2003) et a fait preuve de son adaptation aux milieux de montagne en assurant de bonnes récoltes dans ces milieux fragiles, depuis très longtemps. Après avoir, dans cet ouvrage, analysé les rapports homme/nature sous un système minier que l'on n'essaie que depuis peu de faire perdurer, dans le Nord, il est intéressant de voir comment l'irruption de besoins et de moyens nouveaux peut menacer les régions de vieille culture du sud du Mexique Les habitants de cette région, bien plus peuplée, doivent tant bien que mal adapter la très forte croissance démographique qu'ils connaissent depuis quelques décennies, à un contexte de pression extrême sur les ressources (eau, forêt, espaces de loisirs, etc) imposé par la proximité de l'une des plus grandes et plus exubérantes villes du monde. Historique de l'alimentation en eau de Mexico La vallée de Mexico rassemble sur 4 000 km 2 situés à 2 240 m d'altitude une vingtaine de millions d'habitants. L'alimentation en eau de ces habitants et des activités qu'ils développent constitue un défi permanent, étant donné que la croissance démographique est forte (2-3 % par an), soit un demi-million d'habitants de plus chaque année De plus, il s'agit aussi de réduire le surpompage de l'aquifère qui est une des sources d'approvisionnement depuis plus de cinquante ans. Le site de la ville se prête fort peu à la constitution de réserves d'eau: la zone urbanisée occupe tout le fond de la dépression et l'ancien lac de Tenochtitlàn, qui bordait en 1520 la plus grande ville du monde, déjà peuplée de plus d'un million d'habitants De ce fait, les 7 milliards de m 3 d'eau que reçoit chaque année le bassin constituent aussi un défi en terme de gestion des crues. 80 % de ce volume est évapotranspiré, 11 % s'infiltre, le reste s'écoule et doit donc être évacué par pompage de la dépression locale- ment endoréique et global ement t rès plane sur laquelle s'est installée la ville. La recharge natu relle de la nap pe est do nc de 24 m 3/s. Or le po mpage a comm encé à aggra ver les affa issements de terrain liés aux tremb leme nts de ter re, dès les années 193 0 ; il n'est que de visiter le centre historique de la ville pour en percevoir des signes net s sur les édifice s anciens : partie droite de la cathédrale de guingois, Palacio de Bellas A rtes dont le socle et le perron forme nt un entonnoir autour du bâtiment, églises et immeubles penchés, etc. Dès les ann ées cinquante, en plus du pom page, toutes les eaux de surface du bassin étaient exploitée s. On a alors créé le « sistem a Lerma» dans les années 1960, afi n de capter 14 mvs dans le ha ut bassin de cette rivière, initi ant le pr oblème de déficit qui est à l' origine de l'actuelle disparition du lac de Chapala . La surexploit at ion du haut Ler ma est manifeste dès 1972, ce qu i a poussé à réaliser des études pour aller chercher l'eau encore plus loin . Dans le même temps, le pompage dans les nappe s de la vallée de Me xico atteignait plus de 50 m 3/s , soit p lus du double de la recharge naturelle, accélérant l'enfoncement des terrain s Fig. 55 - Situat ion du sistema c utza mala. par abaissement du niveau phréatique . o 50 km ---+ Barrage et reten ue Limites d'État Courbes de niveau principales Conduite d'eau non traitée Conduite d'eau traitée ÉTAT (-': .' " ', 3000 Lagune EXICO\ ..... de Texcoco ..' .. ""~ Cuernava ca .•••••.• • Descroix et al. : « Eau et espace à Valle de Bravo » MORELOS 287 . . p . 288 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Durant cette même période d 'expansion rap ide, la ville a eu besoin de se fou rni r en électr icité, d'où l' installat ion d' un vast e comp lexe sous le président M igue l Alernan (1940- 194 6), q ui po rte son nom « sistema M igu el Alern àn ». Celu i-ci, con st it ué d' une dizaine de barrag es de ta illes diverses, turbina it les eau x du haut bassin d u rio Cut zamala et de ses affluents. Ce bassin est sit ué immédiatement à l'ouest du haut bassin du rio Lerma, à 150 km environ à l'ouest de la capitale (f ig. 55). Ce système a été peu à peu démantelé et t ransform é, afin de fournir des quantités croissantes d 'eau de bonne qual ité à la ville de Me xico; la fourniture de co urant électrique est dans le même t emps devenue dérisoire (celle-ci a été remp lacée par la production de cent rales t herm iq ues, le M exique étant un des prin cipaux producteurs mond iaux de pétro le). Le sistema Cutzamala Le sistema Cutzamala a été réalisé en plusieurs t ranche s : - la première tranch e a consisté à capter en 1982, les eaux du barrage de Villa Victoria (qui f ait partie, comme presque tou s les aut res, du sistema M iguel Alern àn), et à les t raiter à l' usine de Los Berros af in de les ren dr e potab les; ensu it e, par des stat ion s de pompag e, il faut fai re monter 4 m 3/s de 174 m afin de pouv oi r les acheminer par gravité jusqu 'à la vallée de M exico, par un aqued uc de 77 km rejoi gnant le systè me existant de captag e du haut rio Lerma ; - la deu xième tran che , achevée en 1985, a permis de tirer profit de 6 m 3/s supplémentaires provenant du barrage de Valle de Bravo ; cela a nécessité la réalisat ion d'une proue sse technique , celle de faire monter ce débi t de 822 m de dén ivelée entre ledit barrage et l 'u sine de Los Berros, sit uée à 29 km de là, et agrandie pour l'occa sion . La puissance de la st at ion de pomp age (voir prem ière tranche ci-dessus) relevant l'eau de la st at ion de tr ait ement de Los Berros vers M exico a éga leme nt dû être augm entée. La pui ssance des pompes insta llées pour cette nouvell e section Valle de Bravo-Los Berros attein t 22 00 0 chevau x ; - la troisième tranche a été mise en service en 199 3 : il s'ag issait de capter 9 rnvs provenant des barrages Chi lesdo et Colorines . Ce dernier, le plu s bas du système ( 1 600 ml, reçoit lui -même les eau x de t ro is barrage s sit ués plu s à l'ouest sur les affluents de rive droite du rio Cutz ama la ; ce so us-ensemb le fo urn it 8 m 3/s q u' il s'agi t de fai re monter de 1 00 0 m jusqu'à l'us ine de Los Berros. Comme po ur les t ranches précédentes, il a f allu encore aug mente r le déb it à remon t er de l'us ine de t raitem ent de Los Berro s vers Me xico (fi g. 56). altitude Haut bassin du Cutzamala 3000 rn . Sierra Las Cruces Usine de traitement de Los Berros Haute vallée / -\ du Rio Lerma \ 2 500 m TOLUCA Tunnel Analco San José Chilesdo 2000 m ... Barrage et réservoir Aqueducs Valle de Bravo • \ 500 m Fig. 56 - Coupe du s iste ma Cutzam ala . Usine de traitement dista nce . 1 . . . ,- o -- - - - - 100 km 50 km L'ensemb le de ce système d 'approv isionnement est im p ressionnant en termes de travau x de génie civil, mais l'enjeu a été à la portée des ingénieurs mexicains qui ont su mettre leur savoir-faire au service de la collectiv ité et de la forte demande en eau . Alors qu 'en sera-t -il quand l'approvisionnement sera à nou veau insuffi sant? En f ait, il l'est déjà, depui s la mise en service de ces tran ches successi ves, car " add it ion de ces 19 m 3/s au total n'a pas suff i à faire baisser le pompage (et don c le surpompa ge) dans les napp es de la ville. Il existe don c toujours un déf icit de l'o rdre de 30 m 3/s si l' on veut vraimen t maintenir le système en équilibre (c'est-à-di re en assurer la durabilité) Et les prog rès à fa ire en terme d' économie d'eau ont été en grande partie déjà réalisés. En effet. les incitations aux économies d'eau domestiques sont trè s fortes, le travail d'édu cation à la citoye nneté est trè s efficace et les enfants comme les adultes ont conscience de la fragilité de la ressource et agissent globale ment en con séquence; les indu striels sont également en train d'éq uiper leurs installati ons af in de consom mer et de poll uer au minimum les eaux de surface comm e celles de profondeur, de recycler au maximum . La multi nat ion ale qui a en charge la distr ibu tion d'eau a réduit en cinq ans les perte s en lignes de 4 0 % à 33 %, et l'effo rt se po ursuit. Descroix et al. : « Eau et espace à Valle de Bravo » 289 Et l'avenir? 130 k m 290 Conflits entre les usages de l'eau La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Les gestionnaires de l'eau de la ville de Mexico ont réalisé un exploit assez unique. changer complètement l'usage principal d'un bassin de 2000 krn-'. d'une fonction énergétique à un usage d'approvisionnement en eau, et cela en une quinzaine d'années, sans conflit majeur et en effectuant au passage des prouesses de génie civil Ceci étant, on entre de fait en plein dans la logique des conflits d'usage pour l'eau. Le conflit électricité/eau potable a pu être éludé, le Mexique étant un gros producteur d'énergie fossile. Mais l'eau turbinée par les centrales était restituée au réseau hydrographique, ce qui n'est bien sûr pas le cas des eaux transférées du haut Cutzamala (et du haut Lerma) vers le bassin de l'Anahuac. Or, le haut Cutzamala est une riche région agricole, comptant un grand nombre de petites et grandes propriétés, et surtout de communautés rurales et d'ejidos. De ce fait, l'eau qu'on attribue depuis vingt ans à la ville de Mexico est celle que pourrait utiliser cette activité agricole afin d'accroître ses rendements Cette eau était du reste auparavant en grande partie utilisée pour l'irrigation. Celle-ci est devenue pratiquement impossible et les dirigeants locaux de la Comisi6n Nacional dei Agua du district de Valle de Bravo ont été poursuivis en justice en 2001, car, devant la pression exercée par les usagers locaux, ils avaient vendu des droits d'eau illégaux à des agriculteurs. En fait devant l'urgence des besoins en eau de la capitale, on n'a pas vraiment demandé aux paysans du bassin s'ils étaient d'accord pour affecter leur eau aux besoins urbains. Il faut dire qu'avec une pluviométrie de 1 200 mm en moyenne, ils peuvent paraître privilégiés à l'échelle du Mexique. Mais la région est assez densément peuplée, et les usages de l'eau sont nombreux. irrigation, pêche, loisirs (golfs et aires vertes de Valle de Bravo, qui est la zone de récréation des classes aisées de Mexico). Il faut ajouter que le niveau du lac doit être maintenu constant puisque de nombreuses bases nautiques entourent le plan d'eau. Comment , . perenniser la ressource? On a vu que la fourniture du système Cutzamala ne permettait même pas de réduire le surpompage de la nappe; il faut dire qu'il n'alimente qu'à hauteur de 25 % le marché de l'eau de la ville. Mais au moins, peut-on s'assurer que cette ressource va perdurer 1 Le problème majeur, en dehors de la pression sur la ressource en eau, est celui de la pression pour la terre. Tout le Mexique central est très peuplé, et cet axe volcanique comportant les meilleurs sols en terme de fertil ité , les ando sols, ne fa it pas exception , bien au contraire ; co m me dans beauc ou p de pays vol can iqu es, les m onta gnes sont ici cul tivé es dep uis des siècles, voire des millén aires (dans la vallée de Tehuacan. État de Oaxaca, par exemple, cf . POSTEL, 1999) On assiste en effet, depuis quelques décennies, à une accentuation de la pression fon cière, liée à la croi ssance démograp hique et à celle, parallèle , de la dema nde en produi ts agri co les. Cela se tr aduit , logiquement, par des défrichemen ts de terrains de plus en plus pentu s (les moins en pen te ayant été exploités auparavant). Comme la loi fédé