Résumé. Des dispositifs de standardisation des pratiques agricoles durables émergent au début des années 2000 en vue de dessiner des règles de comportement responsable des firmes. Reposant sur des engagements volontaires de la part des...
moreRésumé. Des dispositifs de standardisation des pratiques agricoles durables émergent au
début des années 2000 en vue de dessiner des règles de comportement responsable des firmes.
Reposant sur des engagements volontaires de la part des firmes, ces dispositifs se structurent
le plus souvent autour d’un produit agricole donné et réunissent les différents opérateurs de la
filière (producteurs, acheteurs, transformateurs, détaillants), ainsi que des ONG, des banques
et parfois des États, pour définir et contrôler des pratiques de production durables. Ils ont pour
ambition de réguler les impacts environnementaux et sociaux causés par l’agriculture, notamment
industrielle. Pourtant, certains auteurs attirent l’attention sur la difficulté « d’internaliser
» des effets négatifs et des coûts que le commerce international rend invisibles, par un effet
de « distance ». En s’appuyant sur les travaux de Princen (1997), ce chapitre interroge la capacité
des dispositifs de standardisation à rendre à nouveau visibles des effets « obscurcis » par la
distance et l’action stratégique des firmes et des États. La distance est entendue ici sous différentes
composantes : géographique, mais aussi (et surtout) liées à des asymétries de contrat,
à une capacité cognitive d’interprétation limitée dans un échange entre personnes et lieux
« étrangers » ou encore à un nombre élevé d’intermédiaires. À partir d’une analyse empirique
de dispositifs de standardisation et d’une revue de la littérature, nous montrons que les standards
de durabilité ont écarté une partie de la critique sociale et environnementale posée dans
le débat public plus large, de même qu’ils ont laissé de côté des préoccupations portées par les
personnes affectées elles-mêmes. Caractérisés par une forme de « gouvernement par les stakeholders
», ces dispositifs conduisent en effet à une dépolitisation du débat et par conséquent
à écarter certaines perspectives politiques et expressions du bien commun. Par ailleurs, ils
écartent certaines relations que les personnes entretiennent avec leur environnement, rendant
invisible une partie des dommages. Ainsi, ces standards de durabilité ne permettent pas de
traiter une partie des impacts négatifs de l’agriculture industrielle exportatrice de biomasse.
Ces dispositifs ont jusqu’à présent laissé de côté ou écarté les constructions de la durabilité
dont le projet était justement de réduire les différentes dimensions de la distance