Le Ish Man Ioses
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Le Ish Man Ioses
Leishmanioses
Actualités 2021
Professeur Pierre Aubry, Docteur Bernard-Alex Gaüzère. Mise à jour le 13/09/2021
1. Généralités
Les leishmanioses sont des parasitoses dues à des protozoaires du genre leishmania,
ayant en commun :
- l’épidémiologie : transmission par un diptère, le phlébotome,
- la physiopathologie : les leishmanies infectent les phagocytes mononucléaires
(macrophages) de l‘hôte,
- la thérapeutique : les mêmes médicaments sont actifs.
Les leishmanioses sont des maladies tropicales négligées, endémiques dans toutes les
Régions de l’OMS.
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Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
éclosion d'épidémies sont rapportées dans des pays où la co-infection leishmaniose - VIH
est rare.
Les leishmanioses sont des maladies émergentes chez les voyageurs.
2. Rappel épidémiologique
2.1. Les parasites : les leishmanies sont des protozoaires flagellés avec différentes
espèces de morphologie identique. Les leishmanies présentent au cours de leur cycle
évolutif deux grands stades successifs : le stade promastigote extracellulaire dans le tube
digestif du phlébotome et le stade amastigote intracellulaire chez l’hôte vertébré.
2.2. L’agent vecteur : le phlébotome ou mouche des sables est un petit diptère de 2 à 3
mm, capable de passer les mailles d’une moustiquaire. La femelle hématophage pique aussi
bien l'homme que les animaux. Elle a besoin de sang pour le développement de ses oeufs.
Les phlébotomes se mettent le jour à l'abri de la lumière et du vent et deviennent actifs la
nuit.
2.3. Le cycle
En 2020, sur les 200 pays et territoires ayant communiqué des données à l’OMS, 98 (49 %)
étaient considérés comme pays d’endémie des leishmanioses. Sur ces 200 pays, 89 (45 %)
étaient considérés comme pays d’endémie pour la leishmaniose cutanée (LC) et 79 (40 %)
pour la leishmaniose viscérale (LV).
En 2020, 208 357 nouveaux cas de LC et 12 838 nouveaux cas de LV ont été notifiés à
l’OMS.
Plus de 90 % des nouveaux cas de LC provenaient de la Région de la Méditerranée
orientale (73 %) et de la Région des Amériques (19 %). La Région de la Méditerranée
orientale et l’Algérie constituent un foyer éco-épidémiologique, car elles notifient à elles
seules 79% de tous les cas de LC (162 37 cas). Sept pays (Afghanistan, Algérie, Brésil,
Colombie, Irak, Pakistan, Syrie) ont chacun notifié > 6 000 cas de LC, soit > 80 % des cas
signalés dans le monde. .
En 2020, 34 % des cas de LV ont été notifiés par la Région africaine et 29 % par la Région
de la Méditerranée orientale. La Région des Amériques et la Région de l’Asie du Sud-Est ont
notifiés 16% et 18% des cas, respectivement, tandis que la Région européenne et la Région
de Pacifique occidental n’ont signalé que 2 % du nombre total des cas. Les 3 foyers éco-
épidémiologiques pour la LV sont l’Afrique de l’Est (Éthiopie, Érythrée, Kenya, Ouganda,
Somalie, Soudan et Soudan du Sud), avec 57 % du nombre total des cas dans le monde ; le
sous-continent indien (Bangladesh, Inde et Népal), avec 18 % ; et le Brésil avec 16 %. Six
pays (Brésil, Éthiopie, Érythrée, Kenya, Inde et Soudan) ont chacun notifié > 1 000 cas de
LV, soit 79 % des cas dans le monde. Avec l’Irak, le Népal, la Somalie, le Soudan du Sud, le
Tchad et le Yémen, ces 12 pays représentent 96 % des cas de LV dans le monde.
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En 2020, 880 cas importés de LC et 99 cas de LV ont été notifiés à l’OMS, la plupart dans la
Région africaine.
Au cours de la période 2014-2020, > 50 000 cas de LV ont été testés pour une co-infection
avec le VIH. 3 070 cas de co-infection LV-VIH ont été notifiés.
En 2020, la première feuille de route pour les maladies tropicales négligées (MTN) 2012-
2020 est arrivée à son terme. La nouvelle feuille de route de l’OMS pour les MTN 2021-2030
propose des cibles pour la LC relatives au nombre de cas diagnostiqués, notifiés et traités,
pour la LV relatives au taux de létalité, pour la LDPKA et pour l’élimination en Asie du Sud-
Est.
Les promastigotes inoculés dans la peau au moment de la piqûre infestante sont phagocytés
par les cellules hôtes (macrophages). À l’intérieur des cellules macrophagiques, les
amastigotes sont localisés dans une vacuole parasitophore dans laquelle ils échappent à la
digestion cellulaire et à la présentation antigénique ce qui leur permet de survivre et de se
multiplier à l’intérieur des macrophages. Après multiplication intracellulaire et éclatement de
la cellule hôte, les amastigotes infestent localement de nouvelles cellules phagocytaires et
éventuellement migrent vers d’autres tissus. L’expression clinique dépend à la fois du
tropisme des espèces de leishmanies en cause et du statut immunitaire de l’hôte, ainsi que
des modalités de la réponse immunitaire de ce dernier, en une interaction étroite qui explique
les différentes formes que peut prendre la maladie.