rale mexicaine prohibe prati qu ement l'abattage des arb res, les paysans, soucieux par ailleu rs de ne pas détruire une resso urce do nt ils savent l'im por tance en te rm e de protect ion des sols et des eaux, utilisent des stratagèm es qui viennent à bout des arbres sans les coupe r, en les tuant à peti t feu ou en les « ét ranglant» littéralement au moyen de fils de fe r barbelés aut our des troncs . Quoi qu 'i l en soit, cette faim de terre se tradui t par le recu l de la forêt, celle-ci étant de plus en plu s reléguée sur les secte urs les plus élevés où l'agriculture est impossible (sur les fl ancs du Nevado de Toluca , par exemple) ou sur les seuls versants les plus pentus, où le lab our à l'aide d' anim aux de tr ait serait mê me im possible. Les fo rêts so nt de plu s en plu s remp lacées par des zone s de cul t ur es, ce qu i ne manqu e pas d'ent raîner des conséque nces im po rt antes en ter me hydro logiqu e. Troi s séries d 'impacts so nt déjà notables et malheureusem ent appel és à croître : Champ s cultiv és sur fort es pentes : La Loma de Ama na Ico, haut ba ss in du Cutza ma la, Éta t de Mexico. Descroix et al. : « Eau et espace à Valle de Bravo » 291 292 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé - "érosion des sols: les andosols sont, on l'a vu extrêmement fertiles mais aussi très fragi les; ils ont la facult é de conserver longtemps l'hu midité propice aux cul t ures (f ort es valeurs de capa cit é au champ et de po int de flétrissement). Par contre, leur dessiccat ion condu it à la perte totale de leur cohésion , et devenus pulvérulents, ils sont trè s fortement soumis a l'éros ion éolienne comme a "érosion hydrique ; - l'agricultu re remplace la forêt , ce qu i fait que les eaux de ruissellemen t et d 'infi ltrat ion sont de plus en plus cha rgées en int rants agrico les no n consomm és ' engrais, nit rates, produits phy tosanita ires. Cette situa tion nuit à t erme à la quali té des eaux nécessaires a une agglomération et peut ent raîner des risq ues d'eu troph isation des lacs de ret enu e ; - les changements d'u sage des so ls peuvent conduir e a une évo lut ion des régimes des cours d'eau, de leur régularité, voi re de leur coeff icient d'écoulem ent, c'est-à-dire de leur capacit é à fo urnir des eaux a leur exu- toire . De fait, on a noté une nette diminution des apports naturels dans le bassin ent re les année s 1950 -1960 et les années 1990 (- 40 % ). Cela pourrait êt re dû aux ponctions réalisées par l'agricu lture et la micro-irrigation, mais aussi aux déb oi sements et aut res défrichements op érés en grand nombre dans le bassin. Les paysans de Valle de Bravo sont tout a fa it conscient s de ces prob lèmes et des risques sur la durab ilité de leur système de cult ure, mais leur produ ct ion est le plu s souvent destinée à l'autocon somma t ion, et ce qu 'ils vendent sur le marché leur sert a couvrir les dépenses indispensables. Ils sont du reste très réceptifs aux consignes données par les autorités en charge de l'eau et de l'agriculture afin de préserver les cham ps de l'érosion, et de tr aditi on, ils savent tr ès bien qu 'i l faut labourer sur les lignes de niveau et disposer tous les 10 ou 20 m dans la pente, une ligne de « magu eys », ces agaves éno rmes si ty piqu es des montagnes du cent re du Mex ique. Mais la pr ession démog raphique est l'élément clé, incontournable. Beaucoup d'ag ro-systèmes au monde ont un jour basculé par l'inadapta tion de leurs structu res à un changement de ce type, Il faut espérer que dans ce cas, les mesures conseillées seront appliquées, et à même de garantir la ferti lité des sols comme la durabilité des ressources en eau. Des recherches à approfondir: le programme HVA L'acu ité des problèmes posés dans le haut bassin du Cutzamala en termes de conflits d'usage et de conf lits pour la ressource eau et l'espace, justi fi e la po ursuite des études dans cette rég ion . C'est l' objecti f d'un programme de recherche mené conjointemen t par l'équ ipe « Hydr ol o gie des versants agrico les » de l'I RD, l'éq uipe « Man ejo de cuenca » de l'ln stituto Me xicano de Tecnolo gia dei Agu a, basé à Cuernavaca dans l'État de Morelos, et le Labor at orio de fertili dad de suelos du Colegio de Postgradu ados de Montecill o (Éta t de Mexico). Ce programme se propose de répond re aux questions scientifiques suivantes : - quelles sont les conséquences hydrologiques des changements int ervenus ces dern ières décenn ies, dans l' usage des sols, tant en terme de volumes d'eau qu 'en terme de qual ité ? - qu elles sont les solu tions à ent revoi r pou r espérer assurer la dur abilité de l'a gric ulture dan s le Valle de Bravo 7 - comment concilier cett e activité et celles, en plein développe ment. liées à la proximité de la capitale (loisirs aquat iques, pêche à la tru ite , et c ), avec la fou rniture d' une eau indisp ensable au maintien de la popula tion et à la survie de l'économie de l' aire mét ropo litai ne 7 Des recherches expérimentales, mené es en particul ier sur le pet it bassin de La Loma de Amana lco (52 ha) doivent permettre d ' apporte r des résultats à ces qu estions , et de constituer une base de données et une mod élisation des flu x. Cela dans le but de fourn ir aux gest ionnair es de l'eau et aux aménagist es des outils d'aide à la décision in dispensables au devenir des sociét és en développement. Références DESCROD< L., LAssERRE F., 2003 -L 'eau LAss ERRE danstoussesÉtats ,' Chine, Australie, S énga~ États-Unis, Mexique, Moyen- et territoires " tensions, coopérations et géopolitique. Paris, L'Harmattan, orient. Paris, L'Harmattan, 350 p. 280 p. f ., D ESCROD< L., 2003 - Eaux Descroix et al. : « Eau et espace à Valle de Bravo » POSTEL S., 199 9 - Pillarof'.sand. Can the irrigation miracle last ? New York, Worldwatch book, Norton, 312 293 p. Conclusion Une région à construire, un territoire et des ressources à préserver Vers une gestion partagée et raisonnée des ressources eau -sol-végétation Les rech erche s effectuées sur les mod if icat ion s de s co nd it ion s hyd rol ogiques des bassins liées aux changeme nt s d ' usage des sol s sont de p lus en pl us nombreuses au fur et à m esure que l' on se rend co m pt e des impact s réel s que ces chang em ents o nt su r la ressource elle-mêm e. La Sierr a M adr e n 'e st qu 'u n exemp le pa rmi d ' autres, où un mass if mon ta gn eu x sert de « châ t eau d 'e au » au x rég io ns qu ' il dom in e. Une gran de part ie de s rég io ns ar ide s de la Plan èt e sont d ans le mê m e cas ; o r, en montagne plu s qu 'a ill eurs. les co nditio ns de surface du so l influent énor m éme nt sur le devenir de l'eau , su r la part de celle- ci qu i va s' inf ilt rer, ruisseler, s'é vapo rer .. Quoi qu 'i l en soit , les tra vaux qui so nt présenté s dan s ce recuei l montren t l' intérêt de pré server les forêt s et les pât urages, afin de protéger les so ls contre la dégradation à laq uelle ils so nt so um is dès lor s q u 'ils ne sont plus co uverts de végét ation . Ils montrent aussi qu e c'est de la préservat ion d es sols qu e dép end l' aveni r des ressources en eau . En fa isant abstra ct ion du f ait que les f or êt s inf luent peu t-êt re su r la rép artit io n et la qu ant it é des précipitation s, il a ét é démontré que la dégradation de la végét at io n co nd uit vit e à des modifications des états de surface, lesquelles à leur tour provoqu ent une évoluti o n des rég imes d 'é coul em ent. Le devenir d'un e goutte d'eau tombant à la surface du sol dépend en prem ier lieu de la présence ou non d 'une végétation, d 'un système racina ire, d 'un hor izon superficiel aéré et structuré. Le surpâturage et loca lement le déboisement ent raînent un accr o issement de la pierrosit é. l' extensio n de s aires d e sol nu, l' enc roûtement de \a surface du sol, la croissance des biod ermes (cro ûte algale fr équ ente en m ilieu sem i-ari de), un tassemen t du so l et un e au gmentation de sa den sité, avec comme con séquences un e dim inut ion de sa conductivité hydrau lique, de ses capacit és d 'infi ltration et une aggravation du ruissellement et des ph énomènes d 'éros ion laminaire et linéaire. La cons éq uence de cett e dég radat io n à l'éch elle loca le est dr ast iq ue et ruissellement et érosi on augmenten t dans de s pr oporti ons trè s sig nific a- Conclusion 295 296 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé tives. A l'échelle des bassins versants, VI RA M ONTES (2000) a mon t ré que le chan gement d 'us age des sols provoq uait aussi une évolu ti on dans les régi mes des cours d' eau po ur des bassins versan ts de l'ordre de 5 000 krn- Les t ravaux de recherche réalisés dan s la Sierra Madre ont don c mont ré l'intérêt de prévo ir une gestion pat rimo niale à la fois de l'e space et des eaux. En effet. c'est l' ensemble du bassin versant qu i réagit aux changemen ts d 'u sage des sols, et une bonne gestion des eau x ne peut plus de nos jours se concevoir sans un aménagement du te rritoire à l' échel le de la régio n naturelle, sans prendre en compte l'ense mble du bassin versant. Cela sous-entend que l'on va prendre en considération tous les usagers de J'eau et t ous les usag ers de l' espace pour élaborer un scénario de mise en valeur qui préserve au mieux les int érêts des producteu rs, t out en permett ant de mainte nir cette prod uct ion. Donc plus qu e Jamais, il faut considérer les changements d'usages des sols dans les bassins amon t dans la perspective des impacts qu e cela pourra avoir en aval. Les recher ches qui ont été menées conjointement par le Cenid Raspa et l'IRD dan s la Sierra Madre ont montré l' impact du surpât urage, et seco ndairement, des déboisements, dan s le bilan de la ressource en eau. " est par ailleurs possible que la dégr adat ion de la couvert ure végét ale puisse par rét roact ion influ encer la répart it ion spati ale des pré cip ita tion s ; des recherches sont en cours au Sahel. Ces trav aux ont pu aider à la prise de conscience de cet élément primordial pou r une gestion raisonnée des resso urces en eau . Ain si, la Cruzada pa ra los ba sques y el agua (croisade pour les forêts et l'eau) a amené au rang de priorité nationale la con servation des mi lieux et des ressources des zones de montagne du Me xique . S'il est vrai qu ' il y a culturell ement deux Me xique, l' un du sud, aux civilisations multi-m illénaires et où la pr ession sur l'espace menace des agro-systèmes ancie ns qu i avaient réussi à pr éserver les forêts sur les pentes, et l' autre au nord, bien plus sauvage et où l'e xp loitatio n minière de l'espace est en tr ain d'épuiser les forêts à grande vitesse, l'un et l'autre ne font qu 'un face à la déforestation : ils prennent actuellement conscience de l'i mpérieuse nécessité de préserver les mi lieu x montagnards, ou d'y maintenir les activités rurales mai s tout en pr éservant les ressources , c'est -à-dire les forêts qui sont garantes de l'aven ir des sols et des ressources en eau. La spécificité de la Sierra Madre occidentale Dans cette opt ique, la Sierra Mad re occidentale est un e des régions-clés pour l'avenir du pays : vérit able chât eau d'eau du Nord, elle est la mon - tagne au milieu des déserts, la source de tous les écoulements, le plus grand massif forestier du pays, mais aussi une région vide. Les centres urbains sont dynamisés