Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

RAPPORT-CGO 2018 - Revue Secteur Bancaire - SLHTMB

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 50

REVUE DES TENDANCES RÉCENTES DU

SYSTEME FINANCIER ET DES POLITIQUES DE


FINANCEMENT

Par Serge LENGA


Maitre de conférences agrégé en sciences de gestion à l’Institut Supérieur de Gestion (UMNG)
Expert-comptable et commissaire aux comptes agréé CEMAC
Sommaire Indicatif
1. Introduction
Après une longue période de croissance quasi-ininterrompue1 de 1997 à 2016, la République du Congo
a connu une crise structurelle et conjoncturelle majeure en 2016. En effet, avec un recul successif du PIB
réel de près de -2,6% en 2016 et -4,6% en 20172, le ralentissement de près de 9,2% des activités non
pétrolières en 2017 n’a pas été compensé par une hausse de la production pétrolière liée à la mise en
service du nouveau gisement (Moho Nord), et encore moins par la timide remontée des cours du brut du
baril de pétrole intervenue courant 2017. La forte baisse des recettes d’exportations pétrolières
congolaises a été le principal canal de transmission du choc exogène sur le reste de l’économie,
notamment à travers la réduction des dépenses publiques d’investissement et la baisse drastique du train
de vie de l’Etat. Pourtant ces réductions se sont avérées insuffisantes pour compenser simultanément la
chute des recettes budgétaires et la progression des dépenses courantes. Le déficit budgétaire base
engagements (hors dons) de l’Etat congolais a atteint 20,5% du PIB et le déficit de la balance des
transactions courantes s’est lourdement creusé en raison notamment du recul des exportations de
pétrole. Cette situation a lourdement pesé sur le solde commercial. Par suite, les difficultés financières
imputables à l'accumulation des arriérés de l'État ont poussé de nombreuses entreprises à réduire leur
activité et leur personnel, en particulier dans les secteurs des télécommunications, des transports et de
la construction.

Début 2016, la note de long terme du Congo a été abaissée par les agences Standard & Poor’s (de B à
B–), Moody’s (de Ba3 à B1, puis à B2 en mai) et Fitch (de B+ à B), en raison de la forte détérioration des
finances publiques, qui pourrait encore s’accentuer, et du risque d’épuisement des réserves du pays. En
raison d’un retard observé dans le paiement d’une échéance liée à l’eurobond souscrit en juin 2007, les
trois agences de notation ont de nouveau dégradé la note du Congo en 2016 d’un ou plusieurs crans. Le
Congo s’étant depuis acquitté de ses arriérés, Fitch et Standard & Poor’s ont respectivement relevé leurs
notes à CCC et B–, Moody’s maintenant la sienne à B3. À l’issue de la dernière mission de consultation
au titre de l’article IV datant de mai 2015, le FMI avait alerté le gouvernement congolais sur la plus grande
vulnérabilité du pays à l’évolution des prix du pétrole et sur la détérioration des soldes liée à la politique
budgétaire expansionniste menée ces dernières années. Dans le contexte de baisse des cours du pétrole,
le FMI avait préconisé de mettre en place dès 2015 un processus d’ajustement budgétaire basé sur une
réduction du déficit primaire hors pétrole et de privilégier les investissements participant à la diversification
économique du pays. Les discussions engagées par le gouvernement congolais avec le FMI en vue de
l’adoption d’un programme financier de stabilisation et de relance depuis septembre 2017 n’ont toujours
pas abouti à ce jour. Sur la base des informations fournies par les autorités gouvernementales, la mission
du FMI a évalué le niveau de la dette publique contractée et/ou garantie par l’Etat à fin juillet 2017 à 5 329
milliards de francs CFA (à peu près 9,14 milliards de dollars américains), soit une dette publique
avoisinant les 110% du PIB3. Ce chiffre n'inclut ni les dettes litigieuses ni les arriérés intérieurs accumulés
depuis 2014.

1 Les années 1999 et 2007 ont été marquées par des croissances négatives.
2 Estimation de la Banque Mondiale : http://www.banquemondiale.org/fr/country/congo/overview consulté le 13/06/2018 à 10h.
3 Pour mémoire, les critères de convergence de la CEMAC fixent à 70% le taux maximal d’endettement / Etat.
Dans cet environnement, le système bancaire4 de la république du Congo, qui avait connu une expansion
au cours de ces dernières années, reste à ce jour contraint. Les dépôts de la clientèle du système qui
étaient de 8,16% du PIB en 2004 ont atteint 31,97% du PIB en 2015, alors que dans le même temps les
crédits bancaires sont passés de 4,39% du PIB en 2008 à 24,6% en 2015 et 28,8% en 2016. Toutefois,
le niveau d'intermédiation financière reste faible, et le ratio du crédit bancaire par rapport aux dépôts
bancaires est passé de 34,7% en 2005 à 18,9% en 2008 et 16,30% en 2015. Ainsi, l’accès aux services
financiers reste un enjeu majeur. En 2016, sur 100 adultes, seulement 17% avaient accès au système
bancaire à travers au moins un compte ouvert contre 29% pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.
Le secteur bancaire de la république du Congo semble avoir été en grande partie protégé contre les effets
des crises financières mondiales grâce à sa faible intégration aux marchés financiers mondiaux d’une
part, une faible exposition aux actifs non liquides et une forte conformité à la réglementation bancaire
CEMAC. La plupart des banques semblent solides et le secteur a généralement maintenu un niveau de
liquidité élevé, avec une forte conformité générale au ratio de couverture de risque au-dessus du minimum
de 8% et des limites de risques pondérés totaux de plus de 15% des capitaux propres maintenus. Le
nombre de banques commerciales opérant dans le pays est resté stable à onze (11). Cette situation s’est
soldée par une plus grande concurrence et une légère diminution des taux d’intérêt.

Les autorités de la CEMAC ont récemment adopté plusieurs mesures politiques dans un effort visant à
augmenter les activités de prêt dans le secteur bancaire et à amplifier les investissements, y compris
notamment l'élimination progressive des plafonds de taux d’intérêt, la réduction des taux créditeurs
minimum et l’adoption d’une plus grande transparence en matière de procédures de prêts, la mise en
place du Taux Effectif Global (TEG). Quelques réformes du secteur bancaire telles que l'élimination des
frais de services, l’adoption du système de virement direct et la fermeture de la banque postale ont été
entreprises. Cependant, tout en enregistrant une hausse, le crédit bancaire au secteur privé demeure
faible à moins de 4% du PIB. Le crédit bancaire continue à être fortement concentré dans les prêts à
court terme, avec des prêts à long terme représentant généralement moins de 10% des portefeuilles de
prêt. La restructuration du secteur bancaire congolais, entamée depuis 2000, s’est traduite par la
privatisation de trois banques principales (COFIPA devenue BCI ; CAIC devenue LCB ; CLC devenue
CDC) et le retour d'investissements étrangers (France et Chine principalement). Aujourd'hui le secteur
bancaire est composé de onze banques commerciales et aucun établissement financier ou de crédits. Il
a connu un réel essor et attire de nouveaux opérateurs. Les activités se sont diversifiées, avec la
croissance du PIB et la multiplication des grands projets d’investissements. Toutefois, faute de projets
bancables dans le privé et/ou d'agents qualifiés, force est de constater la surliquidité générale du pays
et la pénurie de dossiers à hauteur des possibilités d'un pays pétrolier. Il est à rappeler que la supervision
bancaire est assurée par la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), sous le contrôle de la
Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC, la banque d’émission) et de la Banque de développement
des Etats d’Afrique centrale (BDEAC).

4
Par système bancaire il faut entendre l’ensemble des acteurs, marchés et infrastructures qui sont liés à travers le
mécanisme d’intermédiation bancaire entre épargnants et investisseurs.
2. Cartographie du secteur financier congolais
Au 31 décembre 2016 le total agrégé des bilans des banques congolaises s'établissait à 1 810 milliards
de FCFA. Il a régressé de 12,6% par rapport au 31 décembre 2015. Cette régression est liée au contexte
conjoncturel et structurel global de l’économie congolaise dont le ralentissement des activités s’est
accentué en raison de la chute des exportations. Dans le même temps, les dépôts collectés par les
banques se sont élevés à 1 481 milliards de FCFA (soit 81,8% du total du bilan). Il s’agit d’une régression
de 14,4% en variation annuelle. Les investisseurs se sont avérés plus prudents au regard de la
dégradation de l’ensemble des indicateurs économiques et ont préféré reporter leurs décisions.
L’attentisme qui a résulté en une diminution de la collecte de dépôts s’est conjuguée à une diminution du
risque d’exposition en fermant les positions engagées. Le corollaire de ce comportement est que les
crédits bruts à la clientèle ont été de 1 377 milliards de FCFA. Ils se sont accrus de 3,2% par rapport à
décembre 2015. La tendance globale des dix dernières années montre pour la première fois un
infléchissement sérieux de la croissance de la collecte et un resserrement du crédit. Un effet « ciseau »
qui traduit l’entrée en récession non seulement conjoncturelle, mais surtout également structurelle en
raison d’un ajustement de l’économie congolaise à des taux d’intérêts stables qui entrainent un effet
d’éviction de l’investissement privé sur le long terme en raison de la rentabilité financière attendue à plus
de 15% pour espérer rembourser les emprunts.

Les investissements publics massifs intervenus dans la période intermédiaire ont substitué les acteurs
locaux du privé national aux acteurs internationaux du privé national (Holding financières notamment) ou
encore aux acteurs publics internationaux (Chine essentiellement). En raison de taux de change fixe
EURO/FCFA le pari sur une rentabilité des investissements directs étrangers librement convertibles et
rapatriables ont accéléré la substitution de la dépense privée par la dépense public et neutralisé la
consommation par la déflation importée des biens de construction et de main d’œuvre spécialisée
(présence d’un volume important de main d’œuvre chinoise sur les marchés publics de grande
envergure). Par suite, les provisions pour dépréciation des comptes clientèle se sont dégradées en
reculant de 22,0% par rapport au niveau atteint l'année précédente à la même date. Elles se sont établies
à 45 milliards de FCFA. En conséquence, le volume réel net des crédits distribués s’est établi plutôt à
1 332 milliards de FCFA, soit 73,6 % du total du bilan global des banques, ce qui représente une variation
annuelle de +2,6%. Dans le même temps les créances en souffrance se sont élevées à 117 milliards de
FCFA. Elles représentent près de 8,5% des crédits bruts octroyés alors qu’elle n’était qu’à 6,7% douze
mois auparavant de l’année précédente. La qualité apparente du portefeuille s'est donc fortement
dégradée, au regard de la situation qui prévalait en décembre 2015. Le taux de couverture des créances
en souffrance par les provisions est en hausse de 21,99% par rapport à décembre 2015 et la couverture
des crédits par les dépôts s'établit à 111,2% contre 133,4% en décembre 2015. Ainsi, les opérations avec
la clientèle dégagent toujours un excédent de ressources de 149 milliards de FCFA en raison de la
surliquidité des banques. On relevait un excédent de 433 milliards FCFA en décembre 2015, soit une
incapacité d’absorption de fonds disponibles à l’investissement. Les banques congolaises ont dégagé un
excédent des capitaux permanents de 135 milliards de FCFA par rapport aux valeurs immobilisées. A fin
décembre 2015, il s'élevait à 202 milliards de FCFA. L’excédent de trésorerie se situe à 290 milliards de
FCFA (16,0% du total du bilan). Il a enregistré une fluctuation de –55,8 % par rapport à la situation qui
prélavait douze mois plus tôt.
2.1. Le système bancaire
Outre la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) qui est l’institut d’émission supranational pour
les six pays de la CEMAC, le système bancaire congolais compte onze (11) banques en activité au 31
décembre 2017. Il s'agit de : Banque Commerciale Internationale (BCI, filiale du groupe français BPCE) ;
Banque Congolaise de l'Habitat (BCH, détenue en majorité par l’Etat) ; Banque Espirito Santo Congo
(BESCO, filiale de Banco Espirito Santo Angola) ; Banque Postale du Congo (BPC, détenue à 80% par
l’état et à 20% par la Société des Postes et de l’Epargne du Congo - SOPECO) ; Banque Sino Congolaise
pour l'Afrique (BSCA, filiale de Agricultural Bank of China) ; BGFI Bank Congo (BGFI, filiale du groupe
gabonais BGFI Bank) ; Crédit du Congo (CDC, filiale du groupe ATTIJARIWAFFA Bank du Maroc) ;
Ecobank Congo (Ecobank Congo), La Congolaise de Banque (LCB) ; La Congolaise de Banque (LCB,
détenue à 25% par la Banque Marocaine du Commerce Extérieur BMCE Bank) ; Societé Générale Congo
(SGC, filiale du groupe Société Générale France) ; United Bank for Africa – Congo (UBA, filiale du groupe
nigérian UBA PLC). La situation simplifiée du système bancaire congolais5 montre que le total agrégé
des bilans bancaires s'établit à 2145,2 milliards de FCFA en 2017 contre 2253,8 milliards en 2016. Cette
baisse est perceptible dans tous les pays de la CEMAC, excepté au Cameroun et en Centrafrique.

