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HISTOIRE
DES PEUPLES
DE

L'AFRIQUE NOIRE
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DU MÊME AUTEUR

Histoire de l'Afrique des origines à nos jours, Payot, Paris, 1956.

Histoire du Togo (Collection « Mondes d'outre-mer »).


Berger-Levrault, 1959.

A PARAITRE :

Les Bassari du nord Togo.

EN PRÉPARATION :

Histoire du Dahomey.
Cités abandonnées. Monuments et ouvrages détruits de l'Afrique
noire.
A la découverte du continent noir.
(Histoire des explorations de l'antiquité à nos jours).
Le canton de Vermenton (Yonne).
Les Ana-Yorouba du moyen Togo.
Le peuple Akposso.
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MONDES D'OUTRE-MER
Collection publiée sous la direction de M. Hubert DESCHAMPS

Série : H I S T O I R E

Robert CORNEVIN
Administrateur en chef de la France d'outre-mer
Docteur ès-Lettres

HISTOIRE
DES PEUPLES
DE

L'AFRIQUE N O I R E

Avec 16 cartes et 47 photographies

ÉDITIONS B E R G E R - L E V R A U L T
5, rue Auguste-Comte, PARIS (VIe)
1960
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(0 by Éditions Berger-Levrault, Paris, 1960


Tous droits de traduction, reproduction e t adaptation réservés pour tous pays.
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AVANT-PROPOS

Le titre de cet ouvrage paraitra bien prétentieux et il eût


sans doute été plus exact de l'énoncer comme une « contribu-
tion à l'histoire des peuples de l'Afrique noire »,
Le chapitre que nous avions consacré à l'Afrique pré-europé-
enne dans un précédent volume avait déjà attiré notre attention
sur l'absence d'ouvrages de synthèse concernant ce sujet. Si
le livre du professeur Westermann, Geschichte Afrikas :
Staatenbildungen südlich der Sahara donne l'essentiel sur les
grands royaumes, il manquait une définition des provinces
historiques et en quelque sorte une « histoire sincère des
peuples africains » que permet, peut-être plus facilement
qu'en Europe, l'absence de sources écrites.
Nous avons essayé de combler cette lacune au cours d'un
travail qui nous a demandé trente mois de recherches en
bibliothèque et de correspondance aux quatre coins de
l'Europe et de l'Afrique, ces travaux étant menés pendant
les trop rares heures de liberté que nous laissaient nos tâches
professionnelles.
C'est pourquoi nous voulons exprimer notre gratitude à
tous ceux qui nous ont aidé de leurs conseils et de leur amitié.
En premier lieu M. Leroi-Gourhan dont les avis nous ont
été si précieux et qui a bien voulu accepter d'être le rapporteur
de ce volumineux travail.
Le gouverneur Hubert Deschamps, directeur des sciences
humaines à l'Office de la recherche scientifique et technique
d'outre-mer, nous a aidé à plusieurs reprises de toute son expé-
rience africaine et de son immense érudition sur les sujets
les plus divers.
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Les chercheurs de l'Institut français d'Afrique noire de


Dakar, du Dahomey et de la Côte-d'Ivoire nous ont apporté
une notable partie de la documentation concernant l'ouest
africain. Nous tenons à remercier particulièrement M. Raymond
Mauny, chef de la section archéologie-préhistoire, qui a
répondu avec une bonne volonté de tous les instants aux
diverses questions posées.
Henri Lhote, qui eut le rare privilège de pouvoir confirmer
une hypothèse lumineuse sur les migrations des Peuls à
travers le Sahara pré-désertique, nous a prêté sa thèse,
encore couverte du sable de sa récente mission au Tassili.
Il a bien voulu nous exposer l'importance des liens entre
l'Égypte ancienne, certaines peintures rupestres et les Peuls
actuels.
M. Jean-Paul Lebeuf, secrétaire du Bureau interafricain des
Sciences humaines (Commission de coopération technique
au sud du Sahara) nous a communiqué les comptes rendus
des congrès d'histoire et d'archéologie de Londres (1957).
M. Roland Oliver, de l'Université de Cambridge, nous a
fourni d'importantes précisions sur les ouvrages de terre de
l'Ouganda.
M. Oswin Kôhler, disciple de Diedrich Westermann et
professeur à l'Université de Cologne, nous a donné de pré-
cieuses indications sur les Bochimans, les Hottentots, les
Nilotes, les peuples de la Volta et les langues africaines en
général. M. Jensen, directeur du Frobenius Institut de
Francfort, a bien voulu nous préciser certains points relatifs
au royaume de Kaffa et à l'Éthiopie. Le point de vue du
R. P. Vorbichler, disciple du R. P. Schebesta, sur les pygmées
nous a d'autre part été précieux.
M. le professeur Vansina de l'Université Lovania de Léopold-
ville nous a indiqué comment il envisageait la province histo-
rique du Congo et son peuplement.
Enfin nous ne pouvons terminer cet ouvrage sans remercier
les archivistes et bibliothécaires du Musée de l'Homme,
de la société des Missions évangéliques de Paris, de l'Ecole
nationale de la France d'outre-mer et du ministère de la
France d'outre-mer, qui durant ces années de recherches,
ont toujours fait mieux que de nous faciliter la tâche.
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INTRODUCTION

S'il est un cliché de journaliste qui a fait long feu, c'est bien
celui de jeunes écoliers d'Afrique française récitant la leçon
d'histoire sur les ancêtres gaulois, « hommes blonds aux yeux
bleus qui ri avaient peur que d'une chose, c'est que le ciel leur
tombât sur la tête... »
Cette histoire fut sans doute exacte... il y a de nombreuses
décades. Elle est aujourd'hui d'autant plus injuste que notre
pays est le premier en Afrique à avoir introduit dans ses pro-
grammes scolaires l'histoire du Ghana, du Mali et des royaumes
africains antérieurs à la colonisation.
Il n'en est pas moins vrai que cette histoire africaine est le
parent pauvre des études menées outre-mer et que très peu
d'ouvrages lui ont été consacrés. C'est probablement le gouverneur
Labouret qui, le premier voici vingt ans, dans les cours dispensés à
l'école qui avait déjà cessé de se dire coloniale, avait attiré notre
attention sur ces problèmes. Au cours des quelque cinq séjours
que j'ai eu l'occasion d'effectuer en Afrique, j'ai pu approfondir
ces questions et recueillir personnellement les traditions de
nombreux groupes ethniques du pays. Ce travail d'information
était particulièrement facile à réaliser au cours des tournées.
En effet, dans les villages, les problèmes étaient souvent limités
et quand on avait écouté les doléances des notables sur la mauvaise
récolte, le bas prix du coton ou du café et la nécessité d'ouvrir
une école, un dispensaire, de tracer une route ou de construire
un pont, l'ordre du jour était épuisé. Il eût été alors d'une
maladresse insigne de quitter une collectivité africaine après une
palabre d'une demi-heure. Ces chefs et ces notables s'étaient
parfois déplacés depuis des hameaux distants de plusieurs
dizaines de kilomètres et m'avaient attendu; il fallait donc que ce
dérangement valût la peine. Je n'ai rien trouvé de mieux pour
prolonger le débat qu'une fiche à remplir sur laquelle, à côté de
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la toponymie des limites, des cours d'eau proches, des cultures,'


je notais soigneusement le détail des migrations, les conflits
antérieurs, la succession des chefs, les coutumes, les religions.
Passionné d'histoire locale, c'est en fait tous les groupes
ethniques du Togo que j'étudiais au cours de mes séjours
successifs à Atakpamé, Bassari, Dapango et, partant, l'histoire
de l'Ouest africain tout entier, qui m'entraînait sur une pente-
insensible à envisager dans son ensemble l'Afrique au sud du
Sahara, le pays des noirs.
Le titre « Histoire des peuples de l'A irique noire » a été fina-
lement retenu de préférence à « contribution à l'Histoire de
l'Afrique noire » qui aurait évoqué une unité politique
sans existence réelle. L'histoire des noirs d'Afrique dont
le titre a d'ailleurs déjà servi pour l'excellent ouvrage du
gouverneur Henri Labouret (1), aurait exclu un certain nombre-
d'éléments non nègres (Pygmées, Bochimans, Hottentots) et des
rameaux relativement nombreux de populations métisses formés
ou encadrés par des éléments d'origine sémite (éthiopiens ou
arabes). Or, l'Éthiopie et la Nubie ont une importance telle
dans le peuplement de VAfrique de l'est qu'il ne me paraissait
pas possible de les tenir à l'écart.
Nous avons d'autre part adopté le mot peuple de préférence
à celui de tribu qu utilisent souvent les auteurs britanniques ou
à celui de peuplade employé par nos amis belges.
La peuplade, selon la définition de Maes et Boone (2) est
« un groupement autonome, portant un nom générique qu'il se
donne à lui-même ou qui lui est donné par ses voisins possédant
sa langue propre qui, quelquefois, peut n'être qu'un dialecté, et
présentant de ce fait une certaine communauté de coutumes,
de traditions ». La tribu est une agglomération plus ou moins
nombreuse de peuplades ou de familles sous l'autorité d'un même
chef, vivant dans la même contrée et tirant primitivement leur
origine d'une même souche.
Ces deux appellations s'appliquent évidemment aux petits
groupes humains et l'Afrique est sans doute le pays où l'échan- _
tillonnage le plus complet existe depuis la famille étendue de
quelques dizaines d'êtres humains vivant isolés sur une montagne
ou au creux d'une forêt, jusqu'à des ensembles de plusieurs
millions d'êtres.
Les deux définitions classiques du peuple s'appliquent assez
heureusement à l'Afrique. La première : « multitude d'hommes

(1) Histoire des noirs d'Afrique, Paris, 1946.


(2) MAES et BOONE, Les peuplades du Congo belge, p. 111.
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habitant le même pays et vivant sous les mêmes lois », constitue


le cas le plus général. La deuxième : « multitude d'hommes
qui n'habitent pas le même pays, mais qu'unissent leur origine,
leur religion ou un lien quelconque », convient admirablement
aux Peuls, et à certains groupes de Nilotes et de Ngoni.
Mais le sens du mot peuple a mûri. Il contient en lui le
concept de groupe ethnique homogène soumis à une autorité
politique commune, en somme de nation élémentaire. C'est
pourquoi nous l'avons préféré à tout autre comme définissant
au mieux ces ensembles humains de structures diverses souvent
autocratiques, disposant fréquemment d'un chef d'essence divine
et d'une organisa,tion.sociale relativement homogène.

