L'Évolution Des Méthodologies
L'Évolution Des Méthodologies
L'Évolution Des Méthodologies
En cette année 2001, déclarée année européenne des langues, nous vous
proposons un parcours à travers les différentes méthodologies de l’enseignement
des langues étrangères et en particulier du français, depuis le XIXème siècle
jusqu’à nos jours, afin d’en apprécier l’évolution initiale et la possible stagnation
postérieure.
On peut dire que les objectifs d’apprentissage d’une langue étrangère ont
énormément varié depuis la méthodologie traditionnelle. Au XIXème siècle,
l’objectif culturel était prioritaire; en effet, on étudiait une langue étrangère par
et pour sa littérature, ses proverbes, sa culture en général. Ces connaissances
accordaient une catégorie sociale et intellectuelle supérieures et distinguaient
tout particulièrement l’apprenant de langue étrangère. Par contre, dès 1950, on a
préféré l’objectif pratique qui privilégiait un enseignement de la langue
considérée comme un outil de communication destiné à engager efficacement
une conversation avec des personnes parlant une autre langue.
Alors que dans les années 1960 l’enseignement des langues en milieu scolaire
était à son apogée, dans les années 1980 on peut dire qu’il stagne. Parallèlement
à cette situation, on étudie de plus en plus les spécificités de l’enseignement des
langues étrangères aux adultes. L’apprenant occupe alors une place de choix
dans le processus de formation qui privilégie à présent l’analyse des publics et
de leurs besoins pour déterminer des objectifs et des itinéraires d’apprentissage
spécifiques.
1. La méthodologie traditionnelle.
F. Gouin avait une particulière conception de la langue que nous n’allons pas
nous attarder à présenter ici, qui lui a permis de créer la méthode des séries. Une
“série linguistique” étant pour lui une suite enchaînée de récits, de descriptions,
de thèmes qui reproduisent dans l’ordre chronologique tous les moments et
phénomènes connus de ce thème. C’est ainsi qu’il dresse une “série” de phrases
qui représentent dans l’ordre chronologique toutes les actions nécessaires pour,
par exemple, aller puiser de l’eau. Il établit une progression de thèmes de la vie
quotidienne par difficultés. Cependant, sa méthode reste incomplète car il ne
présente que quelques-unes des séries possibles.
En dépit des critiques qui ont été faites à la méthode naturelle de F. Gouin et de
la difficulté de sa mise en place dans le système scolaire, il est indéniable que
cette méthode a provoqué une certaine révolution en s’opposant radicalement à
la méthodologie traditionnelle utilisée par ses contemporains.
3. La méthodologie directe.
La méthodologie directe est considérée historiquement par C. Puren comme la
première méthodologie spécifique à l’enseignement des langues vivantes
étrangères. Elle résulte d’une évolution interne de la méthodologie traditionnelle
( apparition des CTOP), et de la méthode naturelle qui a anticipé certains de ses
principes. De plus, de nombreux facteurs externes dont nous parlerons plus tard
ont impulsé son développement.
Dès la fin du XIXème siècle la France désirait s’ouvrir sur l’étranger. La société
ne voulait plus d’une langue exclusivement littéraire, elle avait besoin d’un outil
de communication qui puisse favoriser le développement des échanges
économiques, politiques, culturels et touristiques qui s’accélérait à cette époque.
Par méthode orale on désignait l’ensemble des procédés et des techniques visant
à la pratique orale de la langue en classe. Les productions orales des élèves en
classe constituaient une réaction aux questions du professeur afin de préparer la
pratique orale après la sortie du système scolaire. L’objectif de la méthode orale
était donc pratique. Le passage à l’écrit restait au second plan et était conçu
comme le moyen de fixer par l’écriture ce que l’élève savait déjà employer
oralement, c’est ce que certains ont nommé un "oral scripturé". D’après
l’instruction de 1902, la progression vers la rédaction libre passait par la dictée,
puis par des reproductions de récits lus en classe et enfin par des exercices de
composition libre.
Le déclin de la méthodologie directe fut provoqué par des problèmes aussi bien
internes qu’externes. Les problèmes internes les plus importants ont été
l’incontrôlable inflation lexicale et l’intransigeance dans l’utilisation de la
langue maternelle. En ce qui concerne les problèmes externes ont peut citer le
refus par les enseignants d’une méthodologie qui leur a été imposée par une
instruction officielle et l’ambition excessive de cette méthodologie qui exigeait
des professeurs une excellente maîtrise de la langue orale sans pour autant offrir
un recyclage massif des enseignants. Raison pour laquelle L. Marchand la
qualifie de “véritable gaspillage d’énergie”.[4] On peut ajouter que la plupart
des enseignants ont contourné la méthodologie directe et se sont lancés dans une
période d’éclectisme pendant laquelle ils utilisaient le manuel direct d’une
manière traditionnelle, répondant vraisemblablement ainsi à un manque
d’identification avec une méthodologie trop innovante.