par l'exploitation des ressources en bois, et localement par les mines (l'État de Durango reste le premier pour la production d'or et de métaux rares, le second pour l'argent) ou par une spéculation agricole (les fromageries mennonites, les pommes de Chihuahua ou Canatlan) Les zones rurales, essentiellement consacrées à l'élevage naisseur bovin extensif, se vident très vite. En effet, les jeunes sont attirés par les États-Unis et certaines communautés et ejidos se sont complètement vidés au cours de la dernière décennie Le nombre de maisons abandonnées croît rapidement et témoigne de l'importance de cet exode. L'abolition de la Réforme agraire a simultanément accéléré l'émigration, provoqué un agrandissement et une sélection notoires des exploitations agricoles, et accru le niveau et la qualité de vie des rares habitants restés sur place. Cependant, on s'aperçoit que la Sierra Madre est un milieu forcément spécifique. Elle diffère beaucoup par ses paysages évoquant localement les latitudes tempérées, du fait de l'altitude, des paysages désolés du Bols6n de Mapimi (dépressions fermées du sud du désert de Chihuahua) et des déserts côtiers du Sonora et de Basse-Californie. Et pourtant, elle ne constitue pas une région en soi, elle a été Justement partagée en plusieurs États; de ce fait, ils sont une demi-douzaine (Sono ra, Chihuahua, Sinaloa, Durango, Nayarit, Zacatecas et un tout petit bout du Jalisco) à pouvoir profiter de ce « château d'eau» sans forcément prendre garde à l'intérêt d'en préserver le milieu et les ressources. Il n'y a pas de « région » Sierra Madre, et pourtant il y a en maints endroits, des bassins d'emploi, micro-régions économiques qui se sont bâties autour d'une mine, d'un gros bourg, d'une riche plaine agricole. Dernièrement, les zones les plus dynamiques sont sans conteste possible les régions où l'on transforme le bois, activité surimposée aux autres activités rurales, complètement indépendante et déconnectée du système communautaire ou ejida/ en voie de disparition. En fait, la privatisation des terres va rapprocher par la tenure le comportement des exploitants agricoles de celui des forestiers. Bien que cette privatisation se traduise premièrement par la destruction des liens sociaux, de la vie villageoise, de l'équipement scolaire et médical, elle devrait au moins faire prendre conscience aux exploitants de l'intérêt de préserver le capital forêt, le capital sol et le capital eau qui sont entre leurs mains. Sinon, on pourra dire que l'abrogation de l'article 27 de la Constitution mexicaine en 1992, qui a conduit à la privatisation des terres, aura été un fiasco environnemental Conclusion 297 298 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Il reste don c une « région » à construire A défaut d'être une région administrative ou économique un ique, la Sierra Madre occidentale, sous la pression de ses hab itants, pourra it deven ir une région pilote pour la gestion patrimoniale de l'espace . Une gestion économ iquement ren table , socialement acceptab le, écologiquement durable, dans une optique de développem ent durab le, po urrait apporte r une alternative intéressante à ses habitant s. Fon dée sur l'écot ou risme, ce no uveau mod e d'a ménagement, s'il est adop té par ses habitant s, permettrait à la sierra de mettre en œuvre une gestion patrimoni ale, raisonnée et concertée, de l'espace L'écot ourisme permet de développer les atouts de la région, en metta nt à profit localement les produits du terroir (f rom ages, frui ts, etc), en aménageant les sites nat urel s et en valorisant les ressources culturelles, pour susciter ou préserver des act ivit és en mili eu rural. Quel enseignement en tirer à l'échelle mexicaine et à l'échelle globale? La spécifici té de la Sierra Madre occiden tale n'em pêche en rien de chercher les leçons de ces résultats et de les éten dre à d'aut res régions de la Planète. Tout d'a bord, au Me xique même, et c'est pourquoi a été abordée la thématique scientifique qu i est celle des travaux menés dans le haut bassin du Cutzamala , dans le centre du pays. On constate que dans le cent re et le sud du Mex ique , la pression démographique est bien plus forte, et, partant, la pression sur le milieu et les ressources également. Bien que ces régions reçoivent beaucoup plus d'eau que le Nord, elles sont aussi en « st ress hydr ique » relatif, c'est-à -dire qu 'y appara issent des con flits pour les ressour ces ou pour l'accès à ses ressources, et, plus fr équemment encore, des prob lèmes de quali té. Les problèmes d'ampleur nation ale que sont l'approvisionnement en eau de la ville de Mex ico (cf « Eau et espace à Valle de Bravo . La bataille pour l'eau », p. 283) ou celui de la lagune de Chapala (cf . « L'eau, agent économ ique et enjeu polit ique », p. 249) s'ils sont les plus aig us, ne sont pas les seuls, loin s'en faut. Et plus largement , presque t o ut es les zones arides, semi-arid es ou médi terranéennes de la Planète connaissen t des problèmes de ressource ou d'usage. Cert ain es sont des région s t rès peup lées: quelques secte urs du pou rtour médi te rranée n, vallée d u Nil, M ésop ot amie, vallée de l'In dus, Chine du Nord, etc Ce sont en général des régio ns qui ont pu bénéficier d'approvisionnements en eau importants, venus de secteurs montagneu x, château x d'eau naturels , plus ou moins proches . Le fait de dépendre complètement d'eaux exogènes rend terriblement frag iles certa ines économi es. Mais en incitant les responsables des régions aval arides à dialoguer avec les usagers des secteurs amont « pourvoyeurs », cette dépendance est aussi créatrice de « gestion partagée ». Elle force à considérer le bassin comme l'unité de gestion, et tous les usagers de l'espace comme des usagers de l'eau. Eau, espace et territoire Eaux et territoires, tel est le titre d'un récent ouvrage traitant de géopoli- tique de l'eau (L".SSERRE et DESCROIX, 2003) ; de plus, « faire territoire, c'est résoudre ensemble un problème », comme l'affirment des géographes « du territoire » (comm orale de Hervé Gumuchian, novembre 2004) Par ailleurs, le savoir penser l'espace (le travail du géographe « aménageur») exige que concernant la gestion de l'eau, le territoire soit le bassin versant. C'est dire si tes aménageurs assimilent de plus en plus le bassin versant comme unité de gestion Celui-ci devient un outil de gestion des territoires de l'eau, c'est-à-dire de l'ensemble du territoire d'où vient cette eau Gumuchian évoque la notion de « ressource territoriale », qui peut être « construite sur des composantes matérielles (données naturelles, faune, flore, patrimoine) et/ou idéelles (des valeurs comme l'authenticité, la profondeur historique .. ) » Ainsi il y a une dizaine d'années, le département des Hautes Alpes s'est-il acheté le slogan « les Alpes vraies» ; les Alpes-de-Haute-Provence, souvent très proches à tout point de vue au niveau naturel comme culturel, ont surenchéri en se baptisant « Alpes authentiques» Selon Gumuchian, « le recours à l'expression de "ressource territoriale" implique que l'on se situe dans une logique de gestion intégrée du territoire, faisant ainsi référence au développement durable ». En matière de gestion de l'eau, cet ouvrage prétend avoir expliqué par un exemple la pertinence de considérer l'ensemble du bassin comme unité des bûcherons et des éleveurs, exerçant leur activité sur les lignes de crête, loin du cours d'eau, sont aussi des usagers de l'eau, et doivent à ce titre intégrer lesassemblées d'usagers des comitésde bassin. de gestion; C'est ce qui est en cours de mise en place au Mexique, du moins dans le bassin Nazas-Aguanaval, et pour la partie montagneuse. Dans ce château d'eau naturel (la Sierra Madre occidentale), ces acteurs économiques sont intégrés aux comités de bassin au même titre que les agriculteurs pratiquant l'irrigation, les industriels pompant l'eau des nappes ou ceux qui utilisent les eaux de surface pour le refroidissement d'un processus de fabrication. La territorialité s'entend aussi bien sûr pour les groupes et les individus qui occupent ou utilisent ce territoire; ces groupes et individus deviennent alors des « acteurs territorialisés » (GUMUCHIAN, 2004). Par ailleurs, des spécialistes de l'aménagement du territoire montrent que « le territoire et la territorialité, loin d'être des conceptions anachroniques du Conclusion 299 300 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé rapport à l'e space des sociétés contemporaines, loin d'être des modal ités périmées de ce rapp ort, restent des outil s opérato ires d'ana lyse de ce rapport à conditi on de reno ncer au caractère uniscalaire et tota lisant que la sign if icati on de chacun de ces te rme s avait pu pre ndre » (DEBARBJEUX et VANIE R, 2002 ). Enf in, est suggér ée la créati on d' observatoires q ui, en tant qu 'outils fon ctionnels et dynam ique s de gestion du territ oire con sidéré, doivent « en matière de développement territoria l, privilégier partenariat, concerta tion, négociation , recherc he de consensus sur des sujets aussi sensibles que ceux de la qualité environnementale, de qualité de vie, ou encore de pérennisation des ressources » (GuMuCHIAN, 2004 ), Cest exactement la mission qui a été confiée aux agences de bassin récemment créées au M exique, M ais le système y a ét é enfa nté dans la dou leur, à un mom ent où les nom b reux confli t s d'usage étaient déj à aigus et exacerbés par une longue pério de de sécheresse qui en a fait réappara ître d 'ancien s avec le grand voisin du Nord Mise en relation avec d'autres thématiques Les travau x de recherches menés dan s la Sierra M adre occidenta le nou s ont condui t à faire des incu rsio ns dan s d' autres espaces te rr ito ires 1 - ou agr o-p astor aux, à f aire des comp araisons avec d'autres régions de mo ntag nes, d'a ut res sect eurs semi-a ride s. On a fait app el à d 'autr es disciplin es qu e l'hy drol ogi e et la géogr ap hie physi qu e ; cette dern ière est indissociable de la géographie huma ine et sociale, et tout géographe sait qu'une étude d'un milieu anthropisé (y en a-t-il encore qui ne le soi t pas 7) ne peut se faire sans prendre en compte le côté humain , économique , social et culturel d 'un territoire, même si on donne à celui -ci une limite physique (les lign es de partage des eaux pour un bassin versant) . Les pr incipaux th èmes qui sont sous-jacents à cette recherche sur le fonct ionnement hydr ologique d' un bassin sont: - les syst èmes agro- pasto raux tant il a ét é mo ntr é que les versants sont « modelés » par le passage des troupeaux; les paysages de zones d'éle- vage sont, comme les zone s de cultures , des paysages « construits » ; il n'e st pas q uestion de pa rle r de « dest ruction » d 'un paysage quand celui -ci souffre de surexploitation ou au contraire de « déprise » ; il faut accepter qu 'un paysage - ou un territoire - évolue ; -la démog raph ie, trè s liée au système d'e xploitation, est primordiale ici, pui sque la pop ulat ion évolue, au gré de tau x de natal it é encore élevés (bien qu'e n f ort e baisse) et de migrat ion s te lles qu 'e lles ont pu laisser l' impr ession d'u ne très fort e dép rise ; - la géopolitique s'est invitée par l'intermédiaire des conflits d'intérêts pour la ressource et pour l'espace. les secteurs d'élevage et d'exploitation forestière