LIMITES DU SUJET

Les limites de l'Afrique noire sont difficiles à définir et l'on est


tenté de prendre tout bonnement le désert comme limite nord. Il
n'est d'ailleurs pas besoin d'une limite géographique aussi
précise, puisque les peuples dont nous esquissons l'histoire ont
occupé dans le passé une aire sans rapport avec leur actuel
habitat.
Les critères de définition de l'Afrique noire sont difficiles à
établir : ce n'est pas en effet la couleur de la peau, puisque notre
propos concerne des races dont la peau n'est pas spécifiquement
noire; le critère linguistique ne peut être utilisé depuis que
Mlle Homburger a montré la parenté des langues négro-africaines
avec les langues indiennes. Par ailleurs il existe des populations
typiquement noires qui parlent des dialectes dérivés de l'arabe
et du berbère; d'autres critères (anatomiques, physiologiques)
sont utilisables, mais ne permettent pas de tirer des conclusions
formelles.
Nous définirons l'Afrique noire comme une partie de l'Afrique
généralement située au sud du Sahara, habitée par des nègres et
divers groupes humains de type physique différent (Pygmées,
Bochimans, Hottentots, Sémites) présentant avec les noirs des
traits de civilisation communs, soit qu'ils vivent à leur contact
immédiat, soit que ces populations les entourent, créant des
- conditions de symbiose économique, préliminaires à une péné-
tration sociale plus profonde.
Nous essaierons toutefois d'esquisser les contours de cette entité.
Sa limite septentrionale passe immédiatement au nord du Sénégal
et de la haute boucle du Niger; elle suit en gros le 18e parallèle,
remonte un peu vers le nord pour englober les Teda des oasis
du Kaouar et du Tibesti qui vivent en plein Sahara de
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nomadisme Targui; cette limite nord se rabat vers F est après


avoir englobé les Bondouma et Kanembou des bords du Tchad.
Entre Tchad et Nil, nous, trouvons les Bedayat ou Aoua dans
l'Ennedi et au Darfour, puis les Boulala et Kengha dans les
régions de Yao et Ati, enfin les Moortcha, Kreda et M ara du
Ouadaï. En ce qui concerne le Soudan nilotique, nous suivrons
Mac Michaël dans son classement des Nubiens parmi les peuples
de FAfrique noire, du fait qu ils sont déterminés comme non arabes
en raison du métissage des premiers nubiens (apparentés aux
Libyens) avec des éléments noirs venus du sud.
Pour ce qui est des Éthiopiens et Somali, ils sont considérés
par les anthropologues comme appartenant à une race parti-
culière dite « éthiopienne », caractérisée par des traits europoïdes
et une couleur de peau plus ou moins foncée variant du brun
clair au noir. De ce fait, ils sont classés, suivant les auteurs,
dans l'Afrique blanche ou dans l'Afrique noire. Étant donné
l'importance des liens historiques et culturels des Éthiopiens avec
VAfrique noire, nous avons jugé préférable de les inclure dans
notre étude.
Celle-ci d'ailleurs n'aura pas de limites géographiques
strictes : on ne peut expliquer VAfrique soudanaise sans le
Sahara verdoyant d'il y a trois millénaires, ses pistes de chars et
ses étonnantes peintures rupestres, et il est, par ailleurs, difficile
d'envisager rationnellement le développement des invasions,
massives et brutales ou des infiltrations lentes et progressives
sans mentionner, ne serait-ce que rapidement, les pays d'origine
et les zones traversées antérieurement.
De même, bien que l'étude du peuplement européen ne figure
pas à notre programme, nous serons parfois obligés, pour achever
l'histoire de la période indigène, de décrire le cheminement des
colonnes militaires venues d'Europe pour réduire les derniers
soubresauts guerriers des royaumes noirs et de faire rapidement
le récit de ces campagnes. Par contre, l'histoire des éléments
indiens, pakistanais, syriens, libanais accompagnant un
circuit commercial de traite, ne sera pas abordée.

VALEUR ET POSITION DE LA PROTOHISTOIRE AFRICAINE

Le schéma général du peuplement de l'Afrique noire que nous


tentons de présenter évitera les habituelles discussions sur les
limites de la préhistoire et de la protohistoire. L'ensemble de nos
connaissances est tellement mince au sud du Sahara que nous
sommes bien souvent à peine mieux lotis en histoire qu'en proto-
histoire.
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La protohistoire est souvent définie comme « la période


immédiatement antérieure aux textes et vaguement éclairée
par ceux-ci », définition parfaitement adaptée aux nations de
l'Europe méditerranéenne, mais qu'il est bien difficile d'appliquer
à celles de l'Afrique au sud du Sahara.
L'apparition de l'agriculture peut difficilement servir de
limite, puisque certains groupements pygmées et bochimans
pratiquent encore la chasse et la cueillette. D'autre part, la
métallurgie présente en Afrique des caractéristiques' tellement
spéciales qu'il n'est pas possible d'en faire une frontière entre
pré et protohistoire.
Nous ne pouvons que reprendre en ce domaine la définition
de synthèse historique que nous donne le professeur Leroi-
Gourhan :

La synthèse historique est comparable à un tissu dont les fils de


chaîne seraient les lignes d'évolution culturelle liées entre elles par la
trame des événements et des dates... Lorsque au dela des temps historiques
la trame vient à manquer, les lignes d'évolution culturelle restent comme
des fils parallèles tendus sur le métier et l'on voit assez nettement
chaque région passer de la cueillette des végétaux sauvages à l'agri-
culture, du silex à la métallurgie, mais les synchronismes n'apparais-
sent plus par les moyens ordinaires (1).
Cette définition s'adapte admirablement à l'Afrique. L'image
est d'autant plus vraie que la plupart des tisserands africains
tissent d'étroites bandes de coton qu'ils cousent ensuite ensemble.
Ces bandes juxtaposées donnent bien l'image de cette Afrique dont
l'évolution multiforme est souvent déphasée et asynchrone
suivant les ethnies et les régions.
En un temps où le continent africain posait encore quelques
problèmes aux géographes quant à la position des fleuves, des
montagnes et des lacs, les grands historiens qui ne craignaient
pas d'aborder l'histoire du monde, comme l'Allemand Léopold
von Ranke, simplifiaient à l'extrême les notions concernant ces
peuples encore presque inconnus. Ranke parle des peuples des
éternels temps primitifs, mais c'est une échappatoire commode
pour un historien classique d'il y a quelques décades. Sans doute
certaines des tribus africaines sont-elles restées figées durant des
siècles en une forme de civilisation assez peu élaborée.
Il est exact que la vie quotidienne du Soudan nigérien décrite
par René Caillé au siècle dernier est la même que celle dont
nous trouvons l'image sous la plume d'El Bekri ou de Léon

(1) Histoire universelle, p. 4.


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l'Africain. C'est au X I X e et au XXe siècles que le virage est


pris et le coup d'accélérateur donné à l'évolution humaine des
collectivités d'Afrique noire.
L'histoire des populations africaines « avant les Européens »
n'est pas simple à reconstituer. Nous sommes loin des subtils
travaux des chartistes qui peuvent, après de longues heures
de patience sur manuscrit d'époque, reconstituer avec préci-
sion tel événement de notre moyen âge. Heureux ces historiens
patentés qui ont à leur disposition une telle masse de faits,
de précisions, de dates, qu'ils n'ont que l'embarras du choix et les
difficultés de l'exégèse!
Cette abondance de documents toutefois est bien souvent
illusoire car il manque cette diversité harmonieuse des sources
qui permet les recoupements et grâce à la variété des éclairages
aboutit à une image plus proche de la vérité. En effet, comme
l'a si bien dit Charles Seignobos (1) évoquant le travail des
historiens du siècle dernier, « les documents dont ils se servaient
provenaient tous des classes privilégiées, hommes d'église,
hommes de loi, hommes de guerre qui s'intéressaient peu à la
masse inférieure de la population et connaissaient mal ou com-
prenaient mal les conditions de sa vie ».
Des manuscrits concernant l'Europe médiévale émanent
presque tous de personnalités du même monde, instruites
suivant des principes identiques et ayant sur la vie du pays des
vues analogues. P a r ailleurs ces documents concernent les
mêmes catégories de gens, essentiellement les grands person-
nages du royaume. Comme le dit Lucien Romier (2), « l'histoire
est surtout le portrait des classes dirigeantes qui ont occupé
l'attention des témoins, inspiré les documents, fait enregistrer
leurs actes, laissé derrière elles des œuvres, des institutions, des
monuments et un renom quelconque ».
Ainsi l'histoire des pays d'Europe a longtemps été faite à
partir de récits d'aristocrates, traitant de façon distinguée
d'événements concernant d'autres aristocrates. Le procès de cette
formule historique magistralement instruit par Seignobos et
Romier a récemment abouti à une modification radicale des
conceptions historiques et leurs théories encore révolutionnaires
il y a un quart de siècle sont maintenant partout admises sans
discussion.
En ce qui concerne l'histoire africaine, nous trouverons pour
certains des rares écrits les mêmes défauts, peut-être même

(1) SEIGNOBOS, Histoire sincère de la nation française, p. 8.


(2) ROMIER, L'ancienne France des origines à la Révolution, p. 9-10.
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a g g r a v é s d a n s les d o c u m e n t s a r a b e s p a r u n e o r i e n t a t i o n r e l i -
g i e u s e p l u s sévère.
P a r contre, l o r s q u ' i l n ' y a r i e n , et c'est le c a s le p l u s f r é q u e n t ,
nous sommes en bien meilleure posture p o u r envisager « l'histoire
s i n c è r e » de l a t r i b u , d u f a i t q u ' i l est i n d i s p e n s a b l e , f a u t e d ' a u t r e
é l é m e n t s , de m e t t r e e n œ u v r e les d i v e r s e s m é t h o d e s de l ' e n q u ê t e
e t h n o l o g i q u e . Cette r é f é r e n c e a u contexte é c o n o m i q u e , s o c i a l et
c u l t u r e l n o u s met d ' e m b l é e p o u r a b o r d e r l ' h i s t o i r e de tel p e u p l e
a f r i c a i n e n b i e n m e i l l e u r e p o s t u r e q u e n e l ' é t a i e n t , voici u n
siècle, n o s a î n é s p o u r é t u d i e r l a c o n d i t i o n p a y s a n n e de telle
p r o v i n c e de F r a n c e a u m o y e n âge.
U n mouvement s'est manifesté d e p u i s quelques décades qui
t e n d à n é g l i g e r les d a t e s et les d y n a s t i e s p o u r n e p l u s r e t e n i r
q u e le d e s s i n g é n é r a l de l ' h i s t o i r e (1). C i t e r o n s - n o u s à ce p r o p o s
d a n s l ' a d m i r a b l e préface que L é o n a r d consacre à l'histoire
u n i v e r s e l l e , ces l i g n e s de G r o u s s e t r é p o n d a n t avec s o n i n c o m -
p a r a b l e h u m o u r à l ' u n de ses c o l l a b o r a t e u r s , i n q u i e t d ' u n e
d i r e c t i v e hostile a u x d a t e s ?

J e conçois que la mention des a n n é e s de règne alourdisse la beauté


t y p o g r a p h i q u e des noms de souverain. U n chapitre d ' h i st o i r e
byzantine où ne serait mentionnée a u c u n e a n n é e de règne s'élèverait
à u n e sorte de t r a n s c e n d a n c e métaphysique à laquelle je ne serais p a s
insensible. Une fois d a n s cette voie, on p o u r r a i t faire m i e u x encore :
s u p p r i m e r a u s s i comme a l o u r d i s s a n t e s les i n d i c a t i o n s topo gra-
phiques, mentions de villes, de provinces, de continents, etc. C'est
alors que l'histoire enfin dégagée d u poids mort des vaines contin-
gences a c q u e r r a i t u n e fluidité v r a i m e n t aérienne, conforme, n ' e n
doutons p a s , a u p o i n t de vue de S i r i u s (2).