Les leishmanies peuvent être distinguées en espèces à tropisme pour les organes profonds
(L. donovani et L. infantum) et en espèces à tropisme cutané (toutes les autres). L’espèce L.
brazilensis présente en outre un tropisme pour les muqueuses de la face. On distingue ainsi
la leishmaniose viscérale (LV), les leishmanioses cutanées (LC) et la leishmaniose cutanéo-
muqueuse (LCM).
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Tableau I – Liste des principales espèces de leishmanies selon les formes cliniques
Formes Leishmaniose viscérale Leishmaniose cutanée Leishmaniose cutanéo-muqueuse
cliniques
Ancien monde Nouveau Monde Ancien monde Nouveau Monde Ancien monde Nouveau Monde
Classique L. donovani L. infantum L. major L. mexicana L. braziliensis
L. infantum L. tropica L. amazonensis
L. aethiopica L. braziliensis
L. guyanensis
L. peruviana
Avec immuno- L. donovani L. infantum Toutes espèces Toutes espèces
dépression L. infantum
(VIH)
Spécifiques L. donovani L. mexicana
(LCPK) (ulcère Chicleros)
L. aethiopica L. peruviana
(LCD*) (uta)
L. guyanensis
(pian bois)
3.2. Clinique
Le tableau clinique de la leishmaniose viscérale est complet et de diagnostic facile chez
l’enfant. Il faut penser à la LV chez un enfant de moins de 3 ans présentant fièvre et
splénomégalie.
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3.3.1. La LV de l’adulte
La présentation est moins évocatrice : la fièvre et la splénomégalie peuvent manquer ou bien
la splénomégalie peut être modérée. L’anémie est le signe le plus fréquent, bien que souvent
discrète.
3.4. Diagnostic
La LV pose des problèmes de diagnostic clinique différentiel. Chez l'enfant : paludisme
viscéral évolutif, tuberculose extra-pulmonaire, fièvre typhoïde, hémoglobinopathies... Chez
l'adulte immunodéprimé : syndromes myélo-prolifératifs, lymphomes, splénomégalie palustre
hyperactive…
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Elles sont caractérisées par des lésions d’aspect polymorphe et d’évolution lente, chronique,
indolore, classiquement sans signes généraux, sans lésion muqueuse ni viscérale.
4.1. Clinique
- incubation : longue de plus de 1 à 4 mois (de quelques jours à 1 an et plus),
- invasion : à l’endroit de la piqûre, papule indurée, indolore, non prurigineuse, arrondie ou
ovalaire, le plus souvent déjà croûteuse,
- période d'état : deux aspects cliniques sont décrits :
4.1.1. Leishmanioses cutanées localisées qui se manifestent le plus souvent par une
lésion ulcérée ou ulcéro-croûteuse, dite humide, parfois les lésions sont squameuses,
sèches.
Les LC de l'Ancien Monde sont le plus souvent causées par L. major, plus rarement par L.
tropica, mais aussi par les espèces couramment viscérotropes comme L. infantum.
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- la leishmaniose cutanée sporadique (LCS) due à L. infantum qui sévit dans le nord du
pays,
- la leishmaniose cutanée zoonotique (LCZ) à L. major qui sévit dans le centre et le sud.
C'est un problème de santé publique avec 3 000 à 4 000 cas par an,
- la leishmaniose cutanée chronique (LCC) due à L. tropica taxon killicki, cantonnée au sud-
est, identifiée au centre et au sud-ouest dans de foyers de LCZ.
L'identification précise des espèces parasitaires impliquées, en plus des données épidémio-
cliniques qu'elle procure, permet de préciser la distribution géographique des trois formes de
LC et d'orienter les conduites thérapeutiques. Le zymodème L. infantum MON-24 est le plus
fréquent dans la LCS ; le zymodème L. major MON25 est le plus fréquent dans la LCZ ; le
zymodème L. tropica MON-8 est le plus fréquent dans la LCC.
L. major (bouton d’Orient, clou de Biskra, bouton de Gafsa…) a pour réservoir de parasites
des rongeurs sauvages et évolue spontanément vers la guérison en 2 à 4 mois, alors que L.
tropica donne des formes uniquement anthroponotiques (réservoir humain) évoluant
lentement. Ces espèces infectent particulièrement les enfants.
La LC à L. major, de loin la plus fréquente, se caractérise par un grand polymorphisme
clinique, mais la forme classique ulcéro-croûteuse est prédominante. La forme dite « sèche »
est souvent rencontrée avec L. tropica.