doivent-ils être gérés dans l'intérêt de pérenniser une ressource en eau qui n'est utilisée que loin en aval, pour l'irrigation des périmètres irrigués 1 On n'aura qu'effleuré certaines des sciences de la Planète qui sont en lien direct avec l'étude des ressources en eau, en particulier la climatologie , mais la question de savoir si la forêt attire la pluie, ou du moins si elle peut jouer un rôle dans sa distribution spatiale, reste en suspens. Par ailleurs, l'étude archéologique des sites des cultures anciennes de la sierra et celle du contexte historique et politique sont indispensables pour mieux comprendre le contexte culturel et social actuel. Vers une vision partagée de la gestion de l'eau? C'est le chemin que semble prendre le Mexique depuis quelques années, avec la mise en route, lente mais effective, d'une politique d'agences de bassin, partiellement inspirée du modèle français, qui vise à abolir les systèmes autonomes où chacun puisait dans la ressource à sa convenance, dans un type d'exploitation minière. La gestion patrimoniale de l'ensemble du bassin versant devrait être à même de limiter la surexploitation de l'espace et de faire cesser le pillage des ressources en bois, pâturages et eau tel qu'il est pratiqué encore à l'heure actuelle par endroits Le « Consejo de Cuenca Nazas Aguanaval » réunit depuis 2001, deux fois par an, tous les usagers du bassin afin de planifier la future gestion des eaux. Et il a bien inclus dans ses membres tous les usagers de l'espace, même ceux qui n'utilisent pas l'eau directement, mais dont l'action sur l'espace peut entraîner des modifications du cycle de l'eau et du bilan des ressources. Plus que jamais, cette ressource eau doit s'entendre comme un ensemble eau-sol-végétation, et l'unité de gestion de la ressource doit gérer le territoire et non plus la seule ressource en soi. Luc DESCROIX Géographe-Hyd rolog ue David VIRAMONTES Ëco-pédologue José Luis GONZALEZ BARRIOS Hydra-pédologue Conclusion 301 302 Références D EBARB1EUX B., V ANIER M. , 2002 - Ces territorialit ës qui se dessinent. Datar, Éditions de l'Aube, 268 p. La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé G UM UCH IAN H., 20 04 - EntreJorme et sens : le territoire comme objet géographique soumis à l'observation. Synthèse d'une communication orale, novembre 2004. L ASSERRE F., D ESCR0 1X L., 2003 - Eaux et territoires : tensions, coopérations et g éopolitique. Paris, L'Harmattan , 280 p. Glossaire Arroyo : ruisseau, cours d 'eau temporaire de petite ta ille . 8arranca : canyon; on désigne par « Barrancas dei Cobre » l'ensemble des sept canyons qui coupent les plateau x de la Sierra Madre dans le sud de l'État de Chihuahua ; cf. Quebrada. Battance : cf. Splash. Capacité au champ : correspond à l'eau retenu e par le sol, après une périod e de plu ie, et un ressuyage de deux ou t rois jours, le sol étant pro tégé contr e l'évaporation . Cappusien (ruissellement) : type de ruissellement induit par la saturation du sol, indépendamment donc de l'infi ltrabilité de la surf ace; on dit aussi « ruissellement par surface contributive saturée » (par opposition à « hortonien »} Charreada : du no m « charro » qui const itue un spectacle et un sport éq uestre typ iquement mexicain ; il cons iste à pr endre de s veaux ou vachettes au lasso ou à les fa ire tomber en se jetan t dessus à partir d'un cheval ; le spectacle est entouré de tout un cérémon ial avec de jolis costumes et des cavalières en tenue traditionnelles. Ce type de spectacle se produit dans le « lienzo charro ». que l'on trouve dans toutes les grandes villes mexicaines au même titre que la plaza de toros ou le stade ; cf. Coliadera . Chroma (d' après Lozet J. et Mathieu C, 1990, Dictionnaire de Science du 50/. Paris, Lavoisier Tee. Doe. : 67) : term e indiquan t une des t rois variables du code Mu nsell po ur la déterminat ion de la cou leur des objets. Elle représente la pur et é relative de la couleur spectrale et est indiq uée sur les planches Munsell en abscisse Le chroma le plus faible (0) étant à l'origine Il est chiffré de 0 à 8 et est indiqué en dernier lieu dans le sigle Munse ll La traduction française la plus fréquente est l' intensité. Coefficient d'écoulement : rapport des pluies écoulées aux pluies tombées, sur un bassin versant , ou une parcelle expér imentale, donc sur un impluvium donné. Coliadera : (nom « norteno », c'e st-à-dire typiq ue du Nord-M exique) même spectac le de rodeo que le charra (cf Charreada ) mais o rganisé dans les villages et donnant lieu à une fête fora ine . Glossaire 303 304 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Comunidad rural : nom donné aux communautés rurales préexistantes à la Réforme agr aire (c'était le système en vigueur da ns les zo nes de peup leme nt indien en dehors de celles contrô lées par les hacienda s). Conductivité hydraulique : caractérise la vitesse d' infiltration d 'un flu x d'eau dans le sol, en cmls ; elle manifeste l'effet de résistance à l'écoule- ment dû aux forces de frottement. Conglomé rats : il s'agit de mat ériau x volcaniques con stitués ni de lave pure , ni de scories meubles, mais de pyroclastites ; ils sont proches des tufs et des ignimbrites dans la Sierra Madre. Débit de base débit d 'un cours d'e au en dehors des périodes de préc ipitat ion. Débit de crue : débit supplémentaire généré par une crue, dans l'écoulement total d'un cour s d'eau . Densité appa rente : c'est la densité du sol sec, concernant l'ensemble, fraction solide et pore s Densité réelle : c'e st la dens ité de la fraction solide seule, indépendante des vides Ejido : nom des comm unaut és rurales créées par la Réforme agr aire (dès 1936, et jusqu 'au déb ut des années 1970 pou r les zones cadastrées en dern ier) sur les terres confisquées des hacienda s. Une majorité d'entre eux au nord du pays s'est peu à peu auto-dissous lor s de la distribution des titres de propriété après l'abrogation, en 1992 et sous pression américaine comme condition à l'entrée dans l'Al éria, de l'article 27 de la con stitut ion instaurant la Réform e agra ire. Ejidal (système) : adjectif définissant le système des ejidos . Ejidatario : paysan membre d'u n ej ido ; les t err es étaien t partagées rég ulièrement entre les travailleurs en fon ct ion de leur nombre . Encomienda : système d'exploitation de la main-d'œuvre indienne mis en place par les Espagnols sous la colonie . La communauté, la paroisse ou la personne qui en bénéficiait devait en retour prendre en charge ces populations . Endoréique : se dit d'un bassin versant débouchant vers une dépr ession fermée (par opposit ion à exoré ique quand il y a dra inage vers la mer et à aréiqu e lorsq u'il n'y a pas d'é cou lement perma nent ). Espace poral : cf . Porosité . État de surface. ce terme peut désigner. - une seule surface élémentaire (voir définition ci-après) ; -la Juxtaposition de plusieurs; - ou un système de surfaces élémentaires, c'est-à-dire un ensemble, au sein duquel Jouent des interactions. (Surface élémentaire: ensemble homogène constitué par les éléments du milieu suivants: - le couvert végétal; -la surface du sol; - les organisations pédologiques superficielles qui ont subi des transformations, sous l'effet des facteurs météorologiques, fauniques ou anthropiques). Fersiallitiques (sols) : ce sont des sols brun-rouge subtropicaux ou tropicaux typiques, riches en oxydes de fer bien cristallisés, bien drainés et à altération avancée et assez argileux. Gilgaï : modelé original des sols tropicaux à argiles gonflantes dû au passage de l'état humide à l'état sec et comportant des micro-reliefs courbes, en petites dépressions et dorsales inter-dépressions. Gleyique (sol) : adjectif venant de gley : horizon de couleur grise (fer réduit) résultant d'une hydromorphie (excès d'eau libre) Granulométrie: cf. Texture. Hacienda: nom des grandes propriétés (plus de 1 000 ha en général, et jusqu'à un million d'hectares dans le Nord) avant la Révolution. La plupart ont été saccagées et occupées puis autogérées par les paysans organisés en comité durant la période révolutionnaire. Elles ont été diminuées, lors de la Réforme, des terres surnuméraires, celles-ci étant partagées en ej/dos Hortonien (ruissellement) c'est le ruissellement qui se produit par dépassement de l'infiltrabilité ; il se déclenche lorsque l'intensité de la pluie dépasse la capacité d'infiltration de la surface du sol. Ignimbrites (cf Tufs) : projections émanant d'éruptions brutales et de grande ampleur, retombant sous forme de tufs soudés. Impluvium' surface considérée recevant une précipitation; parcelle ou bassin versant d'un cours d'eau. Glossaire 305 306 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé Indigène : au Me xique , 90 % de la population a des ascendances indiennes, très généra lement majorita ires ; les « indigènes» sont, parm i eux, ceux dont la langue maternelle n' est pas l' espagnol; en généra l ils parlent cette langue du fa it que l'analphabéti sme a pratique ment disparu au Mexique, et que la presque totalité des enfants vont à l'école ; on trouve toutefois, dans les hameau x éloignés, encore bien des personnes âgées ne parlant que tarahumar ou tepehuano . Lame écoulée : quantité d'eau écoulée d'un impluvium (bassin ou parcelle) rapportée à la surface de l' impluvium, et donnée en mm . (comparable de ce f ait à la lame précipitée; leur rapport donnant le coefficient d'écou lement , à l'échelle d'un événement ou d'un laps de temps don né) Latifundium: t erm e lat in désigna nt dans les pays de cultu re lati ne la grande pro priété (cf. Hacienda) . Mousson : alizé maritime dévié lors de son passage de l' Ëquateur (changement d'hémisphère entraînant un changement de sens de la force de Coriolis ). Anciennement: par exten sion, régime de pluie tropicale des façades sud des continents exposées à de grandes masses océaniques : Asie du Sud, Afrique de l'Ouest, ouest du Me xique , caractérisé par une longue saison sèche très marquée et de forts abat s d'eau durant la saison des pluies qui se produ it durant l'été boréa l. Cette conception est rem ise en cause aujourd 'hui; donc elle est utilisée ici par les auteurs mais sans but polémique; on pourra donc remplacer « pluies de mousson » par « pluies de front in tertropical ». Municipio : commune . Patio . cour intérieure des maisons latina-américaines et hispaniques (se prononce pat io en espagnol , n'a aucun e raison d'êtr e prononcé pacio en f rançais). Désigne ici un grand espace ouvert (de plusieurs centa ines de mètres carrés à un hectare) que l'on retrouve au centr e de nomb reux sites archéologiques typiques de la Méso-A mérique . Peladero : nom mexicain des zones de sol nu, fréquentes en zone semiaride et plus encore en zone aride; elles sont dues en grande partie à l'érosion éolienne qui favorise le départ des éléments fins et riches du sol, emportés par les tourbillons de poussière. Pequeiio (pour « pequeno propietario ») : litt. « pet it propriétaire ». En fait. ce sont les propriéta ires pr ivés de terres, pu isque la pr opriété privée éta it maintenue sous la Réforme agra ire . Simp lement, pour permettre le démantèleme nt des lat if undi a improduct if s (la p lupart des haciendas avaient des rendements médiocres et appuyaient leur richesse sur la grande extension des terres), la Réforme agraire de 1936 avait fixé une taille