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Boisdefeu Jean-Marie - Divers Articles

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Autres publications de Jean-Marie Boisdefeu


Page 2 - De Gaulle et l’extermination des juifs. Le général était-il un révisionniste ?
7 - Au sujet du convoi de juifs hollandais arrivé à Birkenau le 25 mars 1944 ou Comment les historiens fabriquent
des gazés
9 - Etude sur les Survivors américains de l’Holocauste
12 - Joseph G., juif polonais né à Birkenau en 1943 et arrivé en France en 1945
16 - Le « Plan Birobidjan » des Allemands
18 - A propos des jumeaux d’Auschwitz
23 - La sélection à l’arrivée à Auschwitz. Les camions chargés d’inaptes allaient-ils vers les chambres à gaz ou
vers les ghettos polonais ? Exemple d’interprétation d’un témoignage à la lumière du dogme.
25 - Des enfants rescapés d’Auschwitz
28 - Un témoignage d’enfant sur Auschwitz
29 - Ernst Nolte et le révisionnisme
30 - Interview des jumeaux Irène H. et René S.
32 - Mais pourquoi donc les enfants juifs déportés de Vught (Pays-Bas) à Auschwitz le 3 juin 1944 n’ont-ils pas été
gazés ?
34 - « Alors Charles, tu savais ou tu ne savais pas ? »
36 - « En 1942 déjà, on savait … » A propos du « télégramme Riegner »
38 - Mais pourquoi donc Sara (11 ans), son petit frère et son (tout) petit neveu n’ont-ils pas été gazés ?
39 - Auschwitz-Birkenau : Sélection des aptes pour le travail (« file de droite ») et des inaptes pour les crématoires
(« file de gauche »). Exemple : le convoi belge n° XXV arrivé le 21 mai 1944.

Publication de Enrique Aynat et Jean-Marie Boisdefeu


41 - Victor Martin et le « rapport Martin ». Etude de sa valeur en tant que source historique.
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De Gaulle et l’extermination des juifs.


Le général était-il un révisionniste ?
Jean-Marie Boisdefeu
En 1984 déjà, le professeur Robert Faurisson avait relevé le fait que le général De Gaulle n’avait jamais
prononcé les mots « chambres à gaz » et cela, suggère le professeur, pour la simple raison qu’il n’y
croyait pas [1] ; toutefois, ce n’est vraiment qu’à l’occasion du procès Papon qu’on s’est enfin interrogé
publiquement sur l’attitude de De Gaulle face à l’extermination des juifs par les Allemands.
Pour les uns, le général « savait » -d’ailleurs, de Pie XII à Papon, tout le monde savait- mais il s’est tu au point de
ne même pas faire allusion à l’extermination des juifs dans ses Mémoires de guerre ; De Gaulle aurait ainsi fait
preuve d’une insensibilité impardonnable qu’expliquerait un antisémitisme quasi atavique. Terrifiés par ces
accusations, notamment celle d’antisémitisme, les autres répondent que le général n’était nullement antisémite, au
contraire, mais qu’il « ne savait pas » : il ignorait tout simplement l’existence des camps d’extermination et
de leurs chambres à gaz ; il n’avait connaissance que de la déportation des juifs et il l’a d’ailleurs
déplorée à plusieurs reprises dans ses Mémoires de guerre.
En fait, tout cela est imprécis, confus, peut-être même hypocrite :
• De quoi discute-t-on ? Qu’est-ce que le général savait ou ne savait pas ? Certains confondent
déportation et extermination dans des chambres à gaz.
• A quelle époque se situe cette connaissance ou cette ignorance ? Certains confondent avec une
légèreté étonnante la période de la guerre, celle de l’immédiate après-guerre et celle d’après les grands
procès médiatisés (parfois même pédagogiques) organisés par les vainqueurs (dont la France).
• Pourquoi le général a-t-il eu l’attitude que certains lui reprochent ? Parce qu’il était antisémite ?
Parce qu’il ne savait pas ? Ou, tout simplement parce qu’il ne croyait pas à l’extermination des juifs
dans des chambres à gaz ou par tout autre moyen, comme le pense Robert Faurisson ?
Avant d’examiner dans le détail les arguments des uns et des autres, rappelons sommairement la chronologie de
certains faits :
• Janvier 1942 : Conférence de Wannsee, signal donné à l’extermination des juifs européens, selon
les historiens officiels. Dès le deuxième trimestre de 1942 commence la déportation des juifs installés
en Europe occidentale, notamment en France ; destination : Auschwitz et ses chambres à gaz.
• Dès 1942, les associations juives informent les Alliés de l’extermination systématique des
juifs.
• 1945 : Capitulation de l’Allemagne et retour en Occident d’un faible pourcentage des déportés
juifs
(dont, avant même la fin de la guerre, un certain nombre de détenus d’Auschwitz).
• A partir de 1945 : Procès des chefs nazis à Nuremberg. Le procureur français n’est pas le moins
ardent dans l’accusation de génocide. Le jugement de Nuremberg est la référence retenue dans
l’amendement Gayssot destiné à réprimer la contestation de la version officielle de l’histoire en cette
matière.
• A partir de 1947 : Procès des chefs SS des camps d’extermination d’Auschwitz et ailleurs à
Cracovie et Varsovie.
• 1949 : Publication en français des Mémoires du général
Eisenhower.
• De 1948 à 1954 : Publication en français des Mémoires de Winston
Churchill.
• 1954 : Publication du tome 1 des Mémoires de guerre de De
Gaulle.
• 1956 : Publication du tome 2 des Mémoires de guerre de De
Gaulle.
• 1959 : Publication du tome 3 des Mémoires de guerre de De
Gaulle.
• 1961 : Procès de Jérusalem contre Eichmann, lequel est présenté comme le grand organisateur de
la
Solution finale. Il est à noter que ce procès avait déjà été instruit depuis longtemps par la presse.
• 1963-1965 : Procès de Francfort dit aussi procès d’Auschwitz contre des SS subalternes
d’Auschwitz.
• 1967 : Déclaration de De Gaulle sur les juifs, « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur
».
• 1970 : Les Mémoires de guerre de De Gaulle seront réédités sans modification de texte jusqu’en
1970 au moins, c’est-à-dire jusqu’à la mort du général.
Le premier à avoir répondu à l’accusation portée contre De Gaulle est Henri Amouroux. Dans le
Figaro- Magazine du 10 avril 1998 [pp. 30 et 32 : « De Gaulle est-il coupable ? »], le célèbre historien et
membre de l’Institut s’interroge sur la responsabilité éventuelle du général dans « l’ignorance française face au
génocide ». Amouroux y reconnaît que la question du génocide des juifs n’a été que « peu - ou pas- abordée
par le général de Gaulle » dans ses Mémoires de guerre. Ceci peut s’expliquer, dit-il, par le fait que
l’extermination et le rôle de

[1] Interview donnée à M. Mugarza le 18 juin 1984 ; voyez aussi « Précisions sur le détail », National Hebdo, 1-7 janvier 1998, p. 15 et
« Pires que Le Pen, les révisionnistes Churchill, Eisenhower et de Gaulle », National Hebdo, 5-11 novembre 1998, p. 17. On peut en trouver
le texte dans « Ecrits révisionnistes (1974-1998) », édition privée hors-commerce, 1999 : vol. II, p. 521 ; vol. IV, pp. 1843 sqq. et pp. 1889
sqq.
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Vichy n’étaient pas connus des Français de 1945. Et de s’appuyer sur le fait qu’en 1945, des journaux comme
Le
Monde et Le Figaro ne contenaient pas d’informations sur le sujet.
Cette analyse est vraiment étonnante :
• Tout d’abord, on doit se demander comment il se peut que le chef de la France Libre n’ait pas été
au courant dès 1942/1943 de l’extermination des juifs ? Cette thèse est d’ailleurs contraire
aux enseignements de l’histoire officielle.
• Ensuite, Amouroux compare deux périodes [1945 et 1954/1959, période de parution des Mémoires
de
guerre] certes très proches mais très différentes, car elles sont séparées, ainsi que nous l’avons vu, par
toute une série de procès largement médiatisés contre les chefs nazis à Nuremberg et les chefs
SS responsables des camps d’extermination (sans oublier, en ce qui concerne les rééditions, les procès
de Jérusalem et de Francfort).
On doit donc exclure que De Gaulle n’ait pas entendu parler de l’extermination des juifs, lorsqu’il publia
ses
Mémoires de guerre de 1954 à 1959. (Rappelons qu’ils ont été réédités au moins jusqu’en 1970 sans correction
du texte original.)
Répondant à Gérard Boulanger, avocat des parties civiles au procès Papon et qui a fait remarquer dans son livre
Papon, un intrus dans la République que, jamais, De Gaulle n’avait parlé d’extermination des juifs dans des
chambres à gaz ou par d’autres moyens (remarque déjà faite par le professeur Faurisson ainsi que nous
l’avons vu), Jean Foyer, ancien ministre du général De Gaulle et président de l’Institut Charles De Gaulle,
écrivait dans Le Figaro-Magazine du 8 novembre 1997, p 11, que cela était faux et de citer les passages
suivants des Mémoires de guerre du général (pagination de l’édition en livre de poche chez Plon : 1958 pour
le tome 2 et
1961 pour le tome 3) :
• Tome 2, p 49 : « Au cours de l’été [1942], s’aggravait la persécution des Juifs, menée par un
’commissariat’ spécial de concert avec l’envahisseur. »
• Tome 2, p 109 : « Au cours de l’hiver [1942], redoublait la persécution des Juifs malgré
l’indignation publique, les protestations des évêques -comme Mgr Saliège à Toulouse, le cardinal Gerlier
à Lyon-, la réprobation du pasteur Boegner, président de la Fédération protestante de France. »
• Tome 2, p 209 : « Pendant la même période [premier semestre de 1944], s’étalent les
honteuses
horreurs de la persécution juive. »
• Tome 3, p 208 : « (...) car la lutte fut salie de crimes qui font honte au genre humain.
»
Contrairement à ce que prétend Jean Foyer, il est bien difficile d’admettre que tous ces passages, en
admettant qu’ils s’appliquent tous aux juifs, portent sur une « extermination » massive et programmée des
juifs. Certes, le général emploie l’épithète « horrible » mais il se garde bien d’employer les mots « extermination
» et « chambres à gaz » ; ces passages semblent donc plutôt décrire une « persécution » « honteuse » prenant
finalement la forme d’une déportation d’hommes, de femmes et d’enfants dans des conditions « horribles » ; ce
discours est d’ailleurs fort banal, tout le monde admettant, par exemple, que les conditions régnant à
Auschwitz au plus fort de la déportation des juifs de France étaient lamentables.
De son côté, en appui à un article de Georges Broussine dans Le Point du 20 juin 1998 (article n’apportant rien
au débat) et en rupture avec l’histoire officielle, Alain Peyrefitte, ancien ministre et biographe de De Gaulle
affirmait (Le Point du 27 juin 1998) : « Je peux affirmer, d’après ses propres confidences, que le général, qui
n’affabulait jamais sur ce genre d’affaires [sic], n’était pas informé de l’existence des camps
d’extermination. Dans le tome III de C’était de Gaulle, je me propose de rendre publics ces propos privés.
Comment en aurait-il connu l’existence, tandis que Churchill et Roosevelt, apparemment, l’ignoraient ?
Pourquoi n’ont-ils pas réagi ? » En attendant, Peyrefitte protestait contre l’affirmation que le général ait «
omis de parler des Juifs » dans ses Mémoires mais en ne s’appuyant toutefois que sur les seuls 3 premiers des
quatre extraits déjà cités par Jean Foyer et dont nous avons dit qu’ils n’étaient pas convaincants.
Certains ont pris cette promesse de révélations pour argent comptant et n’ont même pas attendu la
publication dudit tome 3 pour s’y référer : ainsi, Jean-Louis Crémieux-Brilhac (ex-chef de service à
l’information de la France Libre à Londres) écrit-il dans La lettre des Résistants et des Déportés Juifs de
sept-oct 1999 : « Le général De Gaulle pourra dire 20 ans plus tard à Alain Peyrefitte qu’il avait ignoré jusqu’à
une date très tardive l’existence des camps d’extermination. » !
Depuis, on le sait, Alain Peyrefitte nous a quittés mais, fort heureusement, il a pu corriger les épreuves de
son tome 3 [publié par Fayard en 2000]. Nous en avons extrait ce qui suit :
• Dans un « Avertissement » [p 8] : « Rappelons toutefois que, seuls, peuvent être considérés
comme engageant le général de Gaulle ses écrits ou déclarations publiés. » C’est bien notre avis aussi.
• Dans le chapitre 3 intitulé « Les Israéliens n’ont rien à nous demander et nous n’avons rien à
leur donner » [pp 275 à 283] :
o [p. 282] : Conférence de presse du 27 novembre : On n’en a retenu, déplore Peyrefitte, que la
qualification des juifs de « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur » mais De Gaulle a
aussi parlé dans cette conférence de presse des « abominables persécutions qu’ils
avaient subies pendant la Deuxième Guerre mondiale ». Max Gallo l’avait déjà rappelé dans
Le Point,
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20 juin 1998 sans comprendre qu’en l’occurrence, ces précisions ne faisaient qu’aggraver le
cas du général.
o [p. 283, note de bas de page] : Tout à la fin de ce chapitre 3, Peyrefitte a ajouté une
très longue note de bas de page qui commence par un rappel : « Trois mois avant cette
conférence de presse, de Gaulle était à Auschwitz (cf. ch. 5, p 297) : on l’avait oublié ! ». [En
page 297, Peyrefitte relate effectivement le passage de De Gaulle à Auschwitz à l’occasion
d’une visite officielle en Pologne le 9 septembre 1967 : « Nous parcourons les
vestiges du camp d’extermination. Un monument rappelle la mémoire des 80.000 hommes,
femmes et enfants de France, qui ont disparu ici. Le Général y dépose une gerbe. Sur le
Livre d’or du camp, il écrit : ‘Quelle tristesse, quel dégoût et, malgré tout, quelle espérance
humaine ! ‘ »]
En deuxième lieu, Peyrefitte dit dans cette note de bas de page : « J’ai eu l’occasion
de souligner que, contrairement à ce qui est souvent dit et écrit, de Gaulle, dans ses Mémoires
de guerre, n’est pas silencieux sur ce qu’il appelle précisément, les trois fois qu’il en parle,
une persécution (...) » et de citer à nouveau d’une part les 3 extraits déjà cités des
Mémoires et d’autre part, des textes datant de 1940 et, dès lors, sans intérêt (De Gaulle y
parlait déjà de
« persécution »).
Et Peyrefitte de conclure cette note : « La vraie question, sur tous ces textes, est de
savoir pourquoi ils ont été obstinément occultés. »
En résumé, Peyrefitte n’a pas tenu ses promesses : il n’a fait finalement que rappeler les passages des
Mémoires cités par Jean Foyer, passages qui ne peuvent, ainsi que nous l’avons vu, s’appliquer à une
extermination des juifs.
Mais les deux anciens ministres du général ne se contentent pas de faire des citations qui ne sont pas
convaincantes ; plus grave : ils omettent de citer des passages plus éclairants encore sur ce que le général
aurait pu penser de la question :
• Tome 3, p 126 : De Gaulle fait le bilan humain de Vichy sans parler des juifs : « (...) 60.000
personnes avaient été exécutées, plus de 200.000 déportées dont à peine 50.000 survivraient. En
outre,
35.000 hommes et femmes s’étaient vus condamnés par les tribunaux de Vichy ; 70.000 ’suspects’
internés ; 35.000 fonctionnaires révoqués ; 15.000 militaires, dégradés, sous l’inculpation d’être des
résistants. »
• Tome 3, p 274 : De Gaulle fait le bilan humain de la guerre toujours sans parler des juifs : «
Viennent
de mourir, du fait de l’ennemi, 635.000 Français, dont 250.000 tués en combattant, 160.000
tombés sous les bombardements ou massacrés par les occupants, 150.000 victimes des sévices des
camps de déportation, 75.000 décédés comme prisonniers de guerre ou comme requis du travail.
En outre,
185.000 hommes sont devenus des invalides. » On relèvera que, dans la rubrique qui pourrait englober
les juifs exterminés, De Gaulle emploie les mots « sévices » (et non « assassinat » ou « extermination
»)
et « camps de déportation » (et non « camps d’extermination »).
• Tome 3, p 290/291 : De Gaulle dresse l’acte d’accusation de Vichy et il reparle de la persécution
des juifs (plus précisément de la « remise » de juifs à Hitler et des « mesures antisémites », mots
qui ne peuvent s’appliquer à une politique de collaboration à l’extermination des juifs) mais il va
en dire qu’elles font partie d’un ensemble de faits « accessoires » aux faits essentiels qu’étaient la
capitulation, l’abandon des alliés, la collaboration avec l’envahisseur ; et de regretter que ces faits
accessoires aient eu, dans les débats d’alors, une priorité qu’ils ne méritaient pas : « Toutes les fautes
que Vichy avait été amené à commettre ensuite : collaboration avec les envahisseurs ; lutte menée à
Dakar, au Gabon, en Syrie, à Madagascar, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, contre les Français Libres
ou contre les alliés ; combats livrés à la résistance en liaison directe avec les polices et les troupes
allemandes ; remise à Hitler de prisonniers politiques français, de juifs, d’étrangers réfugiés chez nous ;
concours fourni, sous forme de main-d’œuvre, de matières, de fabrications, de propagande, à l’appareil
guerrier de l’ennemi, découlaient infailliblement de cette source empoisonnée. Aussi étais-je contrarié
de voir la Haute-Cour, les milieux parlementaires, les journaux, s’abstenir dans une large mesure de
stigmatiser l’ ’armistice’ et, au contraire, se saisir longuement des faits qui lui étaient accessoires.
Encore mettaient-ils en exergue ceux qui se rapportaient à la lutte politique, plutôt qu’à celle du
pays contre l’ennemi du dehors. Trop souvent, les débats prenaient l’allure d’un procès
partisan, voire quelquefois d’un règlement de comptes, alors que l’affaire n’aurait dû être traitée que
du seul point de vue de la défense et de l’indépendance nationale. Les anciens complots de la
Cagoule, la dispersion du parlement après qu’il eut abdiqué, la détention de parlementaires, le procès
de Riom, le serment exigé des magistrats et des fonctionnaires, la charte du travail, les mesures
antisémites, les poursuites contre les communistes, le sort fait aux partis et aux syndicats, les
campagnes menées par Maurras, Henriot, Luchaire, Déat, Doriot, etc., avant et pendant la guerre,
voilà qui tenait, dans les débats et les commentaires, plus de place que la capitulation, l’abandon de
nos alliés, la collaboration avec l’envahisseur. »
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Ce dernier passage, rappelons-le, est extrait du tome 3 publié à partir de 1959 et réédité sans correction par la
suite au moins jusqu’en 1970. On peut, sans caricaturer la position du général, le résumer de la sorte : la
persécution des juifs à laquelle Vichy a collaboré (le général, nous l’avons déjà dit, se garde bien de parler
d’extermination) a sans doute été odieuse et déplorable mais elle doit être considérée comme un fait accessoire de
même importance que l’affaire de la Cagoule [sur laquelle affaire, d’ailleurs, pas un Français sur cent ne
pourrait dire trois mots].
On peut encore se référer à un choix -effectué par le fils du général, l’amiral De Gaulle- d’allocutions et
messages de 1946 à 1969 et publié en 2000 [2] : le seul passage intéressant se trouve dans une allocution
prononcée le 30/4/47 à Bruneval à l’inauguration d’un Mémorial des combattants et qui est dans le style de
ce qu’on a déjà relevé dans les Mémoires : « Les six cents mille hommes et femmes de chez nous, qui sont morts
sur les champs de bataille, ou aux poteaux d’exécution, ou dans les camps de misère, sont morts pour la
France et pour la France seulement. »

Il semble donc bien qu’on puisse raisonnablement conclure de tout cela que :
• De Gaulle avait bien du mal à reconnaître un caractère particulier aux « mesures antisémites »
prises par Vichy et l’occupant ;
• De Gaulle ne croyait pas à l’extermination des juifs ni dans des chambres à gaz ni par d’autres
moyens et ce serait la raison pour laquelle il aurait pris soin de ne jamais utiliser les mots «
extermination » et
« chambre à gaz ». En un mot, De Gaulle était un révisionniste. Les explications données par
les historiens et par ceux qui se sont chargés de défendre la mémoire du général -en trahissant sa
pensée ?- ne sauraient satisfaire les esprits libres et critiques, las des dogmes, des vérités officielles,
du penser politiquement correct et du mensonge.[3] [4]

[2] Charles De Gaulle, « L’esprit de la Ve République », Plon, 1996, 1163 p. L’extrait cité est de la page 329.
[3] Les défenseurs autoproclamés de De Gaulle se ridiculisent et –plus grave- trahissent le général et –finalement- contribuent à salir sa
mémoire. Le plus simple et le plus honnête serait pour eux d’adopter l’hypothèse faurissonnienne. Mais, voilà, certains ont perverti notre
morale : aujourd’hui, nier le génocide des juifs ou simplement en contester les modalités est devenu le plus grave des péchés mortels ; pour
un Jospin, c’est même devenu un crime, le « crime de la Pensée » ; pour un Bensoussan, c’est le « génocide continué » ; un jour viendra,
sans doute, où nier ce crime sera même plus grave que d’être accusé de l’avoir perpétré ou le justifier. Pour le moment, en tous cas, il
apparaît aux pseudo-gaullistes, gens bien-pensants et politiquement corrects, qu’il serait plus opportun de plaider l’ignorance : le général n’a
rien dit car il ne savait pas ; certes, il a fini tout de même par savoir mais, apparemment, trop tard : il avait déjà donné le bon à tirer à son
imprimeur. Thèse tout à fait invraisemblable que des Amouroux, des Gallet et autres Gallo vont se ridiculiser à exposer. Arrive alors
Peyrefitte, confident de De Gaulle, qui va commettre une bourde de plus : le général lui a effectivement fait la confidence de sa
connaissance tardive et, lui, Peyrefitte, en fournira la « preuve » dans son prochain livre. A la lecture dudit tome 3, on relève que la mort a
laissé au pauvre Peyrefitte le temps d’ajouter une note de bas de page consacrée à cette question mais on doit tout aussitôt constater
qu’il a continué à divaguer et, de toute façon, n’a pas pu tenir la promesse qu’il avait faite ; de façon fort légère d’ailleurs : en effet, à
quelle date fixer la fin de la période d’ignorance du général ? Après la publication du dernier tome des Mémoires de guerre, c’est-à-dire en
1959 ? Autant affirmer que le général De Gaulle était un mal-comprenant, un attardé voire un demeuré car, à l’époque, tout le monde «
savait ». Pour ne pas tomber dans le grotesque (mais n’y est-on déjà pas ?), Peyrefitte n’aurait pas pu la fixer après la publication du
premier tome en 1954 et, de la sorte, il aurait mis en évidence aux yeux des plus obtus le fait que De Gaulle avait choisi de continuer à se
taire et avait délibérément cherché à banaliser une tragédie aussi effrayante. Ceux qui croient n’auraient-ils pas alors été en droit de tenir ce
De Gaulle pour un être vil et méprisable ?
[4] A propos de la remarque d’Alain Peyrefitte sur le silence des deux autres grands chefs occidentaux de la coalition antiallemande,
Eisenhower et Churchill.
Robert Faurisson [Peyrefitte se garde bien de citer son nom !] avait également relevé depuis longtemps déjà que ces deux éminents
personnages n’en ont pas dit beaucoup plus que le général De Gaulle.
• Le général Dwight D. Eisenhower dans « Croisade en Europe - Mémoires sur la deuxième guerre mondiale », Robert Laffont, 1949, 593
pages, ne parle qu’en une seule occasion de l’extermination mais en des termes étonnants ; traitant du problème des personnes déplacées
(DP), Eisenhower dit en pages 495 et 496 : « Parmi les D.P. (Displaced Persons), les Juifs se trouvaient dans les conditions les plus
misérables. Depuis des années, ils étaient réduits à la famine, molestés et torturés. Il n’était pas possible, même en les traitant décemment,
en les nourrissant et en les habillant, de les tirer d’un seul coup de leur torpeur et de leur désespoir. Ils continuaient à s’entasser les uns sur
les autres dans la même pièce, semblant trouver de cette façon un soupçon de sécurité, et attendaient passivement ce qui allait arriver. »
L’extermination ? Les chambres à gaz ? Eisenhower n’en parle d’aucune manière.
• Quant au Premier ministre britannique, Winston S. Churchill, il aborde à peine le sujet dans les « Mémoires sur la deuxième guerre
mondiale » (12 tomes que Plon a publiés entre 1948 et 1954 et qui ne comptent pas moins de 5.309 pages) ; encore n’utilise-t-il jamais les
mots « chambres à gaz ».
Dans le corps même de ses Mémoires, il écrit en page 16 de l’édition française : « Sous la domination hitlérienne qu’ils se laissèrent eux-
même imposer, les Allemands commirent des crimes qui n’ont pas d’équivalents pour l’énormité et l’iniquité dans aucun de ceux qui ont
assombri l’histoire de l’humanité. Le massacre en gros, par des procédés systématiques, de 6 ou 7 millions d’hommes, de femmes et
d’enfants, perpétré dans les camps de concentration [°] allemands, dépasse en horreur les boucheries brutales et expéditives de Gengis
Khan, réduit dans l’échelle des monstruosités à des proportions minuscules. L’extermination de populations entières fut méditée et
poursuivie par l’Allemagne comme par la Russie, dans la guerre à l’Est. L’affreux progrès réalisé par le bombardement aérien des villes
ouvertes –les Allemands en ayant pris l’initiative, les Alliés dont la puissance ne cessa de croître, leur répondirent avec vingt fois plus de
force- trouva son paroxysme dans l’emploi de bombes atomiques qui rasèrent Hiroshima et Nagasaki. »
[°] « execution camps » dans l’édition anglaise (The Second World War, Vol I, The Gathering Storm, p. 17) selon Hugh dans VffG, Heft 2,
Juli 2001, p. 234.
Il faut tout d’abord rétablir la citation dans son contexte. Il apparaît alors qu’en fait, ce passage fait partie d’un parallèle entre les deux
guerres mondiales. Lors de la première guerre mondiale, dit Churchill, les lois de la guerre avaient, en gros, été respectées ; ce ne fut pas le
cas au cours de la seconde. Et de faire l’aveu (qui l’honore) que les Alliés n’avaient pas fait exception mais en des termes (qui ne l’honorent
6

Cet article est la synthèse d’un article publié dans Akribeia, n° 3, Octobre 1998, pp. 241-245, d’un complément
publié dans Akribeia n° 6 de mars 2000, pp. 99-104 et d’un complément non publié. Directeur d’Akribeia : Jean
Plantin, 45/3, route de Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5
E fco ; des n° 5 et 6 : 18 E fco.

pas) qu’on pourrait résumer ainsi : Les Américains rasèrent Hiroshima et Nagasaki à la suite de précédents allemands mais les Allemands
(et même les Russes) ont fait bien pire et ont assassiné systématiquement des millions de civils.
D’une part, Churchill évoque deux crimes américains, ce qui le dispense d’évoquer le crime plus personnel qu’il commit à Dresde [250.000
morts en 24 heures ?I ; d’autre part, s’il parle des crimes allemands et russes en termes de pertes humaines, par contre, il réduit les crimes
alliés à de simples destructions matérielles [voyez, par exemple, le mot « rasèrent »I et omet donc de nous parler des centaines de milliers de
victimes japonaises, toutes civiles, des crimes, particulièrement atroces, des Américains. Enfin, l’attribution de la responsabilité des
massacres de populations par voie aérienne à l’Allemagne est pour le moins excessive.
Le rappel par Churchill des crimes allemands fait donc partie d’un plaidoyer pro domo et leur donne donc moins de vraisemblance. Mais peu
importe, diriez-vous peut-être, car ce n’est pas l’objet de la question. Vous auriez raison mais il reste que Churchill n’a pas cru bon dans ce
passage :
d’écrire le mot « juif » (sans qu’on puisse nier qu’il pensait également à eux) d’où on peut tirer la conclusion qu’il ne voyait pas
le caractère unique du traitement qui leur avait été réservé ;
d’écrire les mots « chambres à gaz », l’emploi des mots « procédés systématiques » [au pluriel !I semblant même indiquer qu’en
l’occurrence, il n’avait pas d’idées bien arrêtées.
On trouve encore dans les annexes desdits Mémoires des lettres dans lesquelles Churchill parle de la déportation des juifs hongrois et de leur
massacre. Ces annexes, notons-le, sont constituées d’extraits de notes de service, de lettres et de discours traitant de sujets très divers, les uns
manifestement importants (comme la conduite de la guerre), d’autres apparemment plus futiles (comme le parking des bicyclettes des
fonctionnaires de tel ministère ou encore la pénurie de cartes à jouer en Grande-Bretagne) ; les éléments nous intéressant figurent dans les
annexes du Tome VI consacré à la période du 6 juin 1944 au 3 février 1945 : « Annexe B. Notes personnelles du premier ministre de juin à
décembre 1944 » :
page 370 : « 11 juillet 1944, Premier ministre à secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.
Il n’y a aucun doute, cette affaire [la persécution des juifs en Hongrie et leur expulsion du territoire ennemi] [Cette
précision est de Churchill lui-même ; nous y reviendrons.I constitue probablement le crime le plus grave et le plus
affreux qui ait jamais été commis dans l’histoire du monde, et il a été perpétré avec une précision toute scientifique
par des hommes qui se prétendent civilisés, au nom d’un grand Etat et d’une des races dominantes de l’Europe. Il est
bien évident que tous ceux qui auront participé à ce crime et tomberont entre nos mains, même ceux qui n’ont fait
qu’obéir aux ordres en procédant à la boucherie, devront être exécutés dès que leur participation aux assassinats
aura été prouvée.
Je ne peux donc estimer qu’il s’agisse du genre d’affaires ordinaires soumis à la puissance protectrice, comme, par
exemple, l’insuffisance de nourriture, ou des conditions sanitaires défectueuses dans certains camps de prisonniers.
Par conséquent, à mon avis, aucune négociation, d’aucune sorte, ne devrait avoir lieu à ce sujet. Il faudrait annoncer
publiquement que tous ceux qui y auront pris quelque part seront pourchassés et mis à mort. »
page 372 : « 14 juillet 1944. Premier ministre à secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.
Evasion des Juifs hors de Grèce.
Il faut traiter cette question avec la plus grande prudence. Il est fort possible que des Juifs riches paient des sommes
considérables pour éviter d’être massacrés par les Boches. (...) »
page 375 à propos de la création d’une unité combattante juive : « 26 juillet 1944. Premier ministre à secrétaire d’Etat à la
Guerre.
(...)
2° L’idée de voir les Juifs essayer de s’attaquer directement aux assassins de leurs coreligionnaires de l’Europe
centrale me plaît et je pense qu’elle causera une vive satisfaction aux Etats-Unis. (...)
3°. (...) Je ne peux concevoir pourquoi cette race martyre, dispersée dans le monde entier et qui a souffert plus que
n’importe quelle autre des conjonctures actuelles, se verrait refuser la satisfaction d’avoir un drapeau. (...) »
page 378 : « 4 août 1944. Premier ministre à secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.
Cette affaire paraît assez troublante [le cas des Juifs hongrois]. Ces malheureuses familles, composées surtout de
femmes et d’enfants, ont racheté leur vie probablement aux prix des neuf dixièmes de leurs biens. (...) »
En résumé, après la guerre, loin du bruit des armes, des cris et des invectives, Churchill entreprit de rédiger ses Mémoires c’est-à-dire de
transmettre à la postérité sa version de l’histoire ; comme tous les mémorialistes, Churchill dut certainement peser ses mots et veiller à ne pas
transmettre des affirmations qui, réflexion faite, ont pu lui apparaître comme des incongruités dont la relation ne pouvait que ternir sa gloire
: il ne crut donc pas utile de dire un seul mot dans le corps desdits Mémoires ni sur la déportation et le massacre des juifs hongrois (qu’il
réduisait dans une parenthèse introduite -on peut le supposer- lors de la rédaction des Mémoires à « la persécution des Juifs en Hongrie et
leur expulsion du territoire ennemi ») ni sur la déportation des autres juifs européens ni sur les chambres à gaz auxquelles, d’évidence, il ne
croyait toujours pas. Comme De Gaulle et Eisenhower.
A propos du contenu de ladite parenthèse : comment expliquer ce qu’il faut bien appeler une révision ? Probablement de la même façon dont
on explique aujourd’hui les rapports entre Churchill, Roosevelt et De Gaulle :
d’une part, pendant la guerre, les deux premiers tinrent des propos peu amènes sur le troisième, lequel le leur rendit bien
(Roosevelt accusa même De Gaulle de collaborer avec les Allemands) ;
d’autre part, la guerre terminée et le temps des Mémoires arrivé, ils se couvrirent d’éloges.
Il est bien connu que dans le feu de l’action, nous tenons parfois des propos qui dépassent notre pensée.
7

Au sujet du convoi de juifs hollandais arrivé à Birkenau


le 25 mars 1944
ou
Comment les historiens fabriquent des gazés.
Jean-Marie Boisdefeu

Les historiens nous enseignent qu’à leur arrivée à Auschwitz, les juifs étaient soumis à une opération de
sélection à l’issue de laquelle les aptes étaient mis au travail et les inaptes (notamment les enfants et les vieux)
étaient immédiatement gazés. On va voir dans un cas précis (celui d’un convoi de juifs hollandais) comment
lesdits historiens s’y prennent pour nous faire croire à cette fable.