Graphique 1 : Relation entre le Total de bilan du système bancaire et le rapport Total de Bilan / PIB (2004-2015)

5 Source : Banque de France, Rapport de la zone franc (2016)


En république du Congo, la régression du total de bilan par rapport à son niveau du 31 août 2016 est de
8,02%, soit -174 milliards de FCFA. Cette baisse est imputable à une réduction des dépôts, notamment
privés qui s’accompagne d’un recul du volume de crédits octroyés. La baisse des dépôts la plus
significative est intervenue au Congo avec -15,3%, soit 247 milliards de FCFA. Les ressources à vue (y
compris les comptes d'épargne sur livrets) sont en baisse de -230 milliards de FCFA, soit -17,1 %. Affecté
par la récession économique du pays, et en particulier par la baisse de l’investissement public, le total
agrégé des bilans bancaires s’est contracté de 4,8% en 2017. Le système congolais se singularise en
CEMAC par la baisse continue de ses dépôts clientèle ces trois derniers exercices. Les dépôts clientèle
ont ainsi enregistré une baisse de 14,2 % en 2016 (après -13,1% en 2015). À l’actif, les opérations de
trésorerie, témoins de la surliquidité du système financier congolais, ont baissé à 25,4% (+ 29,8% en
2015). Les crédits à l’État, quant à eux, ont baissé de 54,7% (+ 45,6% en 2015), alors que les crédits
bruts à l’économie ont seulement progressé de 3,2 % (après 19,7% en 2015). Au passif, les dépôts de
l’Etat et du secteur privé ont baissé respectivement de 21,4% et 14,2%. La trésorerie du système
congolais, même si elle est demeurée excédentaire, a enregistré une forte baisse de 2015 à 2016 (–55,8
%). Les banques ont compensé la baisse de leurs ressources en se refinançant notamment sur le marché
interbancaire ou auprès de la BEAC. La qualité du portefeuille de crédits s’est encore dégradée en 2016
du fait d’une très forte progression (+ 30,5 %) des créances en souffrance (117,0 milliards). La part de
ces dernières dans les crédits bruts est passée de 6,7% en 2015 à 8,5% en 2016. Le taux de
provisionnement de ces créances s’est également contracté, passant à 41,3% en 2015 à 38,6 % en 2016.

Graphique 2 : Relation entre le taux de croissance du PIB réel et l’Inflation (2004-2015)

Source : COBAC, Rapports annuels


2.1.1. Réglementation
Les activités des établissements de crédits sont soumises, au Congo de même que dans les cinq autres
pays de la CEMAC, à la réglementation bancaire commune de la CEMAC, contenue dans la Convention
portant création d'une Commission bancaire de l'Afrique centrale (COBAC)6 La COBAC contrôle les
conditions d'exploitation des établissements de crédit, et veille à la qualité de leur situation financière. Sur
l'avis de la COBAC, le Ministre en charge des finances du Congo donne l'agrément aux établissements
de crédit. Le capital minimum requis pour un établissement bancaire est de 1 milliard de francs CFA et
les conditions d'établissement sont les mêmes pour les étrangers et les nationaux. Les banques
étrangères doivent être enregistrées au Congo pour y exercer des activités bancaires 7. Elles peuvent
effectuer les mêmes opérations que les banques nationales. Les établissements financiers étrangers
peuvent avoir un bureau de représentation au Congo, pour autant que leurs dirigeants soient Congolais
et résident dans le pays.

En novembre 2000, le Comité ministériel de la CEMAC adopta « l'Agrément unique »8. Ce dernier devait
entrer en vigueur en 2002 et permettre à une banque, agréée dans l'un des États membres, d'ouvrir des
succursales ou agences dans les autres États membres, sans être astreinte à l'accomplissement des
formalités administratives relatives à l'agrément dans chaque pays, notamment les dispositions afférentes
à la forme juridique des établissements de crédit, la composition de leur capital, ou la procédure de
nomination des dirigeants. Le but de l'Agrément unique était de faciliter les possibilités d'établissement
bancaire, et donc de remédier à la fragmentation du système bancaire régional, et de stimuler la
concurrence. Il semblerait qu'en pratique, l'Agrément unique ne soit pas entré en vigueur. Les activités
bancaires et financières menées au Congo sont placées sous l'autorité générale de la Banque des États
de l'Afrique centrale (BEAC). Les banques fixent les taux d'intérêt dans les limites définies par la BEAC.

Afin de mobiliser l'épargne des ménages, de l'orienter vers des investissements productifs, et de faciliter
les conditions d'accès au crédit pour les PME, les autorités ont, avec la Banque mondiale, mis en place
un programme visant à renforcer la micro-finance. Les établissements de microcrédit sont soumis pour
toutes leurs opérations à une procédure d'agrément et à la surveillance de la Commission bancaire de
l'Afrique centrale (COBAC). L'agrément est délivré par le Ministre des finances sous réserve de l'avis
conforme de la COBAC. Au sein du ministère a été créée une cellule de surveillance du microcrédit, qui
procède au recensement de tous les établissements et traite leurs demandes d'agrément.

6 COBAC, rapport annuel 2006


7 Ordonnance n° 85/002 du 31 août 1985 (relative à l'exercice de l'activité des établissements de crédit), article 5
8 COBAC, rapport annuel 2000 incluant le règlement n° 01/00/CEMAC/UMAC/COBAC portant institution de l'agrément unique des
établissements de crédit dans la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale.
Tableau 2 : Principales Banques et Institutions de crédit en République du Congo
Capital total Capital Total du bilan Part de l’Etat
Nombre de Répartition détaillée du capital
Dénomination (milliards de étranger (milliards de dans le capital
Guichets (en %)
FCFA) (en %) FCFA)9 (en %)
Banques commerciales assujetties à la COBAC
BPCE IOM 99,95%
Banque Commerciale Internationale (BCI) 10 000 99,95% 169 930 0,05% 16
Autres 0,05%
Etat congolais 67,39%
Morel & Prom SA 5%
Banque de l’Habitat de Tunisie 12,22%
Banque Congolaise de l'Habitat (BCH) 20 000 19,22% 64 299 67,39% 4 BDEAC 2%
PAPN 4%
Etat Tunisien 5%
Société Bâtir 4,39%
Banco Espirito Santo Angola 62,67%
Etat congolais 33,33%
Banque Espirito Santo Congo (BESCO) 7 500 62,67% 8 800 33,33% 1
Helder Bataglia 2%
Hildio Santos 2%
BGFI Holding Corp. 60%
SCIPA S.A. 25%
BGFIBANK Congo (BGFI-Congo) 10 000 60% 828 348 0% 6
Delta Energie 10%
Mme Bongo Edith 5%
Agricultural Bank of China 50%
Actionnaires privés congolais 21,5 %
Banque Sino-Congolaise pour l'Afrique (BESCA) 53 000 50% - 12% 2 Société Nationale de Pétrole du Congo (SNPC) 15%
État congolais 12%
Magminerals Potasses Congo (MPC) 1,5%
Etat congolais 80%
Banque Postale du Congo (BPC) 10 000 0% 19 411 80% 9
Société des Postes Epargne du Congo 20%
Attijariwaffa Bank Group Maroc 91%
Crédit du Congo (CDC) 10 477 91% 311 200 9% 16
Etat congolais 9%
ETI 89,20%
AGC 4,40%
Ecobank Congo (Ecobank Congo) 10 000 89,20% 209 035 0% 7
Société Immobilière de Gestion IYOLA 3%
Autres 3,4%
Hubert Pendino 29%
Bijouterie Beltrando 27%
Raymond Ibata 4%
La Congolaise de Banque (LCB) 10 000 25% 314 940 11% 18
BMCE Bank 25%
Etat congolais 11%
Southern Cross Finance 4%
Société Générale France 87%
Société Générale Congo (SGC) 13 500 87% 41 263 13% 2
Etat congolais 13%
UBA PLC 99,99%
United Bank for Africa - Congo (UBA) 10 000 99,99% 70 393 0% 3
Autres 0,01%
Autres Banques et Institutions de Crédit
Société des Postes et de l’Epargne du Congo (SOPECO) -10 0% - 100% 18 Etat congolais 100%
Source : Autorités congolaises, Juin 2018.

9 Source : Rapport COBAC 2014, Autorités congolaises et BANKSCOPE (2013)


10 La Société des Postes et de l’Epargne du Congo (SOPECO) est créée par ordonnance n°10 du 1er juillet 2001 sous la forme d’Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial (EPIC). Elle ne dispose pas de capital social, mais
plutôt d’une dotation en capital variable en fonction des allocations budgétaires.
2.1.2. Services bancaires

Après provisionnement, les créances en souffrance représentaient 5,2% des crédits bruts à fin décembre
2016 (comparé à 6,5% en CEMAC). La baisse générale de l’activité des banques a conduit à une nette
dégradation du résultat net passant de 35,5 à 22,8 milliards, soit une baisse de 35,7%. Par conséquent,
tous les indicateurs de rentabilité se sont dégradés dont notamment le coefficient de rentabilité (résultat
net/fonds propres) qui est passé de 11% à 6,8% et le taux de marge nette (résultat net/produit net
bancaire) qui est passé de 20,4% à 14,5% Le ratio de solvabilité moyen du système congolais, tout en
se maintenant à un niveau élevé, s’est légèrement dégradé passant de 19,5% en 2015 à 18,9% à 2016,
mais reste néanmoins à un niveau nettement supérieur à celui de la CEMAC (13,3%). Ce fort ratio de
solvabilité résulte d’un niveau de fonds propres très élevé (en progression de 13% sur 2016) représentant
11,7 % du total de bilan alors que la moyenne CEMAC est de 7,6%. La nouvelle activité des banques
devrait s’analyser à l’aune des dispositions des règlementaires alignant le fonctionnement des banques
de la CEMAC sur l’architecture prudentielle issue de la conférence de Bâle 2 (Ratio McDonough). En
effet, au lendemain de sa création le 16 octobre 1990, la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale
(COBAC) a débuté ses activités en janvier 1993 en dotant la profession bancaire d’un corps de règles
prudentielles dont la première vague a été publiée en avril 1993. Ces règles s’inspiraient fortement de
l’Accord sur les fonds propres de 1988 (Bâle I) édicté sous la houlette du Comité de Bâle sur le Contrôle
Bancaire (CBCB). Après une évaluation de la supervision bancaire en Afrique Centrale, menée
conjointement par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale en 2000 et 2001, la COBAC a
procédé à la révision de ses normes assises sur les fonds propres. Cette révision, si elle améliore
sensiblement la conformité du dispositif en vigueur en Afrique Centrale, a en outre faiblement anticipé sur
la réforme ayant conduit à l’adoption d’un Nouvel accord sur les fonds propres (Bâle II).

Les règles prudentielles édictées par la COBAC permettent de s'assurer de la solvabilité et de la liquidité
des établissements de crédit. L'objectif étant de protéger les intérêts des déposants et d'assurer la
stabilité du système bancaire. La détermination du niveau des fonds propres nets constitue un préalable
à toute évaluation de la solvabilité d’un établissement de crédit. Le règlement COBAC R-2016/03 relatif
aux fonds propres des établissements de crédits décline le mode de détermination des fonds propres
nets. Le calcul de cet agrégat prend notamment en compte le capital social dont le minimum
réglementaire requis est fixé par le règlement COBAC R-2009/01. Plusieurs normes prudentielles sont
assises sur le niveau des fonds propres nets. Il s'agit notamment de la représentation du capital social
minimum (Règlement COBAC R-93/10 (modifié par le règlement COBAC R-2001/04), de la couverture
des risques (Règlement COBAC R-2010/01), des immobilisations (Règlement COBAC R-93/05 (modifié
par le Règlement COBAC R-2001/06), du calcul du coefficient de transformation (Règlement COBAC R-
93/07), de la surveillance des participations (Règlement COBAC R-93/11), du contrôle des normes de
division des risques (Règlement COBAC R-2010/02) et de celles relatives aux engagements en faveur
des apparentés (Règlement COBAC R-93/13 (modifié par le Règlement COBAC R-2001/05)) ainsi que
la surveillance des positions de change (Règlement COBAC R-2003/02). Les normes qui n'ont pas un
lien direct avec le niveau des fonds propres sont celles relatives au calcul du rapport de liquidité
(Règlement COBAC R-93/06) et à la structure du portefeuille des établissements de crédit (Règlement
COBAC R-96/01). Le contrôle du respect des normes prudentielles se fait sur la base des états
réglementaires mensuels obtenus à partir du système de Collecte d'Exploitation et de Restitution aux
Banques et établissements financiers des Etats Réglementaires (CERBER) auquel on rajoute (en plus
des points de règlementation précités) ceux ci-après :
▪ Règlement COBAC R-2016 03 relatif aux fonds propres nets des établissements de crédit ;
▪ Règlement COBAC R-2013-02 couverture des immobilisations ;
▪ Règlement COBAC R-2013-03 comptabilisation & traitement prudentiel des titres ;
▪ Règlement COBAC R-2013-04 liquidité des établissements de crédit ;
▪ Règlement COBAC R-2010-03 comptabilisation & traitement prudentiel titres ;
▪ Règlement COBAC R-2009-01 fixation du capital social minimum des établissements de crédit ;

En publiant en juillet 1988 l’accord sur les fonds propres, le Comité de Bâle se fixait deux objectifs
fondamentaux i) tout d’abord, le dispositif proposé devait permettre de renforcer la solidité et la stabilité
du système bancaire international ; ensuite, ii) ce dispositif devait être simple et pertinent afin d’être
uniformément applicable dans toutes les banques de tous les pays11. L’accord de 1988 se présente sous
la forme d’un rapport avec pour numérateur les fonds propres nets et pour dénominateur les risques
pondérés. La composition de chaque élément du rapport est précisée et la norme minimale fixée à 8%12.
Emboîtant le pas au CBCB, la COBAC a élaboré une réglementation prudentielle entrée en vigueur en
avril 1993 en reprenant une bonne partie des principes et concepts développés dans l’accord de 1988,
en appliquant d’autres différemment et en excluant ceux dont l’application était jugée peu pertinente
compte tenu des considérations locales.