maximale d'exploitation, qui différait bien sûr suivant le type de culture pratiquée, la fertilité des sols et la possibilité d'irriguer ou non Dans le Nord, les limites étaient d'une centaine d'hectares irrigués dans la Laguna par exemple; tout le reste, n'étant pas cultivable, était considéré comme pâturages, et dans cette catégorie-là, la limite supérieure des propriétés était « la surface nécessaire à l'élevage de 500 têtes de bétail bovin adulte. La surface nécessaire à chaque unité de bétail avait été fixée par la Cotecoca iComision Técnica de /05 Coeficientes de Agostadero), commission ad hoc créée pour déterminer région par région la superficie nécessaire à l'élevage d'un bœuf adulte. Ceci fait que les « pequenos » pouvaient avoir conservé (de leur ancienne hacienda) ou acheté des propriétés supérieures à 1a 000 ha, là où cette commission estimait qu'il fallait 20 ha par tête de bétail De même, 100 ha irrigués pouvaient être l'équivalent de la surface d'un ejido voisin, en périmètre irrigué, donc les grandes propriétés ont été démantelées pour permettre de fournir des terrains aux ejidos, mais cela n'a pas pour autant fait disparaître la bourgeoisie rurale. Peyote : cactus hallucinogène que l'on trouve dans tout le Mexique et qui est à la base de nombreuses prestations offertes traditionnellement par les sorciers indiens. C'est le peyote qui a permis à Antonin Artaud (dans son périple chez les Tarahumaras en 1933) d'atteindre ses « paradis artificiels» Point de flétrissement: correspond à la valeur limite de l'eau liée, donc non absorbable par les racines. Porfiriat: période de formation du capitalisme mexicain, sous le régime de Porfirio Diaz, dictateur éclairé qui a suscité la venue des capitaux étrangers, permettant la naissance de l'industrie et du grand commerce au Mexique Porosité: c'est le volume des vides d'un sol, exprimé en pourcentage du volume total; elle est en étroite relation avec la densité réelle et la densité apparente. Potrero : « pré», vaste enclos de pâture Pres6n (pl presones) : petits réservoirs collinaires ou petits barrages installés sur les talwegs, ayant en général une vocation d'abreuvoir. Quebrada : gorge canyon, synonyme de barranca. Glossaire 307 308 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé Rancho • terme général désignant la ferme, l'exploitation, et, par extension, la campagne, les villages; utilisé aussi dans la sierra pour désigner les hameaux situés sur les pâturages éloignés, où l'on va passer quelques semaines ou quelques mois par an (en saison des pluies) avec le bétail. Réforme agraire période de la Réforme agraire, lancée officielle- ment en 1936 sous la présidence de l.azaro Car denas. considéré comme le représentant mexicain du courant populiste latino-américain qui a conduit à la constitution d'industries nationales, en particulier dans les industries de base (gétulisme au Brésil, péronisme en Argentine, période correspondant ensuite à une phase d'autarcie forcée du fait de l'arrêt presque total du commerce durant la Seconde Guerre mondiale). A ne pas confondre avec « la Reforma )) période de modernisation de la Nation mexicaine sous l'impulsion de Benito Juarez (après la chute de Maximilien d'Autriche) Reparfimienfo système mis en place dès le début du XVIe siècle, qui répartissait la main-d'œuvre destinée à l'encomienda entre exploitations minières et agricoles principalement. Révolution la Révolution mexicaine commence en 1910 par rejet unanime de Porfirio Diaz et à l'appel de F.1. Madero, qui fut suivi immédiatement par les paysans, véritables laissés-pour-compte des régimes précédents; ceux-ci formèrent le gros de la Division du Nord, armée rassemblée par Villa qui parvint à entrer à Mexico en 1911 et à chasser Diaz. La Révolution finit officiellement en 1920 avec l'arrivée au pouvoir de Alvaro übreg6n, après que les paysans eurent relancé plusieurs fois et en vain la dynamique révolutionnaire, chaque président une fois installé instaurant un régime bourgeois reniant les engagements précédents (Madero, puis Huerta, puis Carranza) ; mais la période troublée, avec de nombreux retournements de situation, va durer Jusqu'à l'assassinat de Emiliano Zapata (1919) et de Pancho Villa (1923) Rhyolite. roche volcanique microlithique ayant les mêmes constituants que le granite (quartz, orthose, biotite), sur une matrice finement grenue et vitreuse de couleur claire rougeâtre ou légèrement rosée dans le cas de la Sierra Madre occidentale. Sorptivité • capacité d'un sol à absorber l'eau lorsque l'écoulement se produit sous l'effet d'un gradient de potentiel de pression uniquement; c'est donc la lame d'infiltration en écoulement horizontal. Splash (ou saltation plu viale, ou rejaillissem ent , ou battance) : phénomène de détachement des particules fines du sol (nu) sous l'impact des gouttes d'eau ; celles-ci dépl acent les particul es les plus fine s, q ui à leur tour peuvent boucher les pores, aidant, avec le tassement lié au splash lui -m ême , à la constitution d 'une « croûte de battance » limitant tr ès Les processus d'érosion à la surface des continents, M asson : 31 0). Dans les secteurs pen- sérieusement J'infiltration de l'eau (cf . Birot, 1981, tu s, il est évident que le dép lacement des parti cules se fait sur un e plus grande distance vers l'aval que vers l'amont. contribuant à moyen terme à "érosion et au transport des éléments les plus riches du sol. Stationnarité les vari ables apparten ant à une série chronologiq ue sont dites stationna ires quand leurs caractéri sti ques stati stiq ues (moyenne, auto-covariance ) ne changent pas au cour s du temps . Dans le cas cont raire, un effet de tendance est à mettre en cause. Structure : désigne le mod e d 'assemblage des parti cu les du sol; elle déte rm ine la répartition dans l'espace de la mat ière solide et des vides (ou pores ) dont cert ains sont occ upés par de l'eau , d ' autres, les plu s gro ssiers, par de l'air . Texture (ou granulométrie d'un sol) . correspond à la répart it io n des minéra ux par catégorie de grosseur (en fait de diamè t re, les particu les ét ant supposées sphériq ues). Tufs (volcaniq ues) (cf Jgnimbrites) : cend res et lapilli vo lcaniques (projetés par les vol cans) qu i ont été co lmatés et cimentés par des circu latio ns d' eaux chargées de sels min éraux; si le m atéri el est hét éro gèn e, ce qui est so uvent le cas dans la Sierr a Ma d re, on a des brèches vo lcaniques Glossaire 309 Résumé La Sierra Madre occidentale est un espace relativement vide dan s l'ensemble du Mexique ; elle con stitue à la foi s une « frontière» au sens d'une zone de colonisation possible dan s un pays neuf et, paradoxalement, une réserve de main-d'œuvre, qui se vide de ses habit ants ces der- nièr es année s. Elle est aussi proche de l'aut re fr ont ière au sens géopol it ique et adm inistratif, entre le Nord et le Sud, que représente la limite entre le Mexique et les Ëtats-Unis d'Amérique . Cett e longue chaîne de mont agne d'or igi ne volcaniqu e est aussi le plus long massif rhyoliti que au mon de ; il est formé d'un vaste ensemb le de plateau x étagé s, ent recoupé s de fossés d'effondrement orie nt és parall èlement à l'axe de la chaîne et au littoral (nord-ouest/sud-est) . Ces fossés peuvent être profonds de plus de 1 000 rn, mai s leurs bord s sont en général en pente relat ivement do uce pour un sect eur de mon t agn es, des gradins de faille coupant la dén ivellation gén érale . Les pr incipau x cours d'eau coulent au fond de ces fossés et en sortent par des gorges pour rejoindre le Pacif ique ou l'altiplano nord centra l mexicain; dan s ce dern ier cas certains, comme le rio Conchos, rejo ignent le rio Bravo dei Norte (le fleuve f ront ière appe lé rio Grande par les Américains), d'a utre s, comme le rio Nazas, alimentent temporairement les lagunes d'évaporation des grandes dépressions fermée s du nord du pays. La Sierra Madre occidentale est profondément dissymétrique sur ses deu x côtés, puisque le versant ori ent al descend do ucement et rég ulière ment sur les haut s plateau x (sis à 1 000 ou 2 000 m d'altitude) de l'altip lano, alors que sur le versant occidental , la dén ivelée est bien plus br utale, ob ligeant les principaux cours d'eau à creuser des gorges profondes pour atteindre au plus vite leur niveau de base : c'est la région des fameu ses Barrancas dei Cabre que les hab ita nts de l'État de Chih uahua assu rent êt re les plus profondes du monde (elles atteignent de fait en deu x endroits 1 850 m de profondeur). L'eau est rare au nord du Mexique; 54 % des terre s arab les du pays sont localisées dans sa moi tié nord, qui ne reçoit que 7 % des précipitat ion s Cela ne va pas sans poser des problèmes d'u sage de la ressource, avec de nombreux utilisateurs souvent en concurrence pour un faible volume disponible . La Sierra Madre occidentale apparaît indéni ablement comme un « château d'eau » au milieu du Nord-Mexique aride et semi-aride; les pré- Résum é 311 312 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé cipitations y atteignent localement plus de 1 000 mm par an, et presque partout plus de 500 mm. Or, cette chaîn e est encadrée à l'ouest par le désert de Sonor a, qu i est le plu s sec d'Améri qu e du Nord (moins de 50 mm par an à M exicali) et, à l'est, par celui de Chihuahua , qui est le plus étendu , et où les précipitations sont en général infé rieures à 200 mm au fond des dépressions endoréiques . Cependant, partout la saison des plu ies ne dure que tro is ou quatre mo is, ce qui rend nécessaire le stockage de l'eau pour de nombreuses activités. De fait, de nombreux barrages ont été construits sur les cours d'eau coulant tant vers le Pacifique (rio Yaqui, rio Humaya, rio Sonora, rio San Lorenzo, rio Matapé, etc.) que vers l'est et ses grandes dépressions intérieures (principalement le rfo Conchos et le rio Nazas déjà cit és). L'abondance relative d'eau permet à la Sierra Madre de posséder des pâturages de meilleu re qua lité que ceu x des secteu rs arides ou semiarides environnants . Ces pâturages sont dominés, au-dessus de 2 400 m d'alt itude, par des forêts de pins qu i couvra ient natu rellement l'essent iel des hauts plateaux. Ces cond itions favorables à l'e xplo itation agropastoraie expliquent la grande ancienneté des établissements humains. On constate tant dans l'étage de pâturag es que dans celu i de la forêt une surexploi tation des milieux et des ressources, et cela depu is semblet-il plusie urs décenn ies. Le part age des terres des haciendas en application de la réforme agraire de 1936 s'est réalisé entre les années 1940 et 1970 dans la Sierra Madre qui était alors peu colonisée . Il s'est t raduit par un accroissement sensible de la population, qui a eu pour corollaire une augmen tation du nomb re de troupeaux et de la charge pastora le, une désorgan isation du système de gestion des pâturages . Cette désor ganisation a eu à son to ur pour conséquence une dimi nution rapide de la qua lité des herbages et une dégradat ion des sols qui sont d'autant plus sollici tés que le chept el cont inue de croît re. En effet. l' élevag e bovin (naisseur en l'o ccurr ence) est déd ié essentiellem ent à fournir des veaux de neuf mois au marché américain ; il est t rès port eur et rémunérat eur. Dans le même temps, la Sierra Madre occide nta le a été ou verte , au déb ut