Le 25 mars 1944, un convoi de 599 juifs hollandais en provenance de Westerbork est arrivé à Auschwitz. Quel
sort a-t-il été réservé à ces 599 juifs ? Il existe deux versions, toutes deux exterminationnistes (celle du
Kalendarium et celle de la Croix-Rouge néerlandaise) et nous allons les examiner dans le détail.

1 Version du Kalendarium. [1I


1.1. Le Kalendarium dit (sans donner de source) que, sur les 599 déportés du convoi (387 hommes, 169 femmes
et 43 enfants), 304 hommes ont été immatriculés (n° 175.323 à 175.626) et 56 femmes immatriculées (n° 76.076
à 76.131), les 239 autres déportés étant -bien entendu- aussitôt gazés.
1.2. A la même date et à la même page mais sans faire de rapprochement avec le convoi précédent, le
Kalendarium dit aussi ceci :
• « 30 détenus venus de La Haye reçoivent les numéros 175.293 à 175.322. » [lesquels numéros –on
le notera - précèdent les numéros donnés aux hommes sélectionnés dans le convoi précédentI.
• « 184 juiis –hommes, iemmes et eniants- arrivent au camp dans un convoi venu de La Haye. ». Ce
sont des juifs qui se cachaient chez des Hollandais et qui ont été découverts, explique le
Kalendarium [sans rien expliquer, en faitI. Ils sont envoyés au camp de quarantaine BIIa et « en
attendant les directives du RSHA, on ne leur donna aucun numéro d’immatriculation. » Pourquoi
ce traitement spécial ? Le Kalendarium ne nous le dit pas. Plus loin, le Kalendarium dira qu’ils ont
été gazés le 4 avril. On ne peut qu’en douter mais peu importe car, en attendant, ils n’ont pas été gazés
à l’arrivée sans pour autant avoir été immatriculés.
• « 7 détenues arrivent au camp dans un convoi venu de La Haye.
»
Mais d’où venaient donc ces gens-là ? De Hollande, certes, mais, comme à cette époque, un seul convoi est
venu de Hollande (le convoi de 599 juifs dont nous nous occupons), il faut donc bien admettre qu’ils faisaient
partie de ce convoi et ne sont pas venus dans des convois différents comme le Kalendarium le donne (malignement
?) à penser. Nous verrons que la Croix-Rouge confirme la chose.
On voit donc bien que le Kalendarium a tort d’affirmer –par déduction dogmatique- que 239 déportés ont été
gazés à l’arrivée ; en effet, d’une part, 390 déportés ont été immatriculés (304 + 56 + 30) ; d’autre part, 184 ont
été mis à part sans être immatriculés (sans parler de 7 autres femmes dont le Kalendarium ne décrit pas le sort).
De la sorte, 574 au moins ont été épargnés (390 + 184) et seulement 25 au maximum auraient pu être gazés
(599 - 574).

2. Version de la Croix-Rouge néerlandaise. [2I


De son côté, la Croix-Rouge néerlandaise donne une version qui recoupe celle du Kalendarium sur bien des
points mais qui apporte quelques précisions supplémentaires ; elle précise que le convoi était composé comme
suit :
• A. En ce qui concerne les hommes :
un groupe de 37 « Schutzhtitlinge » (des demi-juifs ou des juifs conjoints d’aryens) : ce
devrait être le groupe des 30 dont parle le Kalendarium ;
un groupe de « diamantaires » [224 hommes, précise la Croix-Rouge, mais, par la suite,
elle inclura dans ce chiffre les femmes et enfants desdits diamantaires.I : ce devrait être le
groupe des 184 dont parle le Kalendarium ;

[1I Kalendarium (…), Rowohlt, Reinbek, édition allemande de 1989, p. 744.


[2I J. Looijenga, Het Nederlandsche Roode Kruis, Auschwitz – Deel V : De Deportatietransporten in 1944, Den Haag, 1953, p. 23.
8

un troisième groupe de déportés « ordinaires ».


Selon la Croix-Rouge, les deux premiers groupes [diamantaires et SchutzhtitiingeI furent mis à part lors
de la sélection et retenus pour le travail. Elle dit aussi que 334 déportés « ordinaires » et autres ont été
immatriculés (175.293 à 175.626) mais elle ajoute qu’il y a eu « peut-être même queiques-uns de pius »
à avoir été immatriculés ; en effet, ses chiffres ne sont pas tirés d’un document administratif mais d’une
liste qu’elle a tenté de reconstituer ; plus précisément, elle a relevé les numéros des rescapés et elle a
constaté que le plus petit numéro était 175.293 (C’était un déporté dont le nom commençait par la lettre
A.) et le plus grand numéro 175.626 (C’était un déporté dont le nom commençait par la lettre W.) ; en
d’autres termes, la liste reconstituée est probablement incomplète car il pourrait y manquer des déportés
dont le nom commence par A et W à Z. Une estimation rapide mais fondée, nous semble-t-il [3I, permet
de retenir 2 immatriculés de plus, ce qui donne un total de 336 hommes immatriculés.
• B. En ce qui concerne les femmes
:
un groupe de 7 « Schutzhtitiinge » qui furent mises à part et retenues pour le travail : on
ne peut douter que ce sont les 7 femmes dont parle le Kaiendarium ;
un groupe de femmes « ordinaires » dont un certain nombre furent immatriculées.
Comme pour les hommes, la Croix-Rouge a tenté de reconstituer la liste des immatriculées et elle est
arrivée à en compter « pius de 56 » mais elle précise aussitôt que des témoins oculaires en ont compté
80 ; ces derniers pourraient bien avoir raison car on ne trouve dans la liste reconstituée aucun
nom
commençant par A, B et S à Z ; on peut donc légitimement compter au moins 17 immatriculées de plus
ce qui donne un total de 73 femmes immatriculées, ce qui correspond assez bien à ce qu’ont dit les
témoins (80 immatriculées).
Bien entendu, la Croix-Rouge ne manque pas d’affirmer que les inaptes ont été aussitôt gazés.

3. Version à retenir.
Voilà les deux versions exterminationnistes en présence. Nous allons tout simplement en éliminer tout ce qui
résulte du dogme pour ne retenir que les éléments factuels des deux versions. Il apparaît alors que le résultat de
l’opération de sélection à l’arrivée de ce convoi de 599 juifs hollandais devrait être à peu près le suivant :
• D’une part, 184 diamantaires (hommes, femmes et enfants) ont été épargnés sans pour autant être
immatriculés ; en fait, il n’y avait pas d’atelier de taille de diamants à Auschwitz et ces diamantaires
étaient donc en transit ; comme l’immatriculation n’était pas synonyme d’aptitude au travail mais
synonyme de domiciliation (Les immatriculés étaient tous domiciliés à Auschwitz, Rue des Casernes
[KasernenstrasseI.), il n’était pas question de les immatriculer ; on peut supposer que ces gens ont été
envoyés à Bergen-Belsen le 4 avril. [4I
• D’autre part, quelque 336 autres hommes (30 « Schutzhtitiinge » et 306 « ordinaires ») et quelque
73 autres femmes (7 « Schutzhtitiinge » et 66 « ordinaires ») ont été immatriculés.
• Au total, quelque 593 déportés ont donc été épargnés ; il n’en a donc été gazé que 6 au maximum :
on est loin des 239 gazés du Kaiendarium. Et si les mécréants (dont nous sommes) avaient accès
aux archives (notamment aux listes de déportés hollandais), on pourrait craindre (ou espérer ?) de
devoir réduire le nombre de gazés à zéro.
Bref, on peut parier qu’aucun inapte de ce convoi n’a été gazé. Et cela sans même avoir à enfreindre la loi
en
affirmant qu’il n’y a eu aucun gazé pour la bonne raison que les révisionnistes ont démontré par ailleurs que les
chambres à gaz sont un mythe.

[3I Notre calcul est notamment basé sur la liste des quelque 100.000 juifs hollandais morts en déportation publiée dans In Memoriam, Sdu
Uitgeverij Koninginnegracht, Den Haag, 1995.
[4I Mais, demandera-t-on peut-être, pourquoi les sélectionneurs d’Auschwitz n’en ont-ils compté que 184 alors que leurs collègues de La
Haye auraient pu, selon la Croix-Rouge, leur en envoyer 224 ? Peut-être ont-ils estimé que certains d’entre eux avaient d’autres aptitudes
intéressantes pour Auschwitz même et, en conséquence, les ont-ils gardés ; « Premier arrivé, premier servi ».
9

Etude sur les Survivors américains de l’Holocauste


Jean-Marie Boisdefeu
L’article qui suit est le résumé d’une étude plus longue (plus du double) que le lecteur intéressé
pourra directement consulter sur internet à http://www.vho.org/F/c/JMB/bdf_survivors.html.

L‘analyse des données statistiques tirées de la banque des Survivors américains conduirait à quatre
grandes conclusions.

1. La très grande majorité des juifs qui se sont établis aux USA après la guerre étaient installés en Europe
orientale. On ne trouve aux USA qu’un nombre infime de juifs déportés d’Europe occidentale.
2. La très grande majorité des juifs déportés d’Europe occidentale ne sont pas revenus de déportation.
3. Tous les juifs inaptes expulsés en URSS en passant par les camps du Bug ont disparu. Parmi eux, la
plupart des inaptes déportés d’Europe occidentale.
4. Le total des pertes juives au cours de la deuxième guerre mondiale serait plus lourd que celui
qu’admettent généralement les révisionnistes.

1. Généralités
Il existe à Washington une banque de données concernant les juifs ayant vécu en Europe à l’époque
du IIIe Reich puis ayant émigré aux USA. Cette banque est la Benjamin and Vladka Meed Registry oi
Jewish Holocaust Survivors. Elle est gérée par l’US Holocaust Memorial Museum (Musée de
l’Holocauste à Washington) en coopération avec l’American Gathering oi Jewish Holocaust Survivors
(Association américaine des juifs rescapés de l’Holocauste).
Le fichier de la banque est accessible sur écran à Washington. Il existe aussi une édition papier reprenant des
extraits de cette banque. [1I Elle est composée de 4 gros volumes totalisant 3.220 pages contenant les noms des
Survivors de la 1ère génération c’est-à-dire ceux qui se sont trouvés à un moment ou l’autre entre 1933 et 1945
dans un territoire contrôlé par les Allemands, même avant l’arrivée de ceux-ci ; outre le nom, on y trouve un
numéro d’immatriculation, les alias éventuels (plus le nom de jeune fille des femmes) et, très souvent, le lieu de
naissance et de résidence du Survivor avant la guerre et, enfin, les lieux - notamment de détention - où le
Survivor s’est trouvé durant la guerre.
Après élimination des alias, nous avons estimé le nombre réel de Survivors à quelque 122.600. Mais il est à
remarquer qu’il doit y manquer un certain nombre de Survivors encore en vie à ce jour. Par exemple, on y
cherchera en vain les anciens secrétaires d’Etat Henry Kissinger (juif allemand) et Madeleine Allbright (juive
tchèque), l’ancien numéro un de la CIA John Deutch (juif belge) ou encore les historiens Raul Hilberg (juif
autrichien) et Arno Mayer (juif luxembourgeois), qui répondent tous cinq à la définition du Survivor. On ne
perdra donc jamais de vue par la suite que les Survivors de cette banque de données ne constituent qu’une partie
des juifs rescapés établis aux USA, probablement même une minorité de ces juifs.

2. Exemple d’une fiche de la banque de données


L’éditeur donne la reproduction de quelques fiches. Ci-après le résumé d’une d’entre elles :
Morty L., jadis Motl L., né et ayant résidé à Bielsk Podlaski (Pologne) ; il a été dans un camp de travail
[soviétiqueI près de Swerdlowsk (Russie) en 41-42, puis à Chimkent (Kazakhstan) en 42-46. Il n’a pas témoigné
oralement. Epoux de Tobey L. née Toby L., également Survivor, née et ayant résidé à Sierpc (Pologne) ; elle a
été dans un camp de travail [soviétiqueI de la République des Komis [Nord de la Russie d’EuropeI en 40-42 puis
à Chimkent (Kazakhstan) en 42-46. Morty L. a joint une photo de lui et sa iemme, alors qu’ils se trouvaient en
1947 au camp de personnes déplacées de Leipheim (Allemagne). Le Survivor a ajouté les noms de leurs 3
eniants et, aussi, ceux de :
• sa belle-mère Sarah Pesia L., ayant résidé à Sierpc (Pologne) et ayant été aux mêmes endroits que sa
iille Tobey ; Sarah est morte en 1969 à New-York.

[1I Benjamin and Vladka Meed Registry oi Jewish Holocaust Survivors 2000, édité par l’US Holocaust Memorial Museum en coopération
avec l’American Gathering oi Jewish Holocaust Survivors ; 4 volumes de format 27,6 x 21,7 cm, à savoir :
Volume I – Alphabetical Listing oi Survivors – Aach-Lottner – 18 (i-xviii) + 1084 p.
Volume II – Alphabetical Listing oi Survivors – Lotven-Zyzemski – 903 p.
Volume III – Listing by Place oi Birth and Town Beiore the War – 452 p.
Volume IV – Listing by Location During the Holocaust – 763 p.
10

• son beau-irère Cvi (Hersz) L. ayant résidé à Sierpc (Pologne) et ayant été aux mêmes endroits que
sa mère et sa sœur ; il est mort en Israël [PalestineI en 1988 à l’âge de 62 ans.

Dans l’édition papier, on trouvera pour les deux premiers cités la mention suivante :
• L. Morty 00038151 (L. Motl) Bielsk Podlaski (3) ; Chimkent, Kazakh SSR,
Sverdlovsk
• L. Tobey 00038151 (L. Toby) Sierpc (3) ; Chimkent, Kazakh SSR, Komi
ASSR

3. Analyse du parcours des Survivors


Nous avons procédé à une analyse par échantillonnage du parcours de l’ensemble des Survivors ; malgré
l’imprécision de nombreuses déclarations -d’où le recours fréquent au mode conditionnel par la suite-, nous
pensons qu’il est légitime d’extrapoler les résultats trouvés sur un échantillon de 397 Survivors, soit :
• 145 (36,5 %) pour lesquels on ne trouve aucune indication d’aucune sorte (dont un certain Rudolf
Vrba) ;
• 252 (63,5 %) qui ont donné diverses indications de lieu. De ces
252,
o 219 (86,9 % de 252) sont nés en Europe de l’Est. De ces 219,
80 seraient passés par des camps allemands dont
- 42 par Auschwitz + Maïdanek -dont seulement 3 venaient de
Hongrie/Roumanie, ce qui est étonnamment peu-,
- 1 par Treblinka + Sobibor + Belzec ;
44 habitaient à l’est de la ligne de front (notamment dans l’Oural et en Sibérie)
ou s’y étaient réfugiés (ou y auraient été déportés par les Russes) ;
69 seraient restés cachés sur place, c’est-à-dire en Europe orientale ;
26 autres, enfin, seraient restés sur place mais sans qu’on puisse déterminer s’ils
s’étaient cachés ou avaient été emprisonnés dans un camp allemand ou un ghetto.
o 22 (8,7 % de 252) sont nés en Europe centrale ou en Europe du Sud. De ces 22,
2 sont passés par un camp allemand, en l’occurrence Auschwitz ;
8 se sont réfugiés en dehors de la zone d’influence allemande (USA, Suisse, Grande-
Bretagne, Chine) ;
12 sont restés cachés sur place, c’est-à-dire en Europe centrale ou méridionale.
o 11 (4,4 % de 252) sont nés en Europe occidentale. De ces 11,
1 (un Hollandais) est passé par Sobibor puis Auschwitz ;
10 sont restés cachés sur place (4 aux Pays-Bas, 4 en France et 2 en Belgique).
Aucun ne s’est mis en sécurité en dehors de la zone allemande.
On notera dès à présent qu’aucun de ceux qui sont nés en Europe de l’Est ne s’est trouvé à aucun moment durant
la guerre en Europe occidentale ; on ne pourra donc pas nous objecter par la suite que la plupart des juifs
déportés de France et de Belgique étaient nés en Europe de l’Est.
Autre remarque à faire : on n’en trouve que 4 à être arrivés aux USA entre 1933 et 1945 ; tous les autres y sont
arrivés après la guerre.

4. Conclusions
Peut-on tirer de cette statistique des enseignements sur la déportation des juifs par les Allemands ?
L’échantillon étudié est-il représentatif de tous les juifs européens qui ont émigré aux USA depuis 1933 ? Ces
juifs européens qui ont émigré aux USA sont-ils eux-mêmes représentatifs des juifs qui se trouvaient en
Europe lors de la déclaration de guerre juive à l’Allemagne en 1933 et qui ont survécu à la guerre ? Nous
pensons que oui.
Quelles conclusions peut-on alors tirer ? Ainsi que nous l’avons vu, les données de cette banque de
Survivors sont partielles et, dès lors, il convient d’être prudent dans le traitement des statistiques qu’on en
extrait et, notamment, de ne tirer de conclusions que par la comparaison des groupes constituant cette population.
Nous nous contenterons de tirer quatre grandes conclusions.
• La première conclusion importante concerne l’origine des Survivors : il est clair à l’analyse du point
3 que la très grande majorité des Survivors sont des juifs est-européens soit déportés, soit ayant fui
avant l’arrivée des Allemands, soit encore restés clandestinement sur place.
Les Survivors venus d’Europe occidentale ne sont qu’une petite minorité dont, de plus, la plupart n’ont
même pas été déportés. Ils sont tellement minoritaires parmi les Survivors qu’on peut sans danger
affirmer que la très grande majorité des juifs déportés d’Occident qui sont revenus sont donc restés en
Occident.
On ne peut donc trouver dans cette analyse la preuve que des masses de rescapés belges et français se
seraient installés aux USA. (Et il n’y a pas lieu de penser qu’ils aient pu aller s’installer ailleurs.)
Cette conclusion est confirmée par d’autres analyses que nous avons pu effectuer : ainsi ne retrouve-t-
on que 68 juifs déportés de Belgique et de France parmi les 11.000 Survivors passés par Auschwitz,
c’est-à-dire 0,6 %, alors qu’ils représentaient 8,6 % des juifs passés par Auschwitz, soit 14 fois plus.
11

Il y a d’ailleurs des explications évidentes à ce


déséquilibre.
• Une deuxième conclusion s’impose donc inexorablement : puisque la très grande majorité des
juifs déportés d’Occident qui sont revenus sont restés en Occident et puisqu’on n’en retrouve qu’un
petit nombre, c’est donc que la majorité de ces juifs n’ont pas survécu à leur déportation. Depuis
de nombreuses années, nous sommes de ceux qui consacrent une partie importante de leur temps à
vérifier le bilan officiel de la déportation des juifs occidentaux dans l’espoir de l’améliorer mais nous
en étions arrivé à la conclusion qu’on devait admettre qu’il n’en est certainement pas revenu plus
de 10 % ; néanmoins, nous gardions le secret espoir d’en retrouver des cents et des mille aux
USA puisque, d’évidence, une grande partie des juifs européens s’y sont établis ; l’analyse des
données de la banque des Survivors nous a persuadé de ce que cet espoir était illusoire.
• Une troisième conclusion nous semble pouvoir être tirée de la comparaison entre d’une part
Auschwitz + Majdanek et d’autre part Treblinka + Sobibor + Belzec. (Ces statistiques sont elles aussi
tirées des données de la banque.) Les Survivors représentent :
o Auschwitz + Maïdanek : 11.000 + 650 = 11.650 rescapés sur 650.000 + 50.000 = 700.000
juifs censés être passés par ces camps soit 1,7 %. (Le chiffre de 650.000 pour Auschwitz ne
tient pas compte de 450.000 inaptes qui n’ont fait que transiter par la gare d’Auschwitz et qui
ne peuvent donc être considérés comme y ayant été internés ; ils sont repris dans le poste
suivant.
o Treblinka + Sobibor + Belzec : 134 + 21 + 33 = 188 rescapés sur 750.000 + 200.000 +
435.000 = 1.385.000 juifs censés être passés par ces camps –parmi eux, les 450.000 inaptes
dont question ci-dessus- soit 0,0001 %. Certes, on peut contester le chiffre des juifs passés par
ces camps mais sans changer l’ordre de grandeur des rapports et corriger le déséquilibre
constaté entre le nombre de Survivors rescapés d’Auschwitz et celui des Survivors rescapés des
camps du Bug.
On trouverait donc ici la confirmation de la thèse officielle : comme la plupart des déportés passés par
les camps du Bug avaient déjà subi l’opération de tri, ils étaient majoritairement des inaptes et ils ont
donc été éliminés ; certes, il y a désaccord sur le sens de ce mot mais il faut bien admettre qu’en
définitive, ils ont tous disparu. En effet, on n’en retrouve aucun parmi les Survivors américains ; les
rares Survivors à être passés par ces camps sont apparemment tous des déportés qui avaient été retenus
pour le travail et qui n’avaient donc pas été expulsés en URSS.
• Une quatrième conclusion nous semble découler de la conclusion précédente : le bilan des pertes
juives au cours de la guerre, tant du fait des Allemands que des Russes, serait plus lourd que celui que
les révisionnistes admettent généralement.
12

Joseph G., juif polonais né à Birkenau en 1943 et arrivé en France


en 1945
Jean-Marie Boisdefeu

Les prêtres nous enseignent que les Allemands déportèrent les juifs à Auschwitz pour les y exterminer : les aptes
y furent exterminés par le travail forcé et les mauvais traitements, les inaptes (en premier lieu, les enfants) y
furent gazés dès leur arrivée. Or, des enfants juifs sont nés à Auschwitz même et ils ne furent pas pour autant
gazés ! Comment, diable, cela se peut-il ? Nous allons essayer de comprendre ce paradoxe en étudiant l’histoire
d’un de ces enfants, le petit Joseph G., juif polonais né à Birkenau en avril 1943 et arrivé en France en 1945.

1. Les différentes versions de cette histoire (dans l’ordre chronologique inverse)

1.1. L’appel des enfants G.


On peut lire dans le numéro de mars 2002 de la revue de l’Amicale des déportés d’Auschwitz [1I un appel des
enfants G. à toute personne ayant connu leur mère, à savoir
« (…) Anna K. (…), [numéro matriculeI 45333 (…) devenue Anna G. (…) ; déportée de Pologne à
Auschwitz début 43, a mis au monde notre irère Joseph le 18.4.43 (décédé en 85) qu’elle a caché un
long moment (il iut découvert par les nazis car il avait un numéro et un costume à sa taille). Tous deux
sont arrivés à Paris en 45. »

1.2. Le Kalendarium
On avait déjà pu apprendre une partie de l’histoire de ce Joseph G. à la lecture du Kalendarium, lequel relate
l’immatriculation à la date du 4 octobre 1943 de 11 garçonnets juifs nés les mois précédents à Birkenau ;
parmi eux, notre Josef G. qui reçut le numéro 155910 ; il était né, ajoute Czech qui se réfère au témoignage de
sa mère Anna G. (matricule 33133), le 18/4/1943 à Birkenau : sa mère expliqua après la guerre qu’elle
l’avait caché grâce à ses co-détenues. Lorsque l’enfant avait été découvert, sa mère avait obtenu du
Lageriührer Hössler que le garçonnet soit épargné. Probablement, ajoute Czech en note de bas de page,
fallait-il relier la décision de Hössler à l’autorisation donnée par Berlin de limiter dorénavant l’ «
euthanasie » des enfants [nésI à Auschwitz. [2I
Grâce au numéro matricule indiqué par Czech, on pouvait encore apprendre qu’Anna G. était arrivée à
Auschwitz le 30 janvier 43 dans un convoi amenant des juifs polonais des ghettos de Volkovysk et Pruzany
[BialystokI ; le convoi comptait 2.612 personnes : 327 hommes et 275 femmes avaient été immatriculés
(numéros 32604 et 32884 à 33157 pour les femmes), les 2.010 autres déportés dont 518 enfants étant aussitôt
gazés.

1.3. La déclaration de la mère


La lecture du témoignage d’Anna G. auquel le Kalendarium se réfère nous en apprend encore un peu plus et il
vaut la peine d’en résumer certaines parties (en essayant, bien entendu, de ne pas trahir son auteur). [3I Encore
faut-il préciser préalablement qu’il ne s’agit pas à vrai dire d’un témoignage mais d’une déclaration de 3 pages
(« Protokoll ») faite devant un consul allemand le 5 avril 1954 à Paris, apparemment aux fins d’obtenir une
indemnisation de la part de la République fédérale.
J’ai été déportée à Auschwitz en janvier 43. J’étais enceinte mais comme j’étais très maigre, je
réussis à cacher mon état.
J’accouchai le 18 avril 43 peu de temps après l’appel et, grâce à mes co-détenues, je pus ramener
l’eniant dans la baraque-dortoir et l’y cacher. Je dus –sans pouvoir me reposer- continuer à
eiiectuer des travaux lourds. Environ 4 mois plus tard, pendant l’appel, un gros chien découvrit
l’eniant et celui- ci iut amené sur la place d’appel. Je reconnus que c’était mon eniant. La garde SS
voulut emporter l’eniant mais je déclarai que je voulais le suivre où qu’il aille ; on me donna alors
l’ordre d’aller au crématoire. Avant la iermeture de la porte de la chambre à gaz eut lieu un
comptage des iemmes qui étaient rassemblées là. Mais le compte n’y était pas car on n’avait pas
prévu que j’en serais. A ma demande, le chei du camp Haessler me laissa sortir. J’ai déclaré au
commandant du camp que je ne

[1I Après Auschwitz, n° 282, mars 2002, Amicale des Déportés d’Auschwitz, 73, avenue Parmentier, 75011 Paris. Cotisation annuelle
(militants du souvenir) : 23 E (3 à 4 numéros par an).
[2I Danuta Czech, Kalendarium (…), Rowohlt, 1989, p 620.
[3I APMO, Erkltrungen, Bd. 6, Bl. 917-919, Bericht des ehemaligen Htitlings Anna G.
13

voulais pas être séparée de mon eniant et celui-ci décida de nous laisser en vie. Mon iils iut alors
tatoué en haut de la cuisse droite (n° 155910). Mon eniant resta avec moi, même sur les lieux de travail.
Nous iûmes tous deux libérés à Auschwitz en janvier 45 par les Russes. Comme je ne voulais pas rester
en Pologne pour des raisons politiques, je vins en France avec mon iils.
Du iait des souiirances endurées, je suis très malade et inapte à travailler normalement. Mon iils
subit lui aussi encore les conséquences de son internement. Depuis mon arrivée en France, j’ai
épousé un réiugié espagnol du nom de G. dont je me suis séparée après en avoir eu 2 autres eniants
que je dois encore élever.
Au terme de ce récit, le consul d’Allemagne a certifié avoir vérifié qu’elle avait bien été tatouée du
numéro
33133 et son fils Joseph tatoué du numéro 155910.

2. Critique
Voilà ce qu’on peut trouver sur la déportation d’Anna G. et son fils Joseph. Il faut bien dire que les
invraisemblances sont nombreuses.

2.1. L’appel des enfants G.


On notera (mais sans s’y arrêter car c’est sans importance) que les enfants G., lesquels sont nés après la guerre,
donnent un numéro d’immatriculation erroné ; on retiendra plutôt que, s’ils avancent une explication (des plus
curieuses, d’ailleurs) à la découverte de leur frère par les Allemands, ils se gardent bien de donner la moindre
explication rationnelle à sa survie.

2.2. Le Kalendarium
Czech s’en tient au témoignage d’Anna G., tout en évitant d’ailleurs d’en donner les éléments trop
invraisemblables. Comme il lui faut tout de même bien expliquer pourquoi l’enfant n’a pas été supprimé, elle
avance donc cette thèse de la limitation de l’ « euthanasie » des enfants nés à Birkenau ; toutefois, cette thèse
ne s’appuie sur aucune preuve documentaire et on ne peut donc l’accepter ; d’autant moins qu’elle est tout à
fait invraisemblable : en effet, comment peut-on soutenir que les Allemands se seraient tout à coup mis à
épargner des enfants nés à Auschwitz tout en continuant à gazer d’autres enfants à leur arrivée à
Auschwitz ? C’est évidemment insoutenable.

2.3. La déclaration d’Anna G.


Disons d’entrée que nous n’entendons pas faire le moindre reproche à cette femme ; elle a été une victime
innocente et malheureuse ; se trouvant dans le besoin (du fait de sa déportation) et réclamant une indemnité, elle
a donc bien dû donner une version des faits conforme à la version officielle ; à sa place, nous n’aurions sans
doute pas agi différemment. Mais il nous faut bien analyser froidement sa déclaration.
Anna G. a-t-elle pu, par exemple, cacher sa grossesse à son arrivée à Auschwitz (elle était enceinte de près de 7
mois) ? Ce n’est pas impossible. A-t-elle pu accoucher clandestinement ? Ce n’est pas non plus à exclure
totalement. A-t-elle pu cacher son enfant grâce à l’aide de ses co-détenues ? Ce n’est pas impossible non plus
mais a-t-elle réellement dû cacher son enfant ? On n’en est pas sûr du tout. Mais tout cela, il est vrai, est sans
grande importance.
Par contre, le récit de son départ au crématoire et de la suite pourrait être capital ; malheureusement, il est tout
simplement à dormir debout ! D’ailleurs, pas folle, Czech l’a complètement passé sous silence.

3. Alors, quelle pourrait être la vérité ?


Résumons-nous :
D’une part, les prêtres nous enseignent qu’à Auschwitz, les Allemands gazaient immédiatement tous les
juifs dont ils ne pouvaient exploiter la main-d’œuvre. Ceux qui n’y croient pas sont des menteurs, des
impies, des fous.
Mais, d’autre part, de très nombreux enfants sont nés à Auschwitz même et, non seulement les Allemands ne les
ont pas gazés, mais ils les ont même immatriculés. Ainsi, avant les 11 garçonnets (dont Joseph G.) immatriculés
le 4/10/1943, une fillette avait été immatriculée le 18/9/1943 (mais était-elle la première ?) ; il y avait eu
aussi une immatriculation le 21/9/1943 puis 6 autres le 29/9/1943. Par la suite, il y eut sans interruption
des immatriculations de nouveau-nés jusqu’à l’arrivée des Russes. Rien qu’en janvier 1944, par exemple, il y a
eu, à Birkenau, 22 naissances attestées par le Kalendarium mais selon le témoignage (très peu crédible par
endroits, il est vrai) d’une sage-femme polonaise (Stanislava Leszczynska), il aurait pu y avoir 3.000 naissances
à l’hôpital des femmes de Birkenau (mais, toujours selon cette sage-femme, beaucoup d’infanticides aussi).
Certes, parmi ces nouveau-nés, il y avait des non-juifs (des Tziganes, par exemple, ne fût-ce que parce que les
femmes tziganes
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enceintes n’étaient pas réimplantées en Ukraine) mais il y a eu incontestablement aussi des juifs comme
Joseph G. [4I
Un esprit ordonné ne peut vivre dans cette ambiguïté et il lui faut donc bien tenter de s’expliquer la chose.
Quelles sont donc les explications qu’on pourrait lui proposer ?

3.1. Les expérimentations médicales.


Personne n’avance cette explication, d’ailleurs inepte et odieuse.

3.2. L’explication religieuse.


Ce serait un mystère, c’est-à-dire une vérité inaccessible à l’entendement humain et à laquelle il conviendrait
de se soumettre avec humilité. A d’autres !