Graphique 3 : Ratio Mac Donough (Bâle 2) et approches d’évaluation des différents risques 13

11 Basel Commitee on Banking Supervision, « International Convergence of Capital Measurement and Capital Standards »,
July 1988, updated to April 1998.
12 Ibid.
13 http://finance.sia-partners.com/20170808/de-bale-1-bale-4-chronique-dune-saga-reglementaire-0 du 21/06/18
La structure globale de la norme proposée par le CBCB se décline en fonds propres (Tier 1,Tier 2 et Tier
3) au numérateur et en risques pondérés au dénominateur. C’est à peu près la structure de la norme
COBAC de 1993.

2.1.3. Les caractéristiques du marché bancaire

Les caractéristiques du marché bancaire sont singularisées par les trois points présentés successivement
dans le présent rapport. Il s’agit en premier lieu du (1) niveau de concentration du marché bancaire ; en
second lieu (2) du degré de concurrence exercé dans ce secteur et enfin (3) de la structure de
l’actionnariat des banques. Ces points sont tour à tour explorés ci-dessous.

2.1.3.1. Le niveau de concentration du marché bancaire


La concurrence en économie désigne une situation où plusieurs agents proposent des services ou
produits équivalents, de telle sorte que les clients peuvent choisir librement. Knight (1921), explicite les
cinq conditions d’un marché de concurrence pure et parfaite. De telles exigences ne sont jamais remplies
dans la réalité, il s’agit d’un repère éventuellement utile. Aujourd’hui dans les pays développés, sont
généralement mises en œuvre des politiques de la concurrence qui visent à éliminer ou du moins à
restreindre les comportements publics ou privés visant à limiter la concurrence. Dans les Etats membres
de la CEMAC, il existe une réglementation visant à limiter les comportements anticoncurrentiels. Il s’agit
du règlement n°01/99/UEAC/CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales
anticoncurrentielles. En son article 2, ce règlement interdit toute pratique de nature à faire obstacle au
libre jeu de la concurrence. Dans le secteur bancaire, à la suite des travaux de Bain (1956) les effets
bénéfiques de la concurrence sont généralement mis en exergue par les tenants d’une approche
« Structure-Conduite-Performance » dans l’industrie bancaire (Molyneux et Thornton, 1992 ; Scialom,
1992) tandis que d’autres auteurs allèguent les effets négatifs d’une concentration par les effets
« Efficience-Structure » (Berger, 1995 ; Staikouras et Wood, 2004). Cette dernière approche est à situer
dans le sillage du travail de Baumol, Panzar et Willig (1982) sur la théorie des marchés disputables («
contestable markets »).

En effet, ils ont montré qu’une politique de prix consistant à coller au plus juste au coût de revient peut
conduire à n'importe quel nombre de firmes dans un marché si jamais les nouveaux entrants sont en
mesure d'attirer des clients en offrant des prix inférieurs et donc de réaliser des profits leur permettant de
contourner les barrières à la sortie en cas de représailles des firmes en place. Dans le cas de la CEMAC,
la concentration bancaire renforce les trade-offs entre tenants du paradigme SCP et ceux du paradigme
E-S au lendemain de la mise en place de la COBAC pour le contrôle de la restructuration bancaire issue
de la crise économique des années 90 (Bekolo-Ebe, 1998 ; Avom et Eyeffa, 2007). La constitution en un
seul agrément réglementaires des sociétés bancaires de la zone économique et monétaire CEMAC
semble avoir eu des réponses contradictoires suivant les pays et suivants les cas. Dans le cas de la
république du Congo, et en l’absence de travaux empiriques et scientifiques qui auraient pu clarifier ce
débat, les prémisses sous-jacents à l’approche SCP restent dominants pour l’instant : on conjecture
qu’une hausse des termes de la concurrence entre banques dans le secteur conduirait à une baisse des
marges d’intermédiation et des marges bancaires, accompagné d’un rationnement de crédit aux
segments jugés les plus risqués du marché (Stiglitz, Weiss, 1981). Par ailleurs, l’émergence des
technologies de la communication a permis d’accroitre l’évaluation du risque et la segmentation
auparavant pratiquée (Porter et Millar, 1985).

On assiste donc à une surliquidité généralisée des banques avec des contraintes relevant à la fois de
l’asymétrie informationnelle ex ante (incapacité du prêteur à évaluer correctement la demande de
financement) ou ex post (l’aléa moral du prêteur qui supporte alors un risque de substitution des actifs à
cause de son incapacité à observer les performances de l’entreprise).

2.1.3.2. Généralités

Graphique 12 : Relation entre le taux de croissance du PIB réel et le Total Bilan (2004-2015)

Source : COBAC, Rapports annuels


Les évolutions des taux de croissance du PIB et du Total de bilan du système bancaire congolais font
clairement apparaître une montée progressive et continue de la part des opérations du système bancaire
dans l’activité économique nationale. Avec 10,40% du volume des opérations du PIB en 2004, l’activité
est passée à près de 41,64% en 2015 et 44,76% en 2016. Il faut y voir également le changement structurel
des fonds propres dû à la nouvelle réglementation d’une part mais aussi la forte liquidité des opérations
de trésorerie qui traduit encore une faible allocation des fonds collectés en crédits à l’économie.
L’ajustement de la distribution du total du bilan par une fonction de type moyenne mobile à 2 périodes
démontre la forte saisonnalité de l’activité économique bancaire d’une part et la nature traditionnellement
pro-cyclique de l’activité des banques sur la longue période, d’autre part.

Toutefois l’évolution continue du total de bilan ne permet pas de prétendre à l’absence d’une sous-
optimalité de la fonction de revenu en raison de marchés imparfaits (Berger, 1995 ; Berger et Humphrey,
1997 ; Allen et Engert, 2007). En effet, le secteur bancaire est par le jeu des prêts entre établissements,
celui où la faillite d’un seul d’entre eux peut entrainer de sérieuses difficultés aux autres (Bain, 1956). En
situation de concurrence, face à l’étroitesse des marges, les banques sont souvent tentées d’étendre de
manière inconsidérée leurs engagements sur la clientèle. Cela peut mettre en péril la stabilité financière
(Hellmann et al., 2000). Un renforcement de la surveillance du secteur bancaire combiné au renforcement
des normes prudentielles14 est alors préconisé. Implicitement, cela signifie que les ressources allouées à
la supervision doivent évoluer au rythme du niveau de concurrence du secteur. Il existe dans la littérature
économique deux approches de mesure de la concurrence. Une approche dite structurelle qui fait
intervenir les mesures de concentration et une autre dite non-structurelle.

▪ Selon la première approche (structurelle), le lien entre le niveau de concurrence et la


concentration peut-être dérivé de deux manières : formellement ou non. Par l’approche formelle,
il est facile au prix de quelques développements analytiques d’établir sous certaines hypothèses
simplificatrices le lien entre le pouvoir de marché et les indices de concentration (Bikker et al.,
2000). Par l’approche non formelle, le niveau de concurrence peut-être induit par les
caractéristiques de performance et d’efficacité du marché. Si pour obtenir un niveau de
performance élevé, il faut produire à une grande échelle, le marché sera alors plus concentré. La
concurrence peut se mesurer alors par le degré de concentration. Avant de pouvoir interpréter
les mesures de concentration comme mesure de la concurrence, de manière empirique, on teste
une relation de la forme où la performance. Avec :
𝜋 = 𝛽0 + 𝛼𝐶 + 𝛾𝑋 + 𝜀 est l’indicateur de performance : profit, rentabilité, efficacité
- C est la mesure de la concentration
- X représente les variables de contrôles (taille de la structure, structure de l’actionnariat, …)
- et mesure l’effet de la concurrence et des variables de contrôle sur l’indicateur de
performance.
- 𝜀 est la constante.

L’utilisation des indices de concentration comme mesure de la concurrence est alors valable
lorsque 𝛼 > 0 (Bikker & al., 2000). Ce qui revient tout simplement à dire que concentration ne
signifie pas forcément absence de concurrence. En effet, dans un environnement concurrentiel,
il peut arriver que les firmes les moins performantes disparaissent ou soient rachetées par les
plus performantes. Cela peut renforcer la concurrence et augmenter la concentration ;

14
« L’exigence en capital au titre de la couverture des risques doit-être complétée par une régulation sur les
dépôts » (Hellmann et al., 2000).
▪ Selon la seconde approche (non-structurelle): elle ne fait, quant à elle, pas intervenir les mesures
de concentration. Il existe plusieurs modèles, mais nous insisterons sur celui de Panzar-Rosse
(1987). Après avoir présenté les mesures de la concentration utile à la mesure structurelle, nous
allons succinctement aborder le modèle de Panzar-Rosse qui fournit une mesure non structurelle.
L’idée de Panzar et Rosse (1987) est d’analyser l’impact d’une modification des coûts de
production sur les revenus d’une firme donnée. En effet, selon les caractéristiques
concurrentielles du marché, on peut avoir une idée sur cet impact. Ils définissent donc l’indice H
qui permet de mesurer l’impact de la modification du coût des inputs sur le revenu comme suit :

désigne le revenu à l’équilibre, m désigne le nombre d’inputs, i la firme. En situation de


concurrence, le profit est nul. Il y a égalité entre la recette et le coût. Toute augmentation des
coûts se répercute, toutes choses égales par ailleurs, sur les prix des produits de la firme ; donc
H doit valoir 1. En situation de monopole, une augmentation du coût marginal se traduit par une
diminution de la marge du monopoleur compte tenu de l’élasticité de la demande du produit de
la firme donc H doit être inférieur à 0. Dans le cas où l’indice varie entre 0 et 1, on est dans une
situation d’oligopole. Pour évaluer H, on estime une régression de la forme :

où R est le revenu (profit, bénéfice, …), wk le coût du k-ième input, X d’autres caractéristiques
pertinentes permettant d’expliquer le revenu. A partir de cette équation, on estime H par :

2.1.3.3. Les parts de marché


En République du Congo onze (11) banques se partagent un marché de 4.5 millions d’habitants au
31/12/2017. Littéralement dominé par le Groupe bancaire BGFIBank depuis plus de 5 ans, le paysage
bancaire congolais retient un taux de bancarisation d’environ 7% (contre 18,51% en moyenne pour
l’ensemble des pays de la CEMAC)15 et le besoin en financement des entreprises, notamment des PME
s’amplifie. Avec un total du bilan de 968 milliards FCFA en 2014 (en hausse de plus de 130 milliards par
rapport à l’exercice précédent), BGFIBank était le solide leader du marché bancaire congolais.
L’établissement détenait alors près de 35 à 40% de parts de marchés. Le rendement des capitaux propres
(ROE) de la filiale congolaise du groupe BGFI s’établissait à 44% en 2014, un niveau très appréciable
bien qu’inférieur aux 58% affichés lors de l’exercice 2013. Pour l’année 2012, c’est ECOBank qui avait
offert 65,2% des concours de prêts contre 36,7% en 2011. Parallèlement, la LCB qui concentrait 39,4%
des concours en 2011 a connu une régression à 16,2% en 2012. Au terme de l’exercice 2017, la
régression du secteur bancaire se traduit dans les chiffres du leader BGFI Congo sur le marché congolais
avec des parts de marchés à 31%. Toutefois, la banque ne cumule plus que 600 milliards de FCFA de
total bilan et 63 milliards de FCFA de fonds propres. Le ROE est descendu à 15 % avec un maintien du
coefficient d’exploitation à 40 %, soit 4 points de base de moins que le ROE 2014.

15
Discours prononcé par M. Lucas Abaga Ntchama le 23 mars 2015 à Brazzaville (Congo), par le FMI et la
BEAC
Graphique 13 : Parts de marchés des banques sur les segments Dépôts/Crédits (Juin 2018)

Concentration du secteur bancaire au 30/06/2018 (Parts de marchés)


70,00% 70,00%

60,00% 60,00%
57,52%

50,00% 50,00%

40,00% 40,00%

30,00% 30,00%

26,56%
25,27%

20,00% 20,37% 20,00%


18,65%
17,61%

12,06%
10,00% 9,35% 10,00%

5,96% 5,77%

0,00% 0,88% 0,00%


BCH BCI BGFI CDC ECOBANK LCB UBA BESCO SGC BPC BSCA

Dépôts bancaires Créances sur l'économie HHI HHI min

Source : Conseil National du Crédit – SGG

Dans les rapports du Conseil National du Crédit de la république du Congo la part de marché était calculée
sur les quatre (4) premières banque jusqu’à l’année 2017. L’alignement sur la COBAC est effectif depuis
2017 avec une prise en considération des trois premières banques elles seules (COBAC, 2007) qui établit
le seuil minimal de concentration des parts de marchés à 65%. Au mois de Juin 2018 la BGFI bank est
toujours leader sur les deux segments de marché (Dépôt et créances sur l’économie) avec
respectivement 25,36% et 32,16%. Suivent Crédit du Congo (14,03% et 1124%) et la LCB (12,59% et
13,97%).
Aucune de ces trois banques prise individuellement ou ensemble ne détiennent de pouvoir de marché en
raison de la fixation du seuil de concentration à 65%. On arrive à 51,98% sur le segment de marché des
dépôts et 57,37% sur les créances à l’économie ce qui fait du secteur bancaire congolais un secteur
moyennement concentré.

La variabilité des situations de domination du marché du crédit demande à être suivie longitudinalement
pour savoir si les trois (3) premières banques déterminent un indice de pouvoir de marché suffisamment
fort pour induire des logiques de domination stratégique par les coûts et/ou les volumes (Oligopoles à
franges) ou de différenciation et de focalisation sur des segments particuliers du marché bancaire.
Les parts de marché ne sont pas connues du fait de données agrégées disponibles. Seuls les rapports
du Conseil National du Crédit depuis janvier 2018 rendent accessible cette information. Les indices de
concentration du marché peuvent être déterminés soit par le volume des crédits, de la collecte des dépôts
ou encore du total de bilan.