H é l a s , n o t r e h i s t o i r e a f r i c a i n e g a r d e r a s u r b i e n des d a t e s et
b i e n des r o i s u n s i l e n c e p r u d e n t q u i n e s e r a e n a u c u n e f a ç o n
é l é g a n c e d ' a u t e u r . N o u s s o m m e s ici r a r e m e n t g ê n é s p a r les
d é t a i l s c h r o n o l o g i q u e s o u t o p o n y m i q u e s et q u a n d , d ' a v e n t u r e ,
n o u s t o m b o n s s u r u n de ces d é t a i l s , a l o r s n o u s l ' e x a m i n o n s s o u s
toutes ses f a c e s et le l i v r o n s à l ' i m p a t i e n c e des c h e r c h e u r s ,
h e u r e u x d ' a v o i r u n e base s u r laquelle s ' a p p u y e r , discuter,
c o n j e c t u r e r . P o u r l ' h i s t o i r e a f r i c a i n e , il ne s ' a g i t p a s de recoller
u n p u z z l e , m a i s b i e n s o u v e n t p r e s q u e de le f a b r i q u e r . T o u t se
p a s s e c o m m e s i l ' o n d e m a n d a i t à u n m a ç o n de r e c o n s t i t u e r u n e
m a i s o n d o n t il n e reste à t e r r e q u e q u e l q u e s g r a v a t s , des m o r c e a u x
de tuile, u n f r a g m e n t de c h e m i n é e , u n g o n d r o u i l l é . P r o b l è m e

(1) Wellgeschichte, I, I p. 6-7.


(2) Histoire universelle, tome I, p. 20.
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insoluble dira-t-on? non, mais problème difficile et passionnant


dont la solution jamais définitive constitue bien plus un faisceau
de présomptions qu'une certitude.
Ce faisceau de présomptions mis prudemment au conditionnel
repose sur des procédés divers d'investigations mettant en oeuvre
les techniques variées de l'archéologie, les documents arabes,
la tradition orale, les relations des voyageurs. Ces procédés
peuvent être recoupés grâce aux méthodes de l'ethnologie et de
la linguistique.
Quelque imparfaites qu'elles soient, ces difficiles reconsti-
tutions forment bien souvent un ensemble tout aussi valable,
croyons-nous, que de larges tranches de l'histoire d'Égypte
déchiffrées sur des pierres, qui sont fréquemment martelées sur
ordre de pharaons soucieux de ne montrer aux générations
futures qu'une version — la leur — des événements passés.
L'affabulation africaine est-elle d'ailleurs plus tendancieuse
que les chroniques de Charlemagne, des « rois fainéants » ou
les notes d'ethnologie gauloise que certains conquérants romains
consacraient à des barbares qui sont après tout nos ancêtres?
La protohistoire africaine échappe aux historiens profession-
nels. Seuls quelques archivistes des gouvernements coloniaux
l'ont abordée avec talent : tel Stow au Cap ou André Villard au
Sénégal, mais c'est l'honneur des administrateurs coloniaux,
des officiers, des missionnaires et de certains ethnologues que
d'avoir, par des monographies locales, permis des études plus
vastes, lesquelles ont abouti aux claires synthèses des Labouret,
Tauxier et Westermann.
L'histoire des peuples africains domaine de l'ethnologie,
n'est presque jamais une fin en soi, mais bien plutôt l'intro-
duction à une étude sociologique ou linguistique. L'auteur de
l'étude se borne en général à enregistrer les déclarations des
Africains interrogés. Certaines tribus sont décrites de bonne
heure pour des raisons de proximité ou tout simplement parce
qu'un Européen s'y intéresse. Nombreux en effet sont les officiers,
missionnaires, médecins, administrateurs qui, étant en contact
suivi avec une population africaine, connaissent leur langue et
s'intéressent à leur histoire.
Ces travaux, humbles écrits des postes de brousse, demeurent
bien souvent inconnus et inédits; c'est en fait à un très petit
nombre de chercheurs passionnés que l'on doit ce que nous
savons actuellement sur l'histoire de l'Afrique.
La multitude des groupes ethniques qui habitent cet immense
territoire est maintenant à peu près répertoriée; les facilités
toujours plus grandes des communications, l'accroissement des
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moyens mis à la disposition des spécialistes des sciences


humaines, le nombre croissant d'Africains s'intéressant à leur -
histoire et l'abondance des publications concernant VAfrique
noire font que nous disposons maintenant d'une masse consi-
dérable de renseignements sur ce pays.

TOPONYMES ET ETHNONYMES

Une des difficultés rencontrées dans la confrontation des


documents est la diversité des graphies employées pour les noms
de lieu et de tribus. La notation du voyageur varie avec sa
langue nationale.
Ainsi le terme qui désigne les évhé du Sud Togo est transcrit
ewe par les missionnaires protestants de la mission de Brême.
Les Anglais lisant ce nom le prononcent ehoué, or ce dernier
, terme, correspond à un groupement tout à fait différent : la
catégorie serve de la population Adja de Parahoué (Dahomey).
Comme toponyme et pour rester dans cette région, la ville de
Nouatché, célèbre dans l'histoire évhé est appelée Nuatja par
les Français qui, lisant Nuatja orthographié à l'allemande
sur les bâtiments de la gare en 1914 n'ont pas prononcé le
tréma.
Pour plus de sûreté, dans la mesure du possible, nous avons
suivi les conseils du professeur Théodore Monod (1). Ces
principes nous serviront aussi pour la transcription des ethno-
nymes. Mais, indépendamment de la graphie, il existe fréquem-
ment une difficulté quant au choix du terme, la tribu étant
désignée chez certains auteurs d'une certaine façon et différem-
ment chez d'autres. Les erreurs proviennent souvent des premiers
explorateurs et des premiers interprètes qui ont transcrit un peu
au hasard un terme entendu d'une oreille parfois distraite.
Souvent aussi des différences sensibles d'appellation existent
d'un groupe à l'autre, ainsi les Konkomba, qui habitent au
Togo, de part et d'autre de l'Oti, s'appellent eux-mêmes Bi-
Kpankpambé, leurs voisins méridionaux les Bassari les
appellent Bi Moatib. Dans d'autres circonstances l'appellation
retenue est celle souvent ironique ou malveillante donnée par des
interprètes appartenant à des tribus situées en aval dans la
progression des explorateurs européens.
Certains auteurs voudraient, tout au moins en ce qui concerne

(1) Notes africaines, nO 77, p. 26.


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les ethnonymes, remplacer ces termes parfois inadaptés par celui


dont se sert la tribu pour se désigner elle-même. Ainsi notre
camarade Froelich remplace Bassari par Bi-Tchambé (les
forgerons) qui est le terme par lequel les Bassari, vivant à
une soixantaine de kilomètres au nord-ouest de Sokodé (Togo)
se désignent entre eux. Or Bi-Tchambé est un nom « profes-
sionnel » qui se trouve être aussi un nom de clan et de canton
alors que Bassari, nom de village, vient de la montagne siège
du Dieu Bassar qui a donné son nom à la ville. P a r ailleurs les
divers auteurs allemands (von Doering, Klosé, Kersting,
Frobenius) ayant employé le terme de Bassari, il est en quelque
sorte officialisé, et je crois souhaitable d'en rester à cette appel-
lation.
Partout où l'appellation classique comportera le préfixe
pluriel Wa ou Ba, nous le séparerons du radical par un trait
(ex : Ba-Souto, Wa-Kilindi, Ba-Kongo, Ba-Miléké) par contre
nous ne modifierons pas d'autres ethnonymes tels Akposso,
Akébou, devenus dans certains ouvrages scientifiques Kposso et
Kebou, alors que Akposso vient du terme évhé Akpo Esso
(égaux au-Y panthères) et Akébou de Eké (nom d'un chef de
migration), bou (perdu). A n'étant pas préfixe, sa suppression
est une erreur.

DIVISIONS DU LIVRE

Nous avons divisé ce travail en trois grandes parties : la


première a pour titre Données, principes, méthodes et aspects
divers de l'histoire africaine. Au cours de ces généralités sont
étudiées successivement les sources, la préhistoire, les hypothèses
relatives au peuplement primitif, les migrations, les civilisations,
enfin les influences étrangères. Les deux autres parties (Afrique
de l'ouest d'une part, Afrique de l'est, du centre et du
sud d'autre part) envisagent l'histoire africaine région par
région.
Cette division pose deux problèmes : celui des grandes limites
historiques, celui de l'importance à attribuer à chaque partie.
Dans cette masse de royaumes en mouvement, les limites sont
difficiles à cerner, toutefois l'Afrique de l'ouest, entre la mer et
le Sahara, laisse un champ d'action assez bien délimité vers l'est
par les montagnes du Cameroun où sont venues s'amortir les
conquêtes des Peuls d'Ousmane dan Fodio. Au delà du Tchad
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oscillant entre l'attraction de ce lac et celle du Nil, on pouvait


hésiter pour classer le Darfour. Finalement, malgré ses liens avec
le Kordofan, nous avons jugé que les étroites relations avec le
Ouadaï, le Bornou et le Baguirmi justifiaient son classement
dans les royaumes du Soudan tchadien.
L'Afrique de l'ouest ainsi délimitée paraît prendre une
place démesurée, puisque, dans une troisième partie de dimension
égale, est traité le reste, c 'est-à-dire un territoire allant d'Assouan
au Cap et de la baie de Biafra à Sokotora, deux fois plus
étendu que VAfrique de l'ouest et un peu plus peuplé. Mais c est
que justement l'histoire de l'Afrique de l'ouest est souvent
connue depuis un millénaire, alors qu ailleurs elle n'a guère plus
d'un ou deux siècles. J'ajouterai — et ceci n est pas une circons-
tance atténuante — qu'ayant longuement servi dans les territoires
de l'ouest africain (Sénégal, Dahomey, Togo) ayant été, durant
la guerre, plus de deux ans officier de troupe dans des unités de
tirailleurs dits Sénégalais, mais qui venaient en réalité de tous
les coins de l'Afrique noire française, je me suis senti obligé
d'aller plus avant dans la présentation de certaines ethnies et
d'étudier plus à fond des problèmes dont les données m'étaient
plus directement accessibles.
Pour chacune de ces deux grandes parties, nous essaierons de
définir des provinces historiques. Il va de soi que nous ne sau-
rions étudier le passé de tous les groupes ethniques et si nous
essayons de faire une place à chaque groupe important, on ne
nous en voudra pas de laisser de côté ou de ne mentionner que
rapidement celles des tribus dont on ne sait rien ou qui n'ont pas,
sur le plan historique, une importance comparable aux autres.
Suivant le peuple en cause, nous nous attacherons particuliè-
rement à l'histoire du peuplement et des guerres, à celle des
institutions, à celle des familles royales, ou aux règnes plus ou
moins brillants des souverains. Partout, nous essaierons de
faire le point des connaissances actuelles sur le sujet.
La fresque d'ensemble que nous présentons ici ne saurait bien
entendu être complète et nous n'évoquerons que l'histoire, histoire
surtout politique des principaux groupes ethniques des régions
envisagées. Si notre récit est au présent, c'est pour tenter de le
rendre plus léger et si les théories sont le plus souvent au condi-
tionnel c'est pour freiner l'essor d'une imagination souvent
trop prompte à l'enthousiasme, même lorsque les bases manquent
de sûreté. Mon honorable compatriote Restif de la Bretonne qui
raconte souvent avec talent les événements de son siècle (fin
XVIIIe, début XIXe) disait avec une solide et rustique
défiance à propos des récits exotiques : « Savoir si c'est vrai ».
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Sur bien des récits concernant l'Afrique, il est nécessaire de


faire la même réflexion et de contrôler .de façon stricte les infor-
mations recueillies.
Nous demandons à l'avance au lecteur de nous excuser pour
les erreurs et les inévitables omissions de ce texte composé pour
faire mieux connaître les peuples de ce continent qui, pour
n'avoir que le minimum de chroniques écrites, n'en ont pas moins
un passé riche en guerres, conquêtes, migrations, alliances,
épidémies, famines, auquel si ce n'est peut-être les conditions
climatiques, notre histoire européenne n'a rien à envier.
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Première partie