3.3. L’explication rationaliste (révisionniste)


Ne resterait donc que l’explication révisionniste : les gazages sont une fable et l’immatriculation de Joseph et des
autres garçonnets et fillettes nés à Birkenau n’a été qu’une régularisation administrative d’ailleurs bien
nécessaire puisque ces enfants n’avaient même pas d’existence légale. [5I
A ce point, il faut rappeler qu’en 1942 et en 1943 (et même jusqu’en mai 1944), les convois de juifs s’arrêtaient
tous à la gare de marchandises de la ville d’Auschwitz ; c’est là qu’avait lieu le tri entre les aptes au travail et les
inaptes ; après leur sélection, les aptes entraient à pied au camp (soit Birkenau soit Auschwitz I soit encore Buna)
et ils étaient les seuls à y entrer car les inaptes montaient dans des camions avec remorques qui les
conduisaient dans les ghettos polonais proches d’Auschwitz ; par la suite, ils en étaient extraits et conduits par
trains spéciaux dans un des camps de transit le long de la frontière avec l’Ukraine et la Biélorussie
(Treblinka, Sobibor ou Belzec, lesquels camps, comme dit Pressac, étaient des « sas sanitaires ») et de là,
ils passaient en URSS (Biélorussie et, surtout, Ukraine). [6I On nous dira peut-être que nous faisons peu
de cas des nombreux témoignages de détenus ayant vu les inaptes traverser le camp de Birkenau [en direction
de la chambre à gazI ; en fait, tous ces témoignages portent sur 1944, année qui vit simultanément les
Allemands perdre l’Ukraine (donc abandonner de iacto leur politique de réimplantation à l’Est) et mettre
en service l’embranchement particulier de Birkenau : désormais et en principe, il y avait deux bonnes raisons
pour faire entrer les convois de déportés dans le camp ; les juifs déjà internés purent donc apercevoir les
inaptes ; par contre, jamais aucun d’entre eux n’a affirmé les avoir vu entrer et circuler dans le camp en
1942 et 1943. La raison en est tout simplement qu’à cette époque, ils n’entraient pas dans le camp !
Les femmes visiblement enceintes n’entraient donc pas dans le camp d’Auschwitz mais elles étaient
réimplantées à l’Est puisqu’elles étaient inaptes au travail pour le reste de leur grossesse et même au-delà.
Inévitablement, toutefois, des femmes enceintes depuis peu étaient admises dans le camp. On peut imaginer
que, dans la situation de détresse extrême dans laquelle elles se trouvaient, de nombreuses détenues ont
interrompu - plus ou moins volontairement- leur grossesse. Toutefois, certaines ont refusé cette solution et ont
accouché soit dans l’infirmerie (on en connaît des cas précis) soit clandestinement. Devant la multiplication des
cas de ce genre à partir du second trimestre de 1943, la direction d’Auschwitz a dû alors demander des
instructions à Berlin

[4I Voir, par exemple, le témoignage de Stanislava Leszczynska, « Rapport d’une accoucheuse d’Auschwitz », article publié en 1965 et
repris dans Comité International Auschwitz, « Anthologie », Tome II, 2e partie, p. 159-169 (« Dans l’enier ils sauvaient la dignité
humaine »). Extrait de son témoignage : « A partir de 43, on commença à tatouer tous les nouveau-nés (avant ils étaient immédiatement tués
à leur naissance par les SS). [En fait, il n’y en eut pas ou peu puisque les femmes sont arrivées seulement à partir du 2ème semestre 1942 et
que les femmes manifestement enceintes étaient, selon l’histoire officielle, immédiatement gazées. On peut ajouter que Stanislawa
Leszczynska ne pouvait rien en savoir directement puisqu’elle n’est arrivée à Auschwitz que le 17/4/43 !I Comme l’avant-bras d’un petit
être était trop étroit, on tatouait sur la cuisse, un endroit plus charnu. Si l’eniant vivait, le numéro grandissait au iur et à mesure de sa
croissance jusqu’à en devenir indéchiiirable ou presque. »
Autre témoignage : Arrivée de Paris à Birkenau fin mai 1944 au moment où les Hongrois commençaient à arriver en masse, Odette Abadi-
Rosenstock écrit dans Après Auschwitz, n° 265, janvier 98, p. 12, que le bloc 20 de l’hôpital du camp était notamment réservé aux
accouchées « car il arrive que des iemmes en début de grossesse ne soient pas sélectionnées à leur entrée au camp ; en général, l’eniant et
la mère y passeront plus tard. ». En général ? Cela ne semble pas avoir été le cas et c’est de toute façon contraire à l’histoire officielle !
On lira aussi avec intérêt certains autres témoignages diffusés par le Comité International Auschwitz dans Anthologie, Tome II, 3e partie
(« Dans l’enier ils sauvaient la dignité humaine ») :
• Témoignage du Dr. Otto Wolken (« Quand je pense aux eniants ... ») ; certes, Wolken, arrivé à Auschwitz en juillet 43, parle de gazage
d’enfants mais pas à leur arrivée, uniquement au cours de leur détention (et sans qu’il en donne d’ailleurs la raison) ; exemple : « Et j’ai
toujours devant les yeux ce petit Icek [il s’agissait donc dans ce cas aussi d’un petit JuifI aux cheveux couleur de jais, originaire d’une
bourgade quelconque des environs de Miechow, et que le médecin SS du camp envoya aussi au gaz. Je me souviens de lui quand il vint à
moi après la sélection ; il me regarda et dit : "Oh ! Le ’Lagerartz’ a inscrit mon numéro [Il était donc immatriculé !I." (...) Il avait neui ans.
(...) C’était en 1944. (...) » Tout cela est contraire au dogme mais n’en est pas moins à dormir debout. A signaler que ce Wolken a
témoigné au procès de Francfort en 1963.
• Témoignage du Dr Janina Kosciuszkowa, « Les eniants au camp de concentration d’Auschwitz »
[5I Il est certain qu’en outre, des actes de naissance ont été établis à cette occasion pour ces enfants ; en effet, l’immatriculation n’était rien
d’autre que la domiciliation à Auschwitz (Rue des Casernes) et il ne peut y avoir de domiciliation sans établissement préalable d’un acte de
naissance. Le dernier acte de naissance connu a été établi le 15/01/1945, quelques jours avant l’arrivée des Soviétiques.
[6I Voyez, par exemple, Notre Voix d’avril 44, p. 1 : « 8 mille juiis de Paris déportés à l’Est sont sauvés par les soldats de l’Armée Rouge !
» (photo de cette page dans notre tome II, p 57).
15

(Fallait-il, par exemple, expulser à l’Est ces femmes et leur nouveau-né ?) et il a dû lui être répondu de les
garder ; l’immatriculation des nouveau-nés c’est-à-dire leur domiciliation à Auschwitz n’a été que la
conséquence administrative de cette réponse.
Comme on le voit, tout, dans cette affaire, conforte les thèses
révisionnistes.
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Le « Plan Birobidjan » des Allemands


Jean-Marie Boisdefeu

Début 1940, les Allemands proposèrent aux Soviétiques la réimplantation en Sibérie de plus de 2 millions de
juifs allemands et polonais.

L’éditeur parisien Flammarion vient de publier la traduction française du livre du général soviétique Petrenko,
commandant de la division de l’Armée Rouge qui libéra le camp d’Auschwitz. Cette traduction est suivie d’une
longue étude des chercheurs juifs Ilya Altman et Claudio Sergio Ingerflom. Si le livre de Petrenko est sans
intérêt, par contre l’étude de Altman et Ingerflom contient des éléments inédits du plus grand intérêt. [1I
Nous n’avons pas l’intention de rendre compte de tous les points de l’étude en question –bien que certains
ne
manquent pas d’intérêt- mais uniquement de ceux qui peuvent nous permettre de mieux comprendre le sort
qu’ont connu les juifs restés dans les territoires conquis par les Allemands.
Le lecteur notera que les commentaires et chiffres repris sont de Altman et Ingerflom, les nôtres étant repris entre
crochets [ I ou en notes de bas de page.

La « Région autonome juive » (« RAJ »)


Tout d’abord, un rappel qui sera utile par la suite : en 1933, les Soviétiques créèrent la « Région
autonome juive » (en abrégé la « RAJ ») sur le territoire du Birobidjan, territoire situé dans l’Est de la Sibérie,
pas très loin de Vladivostok.
Sa création date donc de l’arrivée de Hitler au pouvoir [laquelle fut suivie de la déclaration de guerre des
juifs puis de la riposte allemande, cette dernière engendrant le problème des réfugiés juifsI. Mais il ne
s’agit que d’une coïncidence ; en fait, les Soviétiques se désintéressèrent totalement du sort des juifs allemands
et, en 1938, ils ne participèrent même pas à la Conférence d’Evian organisée par les Américains pour résoudre
le problème. Le Birobidjan était donc de fait réservé aux seuls juifs soviétiques, lesquels ne se pressèrent
d’ailleurs pas d’émigrer dans une région aussi reculée et inhospitalière.

La Commission mixte germano-soviétique de rapatriement


En Septembre 39, Allemands et Soviétiques envahirent la Pologne et se la partagèrent, les Soviétiques
annexant tout simplement l’Est du pays au profit de l’Ukraine et de la Biélorussie ; en février/mars 40, les
Polonais de cette zone furent officiellement intégrés dans la population soviétique et reçurent le «
passeport » interne, équivalent de la carte d’identité. [2I
Allemands et Soviétiques créèrent alors, en octobre 39, une commission mixte germano-soviétique pour
régler les conditions de l’échange des populations allemande et slave dans la Pologne occupée et le
rapatriement de Polonais qui s’étaient retrouvés bloqués à la fin des hostilités dans une zone qui n’était pas
celle où ils étaient domiciliés.
Il est à noter que les juifs ne figuraient pas de façon explicite dans la liste des gens à échanger. Or, on sait qu’un
grand nombre d’entre eux s’étaient enfuis devant les Allemands et se trouvaient dans la zone soviétique. Les
Allemands n’ayant pas déployé « un grand zèle pour empêcher les juiis de s’eniuir », ces derniers étaient même
passés librement dans la zone soviétique jusqu’en novembre 39 ; ils furent encore nombreux à passer
clandestinement la frontière par la suite et cela jusqu’à la rupture entre Allemands et Soviétiques en juin 41.
Entre 300.000 et 500.000 juifs de la zone allemande se retrouvèrent ainsi dans la zone soviétique.
Cette commission mixte eut l’occasion de se réunir plusieurs fois entre 1939 et 1941 mais sans grand résultat :
seul le cas de quelques dizaines de milliers de réfugiés fut réglé –dont une minorité étaient des juifs.
Le partenaire des Allemands dans ces discussions était une commission spéciale créée en novembre 39 dans le
cadre du NKVD et présidée par Beria ; elle se proposait de renvoyer [encore lui aurait-il fallu l’accord des
AllemandsI les réfugiés « socialement étrangers », les réfugiés « politiquement suspects » et également
les inaptes (vieux, malades, etc.) ; les aptes eurent à choisir entre l’expulsion ou le travail dans les chantiers
du Nord : seule une minorité optèrent pour cette solution et devinrent citoyens soviétiques. Ceux qui refusèrent
soit

[1I Général Petrenko, Avant et après Auschwitz suivi de Le Kremlin et l’Holocauste 1933-2001 par Ilya Altman et Claudio Ingerflom,
Flammarion, 2002 (original en russe paru en 2000), 285 pages dont 67 pages pour l’étude de Altman et Ingerflom. Ylia Altman est directeur
du Centre d’études sur l’Holocauste à Moscou. Il a écrit un des commentaires de la version française du Livre Noir paru chez Solin-Actes
Sud en 1995. Claudio Sergio Ingerflom est directeur de recherches au CNRS à Paris. L’éditeur affirme que l’étude de ces deux chercheurs
est
« iondée sur les archives ouvertes depuis peu et les travaux les plus récents ».
[2I Parmi eux, les quelque 1.300.000 juifs qui y résidaient, chiffre dont il faudrait d’ailleurs déduire –car ce chiffre date du recensement de
1931- ceux qui avaient émigré, notamment en Europe Occidentale, entre 1931 et 1939.
17

le travail et la nationalité soviétique soit le retour dans la zone allemande [Nous avons vu que les Allemands n’en
acceptèrent pas beaucoup.I furent déportés en Sibérie et dans le Nord de la Russie. Leur nombre aurait été de
880.000 dont 30% étaient des juifs [ce qui ferait 264.000I.
[Tout cela était bien connu, du moins pour l’essentiel, mais la suite ne l’était guère et même, selon nous, pas du
tout.I

Le « Plan Birobidjan » des Allemands


Se référant à G.V. Kostyrchenko [3I, Altman et Ingerflom rapportent ensuite un fait « important mais
peu connu » : la proposition « surprenante » [pour des exterminationnistes, bien entenduI formulée début 1940
dans deux lettres en provenance des Offices pour l’émigration des juifs de Berlin et Vienne « où
oiiiciaient respectivement Heydrich et Eichmann » [4I. Ces deux lettres étaient adressées au Département des
Migrations du gouvernement soviétique ; elles demandaient d’accueillir la population juive du Reich dans
la RAJ (le Birobidjan.) et l’Ukraine occidentale (la Pologne annexée par les Russes).
Cette demande, précisent encore les auteurs, avait été faite dans le cadre du « Plan Birobidjan » ; ce plan, «
resté pratiquement inconnu », proposait l’émigration de quelque 350.000 à 400.000 juifs du Reich
(Allemagne, Autriche et Tchécoslovaquie) et de près de 1.800.000 juifs polonais vivant dans la Pologne
annexée par les Allemands et dans le Gouvernement Général. [5I
Nos auteurs doivent bien en conclure : « Cet épisode coniirme qu’en 1940 les nazis n’avaient pas encore
planiiié
l’extermination totale des Juiis et cherchaient activement des voies pour ‘s’en débarrasser’ ».
La demande fut refusée pour le motif –en fait, un prétexte- que les accords de rapatriement conclus entre
Allemands et Soviétiques ne prévoyaient l’évacuation vers l’URSS que des seuls Ukrainiens, Biélorussiens,
Russes et Rusiny [6I. Quelle fut alors la raison véritable de ce refus d’accueillir les juifs allemands et
polonais ? Altman et Ingerflom disent que la RAJ avait besoin de main-d’œuvre et se proposait d’accueillir
chaque année 15.000 juifs polonais réfugiés dans la zone soviétique. Toutefois, ajoutent-ils, le régime
soviétique souffrait d’espionnite et vivait dans la crainte d’être infiltré par une 5ème colonne ; ce serait là la
raison du refus de l’offre allemande par Staline [lequel, on le sait, avait tendance à envoyer au goulag tous
ceux qui avaient connu l’OccidentI.

[En résumé, il est de plus en plus absurde d’affirmer que Hitler avait conçu de longue date un plan
d’extermination des juifs européens.I

[3I Gennadi V. Kostyrchenko, Tainaia Politika Stalina. Vlast’i antisemitizm (La politique secrète de Staline. Le pouvoir et l’antisémitisme),
Moscou, 2001, p. 120-121. Le livre n’a malheureusement pas encore été traduit en anglais. Kostyrchenko est un chercheur travaillant aux
anciennes archives centrales du parti communiste ; il aurait accès à des archives secrètes encore fermées aux autres chercheurs.
[4I Les auteurs semblent mettre ces deux intervenants sur le même pied et c’est évidemment une erreur ; peut-être faut-il comprendre que la
lettre de Berlin était signée par Heydrich et celle de Vienne par Eichmann.
[5I En l’occurrence, ce chiffre de « près de 1.800.000 » est sans grande importance mais il nous donne l’occasion de vérifier à nouveau le
peu de sérieux des statistiques de la SS (et plus précisément de son spécialiste des affaires juives, à savoir cet illettré d’Eichmann) ; comme
l’a brillamment établi Sanning, il ne devait pas être resté beaucoup plus d’un million de juifs polonais dans la zone allemande.
[6I Les Rusiny, précisent les auteurs, étaient « des Ukrainiens habitant les régions occidentales de l’Ukraine et ayant vécu sous juridiction
austro-hongroise». [Comme, par exemple, la Bucovine du Nord ?I
18

A propos des jumeaux d’Auschwitz


Jean-Marie Boisdefeu
Il existe aux USA une association du nom de Candles qui regroupe un certain nombre de jumeaux juifs ayant été
déportés à Auschwitz. Cette association a été créée en 1985 par l’un de ces jumeaux, Eva Kor née Mozes. Le site
Internet de l’association (http://users.abcs.com/candles) contient beaucoup de cornichonneries, certes, [1I mais
aussi de très intéressantes listes de jumeaux déportés à Auschwitz (en tout, 397 dont une très grande majorité
sont Hongrois). On notera toutefois que Kor ne nous donne pas la preuve que tous ces jumeaux ont été
sélectionnés comme jumeaux. De ces 397 jumeaux, 208 (des enfants) ont été libérés à Auschwitz (ce sont eux
que montrent les célèbres photos prises par les Russes) ; 67 (des adultes) ont été libérés on ne sait trop où
(probablement en Allemagne centrale) ; enfin, on ne sait rien du sort des 122 autres (sauf que quelques-uns sont
morts à Auschwitz même). Kor indique pour la plupart de ces jumeaux la date de naissance et le numéro
d’immatriculation.

1. Rappel de l’histoire de la déportation des juifs hongrois à Auschw itz


Le Dr. Mengele arriva à Auschwitz en mai 43 ; chercheur déjà chevronné en anthropologie, il voulut profiter de
l’occasion extraordinaire offerte par la déportation massive des juifs par le sas d’Auschwitz pour en sélectionner
les jumeaux. Mengele obtint de ses supérieurs les autorisations nécessaires et les crédits lui furent alloués le 18
août de la même année mais, apparemment, ce n’est vraiment qu’avec l’arrivée des juifs de Theresienstadt et
surtout l’afflux massif des Hongrois à partir de mai 44 que les jumeaux furent sélectionnés en grand nombre.
Pour les historiens, plus de 400.000 juifs hongrois arrivèrent en quelques semaines à Auschwitz et la plupart de
ces malheureux -jusqu’à 90, voire 95 %- furent aussitôt gazés : c’est l’une des deux pages les plus sanglantes de
l’histoire d’Auschwitz ; jusqu’à 20.000, voire 24.000 personnes étaient parfois gazées et incinérées sur la
journée ! Si la « sélection pour le gaz » des inaptes avait bien lieu à l’arrivée, il n’en allait pas de même pour
l’immatriculation des déportés jugés aptes au travail ; ils étaient si nombreux que l’administration du camp fut
débordée et le plus souvent, les aptes étaient mis en « dépôt » (« Depot ») dans le camp de transit
(« Durchgangslager ») de Birkenau. Par la suite, on les en sortit pour les envoyer dans les usines du Reich
ou dans des camps de travail. L’entrée du Kalendarium la plus commune à cette époque est du type de
celle-ci (datée du 17/5/44) : « Arrivés dans les convois hongrois du RSHA, 19 juiis –des paires de jumeaux
ou des jumeaux séparés- sont sélectionnés et admis dans le camp sous les n° A-1419 à A-1437.
Vraisemblablement une partie des jeunes et des bien-portants sont mis en ‘dépôt’. Les autres [les inaptesI
sont gazés. » [« Aus den Transporten des RSHA aus Ungarn werden 19 Juden –Zwillingsbrüder und einzelne
Zwillinge- selektiert und als Htitlinge ins Lager eingewiesen ; sie erhalten die Nummern A-1419 bis A-1437.
Wahrscheinlich wird ein Teil der Jungen und Gesunden als sog. ’Depot-Htitlinge’ ebenialls im Lager
iestgehalten. Die übrigen Menschen werden in den Gaskammern getötet. »I
On en retiendra donc ce point essentiel de la vulgate exterminationniste : à l’exception d’un certain nombre
de
jumeaux, tous les inaptes hongrois ont été gazés à l’arrivée ; pas une semaine ou une quinzaine après
l’arrivée mais directement à la descente du train ; dans l’heure ou, en tous cas, dans les 24 heures. [2I
Il s’est trouvé un certain nombre de chercheurs pour mettre tout cela en doute. Ainsi, en ce qui concerne le
nombre de Hongrois arrivés à Auschwitz, Carlo Mattogno avait exposé jadis que, s’il n’est guère douteux
qu’à cette époque, 147 convois (environ 440.000 déportés) ont quitté la Hongrie vers Auschwitz, une partie
seulement y est arrivée ; ainsi, la première mouture du Kalendarium ne mentionnait-elle l’entrée à Auschwitz
que de 58 convois (173.000 déportés), ce qui donnait à penser que 89 convois (265.000 déportés) avaient été
déroutés et n’y étaient pas entrés ; il s’ensuivait aussi que ces 265.000 déportés n’avaient pas pu y être gazés
(pour autant qu’on y ait jamais gazé qui que ce soit). Certes, la deuxième mouture du Kalendarium opte
finalement pour 147 trains mais on ne peut qu’en douter. Toutefois, on sait que, depuis, Carlo Mattogno a
radicalement changé d’avis et qu’il estime que la grande majorité des juifs déportés de Hongrie sont bien
descendus à Auschwitz. Jean- Claude Pressac, lequel cherchait à réduire le nombre de déportés entrés à
Auschwitz pour rendre plus crédible la thèse des gazages, admit aussitôt sans discuter la première thèse de
Mattogno et il réduisit à 53 convois de 3.000 déportés chacun, soit 160.000 déportés, le nombre de Hongrois
descendus à Auschwitz, les autres ayant été

[1I Nous ne pouvons résister à la tentation d’en citer une ; il s’agit d’une notice sur le célèbre Rudolf Vrba : « Evadé du camp
[d’AuschwitzI, il traversa l’Europe jusqu’en Suisse en possession d’un iilm pris clandestinement en vue de convaincre les autorités de ce
que les Juiis étaient assassinés à Auschwitz. A la suite de ses eiiorts, la déportation des Juiis iut arrêtée après que le pape s’en soit plaint.
». Nous aimerions aussi raconter l’histoire de la petite fille de 9 ans qui échappa à la chambre à gaz parce qu’elle prétendit être « la
meilleure éplucheuse de patates au monde » mais on n’en finirait pas.
[2I Une seule exception : un convoi hongrois arrivé tardivement le 3/11/44 et dont tous les occupants (hommes, femmes et enfants dont les
jumeaux Gaszpar et Uszn B., 6 ans, immatriculés B-14005 et B-14006) furent épargnés et immatriculés. Le Kalendarium n’en donne pas la
raison.
19

déroutés ou n’ayant fait qu’y changer de train. Toutefois, ce point de vue n’a pas encore été admis par l’histoire
officielle et il est toujours politiquement correct de croire que quelque 400.000 Hongrois ont été gazés et
incinérés à l’été 44 à Auschwitz.
Il n’entre pas dans nos intentions de rouvrir le débat récent entre Arthur R. Butz, Jürgen Graf et Carlo
Mattogno sur le nombre de Hongrois déportés et arrivés à Auschwitz ; néanmoins, on peut se demander s’il n’est
pas possible d’y voir plus clair à la lumière des informations trouvées sur le site de Candles. Nous allons donc
examiner 3 points, à savoir :
• Combien de trains de juifs hongrois ont-ils été réceptionnés à Auschwitz
?
• Combien de juifs hongrois sont-ils entrés dans le camp d’Auschwitz (éventuellement pour y être
gazés) ?
• Est-il vrai que les inaptes hongrois (notamment les enfants) étaient systématiquement gazés à leur
arrivée à Auschwitz ?

2. Nombre de trains de juifs hongrois entrés à Auschwitz


On ne peut pas se baser sur les dires du Kalendarium, car Czech a –malignement ?- confondu « convoi » et
« liste d’immatriculation ». Il est facile de s’en convaincre par quelques
exemples.
2.1. Premier exemple. Le Kalendarium indique (au milieu d’autres informations) :
• 17/5/44 : « Arrivés dans les convois hongrois du RSHA » [« Aus den Transporten des RSHA aus
Ungarn »I, 19 juifs (des paires de frères jumeaux et des jumeaux séparés) ont été immatriculés A-1419
à A-1437 ;
• 18/5/44 : « Arrivées dans les convois hongrois du RSHA » [« Aus den Transporten des RSHA aus
Ungarn », 20 juives (des sœurs jumelles) ont été immatriculées A-3622 à A-3641.
Le Kalendarium donne ainsi à penser qu’il y eut un convoi le 17/5 et un autre le 18/5. (C’est en tous cas ce que
tous les chercheurs ont compris.) [3I Or, on constate que, curieusement, il n’y a que des garçons dans la sélection
du 17/5 et que des filles dans la sélection du 18/5. On est en droit de se demander si ces garçons et filles ne sont
pas venus dans un seul et même convoi, l’employé chargé de l’immatriculation ayant réparti les jumeaux
immatriculés par sexe dans deux états statistiques de dates différentes. Cette impression se renforce quand on
constate, grâce aux listes de Candles, que les (faux) jumeaux Istvas et Agnes P. (12 ans) ont été respectivement
immatriculés A-3630 le 17/5 et A-1437 le 18/5 ; or, à n’en pas douter, ces jumeaux étaient arrivés à Auschwitz
en se tenant par la main dans un seul et même convoi.
Si le cas de ce couple mixte était isolé, on pourrait avoir des doutes mais on peut citer d’autres exemples
:
• Mor et Eva Z. (11 ans) ont été immatriculés à 2 jours d’écart, soit les 21/5/44 (A-3102) et 23/5/44
(A-5419).
• Ethel et Yiczhak L. (15 ans) ont été immatriculés respectivement les 27/5/44 (A-6033) et 28/5/44
(A-5722). Même chose pour Sara et Oscar G. (19 ans, il est vrai) immatriculés respectivement A-6030
le 27/5/44 et A-5719 le 28/5/44.
• Gabor et Judith N. (17 ans) ont été immatriculés respectivement A-14327 le 17/6/44 et A-7259 le
18/6/44. Même chose pour Ander et Vera S. (15 ans) immatriculés respectivement A-14328 le 17/6/44
et A-7258 le 18/6/44.
• Leora et Menashe L. (10 ans) ont été immatriculés respectivement les 1/6/44 (A-7059) et 2/6/44
(A-12090). Même chose pour les triplés Hedi, Josef et Otto S. (1 an) immatriculés respectivement
A-7044 le 1/6/44 pour la fille et A-12087 et A-12088 le 2/6/44 pour les deux garçons.
2.2. Deuxième exemple : Le 7/6/44, à en croire le Kalendarium, il y eut 2 convois dont le sort fut réglé comme
suit :
• 1er convoi : 2002 juifs hommes [adultesI sont immatriculés A-12091 à A-14092, les autres étant
gazés [dont toutes les femmes -aptes aussi bien qu’inaptes ! -, les vieux et les enfantsI
• 2ème convoi : 5 jumeaux sont immatriculés, soit 2 garçons (A-14093 et A-14094) et 3 filles (A-7206
à A-7208) ; une partie du convoi [des jeunes et des bien-portantsI est vraisemblablement envoyé au
Durchgangslager ; les autres déportés [les inaptesI sont gazés.
Comment peut-il donc se faire que dans le premier convoi, on n’ait pas trouvé de jumeaux et qu’on en ait trouvé
5 [cette fois-ci des deux sexesI dans le second [il en manque d’ailleurs un !I ? On peut raisonnablement penser
que ces deux convois forment, eux aussi, un seul et même convoi.
On objectera peut-être que le préposé à l’immatriculation regroupait les jumeaux de différents convois ; peut-
être bien mais, sachant ce qu’on sait de la façon fantaisiste dont est écrite l’histoire d’Auschwitz, on est aussi en
droit de se demander si Czech n’a pas tout simplement inventé un convoi chaque fois qu’elle est tombée sur
une liste

[3I On relèvera le tour de passe-passe de Czech : elle commence benoîtement par « Arrivés dans les convois hongrois du RSHA » [« Aus den
Transporten des RSHA aus Ungarn »I, ce qui n’est pas une formule propre à un convoi bien déterminé, mais elle poursuit par « une partie
des jeunes et des bien-portants » [« ein Teil der Jungen und Gesunden »I et termine par « Les autres » [« Die übrigen Menschen »I,
formules propres à un seul convoi.
20

d’immatriculés. [En effet, il n’y avait pas qu’une seule liste par convoi mais plusieurs : une pour les jumeaux
hommes, etc.I
2.3. Comment en douter encore à la lecture du compte rendu de la sélection des 4 prétendus convois du 17/6/44 ?
Qu’on en juge :
• 1er convoi : Sélection de 10 juifs (4 paires de jumeaux et 2 jumeaux isolés qui sont immatriculés
A-
14319 à A-14328) et de 2 juives de 19 ans (immatriculées A-7254 et A-7255). Les déportés jeunes et en
bonne santé sont vraisemblablement envoyés au camp de transit. Les autres déportés sont gazés.
• 2ème convoi : Sélection de 320 juifs (immatriculés A-14329 à A-14648). Une partie des déportés
jeunes et en bonne santé est vraisemblablement envoyée au camp de transit. Les autres déportés
sont gazés.
• 3ème convoi : Sélection de 300 juifs (immatriculés A-14649 à A-14948). Une partie des déportés
jeunes et en bonne santé est vraisemblablement envoyée au camp de transit. Les autres déportés
sont gazés.
• 4ème convoi : Sélection de 120 juifs (immatriculés A-14949 à A-15068). Une partie des déportés
jeunes et en bonne santé est vraisemblablement envoyée au camp de transit. Les autres déportés
sont gazés.
Tout cela n’est évidemment pas vraisemblable et il est probable qu’on n’a affaire qu’à un seul et même
convoi dans lequel il y a eu 750 sélectionnés répartis sur 5 listes, ce qui, bien entendu, réduit déjà le nombre de
gazés éventuels.
Finalement, on ne peut trouver ici d’indications sur le nombre de convois de juifs hongrois ; on peut par contre y
trouver la preuve que la relation que fait le Kalendarium de l’arrivée desdits Hongrois est erronée : à défaut
d’autres documents, Czech a procédé à une reconstitution macabre et elle a inventé un convoi avec un maximum
de gazés à chaque fois qu’elle est tombée sur une liste d’immatriculation.
3. Combien de juifs hongrois sont-ils entrés dans le camp d’Auschwitz (éventuellement pour y être
gazés) ? (extrapolation du nombre de jumeaux immatric ulés)
On peut retenir qu’en Europe, il y avait jusqu’il y a peu un accouchement de jumeaux tous les 80
accouchements, d’où on peut conclure qu’il y a 2,5 % de jumeaux, plus précisément 2,38 % dans le cas de la
Hongrie. Un tiers sont des vrais jumeaux ; nés d’un même œuf, les vrais jumeaux sont parfaitement ressemblants
et de même sexe. Par contre, les faux jumeaux proviennent d’œufs différents : ils ne sont pas plus ressemblants
que des frères et sœurs nés d’accouchements différents et ils peuvent être de sexe différent ; les deux tiers de ces
faux jumeaux étant tout de même du même sexe, il s’ensuit que, sur 9 jumeaux (vrais ou faux), 7 sont de même
sexe, soit 77,7 %. Cela signifie que sur une population homogène de 160.000 Hongrois (chiffre retenu par
Pressac), on doit trouver quelque 1.900 paires de jumeaux dont 1.480 de même sexe. [4I Or, de tout ce que disent
les historiens, on en est manifestement très loin [5I mais ce n’est pas étonnant car Mengele ne pouvait
évidemment pas sélectionner tous les jumeaux de cette communauté.
• Il n’en avait pas les moyens financiers et
matériels.
• C’était sans intérêt sur le plan
scientifique.
• C’était impossible, ne fût-ce que parce que les couples de jumeaux se défont généralement à
l’âge adulte. Sans compter que les paires de jumeaux disparaissent à la mort d’un seul des jumeaux.
• Les observations pouvaient se faire aussi bien (et même mieux) sur des enfants, les jumeaux
adultes étant mis au travail.
De la sorte :
• La sélection des jumeaux se fit plus rare au bout de 2 semaines et on trouve peu de jumeaux
immatriculés après le 2 juin.
• Mengele ne sélectionna que des enfants et des adolescents ; certes, on retrouve quelques jumeaux
adultes dans la liste de Candles mais ce n’est pas pour autant la preuve qu’ils furent sélectionnés comme
jumeaux ; ils purent l’être comme aptes au travail.
• Par contre, Mengele a sélectionné un grand nombre de faux jumeaux de sexe différent (19,1 %) et
cela est étonnant vu que les faux jumeaux n’offrent pas plus d’intérêt pour le chercheur que des frères et
sœurs nés d’accouchements différents. L’explication la plus vraisemblable est qu’il s’agit de bévues de
la part de sélectionneurs sans formation médicale.
Il est évidemment tentant de calculer à quelle population correspond le nombre de jumeaux sélectionnés
à
Auschwitz bien qu’on sache qu’on ne puisse obtenir qu’un chiffre minimal, très inférieur à la réalité.