Graphique 13: Evolution de la structure du marché du crédit congolais par catégories (2004-2015)
2.1.3.3.1. L’indice de Herfindhal-Hirschmann (HHI)
Le niveau de concentration du système bancaire dans les pays de la CEMAC peut également être
apprécié à partir de l’indice Herfindahl-Hirschmann (HHI). Cet autre indicateur de mesure de la
concentration d’un marché est égal à la somme des carrés des parts de marché des entreprises présentes
sur le marché considéré. Il se présente ainsi :
HHI = ∑𝑛𝑖=1(𝑚)2𝑖

Pour son interprétation, trois zones sont habituellement retenues :


▪ si HHI est inférieur à 0,1, la concentration du marché est considérée faible ;
▪ si HHI est compris entre 0,1 et 0,18, le marché est moyennement concentré ;
▪ si HHI est supérieur à 0, 18, la concentration du marché est élevée.

Le calcul de l’indice de Herfindahl-Hirschmann en 2013 et 2014 par la COBAC a mis en exergue un degré
de concentration élevé dans tous les systèmes bancaires de la CEMAC, excepté celui du Cameroun et,
dans une moindre mesure, celui du Tchad où la concentration peut être considérée comme moyenne.
Ces résultats confirment les conclusions de l’approche par les ratios de concentration. Les systèmes
bancaires les plus concentrés en termes de total de bilan, de dépôts et de crédits sont ceux de la Guinée
Equatoriale et de la RCA en 2014. Leurs indices de concentration des marchés bancaires ressortent
respectivement à 2 985,6 et 3 208,9 s’agissant du total de bilan, à 2 818,4 et 3 632,6 en termes de dépôts,
ainsi qu’à 5 197,4 et 2 858,5 pour ce qui est des crédits. Le niveau élevé de ces indices, comparativement
aux autres pays de la CEMAC est imputable au faible nombre de banques (cinq en Guinée Equatoriale
et quatre en RCA) évoluant sur chacun de ces marchés, l’indice HHI étant décroissant quand le nombre
de banques augmente, en d’autres termes quand il y a dilution de la concentration.

Tableau 47 : Situation de HHI des banques congolaises sur les marchés de dépôts et des crédits 2013

Source : Global Financial Development Data (année 2013)

En république du Congo, sur un le total des dépôts à la clientèle de l’année 2013 (soit 1 735 milliards de
FCFA), un peu plus de 41,88% des dépôts reçus l’ont été par la banque BGFI. Première sur le total de
bilan et les crédits bruts octroyés, elle influence de manière significative la nature de la compétition
concurrentielle en représentant quasiment 50% de la taille globale sur les deux principaux segments du
marché. Un total de 1 050 milliards des crédits bruts avait été octroyés sur la même période à près de
50,40% par la même banque BGFI qui dans cette dernière alternative franchit le seuil de majorité absolue.
L’entrée en lice de la BSCA Bank en 2014 a complétement redéfini les termes de la concentration et
particulièrement celle sur les crédits bruts au sein du marché congolais.

En 2018, les informations publiées par le Conseil National du Crédit (CNC) permettent de déterminer une
nouvelle tendance à l’indice de Herfindhal-Hirschmann pour le marché bancaire congolais. Quoique la
BGFI Bank reste structurellement le leader car sa concentration du marché atteint en moyenne
proportionnelle le tiers (soit 32,16% sur les créances à l’économie) sur les deux segments, on observe
un effritement important des termes de la rivalité bancaire. Il apparaît que le contexte national de crise
économique est lié de manière directe au niveau de la concentration bancaire.

Tableau 47 : Situation de HHI des banques congolaises sur les marchés de dépôts et crédits 2018 (juin)

BCH BCI BGFI CDC ECOBank LCB UBA BESCO SGC BPC BSCA
Dépôts bancaires 2,66% 8,42% 25,36% 14,03% 11,89% 12,59% 5,87% 0,30% 9,14% 3,12% 6,61%
Créances sur l'économie 3,30% 9,19% 32,16% 11,24% 8,48% 13,97% 3,48% 0,58% 9,51% 2,65% 5,45%
Indice Herfindhal-Hirschmann 0,18% 1,55% 16,77% 3,23% 2,13% 3,54% 0,47% 0,00% 1,74% 0,17% 0,73%
Source : CNC Congo – SGG (année 2018, juin)

Graphique 14: Evolution de la structure et du niveau de concentration du marché du crédit congolais par
catégories (2004-2015)
En effet, l’impact de la crise économique sur le secteur bancaire montre un écroulement du leader BGFI
Bank dont l’indice est descendu à 16,77%, soit un recul de près de 26,17 points de base. La rivalité
conjoncturelle s’est abaissée donc de la moitié de l’effort de 2014. Les marges d’intérêt et bancaire se
sont dégradées du fait de la contraction de l’activité économique et l’indice global des trois premiers
acteurs se situe à 23,54%. L’absence de données désagrégées par les institutions de supervision obère
la possibilité de faire des analyses approfondies et d’arriver à une caractérisation plus fine des rapports
de concurrence inter-firme au Congo.

Il est établi que le produit net bancaire représenterait un meilleur prédicteur de la part de marché bancaire.
Compte tenu de l’impossibilité d’accéder aux informations désagrégées nous avons sélectionné les
dépôts et les crédits en ce que leur rapport permet de déterminer le coefficient d’intermédiation de chaque
banque, donnant ainsi une traduction directe de la capacité de transformation interne de l’organisation.
L’indice HHI montre ici la domination absolue d’une banque sur toutes les autres sur le ratio de
concentration absolu. Dans notre cas le C1 est de 13,89% et le C3 de 51,98% sur la ligne des dépôts. Sur
celle des crédits à l’économie on a respectivement un C1 est de 16,63% et le C3 de 57,37%. HHI est de
16,77% pour la BGFI qui domine de très loin l’ensemble des segments mais proportionnellement de la
moitié de la domination antérieure de 2014/2015.

Il serait opportun d’établir un lien fonctionnel entre la décroissance des activités économiques et le degré
de déconcentration des actifs bancaires. La relation en U renversé présupposée tendrait à confirmer que
la déconcentration serait d’autant plus forte que la baisse de l’activité s’accélèrerait. Des données
complémentaires et désagrégées seraient confirmatoire de cette conjecture. Le ralentissement de la
croissance économique est accompagné par un relâchement de la concurrence par la déconcentration
du secteur bancaire jusqu’à un seuil au-delà duquel les termes de la déconcentration restent stables. La
mise à disposition de stocks de crédits frais et/ou de dépôts à faiblement rémunérer et à bas coûts
détériore la rentabilité et la profitabilité des banques qui pour survivre sont obligées de resserrer la taille
de leur actifs.
Relation entre Produit Intérieur Brut et HHI entre 1997 et 2018
2.1.3.3.2. Nombre de banques en fonction de la taille de l’économie
Le ratio du nombre de banques agréées relatif à la taille de l’économie se détermine ainsi qu’il suit :
Nombre de banques
Ratio =
PIB

Les données de l’année fiscale 2013 permettent d’établir les rapports d’intermédiation pour chaque
banque suivant le graphique présenté ci-dessous.

Graphique 15: Taux d’intermédiation par banque congolaise (2004-2015)


La république du Congo ne dispose que de 11 banques actives sur le secteur depuis 2014 ce qui
représente une faible dotation globale. Le nombre de banques s’est accrue sur les deux dernières
décennies en passant de 4 banques en 2005 à 5 banques en 2007 (soit un accroissement de 25%) ; puis
7 en 2008 (soit un accroissement de 40%) ; 9 en 2012 (soit 28% d’accroissement) et 10 en 2013 (soit un
accroissement de 11%).

Le rapport démographique de la population par rapport au nombre de banques ainsi que le rapport du
PIB par rapport au nombre de banques souligne qu’avec une population de taille cinq (5) fois plus
importante, les 11 banques congolaises ne gèrent qu’une économie quatre (4) fois plus petite.

Congo (rep. du) Cameroun (rep. du)


Population (2017) [en millions] 5 261 000 24 050 000
PIB (milliards US $) 2017 8,72 34,8
Nombre de banques (2017) 11 14

On peut donc conjecturer, à l’échelle de la zone CEMAC, que le nombre de banques au Congo est le
pendant d’une économie faible tandis qu’il est l’inverse pour le Cameroun.

2.1.3.3.3. Concentration géographique des banques


Les différents marchés bancaires étant bien délimités géographiquement, la concentration ne peut être
mesurée que sous l’angle national (pays par pays).

2005 2007 2008 2012 2013 2015


Nombre de

Nombre de

Nombre de

Nombre de

Nombre de

Nombre de
Nombre de

Nombre de

Nombre de

Nombre de

Nombre de

Nombre de
guichets

guichets

guichets

guichets

guichets

guichets
banques

banques

banques

banques

banques

banques
Pays

Cameroun 10 103 12 128 12 128 13 191 13 218 14 285


Centrafrique 3 6 4 7 4 12 4 22 4 22 4 22
Congo 4 33 5 37 7 46 9 88 10 82 11 77
Gabon 6 35 7 39 7 43 10 58 10 70 10 81
Guinée équatoriale 3 10 4 14 4 14 4 15 5 26 5 32
Tchad 7 17 7 20 9 20 8 37 8 48 8 66
CEMAC 33 204 39 245 43 263 48 411 50 466 52 563

La concentration des banques relève d’un héritage colonial qui a créé le centre-ville pour les occidentaux
avec une concentration de l’ensemble des services essentiels : Mairie, Postes, Administrations, Justice,
etc. sont tous situés au cœur de l’ancienne ville coloniale (au centre de la ville). Les guichets de banques
s’y trouvent également concentrés. Ils n’ont quasiment aucune présence dans la périphérie non coloniale.
Cette situation traduit le fait qu’il n’existe à l’origine aucune banque nationale et que le centre des affaires
n’est pas accessible aux autochtones. La croissance du nombre de banques est moins que
proportionnelle du nombre de guichets en raison de la nature étrangère du capital des banques qui sont
très souvent des filiales de banques internationales effectuant des investissements directs à l’étranger
avec une volonté de retour des bénéfices. Par suite, les termes de la compétition entre les banques ne
sont pas exacerbés et l’on assiste à un rapport de 1 à 5 entre la situation Camerounaise et la situation
Congolaise pour quasiment le même nombre de banques installées. Au Congo, depuis toujours, les
banques sont concentrées entre les deux villes les plus importantes (Brazzaville et Pointe Noire). En
rapportant le nombre de guichets présents dans les deux villes au nombre de guichets présents dans le
reste du pays sur la période 1997-2016, l’on s’aperçoit qu’un ratio de plus de 80% de guichets localisés
étaient dans les deux grandes villes en début de période d’analyse et que ce ratio est descendu à près
de 59,74% en 2016. Il y a eu émergence d’une troisième ville qui a concentré l’essentiel de l’ouverture
des nouveaux guichets (Oyo).

L’inclusion financière de ces dernières années s’avère trop faible pour avoir pu compenser les disparités
entre banques et segments pauvres de la clientèle, en rendant accessible au plus grand nombre les
services financiers bancaires et non bancaires.

D’une manière globale, la concentration des banques Congolaises ne semble pas jouer en faveur d’une
meilleure inclusion car dans certaines zones géographiques du Sud et du Nord, la bancarisation est
quasiment nulle, ouvrant ainsi à des termes de rivalités concurrentiels dont la marge de progression
demeure extrêmement importante.

2.1.3.4. Le degré de concurrence bancaire


Pour apprécier le niveau de la concurrence sur un tel marché concentré au niveau de la république du
Congo, plusieurs méthodes de calcul indiciaire sont disponibles :
 l’indice de Lerner déterminant le pouvoir de marché ;
 l’indice de Boone ;
 le H de Panzar et Rosse.

Nous retenons l’indice de Boone qui mesure l'effet de l'efficacité sur la performance en termes de profits,
compte tenu des limites de l’indicateur H stat formulé par Goddard et Wilson (2006). Il est calculé comme
l'élasticité des bénéfices aux coûts marginaux. Pour calculer cette élasticité, le logarithme d'une mesure
des bénéfices (comme le rendement des actifs) est régressé par rapport à une mesure logarithmique des
coûts marginaux. Plus l'indicateur de Boone est négatif, plus le niveau de concurrence est élevé sur le
marché, car l'effet de la réaffectation est plus fort.

2.1.3.4.1. L’indice de Boone

Tableau 48 : degré de concurrence mesuré par l’indice de Boone


Source : Global Financial Development, 2016

L’indice de Boone montre que malgré l’application du règlement COBAC R-2009/01 qui fixe le capital
social minimum des établissements de crédits, à 10 milliard de FCFA pour les banques et le durcissement
des Conditions et modalités de l'exercice bancaire , qui pouvaient être interprétés comme des barrières
à l’entrée du marché bancaire de la CEMAC, le niveau de la concurrence reste relativement acceptable
notamment au Gabon et en RCA, les données sur la Guinée Equatoriale et le Congo étant inexistantes.
Ces résultats confirment ceux d’Eugene Bempong N. et Sypor M., (2015) pour qui l'environnement
bancaire de l'Afrique subsaharienne est aussi concurrentiel que ceux d'Amérique latine et des Caraïbes
et pas très différent de celui qui existe dans les pays à revenu élevé de l'OCDE. Le marché bancaire est
donc relativement contestable comme le montre d’ailleurs l’évolution du nombre de banques ces
dernières années. Ce niveau relativement élevé de la concurrence peut s’expliquer également par la
présence de banques dont l’actionnaire principal n’est pas de la CEMAC. En effet, la proportion des
banques dont l’actionnaire majoritaire est originaire d’autres pays (Afrique de l’Ouest, France, USA,
Afrique du nord, etc.) était de 62% au 31 décembre 2014. Cette présence de banques étrangères renforce
donc la pression concurrentielle dans le secteur et peut favoriser l’adoption de techniques bancaires telles
que la bonne gouvernance et les innovations par les banques nationales (Clarke et. Al., 2005).