DONNÉES, PRINCIPES,
MÉTHODES ET ASPECTS DIVERS
DE
L'HISTOIRE AFRICAINE
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Dans un domaine aussi particulier, nous devons consacrer


aux généralités un grand tiers de l'ouvrage.
Les sources (I) de l'histoire africaine n'ont jamais été étudiées
dans leur ensemble; aussi leur consacrons-nous un important
chapitre au cours duquel nous tenterons de donner une définition
particulière de « l'archéologie de l'Afrique noire ». La préhistoire (II)
étudiée surtout du point de vue des premiers hommes vise à faire
le point de nos connaissances, cependant que le peuplement
primitif (III) tente de rassembler les hypothèses concernant les
Pygmées, les Bochimans, les Chamites orientaux et les paléo-
nigritiques. Les migrations (IV) essaient de présenter de façon
rationnelle un phénomène capital de la protohistoire africaine.
Les influences étrangères (V) étudient l'importance relative des
apports méditerranéens, orientaux et arabes. Enfin les civili-
sations africaines (VI) seront envisagées quant à leur importance
réelle, la piace de la terre et des croyances traditionnelles, la
position particulière des divers types d'états africains, leur diver-
sité et l'incidence des formes de civilisation sur l'histoire.
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CHAPITRE PREMIER

LES SOURCES

I. — ÉTAT DE NOS CONNAISSANCES


SUR L'ENSEMBLE DU CONTINENT AFRICAIN

La protohistoire africaine est une science neuve. Aussi


l'état de nos connaissances varie-t-il d'un point à un autre,
d'un territoire à l'autre, d'un peuple à l'autre. Le Soudan
nigérien nous est connu depuis plus d'un millénaire grâce
aux documents arabes, alors que dans certaines régions de
l'Afrique orientale, il est impossible de remonter plus haut
que le début du siècle dernier. De nombreux blancs subsistent
sur la carte archéologique et il est bien certain, comme le
rappelle Davidson (1) que pour des régions entières du
Nyassaland, de l'Angola et du Moçambique il y a peu ou rien
à dire. Mais ces « blancs » existent aussi dans la chronologie
où des intervalles atteignant souvent plusieurs siècles nous
sont totalement inconnus. Pour la période située entre la
Nok culture de Fagg et les « bronzes » du Bénin, on en est
réduit à des hypothèses ainsi que pour la période qui sépare
les terres cuites et poteries du Logone-Chari attribuées par
Griaule et Lebeuf aux Sao semi-légendaires et la période du
post-moyen âge évoquée par les textes arabes.
Pour étudier l'histoire africaine, il n'est pas question d'uti-
liser les procédés classiques de confrontation de textes, mais
de réunir les morceaux épars, de les recoller et de se livrer
ensuite aux hypothèses. Travail de patience, où l'imagination
doit être constamment bridée et où chaque étude nouvelle
apporte son enseignement. Les diverses sources appartiennent
à des sciences différentes : préhistoire, archéologie, chroniques

(1) B a s i l DAYIDSON, Aspects de l ' e x p a n s i o n africaine, D i o g è n e no 23,


1958, p . 99.
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arabes, récits de voyageurs européens, traditions locales


africaines, anthropologie, ethnologie, linguistique. Leur utili-
sation successive ou simultanée permet d'approcher au plus
près le passé authentique de l'Afrique noire.

II. — LA P R É H I S T O I R E

La préhistoire est une science qui a fait en Afrique durant


ces dernières décades les progrès les plus marqués. Elle a
l'avantage de posséder un dispositif de datation tel qu'il
permet de ranger assez facilement toute nouvelle trouvaille
dans un casier portant étiquette. Le casier il est vrai est assez
large, et la marge des dates s'étale sur plusieurs millénaires.
Mais la préhistoire, science annexe de la géologie, est portée
en avant par les centaines de chercheurs qui prospectent les
richesses minérales du continent africain.
Nous verrons l'importance qu'ont les divers types de prého-
miniens et d'hominiens ainsi que la Pebble Culture, pour
marquer la place de l'Afrique dans l'évolution de l'humanité.
Mais un des aspects les plus attachants de cette science est
sans doute celui qui a trait aux gravures et peintures rupestres.
Sans doute ces œuvres d'art sont difficiles à dater, d'autant
que des Bochimans, il y a quelques décades, illustraient encore
certaines grottes de l'Afrique australe. Toutefois, en certains
endroits privilégiés, on a trouvé des fragments de bois ou
d'ustensiles qui permettent de préciser l'âge du gisement
grâce au carbone 14. Ces représentations, qui vont des dessins
très stylisés à l'œuvre d'art pleine de nuances, sont extrême-
ment précieuses et nous permettent d'évoquer ce que fut la
vie dans ces périodes reculées. Toutefois elles sont anonymes
et montrent seulement que des hommes ont utilisé des outils
de pierre ou de fer pour dessiner, peindre ou graver, parfois
avec un réel talent, sur les parois des grottes, les représentations
animales et humaines de ce qui était alors le monde quotidien.
Les peintures, gravures et inscriptions rupestres sont de
véritables archives sur pierre allant du paléolithique à nos
jours dès que se trouvent des roches support. L'art rupestre
sud-africain est particulièrement remarquable. Le Sahara,
d'après Henri Lhote, serait actuellement le centre d'art préhis-
torique le plus riche du monde. La dernière mission de Lhote
(1956-1957) a complété de façon passionnante notre optique
de la question, confirmant le fait que, pendant plusieurs
millénaires, le Sahara fut habité par des noirs et probablement
traversé par des Peuls et d'autres groupes ethniques marqués
par la civilisation égyptienne.
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III. — L'ARCHÉOLOGIE

DÉFINITIONS ET SUBDIVISIONS

On ne peut éluder le problème des définitions. Il est impos-


sible d'utiliser un certain nombre de termes couramment
employés en Europe sans essayer de préciser ce qu'ils recouvrent
dans le cadre si vaste et si particulier de l'Afrique noire.
L'archéologie, au sens habituel du terme, est « la connais-
sance des monuments figurés de l'antiquité et du moyen âge ».
Cette définition s'est dégagée en Europe au cours des xvne,
XVIIIe et xixe siècles en pensant essentiellement aux antiquités
grecques et latines, puis égyptiennes. Avant que la préhistoire
ne prenne au siècle dernier l'essor que nous savons, elle était
englobée dans l'archéologie.
Au départ, l'archéologie, comme le rappelle Georges Daux (1)
est « l'étude des « vieilles pierres » et, plus généralement,
de toutes les lormes tangibles et visibles qui conservent la trace
d'une activité humaine : une caverne naturelle, mais habitée
par nos plus lointains ancêtres et aménagée peu ou prou;
au flanc d'une carrière, les encastrements destinés aux coins
de bois qui, gonflés d'eau, font éclater le marbre du Penté-
lique ou de Paros; les chapiteaux de l'Erechteion; les silex
taillés; les pilotis des cités lacustres... Tout ce qui, enfin,
est le vestige mesquin ou glorieux de l'industrie et de l'art
humain à travers les siècles, relève de l'archéologie ».
Le terme, depuis, s'est singulièrement restreint avec le
développement considérable et autonome des disciplines qui
en font partie à l'origine. Des deux voies par où nous accédons
à la connaissance du passé, l'archéologie et la philologie, l'une
s'occupe des objets et des formes matériels, l'autre des textes.
Mais, alors que dans l'antiquité grecque et latine, la philologie
concerne exclusivement les textes écrits (Hérodote, Platon,
Pline, etc.), en Afrique noire, il s'agit beaucoup plus souvent
de linguistique comparée. Les quelques fragments d'inscrip-
tion qui ont pu être recueillis dans l'ensemble du continent
africain sont beaucoup plus du domaine de /' épi graphie, et
donc de l'archéologie, que de la philologie. Pour l'Afrique noire,
les enregistrements dont nous disposons actuellement sur les
langues des nombreuses tribus africaines et les études de
linguistique comparée ont beaucoup plus d'importance pour
l'histoire du peuplement de l'Afrique que les quelques inscrip-
tions que l'on a réussi à retrouver de temps à autre dans un
cimetière ou sur un monument.

(1) Les étapes de l'archéologie, p. 6.


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Nous évoquerons rapidement les branches qui, en Europe,


dépendent de l'archéologie : la papyrologie qui permet, en
Égypte, de dater certains faits intéressant l'Afrique noire,
l'épigraphie qui interprète les inscriptions, s'applique à bien
peu de documents. Par contre la partie artistique de l'archéo-
logie voit chaque année notablement développer son domaine
surtout pour ce qui a trait à la céramique et au travail du
laiton et du bois. En divers points de l'ouest africain (Ifé
notamment) on a trouvé d'admirables laitons à cire perdue.
Comme le rappelle Henry Lavachery (1) « les noirs ont créé
des arts appliqués d'une infinie variété. Le bois, l'écorce, la
fibre, la coquille, la plume, l'os, les terres diversement colorées,
la pierre et le caillou, la griffe, la peau, tout, dans leurs mains
subtiles s'est ajusté, combiné, enfilé, cousu, teint et assoupli
pour devenir ornement ou ustensile, mais toujours objet
de beauté. » Seuls demeurent à la disposition de l'archéologue
les objets susceptibles de durer, c'est-à-dire essentiellement les
masques, certaines sculptures en bois, les terres cuites. Leur
étude constitue une section capitale de l'archéologie et l'art
nègre a suscité déjà de multiples ouvrages.
L'Égypte qui constitue un remarquable champ d'applica-
tion pour les disciplines de l'archéologie classique pousse
deux antennes en Afrique noire : la Nubie que prolonge
le Soudan oriental et l'Ethiopie. Celles-ci, par continuité,
peuvent justifier la mise en œuvre des techniques qui ont
déjà fait leurs preuves en Egypte. Partout ailleurs ces techni-
ques doivent être adaptées.
Il y a présentement un trop petit nombre de sites réper-
toriés pour qu'on utilise les subdivisions de l'archéologie.
En effet les ruines de Zimbabwé, les fouilles de Griaule-Lebeuf
au Logone-Chari, les enceintes de pierres sèches trouvées
en de nombreux points d'Afrique, les sépultures, les perles
de verre, les débris de poteries constituent des éléments épars
du passé de l'Afrique.
La numismatique, en certains endroits, offre une aide appré-
ciable. Ainsi sur la côte de l'Afrique orientale, des collections
complètes de pièces de monnaie ont pu être trouvées et réper-
toriées. Le musée Beit el Amani à Zanzibar et le Museo della
Garesa à Mogadisque" offrent de magnifiques collections.
On a trouvé plus de 5 000 exemplaires de frappe des sultans
de Kiloua (2). Sur 4 000 pièces trouvées à Zanzibar, 167
seulement appartiennent aux sultans de Kiloua, ce qui permet
de supposer une indépendance de l'île à compter du xve siècle.