des années 1970 , à l'e xploitation forestière. Très vite, l'État de Durango est devenu le prem ier du Mex ique pour la production de bo is (rappelons que le Mexique est un État fédéral , dont le nom officiel est d'a illeurs « Estados Unidos Me xicanos » . les États-Unis du Mexique). Les villes les plus importantes , souvent nées de l'exploitation des minerais (Durango, Parral, Santi ago Pa pasquiaro, etc.), se sont o uvertes aux industries du bois et à la pap eterie, ce qui a provoq ué aussi une t rès forte dem ande en bois et un e surexploit at ion de la ressource, dont une partie est ext raite clandestinement. A la fin des années 1990, la production a dépassé les 5 millions de m 3 par an pour une production autorisée de 1,7 million de m 3 Or, un mode d'exploitation « minier» (ne se souciant guère du renouvellement de la ressource) associé au pouvoir corrupteur d'entreprises privées peu soucieuses de l'état de l'environnement au Mexique a conduit à une très rapide déforestation. aucun reboisement n'était effectué, peu d'entretien était assuré, et les villages étaient prêts à laisser partir tout leur bois contre du numéraire. Cette situation s'est améliorée ces toutes dernières années. Ces deux processus de dégradation de l'environnement ont déjà eu des conséquences sur les ressources en eau et ont conduit au lancement du programme de recherche « Gestion de l'eau dans un bassin du NordMexique» en 1991, dont les résultats et conclusions ont été rendus sous forme de rapports techniques entre 1998 et 2001, puis sous forme de publications scientifiques depuis 2001. De nombreuses études ont été menées par ce programme piloté par le département Eaux continentales de l'IRD en association avec le Cenid Raspa (Centro Nacional de Investigaci6n Disciplinaria en la Relaci6n Agua Suelo Planta Atm6sfera), centre de recherche de l'inifap (Instituto Nacional de Investigaci6n Forestal y Agro-Pecuaria) situé à G6mez Palacio, dans l'État de Durango, au nord du Mexique De ces recherches, il ressort que la surexploitation du milieu dans la Sierra Madre occidentale, dont les principales causes sont comme on l'a vu, le surpâturage et la déforestation, a entraîné une dégradation des sols sur une grande proportion de l'espace. Cette dégradation des sols s'est traduite par une forte modification de leurs caractéristiques hydrodynamiques. Le piétinement du bétail, l'arrachage des graminées, la mise à nu de plages croissantes de sol, ont conduit à un tassement de celui-ci et au décapage des matériaux les plus fins et les plus riches des horizons superficiels. A son tour, la dégradation du sol et de la végétation a entraîné une dimi- nution de la capacité d'absorption en eau des sols, et donc de la rétention naturelle en eau totale du bassin versant, un accroissement du ruissellement, un renforcement des pics de crue et un creusement parallèle des étiages De ce fait, l'hydraulicité (sa capacité à fournir de l'eau aux secteurs aval) de la Sierra Madre occidentale a été fortement amoindrie. Au cours des années 1990, plutôt sèches au nord du pays, on a vu maintes fois les grands barrages-réservoirs construits sur les deux versants de la sierra, être pratiquement vides parfois même à la sortie de la saison des pluies. Résumé 313 314 A l'échelle La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé de la parcell e expérimen tale, du petit bassin versant expéri- mentai et du bassin versant de 1er ordre (plusieurs mill iers de km 2 ici). l'analyse des données hyd rol ogiques histor iques et de celles engrangées pendan t les huit année s de mesure a pe rm is de constater les phénomènes suivants : - une sta bili té du coefficient d'écoulement : aucune baisse des écou lement s n'a encor e été observée ; - une di mi nutio n du temp s de répon se des bassins aux pr écipi tat ion s, ce qui signifie que l'eau ruisselle plus vite qu'auparavant; - un accroissemen t des débi ts de crue par rapport aux débits de base; cela veut dire que l'eau s'écou lant plus vite lors des crues, le sol et les nappes se rechargent moins et il reste moins d'eau sto ckée sur le bassin pour assurer l'écouleme nt pérenne, celui qui est le plu s uti le durant la long ue saison sèche de huit mois; - une diminu tion de la t eneur en eau des sols et de leur capacité physique d'infi lt ratio n et de stocka ge de l'eau ; - des crues plus cour tes et plus accent uées, des étiages plus longs et prononcés . Autant d'éléments qu i fragil isent le rôle de château d'eau de la Sierra M adre et vont rendre la gestion de l' eau pour les années à venir plus délicat e encore qu 'e lle ne l' est act uellement. En eff et. en aval, les rég ions « consommatrices » ont par fois eu par le passé encore récent , une ges- tion peu économe des ressources en eau. L' irrigat ion a été développée à outrance à part ir des anné es 1940 , grâce à la construction de grands barr ages et à la constitution de gra nds périmètr es irrigués. Ceux-ci ont d'abord ut ilisé int égralement l'eau renou velable venue de la montagn e. Puis ils on t eu recours aux eaux sout erraines pour pouvoir continuer à croît re sans améliorer leur rendement hydrauliqu e. la poli tiqu e de l'én ergie pas chère a cond uit à aller chercher de l'eau de plu s en plu s profond ou de plus en plus loin au lieu d'optimiser les rend em ent s et d ' invest ir dans des système s irri gu és plus coût eux mais écon omes en eau ; de même , on a longte mps négli gé les f uit es et les pertes en cond uction . Les années 1990 ont vu la conjonction d'un e lon gue sécheresse avec l'ent rée dans l'Al éna, qu i s'est trad uite par la fin des subven tions et la vérité des pri x agrico les (côté mexicain, bie n sûr ; car de l'aut re cô té de la f ront ière, les paysans ont vu to utes leurs subventio ns s'accroître substantiellemen t, leur permettant d'inonder le marché mexicain de maïs et de frijoles l). Dans le même temp s, le M exique a été heureusem ent tou ch é par la vague et la mode de la « Gestion int égrée des ressources en eau » si bien que le nou veau Code de l' Ea u, adopté en grande po mpe en avril 2004 , fait la part belle aux associations d 'u sagers afin de créer et gérer un système utilisateur-payeur (ou po llue ur-payeur, si l' uti lisateur mod if ie l' eau au lieu de la consom mer ou en plu s de la conso mmer) basé sur le bassin versant et non sur les simp les cours d'ea u. L' idée est que tout uti lisat eur de l'espace d'un bassin versant hydrologique qui risque de modifier la ressource en eau doit être considéré comme un utilisateur de l'eau : c' est le cas des éleveurs dont les troupeau x modifient le comportement des sols, ou des négociants en boi s qui bouleversent le cycle de l'eau . Ce nouveau code devra it aider à régler de nombreux problèmes latents sur l'us ag e de l'eau, des conflits qui sont apparus dans les dernières décennies : - à la frontière amé ricaine pour le pa rt age des eaux des fleuves t ransfrontaliers (rio Tijuana, rio Colorado et rio Bravo dei Norte/Grande) ; - entre les États mexica ins pour le même partage (des projets de transferts d'eau ont dû être annulés faute d'entente entre eux) ; - entre usagers surtout car à présent, l'eau se paye et seules les activ ités à forte valeur ajoutée vont pouvoir perdurer dan s les zon es arides ou semi-arides où "eau sera forcément chère puisqu'elle y est rare. Moyennant quelques règ les de bonne gest io n de l'espace et des ressources sol-végétat ion-eau (et no n pas seuleme nt la dern ière), la Sierra M adre occidenta le restera te châtea u d'ea u du No rd-Me xique ; le retou r d 'une bonne pluviosité (en 2004 ) et l'application de la nou vell e loi sur "Eau devraient permettre le maintien des périmètres irrigués de piedmont, tout en autorisant un développement des zones de montagne grâce à une agriculture spécialisée (vergers, horticulture, etc ) et à l' « écotourisme ». favorisé par la richesse et la variété des sites naturels de cette chaine de montagnes. Résumé 315 Summary The west ern Sierra Madre is a relat ively empty part of M exico, f or ming both a 'frontier zone' in the sense of a possible area for colon isation in a new country and, parado xically, a reserve of labour wh ose inh abitants have been leaving in recent years. It is also close to t he othe r fro nt ier in the geopolitical and adm inistrat ive sense - between north and sout h - fo rmed by the boundary between Mexico and the United States of Am erica. This long range of mountains of volcanic origin is also the longest rhyolitic range in the world ; it con sists of a vast set of st aggered plateaux eut by rifts Iying parai lei to th e range and to t he coast (no rt hw est/ sout h-east) . These rifts are someti mes as mu ch as 1,000 metres deep, but the edge s usually slo pe fairly gently for a mountain region , with fault steps breaking the overall differen ce in level. The main w atercourses flow at the botto m of t hese rifts and leave throug h gorg es to flow to t he Pacif ie or to th e Mexican cent ral nort hern alti piano; in the latter case, some such as the Rio Conc hos flow into th e Rio Bravo dei Norte (t he fr ontier river t hat t he A mericans cali the Rfo Grande ) wh ile ot hers lik e th e Rio Nazas provide t emporary supplies for t he evaporation lagoo ns in t he large closed dep ressions in t he north of t he coun t ry. The tw o sides of the w estern Sierra Madre are extre mely asymmetrical, w ith a gentle, regular eastern slope fr om the high plateaux (at an elevati on of 1,000 to 2,000 m) of the alti piano , while the slope is much steeper on th e w est ern slope, and the main watercourses have eut deep go rges to descend more rapid ly. This is t he region of the renowned Barrancas dei Cobre that the inhabitants of the st ate of Chihuahu a hold are the deepest in the world (they are 1,850 m deep in two places). Water is scarce in northern Mexico 54 percent of the arable land is in the northern half of the country, which receives only 7 percent of precipitation. This result s in prob lems in the use of th e resource, wi th many users often compet ing f or small quant ities available. The w este rn Sierra Madre c1early seems to be a 'water tower' in th e cent re of arid and semiarid northern M exico . Precipitati on is locally over 1,000 m m per year and is over 500 mm almos t everywhere. Howev er, t he ran ge is bracketed by deserts-in the w est by the Sonora desert , th e dr iest of North Americ a (precipit at ion Jess th an 50 mm per year at M exicali) and in th e east by th e Chihuahua desert, t he larger of th e two and where precipitatio n is generally less tha n 200 mm per year in the endorheic depressions. Summary 317 318 La Sierra Madre occidentale, un château d'eau menacé However, the rainy seaso n lasts for onl y three or four month s everyw here, making it necessary to store w ater f or numerous purposes. Many dam s have the ref ore been built on th e waterco urses flow ing eit her to the Pa cif ie (Rfo Yaqui , Rio Humaya, Rio Sonora , Rio San Lorenzo, Rfo Mata pé, etc ) or eastw ard to th e larg e int erior depr essions (mainly the Rfo Conchos and the Rio Nazas that have already been mentioned ). The compara t ive abundance of water means that the Sierra Ma dre has better grazing land than that in the neighbouri ng arid or semi-arid areas. Above 2,400 m. these pastures are dominated by pine forests