2.1.3.4.2. Le Spread des taux d’intérêts


Les spread de taux d’intérêts visent à déterminer l’écart entre le taux d'intérêt d'un emprunt donné et un
taux dit de référence sur la même maturité. Ils incorporent une prime de risque supplémentaire, ou spread,
qui varie selon la fiabilité des emprunteurs. Dans le cas de la république du Congo, nous prenons le taux
CEMAC comme référence en notant qu’il existe une difficulté d’appliquer un Taux effectif global (TEG)
sur la variété de types de crédits analysés : crédits renouvelables, de trésorerie, engagements par
signature (avals, cautions, etc.). Il s’agit donc des conditions tarifées de nouvelle demande de crédit pour
la clientèle ne bénéficiant pas de conditions particulières. Les frais supplémentaires prélevés lors de la
mise en place du prêt ne sont pas inclus dans les taux considérés. Les résultats disponibles sur la période
2006-2012 montrent un spread faible, avec une tendance baissière, contrecarrée par un relèvement des
taux de 0,93 point de base du TEG Moyen entre 2011 et 2012 (fig. 8). Le système bancaire a extériorisé
un taux effectif moyen passant de 8,4% en 2011 à 9,3% en 2012. Parallèlement, le volume des crédits
octroyés a connu une légère augmentation de 5,8% en variation annuelle. Cette situation s’explique par
le renforcement des conditions du marché mondial par les pays émergents qui ont été rattrapés en 2013
par la crise financière, qui les avait largement épargnés, mettant à mal l'idée de leur découplage vis-à-vis
des économies développées et soulignant les défis de leur transition vers des modèles de croissance
moins dépendants des exportations, comme cela est le cas pour le pétrole congolais représentant plus
de 70% du volume des exportations.
Graphique 16: Taux d’intermédiation par banque congolaise (2004-2015)

Source : COBAC, Rapports annuels


Le volume des prêts au Congo est tiré par les grandes entreprises qui ont reçu du système bancaire
59,51% des crédits octroyés en 2012 contre 77,93% en 2012. Ce sont les grandes entreprises qui tirent
le meilleur profit des taux effectifs faibles observés. Le tableau IV ci-dessous permet de vérifier que si la
structure par terme des taux d’intérêts est observée, les différents compartiments compensent par des
spread positifs et négatifs selon le cas, qui montre une allocation du marché – en volume 234 milliards
en 2011 et 248 milliards en 2012 – en faveur des grandes entreprises qui présente le meilleur coefficient
de rentabilité financière attendu.

Tableau 49 : Tarification par type de client et par terme - Congo


Grandes TEG Moyen
Particuliers PME
entreprises par terme
2011 Court terme 16,2% 6,8% 13,1% 8,0%
Moyen terme 13,7% 7,1% 10,4% 8,8%
Long terme - - - -
TEG Moyen par contrepartie 14,4% 6,9% 12,1% 8,4%
2012 Court terme 15,6% 8,2% 10,5% 9,3%
Moyen terme 13,4% 8,1% 6,9% 9,4%
Long terme
TEG Moyen par contrepartie 14,1% 8,2% 8,2% 9,3%
Source : COBAC, rapports annuels

2.1.3.5. La structure de l’actionnariat des banques


Plusieurs banques ont été autorisées à modifier leur situation juridique en 2014. Les modifications de
situation des établissements de crédit sont subordonnées à l’autorisation préalable de la Commission
Bancaire, conformément au règlement COBAC R-93/09 relatif aux modifications de situation des
établissements de crédit. A ce titre, la COBAC a répondu favorablement à quatorze (14) demandes
présentées par les établissements de crédit pour la modification de leur situation, au cours de l’année
2014.

Dans ce cadre, treize (13) autorisations préalables ont été délivrées par la COBAC à des établissements
de crédit pour augmenter leur capital social, en vue de se conformer aux dispositions du règlement
COBAC R-2009/01 portant fixation du capital social minimum des établissements de crédit. Publié le 1er
juin 2009, ce règlement fixe le capital social minimum à 10 milliards. Les établissements créés avant cette
date ont bénéficié d’une période transitoire. Ainsi, les banques déjà en activité ont été amenées à porter
leur capital social à au moins 7,5 milliards au 30 juin 2012 et à au moins 10 milliards à fin juin 2014.

Variation du capital social des banques CEMAC (2005 à 2015)


Capital social (en millions)
Pays
2005 2007 2008 2012 2013 2015
Cameroun 53 633 65 151 84 651 132 996 132 996 161 967
Centrafrique 5 000 6 500 6 500 35 627 35 627 40 000
Congo 14 222 16 222 22 222 77 744 93 744 175 190
Gabon 69 515 110 520 114 671 170 681 176 528 205 110
Guinée équatoriale 7 240 14 240 16 740 35 830 55 830 60 022
Tchad 16 880 17 094 23 053 60 044 68 044 85 500
CEMAC 166 490 229 727 267 837 512 922 562 769 727 789
Les établissements financiers devaient, quant à eux, porter leur capital social à au moins 1 500 millions
au 30 juin 2012 et à au moins 2 000 millions à fin juin 2014. Par ailleurs, la Commission Bancaire a
marqué son accord à la demande formulée par un établissement financier implanté au Cameroun pour
une cession d’actions. Sur les autorisations préalables accordées par la COBAC, 6 ont été données aux
établissements de crédit du Congo, 4 à ceux du Cameroun, 2 au Tchad et 1 aux établissements installés
en Centrafrique et au Tchad. L’actionnariat des banques reste dominé par les holdings financières La
structure de l’actionnariat des établissements de crédit de la CEMAC n’a pas fondamentalement changé
malgré les autorisations préalables accordées à ces derniers à l’effet de se conformer aux dispositions
du règlement COBAC R-2009/01 portant fixation du capital social minimum. Au 31 décembre 2014, le
capital social cumulé des banques de la CEMAC a progressé de 5,15%, passant de 563 milliards en 2013
à 598 milliards à fin 2014. Les holdings financières ou les établissements de crédit demeurent les
principaux actionnaires de la plupart des banques de la sous-région. En 2014, sur les 50 banques en
activité, 36 sont détenues par une holding financière ou un établissement de crédit ; ces banques
représentent 73% du capital cumulé, contre 74% en 2013. Suite aux différentes restructurations
d’établissement de crédit à capitaux publics nécessitant un apport en numéraire, la part du capital détenue
par les pouvoirs publics a augmenté d’un point, passant de 20 % en 2013 à 21 % en 2014. Les particuliers
ou les sociétés commerciales disposent de la fraction restante du capital, soit 6% au 31 décembre 2014
comme en 2013. La structure de la répartition du capital des banques en fonction de la région ou du pays
d’origine de l’actionnaire principal n’a pas changé entre décembre 2013 et décembre 2017. A l’instar de
2013, la part des banques dont les actionnaires sont originaires de la CEMAC est demeurée identique à
fin 2017. L’analyse du capital des banques de la CEMAC nous a permis de constater que celui-ci connaît
une évolution irrégulière sur la période allant de 1980 à 2005.

Les trois principales phases de son évolution décrivent bien les événements qui ont marqué le système
bancaire de la CEMAC, à l’instar de la crise bancaire de la fin des années 1980, la restructuration bancaire
et notamment ses volets privatisation et liquidation. La première phase va de 1980 à 1988 où le secteur
bancaire prend un élan considérable (augmentation notoire du nombre de banques et du capital) qui
témoigne de la robustesse du système bancaire juste après les indépendances. Cependant, il a été
affaibli par les effets de la crise bancaire qui marque la deuxième phase de 1989 à 1997. Après 1997, le
système bancaire se renforce, et ce, notamment depuis l’application de la réglementation bancaire
instituée par les nouvelles autorités de supervision. A partir de 2000, le capital des banques augmente
sensiblement, passant de 90 294 millions en 1996 à près de 162 000 millions en 2005. La structure du
capital des banques repartie entre public et privé montre également un changement. En effet, au début
de la décennie 1990, suite entre autre à la libéralisation, le secteur privé est parvenu à contrôler la majorité
des parts du capital des banques de la zone. Il détient environ 80% des parts du capital en 2004 contre
seulement 46% en 1990. La répartition des intérêts entre nationaux et étrangers met en évidence le fait
que les étrangers détiennent environ plus de 80% des parts à compter de 2004. En définitive, la
privatisation des banques a facilité le retour de groupes bancaires internationaux et l’émergence de
groupes à capitaux essentiellement locaux. La présence de ces acteurs peut être un facteur de stabilité
du système pourvu qu’ils respectent la réglementation édictée par l’organe de supervision régional et
s’imposent des règles de bonne gouvernance. Si pour de multiples raisons le capital des banques s’est
renforcé au cours de la période, il demeure tout au moins faible au regard des risques encourus. Il est
donc indispensable voire impératif qu’un capital minimum conséquent et uniforme dans l’ensemble de la
sous-région soit fixé pour renforcer la crédibilité et la stabilité du secteur bancaire.
Graphique 17 : Répartition du capital des banques suivant le statut du principal actionnaire
2.1.4. Le niveau de développement financier

Suivant Cezar R (2012), la principale fonction des systèmes financiers est l’intermédiation du capital entre
les agents en excédent et ceux déficitaires. Cette intermédiation rencontre toutefois une multitude
d’adversités qui entravent d’une part la formation de l’épargne et d’autre part le financement des projets
d’investissement. En améliorant les frictions présentes dans le marché, les systèmes financiers agissent
sur l'allocation des ressources à travers l'espace et le temps. C’est ce qu’on appelle le développement
financier, en d’autres termes, c’est l’amélioration du processus d’allocation du capital. On distingue six
fonctions principales de l’efficacité dans la mise en œuvre dudit développement financier et qui impactent
sur la fluidité de l’intermédiation financière. Ce sont : (1) la mobilisation du capital ; (2) la production et
diffusion d’informations sur les agents économiques ; (3) la maîtrise et le partage du risque ; (4) le suivi
des investissements (de façon à ce que le capital soit utilisé de façon optimale) et la gouvernance des
entreprises ; (5) la réduction des coûts des transactions ; et (6) la liquidité des placements financiers. En
nous focalisant sur le rôle des banques, nous explorons essentiellement la première fonction qui est la
mobilisation du capital au travers des dimensions de i) profondeur du secteur financier et ii) d’accès à ce
dernier.

2.1.4.1. La profondeur du secteur financier


La « financial depth » est le concept qui traduit le mieux la « profondeur du système financier ». Le terme
que nous expliquons ici décrit un attribut macro-économique d'un pays, contrairement au terme « market
depth » souvent employé au niveau micro-économique pour définir la profondeur d'un marché financier
spécifique ou d'un titre particulier (un concept proche de la liquidité). On peut la définir comme : « La taille
des banques, des autres institutions financières et des marchés financiers dans un pays, pris dans
l'ensemble, rapportée à une mesure d'output économique (facteur permettant de comparer les pays sur
une même échelle) ». En d'autres termes, il s'agit du niveau de développement relatif du système
financier, en termes quantitatifs qui suppose que les institutions financières et les marchés contribuent à
la diversification des risques et réduisent la vulnérabilité des entreprises, des industries et des ménages
aux chocs extérieurs en réduisant la volatilité macroéconomique des actifs. Deux approches sont à
distinguer :
▪ La littérature théorique décrit divers mécanismes par lesquels le développement financier peut
influer sur la volatilité macroéconomique. Aghion et al (1999) mettent au point un modèle
théorique qui combine les imperfections du marché financier et l'accès inégal aux opportunités
d'investissement. Ils montrent que les économies dont les systèmes financiers sont peu
développés ont tendance à être plus volatiles, car l'offre et la demande de crédit ont tendance à
être plus cycliques. Acemoglu et Zilibotti (1997) mettent en exergue le rôle que joue la
diversification pour réduire les risques et minimiser les fluctuations cycliques. Les imperfections
du marché financier et les asymétries sous-jacentes de l'information peuvent aussi avoir leur part
dans la propagation des chocs du secteur réel par le biais du crédit. Par exemple, les chocs au
patrimoine net des emprunteurs peuvent exacerber les fluctuations macroéconomiques si le
marché du crédit présente des imperfections (Bernanke et Gertler, 1990). De même, Kiyotaki et
Moore (1997) et Greenwald et Stiglitz (1991) montrent comment l'asymétrie de l'information sur
les marchés financiers peut accroître les effets temporaires des chocs et les rendre plus
persistants ;
▪ Au plan empirique, Aghion et al. (2010) constatent que des systèmes financiers profonds sont
susceptibles d'alléger les contraintes de liquidités qui pèsent sur les entreprises et de faciliter les
investissements à long terme, ce qui réduit la volatilité de l'investissement et de la croissance.
Raddatz (2006) relève que les secteurs dont les besoins en liquidités sont plus importants sont
plus volatils et souffrent de crises plus graves dans les pays financièrement sous-développés.
De même, l'accès au financement bancaire minimise la volatilité de la production au niveau
industriel car les secteurs qui connaissent des difficultés financières contractent des emprunts
contre-cycliques (Larrain, 2006). Au niveau des ménages, on constate que l'accès aux services
financiers permet de mieux lisser les risques (c'est-à-dire, les écarts entre le revenu effectif et le
revenu moyen). L’accès à l’épargne peut aussi faciliter l'achat de biens de même que d'autres
dépenses élevées lorsque le crédit n’est pas disponible ou est trop onéreux (Kaboski et
Townsend, 2005), et peut à long terme, alléger les contraintes qui pèsent sur le crédit.
Au niveau agrégé toutefois, les preuves donnent une image quelque peu plus ambiguë, car des
systèmes financiers profonds peuvent aussi aggraver les chocs. Par exemple, Obstfeld (1994)
avance que si le secteur financier offre les outils permettant de se préserver de certains risques
(par exemple, des instruments d'épargne et des produits d'assurances), les entrepreneurs
peuvent choisir d'investir dans des projets dont les risques et les rendements sont élevés plutôt
que dans des projets dont les risques et les rendements sont faibles, ce qui pourrait exacerber la
volatilité. À l'aide de données de panel pour un grand nombre de pays, Easterly et al. (2000) ont
conclu que le niveau de crédit au secteur privé par rapport au PIB avait un important effet de
lissage de la volatilité de la production, mais seulement jusqu'à un certain point (environ 100 %
du PIB) au-delà duquel la volatilité augmente. De même, Denizer et al. (2002) relèvent une
relation négative entre les diverses mesures de profondeur du système bancaire et la volatilité
de la consommation et de l'investissement, mais pas lorsqu’il s’agit de la volatilité de la
production. Beck et al. (2006), néanmoins, démontrent que des systèmes financiers plus
développés amortissent les chocs budgétaires mais peuvent aggraver les chocs monétaires. La
récente crise financière mondiale suggère aussi que même si la profondeur financière peut
contribuer à réduire l'impact des chocs du secteur réel, elle peut propager les chocs du secteur
financier, ce qui accroît la volatilité macroéconomique.
Notre étude présente des aspects récurrents sur la relation qui existe entre la profondeur du secteur
financier et la volatilité macroéconomique en république du Congo. Nous retenons parmi les indicateurs
« financial depth », le plus commun d'entre eux qui est le crédit privé rapporté au PIB (le crédit privé étant
le crédit fait aux agents non publics). Cet indicateur rend compte du développement du système
d'intermédiation de crédit (le crédit par les banques) plutôt que du développement du système
d'intermédiation de marché ou du financement direct (les marchés financiers). Ainsi les Etats-Unis ont
d'après cet indicateur un système financier moins profond que celui de la Chine. L'explication étant que
les Etats-Unis ont un système financier qui repose beaucoup plus sur le financement de marché, non pris
en compte dans cet indicateur.
Un autre indicateur retenu est la somme des actifs bancaires totaux rapportés au PIB. Cet indicateur a
l'avantage d'inclure également les crédits faits par les agents bancaires aux entités publiques, et prend
également en compte les actifs détenus par les banques qui ne sont pas des crédits (une grande partie
du bilan des banques). Une lacune de cet indicateur est qu'il ne prend pas en compte les actifs des
institutions financières non bancaires, soit une grande partie des acteurs du financement de nos jours.
Un troisième indicateur est la taille des marchés financiers, complétant les deux précédents indicateurs,
est la résultante de deux indicateurs : la capitalisation du marché financier rapporté au PIB et le volume
des titres de dette privés rapportés au PIB.