(1) H e n r y LAVACHERY, L ' a r t des n o i r s d ' A f r i q u e et s o n destin, P r é s e n c e


a f r i c a i n e , n ° 10/11, p. 39.
(2) J. WALKER, The coinage of the sultans of Kilwa, Nummismatic Chro-
nicle 1936; Some new Coins from Kilwa, N. C. 1939.
FREEMAN-GRANVILLE, A new Hoard and some unpublished variants of
the coins of the sultans of Kilwa, N.-C. 1954.
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Par ailleurs, des pièces font état de règnes de sultans jusqu'alors


totalement inconnus.
Au Congo belge (1) des médailles religieuses du xvme siècle
ont été trouvées ici et là, ce qui peut donner des indications
sur l'action catholique durant cette période. Dans l'ouest
africain, quelques pièces ou médailles, le plus souvent d'origine
arabe, éclairent surtout le problème des itinéraires commerciaux.
Ainsi les branches de l'archéologie, brillamment représentées
en Europe et en Asie sont fragmentaires, floues, quasi inexis-
tantes en Afrique. L'archéologie de l'Afrique noire requiert
une définition particulière. Nous dirons que c'est la science
des monuments, objets et inscriptions qui, postérieurs aux
stades classiques de la préhistoire, témoignent de civilisations
intermédiaires aujourd'hui disparues. »
Il va sans dire qu'il n'y a pas de cloisons étanches entre
certains aspects de la préhistoire et de l'archéologie. Certaines
peintures rupestres, normalement cataloguées dans la préhis-
toire, sont probablement contemporaines, en Afrique méridio-
nale notamment, des perles et des poteries récoltées non loin
de là qui sont réputées archéologiques. A l'autre extrémité, les
inscriptions funéraires de Gao qui sont archéologiques seraient
plus justement classées comme historiques puisqu'elles sont
datées.
Comprise en ce sens, l'archéologie est en quelque sorte la
partie matérielle de la protohistoire africaine qui englobe
en fait tout ce qui existe entre la préhistoire et les documents
écrits (ceux des arabes comme ceux de la colonisation euro-
péenne). L'archéologie, comme la préhistoire, est une science
neuve dont l'importance dépend presque toujours du volume
de terre remué. C'est ainsi que les variations du cours de l'étain
durant les récentes années ont provoqué l'ouverture de nou-
velles mines sur le plateau de Baoutchi (Nigeria), d'où l'impor-
tance accrue de l'outillage recueilli permettant de caracté-
riser une civilisation particulière : la Nok Culture.

2. — LES GRANDS CENTRES ARCHÉOLOGIQUES


DE L'AFRIQUE NOIRE

Plusieurs régions d'Afrique ont vu d'importantes découvertes.


C'est le cas notamment de Zimbabwé, d'Engarouka et de la
région du Tchad.
Les impressionnantes ruines de Zimbabwé découvertes par
Karl Mauch ont été étudiées voici plus d'un demi-siècle par
Randall Mac Iver puis par Miss Caton-Thompson trente ans
plus tard. De ces études et après contrôle par le carbone 14,

(1) TOURNEUR C., Médailles religieuses du XVIIIe siècle trouvées au


Congo, Revue belge de numismatique, Bruxelles 1940, p. 21-26.
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il semble se confirmer que les si remarquables constructions


de Zimbabwé (zimba — maison : Mabji = la pierre) datent
d'une période située entre le ve et le xive siècles.
En 1933, Huntingford détermine dans les actuels territoires
du Kenya et du Tanganyika l'existence d'une civilisation
locale située « entre l'âge de pierre et l'époque médiévale »
et qu'il appelle azanienne pour reprendre le mot que les géo-
graphes de l'antiquité avaient forgé pour la côte de l'Afrique
orientale. Cette civilisation paraît purement africaine et elle
a laissé de multiples enceintes de pierres, des puits, des tumuli.
Huntingford la situe entre le viiie et le xve siècles.
Dans la région du Tchad, c'est probablement Théodore
Monod qui, le premier, au cours d'une mission ichtyologique
effectuée au Cameroun, signale l'importance archéologique
de l'aire tchadienne aux environs de Kousseri. En 1928,
Wulsin, envoyé par l'université Harvard, étudie les environs
de Goulfei. En 1936, les missions Griaule-Lebeuf et Pales,
mettent à jour un certain nombre d'objets de terre cuite dont
l'importance apparaîtra croissante lors des missions successives
effectuées par M. et Mme Lebeuf après la guerre.
En 1935, Leakey découvre à Engarouka, à la frontière du
Kenya et du Tanganyika, les ruines d'une ancienne ville
groupant plus de 6 000 maisons, qu'il considère comme beau-
coup plus récente que la civilisation azanienne (150 à 300 ans).

3. — DÉFENSE DES SITES ET MONUMENTS

Il y a encore quelques décades, les trouvailles étaient le


fruit du hasard. Comme le rappelle spirituellement Basil
Davidson (1) « c'est le ministère des Travaux publics qui
tombe sur l'objet, et la main-d'œuvre des prisons qui le
déterre. » On frémit en évoquant le concours providentiel
de circonstances qui a fait trouver telle station de masques
et au nombre de documents qui ont été perdus ou détruits.
C'est essentiellement à la fin du xixe siècle que le pillage
s'est fait en de scandaleuses conditions : quelques cadeaux
dérisoires, quelques bouteilles de gin donnés à des chefs ou
des féticheurs et l'explorateur sans scrupule pouvait emporter
des vases ou des masques de toute beauté. En 1895, une
société, l' Ancient Ruins Company Limited, se proposait tout
bonnement de mettre à sac les ruines de pierres de Rhodésie.
Les dégâts de cette édifiante compagnie furent considérables :
ses employés cherchaient surtout l'or qui pouvait se trouver
dans les objets d'art africain. Il s'ensuit que les objets-supports
étaient traités avec le plus total mépris. Si cette société,
fort heureusement dissoute vers 1900, ne semble pas avoir
(1) Basil DAVIDSON, ibid., p. 99.
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Tecueilli p l u s d e c i n q c e n t s o n c e s d ' o r , o n i m a g i n e le p o i d s
e t le n o m b r e d ' o b j e t s p r é c i e u x q u i o n t é t é d é t r u i t s d e l a s o r t e .
S u r la côte d u Bénin, u n t r è s g r a n d e x p l o r a t e u r a l l e m a n d
réussit à faire faire des copies de laitons à cire p e r d u e qu'il
laissa sans discussion a u x divers contrôles douaniers alors
q u e les m a s q u e s a u t h e n t i q u e s é t a i e n t c l a n d e s t i n e m e n t e n v o y é s
en Europe.
L a p r o t e c t i o n des sites et la s a u v e g a r d e des a n t i q u i t é s
f u r e n t l o n g u e s à o r g a n i s e r d a n s les d i v e r s t e r r i t o i r e s . C ' e s t
l'honneur du professeur Théodore Monod que d'avoir m o n t r é
l a r o u t e e t d o t é les t e r r i t o i r e s d ' A f r i q u e f r a n ç a i s e d ' u n e l é g i s -
l a t i o n p a r f a i t e m e n t a d a p t é e à la p r o t e c t i o n des sites histo-
r i q u e s . P o u r les t e r r i t o i r e s b r i t a n n i q u e s , ce n ' e s t q u ' à p a r t i r
d e 1 9 5 4 e t 1955, à l a s u i t e d u p r e m i e r c o n g r è s d ' a r c h é o l o g i e
e t d ' h i s t o i r e a f r i c a i n e d e L o n d r e s , q u e d e s m e s u r e s efficaces
p u r e n t ê t r e p r i s e s . A c t u e l l e m e n t , la q u a s i - t o t a l i t é d e s t e r r i -
toires africains disposent de t e x t e s p e r m e t t a n t u n e p r o t e c t i o n
efficace d e s s i t e s a r c h é o l o g i q u e s .
L e s r e s t e s d e s a n c i e n n e s v i l l e s se p r é s e n t e n t s o u s d e s f o r m e s
variables, mais encore très s o u v e n t sommaires. E n dehors
d e s ruines d u t y p e Z i m b a b w é on t r o u v e en de n o m b r e u x
e n d r o i t s d e s enceintes de p i e r r e é d i f i é e s p o u r d é f e n d r e l a collec-
t i v i t é c o n t r e les a t t a q u e s é v e n t u e l l e s d e s e n n e m i s o u d e s f a u v e s .
L o r s q u e la p i e r r e m a n q u e à p r o x i m i t é o u q u e l a t e c h n i q u e
l o c a l e n ' a p a s p e r m i s d e d é b i t e r les r o c h e r s e x i s t a n t s , a l o r s
s o n t m o n t é s les m u r s de terre p é t r i e d o n t c e r t a i n s é l é m e n t s
d e m e u r e n t à t r a v e r s les siècles. A i n s i les m u r s d e T a d o e t
N u a t j a ( T o g o ) (1) e t c e u x d e l ' O u g a n d a , t r è s s é r i e u s e m e n t
é t u d i é s p a r L a n n i n g (2). L ' é t u d e d u t r a c é d e ces m u r s l a r g e -
m e n t facilitée a u j o u r d ' h u i p a r la p h o t o g r a p h i e aérienne est
d é c e v a n t e . Il s e m b l e e n e f f e t q u e ces e n c e i n t e s o n t é t é é d i f i é e s
s a n s p l a n d ' e n s e m b l e e t q u e les p r é o c c u p a t i o n s d e s s o u v e r a i n s
d ' a l o r s a i e n t é t é s e u l e m e n t d ' e n c l o r e les m a i s o n s d ' h a b i t a t i o n
d e l e u r s s u j e t s s o i t p o u r les e m p ê c h e r d e s ' e n f u i r , s o i t p o u r
se d é f e n d r e c o n t r e des agressions extérieures.
L ' e x i s t e n c e d e ces m u r s d e t e r r e p e r m e t t o u t e f o i s d ' o r g a n i s e r
des c h a n t i e r s de fouilles a v e c q u e l q u e c h a n c e d e t r o u v e r des
o b j e t s d a t a n t de l ' é p o q u e où l ' e m p l a c e m e n t é t a i t h a b i t é .
U n travail très i m p o r t a n t a été réalisé n o t a m m e n t à Bigo
( O u g a n d a ) où des débris de poterie peinte, des perles de verre,
d e s m e u l e s d o r m a n t e s o n t p u ê t r e d é g a g é s , e t à M u b e n d e H i l l (3)
où des poteries de f o r m e et de décorations inhabituelles o n t
été découvertes.

(1) R. CORNEVIN, Tado, Nuatja, Agbogbomé, Capitales des Evhé, Ency-


clopédie mensuelle d'outre-mer, mai 1952 p.'146-149.
(2) E. C. LANNING, Ancient Earthworks in Western Uganda, Uganda
Journal, vol. 17, 1953.
(3) E. C. LANNING, Prowhistoric Pottery in Uganda, Proceedings of the
1955 Pan African Congress of Prehistory. _
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Par ailleurs, les capitales anciennes de l'Ouganda ont pu


être datées avec plus de précision grâce à l'examen des fosses
à ordures ménagères.