[4I Les juifs de Hongrie déportés à Auschwitz constituaient une population homogène, à ceci près qu’il y manquait une partie des hommes
adultes (en fuite, incorporés dans les bataillons du travail de l’armée hongroise ou déjà en camp de travail). On peut toutefois estimer que
cela est sans importance pour notre raisonnement. Pour le % de jumeaux hongrois, voyez J. Rostand et A. Tétry, Atlas de génétique
humaine, SEDES, Paris, 1955.
[5I Nous ferons grâce au lecteur des diverses estimations que nous avons trouvées mais nous les communiquerons bien volontiers à ceux qui
nous en feraient la demande.
21

La liste de Candles contient 131 paires de jumeaux hongrois (41 masculines, 65 féminines, 25 mixtes) ; on
pourrait tenter d’affiner le calcul en essayant de déterminer le nombre de vrais jumeaux mais le jeu n’en vaut
pas la chandelle. De son côte, le Kalendarium indique qu’il a été immatriculé 162 paires de jumeaux
hongrois et nous retiendrons ce chiffre. Notons que le chiffre du Kalendarium ne reprend pas un certain nombre de
jumeaux figurant dans la liste de Candles : il doit donc être considéré comme inférieur à la réalité : il y a là une
nouvelle raison pour laquelle on doit s’attendre à ce que notre extrapolation débouche sur un minimum.
L’extrapolation donne donc 2 x 162 : 2,38/100 = 13.613 déportés hongrois. On n’est pas plus avancé et on se
doutait bien depuis le début de ce paragraphe qu’il en serait ainsi. Encore fallait-il le faire et, nous semble-t-il, le
faire savoir !
On pourrait ensuite tenter d’extrapoler le nombre de jumeaux trouvés dans la classe d’âge par sexe la mieux
représentée (En l’occurrence, les filles de 12 ans : on en trouve 13 dans la liste de Candles.) ; compte tenu du fait
que, actuellement en France, les femmes de 12 ans représentent 0,60 % de la population, ces 13 jumelles
correspondraient donc à une population de 13 : 2,38/100 : 0,6/100 = 91.036 ; ce chiffre est le chiffre maximum
qu’on puisse obtenir par extrapolation mais il reste, en bonne logique, un chiffre inférieur à la réalité ; malgré
quoi on n’est guère plus avancé.
Il reste encore une possibilité à partir des jumeaux venus de Theresienstadt (Bohème-Moravie) qui constituent le
second grand groupe sélectionné par Mengele. On sait que les juifs tchèques avaient été ghettoïsés dans la
petite ville de Theresienstadt ; certes, des catégories privilégiées de juifs étrangers y avaient également été
envoyées (juifs allemands âgés qui y étaient morts en grand nombre, etc.) mais, globalement, la population
finalement déportée de ce ghetto vers Auschwitz reflétait bien la communauté judéo-tchèque avec, tout
comme dans la communauté hongroise, un déséquilibre des sexes (les hommes ne représentant que 39 % des
déportés) mais, en définitive, elle devait être en tous points comparable à la communauté judéo-hongroise qui
fut déportée en 1944. Entre le 8/9/1943 et le 29/9/44, 7 grands convois de juifs de Theresienstadt arrivèrent à
Auschwitz (dont 2 en pleine déportation des Hongrois) ; par la suite, il vint encore 10 convois, encore que
plus petits, mais nous ne tiendrons compte que des 7 premiers convois pour les deux raisons suivantes :
• d’une part, on connaît avec précision le nombre de juifs de ces 7 convois (19.918 déportés qui furent
sélectionnés en bloc -en fait, à 90% selon le Kalendarium- à l’arrivée) ;
• d’autre part, les jumeaux tchèques de la liste de Candles proviennent de ces seuls 7
convois.
On compte dans cette liste (après élimination de 3 cas douteux) 22 paires de jumeaux (14 masculines, 3
féminines, 5 mixtes) ; il y a donc un déséquilibre entre sexes mais dans l’autre sens que dans le cas des Hongrois
et la question se pose de savoir si cette différence entre les deux déportations permet de poursuivre la
comparaison. Nous pensons que oui mais nous comprendrions qu’on ne partage pas notre opinion. Il n’a donc été
sélectionné que 22 paires de jumeaux alors qu’il devait y en avoir 237 (19.918 x 2,38/100 : 2) : il n’a donc été
sélectionné que 9,3 % du nombre de jumeaux qu’il aurait dû ou pu s’y trouver. (Et peu importe les raisons pour
lesquels il n’y a pas eu davantage de jumeaux sélectionnés.) On ne voit pas pourquoi la sélection des
jumeaux dans les convois hongrois aurait été menée de façon différente ; le fait, notamment, que certains
jumeaux hongrois ont été repérés longtemps après leur arrivée ne devrait rien y changer. Dans ce cas, il aurait
pu arriver de Hongrie 162 : 9,3/100 = 1.742 paires de jumeaux correspondant à 2 x 1.742 : 2,38/100 = 146.386
déportés. Ce chiffre, qui ne constitue plus un minimum comme dans les extrapolations précédentes, est
assez proche de l’estimation de Pressac (160.000) mais certains pourraient le contester de bon droit pour la
raison que nous avons dite plus haut ; nous ne nous battrons d’ailleurs pas pour le défendre.

4. Est-il vrai que les inaptes hongrois (notamment les enfants) étaient systématiquement gazés à leur
arrivée à Auschwitz ?
4.1. Reprenons le cas étudié ci-dessus des deux convois du 7/6/44 (s’il y a eu deux convois, ce dont on peut
douter, avons-nous vu) ; le Kalendarium dit que le sort de ces deux convois fut réglé comme suit :
• 1er convoi : 2002 juifs hommes [adultesI sont immatriculés A-12091 à A-14092, les autres étant
gazés [dont toutes les femmes -aptes aussi bien qu’inaptes ! -, les vieux et les enfantsI
• 2ème convoi : 5 jumeaux sont immatriculés, soit 2 garçons (A-14093 et A-14094) et 3 filles (A-
7206 à A-7208) ; une partie du convoi est vraisemblablement envoyé au Durchgangslager ; les
autres déportés [les inaptesI sont gazés.
La chose est claire : qu’il y ait eu un ou deux convois, les enfants ont tous été immédiatement gazés sauf les
jumeaux sélectionnés par Mengele. Or (et cela, le Kalendarium ne le signale pas.), on trouve au milieu des 2002
juifs [aptesI sélectionnés 2 jumeaux, en l’occurrence Aleksandor et Ernest G. (9 ans), immatriculés A-13202 et
A-13203. Ces deux enfants ne furent donc pas sélectionnés comme jumeaux (peu importe le motif : loupé du
sélectionneur, non-sélection parce que faux jumeaux, etc.) et ils ne firent d’ailleurs peut-être même jamais partie
de la section de Mengele : ils ont donc reçu le même traitement que les enfants non jumeaux de leur convoi,
lesquels sont censés avoir été gazés. Or, ils ne l’ont pas été et ils ont même survécu à leur internement. Alors,
comment peut-on affirmer que les autres enfants ont été gazés à l’arrivée ? [6I

[6I Parmi les rescapés d’Auschwitz, on trouve d’ailleurs de nombreux enfants, notamment hongrois : voyez notre article « Des eniants
rescapés d’Auschwitz », Akribeia, n° 6, mars 2000, p. 94-99.
22

4.2. Il y a surtout les nombreux cas de jumeaux qui furent sélectionnés, certes, mais pas à leur arrivée comme les
jumeaux de l’exemple précédent (Aleksandor et Ernest G.) mais plus tard, parfois beaucoup plus tard. Prenons
un exemple : Peter et Wenzel (alias Tomas) S. (9 ans) sont arrivés, dit le Kalendarium, entre le 15/5/44 et le
30/6/44 mais ils n’ont été immatriculés (A-17454 et A-17455) que le 10/7/44, soit 10 à 55 jours après leur
arrivée. Le Kalendarium n’avait pu que les déclarer gazés à l’arrivée, eux aussi, puisqu’ils n’ont pas été repérés
comme jumeaux à ce moment-là, ce qui constituait, vu leur âge, la seule raison pour laquelle ils auraient pu
être épargnés.
On relève d’autres cas tout à fait semblables à la même date :
• Katalin et Martha D. (14 ans), (A-9745 et A-
9746)
• Andreas et Karl B. (9 ans), (A-7456 et A-7457).
Mais on relève aussi d’autres cas à peu près semblables :
• Olga et Vera G. (6 ans) qui ont reçu les n° A-21945 et A-21946 le 11/8/44 c’est-à-dire très
longtemps après leur arrivée (au moins 30 jours, les derniers Hongrois étant arrivés vers le 10
juillet). Elles ont été immatriculées avec 1.999 juives (dont, dit le Kalendarium, vraisemblablement des
Hongroises et des Polonaises) extraites du Durchgangslager.
• Paul et George H. (6 ans) ont été extraits du Durchgangslager et immatriculés A-17545 et A-17546
le
15/7/44. Les numéros précédents de cette série ont été donnés à des juifs de Trieste et les numéros
suivants à des juifs polonais de Sosnowitz. Dans le même temps, des milliers de juifs et de juives
quittaient le Durchgangslager pour Buchenwald, Danzig et d’autres camps et c’est probablement à
l’occasion de cette sélection que nos deux jumeaux ont été repérés et sélectionnés. C’est donc qu’eux
non plus n’avaient pas été gazés à l’arrivée comme l’affirment les historiens.
• Arrivées entre le 15/5/44 et le 30/6/44 comme tous les jumeaux hongrois cités dans ce chapitre,
Sara et Margit S. (14 ans) ont été immatriculées A-9271 et A-9272 le 8/7/44 au milieu de 999 juives
extraites du Durchgangslager et immatriculées A-8741 à A-9739 (2 autres jumelles, Katalin et
Suzanne G. (47 ans) faisaient également partie de ce groupe mais, vu leur âge, il n’est pas anormal
qu’elles aient été épargnées à l’arrivée, ce qui n’est pas le cas des petites Sara et Margit).
• Georg et Laslo F. (14 ans) ont été immatriculés le 29/6/44 en dehors de tout convoi hongrois ; ils
ont reçu les n° A-15675 et A-15676, lesquels font suite à une série de numéros donnés à des juifs
grecs arrivés le même jour et précèdent une série de numéros donnés à des juifs italiens arrivés eux
aussi le même jour. Eux non plus n’ont pas été sélectionnés à leur arrivée et sont donc censés avoir
été gazés comme tous les autres enfants que nous venons de citer.

5. Conclusions
Les deux premières analyses ne permettent donc pas de déterminer avec précision le nombre de juifs
hongrois entrés à Auschwitz et, donc, éventuellement gazés. On y verra au moins la preuve que le Kalendarium
n’est pas fiable.
Par contre, on ne peut contester les conclusions de la troisième analyse : il est clair que le Kalendarium et
tous les historiens-théologiens (de Hilberg à Gayssot) ont tort d’affirmer que les juifs hongrois inaptes étaient
systématiquement gazés à l’arrivée à Auschwitz. Et c’est le moins qu’on puisse dire !
On a donc ici une confirmation de plus de ce que l’histoire d’Auschwitz est constituée d’exagérations
grossières et ridicules sur des points essentiels.

Une première version de cet article a été publiée dans Etudes révisionnistes, Volume 1, sd (vers 2001).
23

La sélection à l’arrivée à Auschwitz


Les camions chargés d’inaptes allaient-ils vers les chambres à gaz ou
vers les ghettos polonais ?
Exemple d’interprétation d’un témoignage à la lumière du dogme
Jean-Marie Boisdefeu
La Croix-Rouge néerlandaise a publié au lendemain de la guerre une série d’études sur la déportation des juifs
; c’est un document bien connu des spécialistes mais inconnu du public ; le tome III [1I contient un
exemple intéressant de réinterprétation de témoignages et de leur mise en conformité avec le dogme. Le
témoignage porte sur la sélection à l’arrivée à Auschwitz le 11 octobre 1942 d’un convoi de 1.703 juifs
hollandais.
Un rescapé affirmait qu’en ce qui concerne les femmes (et les enfants), un groupe de femmes jeunes avait été
« sélectionné » pour le travail (« geselecteerd »). A l’époque, rappelons-le, la sélection se faisait en gare
civile d’Auschwitz, juste entre les camps d’Auschwitz I et d’Auschwitz II (Birkenau). Le témoin précisait
qu’il avait
« vu ce groupe [de jeunes femmes sélectionnéesI disparaître en courant dans la direction d’Auschwitz I » ;
le témoin affirmait ensuite que « le groupe des iemmes accompagnées d’eniants et des personnes âgées est
monté dans trois grands camions avec remorque et envoyé également dans la direction d’Auschwitz I ». En
résumé, notre témoin oculaire affirmait que, d’une part, les aptes et les inaptes étaient parties dans la même
direction (les premières à pied, les secondes en camion) et, d’autre part, que cette direction, était Auschwitz I.
Pour le commentateur de la Croix-Rouge (J. Looijenga, chef du Bureau J du Service d’Information), il était
évident -ainsi que nous l’enseigne le dogme de l’Eglise de la Shoah- que le groupe d’inaptes avait été
immédiatement gazé ; mais, voilà, toujours selon le dogme, les chambres à gaz étaient situées non pas à
Auschwitz I (où il n’y a eu, selon les historiens, que quelques gazages expérimentaux et encore, bien longtemps
avant l’arrivée de notre convoi) mais dans la direction opposée à Auschwitz II-Birkenau ; dès lors, le chef
du Bureau J en déduisait que le témoin n’avait pu que se tromper et, puisqu’on ne pouvait tout de même pas
mettre en doute le fait que les deux groupes étaient « maniiestement » (« blijkbaar ») allés dans la même
direction donc dans le même camp, qu’il fallait bien admettre que le groupe des jeunes femmes sélectionnées
se dirigeait aussi vers Birkenau, c’est-à-dire vers le camp de la mort. Cette hypothèse, affirmait Looijenga,
était confirmée par le fait qu’on n’avait plus jamais entendu parler par la suite d’aucune femme de ce convoi,
qu’elle fut vieille ou jeune. La conclusion forcée (on n’ose dire logique) à laquelle aboutissait alors le pauvre
Looijenga était donc que la sélection décrite par le témoin n’avait pas été une sélection pour le travail mais
le « simple éclatement d’un groupe » (« eenvoudig de aisplitsing van een groep »), lequel groupe était
entièrement destiné à la chambre à gaz (avec tout de même, ajoutait prudemment Looijenga, quelques « possibles
exceptions individuelles »).
Mais, alors, pourquoi les SS avaient-ils tronçonné le groupe puisque toutes ces femmes, aptes et inaptes,
devaient être gazées ? A la rigueur, on peut trouver une explication qui tienne la route. Mais, par contre,
comment se fait-il que l’un des sous-groupes ait été composé uniquement de jeunes femmes manifestement aptes
et l’autre sous-groupe uniquement de femmes accompagnées d’enfants et de vieilles, toutes également inaptes ?
Apparemment satisfait de son raisonnement, peut-être fatigué par de telles contorsions, Looijenga ne se posait
même pas la question. Il ne se questionnait pas davantage sur le fait étrange que ces crétins de S.S. aient
aussi gazé des femmes aptes, de jeunes femmes aptes dont le Reich avait un si grand besoin dans ses
usines d’armement.
L’analyse de Looijenga, rappelons-le, date de 1952 et, depuis, des progrès ont été accomplis dans
l’historiographie d’Auschwitz ; aujourd’hui, on sait notamment que 108 femmes de ce convoi ont
été immatriculées (voyez le Kalendarium, entrée du 11/10/42). Looijenga avait donc tort sur un point essentiel ;
dès lors, il faut bien admettre qu’il n’y a aucune raison de ne pas accepter le témoignage du rescapé du convoi
[2I : à savoir que, lors de la sélection pratiquée le 11 octobre 1942 à l'arrivée à Auschwitz d’un convoi
de 1.703 juifs hollandais,
• d’une part, les femmes jugées aptes au travail se sont dirigées à pied vers Auschwitz I, [3I

[1I Het Nederlandsche Roode Kruis, Den Haag (Hollande), « Auschwitz. Deel III : De deportatietransporten in de zg. Cosel-periode (28
Augustus tot en met 12 December 1942) » rédigé par J. Looijenga, Chef du Bureau J et publié en octobre 1952 ; 97 pp + 12 pp d’annexes non
numérotées.
[2I C’est d’ailleurs ce qu’a fait le révisionniste espagnol Enrique Aynat qui retient ce témoignage dans « Considérations sur la déportation
des juiis de France et de Belgique à l’est de l’Europe en 1942 », Akribeia, n° 2, mars 1998.
[3I Comme l’a fait remarquer le Professeur Faurisson, la lecture de l’entrée du 12 octobre 1942 du célèbre journal du médecin SS Johann
Paul Kremer confirme qu’au moins une partie du convoi est entrée dans le camp d’Auschwitz I (où se sont déroulées des « scènes
épouvantables devant le dernier Bunker », sans rapport avec le gazage éventuel des inaptes). Le journal de Kremer confirme donc le
témoignage cité par Looijenga et ce témoignage confirme la justesse de la lecture que Robert Faurisson a faite du journal de Kremer.
24

• d’autre part, les femmes inaptes (plus précisément, les femmes malades, les femmes âgées,
les femmes accompagnées d'enfants et ces enfants eux-mêmes) ont été chargées dans trois
grands camions avec remorque et leur convoi ne s'est pas dirigé vers les supposées chambres à
gaz de Birkenau mais dans la direction opposée [qu’on peut supposer être la direction des
ghettos du Gouvernement Général de Pologne].
Certes, il n’est guère douteux que ces malheureuses ont connu un sort tragique mais ce sort n’a pas été celui
auquel nous imposent de croire l’historien Gayssot et ses disciples et il faut le dire car le respect de la
mémoire des morts passe aussi par la narration de l’histoire véritable de leur mort.

Une première version de cet article a été publiée dans Akribeia n° 5, octobre 1999, p 149-150. Directeur
d’Akribeia : Jean Plantin,45/3, route de Vourles,F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des
n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18 E fco.
25

Des enfants rescapés d’Auschwitz


Jean-Marie Boisdefeu
En juin 1998 a eu lieu à Bruxelles la « Troisième Rencontre Internationale sur le témoignage audiovisuel
des survivants des camps de concentration et d’extermination nazis ». Selon le compte rendu qu’en a
publié la Fondation Auschwitz [1I, lors de la discussion qui a suivi cette Rencontre, Marie Lipstadt, membre
du conseil d’administration de la Fondation Auschwitz, a interpellé Anita Tarsi, chercheur israélien travaillant
notamment pour les archives Fortunoff, sur un sujet qu’elle venait d’exposer, à savoir le sort d’un groupe
d’enfants nés entre
1927 et 1938 [donc ayant entre 6 et 17 ans en 1944I qui furent envoyés de Dachau à Birkenau mais qui ne furent
pas « sélectionnés » [pour être gazésI à leur arrivée ; et de lui faire part de son étonnement : « D’après ma
propre expérience, en dessous de 15-16 ans, on était envoyé tout de suite à la chambre à gaz. ». Anita Tarsi lui
répond qu’elle aussi, a été étonnée d’apprendre que des enfants arrivés à Auschwitz en 1944 n’avaient pas été
gazés mais que la chose était exacte : fin juillet/début août 1944, deux groupes d’enfants étaient arrivés à
Birkenau, l’un venant de Maïdanek et l’autre de Dachau et ils n’avaient pas été gazés (du moins pas tout de suite,
certains - mais pas tous- ayant été sélectionnés [pour le gazI quelques semaines plus tard) ; toutefois, Mme
Tarsi ne pouvait donner la raison de cette clémence des SS : peut-être que ces enfants, se hasardait-elle,
n’étaient pas attendus et que la SS n’avait pas su quoi en faire [On ne peut qu’être étonné de cet embarras.I ; ou
bien, peut-être était-ce dû au fait qu’à cette époque, les juifs de Hongrie arrivaient en masses compactes [Mme
Tarsi semblant suggérer que la SS était peut-être bien débordée et désorganisée.I
Un certain Salomon R. intervient alors dans la discussion pour donner raison à Mme Tarsi. Il a connu à
Monowitz, précise-t-il, un kommando composé de 25 à 30 enfants de moins de 12 ans. Enfin, quand il est revenu
en Belgique en 1945, il a rencontré 5 enfants qui avaient survécu à leur déportation à Auschwitz. [On notera au
passage que ce deuxième intervenant pourrait bien être un certain Salomon R., né le 4/3/26, déporté de Malines à
Birkenau par le convoi III du 15 août 1942 à l’âge de 16 ans et demi et compté comme mort par les historiens.I
Ces échanges sont vraiment étonnants et même déroutants :
• Les chercheurs officiels d’aujourd’hui redécouvrent un fait connu et facilement vérifiable (sur
lequel, il est vrai, les historiens de hier ne se sont pas étendus et qu’ils ont même occulté, ce qui
explique probablement l’ignorance et l’étonnement de leurs successeurs) : des enfants isolés et
même des groupes d’enfants déportés à Auschwitz ont été épargnés. Cette redécouverte est sans doute
due au fait que le témoignage audiovisuel est à la mode et que, forcément, plus d’un demi-siècle après la
guerre, les chercheurs ne peuvent plus guère interroger que des rescapés qui étaient enfants lors de leur
déportation.
• Le fait précis signalé par Mme Tarsi est d’ailleurs évoqué par le Kalendarium, lequel est bien
obligé
(nous verrons pourquoi plus loin) de relater à la date du 1er août 1944 l’arrivée et l’immatriculation de
129 garçons de 8 à 14 ans venus du ghetto de Kaunas via Dachau. Leurs mères et sœurs avaient été
envoyées au camp du Stutthof (où, disent les historiens officiels, il n’y a jamais eu de chambre à gaz) ;
quant à leurs pères et frères aînés, ils avaient été envoyés à Stettin. A Dachau, des détenus avaient
affirmé à ses pauvres petits qu’Auschwitz était un camp d’extermination et certains d’entre eux s’étaient
sauvés en cours de route. A leur arrivée à Auschwitz, ils avaient été envoyés dans le camp de
quarantaine, ce qui signifie clairement que les SS n’avaient nullement l’intention de les gazer (sans que,
d’ailleurs, le Kalendarium nous explique pourquoi).
• L’étonnement de Marie Lipstadt est lui-même étonnant : en effet, elle fut déportée à Auschwitz à
13 ans et demi et, arrivée le lendemain du jour où les garçons de Kaunas/Dachau étaient arrivés, soit
le 2 août 1944, elle ne fut pas gazée non plus. Certes, le Kalendarium dit le contraire mais il a tort ; en
effet, il y avait dans le convoi de Marie Lipstadt (le 26ème convoi parti de Malines-Bruxelles) 47
enfants (dont Marie Lipstadt elle-même) ; 202 déportés du convoi ne furent pas sélectionnés [pour le
travailI et, affirme le Kalendarium, ils furent donc aussitôt gazés : « Les autres 202 personnes, dont les
47 eniants, iurent tués dans la chambre à gaz ». Or, il est incontestable que Marie Lipstadt, bien
qu’enfant, a été immatriculée à son arrivée et n’a pas été gazée. On relèvera aussi le fait que Marie
Lipstadt n’est pas un cas isolé car d’autres enfants de son convoi sont également revenus.
En fait, quand le nombre d’enfants d’un convoi est inférieur au nombre des non-immatriculés, il est possible au
Kalendarium d’affirmer de façon dogmatique que les enfants font partie de ces non-immatriculés et ont été gazés.
Mais quand le nombre d’enfants dépasse le nombre de personnes épargnées, il ne peut y avoir aucune
illusion d’optique ; certes, le Kalendarium peut s’en sortir en ne signalant pas la présence des enfants (nous
avons vu - dans Akribeia, n° 5, octobre 1999, p 142- que c’est ce qu’il a fait dans le cas du convoi de juifs
hollandais arrivé

[1I Bulletin de la Fondation Auschwitz, n° 63, avril-juin 1999, essentiellement constitué du Cahier international sur le témoignage
audiovisuel, n° 3, juin 1999.
26

de Vught le 3 juin 1944) ; cette échappatoire n’existe toutefois pas quand le convoi est entièrement composé
d’enfants comme dans le cas de ce convoi venu de Dachau : dans ce cas, il lui faut bien reconnaître un fait
embarrassant mais tellement évident qu’il est incontournable.
En vérité, les participants à cette Rencontre Audiovisuelle Internationale, tous chercheurs professionnels ou
militants connus, semblent ignorer qu’on trouve la trace de nombreux enfants rescapés dans la
documentation disponible ; il y a certes les nombreux témoignages de ceux qui virent arriver dans les
camps de l’Ouest en
1944/1945 des foules de femmes et d’enfants juifs hongrois mais ce que à quoi nous faisons allusion, ce sont des
documents (si possible d’état civil) sortant ces malheureux enfants de l’anonymat et donnant des cas précis
(nous ne citerons que des enfants ayant moins de 15 ans et, bien entendu, nous ne les citerons pas tous) :
• Ainsi trouve-t-on le nom et la date de naissance de très nombreux enfants hongrois dans une liste
établie en septembre 1945 par une organisation sioniste dans l’ancien camp de Bergen-Belsen (dont
certains nés en captivité). Tous ces enfants, affirment les historiens (d’ailleurs à tort dans un certain
nombre de cas) étaient passés par Auschwitz au cours du printemps et de l’été 1944. Citons par
exemple :
- Estera B., 8 ans et demi
- Sari B., 13 ans
- Gizela B., 14 ans
- Cili B., 13 ans
- Marysia B., 14 ans
- Eszter B., 12 ans et demi
On peut aussi citer le témoignage dont nous avons déjà parlé dans Akribeia, n° 4, mars 1999, p 226,
celui d’une jeune hongroise passée par Auschwitz sans y avoir été gazée : Sara Gottliner-Atzmon
(11 ans), arrivée à l’été 1944 avec un frère (encore plus jeune) et un neveu (lui franchement en bas âge),
tous deux également épargnés.
• On trouve aussi des enfants rescapés dans les convois venus de Tchécoslovaquie (Theresienstadt),
par exemple la petite Viennoise Ruth K., arrivée à l’été 1944 à l’âge de 12 ans ou encore Judith
Jägermann, arrivée en décembre 1943 à l’âge de 13 ans, et dont nous résumons le témoignage
dans ce même numéro d’Akribeia.
• Les juifs de Corfou arrivèrent à Auschwitz le 30 juin 1944 et les inaptes, soit les trois quarts du
convoi, nous dit le Kalendarium, furent aussitôt gazés. Alors comment peut-on bien expliquer la
présence à Bergen-Belsen en septembre 1945 du petit Gabriel B. (13 ans et demi au moment de sa
déportation) ?
• En ce qui concerne les convois venus de Hollande, on a lu dans le numéro d’Akribeia cité ci-
dessus que 17 enfants de moins de 15 ans arrivés le 3 juin 1944 avaient été épargnés et immatriculés, un
certain nombre d’entre eux étant même revenus en Hollande, notamment :
- Jack S., 11 ans, immatriculé 188.933
- Jack V., 6 ans, immatriculé 188.934
- Hans N., 9 ans et demi, immatriculé 188.931
- Heinie J., 8 ans et demi, immatriculé 188.930.
• On trouve aussi des enfants épargnés parmi les juifs déportés de Pologne à Auschwitz : Michael S.
(né le 6/10/33) et son frère Josef S. (né le 1/7/38) furent internés avec leur mère en 1941 dans le ghetto
de Theresienstadt ; début novembre 41, ils furent envoyés dans le ghetto de Lodz et, lors de la
liquidation de ce ghetto en août/septembre 44, envoyés à Auschwitz où, nous affirme le Kalendarium,
ils furent aussitôt gazés ; en réalité, ils reprirent aussitôt le train pour le camp de Stutthof-Danzig où ils
furent immatriculés 83.620 et 83.621. [2I
• Plus probant encore pour nous, francophones, est le cas de nombreux enfants déportés de France et
de Belgique car, le plus souvent, ils étaient nés chez nous, avaient notre nationalité, parlaient notre langue,
portaient des prénoms qui nous sont familiers, habitaient nos villes et nos rues ; ces enfants font
pourtant partie de groupes gazés en bloc à l’arrivée ; on peut citer en exemple :
- Jacqueline F., 9 ans et demi, arrivée en mars 1944 (convoi français 69)
- Jean P., 13 ans et demi, arrivé en mars 1944 (convoi français 70)
- Jeannette G., 13 ans et demi, arrivée en avril 1944 (convoi français 71). On notera encore que
Jeannette avait 15 mois de moins que l’aîné des 34 enfants d’Izieu qui faisaient partie du même
convoi (Fritz L., 15 ans) et qui, dit le Kalendarium, ont tous été gazés ; dans ce même
convoi, au moins cinq autres enfants également plus jeunes que Fritz sont revenus en France.
- Fryma W, 7 ans, arrivée en avril 1944 (convoi français 72)
- Claude M., 13 ans, arrivé en mai 1944 (convoi français 74) et qui fut immatriculé A-5251

[2I Voyez Carlo Mattogno dans ViiG, Heft 1, April 2003 : « Das Ghetto von Lodz in den Holocaust-Propaganda. Die Evakuirung des Lodzer
Ghettos und die Deportationen nach Auschwitz (August 1944) ».
27

- Friedel R., 9 ans, arrivé en mai 1944 (convoi belge XXV). Lors de la sélection, il fut envoyé
dans la « iile de gauche » composée de femmes inaptes (femmes âgées et femmes
accompagnant des enfants en bas âge) qui, d’après le Kalendarium et des témoins (dignes
de foi, bien entendu), furent immédiatement gazés. En fait, Friedel fut envoyé au
Familienlager et, plus tard, immatriculé A-5241. (Voir Akribeia n° 4, mars 1999, p 218)
- Simy K., 13 ans et demi, arrivée en juin 1944 (convoi français 76). Il s’agit en fait de la
fameuse Simone Lagrange.
- Janine L., 12 ans, arrivée en juillet 1944 (convoi français 77)
- Charles Z., 11 ans et demi, arrivé en août 1944 (convoi français 78). Arrivé le 11 août 1944,
Charles fut envoyé au Durchgangslager puis, selon le Kalendarium, gazé le 5 septembre ; en
fait, il fut immatriculé B-9733 le 7 septembre et, comme tous les enfants cités ci-dessus, il
revint chez lui.

Il faut donc bien constater ce fait : on trouve des enfants rescapés dans tous les convois de la période
étudiée (celle qui suit la perte de l’Ukraine par les Allemands au printemps 1944) ; sans parler des
enfants nés à Auschwitz même [3I ; notons au passage que, si on disposait des registres mortuaires de
l’année 1944, on s’apercevrait sans doute que de nombreux enfants juifs y figurent alors qu’on n’en trouve
pas un seul dans les registres des années 1942 et 1943 et c’est peut-être bien la raison pour laquelle lesdits
registres n’ont pas encore été retrouvés. En effet, face à ces évidences, les historiens ne pourraient éluder plus
longtemps cette question essentielle : pourquoi retrouve-t-on la trace d’enfants -rescapés ou morts- déportés
après la perte de l’Ukraine par les Allemands et pourquoi n’en retrouve-t-on pas avant cette période ? Mais,
revenons aux enfants survivants : on nous dira peut-être (ce sont des choses qu’on lit parfois) : tel enfant
faisait plus que son âge ; tel autre s’est caché sous les jupes de sa mère ; pour un troisième, il n’y avait plus de
gaz ; un quatrième est arrivé alors que les chambres à gaz étaient en panne ; un cinquième était une éplucheuse
de pommes de terre hors concours. Et pour les autres ? Et bien, on ne sait pas ; on ne trouve rien à leur sujet
dans le Kalendarium sinon qu’ils ont été gazés, ce qui est inexact ; leur retour constitue donc une entorse
inexplicable au dogme selon lequel tous les enfants étaient, sauf rares exceptions, gazés à leur arrivée à
Auschwitz ; il nous faut donc faire preuve d’humilité et admettre sans honte le fait que le retour de ces
enfants constitue un mystère c’est-à-dire une vérité de foi inaccessible à notre pauvre raison. La seule
explication rationnelle qu’on pourrait peut-être avancer est que, en la matière, l’exception à la règle est devenue
la règle et que, comme Pierre Vidal-Naquet l’a énoncé à propos des
« coeiiicients multiplicateurs » de Jean-Claude Pressac, il s’agit là d’une « conquête scientiiique que
nous aurions grand tort de bouder ». Peut-être bien.