2.1.4.1.1. Les ratio Actif Total / PIB et Crédit privé / PIB

Graphique 18 : Profondeur du secteur financier et financement par intermédiation bancaire

Source : COBAC, rapport annuels


Les corrélations simples du secteur privé et de l’Actif total par rapport au PIB démontrent une relation
positive entre la profondeur du secteur financier la croissance de la part du secteur privé commercial et
industriel. La figure 10 représente chaque mesure de la profondeur financière par rapport à la volatilité
de la croissance du PIB réel par habitant. Elles indiquent que la volatilité du système bancaire sera
d’autant plus profonde que les variables privées représenteront l’essentiel de l’intermédiation
économique. La raison incombe sans doute à des dispositions de gouvernance privée des entreprises
qui influencent positivement la production et la diffusion d’information sur les agents économiques d’une
part et la maitrise et le partage des risques.

Sur la figure 11, on peut conjecturer effectivement que la faible profondeur du système bancaire congolais
joue un rôle majeur et statistiquement significatif pour lisser négativement la volatilité macroéconomique.
Le caractère erratique des variations de la marge des opérations sur titre confirme que le Congo n’est
pas place de financement des entreprises par les mécanismes du marché financier. Ce type de
financement « traditionnel » de l’économie suggère que les pays dont les systèmes bancaires sont plus
profonds sont moins soumis à la volatilité, même avec l'application des variables de contrôle pour les
crises financières. En effet, lorsque le système financier manque de profondeur, les ménages, les
entreprises et les pouvoirs publics sont dépourvus des instruments nécessaires pour diversifier les
risques, gérer la volatilité de leurs flux de revenus et s'assurer contre les événements imprévus.

Inversement, les systèmes financiers profonds peuvent alléger les contraintes de liquidité qui pèsent sur
les entreprises et les secteurs économiques, et réduire ainsi la volatilité de l'investissement et de la
production. De même, l'accès à diverses formules d'assurance et d'épargne permet aux ménages de
mieux lisser leur consommation dans le temps. Sur le plan macroéconomique, les données empiriques
offrent toutefois un tableau quelque peu ambigu dans la mesure où l'approfondissement du secteur
financier peut favoriser la propagation des chocs financiers, comme on l'a vu avec la crise financière
mondiale. De nouvelles analyses accréditent toutefois l'idée que l'approfondissement du système
financier peut atténuer la volatilité de la production et de l’activité sectorielle (consommation et
investissement) dans les pays en développement tels que le Congo. Qui plus est, les estimations
ponctuelles sont économiquement significatives, notamment pour les régressions de la consommation et
de l'investissement, ce qui suggère que la profondeur financière a un effet particulièrement prononcé pour
lisser la volatilité de la consommation et de l'investissement dans les pays en développement.

L’approfondissement du secteur financier est un donc processus pluridimensionnel en vertu duquel les
établissements et les marchés financiers offrent une gamme croissante de services et d’instruments qui
permettent i) l’échange efficace de biens et de services (par exemple des services de paiement); ii) des
décisions rationnelles en matière d’épargne et d’investissement, notamment à longues échéances; et iii)
la création par le secteur financier d’une large gamme d’actifs afin de répartir les risques (couverture ou
diversification). Autrement dit, ce processus peut être considéré comme un moyen d’améliorer l’efficacité,
la profondeur (intermédiation du crédit et volume des opérations, par exemple), l’étendue (diversité des
marchés et des instruments, par exemple), et l’accessibilité des systèmes financiers (Goyal, 2011). En
soi, l’approfondissement du secteur financier peut être très avantageux pour la stabilité macroéconomique
et la durabilité de la croissance. En même temps, ce processus peut lui-même engendrer de nouveaux
risques (liés par exemple à la plus grande interconnectivité, aux problèmes que peuvent causer les
innovations financières non réglementées) qu’il est impératif de gérer avec efficacité.
2.1.4.1.2. La taille du marché financier congolais

Graphique 19 : Profondeur du secteur financier et financement par intermédiation bancaire

Source : COBAC, rapports annuels


2.1.4.2. L’accès au secteur financier
La problématique des coûts, notamment sociaux, générés par l’intervention publique en réponse aux
défaillances du fonctionnement du marché remonte à Coase (1960). Par ailleurs, il est également admis
que la réglementation bancaire occasionne des charges directes de fonctionnement et des charges
indirectes liés à des possibles effets pervers (De Boissieu et Couppey-Soubeyran, 2013). Dans certains
cas, les banques font supporter aux clients les coûts réglementaires (Beck et al. 2008 : 422). Dans cette
partie, nous tentons de mettre en évidence les coûts de la réglementation de la COBAC en termes
d’exclusion financière en république du Congo. Compte tenu du sous-développement, de la faible
diversification et de l’ampleur de l’intermédiation bancaire qui caractérise le système financier de ce Pays
(BAD, 2010), notre étude reste essentiellement focalisée sur les établissements de crédit. Par ailleurs,
suivant la distinction opérée par Claessens (2006, 210), notre analyse établit deux catégories d’exclusion
financière engendrée et/ou accentuée par la réglementation de la COBAC : l’exclusion liée à l’accès aux
établissements bancaires et l’exclusion liée à l’utilisation des services financiers à l’intérieur même des
banques.

Les années qui ont précédé la création de la COBAC étaient essentiellement caractérisées par la
prépondérance des pouvoirs publics dans les établissements de crédit de la zone (Avom et Eyeffa-
Ekomo, 2007) d’une part et la multiplicité des banques de développement (Hugon, 2007) d’autre part.
Cette configuration reflétait principalement l’objectif de développement poursuivi par les autorités de
chaque pays. En conséquence, contrairement à la logique de rentabilité, assez fréquemment, ces
autorités décidaient parfois de l’implantation des certains guichets de banques dans des zones faiblement
peuplées et assez éloignées des grands centres d’activité économique. Cela a été conforté avec le
dispositif réglementaire de l’époque qui accordait un poids considérable à l’État dans les activités de
contrôle bancaire. Combinées à d’autres dysfonctionnements du système, ces pratiques se sont révélées
très tôt contreproductives. Ainsi, sur 11 banques en activité au Congo en 2013, quoiqu’aucune n’était
déclarée insolvable, aucune n’a ouvert de guichet dans l’arrière-pays. Cette situation continue en dépit
d’une restructuration du secteur bancaire qui s’inscrit dans le cadre de la libéralisation financière engagée
au début des années 1990. Elle s’est traduite notamment par la fermeture ainsi que la privatisation de
ces institutions financières (Hugon, 2007) et la création d’un organe unique de régulation bancaire. En
particulier, plusieurs banques ont fermé et d’autres ont réduit le nombre de leurs agences pour conserver
celles qui sont implantées dans les grandes villes peuplées donnant naissance à une forte concentration
bancaire (Avom et Eyeffa-Ekomo, 2007). En conséquence, les populations des localités éloignées (petites
et moyennes villes ou zones rurales) se retrouvent fortement pénalisées et exclues.

Pour accéder aux services financiers offerts par les banques, les populations sont obligées d’effectuer
des déplacements coûteux en termes de ressources financières et de temps pour venir dans les grandes
villes où sont désormais implantés ces établissements. A titre d’exemple on compte d’une banque
uniquement présente à Brazzaville (BESCO) et dont 1 742 109 clients se disputent l’accès de ses guichets
contre 260 081 clients pour la LCB sur l’ensemble du territoire national. Dans la littérature, la concentration
bancaire est généralement saisie en termes de dépôts/crédits, de parts de marché et de densité bancaire.
Compte tenu de l’objectif poursuivi par cette étude, nous nous limitons simplement à la densité bancaire
à l’origine de l’exclusion financière de la population. Le tableau ci-dessous donne les banques, leur
implantation géographique ainsi que celui de leurs guichets et de l’ensemble de la population du pays
pour l’année 2015 (Tableau V).

Tableau 50 : Réseau des banques et taux de densité bancaire dans la CEMAC au 31/12/2015
Population /
Présence Nombre de Population (en
Dénomination par localité Guichets milliers d’habitants)
Nombre de
guichets
Banques commerciales assujetties à la COBAC
Banque Commerciale Internationale (BCI) Pays 16 4 681 449 292 591
Brazzaville
Banque Congolaise de l'Habitat (BCH) et Pointe 4 2 642 944 660 736
noire
Banque Espirito Santo Congo (BESCO) Brazzaville 1 1 742 109 1 742 109
Brazzaville
BGFIBANK Congo (BGFI-Congo) et Pointe 6 2 642 944 440 491
noire
Brazzaville
Banque Sino-Congolaise pour l'Afrique
et Pointe 2 2 642 944 1 321 472
(BESCA)
noire
Banque Postale du Congo (BPC) Pays 9 4 681 449 520 161
Crédit du Congo (CDC) Pays 16 4 681 449 292 591
Ecobank Congo (Ecobank Congo) Pays 7 4 681 449 668 778
La Congolaise de Banque (LCB) Pays 18 4 681 449 260 081
Brazzaville
Société Générale Congo (SGC) et Pointe 2 2 642 944 1 321 472
noire
Brazzaville
United Bank for Africa - Congo (UBA) et Pointe 3 2 642 944 880 981
noire
Autres Banques et Institutions de Crédit
Société des Postes et de l’Epargne du Congo
Pays 18 4 681 449 260 081
(SOPECO)
Totaux 4 681 449 102 45 897
Source : Rapports COBAC

Dans l’ensemble, il apparaît que le taux de densité bancaire, mesuré par le nombre d’habitants rapporté
à celui des banques, est très lâche au Congo. En moyenne, une banque pour 961 372,09 habitants ou
un guichet pour 123 400 habitants, parmi le taux le plus élevé au monde. Le tableau met en évidence des
très grandes disparités au sein de la région où deux groupes de pays s’établissent. Le premier constitué
du Gabon, de la Guinée Équatoriale et du Congo où la densité bancaire est la plus faible. Un deuxième
groupe qui réunit le Cameroun, la Centrafrique et Tchad où cette densité est la plus élevée. Ces
différences sont en parties imputables à l’importance de la population de ces pays. Il semble que les pays
les plus peuplés sont ceux-là qui affichent les densités les plus lâches.

Une autre mesure de la concentration bancaire est la répartition géographique des agences sur le
territoire national. Des 102 agences bancaires que comptait le Congo en 2005, 80% étaient implantées
dans les villes de Pointe noire Brazzaville. Dix ans plus tard, la situation n’a guère changé. Elle s’est
même renforcée dans la mesure où presque toutes les nouvelles agences sont ouvertes dans ces
grandes métropoles au détriment des autres localités du pays où se concentre le plus grand effectif de la
population. Tous ceux-ci sont exclus du système bancaire et doivent subir d’importants coûts pour y
accéder.

Enfin, au niveau de ces grandes villes où sont implantées les banques, elles sont localisées au niveau
du centre-ville à proximité de la clientèle fortunée et très éloignées des quartiers périphériques où est
concentrée la plus forte densité de la population et la plus pauvre également. Ces derniers sont obligés
de supporter des frais de transport assez importants compte tenu de la faiblesse de leur revenu pour
accéder aux banques. Ce qui les contraints à limiter au minimum leurs déplacements.