4. — CHRONOLOGIE ET NOUVEAUX PROCÉDÉS DE DATATION

Certains documents peuvent être aujourd'hui datés avec


une précision améliorée grâce à la palynologie, à la dendro-
chronologie et au carbone 14.
A) La palynologie, ou étude des pollens fossiles, permet
de préciser l'ambiance climatique. Les milliards de grains de
pollen qui se déposent annuellement sur le sol peuvent, en
bonnes conditions de fossilisation, traverser aussi bien que les
ossements d'animaux, de longues périodes géologiques (1).
On peut les déterminer au microscope si bien que, leur nombre
étant considérable, ils permettent d'établir un tableau statis-
tique de la végétation de chaque période. Cette science actuel-
lement en plein essor en Europe n'est encore qu'à ses débuts
en Afrique où une analyse de quelques études locales réalisées
à ce jour en Afrique a été faite par M. van Zinderen Bakker (2)
de l'Université de Blœmfontein.
B) La dendrochronologie, fondée sur les cercles annuels de
croissance des arbres, n'a pu être utilisée jusqu'ici de façon
satisfaisante, faute de preuve absolue de concomitance d'un
arbre et du document envisagé. Une difficulté propre à
l'Afrique est le fait que les gisements archéologiques se
trouvent dans des régions très anciennement déboisées.
Toutefois, certains arbres ont poussé dans les ruines au
moment précis où celles-ci étaient abandonnées. Ils ont fait
éclater les pierres, se sont trouvés isolés sur les débris de
murailles et constituent (surtout quand il en subsiste plusieurs
exemplaires) un moyen valable de datation.
Le professeur Baumann signale l'utilisation de ce procédé
dans Die Frage der Steinbauten und Steingrâber in Angola (3).
C) Le carbone 14 est un isotope du carbone qui naît dans
tout être vivant par l'effet des rayons cosmiques; il s'enfouit
avec lui quand il meurt pour entamer un cycle de désintégra-
tion relativement rapide. Si l'on a du carbone bien conservé,
sous forme de bois, de charbon de bois ou d'os carbonisé,
on peut établir le point de désintégration auquel le fragment
étudié est parvenu et du même coup déterminer son âge.
Ce procédé est très couramment employé dans les territoires

(1) LEROI-GOURHAN, Histoire universelle, p. 5.


(2) VAN ZINDEREN BAKKER, Palynology in Africa, Bloemfontein, 1958.
(3) Paideuma; Band VI, avril 1956, cahier 3, p. 120.
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britanniques; il permet d'établir une datation d'autant plus


exacte que le synchronisme du document et du morceau de
bois est démontré, ce qui est très rare, du fait que l'Afrique
des savanes brûle depuis plusieurs millénaires régulièrement
tous les ans à l'occasion des feux de brousse accompagnant
les battues de chasse. Il faut donc trouver des éléments dans
une sépulture ou dans un abri sous roche. C'est ainsi que l'on
attend beaucoup des résultats que donnera l'expertise au
carbone 14 des documents rapportés par Henri Lhote de
ses expéditions au Tassili.

IV. — LES DOCUMENTS ARABES

Dans les pays d'influence arabe, de nombreux récits de


pèlerins, de commerçants ou de guerriers nous sont parvenus.
La religion du Prophète exigeant une connaissance exacte
des points géographiques pour déterminer l'heure de la prière
et la direction de La Mecque, l'étude de la géographie est
poussée aussi loin que possible. D'autre part les règles du Coran
obligeant les Musulmans à aller au moins une fois dans leur
vie à La Mecque s'ils en ont la possibilité matérielle, des
voyageurs nombreux venus d'Espagne ou du Maghreb traver-
sent de notables parties de l'Afrique noire, si bien que nous
avons depuis le vins ou le ixe siècle une histoire relativement
précise de la région comprise entre le lac Tchad et le Sénégal,
alors que pour l'Afrique centrale et orientale, nos renseigne-
ments plus rares et moins sûrs ne vont guère au delà d'un
siècle et demi ou deux, quand ils ne remontent pas aux récits
des premiers explorateurs européens.

1. — GÉOGRAPHES ET VOYAGEURS

Les travaux arabes (1) sont relativement nombreux au


moyen âge. Dès le viiie siècle les auteurs parlent du Soudan
occidental. Ibn Abd el Hakam (803-870) fait état des premières
expéditions arabes au sud du désert. Al Khwarizmi (avant 833)
nous montre, au milieu d'une toponymie empruntée à Ptolémée,
le pays de Ghana et de Kounkou (Gao). Yakoubi (872) aborde
le premier l'histoire des royaumes du Soudan : Zaghawa,
Kakou, Maranda, Ghana, Tadkharir, Gham, Sama, Kuwar
et Ghast. Il évoque l'or du Ghana et les caravanes d'esclaves.

(1) d ' a p r è s MAUNY, Sources écrites et traditions orales de la s a v a n e d a n s


H i s t o r y a n d archeology in A f r i c a , 1955, p. 67 e t 68.
(2) Y. KAMAL, M o n u m e n t a c a r l o g r a p h i c a A t r i c a e et A e g y p t i , 5 t o m e s ;
L e Caire 1926 à 1951.
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Aboul Kacim Mohamed Ibn Haoukal écrit en 988 son livre


Des routes et des royaumes (1) fruit d'un voyage effectué en
970 en Afrique qui donne des renseignements sur Aoudaghost
et les différentes villes en bordure du Sahara.
A la même époque El Maçoudi parcourt les pays arabes
entre l'Inde et l'Espagne et visite peut-être Madagascar,
conçoit l'idée que la terre habitable a la forme d'un oiseau,
ailes étendues la tête à La Mecque, la queue sur l'Afrique.
Connaissant l'Égypte où il meurt en 957, il y recueille la
tradition ptoléméenne sur les deux lacs alimentés par les
monts de la Lune, d'où sort le Nil. Ses « prairies » d'or (2)
mêlent ces réminiscences aux riches descriptions d'un voyageur
qui n'ignore pas l'usage de la carte.
Le fils d'un gouverneur arabe de Cordoue, Abou Obeid el
Bekri (3), qui a la disposition des archives du gouvernement
ommeyade d'Espagne, écrit en 1077, sans avoir jamais été sur
place, une description de l'Afrique septentrionale qui est un des
documents les plus valables de cette époque. Il donne des rensei-
gnements d'une grande précision sur le Ghana préislamique,
l'ascension des Almoravides et les itinéraires sahariens.
Après El Zouhry (antérieur à 1147), un Arabe de Cordoue,
né à Ceuta, Idrissi (1100-1164) arrière-petit-fils d'un calife
de Malaga, écrit à la cour du roi Roger de Sicile. Sa description
de l'Afrique et de l'Espagne terminée en 1154 est un précieux
ouvrage de compilation (4).
Ibn Ali el Marrakchi (avant 1224) et Ibn Saïd (1214-1286)
dont la carte de l'Afrique compte beaucoup de précisions
nouvelles, travaillent à la même époque que le grec de Bagdad
Yakout dont les nombreux voyages africains aboutissent à
un excellent dictionnaire géographique (1224). Le Syrien
Aboul Feda (1273-1332) fait le point des connaissances recueillies
à cette époque (5), cependant que le « Roud el Quarthas » de
Gharnati (1326) donne un nombre limité de renseignements.
Le xive siècle est également marqué par El Harrani (1300),
Kotobi (1318), El Dimachki (avant 1327).
El Oumari, dont le Massalik el ab çar fi mamalik el Amçar (6)
rédigé de 1342 à 1346 est un document sérieux, fait une large
place à Makrisi (1306-1342) >et à sa « description des races

(1) IBN HAOUKAL, Des routes et des royaumes, trad. Slane, Journal asia-
tique 1842.
(2) MAÇOUDI, Les prairies d'or, trad. C. Barbier de Meynard et Pavet
de Courteille. Paris 1861.
(3) EL BEKRI, Description de l'Afrique septentrionale (1067) trad. Slane,
Alger 1913, p. 324-343.
(4) IDRISSI, Description de l'Afrique et de l'Espagne, trad. Dozy et De
Goeje, Leyde 1866.
Lt V. MONTEIL; L'Oeuvre d'Idriss; Bifan 1939, p. 837-857.
(5) ABOULFEDA, Géographie, trad. M. Reinaud et S. Guyard, Paris,
3 vol. 1848-1889.
(6) Trad. Gaudefroy-Deniombynes, Paris, 1927.
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des noirs et des pèlerinages des sultans du Tekrour » (1).


Mais le document le plus précieux du siècle est le « voyage
au pays des noirs » d'Ibn Batouta (2), de son vrai nom Abou
Abdallah Mohamed Ibn Ibrahim. Docteur en théologie à
vingt-trois ans en 1325, il fait le pèlerinage de La Mecque.
De là il passe en Egypte, remonte jusqu'aux cataractes et
se trouve arrêté par des conflits locaux. Il redescend vers le
delta, s'embarque pour la Syrie, et, pendant 25 ans, voyage
en Asie, notamment au Cambodge, aux Indes, en Chine, etc...
En 1349 il rentre à Tanger où le Sultan le reçoit avec les hon-
neurs dus à un pèlerin de sa classe et lui confie une mission
vers le pays des Noirs qui, à l'époque, a une réputation d'extra-
ordinaire richesse. Il part en 1352 du Maroc, passe à Tegaza,
puis au Mali, à Tombouctou où il s'embarque sur le Niger,
et il rentre finalement par le Touat après un voyage d'un peu
plus d'un an, au cours duquel il dit avoir traversé un pays
pauvre qui lui paraît bien terne en comparaison des Indes
dont il a gardé l'éclatant souvenir.
Ibn Khaldoun (1332-1406) naît à Tunis dans une famille venue
d'Espagne. Son Histoire des Berbères (3) comporte sur le
Soudan des détails peu nombreux qui ont le mérite d'une
grande exactitude, notamment sur les Touareg de l'Aïr.
Mais c'est Léon l'Africain (4) qui a formé la connaissance
européenne de l'Afrique pendant environ quatre siècles,
presque jusqu'au temps de Faidherbe. Aujourd'hui encore
il reste l'homme qui a su donner une description valable de
ces régions avec une optique occidentale, européenne. Léon
l'Africain, de son vrai nom Al Hassan Ibn Mohamed el Wazan
(le Peseur) es Zayati est né à Grenade en 1492, a fait ses études
à Fès, et accompli un voyage de Fès à Dahra. Il accompagne
son oncle auprès de Abou Bekr Issa, général nègre commandant
l'armée du roi de Tombouctou. Il sert les derniers Mérinides,
souverains du Maroc, se trouve attaché à la personne du Chérif
Mohamed. Quand ce dernier proclame la Guerre Sainte contre
les Portugais, en 1509, il accompagne le commissaire du Sultan
chargé de prélever sur les Juifs de Tefza une imposition de
50 000 ducats. Le 13 avril 1514, il assiste à la défaite des rois
de Fès et de Meknès devant Don Juan Menesez et Ruy Baretto.
En 1515, il quitte le Maroc pour Constantinople, puis visite
l'Égypte, Assouan, Koçeir où il s'embarque pour Djedda.
Après être passé par La Mecque, il visite Tombouctou. Il est