Une première version de cet article est parue dans Akribeia, n° 6, mars 2000, p. 94-99. Directeur d’Akribeia :
Jean Plantin, 45/3, route de Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 :
21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18 E fco.
[3I Nous étudions le cas des enfants nés à Auschwitz même dans notre article « Joseph G., juii polonais né à Birkenau en 1943 et arrivé en
France en 1945 ».
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Un témoignage d’enfant sur Auschwitz


Jean-Marie Boisdefeu
On trouve sur Internet le témoignage de Judith Jägermann née Pinczovsky, qui fut déportée à Auschwitz à
l’âge de 13 ans. [1I On en retiendra ce qui suit. Précisons d’abord que le texte entre crochets [ I est de nous.
Judith est née vers 1930 à Karlsbad (Tchécoslovaquie) dans une famille de juifs pieux (son père était
restaurateur
casher). Vers 1939, la famille dut quitter Karlsbad pour Prague. Vers 1942, la mère et deux de ses trois filles
(notre Judith, 11 ans et demi, et Ruth, laquelle avait un an de plus) furent envoyées à Theresienstadt. La mère
obtint que le père, emprisonné préalablement à Karlien, les rejoigne ; une troisième fille habitait à Leipzig
mais elle avait émigré en Palestine vers 1938. Au bout de 16 mois, en décembre 43, ils furent tous quatre déportés à
Auschwitz, où, selon la rumeur, ils devaient être gazés. En route, un employé des chemins de fer leur confirma
que leur convoi devait passer « par la cheminée qui iumait 24 heures sur 24 ». Ces rumeurs rendait le père
malade (« crampes d’estomac et diarrhée ») ; le monde semblait basculer et Judith finit par admettre
qu’ils allaient mourir : « Je compris immédiatement que nous allions être gazés. Mais comment ? Allaient-ils
nous torturer à mort ? Je ius saisie de irissons et Papa aussi. ». En fait, Judith s’alarmait inutilement et le
père se rendait malade en vain car, comme tous leurs compagnons, ils furent immatriculés et envoyés dans le
camp des familles (BIIb, bloc 12). Le père fut mis à travailler aux cuisines des SS [Affectation bien indiquée
puisque, ainsi que nous l’avons vu, le père était restaurateur casher.I ; le travail y était dur et « si les SS
n’avaient pas trouvé la nourriture bonne, ils lui auraient plongé la tête dans l’eau jusqu’à ce qu’il suiioque
presque. » ; en bon père, il rapportait à sa famille des pommes de terre bouillies puis regagnait sa baraque « en
se demandant ce qu’il allait bien pouvoir cuisiner d’agréable aux SS pour éviter d’être torturé. »
Un jour, sa sœur Ruth et une amie aperçurent des convois de juifs hongrois arriver à Birkenau et entrer aussitôt
dans les chambres à gaz ; elles furent surprises par les SS, qui, pour les punir, les tondirent ; les cheveux des
deux malheureuses étaient à peine repoussés depuis la coupe qu’on leur avait imposée à leur arrivée dans le camp
et l’incident dégénéra en crise de nerfs générale jusqu’à ce qu’on put mettre la main sur une perruque pour la
malheureuse Ruth ; toutefois, il en resta des séquelles car l’incident déprima Judith encore un peu plus.
En juillet 44, Mengele procéda à une sélection dans le camp des familles : « Personne ne savait quel côté
était synonyme de vie et quel côté, synonyme de mort. Comme par miracle, nous iûmes poussées toutes les
trois du même côté et c’est comme cela que nous restâmes ensemble. » ; ensemble et en vie, puisqu’elles furent
chargées dans un train, envoyées à Hambourg, près du port, et mises immédiatement au travail de déblaiement
des ruines provoquées par les bombardements alliés. Judith et ses camarades évitaient soigneusement
de donner l’impression qu’elles étaient inaptes au travail « à cause du danger permanent d’être envoyées à
Birkenau pour y être gazées. »
Une nuit, en rentrant du travail, elles trouvèrent leur camp complètement détruit par un bombardement anglais et
toutes celles de leurs co-détenues qui y étaient restées pour l’une ou l’autre raison, avaient péri.
Le commandant du camp, un certain Spiess, avait voulu tuer sa mère d’un coup de revolver sous le
prétexte qu’elle avait ramassé une épluchure de pomme de terre mais le coup n’était pas parti : « Il est bien
possible que le revolver n’était pas chargé ; aussi le commandant s’en était servi pour irapper maman jusqu’à ce
que la bave lui arrive aux lèvres. Pendant des semaines, maman ne put aller au travail et sa tête était terriblement
enilée. »
« Nous avions perdu du poids depuis notre arrivée à Hambourg, neui mois plus tôt. Nous avions connu
de
terribles bombardements au cours desquels nous étions nombreuses à crier ’Shma Israël’ et assez souvent, nous
pensions que notre dernière heure était arrivée. Tout ceci était dû au iait que notre camp se trouvait à
proximité de la zone industrielle, véritable objectii des Anglais. »
De Hambourg, Judith et ses compagnes partirent pour Bergen-Belsen où régnait un chaos total. Libérées par les
Anglais, Judith, sa sœur et leur mère regagnèrent Prague. Elles y attendirent en vain le retour du père. Puis,
Judith fut envoyée en Israël rejoindre sa sœur aînée. Apparemment, la mère et l’autre sœur restèrent en
Tchécoslovaquie.
[Au terme de ce récit vient aux lèvres une question lancinante car sans réponse depuis plus d’un demi-siècle :
mais pourquoi donc ces deux gamines qu’étaient Judith (13 ans) et Ruth (14 ans) n’ont-elles pas été gazées à leur
arrivée à Auschwitz ?I

Article paru dans Akribeia, n° 6, mars 2000, p. 104-106. Directeur d’Akribeia : Jean Plantin, 45/3, route de Vourles, F-69230
Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18 E fco.

[1I Judith Jägermann née Pinczovsky, Memories oi my Childhood in the Holocaust, dec. 1985, 23 p.,
http://remember.org/witness/jagermann.html
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Ernst Nolte et le révisionnisme


Jean-Marie Boisdefeu
A propos de : François Furet et Ernst Nolte, Fascisme et communisme, Hachette Littératures, Collection Pluriel,
janvier 2000, 146 pp A5. Précisons que les commentaires entre crochets [ I sont de nous.

Ce petit livre est constitué, pour l’essentiel, de 8 lettres échangées en 1996 par Nolte (traduit par Marc
de Launay) et Furet. On en retiendra notamment la lettre de Nolte du 5 septembre 1996, lettre dont plus de la
moitié est consacrée au révisionnisme en matière d’extermination des juifs [pp 84 à 97I. Nolte commence par
dire qu’il comprend l’indignation que soulèvent les thèses révisionnistes (y compris, précise-t-il, ses propres
thèses [bien qu’elles soient exterminationnistesI) du fait qu’elles semblent n’être « que du déni impudent de
iaits tangibles, attestés précisément de manière surabondante » ; Nolte ajoute qu’il comprend même
qu’on s’indigne de l’affirmation qu’il faudrait tout de même répondre aux révisionnistes par des arguments et
non par des procès. Si Nolte se permet donc d’aborder le sujet avec Furet [lequel, lit-on dans Faurisson, est
d’origine juiveI, c’est, précise t-il, parce que le révisionnisme est, pour lui, d’une importance particulière car il
défie le point central de ses thèses, à savoir qu’Hitler avait prémédité depuis longtemps l’extermination des
juifs (cf. ses conversations avec Dietrich Eckart dans les années 20). Pour Nolte, il n’est pas douteux que
Rassinier, Faurisson, Mattogno et le Journal oi Historical Review [auxquels il ajoutera Pressac par la suiteI ont
fait des apports inattaquables qui, pour n’être que des « corrections de détail », n’en méritent pas moins
d’être acceptés par les historiens, le corollaire étant qu’on traite leurs auteurs avec plus d’égard. Et de citer
quelques révisions déjà admises [au moins tacitementI sur les aveux de Höss, le savon juif, ou encore la
capacité des fours crématoires. Il est vrai, précise aussitôt Nolte, que ce sont là des points de détail ; par contre,
ajoute-t-il, les révisionnistes ont complètement tort sur des points plus fondamentaux comme,
• d’une part, l’affirmation que les morgues des crématoires n’ont pu servir de chambres à gaz du
fait qu’on n’y a pas trouvé de trace de cyanure ; cette affirmation, pense Nolte, « pourrait conduire
à une déiaite spectaculaire des révisionnistes si elle n’était soustraite au public » [Nolte omet de
préciser qui est responsable de cette soustraction.I ;
• d’autre part, l’affirmation selon laquelle « les oriiices dans les toits des crématoires, qui eussent
dû servir à y déverser le poison, n’avaient été pratiqués qu’après coup, et que, même aujourd’hui,
ils étaient inadaptés pour qu’on y iasse passer des canalisations [sicI. »
Certes, ces deux affirmations, affirme Nolte, pourraient être définitivement réfutées [Mais il ne dit ni pourquoi
elles ne l’ont pas encore été ni comment elles pourraient l’être.I, mais cela ne désarmerait pas les révisionnistes.
Plus probant, lui semble-t-il, est l’argument qu’Hitler a fourni lui-même en reconnaissant, dans son testament
politique, qu’il avait bien procédé à l’extermination des juifs « selon des méthodes plus humaines » que n’en avait
employées la RAF de Harris pour brûler vifs les femmes et les enfants allemands. [On ne peut que contester cette
lecture dudit testament d’Hitler.I Enfin, Nolte suggère qu’on remettre à chaque révisionniste un exemplaire du
mémorial de 1.700 pages que la république fédérale a publié en mémoire de quelque 100.000 juifs victimes du
nazisme. Nolte forme encore le vœu qu’un archiviste enregistre sans passion les arguments des révisionnistes et
les analyse en détail, le résultat auquel on en arriverait étant à coup sûr : « Il iaut certes admettre que ..., mais
le cœur de l’aiiaire n’est nullement ainsi remis en cause. » Et Nolte de terminer sa missive en demandant à Furet
ce qu’il pense du révisionnisme.
François Furet a répondu à Nolte le 30 septembre 1996 mais il n’a pas répondu à la question précise de Nolte sur
le révisionnisme ; il y consacre à peine une page [p 111I : « Sur la question qui occupe les dernières pages
de votre lettre, je n’ai guère de remarques à présenter. La littérature qui cherche, en Europe et aux Etats-
Unis, à nier la réalité de l’extermination des juiis par l’Allemagne nazie, je la connais mal, car le peu que j’en
ai lu m’a donné le sentiment d’être en iace d’auteurs animés par la vieille passion antisémite plus que par la
volonté de savoir. » Malgré quoi, Furet se déclare, par principe et par opportunité, contre le « traitement
législatii ou autoritaire » de l’Holocauste, lequel « doit d’autant moins iaire l’objet d’un interdit préalable
que bien des éléments en restent mystérieux et que l’historiographie sur le sujet n’en est qu’à son commencement.
»
[Le lecteur intéressé notera encore que Robert Faurisson a également correspondu avec Nolte mais quelques
années plus tôt, soit en 1981 et 1983. Il lira dans les Ecrits révisionnistes quatre lettres envoyées à Nolte
(Tome III, p 1317 et Tome IV, pp 1508, 1529 et 1550) ; de plus, en pages 1617 à 1619 du dit Tome IV, il prendra
connaissance de l’opinion -peu flatteuse- qu’à cette occasion, Robert Faurisson s’est faite sur Nolte et ses
spéculations.I

Article paru dans Akribeia, n° 6, mars 2000, p. 106-108. Directeur d’Akribeia : Jean Plantin, 45/3, route de Vourles, F-69230
Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18 E fco.
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Interview des jumeaux Irène H. et René S.


Jean-Marie Boisdefeu
On sait que, depuis un certain temps, des chercheurs ont entrepris de recueillir avec frénésie les témoignages –
écrits, oraux ou vidéo– des derniers survivants de l’Holocauste. La plupart de ces témoignages ne sont
pas accessibles au public et les chercheurs n’y ont accès qu’après avoir démontré qu’ils n’étaient pas
mécréants. Toutefois, nous avons pu nous procurer la copie d’un de ces témoignages : il s’agit de l’interview d’un
couple de jumeaux déportés de Theresienstadt à Auschwitz en décembre 1943 à l’âge de 6 ans. [1I Ces
enfants – prénommés Irène et René – étaient accompagnés de leur mère mais ils en furent séparés assez
vite dans des circonstances qu’ils ne peuvent pas décrire : il ne faut pas, bien entendu, perdre de vue qu’ils
n’avaient que 6 ans et que les faits décrits sont vieux de plus d’un demi-siècle. Qu’est-ce que le chercheur
peut retenir de leur témoignage ?
Pour commencer, il faut constater que ce témoignage est conforme à ce qu’on croit savoir par ailleurs de tous ces
témoignages : l’absence de sens critique chez les interviewers et le respect des dogmes par les deux
intervenants les caractérisent ; de la sorte, ils sont décevants pour celui qui doute, pour qui rien n’est acquis et
qui cherche ; parfois même, ils tournent au bavardage, bavardage inconsistant que les interviewers
enregistrent néanmoins scrupuleusement. Exemple de ce bavardage :
Question : « Vous aviez 8 ans ? »
Irène : « Oui, j’allais sur mes 8 ans. »
René : « Tu avais, tu avais... tu venais d’avoir 7 ans en décembre. Tu avais iêté tes 7 ans en décembre.
»
Irène : « Oh, je venais juste d’avoir 7 ans ! »
René : « Tu avais juste un peu plus de 7 ans. Comme moi. C’est pourquoi je m’en souviens. »
L’interview apporte néanmoins un certain éclairage sur l’histoire du camp d’Auschwitz-Birkenau, notamment sur
l’épisode célèbre de la liquidation du Camp des Familles en mars 1944.

Les « expérimentations »
On sait qu’à une certaine époque, les jumeaux étaient sélectionnés à leur arrivée à Birkenau aux fins, dit l’histoire
officielle, de servir à des « expérimentations douloureuses » dans le laboratoire du docteur SS Mengele. On peut
déjà se demander a priori si les divers intervenants de cette interview ne confondent pas, à la suite des historiens,
expérimentation et observation. Mais qu’en disent donc nos deux jumeaux ?
Irène – laquelle est, comme tout le monde, soumise depuis un demi-siècle à un endoctrinement intensif qui a pu
corrompre sa mémoire – se souvient bien d’un hôpital et d’un cabinet médical. Il lui semble qu’elle y a
passé beaucoup de temps et qu’elle y a été très malade. Elle se rappelle qu’on lui a prélevé du sang au côté
gauche du cou et aussi au bout des doigts, qu’on l’a mesurée, pesée et passée aux rayons X, qu’elle a reçu des
injections et qu’on a relevé sa température. Tout cela – elle n’en doute pas – dans le cadre des «
expérimentations » de Mengele.
En revanche, René ne se souvient pas d’avoir été aussi souvent à l’hôpital que sa jumelle. René ne se
souvient pas non plus de tous ces examens ; il se souvient tout juste d’avoir été mesuré une fois et il se
souvient du mot
« Röntgen ».

Le cadre de vie
De ce qu’ajoutent Irène et René, il apparaît clairement que les jumeaux étaient séparés. En fait, ils ne
vivaient même pas au sein d’un groupe de jumeaux de même sexe. Ainsi, Irène affirme qu’il y avait des
femmes adultes dans sa baraque ; de son côté, René assure aussi qu’il vivait en compagnie d’hommes adultes.
Mais qui étaient ces adultes ? L’interviewer pense tout de même à poser une question intelligente : quelle
langue parlaient-ils entre eux ? Irène dit qu’ils parlaient tchèque et allemand (leurs parents venaient
d’Allemagne). Irène ajoute qu’il y avait aussi dans sa baraque des gens qu’elle ne comprenait pas.

La probable vérité
Tout cela est bien maigre mais on peut tout de même tenter d’en tirer des enseignements.
Tout d’abord, il faut se demander si Irène et René ont été sélectionnés comme jumeaux.
La réponse est clairement non ; en effet, ils faisaient partie d’un convoi composé de 981 hommes et 1.510
femmes et arrivé à Auschwitz le 16 décembre 1943 en provenance de Theresienstadt (Tchécoslovaquie) ; pour

[1I US Holocaust Memorial Museum, Washington (USA). (RG-50.030*0320). Interview réalisée le 24 avril 1995 et archivée sur disquette
WP5 (44 p.).
31

une raison que les historiens ne peuvent donner (et qui est, pour les révisionnistes, qu’on a jamais gazé
personne à Auschwitz), les juifs des convois arrivés de Theresienstadt furent tous immatriculés et envoyés dans
la section du camp appelée « Camp des Familles » ; le convoi d’Irène et René n’échappa pas à cette règle et
tous furent immatriculés ; les numéros qui ont été donnés à nos faux jumeaux dont le nom de famille était
Guttman (Ils en ont changé, depuis.) correspondent aux numéros qui ont dû être donnés aux déportés dont
l’initiale du nom était G ; cela signifie donc clairement que nos deux jumeaux n’ont pas été immatriculés comme
jumeaux [2I.
Ont-ils pu tout de même faire l’objet d’observations en tant que jumeaux ?
On ne peut en être sûr, ne fût-ce que parce qu’ils étaient des faux jumeaux, lesquels ne pouvait intéresser
Mengele pour la raison que les faux jumeaux n’ont rien de plus en commun que des frères et sœurs nés dans des
accouchements différents ; certes, on constate que, dans les convois de juifs hongrois, des faux jumeaux ont été
sélectionnés en grand nombre mais, il semble que ce soit à la suite de bévues répétées de sélectionneurs sans
formation médicale.
Le fait que nos jumeaux aient été séparés indique aussi qu’ils ne firent pas partie du groupe de jumeaux
retenus par Mengele car les observations sur des jumeaux n’ont de sens que si elles sont parallèles et
simultanées. Il s’ensuit qu’ils ont été traités de la même façon que les autres enfants : ils durent vivre avec
leur mère (car les Allemands ne séparaient pas les enfants de leur mère) et, à sa mort, ils durent être confiés à des
âmes charitables. Quant aux traitements médicaux qu’Irène a subis, ils ne prouvent strictement rien sinon peut-
être qu’a contrario, elle a été soignée correctement parce qu’elle était tombée malade. On relèvera le fait qu’il
est anormal que ce qui pourrait servir à décharger les Allemands leur soit mis à charge.
Par la suite, en mars 1944, le camp des familles fut « nettoyé » pour faire place à de nouveaux arrivants de
Theresienstadt ; les aptes, disent les historiens, furent envoyés dans des camps de travail (à Heydenbrecht
notamment) et les inaptes furent gazés ; nos deux jumeaux auraient donc dû être gazés. Or, ils ne l’ont pas été et
ceci constitue une deuxième preuve de ce que les gazages d’inaptes sont une fable. Nos deux jumeaux sont
vraisemblablement sortis du camp des familles avec les autres inaptes tchèques et envoyés dans d’autres
sections du camp de Birkenau (où ils vécurent avec des détenus de leur sexe dont certains parlaient d’autres
langues que l’allemand et le tchèque).

Epilogue
Il reste à préciser le sort ultérieur de nos jumeaux. En 1945, les inaptes (dont Irène et René) ne furent pas
évacués par les Allemands. Les historiens insinuent que les Allemands avaient fait le projet de les exterminer
mais n’en ont pas eu le temps. (Ce serait donc la troisième fois que nos jumeaux auraient échappé à la mort !)
Évidemment ! La vérité est que les Allemands ne voulurent pas obliger les malades et les faibles à une
évacuation qui devait se faire dans des conditions difficiles ; ils n’y avaient d’ailleurs aucun intérêt et, pour
eux, c’était là une bonne occasion de se débarrasser de détenus inutiles et encombrants. Nos deux enfants furent
donc libérés à Auschwitz même par les Russes. A partir de là, ils furent tout à fait séparés : Irène fut recueillie par
une famille catholique polonaise, puis elle fut prise en mains par des organisations juives et envoyée à Bratislava
; de là, elle vint en France puis fut envoyée aux États-Unis où elle fut adoptée par une famille juive. Elle
eut les honneurs de la couverture de Liie, grâce à quoi elle retrouva son frère en 1950. De son côté, René
avait été envoyé dans un hôpital mais il ne sait pas où puis dans un orphelinat catholique à Kosice (Slovaquie) ;
ensuite, il fut recueilli par diverses familles slovaques jusqu’à son départ pour les États-Unis.

En résumé, nos deux jumeaux n’ont pas eu une enfance enviable et on ne peut que le regretter ; du moins
n’ont-ils pas été gazés et cela, les historiens devraient en donner la raison : simplement et sans menacer de prison
ceux qui leur posent la question.

Article paru dans Akribeia, n° 4, mars 1999, p. 210-211. Directeur d’Akribeia : Jean Plantin, 45/3, route de
Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 :
18 E fco.
[2I D‘après l’association des jumeaux d’Auschwitz, CANDLES, ils ont reçu les n° 160061 (pour René) et 70917 (pour Irène qui, à l’époque,
se prénommait Renata).
32

Mais pourquoi donc les enfants juifs déportés de Vught (Pays-Bas) à


Auschwitz le 3 juin 1944 n’ont-ils pas été gazés ?
Jean-Marie Boisdefeu
Le Kalendarium est un ouvrage rédigé par Danuta Czech du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau et qui résume,
jour après jour, les événements qui se sont déroulés à Auschwitz de 1939 à 1945. Publié pour la première fois en
plusieurs livraisons au début des années 1960 dans les Heite von Auschwitz et republié sous forme d’ouvrage et
dans une version mise à jour en 1989, il peut être considéré comme reflétant la version de l’histoire adoptée
par les autorités responsables de ce haut-lieu de l‘extermination des juifs. Sa lecture est rien moins que
déprimante, particulièrement pour la période de juin 1944, période au cours de laquelle sont arrivés en masse
à Auschwitz des centaines de milliers de juifs hongrois, polonais (du ghetto de Lodz notamment) et autres qui,
affirment les historiens, y furent gazés et incinérés à un rythme dantesque. Le calcul montre qu’il a dû
nécessairement atteindre des pointes de 24.000 déportés par jour, ce qui dépasse d’ailleurs de
beaucoup les capacités d’extermination admises par les mêmes historiens. Un mystère de plus !
Or, à la date du 6 juin 1944, on lit l’entrée suivante dans ledit Kalendarium : « Arrivée de Vught [Pays-BasI
de
496 Juiis, hommes et iemmes. Après la sélection, 99 hommes, immatriculés 188.926 à 189.024, et 397 iemmes,
immatriculées 78.253 à 78.533 et 81.735 à 81.850, sont admis dans le camp. » Le Kalendarium ne donne aucune
autre indication. Il ne signale notamment pas que l’ensemble du convoi a été immatriculé, donc épargné, chose
qu’on peut facilement vérifier, il est vrai, puisque 99 et 397 font 496. Mais, surtout, il donne à penser que tous
les détenus du convoi étaient des aptes. Or, la vérité est qu’il y avait des enfants, des vieux et des malades dans le
convoi !
Avec le développement d’Internet, l’historien amateur peut même vérifier le fait facilement. En effet, on trouve
sur le site du Musée de l’Holocauste de Washington (US Holocaust Memorial Museum :
http://www.ushmm.org) des extraits d’un fichier microfilmé à Auschwitz et qui contient un certain nombre de
fiches signalétiques (Htitlingspersonalbogen) rédigées à Auschwitz préalablement à l’immatriculation des
détenus (soit, hélas, moins de 5.000 fiches étalées sur mai 1943 à octobre 1944). En interrogeant ce fichier soit à
la recherche d’éventuels enfants soit à la recherche de détenus entrés à Auschwitz le 6 juin 1944, on trouve
notamment 4 enfants juifs néerlandais, tous quatre arrivés le 6 juin et appartenant indubitablement au
convoi venu de Vught, soit :
• Jack S., né le 4 juin 1933 (il avait donc exactement 11 ans), immatriculé 188.933. Le fait que son
nom ne figure pas dans In Memoriam (Mémorial des juifs néerlandais morts en déportation) signifie
donc que le jeune Jack est même revenu de déportation. (On relèvera au passage que sa mère, laquelle
faisait vraisemblablement partie du même convoi, est morte le 5 mai 1945 à Czernowitz en Bucovine du
Nord, probablement dans le train qui rapatriait un certain nombre de déportés occidentaux via Odessa.)
• Jack V., né le 20 avril 1938 (il avait donc 6 ans), immatriculé 188.934. Lui aussi est revenu et, si
ses parents ont été déportés, eux aussi sont revenus.
• Hans N., né le 4 décembre 1934 (il avait donc moins de 10 ans), immatriculé 188.931. Hans est
revenu de déportation ; son père (s’il a été déporté) aussi ; par contre, sa mère est morte à Auschwitz le
31 décembre 1944.
• Heinie J., né le 19 décembre 1935 (il avait donc moins de 9 ans), immatriculé 188.930. Heinie et
ses parents (s’ils ont été déportés) sont revenus.
On notera qu’on trouve encore 7 adultes du même convoi dans ce fichier : l’un est mort le 17 mars 1945 à
Buchenwald, un autre le 31 mai 1945 à Bergen-Belsen et 5 sont revenus aux Pays-Bas.
Autre vérification à effectuer dans une publication faite au lendemain de la guerre (décembre 1953) par Het
Nederlandsche Roode Kruis (la Croix-Rouge néerlandaise) sous le titre de Auschwitz - Deel V : De
Deportatietransporten in 1944. Dans la rubrique consacrée à notre convoi, l’auteur (J. Looijenga) précise qu’il
comprenait 17 enfants de moins de 15 ans et que, parmi les 60 survivants connus, on comptait 3 garçons
d’environ 10 ans et 2 fillettes de 13 ans, de sorte qu’il semble bien qu’il faille y ajouter au moins un des quatre
garçons cités ci-dessus (Jack V., 6 ans). Looijenga, il est vrai, n’a compté aucun autre enfant rescapé dans aucun
autre convoi mais, à une exception près, tous les convois partis des Pays-Bas sont antérieurs : ils datent
donc d’une époque au cours de laquelle les Allemands avaient la possibilité de réimplanter les inaptes en
Ukraine, ce qui n’était plus le cas à l’époque du convoi venu de Vught en juin 1944, les Russes ayant
reconquis la plus grande partie de l’Ukraine au printemps 1944. Et quel a donc été l’itinéraire ultérieur des
déportés de Vught ? Looijenga dit que, peu après leur arrivée, la plupart des déportés du convoi ont été transférés
à Langenbielau/Reichenbach, un camp de travail situé au nord-ouest d’Auschwitz mais dépendant
de Gross-Rosen. Un premier convoi est parti le 10 juin, un second le 23 août et, précise Looijenga, il
devait
33

comprendre « environ 50 iemmes âgées, iemmes malades et mères accompagnées d’eniants ». Sur ces 50
femmes et enfants, 31 ont eu un sort que la Croix-Rouge ignorait encore en 1953 et ils ont été considérés
arbitrairement comme morts à la date de leur départ d’Auschwitz.

En tous cas, une chose est sûre : personne parmi les enfants de ce convoi, leurs mères, les femmes et hommes
âgés, les malades et invalides qui les accompagnaient n’a été gazé à l’arrivée à Auschwitz et cela n’est pas
conforme au dogme. Et pourquoi donc ? Serait-ce un mystère (un de plus) ?

Une première version de cet article a été publiée dans Akribeia n° 5, octobre 1999, p. 141-143. Directeur
d’Akribeia : Jean Plantin, 45/3, route de Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des
n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18 E fco.
34

« Alors, Charles, tu savais ou tu ne savais pas ? »


Jean-Marie Boisdefeu
Charles Van West a été déporté à 31 ans à Auschwitz par le 26e convoi parti de Malines (Belgique) le 31 juillet
1944 . De son propre aveu, Charles ne se préoccupa guère au cours de sa vie active de commémorations. Le seul
lien qu’il maintint avec la communauté juive (dont il estime ne pas faire partie) ou avec la communauté des
rescapés de la déportation fut purement commercial : fleuriste de profession, Charles livrait des fleurs au
monument aux déportés morts passés par Malines. Selon un schéma habituel, ce n’est qu’à l’âge de la retraite
que Charles éprouva le besoin de participer aux exercices de mémoire. À ce jour, il ne doit pas y avoir beaucoup
d’écoles wallonnes ou bruxelloises dans lesquelles Charles n’a pas parlé de sa déportation. Il a également donné
quelques interviews et, enfin, tout récemment, il a édité, à compte d’auteur, le récit de sa déportation. [1I
Au terme de la lecture de son récit et de ses interviews, une question vient à l’esprit : durant sa captivité à
Auschwitz, Charles savait-il qu’il y avait des chambres à gaz ?
À la lecture de son livre, il semble bien que oui, quoique … Narrant l’opération de sélection à l’arrivée de
son convoi, Charles écrit notamment : « On nous avait iait croire qu’ils [les inaptesI allaient être dirigés vers
une iniirmerie. Eiiectivement, je les vis les uns après les autres partir à pied quand ils le pouvaient, monter dans
les camions bâchés qui les attendaient à l’autre bout de la rampe » On notera au passage que ce « bout de la
rampe
», c’était soit la sortie du camp, soit l’entrée des grands crématoires II et III dans lesquels ont été gazés la
quasi-
totalité des juifs envoyés à Auschwitz. Mais, dans cette seconde hypothèse, pourquoi employer des
camions bâchés pour parcourir quelques dizaines de mètres seulement ? Charles, qui n’avait jamais entendu
parler d’Auschwitz, ajoute : « Beaucoup plus tard, après un séjour de quelques jours dans le camp, j’ai bien
voulu admettre avec pourtant des réticences, de par ce que les anciens nous racontaient, que les malheureux
ainsi acheminés à l’arrivée sur la rampe de Birkenau, allaient à pied ou en camion sans autre iormalité
quelconque, directement à la mort par le gaz ! » Charles a donc appris l’existence des chambres à gaz à
Auschwitz même. Plus tard, d’ailleurs, d’autres détenus la lui ont confirmée. Par exemple, Maurice Goldstein
(futur président du CIA, Comité International d’Auschwitz) qui lui a raconté à l’infirmerie d’Auschwitz qu’il
avait dû charger lui- même le corps de son frère agonisant sur une civière pour l’envoyer à la chambre à gaz.
Charles aurait-il par hasard vu l’une de ces chambres à gaz et pourrait-il nous la décrire ? Non, dit-il : «
Certes, je l’avais déjà dit, pourtant je crois devoir insister, je n’ai jamais été réellement en contact avec les
chambres à gaz, tout comme d’ailleurs aucun des rescapés à ma connaissance. / Cependant nous en
connaissions tous l’existence pendant notre captivité, ne iût-ce que par les disparitions mystérieuses et très
souvent à cause de nombreux visages que nous ne revîmes jamais ! » Et Charles de s’énerver du fait des «
ialsiiicateurs » qui prennent « les gens pour des naïis ». Bien que cela n’ait rien à voir avec la question que
nous désirons traiter, notons au passage que la page
79 de son livre est entièrement consacrée au savon juif, auquel Charles croit dur comme fer, ce qui constitue, en
l’occurrence, une attitude révisionniste !
Avant la publication de son livre, Charles avait affirmé avoir eu connaissance de l’existence des chambres à
gaz à l’époque de son incarcération : ainsi, en 1986, avait-il déjà raconté dans le Bulletin de la Fondation
Auschwitz sa conversation avec Maurice Goldstein à l’infirmerie d’Auschwitz : Goldstein « avait été
obligé, en tant qu’iniirmier, de s’occuper personnellement de mettre le corps agonisant de son propre irère sur
la charrette qui allait le diriger vers la chambre à gaz ! » [2I Toutefois, la même revue publiait en septembre
1992 [3I le texte d’une longue interview de Charles par Yannis Thanassekos et Jean-Michel Chaumont et, cette
fois, Charles était moins sûr de lui ainsi qu’en témoigne l’échange suivant :
Question : « Quand tu étais dans le camp, savais-tu qu’on exterminait en masse ? »
Charles : « On nous le disait mais on ne voulait pas tellement réaliser. »
Question : « Et quand l’as-tu réalisé ? »
Charles : « Je crois que je l’ai surtout réalisé quand tout était iini, quand la guerre était iinie.
Quand on est venu nous raconter qu’il y avait des chambres à gaz. Mais dans le camp, on avait
été dur à comprendre. Je savais qu’on disparaissait. (...) »
Les choses semblent donc claires : contrairement à ce qu’il affirmait en 1986 et qu’il affirmera en 1996,
Charles n’a entendu parler des chambres à gaz qu’après sa libération (il n’est d’ailleurs pas le seul à
tenir pareil propos). Toutefois, plus loin, racontant une nouvelle fois comment Goldstein lui a sauvé
la vie lors d’une sélection à l’infirmerie, Charles déclare qu’il a été réaffecté au travail, le médecin
l’ayant

[1I Charles Van West, « B-3665. Témoignage d’un ressuscité. 1913-1945. Bruxelles Auschwitz Bruxelles. ». Charles Van West, 12, rue Léon
Fourez, 1081 Bruxelles. 2 tomes. 1996/1997
[2I Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, Bruxelles, n° 11, mars 1986, p. 62 et suiv., article intitulé : « Merci Maurice ! »)
[3I N° 32-33, p. 49 à 79.
35