2.1.5. Le niveau de solidité des banques

Les indicateurs de solidité financière (ISF) ont pour finalité de soutenir l’ensemble du secteur bancaire
afin qu’il soit robuste face aux fluctuations conjoncturelles et structurelles de l’activité économique. Cette
solidité financière est essentiellement mesurée par le montant des fonds propres de la banque qui
détermine sa capacité à faire face aux risques éventuels liés à ses activités (non remboursement de
crédits distribués ou autres pertes de valeur de ses actifs). Par ailleurs les banques doivent être en
permanence solvables, c’est-à-dire pouvoir faire face à leurs engagements à tout moment. En effet, si les
clients de la banque qui ont déposé chez elle leur argent (dépôts à vue) doutent de sa solidité financière,
ils risquent de perdre confiance et de retirer leurs dépôts, précipitant la banque (et tout le système s’il
s’agit d’une banque importante) dans des difficultés majeures. C’est pourquoi, en alignement avec la
Banque des Règlements Internationaux (BRI) dont le siège est à Bâle (Suisse), la COBAC a établi des
ratios de solvabilité que toutes les banques CEMAC doivent respecter. Ces nouvelles dispositions ont
impacté l’ensemble de la structure d’exploitation et bilantielle des banques de la COBAC.

2.1.5.1. Le respect des normes prudentielles


La COBAC a toutes les compétences pour définir le plan et les procédures comptables applicables aux
établissements de crédit, et les normes prudentielles de gestion. De ce fait on distingue des normes de
solvabilité et de liquidité qui ont été ainsi établies : elles porteront sur quatre aspects respectifs allant de
l’analyse de la solvabilité du système bancaire, notamment par le biais de l’assise comptable, au risque
de crédit et la capacité de transformation de l’appareil bancaire.
2.1.5.1.1. L’analyse de la solvabilité du système bancaire congolais
La réglementation bancaire et prudentielle en Afrique Centrale 616 a connu un tournant important en 1992
avec son harmonisation17 peu après la création de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale
(COBAC) en 1990. Avant cette date, les différents pays de la sous-région disposaient chacun de son
corps de textes régissant l’activité bancaire. De 1960 à 1992, des lois, ordonnances et décrets, souvent
d’inspiration française, ont été publiés sur la question dans ces pays. Ces textes sont demeurés
sommaires et souvent divergents quant aux dispositions d’ordre prudentiel. Ainsi, à titre d’exemple, la
réglementation centrafricaine disposait que « les fonds propres des banques doivent assurer : a) la
couverture de leurs risques à concurrence de 5% des crédits mobilisables, 10% des crédits non
mobilisables ; b) la couverture de leurs immobilisations »18.

Au Congo, les fonds propres devaient représenter en permanence, respectivement pour les banques et
pour les établissements financiers, 5% et 10% de la moyenne des engagements de fin de mois du dernier
exercice clos. Des normes de division des risques étaient également prévues ainsi que la couverture
minimale des immobilisations par les fonds propres fixée à 100%19. Le Gabon possédait des dispositions
presque identiques à celles du Congo sur ces deux dernières normes. Les minima pour la couverture des
engagements par les fonds propres se rapprochaient davantage des dispositions centrafricaines. Ces
normes, bien qu’obligatoires, étaient d’une application difficile

16
Par « Afrique Centrale », il faut entendre les six pays de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique
Centrale (CEMAC) : Cameroun, République Centrafricaine, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale et Tchad.
17
Convention du 17 janvier 1992 portant harmonisation de la réglementation bancaire dans les Etats de l’Afrique
Centrale.
18
Article 3 de l’Ordonnance N°84/051 du 21 août 1984 portant obligation pour les banques inscrites en République
Centrafricaine de disposer d’un minimum de fonds propres.
19
Arrêté N°458/MINFIN/CE du 13 juin 1984.
Tableau 51 : Indicateurs de solidité financière du système bancaire congolais

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Fonds propre et levier financier
Fonds propres (Core tier 1) - - - - - - - 9,7% 11,8% 10,3% 13,7% 17,7%
Fonds propres / Actifs pondérés par les risques - - - - - - - 9,9% 12,7% 11,9% 16,0% 19,5%
Levier financier20 (fois) 33,12 23,95 22,47 17,37 21,11 24,36 29,66 39,61 34,12 32,14 36,59 33,12
Qualité des actifs
Prêts improductifs (CDLs) / Total prêts bruts 10,25% 9,20% 3,21% 7,08% 4,17% 4,13% 4,42% 3,81% 6,36% 4,84% 8,38% 10,25%
Provisions CDLs / Prêts improductifs 17,54% 30,93% 28,78% 31,03% 33,01% 36,49% 28,18% 30,32% 26,68% 27,21% 20,57% 17,54%
Provisions CDLs / Total des prêts bruts 1,80% 2,84% 0,92% 2,20% 1,38% 1,51% 1,25% 1,15% 1,70% 1,32% 1,72% 1,80%
Croissance du crédit 17,35% -15,40% 12,95% 13,36% 74,38% 28,15% 46,49% 43,49% 36,06% 41,90% 6,06% 17,35%
Prêts en devises / Total des prêts bruts 1,43% 3,86% 2,43% 1,54% 2,03% 2,29% 8,55% 12,39% 8,94% 23,32% 7,53% 1,43%
Rentabilité
Rendement moyen des crédits 10,98% 11,05% 10,98% 15,21% 9,30% 10,19% 8,55% 7,90% 6,49% 6,95% 7,43% 10,98%
Coût moyen des ressources clientèle 0,85% 0,95% 1,20% 0,70% 0,66% 0,61% 0,33% 0,30% 0,27% 0,61% 0,29% 0,85%
Marge nette d'intérêts 10,13% 10,10% 9,78% 14,51% 8,64% 9,58% 8,22% 7,60% 6,22% 6,34% 7,14% 10,13%
Coefficient net d'exploitation (FG/PNB) 71,52% 58,42% 47,67% 46,38% 49,95% 53,75% 49,88% 52,79% 52,10% 52,20% 53,70% 71,52%
Rendement des actifs moyens (ROA) 0,66% 1,85% 2,28% 2,90% 2,37% 1,93% 1,89% 1,49% 1,35% 1,68% 1,47% 0,66%
Rendement des fonds propres de base (ROE) 10,98% 35,14% 57,99% 69,61% 44,67% 32,07% 37,74% 36,68% 29,40% 28,32% 22,23% 10,98%
Liquidité
Prêts / Dépôts 56,65% 33,70% 27,41% 25,94% 33,75% 39,64% 40,57% 39,17% 43,52% 60,57% 55,99% 56,65%
Actifs liquides / Total des actifs
Actifs liquides / Passifs à court terme
Passifs en devise / Total des passifs
Dépôts en devises / Total des dépôts 0,00% 3,77% 1,21% 1,65% 2,07% 1,39% 1,16% 1,24% 1,22% 1,95% 1,72% 0,00%
Créances sur la BEAC / Passif à court terme
Dépôts non bancaires / Total des passifs
Liquidité - Liquidité 196,0 172,0 143,0 183,0 116,0
Ratio de Transformation 160,0 115,0 102,0 88,0 111,0
Source : Auteur à partir des rapports annuels COBAC

20
Nous avons approximé le résultat brut d’exploitation à l’EBITDA et le volume des dépôts à une dette exigible.
Le ratio de solvabilité doit être adéquat en termes absolus – quoique récemment en baisse sur fonds de
croissance relativement rapide du crédit – et les fonds propres semblent, pour leur plus grande part, de
haute qualité avec le renforcement des dispositions règlementaire portant le capital social minimum des
banques à 10 milliards de FCFA en zone COBAC. Le secteur bancaire congolais a semblé afficher tout
au long des deux décennies écoulées, une bonne rentabilité en raison d’écarts élevés entre les taux
débiteurs et créditeurs, du revenu substantiel tiré des commissions et des gains de réévaluation sur les
positions longues en devises, mais certaines banques, essentiellement en raison de problèmes de
gouvernance, ont pu à peine couvrir leurs coûts et ont parfois encouru des pertes sérieuses allant jusqu’à
compromettre leur pérennité21.

2.1.5.1.2. L’analyse de la solvabilité par le biais de l’assise financière appréciée


sur une base comptable
Il convient de rappeler ici que le ratio retenu par les dispositions du règlement COBAC R-93/02 relatif aux
fonds propres des établissements - de crédit n’inclut que deux (3) noyaux (Tier 1 et Tier 2) là où les
dispositions de l’accord Bâle 2 proposent trois (3) noyaux de fonds propres. La faible incidence des
opérations de marchés financiers propose un premier niveau d’explication de la solidité des fonds propres
qui restent à dominante comptable et non financière.

Graphique 20 : Evolution des fonds propres nets (base comptable)

Source : Auteur d’après les rapports annuels COBAC

21
La COBAC est intervenue dans les différents cas pour garantir la stabilité du système financier.
2.1.5.1.3. Le risque de crédit
Le règlement COBAC R-2010/01 relatif à la couverture des risques des établissements de crédit stipule,
en son article 1er que, « les établissements de crédit assujettis sont tenus dans les conditions prévues
au présent règlement, de respecter en permanence un ratio de couverture des risques, rapport entre le
montant de leurs fonds propres nets et celui de l’ensemble des risques de crédit qu’ils encourent du fait
de leurs opérations, au moins égal à 8% ». Cette réglementation, n’est qu’une transposition des règles
prudentielles issues de l’Accord de Bâle 2, notamment le Pilier 1.
Le ratio des prêts improductifs (PI), dont le niveau était relativement élevé, a connu une baisse avant de
repartir à la hausse et, bien qu’un grand nombre de ces créances douteuses soient héritées du passé, il
se peut que le degré de risque associé au portefeuille de prêts soit sous-estimé. Les banques congolaises
sont connues pour pouvoir rapidement reclasser leurs prêts restructurés en prêts productifs. En outre, il
est très difficile d’assurer le respect des droits des créanciers et de réaliser les sûretés. En conséquence,
le taux de perte en cas de défaillance est élevé, et même un taux de provisionnement d’environ 30,32%
en 2011 a été ramené à 17,54% en 2015. Ceci augure d’une détérioration prochaine de cette situation
au regard de la conjoncture structurelle du secteur à partir de 2016. Le niveau élevé du taux de croissance
du crédit ces dernières années a connu des pics à 46,49% en 2010, 43,49% en 2011 avant de revenir à
17,35% en 2015. Cette variation erratique souligne surtout dans le cas de certaines petites banques, qu’il
y a peut-être le signal d’un assouplissement exagéré des conditions de prêt pour garder l’orientation
positive des indicateurs globaux.
Deux indicateurs peuvent être retenus pour apprécier le risque de crédit du système bancaire congolais,
à savoir i) le taux de créances douteuses et ii) le taux global de couverture des créances douteuses par
les provisions.
 S’agissant du taux des créances douteuses : suivant l’article 9 du règlement COBAC-R2018/01,
les créances douteuses sont des créances de toutes natures, même assorties de garantie, qui
présentent un risque probable de non-recouvrement total ou partiel. Elles s’opposent aux
créances saines qui sont définies dans le même règlement en son article 4 comme : « les
créances dont le remboursement s’effectue conformément aux dispositions contractuelles et qui
sont détenues sur des contreparties dont la capacité à honorer l’intégralité de leurs engagements
actuels et futurs ne soulève aucun motif d’inquiétude (situation financière solide, actionnariat de
qualité, situation et perspectives satisfaisantes du secteur d’activité, etc.) ». Le taux de créances
douteuses est calculé comme étant le rapport entre les créances douteuses et le volume des
crédits bruts. Le graphique xx de la page ci-dessous présente une évolution de cet indicateur sur
la période 2004-2016 pour le Congo.
Il ressort de ce graphique que le taux des créances douteuses n’a jamais connu de tendance
stable entre 2004 et 2008. SI les années 2009 à 2011 marquent une phase en plateau, bien au
contraire les années 2012 et ultérieures montrent une dégradation franche et continue. Elle est
clairement fonction de la conjoncture globale de l’activité économique et démontre de l’aléa moral
résultant du choix des acteurs demandeurs de crédits en situation totale d’asymétrie
informationnelle.
Evolution des créances douteuses sur la période 2004-2015
 Le taux global de couverture des créances douteuses par les provisions souligne que la
règlementation bancaire exige la constitution de provisions en regard du risque encouru.
Taux de couverture des CDLS et prêts improductifs par les provisions (2004-2015)
Evolution de la qualité du portefeuille des crédits (2004-2015)
2.1.5.1.4. Liquidité et transformation sur le marché bancaire congolais
En matière de solvabilité, les onze (11) banques congolaises extériorisent un ratio de couverture des
risques pondérés par les fonds propres nets supérieur ou égal au minimum de 8%, depuis 2011 allant
jusqu’à compter 17,7% en 2015 :
▪ dans le cadre des normes de division des risques, en 2015, les 11 banques parviennent à
respecter la limite globale en maintenant en dessous de l'octuple des fonds propres nets la
somme des risques pondérés supérieurs à 15 % desdits fonds propres (comme un an
auparavant) et ;
▪ les 11 banques sont en conformité avec la limite individuelle, car n’entretenant pas de risques
pondérés encourus sur un même bénéficiaire excédant 45 % des fonds propres nets (contre 9
l’année 2013 à la même date) ;
Le coefficient de liquidité a été institué par la COBAC afin d'imposer aux établissements de crédit qui
reçoivent des dépôts à terme du public d'être en mesure de faire face à tout moment, à d'éventuels retraits
massifs des épargnants en période de crise grâce à leurs disponibilités, ou en réalisant tout ou partie des
actifs mobilisables, évitant ainsi tout effet domino. Ainsi, obligation est faite aux banques de disposer d’un
coefficient minimum de 100%, suggérant que leurs disponibilités à vue ou à moins d’un mois doivent
couvrir en totalité leur exigibilités de même terme. La liquidité globale des banques reste structurellement
abondante la plupart du temps mais inégalement répartie et garde un caractère saisonnier très marqué.
Au Congo, en 2015, le coefficient de liquidité qui est défini par le rapport entre les disponibilités et les
exigibilités à moins d'un mois d'une banque reste largement excédentaire à 196 (2011) même s’il n’est
plus que de 116 (2015), soit une chute de 80 points de base.
Le coefficient de transformation à long terme est un rapport minimum respecté par les banques entre
leurs ressources à plus de cinq ans (fonds propres, quasi-fonds propres, provisions, emprunts obligataires
à plus de cinq ans...) et les emplois d'une même durée (immobilisations, titres participatifs, crédits...). La
COBAC impose un minimum de 50%, ce qui signifie que les disponibilités à cinq ans d’échéance doivent
couvrir de moitié les engagements de même échéance. Dans cette dernière alternative, pour la
République du Congo, ce coefficient est resté largement au-dessus de la norme car de 160 (en 2011), il
est tombé à 88 (en 2014) avant de remonter à 111 (en 2015).
Tendances des coefficients de liquidité et de tranformation
2.1.5.2. Efficience et rendement des banques
L'explication de la présence des profits excessifs découle en premier lieu de la notion de l'efficience. En
effet les firmes efficientes vont être capables de gagner des parts de marché élevées et augmenter ainsi
la concentration. Le concept d'efficience par suite devient crucial. Dans le secteur bancaire, le concept
d’efficience vise à mesurer la capacité des banques à réduire les asymétries d’information entre
emprunteurs et prêteurs ainsi que leurs capacités à gérer les risques impliqués. Le système bancaire
congolais est-il rentable et efficient ? Les réponses sont plurielles en raison des dimensions multiples des
concepts invoqués.