(1) MAKRISI, Description des races des noirs et pèlerinages des sultans du
Tekrour, trad. Gaudefroy-Demombynes, Paris 1927.
(2) IBN BATOUTA, Voyage dans le Soudan, trad. Slane, Paris 1843.
(3) IBN KHALDOUN, Histoire des berbères et des dynasties musulmanes,
trad. Slane, 3 vol. Paris 1925-1934.
(4) LÉON L'AFRICAIN, Description de l'Afrique tierce partie du monde;
traduit de l'italien par E. Epaulard et annoté par Théodore Monod, Henri
Lhote et Raymond Mauny, p. 461-485.
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pris par des pirates siciliens qui, ne sachant que faire de ce


lettré encombrant, le livrent au pape Léon X. Il se convertit
à la religion chrétienne et s'appelle Jean Léon l'Africain.
Il vit à Rome auprès de Léon X, donne des leçons d'arabe
dans diverses villes d'Italie, demeure auprès du seigneur
Gilles de Viterbe, enseigne l'arabe à l'Université de Bologne.
En 1526 il achève la traduction de sa Description de l'Afrique,
qu'il avait d'abord écrite en arabe. Il part enfin pour la Tunisie
et se convertit de nouveau à l'Islam sans que ses préoccupations
religieuses semblent se refléter beaucoup dans ses écrits.
Son ouvrage est divisé en livres. Ce sont essentiellement :
le septième consacré aux états de Soudan et de Nubie, et
le huitième, consacré à l'Egypte, qui nous intéressent. Le
neuvième traite des fleuves et des minéraux, car il faisait
également des études sur les ressources des pays. Il cite extrê-
mement peu d'études. C'est un voyageur, et il semble n'avoir
pas voulu faire état d'autres auteurs, qu'il aurait été intéres-
sant pour nous de connaître, sauf un abrégé des Annales de
l'Islamisme, dont on sait peu de chose. Il cite également
un lettré de Kairouan, Abou Ishak Ibrahim ibn Erraqiq,
lequel, au xe siècle, aurait occupé dans l'administration du
Maghreb, un haut emploi et écrit des ouvrages importants.
Au siècle dernier paraît une traduction, Le voyage au
Ouadaï d'Ibn Omar el Tounsy (1).

2. — CHRONIQUES
Ces divers textes arabes sont complétés en ce qui concerne
le Soudan nigérien, par le Tarikh el Fettach (2) (chronique du
chercheur) dont la première partie est de Mahmoud Kati (mort
en 1593) et la deuxième d'un de ses petits-fils, se termine en
1665, par le Tarik es Soudan (chronique du Soudan) rédigé
par un iman de Tombouctou un peu notaire Es Sadi, ainsi
que par l'encyclopédie d'Ahmed Baba, également de Tom-
bouctou.
A ces deux Tarik il faut ajouter le Tedzkiret en nisian fi
akhbar Molouk es Soudan (3) qui contient d'intéressants
renseignements sur le gouvernement marocain de Tombouctou
et les sultanats de Sokoto, durant les règnes de Bello, Atikou
et Aliou.
Ces textes forment la liaison avec les chroniques proprement
dites.
Les chroniques peuvent être définies comme un ensemble
(1) IBN OMAR EL TOUNSY, Voyage au Ouadaï, 2 vol. trad. Perron, Paris
1851.
(2) Mahmoud KATI, Tarik el Fettah; trad. Houdas et Delafosse, Paris
1913.
(3) Tedzkiret en Nisiam fi Akhbar Molouk es Soudan; trad. Houdas et
Benoist, Paris 1899.
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de documents écrits, d'origine et de nature diverse, réunis dans


une région déterminée et dont l'étude apporte des renseignements
sur les hommes, leurs activités et le gouvernement du pays.
Ces documents qui n'ont pas été écrits en vue de l'histoire
ni pour plaire à quelque prince, mais dans un but pratique
(conserver une sorte d'acte notarié par exemple ou relater
un événement mémorable) ont une grande valeur d'authenticité.
Toutefois, rédigés par des lettrés musulmans, croyants fanati-
ques, l'optique se trouve en ce sens faussée, les bons souverains
étant les bons musulmans et les mauvais ceux qui prennent
des libertés avec les règles du Coran.
Parmi ces écrits qui sont relativement nombreux, nous pou-
vons citer, entre autres, les Chroniques de Nema et de Oualata
traduites par Marty (1) en 1927 qui nous renseignent sur le
Soudan nigérien du XVIIIe siècle, les chroniques de Kano
citées dans les « Sudanese Memoirs » de Palmer (2) à propos
des états haoussa, les Chroniques d'Agadès traduites par
Urvoy qui donnent une liste dynastique valable des chefs
touareg de l'Aïr au XVIIe siècle, les Chroniques de Tichit
recueillies par le capitaine Diego Brosset et annotées par
le lieutenant Monteil (3) auquel on doit une note sur des
textes arabes provenant du Soudan (4), le Tambiku l'Ikhwan
d'Ousman dan Fodio, conquérant Peul qui, au début du
xixe siècle, écrivit une histoire précise des souverains peuls de
cette époque. A ce document doit être rattaché l'Infakul
Maîsuri de Mohamed Bello.
Un grand nombre de manuscrits rapportés par de Gironcourt
de ses missions en Afrique occidentale (5) ou recensées par
Vadja dans le butin pris sur Ahmadou (6) restent encore non
traduits et l'on peut attendre beaucoup de leur publication.
En ce qui concerne l'Afrique orientale, une chronique arabe
trouvée à Kiloua et analysée par Joao de Barros permet de
dater de façon certaine du début du xive siècle la fondation
de Mogadisque.
On peut citer également en langue haoussa, bien qu'il ne
s'agisse pas de l'Afrique noire, l'histoire de la ville de Ghat,
du touareg Hadj Osman. Plus récemment la vie d'El Hadj
Omar par Mamadou Aliou Tyam en langue peule a été transcrit
par le gouverneur Gaden et un peu plus tard, un manuscrit

(1) P. MARTY, Revue des études islamiques, 1927, p. 355-575.


(2) R. PALMER, Sudanese memoirs, Lagos, 3 vol. 1928; The Bornou, Sahara
and Soudan, Londres 1936, 1 vol.
(3) Lt. V. MONTEIL, Chronique de Tichit, Bifan 1939, p. 282-312.
(2) Lt. V. MONTEIL, Sur quelques textes arabes provenant du Soudan,
p. 499-517.
(4) DE GIRONCOURT, Missions de Gironcourt en Afrique occidentale
1908-1909, 1911-1912, Paris, Société de Géographie 1920, p. 359-367.
(5) VADJA G. Contribution à la connaissance de la littérature arabe en
Afrique occidentale, Journal soc. des Africanistes, 1950, p. 229-237.
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arabe anonyme remis au lieutenant-colonel Gaden permet


de préciser certains détails de la vie du conquérant (1).
Enfin, un Kanouri, Hadj Osman compose en arabe l'histoire
du sultan Idriss Aloma du Bornou.
L'importance du travail réalisé par les arabes au Soudan
nilotique et dans l'Afrique orientale a permis certains travaux
qui sont de véritables synthèses à tendances historiques.
Ainsi le Tabaqat (2) de Wad Daif Allah, vie des saints de la
période Foung du Soudan oriental.

V. — LES DOCUMENTS E X T É R I E U R S
(EUROPE, ASIE, AMÉRIQUE)
ET L'ÉTUDE DE L'HISTOIRE AFRICAINE

Les documents européens constituent la grande masse de la


documentation relative au passé de l'Afrique noire. L'histoire des
documents écrits et des documents imprimés correspond en gros
à celle de l'exploration du continent par les nations d'Europe.
A partir du xive siècle, derrière la voie tracée par les marins
d'Henri le navigateur, des personnalités font halte en divers
points de la côte. Que représente l'Afrique pour ces nobles
seigneurs? Une terre pauvre, désolée, au climat meurtrier.
Quant aux Africains, quelques spécimens sont montés à bord,
transportés en Europe, montrés aux souverains de Lisbonne
ou de Paris. On imagine par ailleurs ce que des gens qui vont
chercher fortune peuvent dire de ces zones d'Afrique occidentale.
Relativement nombreuses sont les relations des capitaines
de navires et des chapelains. Si elles donnent de façon pitto-
resque un compte rendu fidèle de préoccupations sordides,
elles sont le plus souvent, du point de vue qui nous préoccupe,
totalement dénuées d'intérêt.
Mais, lorsque l'on passe des escales rapides et du « troc
à la muette » aux installations fixes, le ton change. On aime
en haut lieu être renseigné et l'on s'aperçoit que ces « rois
nègres » ne sont pas dépourvus d'un certain sens constitu-
tionnel et qu'ils obéissent à une coutume stricte, même lorsqu'il
s'agit de céder quelques lopins de brousse destinés à la construc-
tion d'un fort ou d'un comptoir.
Les préoccupations toujours commerciales se voudront
un temps missionnaires sur la lancée catholique de la Recon-
quista, jusqu'à la fin du xvie siècle, époque où l'Eldorado
américain attirera toutes les énergies. Pendant deux siècles,

(1) J u l e s SALENC, L a vie d ' E l H a d j O m a r , d ' a p r è s u n m a n u s c r i t a r a b e a n o -


n y m e r e m i s a u l i e u t e n a n t - c o l o n e l G a d e n p a r Si M o h a m m e d A b d E l A l a o u i ,
m o q a d d e m de l a m o s q u é e des T i d j a n i y a , à F è s ; BCEHSAOF 1918, p. 405-431.
(2) Cité p a r M. S p e n c e r TmMiNGHAM ; sélections de ce d o c u m e n t t r a d u i t e s
p a r H . A. M a c Michael : L e s A r a b e s a u S o u d a n .
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les comptoirs africains serviront d'aiguades sur la route des


Indes, puis d'entrepôts d'esclaves. Les archives des négriers
q u a n d elles subsistent sont bien décevantes. P a r contre certains
chefs de comptoirs, marins ou officiers noteront avec conscience
les caractéristiques des races, des religions et des coutumes.
L a fin du XVIIIe siècle verra le début des explorations
scientifiques avec l'African Society de Londres (1788) et les
entreprises de la Révolution française en É g y p t e et sur la
côte du Sénégal. La répression de la t r a i t e des esclaves entraîne,
après les guerres napoléoniennes, chez les nations d'Europe,
une nouvelle prise de conscience des responsabilités chrétiennes
vis-à-vis de l'Afrique.
La réorganisation de la Propagande à R o m e amène des
missionnaires catholiques toujours plus nombreux, c e p e n d a n t
que des sociétés de mission protestantes se constituent à Paris,
Bâle, Brême, Londres, qui s'intéressent de plus en plus au
continent africain. Les préoccupations de ces missionnaires
catholiques ou protestants se dégagent souvent des objectifs
immédiats de la conversion pour noter les coutumes locales
et les événements de la politique africaine.
Le xixe siècle est celui de la reconnaissance scientifique
de l'Afrique. Il se terminera par le p a r t a g e et une occupation
territoriale qui r e n d r a possibles des études locales plus poussées.
Les documents de cette période sont de valeur inégale.
Certains o n t été publiés, d'autres demeurent dans les archives
administratives ou missionnaires des chefs-lieux de territoire,
des capitales ou des ports d'Europe.
L'ensemble de la documentation européenne a une impor-
tance capitale pour l'histoire africaine. Aussi évoquerons-nous
ses divers aspects ainsi que les problèmes qu'elle pose.
Nous n'avons pas la prétention, dans les lignes qui suivent,
de donner une liste complète des t r a v a u x européens. Du moins
voudrions-nous présenter un échantillonnage aussi a b o n d a n t
que possible des sources imprimées, é t a n t e n t e n d u que les
plus valables seront cités au cours des chapitres qui t r a i t e r o n t
de l'histoire particulière de chacune des régions de l'Afrique
noire. Nous évoquerons aussi le problème posé p a r les archives
t a n t administratives que missionnaires et commerciales.