that are natural cover in the greater part of th e high plateau x. These condi tio ns are favour abl e fo r agropastora l exploitation and account fo r the very ancient human presence in th e area. Over-exploit ation of the environment and it s resources is observed in both the pasture and fore st storey s. This appears to have been the case for several decades. The sharing out of the hacienda land in application of the 1936 agrarian reform wa s performed from the 1940s to the 1970 s in the Sierra Madre, which wa s t hen little occupied . This resulted in a con siderable increase in population , and a resulting increase in livestock and grazing pressure and th e disorgan isation of the graz ing management system . The latter f eatu re th en caused the rapid deter iorat ion of t he qualit y of pastures and damage to t he soil-und er incr easing pressure as livest ock numbe rs conti nue to incre ase. Indeed , catt le farm ing (calf production ) is devoted mainly to supplying 9-month calves to the extremely buoyant and profitable US mar ket At the same t ime, the western Sierra Mad re was opened to forestry exploitation at the beginning of the 1970s . Durango very soon became Mexico 's leading state for t imber production (it is rem inded that Mexico is a f edera l state , whose official name is Estados Unidos MexicanosUnite d Mexican Stat es). The largest tow ns, that had often grow n with mining operations (Durango, Parral, Sant iago Papasquiaro, etc.) ope ned to woo d and paper indu stries, also causing very strong demand for woo d and over-exploitation of resources, with a proportion extracted on a clandestine basis. At the end of the 1990s, production exceeded 5 million m 3 per year whi le authorised production was 1.7 million m 3 A 'mining ' approach to exploitation with hard ly any atten tion paid to th e renewal of resources combined w ith the corrupti ve power of private compan ies that cared little about the state of th e environ ment on Me xico led to very rapid deforestation No ref orestation was perfo rmed, very little maint enance was carried out and th e villagers were ready to let ail th eir w ood go fo r cash. The situation has impro ved in the last few years. These two environmental deterioration pro cesses have already affected water resource s and have led to the laun ching of the research programme on 'W at er management in a basin in nor t hern Me xico ' in 199 1, whose result s and conclusions were delivered in the form of techni cal reports from 1998 to 2001 and then as scientific publi catio ns since 20 0 1. Nume rou s st udies have been conducted w it hin the frame w or k of this programme managed by IRD cont inental water specialists in association with the CENID RASPA (Cent ro Nacional de Investiga ci6n Discip linaria en la Re laci6n Agua Suelo Planta At m6 sfera ) at the INIFA P research station (Inst it uto Nacional de Investigaci6n Forestal y AgroPecuaria) in Gornez Palacio, Durango state, in northern M exico This research show ed th at t he over-exploit at ion of th e environment in t he western Sierra Madre result ing from over-grazing and deforestation, as has been seen above, caused land degradation in a large proportion of t he area. This resulted in marked changes in t he hydro -dyn ami c characteristics of the land . Trampling by cattle, the up rooting of Gram ineae, and the str ipp ing of increasing large areas led to compaction and the stri pping of th e fin est . richest mat erial in the surfa ce ho rizon s. ln t urn. deterioration of land and vegetation has reduced soil moisture absorption capacity and hence the t otal nat ural water retention of the drainage basin, increased runoff, more seriou s flood peaks and, in parallei, more marked low water levels. As a result, the capacity of the western Sierra Madre to supply water to downstream sectors has been strongly reduced. The 1990s w as a somewha t dry period in nor t hern Mexico and the reservoirs of the large dams built on the two slopes of the sierra we re very often practi cally emp ty Even at the end of the rainy season. Analysis of hydrol og ical records and the dat a collected during the 8-year period of measureme nt s revealed the fo llowing phenom ena at t he scale of th e experimental plot , the small experimental drainage area and th e fir st order drainage basin (several th ousan d square kilome t res in this case): - the runoff coefficient is stable: no decrea se in fl ows has yet been observed; - a decrease in lag time in the basins after precipi tations , meaning that runoff is fast er t han before; - an increase in flood discharges in com parison wit h t he base fl ow s; this means t hat water f lows more rapidly during f loo ds, the land and groundwater are recharged to a smaller extent and less wa t er is stored in t he drainage basin for sustainab le flow, w hich is very usef ul dur ing the lon g eight-month dry season; Summary 319 320 La Sierra Madre occidentale. un château d'eau menacé - a decrease in the moi sture conte nt and th e infi ltration and water storage capaciti es of soils; - shorter, more marked f loods and longer, more marked low water periods Ail these feature s make the Sierra Madre's 'w ater tower' func tion more fragile and w ill make water managemen t even more delicate in t he years to come . Indeed, the 'consumer' region s downstream have some times not man aged water very economically in the st ill recent past. Irrigat ion was developed excessively from the 1940s onwards w ith the construct ion of large dams and the establishment of large irrigated perimeters. These first used ail t he renewable water flowing from the mounta ins. They then tapped underground water in order ta cont inue growth withou t imp roving wa te r effici ency. The cheap energy policy led t o seeking w at er at increasing depths inst ead of optimising effi ciency and investing in irrigation systems th at are more expensive but more economical w ith regard ta water consumption ; likewise, leaks and conveyance lasses we re neglecte d for a lon g ti me The 1990s saw t he comb inat ion of a long dro ught and t he set ting up of NAFTA, result ing in t he end of subsidies and the begin ning of real farm priees (on t he Mexican side of the border of course, as on t he other side fa rmers received substant ially increased subsidies, enabling th em to flood the Mexican market with maize and frijo/es!). At t he same tim e, Mexico was affected-fortunately-by the fashion fo r ' int egrated water resourc e manag ement' and the new W ater Code , adoptee w it h due ceremo ny in Apr il 2004, gives a f ine position ta users' associat ions for the setti ng up and management of a user-payer system (or poll uter-payer if th e user mod if ies the water inst ead of or in add it ion ta using it ) based on drainage basins and not ju st on watercourses. The idea is that any user of an area in a drainage basin who might mo dify water resour ces must be considered as a wa ter user. This is t he case of livestock f armers whose herds chang e t he behaviour of soils and of timber tr aders who upset the water cycle. The new code should help to solve numerous latent problems concern ing water use and confl icts th at have emerg ed in recent decades: - at the US front ier for the sharing of trans -frontier water (Rio Tijuana, Rfa Colorado and Rfa Bravo dei Not re/ Rfa Grande ); - between the Mexican state s f or the same shari ng operation (w at er conveyance pro jects have had ta be cancell ed for lack o f agr eemen t between th e state s); - above ail between users as th ere is now payment fo r wate r and on ly high value-added aetivities will be able to subsist in th e arid and semi-arid zones where water w ill necessarily be expensive as it is in short supply . With a few rules for the good management of land and of land-vegetat ion-water resources (and not just water), t he w estern Sierra Madre will continue to play the role of wate r tower for north ern Mexico. The return of sati sfact ory rainfa ll (in 2004 ) and the app lication of t he new w at er law should make it possible to conserve the irrigat ed perimeter s in the foothills while allowing the development of mounta in areas than ks to specialised agriculture (orchard s, hor ticulture, etc ) and ecotourism enhanced by the richness and variety of the natu ral areas in thi s range of mountains . Traduct ion Simon BARNA RD Summary 321 Resumen La Sierra Madre Occidental sigue siendo un espacio relativamente vacio en México; constituye a la vez una "frontera" en el sentido de zona de colonizacion posible en un pais nuevo, y paradojicarnente. una reserva de ma no de obra, que se esta vaciando en los ùltimos anos, pues también queda muy cerca de la otra frontera (la frontera geopolftica yadministrativa), entre el Sur y el Norte, que constituye el limite entre México y los Estados Unidos de América. Esta larga cordillera de origen volcénico es el mayor macizo de riolita dei mundo; conformado por un gran conjunto de mesetas cortadas por fosas qeoloqicas (graben) orientadas paralelamente al eje montanoso yallitoral, dei Noroeste hacia el Sureste Estas fosas pueden alcanzar mas de 1 000 metros de profundidad, pero sus orillas son de pendiente relativamente suave para ser de un sector de sierra, debido a la presencia de escalones de fallas que disminuyen el desnivel aparente general. Los principales rios corren al fonda de estas fosas y deben abrir quebradas profundas para alcanzar el océano Pacifico 0 el altiplano dei centro norte mexicano; en este ultimo caso, algunos dos como el Conchos, escurren hacia el rio Bravo dei Norte, otros, como el rfo Nazas, alimentan temporal mente las lagunas de evaporacion de las grandes depresiones cerradas dei norte dei pais. La Sierra Madre Occidental es completa mente disimétrica cuando se comparan sus dos laderas. Su vertiente oriental deciende regularmente y suavemente hacia el alti piano central dei norte, cuya altitud varia entre 1 000 Y 2 000 metros, mientras que en su vertiente occidental, el desnivel es mucha mas abrupto, y los dos escarban quebradas profundas para alcanzar su nivel base; es la region de las famosas "Barrancas dei Cobre" que los habitantes dei Estado de Chihuahua piensan son las mas profundas dei mundo (tienen localmente una profundidad de 1 850 metros) El agua es un recurso raro en el norte de México; ahi se localizan 54 % de las tierras cultivables dei pais, pero solo reciben un 7 % de las lluvias Esto no deja de causar problemas de usos dei recurso, debido a que hay muchos usuarios a menudo en competencia por un bajo volumen disponible. La Sierra Madre Occidental es indudablemente una fuente de agua en el centro dei norte mexicano érido y serni-arido: las Iluvias anuales alcanzan localmente 1 000 milimetros, yen casi toda el area, superan los 500 milimetros. La Sierra esta limitada al noroeste por el Resumen 323 324 La Sierra Madre occidentale, un château d'cau menacé desierto de Sonora, el mas seco de Norteamérica (Ilueven menos de 50 mm anuales en promed io en Me xicali), y al or iente por el desierto de Chih uahua, que es el mayor en superf icie dei conti nente, y que recibe men os de 200 mm en las depre sio nes endoré icas. Sin emb argo , por todas partes, la estaci6n de lIuvias so lo dura 3 0 4 meses, 10 que hace necesario almacena r agua