2.1.5.2.1. L’analyse de l’efficience du système bancaire congolais


Dans le secteur bancaire, l’efficience peut désigner autant l’acquisition des ressources nécessaires à
l’activité bancaire à moindre coût que le financement de l’économie à des coûts moindres. C’est donc un
indicateur plus large que la simple efficacité car il y rajoute en plus la notion de coût. L’analyse de
l’efficience des banques s’est appuyée ces dernières années sur des outils empiriques et paramétriques
tels que DFA, SFA, TFA d’une part, et des outils empiriques non-paramétrique que sont les DEA, FDH,
Malmquist. Ils ont permis de calculer des scores d’efficience (Fouopi & Song, 2016 ; Bem, 2009). En
dehors de ces outils, l’efficience bancaire peut être approchée par le Z-score.

 Le Z Score :
C’est un indicateur de la probabilité de faillite d’une entreprise proposé dans les années 1960 par
R. Altman. Il est calculé à partir de 5 ratios selon la formule suivante :

𝑍−𝑠𝑐𝑜𝑟𝑒=1,2𝐴+1,4𝐵+3,3𝐶+0,6𝐷+1,0𝐸
Où :
A = besoin en fonds de roulement/Total actifs ;
B = Réserves/Total actifs ;
C = EBIT/Total actifs ;
D = capitalisation boursière/Total dettes ;
E = Chiffre d’affaire/Total actifs.

Un score élevé est révélateur d’une probabilité faible de faillite. Concrètement :


 si 0 < Z < 1,8 la banque présente un risque élevé de faillite ;
 si 1,8 < Z < 3,0 la banque est dans une zone crise dite zone de qualité médiocre ;
 si Z > 3,0 la banque a une bonne santé financière.

Le Graphique xx révèle que le système bancaire Congolais a une qualité médiocre de santé
financière avec une faible probabilité de faillite, mais qui est repartie à la baisse pour les années
2015 à 2018 en raison de la dégradation de la conjoncture.

Score de défaillance des banques congolaises (2007-2012)


Fouopi et Song (2016) ont recouru à l’approche paramétrique SFA pour calculer l’efficience allocative des
banques de la CEMAC. Il en ressort qu’en moyenne l’efficience allocative des banques congolaise s’est
accrue entre 2000 et 2010 (Tableau xx).

Efficience allocative des banques congolaises (2000-2010)

Années 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Moy.

Coef. 0,56 0,60 0,58 0,76 0,77 0,79 0,70 0,72 0,68 0,67 0,74 0,69

2.1.5.2.2. L’examen des rentabilités des banques congolaises


La littérature économique normative distingue trois dimensions potentielles de la rentabilité, notamment
la rentabilité commerciale qui implique pour une banque de dégager suffisamment de résultat
d’exploitation proportionnellement à son chiffre d’affaire ; la rentabilité économique qui suppose qu’une
entreprise réalise une production supérieure à la consommation intermédiaire nécessaire ou qu’elle crée
une valeur ajoutée qui se réparti entre masse salariale et charges sociales d’une part et profit brut d’autre
part ; la rentabilité financière définie comme la rémunération des capitaux investis.
Plusieurs instruments ont été utilisés pour mesurer la rentabilité des banques (Bourke, 1989 ; Molyneux
& Thornton, 1992 ; Nouy, 1992 ; Avouyi-Dovi & Boutillier, 1997 ; Tanimoune, 2001, 2003 ; Mansouri &
Afroukh, 2009). Lesdits instruments peuvent être regroupés suivant trois grandes approches, à savoir :
 l’approche basée sur les soldes intermédiaires de gestion (Produit Net Bancaire – PNB22, Produit
Global d’Exploitation – PGE, Résultat Brut d’Exploitation – RBE23, Résultat Net - RN24) ;
 l’approche basée sur les coûts ; et
 l’approche basée sur l’analyse des ratios d’exploitation (ratio de rentabilité des actifs – ROA25,
le ratio de rentabilité des fonds propres – ROE26 , la marge d’intérêt nette - NIM). C’est cette
dernière approche qui est utilisée ici

 La rentabilité économique du système bancaire congolais (ROA)


Au Congo, le ratio de rentabilité des actifs (𝑅𝑂𝐴=𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡 𝑛𝑒𝑡/𝑇𝑜𝑡𝑎𝑙 𝑏𝑖𝑙𝑎𝑛) est faible. Il demeure
inférieur à 5 % entre 2004 et 2014 (Graphique xx). Par ailleurs, la rentabilité économique du système
bancaire est marquée par une tendance baissière. Comparativement aux pays émergents et développés
comparables, la rentabilité bancaire au Congo épouse l’évolution mondiale.

Structure des rendements des actifs moyens (Résultat Net / Total des actifs)

Le Graphique xx montre qu’il existe deux régimes dans la relation rentabilité-croissance économique. En
effet, la courbe en U semble ajuster au mieux le nuage de points. En d’autres termes il existe deux
régimes de relations entre la croissance économique et la rentabilité bancaire. Précisément, tant que la
rentabilité économique est faible, tout accroissement induit une baisse de la croissance économique.
Cela s’explique par le fait que la quête de rentabilité peut détourner la banque des activités risquées mais
peu rentables ou rentables à long terme telles que le financement des investissements et des innovations.
Les banques vont privilégier les activités hors bilans qui améliorent la rentabilité. Par contre, lorsque la

22
Produits bancaires – Frais bancaires
23
(Produit net bancaire + produits accessoires) – (frais généraux + amortissements)
24
(RBE-Dotations nettes aux provisions) + Autres produits – Autres charges – Participations des salariés –
Impôts des sociétés
25
Indicateur de rentabilité économique
26
rentabilité est élevée, les banques vont privilégier les activités d’allocation et de transformation de
l’épargne. Ainsi, dans le premier régime, tout accroissement de la rentabilité, s’accompagne d’une faible
participation des banques à la dynamique de croissance. Par contre dans le second régime, tout
accroissement de la rentabilité va de pair avec une amélioration de la croissance économique.

 La rentabilité financière du système bancaire congolais (ROE)


La rentabilité financière (𝑅𝑂𝐸=𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡 𝑛𝑒𝑡 / 𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑝𝑟𝑜𝑝𝑟𝑒𝑠) du système bancaire congolais
s’est détériorée drastiquement entre 2007 et 2014 (figure xx). A partir de cette date on observe une forme
de stabilité de ce ratio (15% < ROE < 20%), suivie peu après, d’une tendance baissière. Cette relative
stabilité est remplacée entre 2006 et 207 par un pic d’instabilité. Malgré cette détérioration de plus de 50
points de base du pourcentage entre 2007 et 2014, la rentabilité financière du système bancaire congolais
est meilleure que la rentabilité économique. Cette observation corrobore les observations précédentes
sur la bonne santé prudentielle qui assure aux actionnaires un retour sur investissement conséquent ainsi
que sur le faible financement de l’économie. De la même manière que la rentabilité économique, la
rentabilité financière est relativement similaire d’un pays à l’autre (figure xx). Ladite rentabilité financière
est d’ailleurs plus élevée que la rentabilité économique dans l’ensemble des pays considérés.

Structure des fonds propres de base (ROE) 2003-2014

La figure xx révèle par ailleurs que la relation qui lie la croissance économique et la ROE est non linéaire
et en forme de U. Il y aurait donc un niveau de ROE minimal à partir duquel l’accroissement de la ROE
s’accompagne d’un accroissement de la croissance économique.

 La marge nette d’intérêt (NIM)


La marge nette d’intérêt est le revenu d’intérêts net exprimé en pourcentage de l’actif moyen. Elle diminue
tout au long de la période d’analyse (1998 – 2015). Cela reflète une faible prise de risque de la part du
secteur bancaire et surtout une faible exposition au risque de taux d’intérêt. Plus la NIM est élevée plus
la banque est efficiente. La figure xx montre que la NIM est faible dans l’ensemble des pays considérés.
Ces secteurs bancaires sont donc en majorité, peu efficients (NIMmonde<5%). Le Graphique xx indique
qu’un accroissement excessif de la marge nette d’intérêt s’accompagne d’une baisse de la croissance
économique. De ce fait, il existe un arbitrage entre la quête de l’efficience du système bancaire et l’amélioration
de la contribution de ce système au financement de l’économie. Si l’on s’appuie sur la figure xx, le taux optimal
serait compris entre 7% et 9%.

Structure de rendement de la MNI 2000 - 2015

Pour mieux étayer l’analyse de cette section et illustrer la faiblesse de la prise de risque, nous analysons
l’évolution du taux effectif global appliqué aux emprunteurs par les banques. Il y apparaît (tableau 3.8) que les
banques appliquent les taux d’intérêt les plus bas aux crédits octroyés aux grandes entreprises ainsi qu’aux
crédits octroyés aux administrations publiques. Les taux d’intérêt les plus élevés sont appliqués aux
particuliers (en moyenne 15% entre 2013 et 2016) puis viennent en deuxième position les PME (en moyenne
11% entre 2013 et 2016). La différence entre les taux les plus élevés et les taux les plus bas est de plus de
10 points de pourcentage, même si les taux les plus bas sont eux même relativement élevés. L’application de
taux d’intérêt aussi élevés élimine les bons emprunteurs ainsi que le démontre Akerlof (1970) avec l’image du
marché des voitures d’occasion. Ces taux d’intérêt élevés sont un signal qui révèle la perception des banques.
Plus précisément, les banques perçoivent un niveau élevé de risque chez les particuliers et chez les PME et
elles s’en prémunissent, en imposant à cette catégorie d’emprunteur des primes de risque très élevés,
lesquels sont constitutifs du rationnement dont ceux-ci sont l’objet. Or les PME représentent l’essentiel du
tissu entrepreneurial congolais. Il est donc aisé de percevoir que les banques participent très peu au
financement de l’économie congolaise. Des mesures permettant de réduire ces taux et surtout de modifier la
perception de risque qu’en ont les banques, pourraient améliorer la demande de crédits de la part des PME.
Pour cela, il est important de mettre en place des mécanismes de garantie des emprunts, de réduction de
l’aléa moral et d’internalisation des risques liés à l’emprunteur.

A l’issue de cette analyse du secteur bancaire congolais, l’on peut retenir que c’est un système hautement
concentré, solide, relativement liquide, faiblement inclusif et avec un régime concurrentiel de type
oligopolistique avec franges. C’est aussi un système bancaire peu développé, peu profond, relativement
efficient et dont la rentabilité économique reste à construire. La rentabilité financière est en baisse régulière
mais reste supérieure à la rentabilité économique. Malgré l’abondance de sa liquidité, le système bancaire
congolais ne finance que très peu l’économie congolaise. Par ailleurs, il est important de relever que le taux
de liquidité globale de l’économie congolaise reste faible comparativement au taux de liquidité moyen en
Afrique subsaharienne (hors pays à revenus élevés) et comparativement au taux de liquidité dans des pays
au potentiel similaire. La structure actionnariale des banques ne permet pas à l’État congolais de jouer le rôle
d’un « Etat développementiste » (Lee, 2017) capable d’orienter la liquidité bancaire vers les besoins du
développement économique. La plupart des banques exerçant au Congo sont des filiales des grands groupes
bancaires internationaux détenant l’essentiel des actifs bancaires.

La redynamisation du système bancaire congolais passe par un accroissement du taux de liquidité de


l’économie, une réduction de la frilosité des banques, la création de banques de développement, la
détermination des niveaux de concentration, de rentabilité et d’efficience optimaux et la mise en œuvre d’une
politique de développement financier, inscrivant les banques dans la problématique générale de financement
de l’économie, avec pour objectif d’en faire les acteurs majeurs de la réponse à apporter à cette question
majeure.

Vous aimerez peut-être aussi