4. La méthodologie active.
5. La méthodologie audio-orale.
Ses origines remontent aux linguistes appliqués britanniques des années 1920-
1930 Palmer et Hornby qui voulaient jeter les bases scientifiques d’une
approche orale qui ne reposerait pas sur l’intuition comme pour la méthodologie
directe. L’accent est placé sur les principes de choix et d’organisation du
contenu linguistique à enseigner. Cette méthode était connue vers les années
1950 comme la méthode orale britannique.
Palmer estimait qu’il existait des structures universelles pour toutes les langues,
idée qui sera remise en cause par la suite. De même la conception béhavioriste
de l’apprentissage est dépassée aujourd’hui par la psychologie cognitive qui
considère que l’apprentissage correspond à un conditionnement interne et non
externe.
7. La méthodologie audiovisuelle.
Les méthodologues du CREDIF vont publier en 1954 les résultats de cette étude
lexicale en deux listes: un français fondamental premier degré constitué de 1475
mots, puis un français fondamental second degré comprenant 1609 mots. Le
français fondamental est considéré comme une base indispensable pour une
première étape d’apprentissage du FLE pour des élèves en situation scolaire. Il
désire leur proposer une acquisition progressive et rationnelle de la langue qui
devrait leur permettre de mieux la maîtriser. Le français fondamental a été
l’objet de beaucoup de critiques surtout d’ordre linguistique: pour certains,
c’était un crime contre l’intégrité de la langue française, pour d’autres, il devait
être actualisé car certains dialogues “fabriqués” présentaient une langue peu
vraisemblable, il devait également tenir en compte les besoins langagiers et les
motivations réelles du public visé. C’est ce que prétendra faire plus tard le
CREDIF avec un Niveau Seuil.
Selon C. Puren, la MAV française est une méthode originale, parce qu’elle
constitue une synthèse inédite entre l’héritage direct, la méthodologie induite par
les moyens audiovisuels et une psychologie de l’apprentissage spécifique, le
structuroglobalisme. La MAV se situait dans le prolongement de la
méthodologie directe tout en essayant de donner des solutions aux problèmes
auxquels s’étaient heurtés les méthodologues directs. Les didacticiens français
ont également reconnu l’influence décisive américaine dans les débuts de
l’élaboration de la MAV française, cependant c’est Chomsky qui influencera la
suite de son élaboration et la méthodologie finie.
Pour la méthode directe ce sont les images qui servent de point de départ pour
une compréhension directe, c’est-à-dire sans passer par la langue maternelle.
Cette méthode s’appliquera aussi bien à l’enseignement du lexique (sans
recourir à la traduction en langue maternelle) qu’à l’enseignement grammatical
(sans l’intermédiaire de la règle, l’apprenant saisit les règles de manière
intuitive). Comme la méthode directe, la méthode audiovisuelle s’appuie sur un
document de base dialogué conçu pour présenter le vocabulaire et les structures
à étudier.
La méthode intuitive en fait aussi partie étant donné que l’image audiovisuelle
permet au professeur d’éviter les “pitreries” auxquelles il était condamné par la
méthodologie directe. Le dialogue sert à illustrer dans un contexte un nombre de
mots usuels nouveaux par un procédé intuitif. En effet l’élève établit une
association systématique du dialogue et de l’image chargée de représenter la
situation de communication. La MAV se différencie de la méthodologie directe
parce qu’elle interdit toute explication grammaticale. Les exercices structuraux
fonctionnent comme une technique d’application de la méthode intuitive
intégrale en enseignement grammatical et c’est le professeur qui facilitera à
l’élève au cours des exercices l’analyse implicite des structures.
Et finalement les méthodes imitative et répétitive que l’on retrouve dans les
exercices de mémorisation et dramatisation du dialogue de base, et dans les
exercices structuraux réalisés au laboratoire ou dans les exercices écrits.