« mis du côté des bons où nous étions peut-être cinq ou six. De l’autre côté il y avait le reste de la
chambrée, ils étaient à peu près deux cents ».
Question : « Et tu savais que c’était le gazage ? »
Charles : « Je le pensais mais je ne le ressentais pas aussi iort. »
Question (les interviewers donnent l’impression de n’être pas satisfaits de cet aveu d’ignorance de
Charles ; ne chercheraient-ils pas à influencer le témoin ?) : « Mais tu savais que c’était
une condamnation à mort ? »
Charles (réponse d’un homme qui n’aime pas décevoir, au risque de se contredire ?) : « Oui, cela je le
savais, je m’en rendais pariaitement compte. (...) »
Bref, au cours de son incarcération, Charles savait-il ou ne savait-il pas qu’il y avait des chambres à gaz ? On
ne
sait pas trop. On tenterait bien de faire une synthèse raisonnée des propos qu’il a successivement tenus au
cours de ces dernières années mais la page qu’il consacre au savon juif n’y encourage pas. Finalement,
Charles apparaît comme un témoin attachant et honnête, certes, mais pas plus fiable que ceux qui ont
témoigné par ailleurs sur cette tragédie ou, pour mieux dire, que les témoins autorisés et même
recommandés dont le témoignage sert de contrefort à l’histoire officielle

Article paru dans Akribeia, n° 4, mars 1999, p. 218-220. Directeur d’Akribeia : Jean Plantin, 45/3, route de
Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18
E fco.
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« En 1942 déjà, on savait... »


A propos du « télégramme Riegner »
Jean-Marie Boisdefeu
Combien de fois ne nous a-t-on pas répété, notamment au cours du procès Papon, qu’on savait déjà en 1942 que
les Allemands exterminaient les juifs ? On cite souvent à l’appui de cette affirmation les informations transmises
par Gerhart M. Riegner, qui, à l’époque, représentait le Congrès Juif Mondial à Genève. Ce dernier vient
justement de publier ses Mémoires [1I et c’est l’occasion de vérifier à nouveau si ce qu’il a affirmé à l’époque
était fondé ou pas.
Tout d’abord, un mot sur l’homme. Juriste et juif allemand, Riegner a travaillé toute sa vie au sein du
Congrès
Juif Mondial et il en est devenu, avec Nahum Goldmann, le représentant le plus connu. D’abord responsable de
l’antenne genevoise de l’organisation, il en devint secrétaire général, puis co-président du conseil directeur
et enfin vice-président d’honneur. Dans ses Mémoires, Riegner se fait gloire d’avoir été « le premier à
transmettre au monde occidental une iniormation authentique sur le plan de Hitler d’exterminer la totalité
du judaïsme européen. ». [p. 54I A la mi-42, Riegner avait eu vent d’informations alarmistes rapportées par
un industriel allemand (qui retrouvait en Suisse sa maîtresse juive) et il les avait fait transmettre aux USA
et en Grande- Bretagne dans un télégramme diplomatique (qui est passé dans l’histoire sous le nom de
« télégramme Riegner »). Pour se persuader de l’importance que ce fameux télégramme occupe dans
l’historiographie de la Shoah, il suffit de se rappeler par exemple que le télégramme est reproduit en couverture
du livre bien connu de Walter Laqueur (« Le terriiiant secret. La ’Solution iinale’ et l’iniormation étouiiée »).
Toutefois, les autorités américaines ne croyaient pas du tout aux informations données par Riegner (Elles
n’y crurent ou ne firent semblant d’y croire qu’en 1944.) mais elles se laissèrent tout de même persuader de
charger le ministre des USA à Berne (Harrison) d’examiner les preuves détenues par Riegner. De la sorte,
celui-ci fut amené à remettre à Harrison en octobre 42 un dossier d’une trentaine de pages dont l’un des
éléments était un rapport de 5 pages intitulé Report oi a Jewish reiugee [daté du 8 octobre 1942I que Riegner
avait rédigé après avoir rencontré dans un hôpital suisse un blessé nommé Izak L. Dans ses Mémoires, l’auteur
résume comme suit le témoignage de ce blessé :
« Le patient [Izak L.I était un jeune homme juii, qui avait été pris par les nazis à Bruxelles dans une
des grandes railes de juillet-août 1942. Transiéré à Malines, le camp belge de transit proche de la
capitale, il avait été ensuite déporté vers l’Est de l’Europe. Il m’a décrit avec beaucoup de précision sa
propre arrestation, le camp de Malines, puis les diiiérentes étapes de sa déportation jusqu’à ce qu’il
arrive à Rava Ruska, et ensuite près du iront de Stalingrad, où il iut mis au travail des iortiiications.
Alors qu’il travaillait depuis un certain temps, un jeune oiiicier allemand a demandé s’il y avait un
chauiieur parmi les détenus. Comme il était mécanicien et savait conduire, [Izak L.I s’est proposé.
L’oiiicier l’a pris comme chauiieur pendant plusieurs semaines. Cet oiiicier de la Wehrmacht, qui avait
perdu deux de ses irères au combat, était extrêmement las de la guerre. Il a décidé d’aider le jeune
Juii à se sauver. Pendant leurs randonnées, [Izak L.I lui a demandé des renseignements sur ce qui
se passait avec les Juiis : ‘Que sont devenus les gens, les iemmes, les eniants qui étaient avec lui ?’
Alors, l’Allemand lui a expliqué très simplement : ‘Ceux qui sont aptes au travail, on les prend pour
toutes sortes de travaux iorcés, surtout aux iortiiications sur le iront de l’Est. Les autres, on les
supprime. Ceux qui ne sont plus aptes au travail, on les supprime aussi.’ Voilà le processus. Ainsi,
toute la tragédie se trouvait résumée en quelques simples phrases.
Ayant décidé de le sauver, l’oiiicier a caché [Izak L.I dans un train en partance vers l’Ouest. C’était un
train de marchandises, rempli d’uniiormes de soldats allemands tombés pendant la bataille de
Stalingrad. L’oiiicier lui a aussi donné des ‘marks d’occupation’ et de la nourriture pour quelques
jours. Et le Juii, caché dans un wagon plein d’uniiormes, roule vers l’Ouest. Il roule, il roule, c’est
inimaginable, pendant des jours et des nuits. Finalement, le train s’arrête sur une voie de garage,
dans une gare de grande ville. Alors, il en est sorti. Aussitôt, il s’est aperçu qu’il était près de la gare de
l’Est, à Paris. Comme il avait de l’argent, il s’est débrouillé.
Ensuite, [Izak L.I a quitté Paris. Après avoir traversé la ligne de démarcation pour passer en
‘zone
libre’ de la France, il a tenté de iranchir la irontière suisse. Là, il a été arrêté par un soldat. Comme il
avait les pieds terriblement enilés, on l’a mis à l’hôpital.

[1I Gehrart M. Riegner, « Ne jamais désespérer. Soixante années au service du peuple juii et des droits de l’homme », Ed. du Cerf, Paris,
1998, 683 pp.
37

[Izak L.I était un homme très simple. Il m’a raconté tout cela pendant cinq ou six heures. C’était
un autre témoin oculaire. » [p. 71I
On notera pour commencer que Riegner ne rend pas compte avec soin de son propre rapport [2I ; on peut même
affirmer qu’il l’a partiellement réécrit à la lumière des enseignements de l’historiographie
exterminationniste, c’est-à-dire du dogme officiel et en a occulté certaines faiblesses. Ainsi, son rapport de 1942
mentionnait-il par exemple que le train de Izak L. et de ses compagnons d’infortune s’était arrêté d’abord
à Königshütte [en polonais, Chorzow, ville située en Haute Silésie près de KattowitzI pour continuer vers Lvov
et Rawa-Ruska en direction de Stalingrad. Or, pour les historiens, tous les convois partis de Belgique
avaient Auschwitz pour destination (avec un arrêt à Cosel pour certains convois). On notera d’ailleurs que
le rapport ne contenait en aucun endroit le nom d’Auschwitz. En d’autres termes, deux mois après son fameux
télégramme, Riegner n’avait pas encore entendu parler d’Auschwitz, haut-lieu de l’extermination qu’il venait
d’annoncer !
En fait, le rapport de Riegner n’est que fumisterie. Il n’est même pas besoin de l’analyser, un chercheur
belge
ayant établi sans contestation possible que Izak L. n’avait pas été déporté de Belgique vers l’Est ! D’une part,
son nom ne figure pas dans la liste des déportés de Malines [3I ; d’autre part, selon les déclarations faites par
Izak L. lui-même aux autorités belges après son retour en juillet 45 [4I, notre homme aurait bien été arrêté et
déporté mais il aurait été arrêté non pas en Belgique mais en France et il aurait été déporté non pas dans l’Est
européen mais dans le Pas-de-Calais pour y être mis au travail sur le chantier du Mur de l’Atlantique. C’est de là
et non de Stalingrad qu’il aurait réussit à gagner la Suisse où il fut interné le reste de la guerre.
Dans un premier temps, nous avions émis l’hypothèse que, craignant d’être remis aux Allemands avec les risques
évidents que cela comportait, Izak L. avait pu tenter d’apitoyer les autorités suisses en noircissant son histoire
et que, interrogé par Riegner, il n’avait pu que lui répéter ce qu’il avait déjà déclaré aux autorités suisses.
Toutefois, depuis, nous avons pu consulter le dossier de Izak L. dans les archives suisses [5I et nous y
avons
trouvé une troisième version, concurrente de la version Stalingrad et de la version Mur de l’Atlantique ; on
y trouve en effet une « déclaration » faite par l’intéressé devant la police genevoise le 20 octobre 1942 [c’est-
à- dire une douzaine de jours après l’entrevue avec RiegnerI et par laquelle il affirme notamment :
« Je déclare m’être enfui de Bruxelles le 10 septembre par suite des mesures prises par les
troupes d’occupation contre les juifs et pour me réfugier en Suisse.
J’ai franchi la frontière suisse le 1.10.42 aux environs de Perly et ai été arrêté par un gendarme qui
m’a conduit au poste de Bernex, puis remis aux autorités militaires. »
Il existe d’ailleurs une quatrième version de l’histoire de Izak L., celle que nous a rapportée son fils ; celui-
ci
avait également trouvé refuge en Suisse avec sa mère (séparée de fait d’Izak L.) ; ils y avaient revu leur mari et
père en 1943 et celui-ci leur avait affirmé qu’il avait été arrêté à Bruxelles et avait sauté du train dans lequel il
était déporté. [6I
Laquelle de ces quatre versions est-elle conforme à la vérité ? On ne sait mais on peut au moins affirmer que
la
version exterminationniste diffusée par Riegner (la version Stalingrad) est une fable. Reste une
question accessoire : à qui l’attribuer ? A Izak L. ou à Riegner ? On ne sait. En tous cas, on doit l’attribuer à un
juif ; peut- être même -chacun y ayant mis du sien- à deux juifs. En résumé, c’est bien une histoire juive. Le
Report of a Jewish Refugee est donc un tissu d’inepties qui entache l’ensemble du mémorandum que
Riegner remit à Harrison ; du coup, la valeur -déjà peu évidente- de ce fameux télégramme en est encore
amoindrie.

Une première version de cet article a été publiée dans Akribeia, n° 5, octobre 1999, p. 145-147. Directeur d’Akribeia : Jean Plantin,45/3,
route de Vourles,F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18 E fco.

[2I Publié in extenso (avec des variantes de détail) sous le titre de « Deportation and Death. Eyewitness Testimony » dans Congress Weekly,
publication de l’American Jewish Congress, New York, en date du 4 Déc. 1942, p. 6 et 7. On trouvera d’autres mentions de ce rapport dans :
Walter Laqueur, « Le terrifiant secret. La ‘Solution finale’ et l’information étouffée », Gallimard, 1981, p 220.
Gehrart M. Riegner lui-même, « Témoignage sur mes activités en Suisse pendant la seconde guerre mondiale », Le Monde Juif, n° 163,
mai-août 1998, p 98.
Interview de Riegner par Françoise Valleton dans Après Auschwitz, n° 269, déc. 1998, p 10.
Mark Weber, The Journal of Historical Review, Vol. 18, Nr 2, March-April 1999, « Belgium and its Jews during the War », p 2. C’est dans
cet article que nous avons trouvé la référence au Congress Weekly.
Compte rendu du livre de Riegner par Madeleine Steinberg dans Le Monde Juif, n° 166 intitulé « Négationnisme. Le génocide continué »,
mai-août 1999, p 225.
[3I Serge Klarsfeld et Maxime Steinberg, Mémorial de la déportation des Juifs de Belgique, 1982.
[4I Dossier d’Izak L. au Service des Victimes de la Guerre à Bruxelles.
[5I Schweizerisches Bundesarchiv Dossier-Nr : 04945 / Bestand : E 4264 (-) 1985/196. On notera accessoirement qu’on trouve la preuve
dans ce dossier que la Suisse traita si bien notre homme que, la guerre finie, il ne voulait plus en repartir ; il fallut l’expulser vers la Belgique
le 31 juillet 1945. Que penser des accusations que certains juifs ont lancées naguère contre la Suisse pour mieux l’escroquer ? Voyez, par
exemple, Norman G. Finkelstein, « L’industrie de l’Holocauste », éd. fr. de La Vieille Taupe, p. 93 : « […I le rabbin Marvin Hier,
directeur du centre Simon Wiesenthal, affirma avec beaucoup d’éclat que les Suisses avaient interné les réfugiés juifs dans ‘des camps de
travail forcé’. »
[6I Ayant bien dû convenir que son père n’avait pas été déporté, le fils [un juif pieuxI n’en a pas été le moins du monde ébranlé dans ses
certitudes : « Rendez-vous compte : mon père n’a pas été déporté dans l’Est et pourtant, il savait ce qui s’y passait ! C’est tout simplement
admirable ! ».
38

Mais pourquoi donc Sara (11 ans), son petit frère et son (tout) petit
neveu n’ont-ils pas été gazés ?
Jean-Marie Boisdefeu
Un colloque international consacré à La mémoire d’Auschwitz dans l’art contemporain a été organisé à Bruxelles
les 11 et 13 décembre 1997. Ainsi qu’on va le voir, les actes de ce colloque ne sont pas tout à fait sans
intérêt pour le chercheur [1I. Mais tout d’abord, rappelons que, selon l’histoire officielle, plus de 400.000 juifs
hongrois ont été déportés à Auschwitz à l’été 44 et gazés pour la plupart dès leur arrivée : c’est la page la plus
sanglante de l’histoire d’Auschwitz ; d’une façon générale, d’ailleurs, les inaptes étaient systématiquement
gazés à l’arrivée : tout le monde le sait bien. Or, l’un des intervenants à ce colloque, un peintre israélien
du nom de Sara Gottliner-Atzmon, est l’une de ces juives hongroises et la version de l’histoire qu’elle donne
dans la présentation de son oeuvre picturale n’est pas tout à fait conforme à l’histoire officielle. Sara est née à
Hajdunanas (Hongrie) en 1933 ; elle était le 14ème d’une famille de 15 enfants. Quand elle eut 9 ans [donc
vers 1942I, son père et quatre de ses frères furent envoyés dans un camp de travail. Mais, apparemment, le père
-au moins- en fut libéré puisqu’il fut déporté avec « la famille » à Auschwitz en 1944. Sara avait donc 11 ans et
un de ses frères et sœurs était encore plus jeune, sans parler d’un neveu en bas-âge et d’autres frères et sœurs
qui ne devaient pas être beaucoup plus âgés qu’elle (la mère n’avait que 44 ans) : ils ne furent pourtant pas
gazés ; généralement, les enfants survivants explique le fait d’une façon ou d’une autre : par exemple, « Les
chambres à gaz étaient en panne. », voire « Il n’y avait plus de gaz. », mais Sara, elle, n’explique pas
comment elle a pu s’échapper de l’ « ENFER » [2I. Elle a perdu, dit-elle, 70 personnes de sa famille (ce qui
semble très exagéré, ainsi que nous allons le voir) mais, à aucun moment, elle n’évoque les chambres à gaz
(sauf en une seule occasion et encore pour un camp où aucun membre de sa famille n’a mis les pieds et où les
historiens officiels commencent même à démonter lesdites chambres à gaz : Maïdanek.) ; son père, par exemple,
est mort mais de faim et de privations à Strasshof en Autriche (sa mère est revenue et apparemment, la plupart
de ses frères et sœurs aussi puisqu’elle affirme avoir perdu 3 frères mais pas nécessairement en déportation).
Fin 1944, la mère et ses enfants furent évacués d’Auschwitz et passèrent 4 jours à se faire désinfecter à
Strasshof d’où ils partirent pour Bergen-Belsen où elles furent détenues pendant 5 mois. En avril 44, ils furent
libérés près de Magdebourg par les Américains ; ceux-ci leur donnèrent le choix : se rendre aux USA ou se rendre
en Palestine. Sans hésitation, Sara et sa mère choisirent la Palestine et s’y rendirent via Buchenwald, accompagnées
d’un « groupe d’enfants de 10 à 15 ans ».

Les souvenirs de Sara sont certes confus : ainsi affirme-t-elle qu’elle est passée par Strasshof tantôt en juillet 44
tantôt en fin 44 ou encore qu’elle a été libérée tantôt par les Britanniques à Bergen-Belsen, tantôt par les
Américains près de Magdebourg mais, ces divergences peuvent être considérées comme non significatives,
l’ « essentiel » -pour reprendre un discours cher aux historiens officiels- étant qu’elle et les autres enfants de
sa nombreuse famille sont passés par Auschwitz et n’y ont pas été gazés. La police juive de la Pensée pourrait-
elle nous expliquer cette entorse au dogme ?

Article paru dans Akribeia, n° 4, mars 1999, p. 226. Directeur d’Akribeia : Jean Plantin, 45/3, route de Vourles,
F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18 E fco.

[1I Actes publiés dans Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, Bruxelles, n° spécial 60, juillet-septembre 1998 (p. 45-51, 341, 342).
[2I En majuscule dans le texte de Sara.
39

Auschwitz-Birkenau
Sélection des aptes pour le travail (« file de droite ») et des inaptes
pour le crématoire (« file de gauche »).
Exemple : le convoi belge n° XXV arrivé le 21 mai 1944
Jean Marie Boisdefeu
La version officielle et obligatoire, celle que des Etats pseudo-démocratiques mais crypto-fascistes nous
imposent par voie légale (preuve s’il en est que la Bête Immonde n’est effectivement pas morte), est que, à
l’arrivée à Auschwitz-Birkenau, les SS séparaient les arrivants par sexe puis en deux files : d’une part, la « file
de droite » constituée des aptes au travail, provisoirement épargnés et promis à une mort rapide par le
travail ; d’autre part, la « file de gauche » constituée des inaptes au travail, destinés à être immédiatement
gazés et incinérés (les malades, les invalides, les enfants et les adultes qui les accompagnaient). Ceux qui n’y
croient sont des mécréants voire des êtres abjects et même, depuis peu, des criminels de la Pensée (selon
Lionel Jospin). Alors voyons le cas du convoi belge XXV arrivé à Auschwitz le 21 mai 1944 c’est-à-dire au
début de la période la plus noire de l’histoire d’Auschwitz (comme nous l’avons déjà dit, le calcul indique qu’il y
a eu nécessairement à cette époque des pointes journalières de 24.000 gazés.)
A la date du 21 mai 1944, le Kalendarium indique :
« Arrivée du convoi 25 venant de Malines (Belgique) avec 507 Juifs à bord (228 hommes, 29
garçons,
221 femmes, 29 fillettes). Il est probable que 200 Juifs d’autre origine ont été rattachés à ce convoi
lors de la sélection à l’arrivée, à l’issue de laquelle 300 hommes [1I et 99 femmes ont été admis
dans le camp et immatriculés A-2546 à A-2845 (pour les hommes) et A-5143 à A-5241 (pour les
femmes). Les quelque 300 autres personnes ont été gazées. »
Un témoin oculaire confirme d’ailleurs la chose : il s’agit de Régine B., qui fut, des années durant, vice-président
de la Fondation Auschwitz de Bruxelles et qui a témoigné inlassablement dans toutes les écoles de Flandre ; elle
a même publié naguère le récit de sa déportation à Auschwitz dans ledit convoi XXV [2I.
La description de la sélection à l’arrivée que fait Régine B. est on ne peut plus conforme au dogme
holocaustique : il y est question de SS en armes, de fouets, de chiens aboyants (toutes choses, on le notera, qu’on
ne retrouve d’ailleurs pas dans les nombreuses photos qui ont été prises à Auschwitz même) ; bien entendu,
Régine B. n’oublie pas, au passage, d’insulter les révisionnistes qui pourraient mettre en doute son récit. Mais que
s’est-il plus précisément passé sur la rampe : « Au bout de la route [comprendre : du quaiI, le commandant
du camp ou le médecin du camp : d’un mouvement de la main à droite ou à gauche, ils décidaient si l’on
devait disparaître tout de suite ou si l’on avait le droit de vivre encore un peu. Les vieux, les malades, les
infirmes, les gens qui portaient un enfant dans les bras ou à la main, les femmes enceintes et des groupes
entiers de jeunes enfants étaient immédiatement envoyés à gauche. Pour être gazés et brûlés : mais nous
ne le savions pas encore. » C’est ici que se situe un épisode récurrent, un classique du témoignage
holocaustique, presque un
« must » : Régine descend du train en portant dans ses bras un enfant que sa mère, épuisée, lui a confié mais que
sa grand-mère récupère au moment de la sélection ; « C’est ce qui m’a sauvé la vie : avec l’enfant dans les
bras, j’aurais été envoyée immédiatement aux chambres à gaz. C’est ainsi que j’ai survécu à cette
première sélection. ».
Dans ce même convoi XXV se trouvaient une dame de 44 ans, Esther T. et son fils âgé de 9 ans seulement,
Friedel R.. A cet âge, Friedel ne pouvait évidemment qu’être envoyé dans la file de gauche, celle des inaptes
à gazer, en compagnie de sa mère. Il faut en effet se rappeler que, sauf exception, les SS ne séparaient jamais
les enfants de leur mère ; les garçons eux-mêmes suivaient leur mère au camp des femmes, tout en figurant dans la
statistique du camp des hommes. Pour les historiens, si les SS agissaient de la sorte, ce n’était pas par humanité
mais dans le but de se simplifier la tâche : l’apte ainsi sacrifié (puisqu’on le gazait alors qu’il aurait pu être mis au
travail) les aidait à maintenir l’ordre dans les rangs des victimes ; c’est là une interprétation tout à fait
incohérente, d’ailleurs, car c’était bien de la part des adultes que les SS pouvaient craindre des gestes de
rébellion mais peu importe car ce qui compte, en l’occurrence, c’est qu’Esther accompagna logiquement son fils
dans la file de gauche. Esther et son petit Friedel furent donc immédiatement gazés comme tous les inaptes de
cette file de gauche et leurs corps réduits en cendres. On peut d’ailleurs le vérifier : Esther T. ne fait pas partie
des 99 femmes qui furent épargnées et immatriculées A-5143 à A-5241 (dont Régine B., immatriculée A-5148)
et Friedel R. ne fait pas partie non plus des quelque 100 hommes qui furent épargnés et reçurent un numéro
compris entre A2546

[1I A savoir quelque 100 hommes du convoi auxquels ont été rattachés 200 hommes d’un autre convoi.
[2I « KZ A5148 », EPO, Bruxelles, 1992
40

et A-2845. D’autres documents nous le confirment : ainsi le Mémorial de la déportation des Juifs de
Belgique
indique-t-il clairement que tous les enfants du convoi ont été gazés sur le champ.
La vérité, en fait, est toute autre : s’il est vrai qu’Esther et son fils ont bien été envoyés dans la file de gauche,
ils n’ont pas été gazés pour autant et cela pour la raison incontournable qu’ils sont revenus en Belgique ! On peut
le vérifier sans faire de grandes recherches puisqu’ils figurent dans la liste nominative des rescapés publiée
par l’Administration des Victimes de la Guerre à Bruxelles. Les prêtres objecteront peut-être aussitôt que
Friedel avait été épargné pour faire l’objet d’expérimentations médicales [autre poncif holocaustiqueI et qu’il y a
survécu et, qui sait, n’y a peut-être finalement pas été soumis pour l’une ou l’autre raison ; cette objection maligne
ne peut évidemment être retenue car, dans ce cas, Friedel aurait été envoyé dans la file de droite et immatriculé
avec les aptes du convoi.
En fait, Esther et son fils furent finalement immatriculés mais à part et reçurent des numéros sans rapport avec
les numéros reçus par les aptes de la file de droite. [3I
Que s’est-il donc passé ? Selon une note rédigée par une association affiliée au Service International de
Recherche d’Arolsen (Aide aux Israélites victimes de la Guerre), Esther a déclaré qu’après la sélection, elle avait
été envoyée avec son fils dans le « camp des familles » de Birkenau et qu’ils y étaient restés jusqu’à la
libération du camp par les Russes en janvier 1945. Et qu’avait-elle fait pendant ce temps-là ? Esther a déclaré
avoir travaillé dans un « Aussenkommando » (une équipe de travail en dehors du camp). Et qu’étaient
devenues les autres femmes, enfants et autres inaptes de la fameuse file de gauche ? Peu curieux, ne
sachant pas qu’il écrivait l’histoire, le fonctionnaire qui l’interrogeait a simplement noté : « N’a rien su de
ce qui se passait avec le transport car a été d’abord au Familienlager. ». Une chose est sûre : le sort qu’a
connu Esther et son petit Friedel ne s’explique pas à la lumière de la version officielle de l’histoire, c’est-à-dire à
l’ombre du dogme.

La morale de cette histoire est qu’on ne peut pas fonder l’histoire sur les seuls témoignages, émanent-ils
de témoins dignes de foi et au-dessus de tout soupçon, surtout 50 ans après les faits : ils racontent davantage
ce qu’ils ont lu qu’ils avaient vu que ce qu’ils ont réellement vu ; a fortiori quand ils recourent aux services
d’un
« nègre » (ce qui est le cas de Régine B. qui s’est fait aider par un professeur de morale, militant de la Mémoire
bien connu). Restent les indices matériels : comme on vient de l’entrevoir, leur examen donne à penser que
l’opération de sélection ne se terminait pas par le gazage des inaptes. Seuls les esprits religieux comme
Jospin nous contrediront.

Article paru dans Akribeia, n° 4, mars 1999, p. 217-218. Directeur d’Akribeia : Jean Plantin, 45/3, route de
Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18
E fco.

[3I Friedel a reçu le n° A-3099 ; on peut en être certain : c’est le numéro qu’on relevé les autorités belges et qu’avant elles, avaient relevé les
Russes (voir la fiche médicale établie à la libération du camp par un médecin militaire soviétique et ramenée de Moscou par Carlo
Mattogno) ; or, le Kalendarium attribue ce n° à un juif hongrois arrivé le même jour que Friedel ; le numéro fait partie d’une série de
seulement 4 numéros (A-3096 à A-3099) mais cela donne l’occasion à Czech d’inventer un convoi hongrois.
La mère, Esther, a reçu le n° A-5769, que le Kalendarium attribue le 25/5/44 à une juive hongroise (mais sans inventer de convoi, cette
fois-ci).
On ne peut vraiment pas faire confiance au Kalendarium.
41

Victor Martin et le « rapport Martin ». Étude


de sa valeur en tant que source historique
Jean-Marie Boisdefeu et Enrique Aynat
Cette étude, traduite de l’espagnol par Jean Plantin, est tirée de l’ouvrage d’Enrique Aynat et de Jean-Marie
Boisdefeu, Estudios sobre Auschwitz, paru à Valence en 1997. Les quelque 60 pages d’annexes qui
accompagnaient l’étude que l’on va lire n’ont pas été reproduites ici.

0 Introduction

Nous nous proposons d’étudier dans ce travail les différentes déclarations de Victor Martin, militant de la
résistance belge durant la seconde guerre mondiale, à propos de son séjour en Silésie (Allemagne), en 1943, à la
recherche des juifs qui avaient été déportés de Belgique. Notre but est d’examiner si le témoignage de V. Martin
constitue une source historique digne de foi.

0. 1 Victor Martin et sa mission

Victor Martin, citoyen belge né en 1912, était un sociologue spécialisé dans les questions du travail. Il adhéra
en
1942 à l’organisation clandestine belge «Front de l’Indépendance » (désormais : F.I.), au sein de laquelle il milita
jusqu’à la fin de la guerre. Après la guerre il poursuivit sa carrière professionnelle dans l’administration belge
et dans diverses organisations internationales. Il est mort en 1989.
Bien que les diverses déclarations de V. Martin concernant sa mission en Silésie diffèrent sur de nombreux
points, comme on le verra plus loin, elles coïncident néanmoins sur une série de faits généraux qui composent un
récit que nous résumons ci-dessous.
Le F.I. et une organisation annexe, le « Comité de Défense des Juifs » (désormais : C.D.J.), confièrent à V.
Martin la mission d’enquêter sur le sort des juifs déportés de Belgique. V. Martin, qui maîtrisait la langue
allemande et qui mit à profit une prétendue enquête sociologique et ses relations avec les milieux universitaires
allemands pour dissimuler le véritable motif de son voyage, partit pour Cologne et Breslau en 1942. De
Breslau, V. Martin se dirigea en Haute Silésie, où il visita le ghetto de Sosnowitz. Là il rencontra quelques
juifs de Belgique, qui lui révélèrent que tout laissait penser que la majorité des autres déportés - en
particulier les personnes âgées et les enfants - avaient été exterminés.
De Sosnowitz il alla à Kattowitz à la recherche de détails sur la destination des juifs. Dans cette ville il fit la
connaissance de plusieurs travailleurs français qui travaillaient aux alentours du camp de concentration
d’Auschwitz. Il se joignit clandestinement à leur groupe de travail et parvint jusqu’à la barrière qui
empêchait l’accès au camp. Revenu à Breslau, il fut arrêté par la Gestapo à cause de la dénonciation d’un
travailleur français. Il fut interrogé à plusieurs reprises et connut les prisons de Breslau et de Kattowitz, mais
la police ne parvint pas à lui faire avouer la véritable raison de son voyage. V. Martin fut pris pour un espion
industriel. En l’absence de preuves pour le condamner, les Allemands le confinèrent, sous un régime de liberté
surveillée, dans un camp pour travailleurs civils jusqu’à la fin de la guerre.
V. Martin s’enfuit du camp de travailleurs civils au printemps 1943 et retourna en Belgique, où il rédigea
un rapport connu sous le nom de « rapport Martin ». Arrêté à nouveau par les Allemands, cette fois-ci pour
ses activités en tant que responsable régional du F.I., il passa plusieurs mois dans des prisons et dans le camp
de concentration de Vught (Pays-Bas). Évadé une nouvelle fois, il assista depuis sa clandestinité à la libération de
la Belgique en septembre 1944.

0. 2 Bibliographie

• « Abschluss der Judenumsiedlung », Ostland [BerlinI, n° 22 (15 novembre 1942), 388-389.


• Encyclopedia of the Holocaust, New York-Londres, Macmillan, 1990, 4 vol.
• GUTMAN, Israel, « Ghetto », Encyclopedia of the Holocaust, 2, 579-582.
• HILBERG, Raul, La Destruction des Juifs d’Europe [The Destruction of the European JewsI, [ParisI,
Fayard, 1988, 1 099 p.
• Kölner Volkswirte und Sozialwissenschaftler. Über den Beitrag Kölner Volkswirte und
Sozialwissenschaftler zur Entwicklung der Wirtschafts- und Sozialwissenschaften. Herausgegeben von
Friedrich-Wilhelm Henning, Cologne-Vienne, Bohlau, 1988.
42

• KROUCK, Bernard, Victor Martin. Un résistant sorti de l’oubli, Bruxelles, Les Éperonniers, 1995, 211
p.
• Mémorial de la déportation des Juifs de Belgique. Présenté par Serge Klarsfeld et Maxime Steinberg,
Bruxelles, Union des Déportés Juifs de Belgique-Filles et Fils de la Déportation, 1994, non paginé
(environ 550 pages).
• MICHMAN, Dan, « Belgium », Encyclopedia of the Holocaust, 1, 160-169.
• NETZER, Shlomo, « Sosnowiec », Encyclopedia of the Holocaust, 4, 1378-1381.
• PRESSAC, Jean-Claude, Auschwitz : Technique and Operation of the Gas Chambers, New York, Beate
Klarsfeld Foundation, 1989, 564 p.
• STEINBERG, Lucien, La Révolte des Justes. Les Juifs contre Hitler, Paris, Fayard, 1970, 605 p.
• STEINBERG, Lucien, Le Comité de Défense des Juifs en Belgique, 1942-1944, Bruxelles, Centre
National des Hautes Études Juives, 1973, 198 p.
• STEINBERG, Maxime, Dossier Bruxelles Auschwitz. La police SS et l’extermination des Juifs de
Belgique, Bruxelles, Comité belge de soutien à la partie civile dans le procès des officiers SS Ehlers,
Asche, Canaris, responsables de la déportation des Juifs de Belgique, 1980, 223 p.
• STEINBERG, Maxime, L’Etoile et le Fusil. La traque des Juifs, 1942-1944, Bruxelles, Vie Ouvrière,
1983, vol. I, 269 p.
• UGEUX, William, Histoires de résistants, Paris-Gembloux, Duculot, 1979, 201 p.