para los pe riodos seco s cuando se necesita mas el recurso . De hecho, nu merosas presas fu eron co nst ruidas en los rios, ta nto en los que escurren hacia el Pacffi co (rio Yaq ui, rlo Hum aya, rio Sono ra, rio San Lorenzo, rio Mata pé, et c.) como en los que corren hacia las gra ndes depres iones interior es (principal men te los ya mencionados rios Conchos y Nazas). La relativa abundancia de agua de la Sierra Madre ti ene com o consecuen cia la presenci a de pastizales de mejor calidad nutri t iva qu e los de las areas aridas 0 serni-ari das circunda ntes Estos pastizales son susti tui dos, arri ba de los 2 400 m de altitud, por bosques de pino que cubrian ante riorme nte la mayoria de la supe rf icie de las mesetas . Estas co nd icione s favora bles a la activi dad agropecu aria explican la ant igüedad de los asentamien tos humanos. Se nota tanto en el pastizal como en el bosque un a sobre-e xplotaci6n dei medio ambien te y de los recursos naturales . Los pastizales estân sobre explotados, aparente mente desde hace varias décadas . El reparto de t ierras de las hacienda s en apl icaci6n de la Reforma Agr aria de 1936 se realiz6 ent re las décadas 1940 y 197 0 en la Sierra Madre que estaba entonces poco po blada . Este repar to produjo un aumento rapide de la poblaci6n , q ue a su vez t uvo como consecuencia un aum en to dei numero de rebanos y de la carga pasto ral, asf com o una desorganizaci6n dei sistem a de manejo de los pastizales. Esta desorgan izaci6n poc o a poco provoc6 un a disminuci6n de la calidad de los pasti zales y una degradaci6n de los suelos. Co mo los pastizales son cada vez menos pro du ctivos, pero la carga sigue creciendo pues la ganad eria vacuna es muy redituable; la especiali dad dei norte dei pais es criar becerr os de nueve meses para el mercado no rte -american o. AI mism o tiem po, la Sierra Mad re Occiden ta l se abri6 , a principio de los anos 197 0, a la exp lo taci6 n fo restal. Rapidarnent e, el estado de Duran go se vo lvi6 el prime ro de Méx ico (recordemos q ue M éxico es un estado federal, cuyo nom bre es " Estados Uni dos Me xicanos" ) en la pro ducci6n maderera . Las ciudades mas importantes, a men udo nacidas de la explotaci6n minera en sig los anteriores (Durango, Parral, Sant iago Papasquiaro, et c.) crearon indust rias de la madera y dei pape l. Esto pro voc6 una fuerte demanda de madera , 10 que cre6 una sobre explotac i6n dei bosque, dei que gran parte se extrae clandestinamente; al final de los anos 1990, la producci6n efectiva alcanz6 los 5 millones de m 3 anuales mientras que la producci6n autorizada era 5610 de 1,7 millones de rn'. Este tipo de explotaci6n "minera" (que no planea el manejo dei basque para periodos futuros ni una minima renovaci6n de sus recursos) aunado con el poder de corrupci6n de las empresas privadas poco interesadas en el estado dei media ambiente en México, produjo un fuerte desmonte: sin reforestaci6n, y con poco mantenimiento efectuado, los pueblos estaban listas a dejar salir toda su lena a cambio de algo de dinero Esta situaci6n se mejoro mucha en los ùltimos anos. Estos dos procesos de degradaci6n dei medio ambiente ya tuvieron consecuencias en el recurso agua. Eso fue 10 que motiv6 la creaci6n dei programa de investigaci6n "Usa y manejo dei agua en una gran cuenca dei Norte de México", iniciado en 1991 y cuyos resultados han sido expuestos en reportes técnicos entre 1998 y 2001 yen publicaciones cientificas desde 2001. Numerosos estudios se Ilevaron a cabo en este programa manejado por el Departamento de Aguas Continentales dei IRD (Instituto Francés de Investigaci6n para el Desarrollo) y el CENIDRASPA (Centra Nacional de Investigaci6n Disciplinarla en la Relaci6n Agua Suelo Planta Atm6sfera), centro de investigaci6n dei INIFAP (instituto Nacional de Investigaci6n Forestal y Agra-Pecuaria), ubicado en G6mez Palacio, estado de Durango, en el Norte de México De estas investigaciones, resulta que la sobre explotaci6n dei medio ambiente en la Sierra Madre Occidental, cuyas causas principales son, como 10 vimos, el sobre pastoreo y el desman te, caus6 una degradaci6n de los suelos en una proporci6n importante dei area total. Esta degradaci6n de los sue los provoc6 una fuerte modificaci6n de sus caracteristicas hidradinamicas. El pisoteo dei ganado, la desaparici6n progresiva de las gramineas, el crecimiento de las àreas de suelo desnudo, causaron una compactaci6n dei suelo y la exportaci6n de los elementos mas finos y mas nutritives de los horizon tes superficiales A su vez, la degradaci6n dei suelo y de la vegetaci6n causaron una reducci6n de la capacidad de absorci6n de agua en los suelos y, con elle. la retenci6n total de agua en las cuencas, un incremento dei escurrimiento instantanee, un aumento dei pico de avenida y una disminuci6n dei gasto base. La capacidad hidrauhca de la Sierra Madre Occidental (0 sea su capacidad para proveer agua a las partes ubicadas aguas abajo) que fuertemente disminuida. Durante los anos 1990, relativamente secos en el norte dei pais, se vieron quedar vacias varias veces a las grandes presas construidas de ambos lados de la Sierra, aùn al final de la temporada de Iluvias. Resumen 325 326 La Sierra Madreoccidentale, un château d'eau menacé A la escala de la parcela experimental, 0 de la pequena cuenca experimental, 0 de la cuenca hidrol6gica de primer orden (varios miles de km 2) se analizaron ocho anos de observaciones hidrol6gicas asi como los datos hist6ricos que permitieron comprobar los procesos siguientes: - una estabilidad dei coeficiente de escurrimiento: no se observa todavia una reducci6n de los escurrimientos totales; - una disminuci6n dei tiempo de respuesta a las precipitaciones; el agua escurre en la cuenca mas rapide que antes, - un aumento de los gastos de avenida en relaci6n con los gastos base; esta significa que el agua, al escurrirse mas pronto en las avenidas, recarga menas el suelo y los acuiferos ; queda menas agua en las cuencas para garantizar un escurrimiento perenne, que resulta mas util durante la larga temporada seca (8 meses) ; - una reducci6n dei contenido en agua dei suelo y de su capacidad fisica de infiltraci6n y de almacenamiento de agua ; - las avenidas son mas cortas y mas fuertes que antes, los estiajes mas largos y pronunciados. Todos estos procesos hacen mas fragil el papel de fuente de agua a la Sierra Madre Occidental y van a hacer mas dificil el manejo dei agua en los pr6ximos anos Efectivamente, aguas abajo, las areas "consumidoras" de agua han tenido, en el pasado, un manejo poco patrimonial de los recursos. El riego se desarrol16 muy rapidarnente a partir de los anos 1940, gracias a la construcci6n de grandes presas y a la instalaci6n de grandes distritos de riego. Estos usaron primera la totalidad de las aguas superficiales venidas de la sierra. Luego empezaron a usar las aguas sub- terréneas para poder seguir creciendo sin mejorar el rendimiento hidraulico: una politica federal de bajo costa de la energia condujo a ir a buscar el agua cada vez mas profunda 0 mas lejana en vez de optimizar los rendimientos e invertir en técnicas de riego mas costosas pero ahorradoras dei recurso; también se dejar on desarrollar fugas y pérdidas en conducci6n. Los anos 1990 vieron Ilegar una larga y pronunciada sequia y la entrada de México en el TLCAN (tratado de libre comercio con América dei Norte), que tuvo como consecuencia el final de los subsidios a la agricultura (esto dei lado mexicano, por supuesto, ya que dei otro lado de la frontera, los campesinos americanos tuvieron mayores subsidios para seguir creciendo, autorizàndoles a inundar el mercado mexicano con su maiz y sus frijoles 1). Durante el mismo periodo, México fue afortunadamente tocado por la moda dei" Manejo Integrado dei Reeurso Agua", asi que la nueva Ley de Aguas Nacionales, inaugurada en abril dei 2004, promueve fuerte- mente las asociacione s de usuarios a fin de crear y mane jar un sistema de usuario-pagador (0 de con t am inador-pagador , si el usuar io modifica el ag ua en vez de 0 ademâs de co nsum irla) basado en la cuen ca hi d ro l6gica y no sob re el simple con tr o l de 105 rios. El principio es q ue t odo ocu pante de espacio en una cue nca 0 q uien pueda moditicar el recurso agua con su actividad es considerado como un usuario : asf los ganaderos cuyo s reba iios m odi f ican el co mpo rtam ient o de 105 suelos, 0 lo s indust riales de la madera que provocan camb ios en el ciclo de i agua son con siderados como usuarios dei agua . Esto deberfa ayud ar en resolver numerosos prob lemas pendientes en el uso dei agua, conflictos surg id os en las ulti mes décadas: - en la fronter a co n Estados Unidos por el repart o de las ag uas de 105 rios front erizos : rio Tijuan a, rio Colo rado, rio Bravo dei Norte; - entre estados de Mé xico por el mismo repa rto (proyectos de tran sferenc ia masiva dei agua que fueron anulados por Ialta de convergen cia ent re 105 estados; - entre usuar ios sobre todo, pue s actu almente, el agua se paga y 5610 las actividades creadoras de fuerte valo r agregado por unidad de volumen de agua, podra n permanece r en las zonas aridas 0 serniaridas. donde el agua es cara por ser escasa. M edian te regl as de buen man ejo dei espacio y de i recurso suelo- vegetaci6n-ag ua (y no ùnicarnen te dei aqua ), la Sierra Mad re Occidental sequira siendo la fuen te de agua principal dei No rte de Mé xico ; el regre so de anos con buenas lIuvias (en 2004) y la apl icaci6 n de la nueva Ley de Aguas Naciona les deberian per mit ir la perma nencia de 105 distr ito s de riego de pie-de-monte y el desar rollo de las areas de montaiia gracias a una agricultura especializada (huertos, ho rtalizas.. ) y al ecoturismo, favorecido por una gran riqueza y variedad de sit ios natura les en esta cord illera. Traduction Luc DE SCROIX Rcs umen 327 Achevé d'imprimer sur les presses de l'imprimer ie Lou isJean (Gap, France) Dépôt légal. 7 14 - déce mbre 2005 Mots clés Montagne Sierra Madre occidentale Ressources en eau Surpâturage Bassin-versant Mexique L'l'au csl l'arc au nord du .\ k xiqUL'. L 'I I~ I gL'sliL111 dc CL'llc t'L'SSL1UI'lL' limitee CSl devenue une priL1rilL' nationale. Dans LL' LL1111L'XtL'. la S iL ' 1T ~l .\ \adrL' ouidcntalc. chareau d L'dU .pour !OU I IL' nord du pays. L'Si un L'SpaCL' pankulicrcmcnt ù 111\ "L1ilL'. La relative abondan«: en cau y a cruraiuc IL' dL'\ 'L'll1pPL'ment dl' p ~ î I U I ( l gL ' ~ Cl d't'xpk1ilé:Il Ïl1IlS lorcsti èrcs. PI\1\"ll quaru UI1L' surcxploit.uion dcs milieux l'[ des rCSSL1uIO:S. kl lkgradlltiol1 llL'S SL11s lice au suqxituragc L'I au d éboisement conduit dl' tait incvitablemcm :1 celle de l't'cil 1 L't menace aujourd'hui iL' !,L1tL'llliL'! lk lL1UIL' (L'ne rL'giL111. 213, rue la Fayette 75480 Paris cedex 10 Diffusion: 32, avenue Henri-Varagnat 93143 Bondy cedex fax: 01 48 02 79 09 diffusion@bondy.ird.fr www.ird.fr .-\ Ira\\'r5 dL'S L'ludes dL' ùlS " rl'(ises. CL't ouvrage 111l1IllrL' l l1111111L'1ll Id gL'~li l1 dl' 1L'tHIl'SI liee a celle dl' l'esr~ 'l L'I lll'ü'ssil l' la prisL' L'Il l'l111lpll' .lcs bcsoius dl' l'ensemble des usagers. du buchcron au gardiell dl' \I l1UPl\\lI\.. Ù'Ul' gCStiO ll p.urimonialc, qui permet dl' rl'git'r les nombreux con tlits dusagl'. tortue un modele de developpement dont dl' nombreux pays dc IIIl1 111dgllL' pourraient <inspirer. 42€