8. L’approche communicative.
L’approche communicative s’est développée en France à partir des années 1970
en réaction contre la méthodologie audio-orale et la méthodologie audio-
visuelle. Elle apparaît au moment où l’on remet en cause en Grande-Bretagne
l’approche situationnelle et où aux USA la grammaire générative-
transformationnelle de Chomsky est en plein apogée. Elle est appelée approche
et non méthodologie par souci de prudence, puisqu’on ne la considérait pas
comme une méthodologie constituée solide. Quoique Chomsky ait beaucoup
critiqué les méthodes audio-orale et situationnelle, sa linguistique n’est pas
directement la source de l’approche communicative. En effet, c’est la
convergence de quelques courants de recherche ainsi que l’avènement de
différents besoins linguistiques dans le cadre européen ( Marché commun,
Conseil de l’Europe, etc.) qui a en définitive donné naissance à l’approche
communicative.
Il n’y a pas de rupture dans les objectifs entre les méthodes structurales et la
méthode fonctionnelle comme cela avait été le cas entre les méthodologies
directe et traditionnelle. La différence se situe au niveau de la compétence: pour
les structuralistes l’important est la compétence linguistique tandis que pour les
fonctionnalistes il faut privilégier la compétence de communication, c’est-à-dire
l’emploi de la langue.
Le français fonctionnel, lui, est fondé sur les besoins langagiers réels des
individus. Il envisage une relation de locuteur à locuteur dans certaines
situations de communication, et selon certains rôles sociaux. Un Niveau Seuil
est la tentative la plus importante d’élaboration d’un français fonctionnel pour
l’enseignement du français à des étrangers adultes. On détermine les besoins
langagiers des apprenants en fonction des actes de parole qu’ils auront à
accomplir dans certaines situations. Cependant le français fonctionnel et le
français instrumental ont le même objectif pédagogique, celui de l’enseignement
volontairement limité plus ou moins utilitaire et répondant à un appel urgent
d’un public spécialisé.
Jusque là en enseignement scolaire les besoins langagiers étaient inconnus.
L’enseignant fixait les contenus d’apprentissage à partir d’objectifs généraux.
D’après Richterich l’enseignement d’une langue est étroitement lié au type de
public auquel il s’adresse, il est donc indispensable de faire une description
minutieuse du public visé. Même si la notion de besoin est ambiguë et se
confond parfois avec intérêt, but, etc., l’élève demande d’autant plus de
formation qu’il a lui-même une formation plus large. Néanmoins, il existe de
nombreux facteurs de diversification des besoins des apprenants selon le pays où
il habite et les contacts que ce pays entretient avec les pays où l’on parle la
langue étrangère, son niveau de langue, la filière choisie dans ses études et les
propres différences entre individus.
Pour les méthodologues, les étudiants qui ont besoin d’apprendre le français
pour des raisons professionnelles seraient motivés par une approche
fonctionnelle, contrairement aux apprenants en milieu scolaire qui apprennent
une langue étrangère par obligation.
9. L’éclectisme actuel
Cette méthodologie s’articule autour d’un dialogue principal qui sert de base à
l’essentiel des activités de systématisation qui exploitent ce support au niveau du
lexique, de la grammaire, de la graphie, de la correction phonétique, des
dimensions culturelles, etc. Les activités sont présentées dans un ordre aléatoire
et la cohésion entre le support souvent authentique et les activités proposées est
faible. L’acquisition des compétences formelles est privilégiée (morphologie et
syntaxe), les compétences culturelles par contre sont abordées en fin d’unité
didactique. D’autre part, l’exercice à trous est largement utilisé.
Comme nous nous sommes proposé d’exposer ici, les méthodologies surgissent
parfois comme réaction aux méthodologies précédentes (c’est le cas de la
méthodologie directe par rapport à la méthodologie traditionnelle) ou bien
comme de simples ajustements méthodologiques (c’est le cas de la
méthodologie active par rapport à la méthodologie directe) ou encore comme
une reformulation plus profonde faisant appel à d’autres théories de référence
comme la psycholinguistique, la sociolinguistique, la pédagogie, la politique,
etc. (c’est le cas des méthodologies audiovisuelle et communicative). Cependant
les didacticiens sont partagés sur l’évolution méthodologique: les uns la
conçoivent comme un phénomène récurrent, comme si elle tournait en rond,
alors que d’autres la voient comme un mouvement de progression en spirale. Ce
qui ne fait aucun doute est que la didactique a constamment évolué, parfois
timidement mais souvent d’une manière radicale dans un soucis de
modernisation et d’efficacité. En effet, l’objectif de la didactique est toujours
d’enseigner mieux, plus vite et donc plus efficacement. La didactique se livre
donc à une autoévaluation constante en remettant en cause les acquis de la
méthodologie en place, afin d’améliorer le processus d’apprentissage. C’est en
effet l’échec partiel ou total des stratégies mises en place qui déclenche le besoin
de changement méthodologique, même si d’autres facteurs externes (sociaux,
politiques, économiques, etc.) peuvent influencer également le processus de
changement.