0. 3 Sources
0. 3. 1 Publiées

• « La vie d’un illégal », L’Indépendance [CharleroiI, 19 septembre 1944, 1.


• « La vie d’un illégal, II », L’Indépendance [CharleroiI, 20 septembre 1944, l.
• MARTIN, Victor, « Les bagnes hitlériens », L’Indépendance [CharleroiI, 8 septembre 1944, 1.
• MARTIN, Victor, « Victor Martin : J’ai connu l’extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », Le
Patriote résistant, n° 543 (janvier 1985), 14-15.
• PAPELEUX, Léon, « En mission près d’Auschwitz (1942) », La Vie Wallonne [LiègeI, tome 56 (1982),
111-124.

0. 3. 2 Inédites
Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC) (Paris) :

• CDLXII-12, mai 1943, journal clandestin Le Flambeau (« Publié par le Front de l’Indépendance,
Section de Défense des Juifs »).
• CCVIII-2, Bruxelles, 15 juillet 1945, Les Enfants. « Écrit au Sanatorium de Tombeek, en novembre
1944 par Maurice HEIBER, l’organisateur et le Responsable National de la Section Enfants du C.D.J.,
jusqu’à son arrestation le 21 mai 1943. »
• CDXCI-15, sans lieu ni date, Création et organisation du C.D.J, témoignage signé de Ghert JOSPA.

Fondation de la Mémoire contemporaine (Fondation Jean Bloch) (FMC) (Bruxelles) :

• Sans cote, Uccle, 6 décembre l956, lettre manuscrite de V. Martin.

Ministère de la Santé Publique et de la Famille, Administration des Victimes de la Guerre (MSPF) (Bruxelles) :

• 124.428/347/378, Bruxelles, 15 juin 1948, déclaration officielle de V. Martin pour obtenir le statut de
prisonnier politique.
• R.497 TR266.342, Bruxelles, 18 novembre 1976, « Rapport d’une enquête faite auprès de Monsieur
Victor MARTIN, né le 19. 1. 1912 à Blaton ».
• R.758 TR266.789, Thonon-les-Bains, 20 décembre 1976, lettre manuscrite de V. Martin à H.
Dumonceau.
• Sans cote, sans lieu ni date, « Formulaire pour Prisonniers Politiques et bénéficiaires ».
• Sans cote, sans lieu, 27 mai 1948, « Formulaire d’enquête ».
• Sans cote, Bruxelles, 29 septembre 1948, « Proces verbaal » de V. Martin.

Tel Aviv University, Central Library, Wiener Library (WL) (Tel Aviv) :

43

• P.III.g. (Belgium) No. 278, sans lieu ni date, document intitulé Le rapport VICTOR MARTIN.

0. 3. 3 Documents audiovisuels

• Radio-Télévision Belge d’expression française (RTBF), vidéo 6174/125A, série « Résistance »,


reportage L’attaque du XXe convoi, produit par Jacques Cogniaux et présenté par Alain Nayaert, diffusé
le 1er décembre 1974. Blanc et noir. 45 minutes.

0. 4 Historique de la question
La mission de V. Martin et le « rapport » qui porte son nom ont été abordés par les auteurs suivants dont nous
énumérons les travaux par ordre chronologique :

• 1970. STEINBERG, Lucien, La Révolte des Justes. Les Juifs contre Hitler, p. 265-267. Résumé des
activités de renseignements de V. Martin en Silésie. L. Steinberg ne cite pas de sources. Le texte est
dépourvu de notes et d’un appareil critique.
• 1973. STEINBERG, Lucien, Le Comité de Défense des Juifs en Belgique, 1942-1944, p. 80-82. Résumé
identique au précédent.
• 1979. UGEUX, William, Histoires de résistants, p. 21-22. Mentionne en passant, en à peine un
paragraphe, la mission de V. Martin.
• 1980. STEINBERG, Maxime, Dossier Bruxelles Auschwitz, p. 110-112. Consacre un petit alinéa à
« L’enquête Martin ». M. Steinberg a eu accès au dossier de V. Martin au MSPF.
• 1983. STEINBERG, Maxime, L’Étoile et le Fusil. La traque des Juifs, 1942-1944, vol. I, p. 246-250.
Contient plus d’informations que les textes précédents. L’auteur a eu accès à davantage de sources,
qu’il détaille. V. Martin, selon M. Steinberg, se serait borné à rapporter une rumeur (p. 250).
• 1988. HILBERG, Raul, La Destruction des Juifs d’Europe, p. 836 et 897. Les références à V. Martin se
limitent à deux notes en bas de page. V. Martin était un « membre chrétien de la Résistance belge » qui
« réussit à obtenir des renseignements détaillés [sur le sort des juifs déportés en Haute SilésieI en
bavardant avec des travailleurs allemands » (p. 836).
• 1995. KROUCK, Bernard, Victor Martin. Un résistant sorti de l’oubli. Cet ouvrage constitue la
première monographie sur V. Martin et sa mission en Allemagne. Selon B. Krouck, V. Martin a
appliqué « les méthodes de la vérification scientifique à sa mission » (p. 80) et a été « l’homme qui a
ramené le premier témoignage sur les crématoires d’Auschwitz » (p. 146). V. Martin « est allé au bout
de sa mission, avec un entêtement et une rigueur remarquables » (p. 170), de sorte que « le rapport
Martin permettait d’agir pour sauver les Juifs en pleine connaissance de cause » (p. 133). V. Martin est
qualifié par B. Krouck de personnage extraordinaire, porteur des plus hautes valeurs humaines : « Plus
qu’un juste, plus qu’un combattant (et pourtant il fut l’un et l’autre), il fut un veilleur. Comme dans ces
villes du Moyen Âge où, dans les ténèbres, un homme marchait pour prévenir les populations d’une
éventuelle menace, Victor Martin fut un veilleur, représentant de cette Europe civilisée qui avait tant
donné au monde, venu s’enquérir jusque dans l’antre du Diable du destin de ces malheureux, arrachés à
leur foyer et qu’une idéologie criminelle vouait à la mort. Victor Martin, le veilleur, a affronté les
sbires de la Gestapo, les agents de l’Abwehr, les gardiens des camps. Il a vu de près les agissements des
SS. Et puis, saisi d’une colère, d’une saine et forte colère, il a su faire de son engagement dans la
Résistance une action en faveur des grands principes de la civilisation » (p. 181-182).

Aucun des auteurs cités n’a exprimé la moindre réserve sur la véracité du témoignage de V. Martin. Jusqu’à
maintenant ce témoignage n’a pas été soumis à la critique. Le but du présent travail est précisément de
combler cette lacune. Pour ce faire, nous utiliserons les méthodes de routine de l’historien qui, appliquées au cas
qui nous occupe, supposent de :

• rechercher le « rapport » original ;


• rechercher les textes de V. Martin relatifs à sa mission en Allemagne ;
• les soumettre tous à la critique, externe et interne ;
• déterminer, une fois les textes examinés et évalués, si le témoignage de V. Martin constitue une source
historique digne de foi.

1 Les textes de Victor Martin


Nous énumérons ci-dessous, par ordre chronologique, les textes dus à V. Martin ou attribués à ce dernier.
44

1. 1 « Les bagnes hitlériens » (désormais : Les bagnes). Article en français signé de V. Martin et paru dans le
journal L’Indépendance, organe du F.I. de Charleroi, le 8 septembre 1944.
1. 2 « La vie d’un illégal » (désormais : La vie). Article en français, anonyme, également paru dans le journal
L’Indépendance de Charleroi, en six parties, correspondant aux 19, 20, 21, 22, 23 et 25 septembre 1944. Les
articles sont signés chaque jour d’un X énigmatique. Il est dit dans le texte que l’auteur est un représentant du F.I.
« désirant garder l’anonymat ». Sur quoi nous appuyons-nous alors pour attribuer ce texte à V. Martin ? Sur
deux
raisons principales, à savoir :

• que la paternité en a été reconnue par V. Martin dans au moins deux déclarations :
o « Les numéros du journal "Indépendance de Charleroi" de septembre et octobre 1944 ont
donné des détails sur la mission en Silésie de Victor Martin » [1I ;
o « le journal "Indépendance" de Charleroi a publié en septembre et octobre 1944 un compte
rendu de la mission » [2I.
• que la comparaison entre ce texte et Les bagnes montre l’existence de plusieurs
concordances significatives :
o les deux auteurs étaient membres du F.I. ;
o tous les deux ont effectué une mission de renseignements en Allemagne, en Silésie pour être
précis ;
o tous les deux ont été arrêtés en Allemagne et, après diverses péripéties, internés dans un camp
de travail.

Il ne semble pas que ces concordances soient fortuites. Elles conduisent raisonnablement à considérer que
les deux textes sont du même auteur.
1. 3 Déclaration officielle effectuée par V. Martin à Bruxelles le 15 juin 1948 afin d’obtenir le statut de
prisonnier politique (désormais : Décl. 15.6.48). V. Martin comparut devant deux fonctionnaires belges qui
attestèrent de la déclaration. Le texte comprend trois pages manuscrites en langue néerlandaise. Il porte l’en-
tête du ministère de la Reconstruction (Ministerie van Wederopbouw). Il est signé de V. Martin et des
deux fonctionnaires belges.
1. 4 Déclaration officielle effectuée par V. Martin à Bruxelles le 29 septembre 1948 dans le même but que
précédemment (désormais : Décl. 29.9.48). Il s’agit d’un procès- verbal (Proces verbaal) de trois pages
manuscrites en langue néerlandaise. Il porte l’en-tête du ministère de la Reconstruction. Il est signé de V. Martin
et des deux fonctionnaires belges.
1. 5 « Le rapport Victor Martin » (désormais : Le rapport V.M.). Avant le titre figure la mention en anglais :
« First Information on Auschwitz. » Il s’agit d’un texte dactylographié de huit pages (la dernière porte par
erreur le numéro neuf). Il est écrit en français et à la troisième personne. Il porte la signature de V. Martin à la fin
de la dernière page. On peut se demander pourquoi l’auteur l’a écrit à la troisième personne. La raison est que ce
texte est le résultat d’une conversation entre V. Martin et M. Goldberg, un correspondant belge de la Wiener
Library, en 1956. Celui-ci prépara un résumé de la conversation - rédigé à la troisième personne - et le
soumit à l’approbation de V. Martin. V. Martin le signa et répondit dans une lettre du 6 décembre 1956 qu’il
avait juste effectué « quelques corrections de détail » et que le texte du correspondant de la Wiener Library
lui paraissait
« un récit complet et fidèle ».
1. 6 L’attaque du XXe convoi (désormais : L’attaque). Reportage de la télévision belge, diffusé le 1er
décembre
1974, dans lequel figure une brève intervention de V. Martin de quatre minutes.
1. 7 « Rapport d’une enquête faite auprès de Monsieur Victor MARTIN » à Bruxelles le 18 novembre 1976
(désormais : Enquête 18.11.76). C’est le résultat d’un entretien entre V. Martin et H. Dumonceau, fonctionnaire
du MSPF belge. Il se compose de trois pages dactylographiées. Il est écrit en français.
1. 8 Lettre manuscrite de V. Martin à H. Dumonceau du 20 décembre 1976 (désormais : Lettre 20.12.76). C’est
la suite de l’entretien précédent. Elle se compose de deux pages écrites en français. V. Martin joint à la lettre un
exemplaire du rapport V.M.
1. 9 « En mission près d’Auschwitz (1942) » (désormais : En mission). Article signé de Léon Papeleux paru dans
la revue La Vie Wallonne en 1982. Il est écrit en français. Strictement parlant, ce texte ne devrait pas figurer dans
cette liste car il n’est pas directement de la plume de V. Martin. Si nous l’avons inclus c’est parce que, comme le
reconnaît L. Papeleux, V. Martin a participé à sa rédaction et l’a supervisée : « C’est à partir de notes manuscrites
de l’auteur même de la mission à Auschwitz que nous avons rédigé notre article. La rédaction finale a été
soumise à Victor Martin, qui a été le héros de cette aventure » (p. 111).

[1I MSPF, R.497 TR266.342, Rapport d’une enquête, p. 3.


[2I MSPF, R.758 TR266.789, lettre de V. Martin du 20 décembre 1976.
45

1. 10 « Victor Martin : J’ai connu l’extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 » (désormais : J’ai connu).
Article signé de V. Martin paru dans la revue Le Patriote résistant en 1985. Il est écrit en français. Il convient de
souligner que V. Martin reprend ici des passages entiers du texte précédent.
Les références au numéro de page correspondent toujours au texte de la transcription, dans les cas où celle-ci a
été effectuée.

2 Le « rapport Martin » a-t-il existé ?


Le premier problème sérieux auquel se heurte le chercheur est l’impossibilité de trouver le « rapport Martin
» original qu’aurait rédigé V. Martin en 1943 après sa fuite d’Allemagne. Le document n’a pas été localisé jusqu’à
présent. L’auteur M. Steinberg a indiqué que le « "rapport Martin" de 1943 permettrait évidemment de savoir ce
qu’il [V. MartinI en avait appris réellement. Mais ce document n’existe pas dans les archives et, plus encore, on
ne trouve aucune trace dans les textes datant de l’occupation des informations qu’il a pu rapporter de son séjour
en Haute-Silésie. [3I »
V. Martin ne mentionne pas le « rapport » dans les textes écrits avant la fin de la guerre (Les bagnes, La vie). Il
se borne à indiquer qu’il avait été chargé d’une « enquête » par le F.I. La première mention figure dans
Décl.
15.6.48 (p. 2). À partir de cette date les références au « rapport » apparaissent dans toutes ses déclarations.
Examinons à présent les éléments objectifs sur la matérialité du « rapport » qui figurent dans les différentes
déclarations de V. Martin.
2. 1 Moment où il a été rédigé
V. Martin n’a donné aucune date précise de rédaction de son « rapport ». La rédaction a dû se produire,
naturellement, après sa fuite d’Allemagne. Cependant, comme il est également impossible de fixer celle-ci avec
exactitude, d’après les versions contradictoires qu’il a données (voir 5. 4), on ne peut avancer de date précise.
2. 2 Où et à qui il a été remis
V. Martin a indiqué à plusieurs reprises que le « rapport » fut présenté à Bruxelles, lors d’une réunion, devant des
membres du F.l. et du C.D.J. Au cours de cette réunion, V. Martin donna des informations sur sa mission et
fournit un « rapport d’abord verbal et puis rapport écrit » (L’attaque). V. Martin indique notamment que
le
« rapport » fut remis à un membre important du C.D.J., Ghert Jospa (Décl. 15.6.48, p. 2 ; Enquête 18.11.76, p.
2). Néanmoins, la version des faits fournie par G. Jospa est inconciliable avec celle de V. Martin. G. Jospa
a rédigé un document après la guerre dans lequel il raconte ses activités de résistant en Belgique et de
prisonnier dans un camp de concentration [4I. Ce document contient un chapitre intitulé « Le rapport Martin »
où l’auteur donne une version des aventures de V. Martin en Allemagne dans laquelle se détachent les faits
suivants parmi les plus importants (nous transcrivons littéralement le texte original sans toucher aux fautes
d’orthographe et de ponctuation) :

• À la fin de 1942, V. Martin préparait une thèse sur le folklore allemand. Son directeur de thèse était un
professeur de l’Université de Berlin (p. 31).
• V. Martin partit pour l’Allemagne. Pendant longtemps il ne donna pas signe de vie. Un jour on reçut de
ses nouvelles en Belgique par l’intermédiaire de « ses liaisons allemandes » (p. 32).
• V. Martin « avait réussi à pénétrer dans le camp d’Auschwitz... et à en ressortir. Il s’était entretenu avec
des détenus, avec la population environnante. Il avait sonné à de nombreuses portes pour poser des
questions sur le folklore local et celui du camp [...I Auschwitz était un endroit diabolique où l’on
rentrait par la porte et d’où l’on sortait par la cheminée » (p. 32).
• Il constata que « [dIes convois entiers passeraient à la chambre à gaz sans même que les wagons ne
s’ouvrissent » (p. 32).
• « Il [V. MartinI avait appris que des trains aux wagons, pleins de cadavres humains, avaient été
dirigés sur une localité située près de Stettin. Les corps avaient été traînés comme de la marchandise
dans une usine de traitement des produits pour la fabrication du savon. Il avait vu le savon sorti de cette
usine. Un indice spécial permettait de reconnaître qu’il s’agissait d’un savon de "pure graisse humaine" »
(p. 32).
• Quelque temps plus tard, V. Martin retourna en Belgique pourvu de nombreuses notes. « La
documentation fournie a été utilisée aussitôt dans notre propagande pour dénoncer la monstruosité
nazie » (p. 32).
• Martin décida d’effectuer une seconde « enquête » et partit de nouveau pour l’Allemagne. « Il a pu
pénétrer une seconde fois dans le camp d’Auschwitz où son enquête sur le folklore n’a guère été
goutté puis qu’il a été appréhendé par la Gestapo » (p. 33).
• V. Martin invoqua pour sa défense son adhésion à l’Allemagne nazie. Il proposa à ses geôliers de rester
en Allemagne « comme preuve de ses sentiments ». Les nazis l’expédièrent « à la prison de Berlin »

[3I Lettre de M. Steinberg à E. Aynat, 14 juin l996.


[4I CDJC, CDXCI-15.
46

il resta quelques mois. « Puis, il put sortir de prison. Il rentrait en Belgique avec un congé d’un mois afin
de liquider ses affaires avant de revenir définitivement en Allemagne » (p. 33).
• Étant donné que, si le mois passait et que V. Martin ne retournait pas en Allemagne, la police le
rechercherait, le F.I. décida qu’il plongerait dans la clandestinité, dans laquelle il demeura jusqu’à la
fin de la guerre (p. 33-34).

Cette version présente néanmoins des différences insurmontables avec celle qu’a maintenue V. Martin,
avec quelques variantes. Ni la thèse sur le «folklore allemand », ni le professeur de l’Université de Berlin,
ni les nouvelles qu’il envoya en Belgique par l’intermédiaire de « ses liaisons allemandes », ni la pénétration -
à deux reprises - dans le camp d’Auschwitz (en laissant de côté l’absurdité d’aller effectuer là-bas des
enquêtes sur le
« folklore allemand»), ni les gazages de convois avec les victimes à l’intérieur des wagons, ni les trains
remplis de cadavres dirigés vers une localité proche de Stettin (à 500 kilomètres d’Auschwitz) pour la
fabrication de savon, ni la seconde « enquête » en Allemagne, ni la prison de Berlin, n’ont rien à voir
avec les différents témoignages de V. Martin. Ou bien G. Jospa a inventé cette version, ou bien elle lui a été
racontée par V. Martin après son retour d’Allemagne. Si l’on accepte cette dernière hypothèse, cela voudrait
dire que V. Martin aurait lui-même donné des versions de son séjour en Allemagne complètement différentes.
2. 3 Nombre d'exemplaires existants
Il est impossible de le savoir à la lumière des différentes déclarations de V. Martin car ce dernier parle
vaguement de « plusieurs exemplaires » (Enquête 18.11.76) et de « x exemplaires » (Lettre 20.12.76).
2. 4 Nombre de pages. Langue dans laquelle il a été écrit
On ignore le nombre de pages du document si l’on s’en tient aux déclarations de V. Martin. G. Jospa indique que
V. Martin est revenu en Belgique « muni de notes pour un rapport de plus de 100 pages » [5I. Il n’a cependant
pas été possible non plus jusqu’à présent de retrouver ces notes. On n’a jamais indiqué jusqu’à maintenant
dans laquelle des deux langues usuelles en Belgique - français et néerlandais - a été rédigé le « rapport ».
2. 5 Diffusion
Selon les différents témoignages, le « rapport » a été diffusé par les canaux suivants
:

• Le journal clandestin Le Flambeau (Décl. 15.6.48, p. 2 ; Lettre 20.12.76). Mais des exemplaires du
Flambeau qui ont été conservés et qui ont été cités à ce sujet - numéros de mai et d’octobre 1943 - on ne
peut obtenir la confirmation qu’il a existé un « rapport Martin ». Dans le numéro de mai 1943 se
trouvent uniquement les références suivantes à l’anéantissement des juifs [6I :

• « et par l’enfer du camp de Malines pour se voir enfin embarqués dans des trains
comme du bétail et transportés vers les abattoirs de la Haute Silésie et de P[oIlogne »
(p. 2).
• « Car la prose de votre envoyé spécial serait la paraphrase d’un message que nous
avons reçu, [sicI malgré la censure et que vous avez traduit en ces quelques mots :
"les vieillards et les enfants sont assassinés" » (p. 6).
• Section « Sous la botte » : « POLOGNE. Les Juifs sont massacrés à raison de 6 000
personnes par jour. Les déportés de l’Europe Occidentale travaillent dans les mines de
Haute-Silésie, et vivent dans des baraquements spécialement créés à cet effet. Ils sont
vêtus de sacs de toile rayée rappelant l’habit de forçat et portent l’étoile jaune sur
le dos et sur la poitrine. Le[sI membres d’une même famille sont
systématiquement séparés, et ignorent tout du sort de leurs proches » (p. 7).

Le nom d’Auschwitz n’est pas mentionné une seule fois dans tout le numéro. Dans le numéro
d’octobre 1943 figure uniquement une information générale : les communautés juives
européennes avaient été pour ainsi dire anéanties et les victimes se comptaient par millions [7I.
• Moyens de communication alliés de Londres (Le rapport V.M., p. 9). On n’a cependant pas la
preuve que le « rapport » soit parvenu à Londres et ait été diffusé à partir de cette ville. La
littérature spécialisée ne mentionne aucun détail à ce sujet.
• Organisations de la résistance belge. On dit que le « rapport » fut diffusé « dans les comités de défense
des Juifs » (L’attaque) et « à toutes les organisations affiliées au F.I. » (En mission, p. 119). Ces

[5I CDJC, CDXCI-15, p. 32.


[6I CDJC, CDLXII-12.
[7I Selon Bernard KROUCK, Victor Martin, p. 131-132.
47

affirmations n’ont pas été prouvées jusqu’à présent. La preuve concluante de la façon dont a été
diffusé le « rapport » serait la présentation d’une copie de ce dernier.

En définitive, les faits sont les suivants :

• nous n’avons pas trouvé le « rapport » original écrit par V. Martin en 1943 ;
• le « rapport » n’est mentionné dans aucun texte de V. Martin antérieur à 1948 ;
• on n’a pas la preuve qu’il ait été fait mention du « rapport » dans la presse clandestine ;
• il n’existe pas de témoignages d’anciens membres de la résistance belge contenant une allusion
détaillée, précise et non équivoque au « rapport » [8I ;
• on ignore tous les éléments essentiels sur la matérialité du « rapport » (date de rédaction, où et à qui il a
été remis, nombre d’exemplaires, nombre de pages et langue dans laquelle il a été écrit).

Pour toutes ces raisons, il est permis de penser que le document n’a probablement jamais existé.

3. Victor Martin et le « Front de l'Indépendance ». Critique de sincérité


3. 1 Le « Front de l'Indépendance »
V. Martin était membre du F.I. - où il était connu sous le prénom de « Philippe » - depuis 1942 (Les bagnes). Le
F.I. était la principale organisation de la résistance contre les Allemands en Belgique. Il avait été fondé le
15 mars 1941 par trois personnes dont le Dr Albert Marteaux, membre du comité central du Parti communiste
belge. Bien qu’il existât au sein du F.I. différents courants politiques (communistes, catholiques de gauche,
démocrates- chrétiens, socialistes et libéraux), « l’influence communiste n’est en effet pas négligeable »
[9I. Le F.I. chapeautait plusieurs comités parmi lesquels le si important «Les Amis de l’URSS ». De plus,
le déjà cité G. Jospa, un des fondateurs du C.D.J. - organisation annexe du F.I. -, était « également militant
communiste » [10I. L’Encyclopedia of the Holocaust indique que le « parti communiste joua un rôle central dans
les opérations de la résistance [en BelgiqueI, en dépit de ses petites dimensions, et constitua un important
facteur dans la fondation, en mars 1941, du Front d’Indépendance, qui devint la plus grande organisation de
résistance » [11I. Il est évident, par conséquent, que V. Martin militait dans une organisation où l’influence
communiste était considérable.
3. 2 Critique de sincérité
En soumettant les informations disponibles à la critique de sincérité - qui s’occupe de vérifier si l’auteur d’un
témoignage se trouvait dans les conditions qui, normalement, inclinent une personne à ne pas être sincère - on
constate que V. Martin a été membre de la résistance antiallemande, au sein d’une organisation
philocommuniste, et qu’il a ensuite vécu dans la clandestinité, a été arrêté plusieurs fois par les Allemands avec
les conséquences prévisibles des interrogatoires, les mauvais traitements, etc., a été interné en prison et a été
déporté dans un camp de concentration (Vught, aux Pays-Bas).
Etant donné ce qui précède il ne paraît pas probable, a priori, que V. Martin se soit montré enclin à donner des
informations sereines et impartiales sur toute question relative aux Allemands. Lisons, par exemple, ce texte
rédigé immédiatement après la libération de la Belgique :
En ces jours où dans l’enthousiasme le peuple belge célèbre sa liberté reconquise, il ne peut oublier
ceux de ses martyrs des camps de Brendonck [sicI, d’Auschwitz et d’ailleurs.
Il jurera de les venger ! Devant de tels crimes, ce qui nous vient au coeur est la pensée célèbre qui fit
frémir l’antiquité : « Malheur aux vaincus de demain. »
Tremblez, collaborateurs et rexistes qui par votre aide à l’ennemi avez prolongé et la guerre et les
souffrances de nos martyrs.
Tremblez surtout, individus plus vils encore que les rexistes, dénonciateurs, indicateurs qui avez livré
à la Gestapo tant de nos compatriotes. Et vous aussi, auteurs de lettres anonymes, parfois en vue
de satisfaire des vengeances personnelles !
Nous vous retrouverons, que vous soyez encore en Belgique ou que vous ayez déjà cherché un
refuge
auprès de vos protecteurs dans l’Allemagne assiégée.
[8I En plus du témoignage déjà cité de G. Jospa, une brève allusion figure dans un rapport d’un résistant belge, Maurice Heiber, daté de
novembre 1944, selon lequel « [uIne personne [non préciséeI, membre du F.I., se rendant en Allemagne sous un bon alibi, fut chargé [sicI
par nous de la mission de suivre nos déportés en Silésie et d’enquêter sur leur sort. Notre homme eut des déboires, fut arrêté, mais réussit à
s’en tirer. Le message qu’il nous fit parvenir était terrifiant !
"Femmes et enfants exterminés. Hommes esclaves travaillant jusqu’à l’épuisement, ensuite supprimés."
Ce court message fut par la suite complété par un rapport détaillé et précis. À cette époque nos cerveaux refusaient à s’assimiler cette
horrible vérité » (CDJC, CCVIII-2, p. 11-12).
[9I Bernard KROUCK, Victor Martin, p. 19.
[10I Ibidem.
[11I Dan MICHMAN, « Belgium ». p. 165.
48

Certes, avant de vous poursuivre nous ferons toute la lumière. Mais là où la trahison sera certaine, il faut
que la justice soit sans pitié, il faut la peine de mort contre les grands dénonciateurs. Ou sinon gare à
la colère des prisonniers politiques qui d’ici peu de semaines peut-être reviendront au pays et exigeront
des comptes. (Les Bagnes)
L’historien doit tenir compte de ces éléments au moment d’analyser les déclarations de V.
Martin.

4 Qu'a réellement vu Victor Martin ? Critique de compétence


Comment V. Martin a-t-il vérifié les faits qu’il relate ? Écrivait-il de première main ? A-t-il été un observateur
direct des faits qu’il décrit ? Et, si tel n’est pas le cas, sur quelles sources s’est-il appuyé ? Quelle valeur
avaient- elles ? Telles sont les questions auxquelles il convient de répondre pour avoir une idée précise de la
valeur de son témoignage. Il y a deux moments cruciaux dans le récit de V. Martin : les visites au ghetto de
Sosnowitz et au camp de travailleurs français dans les environs d’Auschwitz. Arrêtons-nous un instant sur eux.
Il faut avant tout souligner que V. Martin n’a fourni aucun document ni preuve qui atteste de la réalité de sa
présence à Sosnowitz et à Auschwitz. Aucun document comme des carnets, des laissez-passer, des
photographies, des enveloppes oblitérées, des billets de train, des journaux locaux, etc [12I. Aucune référence
vérifiable comme des noms de pensions ou d’hôtels. Ne figurent pas non plus dans ses déclarations les incidents
typiques ou les anecdotes sans importance qui se glissent de façon imperceptible dans les récits
véridiques, comme les conditions climatiques (y avait-il de la neige ? pleuvait-il ? le soleil brillait-il ?) [13I. En ce
sens, les déclarations de V. Martin sont complètement aseptisées et impersonnelles. Il ne fournit non plus aucun
nom des personnes avec lesquelles il avait été en contact durant son séjour présumé à Sosnowitz et à
Auschwitz, comme ceux des travailleurs français du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.), des juifs belges
de Sosnowitz, etc. Parallèlement, on n’a connaissance d’aucune déclaration de personnes affirmant l’avoir vu là-
bas
On connaît uniquement un document, un permis (Erlaubnisschein) par lequel la police allemande autorisait V.
Martin à voyager à Francfort, Berlin et Breslau entre le 4 et le 20 février 1943. Ce document prouve
seulement que V. Martin a pu être à Breslau, à quelque 200 kilomètres de Sosnowitz et d’Auschwitz, en février
1943.
En définitive, nous n’avons que la parole de V. Martin. Mais, de plus, le fait est que les déclarations de V. Martin
sont suspectes en ce qui concerne leur véracité, du moins pour ce qui est du ghetto de Sosnowitz. Voyons
pourquoi.
Si l’on compare la situation générale des ghettos juifs avec le récit de V. Martin sur sa visite à Sosnowitz,
l’on devient immédiatement méfiant. On est tout d’abord surpris qu’un étranger ait pu pénétrer, sans
autorisation policière, dans un ghetto. L’affirmation de L. Papeleux selon laquelle « il n’y avait donc
aucune difficulté majeure à pénétrer dans Sosnowitz » (En mission, p. 114) doit être considérée avec beaucoup de
réserves. Concernant plus particulièrement le ghetto de Sosnowitz, il faut avouer que les informations
auxquelles nous avons eu accès ont été rares. Nous avons pu vérifier que les communautés juives de Haute
Silésie étaient en train d’être concentrées à Sosnowitz, quoiqu’un véritable ghetto n’y fût pas établi avant
octobre 1942 [14I. Au printemps 1943, les juifs qui demeuraient à Sosnowitz furent transférés au ghetto
établi dans les faubourgs de Srodula [15I. Néanmoins, devant l’absence de sources plus explicites, il est
permis d’appliquer au ghetto de Sosnowitz, par analogie, le régime général en vigueur à cette époque
dans les ghettos d’Allemagne et du Gouvernement Général de Pologne. Que se passait-il dans ces ghettos ?
Tout d’abord, la conception allemande du ghetto supposait la volonté d’isoler, dans la mesure du possible,
les juifs du monde extérieur. R. Hilberg note que dans « la conception nazie du ghetto, la ségrégation occupait
une place fondamentale. Les contacts personnels à travers la frontière furent soit rigoureusement réduits,
soit complètement supprimés » [16I. Par exemple, dans le ghetto le plus grand d’Allemagne, celui de
Litzmannstadt (Lodz), la population juive était isolée du reste du monde depuis le 10 mai 1940. Selon une
ordonnance de Schafer, Polizeipräsident de Litzmannstadt, les juifs ne pouvaient pas sortir du ghetto, y compris
le président du
« Conseil des Anciens ». Pour leur part, les Allemands et les Polonais ne pouvaient « "en règle générale pas
pénétrer dans le ghetto". Le Polizeipräsident était seul habilité à délivrer des autorisations d’entrée. » Autour du
ghetto, une clôture gardée par des détachements de la Police d’ordre assurait de fait un isolement [17I.
Dans les ghettos des districts de Varsovie et de Lublin, dans le Gouvernement Général de Pologne, la même
interdiction était en vigueur concernant les «gentils », selon les termes d’une disposition officielle : « Les
personnes non juives qui n’abandonnent pas à temps les lieux destinés à devenir des districts résidentiels juifs
(Judenwohnbezirke) [euphémisme pour désigner les ghettosI ou qui y pénètrent sans permission policière seront
[12I Nous nous sommes adressés aux parents de V. Martin et à l’auteur B. Krouck, qui a eu accès à la documentation privée de V. Martin,
afin d’obtenir plus de détails sur le séjour de ce dernier en Allemagne. Nos tentatives n’ont pas abouti.
[13I Grâce à une lettre du bureau de direction des constructions de la SS à Auschwitz, nous savons que fin janvier 1943 - quelques jours
avant la visite présumée de V. Martin - l’hiver fut là-bas très rigoureux. Le document est du 29 janvier l943 et parle de « gel » (Frostwetter).
Voir une reproduction de la lettre dans : Jean-Claude PRESSAC, Auschwitz : Technique and Operation of the Gas Chambers, p. 432.
[14I Israel GUTMAN, « Ghetto », p. 580.
[15I Shlomo NETZER, « Sosnowiec », p. 1380.
[16I Raul HILBERG, La Destruction des Juifs d’Europe, p. 205.
[17I Raul HILBERG, idem, p. 194-195.
49

punies, en vertu d’une procédure administrative pénale, à une amende allant jusqu’à 1 000 zloty ou à une peine de
prison allant jusqu’à trois mois. [18I »
Il est certain qu’en principe tous les ghettos n’étaient pas hermétiquement clos. Dans quelques-uns l’on
pouvait sortir quelques heures par jour. Dans d’autres, il était possible d’entrer et de sortir sans difficultés, ils
n’étaient même pas clôturés. Néanmoins, cette situation changea à la fin de 1941 et, lorsqu’on commença les
déportations, au printemps 1942, la majorité des ghettos furent « fermés à clef » [19I.
Par conséquent, les déclarations de V. Martin autour de la visite au ghetto de Sosnowitz au début de 1943 sont
suspectes et doivent être prises avec les plus grandes réserves.
Ceci dit, voyons maintenant, à la lumière de ses déclarations, les sources grâce auxquelles V. Martin a pu être
informé sur Auschwitz.
Dans le texte La vie, 19.9.44, V. Martin signale qu’il entreprit de « multiples recherches » à propos du sort des
vieillards et des enfants belges déportés, mais qu’il ne trouva aucune trace d’eux. Leur mort dans des wagons
à gaz, dont l’existence était « connue dans toute la Silésie », était la « croyance générale ». L’information de
V. Martin ne provient donc pas d’une observation directe mais d’une rumeur très répandue.
Dans Décl. 15.6.48, V. Martin déclare qu’il obtint l’information sur les juifs déportés indirectement, par le
biais de deux sources :

• les ouvriers civils qui travaillaient dans des camps où il y avait des juifs ;
• « les milieux juifs de Sosnowitz » (de Joodse middens van Sosnowitz).