Les LC du Nouveau Monde sont dues à des leishmanies à large distribution sud-
américaine (L. amazonensis, L. guyanensis L. braziiensis,), à des espèces plutôt localisées
en Amérique centrale (L. mexicana, L. panamensis) ou à d’autres à territoire géographique
restreint (L. peruviana, L. venezuelensis… )
La LC à L. guyanensis, de la forêt amazonienne, a comme réservoir de parasites des
paresseux, mais aussi des rongeurs et des marsupiaux. Elle réalise le Pian bois, avec
survenue secondaire d’autres lésions après l’apparition de la première lésion (15 à 30
jours) : maman pian et petits pians.
La LC à L. mexicana réalise l’ulcère des «gommiers» (Chicleros’ ulcer) dans les forêts
d’Amérique Centrale avec atteinte du pavillon des oreilles.
La LC à L. peruviana réalise une forme sèche (forme dite « uta »).
En Guyane française, les LC sont dues à L. guyanensis, à L. amazonensis et à L.
braziliensis (en émergence), d'où l'intérêt pour le traitement, de l'identification parasitaire.
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4.2. Diagnostic
4.2.1. La certitude est apportée par la parasitologie : mise en évidence du parasite par
microscopie (examen direct du frottis après coloration au MGG) et cultures sur milieux
spéciaux (NNN, Schneider) avec antibiotiques (cultures difficiles si lésions surinfectées). Il
faut pratiquer un prélèvement au niveau de la bordure inflammatoire de la lésion (grattage au
vaccinostyle, à la curette, biopsie).
4.2.2. La PCR est pratiquée en cas de négativité de l’examen direct. Il faut la réaliser
directement sur le suc dermique.
4.2.4. L'examen histopathologique par biopsie cutanée est parfois nécessaire en cas de
négativité de l'examen direct ou de doute diagnostique (examen anatomopathologique et
culture).
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Espundia (LCM)
L. braziliensis
L Pian bois
L. guyanensis
L. (Viannia) LC localisée, parfois
L. panamensis
muqueuse
L. (Leishmania) L. amazonensis LC diffuse
Il a été décrit une forme cutanéo-muqueuse due à L. guyanensis en Guyane française chez
un sujet infecté par le VIH.
Des LCM à L. major et à L. aethiopica ont été décrites en Afrique de l’Est, mais il s’agirait
davantage d’extensions de lésions cutanées aux muqueuses de la face que de métastases à
distance.
6.1. Médicaments
Miltéfosine : Impavido®
- capsules de 10 mg et de 50 mg par voie orale,
- effets secondaires : vomissements, diarrhée dans 25 % des cas,
- contre-indication : médicament tératogène, nécessitant un traitement contraceptif pendant 4
mois chez la femme en âge de procréer,
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- à associer, dans l'idéal, avec un autre médicament afin d'éviter le développement d'une
résistance.
Traitements « alternatifs »
- Paramomycine par voie locale,
- Antifongiques imidazolés par voie orale : kétoconazole, itraconazole, fluconazole,
- Moyens physiques : laser, cryothérapie, thermothérapie.
6.2. Indications
Des associations thérapeutiques ont été développées pour lutter contre l'apparition de
résistances : stibiogluconate de sodium - paramomycine en Afrique de l'est ; miltefosine -
amphotéricine B liposomiale, paramomycine - miltefosine en Asie du sud-est.
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En pratique :
- LC à L. major, L. peruviana : aucun traitement ou traitement local par paramomycine ou
fluconazole oral,
- LC à L. tropica, LC à L. infantum : dérivé pentavalent de l'antimoine intralésionnel +
cryothérapie superficielle,
- LC. à L. guyanensis : traitement par iséthionate de pentamidine IV plutôt que IM, 4
mg/kg/injection de pentamidine-base (7 mg de Pentacarinat®) à J1, J3 et J5. L’utilisation de
la pentamidine par voie IM est associée à 7 fois plus d’échecs thérapeutiques qu’avec la
pentamidine par voie IV. La voie IV doit donc être privilégiée.
En Bolivie, le traitement par miltéfosine par voie orale pendant 6 semaines a été efficace
dans 70 % des cas versus antimoniés seul [Pentostam® injectable] pendant 4 semaines,
efficacité : 75 %).
7. Prophylaxie
- lutte contre le réservoir animal : vaccin dans la leishmaniose canine avec de bons résultats,
mais de prix très élevé.
- Un vaccin a été développé par Virbac® pour les chiens de 6 mois ou plus : 3 injections à 3
semaines d’intervalles. La protection commence 4 semaines après la dernière injection.
Rappels par une injection annuelle.
- lutte contre la maladie chez l’homme : vaccin contre la leishmaniose humaine, premier
essai clinique en février 2012 (toujours pas de vaccin en 2019), lutte contre les phlébotomes
par répulsifs, moustiquaires imprégnées, port de vêtements recouvrant le maximum de
surface corporelle ou mieux tenues imprégnées, horaires adaptés si vie en forêt. Le respect
des règles de prophylaxie anti phlébotomes réduit considérablement les risques.
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Références
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