Dans Le rapport V.M., il indique que, durant son séjour dans le ghetto de Sosnowitz, ses hôtes juifs « lui firent
part de tout ce qu’ils savaient sur le camp de concentration construit non loin de là, à Auschwitz » (p. 3). Une
conversation postérieure avec un juif belge hospitalisé à Sosnowitz « confirmait l’essentiel » de la
révélation précédente (p. 3). Le texte ajoute que « tout incitait à croire [que les enfants et les vieillards juifs
belgesI avaient été exterminés jusqu’au dernier suivant une technique encore inconnue » (p. 4), puisque « les
recoupements, les précédents, les contacts, tout montrait que ces gens ne se trompaient pas » (p. 4). De plus, «
on savait » ce qui se passait à Auschwitz par les déportés français du S.T.O. ou par les volontaires étrangers
qui travaillaient dans le camp à la construction d’une usine de caoutchouc synthétique (p. 4). Enfin, « le fait
qu’on avait perdu toute trace de ces gens depuis leur arrivée à Auschwitz corroborait ces dires » (p. 5). V.
Martin rendit ensuite visite à des travailleurs français à Auschwitz. La visite dura un jour. Les Français étaient
logés « en dehors du camp » (p. 5).
« Il apprit et vit là beaucoup de choses » (p. 5), il put même « s’approcher à différentes reprises de la barrière
protégeant l’accès » du camp (p. 6). Il y avait un four crématoire au milieu d’Auschwitz qui travaillait 24
heures sur 24. De sa cheminée sortait un panache de fumée et des flammes. Toutes les nuits arrivaient des
convois bourrés de juifs. On ne revoyait plus les femmes et les enfants (p. 5-6).
En conclusion, V. Martin a-t-il été un témoin direct de ces faits ? Non. « Tout cela était connu dans la région »
par les relations entre détenus et travailleurs (p. 6). Pour ce qui est des femmes et des enfants qu’on ne revoyait
plus, les informations provenaient « des bruits » (p. 6).
C’est la raison pour laquelle V. Martin n’a en réalité rien vu. Il s’est borné à recueillir des informations -
de seconde ou de troisième main -, à les évaluer et à en tirer une conclusion. Cette conclusion est le fruit
d’un raisonnement. Il s’agit, en définitive, d’une conjecture.
Dans L’attaque, V. Martin se livre à une conjecture similaire. Il apprit que de nombreux juifs déportés de
Belgique avaient disparu, qu’il y avait un grand crématoire à Auschwitz et que certains jours une odeur de
cadavres se répandait dans la région. Devant ces faits, concernant lesquels il n’explique pas avec précision
comment il les connaît, V. Martin « en déduisai[tI donc que l’on avait très probablement exterminé ceux qui
n’avaient pas une force de travail suffisante, [seI disant que les Allemands n’allaient pas nourrir des femmes, des
enfants et des vieillards improductifs ».
Dans Enquête 18.11.76, V. Martin en vient à reconnaître expressément que ce qu’il sait « sur les traitements
horribles infligés aux prisonniers juifs à Auschwitz » ne procède pas de l’observation directe. Ses sources
d’information étaient :

• un juif originaire de Belgique transféré d’Auschwitz au ghetto de Sosnowitz ;


• des travailleurs civils français « qui avaient côtoyé aux Usines Buna à Katowice, des
prisonniers polonais d’Auschwitz » ;
• des détenus polonais de la prison de Katowice.
[18I Abschluss der Judenumsiedlung, p. 389.
[19I Israel GUTMAN, « Ghetto », p. 581.
50

L’inexistence d’une observation directe du processus d’extermination à Auschwitz par V. Martin est
confirmée une nouvelle fois dans son dernier texte connu (J’ai connu). Durant son séjour dans le ghetto de
Sosnowitz, il entendit des « récits » sur l’arrivée de juifs belges à Auschwitz (p. 14). Les juifs de Sosnowitz lui
indiquèrent que
« peut-être, par l’entremise de travailleurs volontaires, apprendrez-vous quelques nouvelles sur les Juifs
déportés de Belgique » (p. 14). Cela signifie que V. Martin, dans le meilleur des cas, ne serait qu’une source de
troisième main et que ses informations émanaient des travailleurs civils et que celles de ces derniers venaient, à
leur tour, des détenus du camp. Tous les historiens connaissent les limites de ce type de sources. Les faits se
déforment à chaque maillon de la chaîne de transmission, avec cette circonstance aggravante que, du fait de la
transmission orale, les altérations sont indétectables. V. Martin décrit de manière révélatrice dans ce texte
comment il est parvenu à la conclusion qu’on exterminait les juifs à Auschwitz : « des milliers de familles
entières sont entrées à Auschwitz par le même train. On ne retrouve que quelques hommes valides, aptes au
travail. D’immenses fours crématoires ont été construits et fonctionnent, au-delà des besoins d’incinération des
détenus morts de maladie. Il est exclu que les Allemands nourrissent des personnes juives improductives (on
connaissait déjà à l’époque les crimes d’euthanasie de malades mentaux, dénoncés par les clergés allemands
catholique et protestant). Et enfin, la vérité était connue de beaucoup de personnes dans la région de Haute
Silésie, même si la terreur cousait les bouches » (p. 15).
Examinons l’une après l’autre les affirmations émises par V. Martin dans ce paragraphe :

• « des milliers de familles entières sont entrées à Auschwitz par le même train. On ne retrouve que
quelques hommes valides, aptes au travail. » Comme cela a déjà été indiqué, cette information
provient d’une source qui, dans le meilleur des cas, est de seconde main. V. Martin n’a
jamais vérifié personnellement les faits cités.
• « D’immenses fours crématoires ont été construits et fonctionnent, au-delà des besoins
d’incinération des détenus morts de maladie. » On peut appliquer ici l’argument précédent. De plus,
toute opinion sur la capacité d’incinération des fours crématoires doit, pour être prise en compte,
provenir d’une personne qui possède les connaissances techniques nécessaires. V. Martin n’a pu
vérifier la compétence de sa source en matière de capacité de crémation. Par conséquent,
l’information n’est ni sûre ni fiable pour cette double raison. Qui plus est, les grands crématoires ne
fonctionnaient pas encore à cette époque [20I.
• « Il est exclu que les Allemands nourrissent des personnes juives improductives. » V. Martin exprime
ici un jugement personnel. Du reste, l’information est fausse [21I.
• La « vérité était connue de beaucoup de personnes dans la région de Haute Silésie ». Nous sommes à
proprement parler devant une simple rumeur. Une rumeur que V. Martin a promue sans justification au
rang de « vérité ».

C’est pourquoi, comme cela ressort de ses propres récits, V. Martin n’a effectué aucune observation directe du
processus d’extermination qui, dit-on, se serait déroulé à Auschwitz. V. Martin n’a rien vu. Il s’est borné -
toujours selon son récit - à obtenir des informations de seconde ou de troisième main. Ces informations étaient,
de plus, fragmentaires. Ce qui veut dire que les renseignements reçus par V. Martin ne correspondaient pas à la
totalité d’un processus d’extermination en cours, mais à des faits isolés - arrivée de convois, absence de femmes,
de vieillards et d’enfants, fours crématoires, odeur de cadavres - sur la base desquels il a extrapolé qu’une bonne
partie des juifs déportés à Auschwitz avaient été assassinés.
En définitive, non seulement V. Martin ne peut pas présenter d’indice de sa présence à Auschwitz ou dans ses
environs, non seulement il n’indique pas la date précise de son séjour là-bas, non seulement il est
improbable qu’il ait pénétré dans le ghetto de Sosnowitz, mais de plus il n’est pas possible d’extraire des
révélations de son propre récit - à la lumière d’une critique de compétence rigoureuse - un quelconque
élément solide pour reconstruire le passé d’Auschwitz.

[20I Le premier crématoire de Birkenau entra en service à partir du 21 mars 1943 (Danuta CZECH, Kalendarium der Ereignisse im
Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau 1939-1945, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1989, p. 447).
[21I On peut ainsi citer plusieurs exemples où les Allemands entretenaient des « personnes juives improductives » : a) Il existait dans le
ghetto juif de Theresienstadt des « foyers pour jeunes » (Jugendheime) qui hébergeaient des enfants jusqu’à 16 ans. Il y eut des enfants et des
personnes âgées depuis la création du ghetto, fin 1941, jusqu’à la fin de la guerre (Otto Dov KULKA, « Theresienstadt », dans :
Encyclopedia of the Holocaust, 4, p. 1460-1463). b) Dans le ghetto juif de Litzmannstadt (Lodz) il y avait en janvier 1943 une population
de 87 000 personnes dont 78 946 étaient occupées (Shmuel KRAKOWSKI, « Lodz », dans : Encyclopedia of the Holocaust, 3. p. 904). c)
II y avait le
31 décembre 1943 à Auschwitz 55 785 hommes détenus, dont 11 433 étaient malades ou inaptes au travail ; il y avait également 29 513
femmes détenues, dont 8 266 étaient malades ou inaptes au travail (Danuta CZECH, op. cit., p. 691 ). Une partie considérable de ces détenus
et détenues étaient d’origine juive.
51

5 Le contenu des déclarations de V. Martin


5. 1 Le départ en Allemagne
Selon Décl. l5.6.48 et Décl. 29.9.48, V. Martin est parti en Allemagne au printemps 1942 avec la mission
d’enquêter sur le sort des juifs déportés de Belgique.
Mais cette version est entachée d’un grave anachronisme. V. Martin n’a pas pu partir vers l’Allemagne au
printemps 1942 dans l’intention d’enquêter sur la destination des juifs déportés de Belgique pour la simple
raison que les juifs de ce pays n’avaient pas encore été déportés. Le premier convoi de juifs de Belgique est
en effet parti le 4 août 1942 [22I.
Probablement averti de cette contradiction, V. Martin a retardé la date du départ en Allemagne dans ses
déclarations ultérieures. Il déclarait ainsi en 1956 qu’il avait été chargé de la mission en octobre 1942 par
G. Jospa, dirigeant du C.D.J. (Le rapport V.M., p. 1). Il convient de dire en passant que, si le départ pour
l’Allemagne s’était produit au printemps 1942, l’intervention de G. Jospa et du C.D.J. auraient été
anachronique car cette organisation fut fondée en juillet 1942 et ne commença pas ses activités avant
septembre de la même année [23I. En 1982, V. Martin déclarait que « [fIin 1942, il était assez facile pour un
Belge d’obtenir passeport et visa pour pénétrer en Allemagne » (En mission, p. 113). Et en 1985 il indiquait
qu’il était revenu à Bruxelles en mars 1943, « [aIprès cinq mois d’une mission qui devait normalement se
terminer fin 42 » (J’ai connu, p. 15). Le départ de Belgique se serait par conséquent produit en novembre 1942.
5. 2 La mission en Haute Silésie
L’Erlaubnisschein prouve que V. Martin obtint la permission de voyager à Breslau entre le 4 et le 20
février
1943. Dans Décl. 15.6.48, V. Martin déclare qu’il avait été arrêté par la police allemande à Breslau le 10 février
1943. Cette même date est indiquée par V. Martin dans deux autres documents officiels. Par conséquent, il n’a pu
effectuer sa mission d’enquête en Haute Silésie qu’entre le 4 et le 10 février 1943, c’est-à-dire en sept jours, en
comptant le jour du départ et le jour de l’arrestation. Examinons à présent le grand nombre d’activités et de
voyages que, selon ses propres déclarations, V. Martin a effectués pendant cette période de temps.
En premier lieu, l’Erlaubnisschein accorde à V. Martin la permission de voyager de Cologne à Francfort, Berlin
et Breslau. On indique dans ces documents que leur porteur doit se présenter aux autorités policières de ces
villes. Cela suppose d’effectuer un voyage en train d’environ 900 kilomètres avec les changements
correspondants et les formalités de police.
À son arrivée à Breslau, V. Martin s’inscrit à l’Université (Décl. 29.9.48, p. 1). Là, il a « une série d’entretiens de
pure forme mais essentiels à sa sécurité.
Quelques jours plus tard, il prit le train pour Sosnowic [sicI » (Le rapport V.M., p. 3).
Selon une autre version, en revanche, V. Martin n’alla pas directement de Breslau à Sosnowitz, mais se rendit au
préalable dans « les environs de Kattowitz », où il ne rencontra personne pour l’informer sur les juifs (La
vie,
19.9.44).
Il visita ensuite le ghetto de Sosnowitz où il contacta quelques personnes dont les adresses lui avaient été
données en Belgique. Il visita également l’hôpital juif local. V. Martin partit aussitôt après à Kattowitz
(Le rapport V.M., p. 3-5). Il rencontra par hasard dans un café de Kattowitz un groupe de travailleurs français
qui travaillaient à Auschwitz, dans les environs du camp de concentration, et qui l’invitèrent à visiter leur
camp. V. Martin rendit visite à ses amis français à Auschwitz pendant un jour, selon une version (Le rapport
V.M., p. 6), ou pendant plusieurs jours, selon une autre version (La vie, 20.9.44).
Enfin, V. Martin est arrêté le même jour que sa visite à Auschwitz, selon une version (Le rapport V.M., p. 8), ou
quelques jours après, selon une autre version (J’ai connu, p. 14).
Pour que le lecteur ait une idée des distances, il convient de savoir qu’il y a 165 kilomètres entre Breslau et
Kattowitz, 12 kilomètres entre Kattowitz et Sosnowitz et 27 kilomètres entre Kattowitz et Auschwitz. Il faut en
outre prendre en compte que le seul moyen de transport était le chemin de fer et que V. Martin agissait de
manière clandestine depuis qu’il avait quitté Breslau.
En plus de toutes ces activités et voyages, V. Martin eut encore le temps d’établir un contact avec des
ingénieurs
français dans le but d’obtenir des informations sur les industries, l’état des communications, les matières
premières, etc., de la Haute Silésie. Il avait même préparé le vol de certains documents sur les usines
allemandes (La vie, 20.9.44).
Il semble donc invraisemblable que V. Martin ait pu effectuer autant de démarches dans des lieux différents en
une période de temps aussi réduite. Il existe en outre des contradictions dans les témoignages qui démolissent la
chronologie que nous sommes en train d’utiliser. Ainsi, dans Décl. 29.9.48, V. Martin déclare : « Je partis pour
Cologne au printemps 1942 ; je restai presque 2 mois là-bas [...I. Après ces 2 mois je retournai en vacances en
Belgique et retournai un mois plus tard à Breslau » (p. 1). Cela veut dire que V. Martin était en Allemagne avant
le 21 juin 1942, qu’il retourna en Belgique avant le 21 août et qu’il fut de nouveau en Allemagne (Berlin) avant
le
21 septembre 1942. Mais cette version ne s’accorde pas avec l’Erlaubnisschein, selon lequel V. Martin ne
pouvait séjourner à Breslau qu’après le 4 février l943. Pour couronner le tout, un autre des témoignages de
V.
[22I Mémorial de la déportation des Juifs de Belgique, p. 42.
[23I Dan MICHMAN, « Belgium », p. 167.
52

Martin non seulement ne concorde pas avec l’Erlaubnisschein mais il ne concorde pas non plus avec la version
précédente. Selon le témoignage en question, V. Martin arriva à Breslau « en janvier 1943 » et « [fIin
janvier
1943, il fut arrêté à Breslau » (Enquête 18.11.76, p. 1-2).
5. 3 L'arrestation. Que s'est-il passé ensuite ?
V. Martin a indiqué à plusieurs reprises qu’il avait été arrêté par la police allemande le 10 février 1943. Mais les
circonstances exactes de l’arrestation ne sont pas claires. Alors que dans l’une de ses déclarations il dit que
l’arrestation a été effectuée par un seul agent (« Quelques heures après son arrivée à Breslau, Martin recevait la
visite d’un agent des services de la sécurité », Le rapport V.M., p. 8), dans une autre il signale qu’au moins
deux agents y ont participé (ceux qui l’arrêtèrent lui dirent : « Prenez vos bagages et suivez-nous », En
mission, p.
115).
V. Martin tombe également dans certaines contradictions lorsqu’il raconte les événements postérieurs à
son arrestation. Selon Décl. 15.6.48, il fut «interné dans la prison de Kattowitz du 10.2.43 au 31.3.43 » (p. 2).
Mais, dans une autre déclaration, il affirme qu’il a été détenu une quinzaine de jours à la prison de Breslau avant
d’être envoyé à Kattowitz (Le rapport V.M., p. 8- 9).
Après la prison à Kattowitz, V. Martin fut envoyé dans un camp de travailleurs étrangers afin qu’il y reste jusqu’à
la fin de la guerre. Cela dit, de quel camp s’agissait-il ? Dans ses déclarations officielles, il indique que ce
camp était celui de Markstatt ou Markstadt (Décl. l5.6.48, p. 1-2 ; Décl. 29.9.48, p. 1). Mais il a indiqué
dans des déclarations postérieures que ce camp était celui de Radwitz (Le rapport V.M., p. 8-9 ; En mission, p.
118 ; J’ai connu, p. 15 ; Enquête 18.11.76, p. 2).
De plus, selon ses déclarations officielles, V. Martin a séjourné dans le camp de travailleurs étrangers à partir du
ler avril 1943 (Décl. 15.6.48, p. 2). Néanmoins, il a déclaré par la suite que, dans ce camp, « [dIes détenus étaient
attachés à des poteaux, dans le gel et la neige de février et ce jusqu’à l’évanouissement » (En mission, p. 118).
5. 4 Quand s'est-il enfui d'Allemagne ?
D’après ses déclarations officielles, V. Martin s’est enfui du camp de travailleurs étrangers le 15 mai 1943 (Décl.
15.6.48, p. 2). En revanche, quelques années plus tard il déclarera que la fuite de ce camp s’est produite « [hIuit
jours après son transfert » (Le rapport V.M., p. 9). Et si, comme V. Martin l’a indiqué à plusieurs reprises,
le transfert au camp de travailleurs étrangers s’est produit le 1er avril 1943, la fuite aurait eu lieu le 9 avril.
Dans d’autres déclarations V. Martin a même indiqué des dates antérieures. Ainsi, il déclara en 1982 que,
« [dIébut avril, Victor Martin était à Bruxelles » (En mission, p. 118-119), et en 1985 il reconnut qu’il était de
nouveau à Bruxelles « en mars 1943 » (J’ai connu, p. 15). À leur tour, des dates aussi précoces sont difficiles à
concilier avec une déclaration de V. Martin dans laquelle il se rappelait comment, dans le camp de travailleurs
étrangers, quelques détenus « furent placés au garde-à-vous, face au soleil, dans un [sicI immobilité absolue, ce
qui faisait qu’après plusieurs heures ils tombaient tour à tour évanouis, frappés d’insolation » (Les bagnes). Il
semble très improbable que le soleil de mars ou de début avril en Haute Silésie ait pu «frapper d’insolation ».
Les contradictions qui surgissent sont si nombreuses et si graves qu’il s’agit plus d’une chronologie fictive que
de
trous de mémoire. Et la chronologie fictive nous amène à penser que, probablement, V. Martin a introduit dans
son récit des détails imaginaires.
5. 5 Fautes et erreurs
Les écrits d’une personne reflètent en général assez clairement des traits de caractère comme la minutie,
la mémoire, la puissance d’attention et les dons d’observation, toutes qualités souhaitables chez un bon
observateur. Si l’on examine de ce point de vue les écrits de V. Martin, on finit par avoir une très piètre
opinion de ses facultés d’attention. Le lecteur se heurte à une infinité d’erreurs et de fautes de toute nature. Pour
commencer, V. Martin commet un nombre surprenant d’erreurs dans l’écriture des noms de villes. Ainsi il
dénomme la ville de Kattowitz (actuellement Katowice) Cartowitz (Décl. 29.9.48, p. 1), Carthovitz (Décl.
29.9.48, p. 1) et Kattowice (Le rapport V.M., p. 5 et 8). Pour Sosnowitz (actuellement Sosnowiec), il écrit
Sosnovitz (Décl. 15.6.48, p. 1), Schausnovitz (Décl. 29.9.48, p. I) et Sosnowic (Le rapport V.M., p. 3). La même
chose se produit avec les noms propres de personnes. L’un de ses camarades de résistance est appelé tantôt
Hambresin Emile (Décl. 15.6.48, p.
2), tantôt Hanbrosyn Emile (Décl. 29.9.48, p. 1). Bien que V. Martin affirme maîtriser la langue allemande, il
commet des erreurs monumentales dignes d’un ignorant. Il mentionne par exemple un dienststelle des
ausfertigeam (Décl. 29.9.48, p. 1) alors que la dénomination correcte est Dienststelle des Auswtrtigesamt
(département du ministère des Affaires étrangères). Il cite le sociologue allemand Von Wieze (Décl. 29.9.48, p.
1-2), avec lequel il dit avoir entretenu un contact, alors que le véritable nom de celui-ci est Leopold von
Wiese.
V. Martin ignore en outre la règle grammaticale allemande selon laquelle la particule von des noms de famille est
toujours en minuscule. Bien plus, V. Martin commet des erreurs grossières dans l’emploi de la langue française,
sa langue maternelle. Il parle par exemple de placement publique (Décl. 29.9.48, p. 1) au lieu de placement
public. Et il fait également montre d’inculture : il appelle Jean Jaurèz l’homme politique français Jean Jaurès
(Décl. 29.9.48, p. 2). Sans parler de l’usage incorrect des majuscules, de la violation des règles de la
ponctuation et d’autres règles élémentaires. Il convient de souligner que les exemples cités ne proviennent
pas de textes imprimés - dans lesquels ont pu se glisser des erreurs typographiques étrangères à l’auteur -, mais de
déclarations officielles et officieuses signées de la propre main de V. Martin.
53

5. 6 L'extermination des juifs et Auschwitz dans les textes de V. Martin écrits durant la guerre
Dans le premier texte connu de V. Martin - Les bagnes - il n’y a aucune référence à l’extermination des juifs. V.
Martin indique qu’en 1942 le F.I. le chargea d’« une enquête » sur les camps de concentration et les nouvelles
industries de Silésie. Il ne signale pas qu’on lui ordonna d’effectuer une enquête sur la destination des juifs
déportés. Le plus remarquable est que V. Martin reconnaît que les juifs déportés étaient toujours vivants : « La
plupart des Juifs enlevés de Belgique fin 1942 sont aussi concentrés dans cette région [SilésieI. »
Concernant Auschwitz il n’y a que deux références. Selon la première, dix contremaîtres allemands furent
dénoncés au camp d’Auschwitz pour avoir donné du pain à des travailleurs ukrainiens. Selon la seconde, les
prisonniers qui entraient en février 1943 « au trop célèbre » camp recevaient un numéro matricule au-dessus de
100 000, entre 25 [sicI et 30 490 prisonniers étaient encore en vie, le camp fonctionnait depuis un an, presque
personne n’avait été libéré et il y avait un four crématoire « spécial » grâce auquel on entrait au camp par la
porte et en sortait par la cheminée. Aucune allusion ne permet de conclure qu’on y pratiquait une
extermination systématique des juifs.
Dans le second texte - La vie - figure un détail sur l’extermination des juifs. Parmi les objectifs que le F.I.
lui ordonna d’examiner en Silésie il y avait le sort des juifs déportés de Belgique. Au cours de ses recherches,
V. Martin entra en contact avec les juifs de l’intérieur du ghetto de Sosnowitz, y compris quelques juifs
belges hospitalisés dans l’hôpital du ghetto et « par eux [il parvintI à savoir dans quel camp se trouv[aiIent la
plupart des hommes et des femmes juifs déportés de Belgique ». V. Martin n’indique pas quel était ce camp
et ajoute que, en dépit de « multiples recherches », il ne put trouver la trace des vieillards et des enfants : « Ils
avaient été séparés du convoi aux environs de Breslau et la croyance générale était qu’ils avaient dû être massacrés
dans des wagons à gaz dont l’existence est connue dans toute la Silésie » (La vie, 19.9.44). Dans ce texte figure
seulement une référence en passant à Auschwitz selon laquelle V. Martin et ses camarades de prison à
Breslau partirent dans un train à destination du fameux camp de concentration. Mais on fit descendre V.
Martin du train à Kattowitz, avant d’arriver à Auschwitz (La vie, 20.9.44).
Concernant les « wagons à gaz », ce qui est certain est qu’ils constituent un faux bruit sans aucun fondement. De
plus, il n’est pas certain que les gens âgés et les enfants aient été séparés des convois respectifs dans les environs
de Breslau. Les trains de déportés effectuaient le trajet direct entre la Belgique et Auschwitz. Seuls huit convois,
tout au long de 1942, effectuèrent un arrêt préalable dans la ville de Cosel, à quelque l20 kilomètres au sud-est
de Berlin et à quelque 85 kilomètres à l’ouest d’Auschwitz. À Cosel, on fit descendre environ 1 700 hommes,
physiquement aptes, qui furent internés dans différents camps de travail de la zone. Les autres membres du
convoi - parmi lesquels tous les gens âgés et les enfants - poursuivirent le voyage vers Auschwitz [24I.
La première référence à Auschwitz comme camp d’extermination des juifs se trouve dans Le rapport V.M. dont
la date de rédaction se situe, comme nous l’avons vu plus haut (voir 1. 5), en 1956.

6 Conclusion
Dans l’introduction nous nous proposions de répondre à la question de savoir si le « rapport Martin » constituait
une source historique digne de foi. A présent, étant donné tout ce qui précède, la réponse doit être négative. Les
raisons se résument brièvement comme suit.

• Dans toute cette affaire, il existe une importante lacune : l’inexistence du document original. Il est
possible que toutes les copies aient été perdues mais il y a deux faits révélateurs : le « rapport » original
n’a pas été mentionné par V. Martin avant 1948 ni non plus par la presse clandestine ; de plus
nous ignorons tous les éléments essentiels sur la matérialité du document (lieu et date de rédaction,
nombre de pages et d’exemplaires, langue dans laquelle il a été écrit, etc.). C’est pourquoi il faut
admettre l’hypothèse que le « rapport Martin » n’a jamais existé.
• Les déclarations de V. Martin sont suspectes à la lumière de la critique de sincérité. Nous ne pouvons
oublier le fait que V. Martin appartenait à une organisation philocommuniste et était un activiste
antiallemand. Il semble improbable, a priori, qu’il ait été enclin à fournir des informations avec sérénité
et impartialité sur n’importe quelle question concernant les Allemands.
• Il n’existe aucune preuve ou indice que V. Martin ait visité le ghetto de Sosnowitz et le camp
de travailleurs civils français à Auschwitz. La visite au ghetto manque en particulier de
vraisemblance. Mais même en admettant ses visites, et à la lumière des textes de V. Martin, son
témoignage ne pourrait être considéré que comme une source de troisième main. Une source de troisième
main dont les sources d’information, à leur tour, seraient orales et anonymes et par conséquent
impossibles à examiner et à vérifier. Le plus indulgent des historiens devrait admettre que, dans le
meilleur des cas, le témoignage de V. Martin ne fait qu’accréditer l’existence d’une rumeur au sujet de
l’extermination des juifs.

[24I Mémorial de la déportation des Juifs de Belgique, p. 43.


54
• Enfin, les contradictions et les anachronismes portent un sérieux coup à la crédibilité du témoignage
de V. Martin. Comment expliquer d’aussi nombreuses et d’aussi importantes divergences entre les
récits d’un même fait ?

Ayant établi, à notre avis, la valeur nulle du témoignage de V. Martin en tant que source historique, il reste
à éclaircir un point accessoire. Nous nous sommes référés à la justification de l’existence actuelle du
permis (Erlaubnisschein) accordé à V. Martin par les autorités allemandes. Ce document constitue la seule
preuve, à notre connaissance, de sa présence en Allemagne durant la guerre. L’Erlaubnisschein prouve
seulement que V. Martin était à Cologne en janvier 1943 et qu’il avait l’intention de voyager à Francfort, Berlin
et Breslau entre le
4 et le 20 février 1943. Mais, paradoxalement, ce document est inconciliable avec la version que V. Martin
donne de ses aventures en Allemagne. Si la police allemande l’avait arrêté et interrogé et lui avait retiré ses
papiers, papiers qui « ne lui avaient pas été rendus » (En mission, p. 118), comment se fait-il qu’il a pu conserver
l’Erlaubnisschein et revenir en Belgique ?
D’autre part, V. Martin a indiqué qu’il utilisa ses contacts avec les milieux universitaires allemands pour
dissimuler la véritable nature de sa mission en Allemagne. Pour être plus précis, V. Martin manifesta « son désir
d’effectuer des recherches scientifiques en Allemagne et de renouer [des relationsI, à cette fin, notamment avec
le professeur Léopold Von Wiese, de Cologne, grand sociologue connu » (Le rapport V.M., p. 2). Nous avons pu
apprendre que, effectivement, Leopold von Wiese und Kaiserswaldau - sociologue allemand de réputation
internationale - fut professeur à l’Université de Cologne sans interruption de 1935 à 1945 [25I. Étant donné son
prestige professionnel il est très possible que V. Martin l’ait connu. Il est même possible qu’il ait étudié avec lui à
Cologne en 1942, mais admettre cela ne veut pas dire reconnaître la véracité de la présumée aventure
silésienne de V. Martin. La mention du professeur von Wiese, par conséquent, ne prouve rien.

Article paru dans Akribeia, n° 2, mars 1998, p. 114-144. Directeur d’Akribeia : Jean Plantin, 45/3, route de
Vourles, F-69230 Saint-Genis-Laval. Prix des n° 1 et 2 : 20,5 E fco ; des n° 3 et 4 : 21,5 E fco ; des n° 5 et 6 : 18
E fco.

[25I Kölner Volkswirte und Sozialwissenschaftler, p. 100-101.

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