1. L'AFRIQUE, DU MOYEN AGE AU XVIIe SIÈCLE

A. Commerçants et voyageurs au Soudan nigérien


Charles de la Roncière (1) a fait le point, de façon quasi
définitive, sur notre connaissance de l'exploration africaine
d u r a n t le moyen âge. Il est vrai que bien peu d'Européens
( 1 ) C h a r l e s D E LA R O N C I È R E , D é c o u v e r t e de l ' A f r i q u e a u m o y e n â g e ,
Mémoires de la Société royale de G é o g r a p h i e d ' É g y p t e , 1924-1927, 3 vol.
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p é n é t r e r o n t v r a i m e n t en Afrique tropicale, et leurs récits


ne d e v r o n t d'être connus q u ' à des contemporains avides de
sensationnel. Ces récits a p p o r t e n t peu d'informations v r a i m e n t
nouvelles. Ainsi le capitoul toulousain Anselme d'Ysalguier
séjourne à Gao, capitale de l'empire Sonrhay de 1405 à 1413,
mais ne semble avoir r a m e n é de son voyage q u ' u n e épouse
fille d ' u n chef d u p a y s et quelques enfants métis. L ' I t a l i e n
Malfante, c o m m e r ç a n t au Touat, en 1447, donne dans sa
correspondance à Giovanni Mariono de Gênes, de précaires
renseignements sur le Soudan nigérien. E n 1470 le florentin
B e n e d e t t o Dei v i e n t faire du commerce à T o m b o u c t o u que
visitera u n siècle et demi plus tard, les fers a u x pieds, le marin
français Pol Imbert, esclave du cadi H a m a r .

B. Récits des navigateurs


Alors q u ' a u xve siècle, on note une sorte de déclin des rela-
tions arabes, les navigateurs portugais du Discobrimento qui
o n t a t t e i n t Arguin en 1445 nous a p p o r t e n t au contraire une
ample moisson de renseignements sur les régions côtières
de l'ouest africain.
L a Chronique de Guinée de Z u r a r a (vers 1453) p a r a î t être
le premier d o c u m e n t i m p o r t a n t ; il est suivi des relations
de voyage d'Alvise da Ca da Mosto, qui découvre en 1446 le
cap Vert et laisse (1455) un bon récit de son voyage (1). Diego
Gomez qui r e m o n t e la Gambie et explore K a n t o r a , donne des
renseignements sur les populations qu'il rencontre.
Le xvie siècle est m a r q u é par les relations de Valentin
F e r n a n d è s (2) et D u a r t e Pacheco Pereira (1506-1510) (3).
A mesure que les Portugais s'enfoncent vers le sud, de n o u v e a u x
renseignements nous p a r v i e n n e n t sur les populations côtières.
Ludovic de V a r t h e m a , compagnon de Vasco de Gama, nous
donne les premiers commentaires sur les H o t t e n t o t s (4),
et u n peu plus t a r d Francisco Alvarez rend c o m p t e d ' u n e
a m b a s s a d e effectuée en 1520-1527 à la cour d ' E t h i o p i e (5).
Cependant la relève hollandaise a m è n e sur la côte ouest-
africaine des navigateurs perspicaces. On p e u t n o t e r la descrip-

(1) Alvise DA CA DA MOSTO, Relation des voyages sur la côte occidentale


d'Afrique, 1455-1457; Paris, 1895.
(2) Fernandes VALENTIN, Description de la côte occidentale d'Afrique,
trad. Th. Monod, A. Texeira da Mota et R. Mauny, Bissao 1951, p. 227,
(3) DUARTE PACHECO PEREIRA, Esmeraldo de Situ Orbis (vers 1506-1508),
trad. Mauny, 1956.
(4) Voyages de Ludovic de Varthema (1503-1508), ou le Viateur en la plus
grande partie d'Orient; trad. J. Ballarin de Raconis; publié par Schefer,
Paris 1888.
(5) Francisco ALVAREZ, Verdadera Informaçam das terras do Preste Joam,
Lisbonne 1540.
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tion de van Linschoten (1) van Mares (2) Pieter van den
Brocke (1605-1614). Puis au milieu du XVIIe siècle, Français
et Anglais interviennent et ce sont les travaux de Jannequin (3),
d'Elbée (4), La Courbe (5) ainsi que ceux de Philips et Mac
Leod (6).

2. — TENTATIVES CATHOLIQUES DES xvie ET XVIIe SIÈCLES

Conscients de leurs devoirs chrétiens, les souverains du


Portugal envoient très vite des religieux dans le bassin du
Congo et en Angola. Un chevalier de Malte, Philipe Pigafetta,
diplomate, historien et capitaine, donne, dès la fin du xvie
siècle une relation d'un voyage au Congo d'après les écrits
du Portugais Duarte Lopez (7). Du Jarrie nous rend compte
du progrès de l'évangélisation et de l'œuvre particulière des
Jésuites (8), cependant que chez les Britanniques Samuel
Purchas (9) nous parle longuement de l'Afrique dans ses
« pèlerinages », grâce surtout à la documentation laissée par
Hakluyt dont on sait l'œuvre importante dans le domaine
de la géographie et de l'exploration du monde (10).
Les Pères italiens prennent une part capitale à la rédaction
des premiers récits concernant notamment l'œuvre catholique
au Congo, un article très documenté sur la contribution des Ita-
liens à la connaissance de l'Angola a même pu être récemment
écrit (11). Les relations de ces capucins italiens apportent
une masse considérable de renseignements. Nous citerons

(1) J a n HUYGEN VAN LINSCHOTEN, Descriptio totius Guineae tractus


Coned. A n a o l a e et M o n o m o t a v a e : L a H a v e 1599.
(2) P. VAN MARES, Description et récit historial du riche royaume d'or
Guinea; aultrement nommé la côte d'or mina gisante en certain endroit de
l'Afrique, Amsterdam 1605.
(3) JANNEQUIN CI., Voyage de Libye au royaume du Sénégal, le long du
Niger, Paris, 1643.
(4) D'ELBÉE, Journal de voyage du sieur d'Elbée, Paris 1671.
(5) LA COURBE, Premier voyage du sieur de la Courbe à la côte d! Afrique;
en 1685 publié par Cultru, Paris 1913.
(6) PHILLIPS et MAC LEOD, Journal de voyage, 1693-1694.
(7) PIGAFETTA Filippo, Relazione del Reame di Congo et delle circonvicine
Conlrada Tratti dalli Scritti e regionamenti di Odoardo Lopez, Roma 1601.
(8) Du JARRIE, Histoire des choses les plus mémorables advenus tant ez
Indes orientales que autre pais, de la découverte des Portugais et de l'établis-
sement et progrez de la foy chrétienne et. catholique et principalement
de ce que les religieux de la compagnie de Jésus y ont fait, Bordeaux 1608.
(9) PURCHAS Samuel, Pèlerinage à travers le monde et les religions qu'il a
étudiées dans tous les temps et dans tous les lieux, 1613, Hakluytus postbu-
mus 1625.
(10) HAKLUYT Richard, Principal navigation voyages, trafiques and
discoveries of the english nations, 1598-1600.
(11) Eden Emmeranuel SAROT, La contribution des Italiens à la connais-
sance de l'Angola; Zaïre 9, 8, p. 823-847, oct. 1955.
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entre autres les pères Giovanni Francesco Di Roma (1), Pellicer


de Tovar (2), Antonio di Gaeta (1669), Giacinto di Vetralla (3).
Gioia de Napoli (4) Denys de Carli de Plaisance et Michel
Ange de Gattine dont la traduction du récit en français paraît
à Lyon en 1680 (5). Puis ce sont, la même année, les travaux
de Fortunatus (6) et du R. P. Giovanni Antonio Cavazzi de
Montecoculli (7) suivies, cinq ans plus tard, du livre de Giro-
lamo Marolla di Sorrente (8), puis en 1712 de la relation du
voyage d'Antoine Zucchelli (9).
Les archives missionnaires constituent un très remarquable
fonds qui peut être exploité soit par des historiens spécia-
listes, soit par des missionnaires en congé. C'est ainsi que le
R. P. Antonio Brasio a déjà publié six volumes couvrant la
période 1471-1621 de l'histoire congolaise. Parallèlement il faut
noter le travail des RR. PP. Jadin et Cuvelier, L'ancien Congo
d'après les archives romaines, dont le premier volume concerne
la période 1518-1640.

3. — RÉCITS DES CHEFS DE COMPTOIRS ET PREMIÈRES


RECONNAISSANCES VERS L'INTÉRIEUR (XVIIe ET XVIIIe)
A partir du XVIIe siècle, le développement de la traite va
entraînèr l'installation sur la côte de comptoirs plus ou moins
fortifiés qui serviront souvent de barracons (entrepôts d'escla-
ves). En même temps les navigateurs donnent un tour plus
pratique aux contacts locaux qu'ils prennent. Les souverains
des districts côtiers sont le plus souvent appréciés en fonction
de leur perméabilité commerciale et de leur aptitude à fournir
à temps les cargaisons d'esclaves nécessaires aux plantations
américaines.
Cependant les traitants, navigateurs ou militaires, mènent

( 1 ) G i o v a n n i F R A N C E S C O DI R O M A , B r e v e r e l a z i o n e d e l l a m i s s i o n e d e i
C a p u c c i n i a l C o n g o , N a p l e s 1 6 4 8 ; R e l a z i o n e del successo della m i s s i o n n e d e i
frati capuccini del Serafico P. Francesco al Congo, R o m e 1649.
(2) P e l l i c e r DE TOVAR, D J O S E P H , m i s s i o n e v a n g e l i c a a l R e y n o de C o n g o
p o r l a s e r a f i c a reliQion de las c a p u c h i n o s , M a d r i d 1649.
(3) G i a c i n t o DI VETRALLA, D o c t r i n a è h r i s l i a n a a d profectun m i s s i o n i s
totius r e g n i Congo; R o m e , 1650.
(4) GIOIA DE NAPOLI, Conversione della Regina Singa e del suo regno de
Matamba; Naples 1669.
(5) RR. PP. Michel Ange de GATTINE et Denys DE CATILI de Plaisance,
Relation curieuse et nouvelle d'un voyage au Congo, fait es années 1661 et
1667.
(6) FORTUNATUS, H i s t o r i a de m i s s i o n i b u s Angolae, Congi et a l i o r u m
r e g n o r u m A f r i c a e et I n d i a r u m , c u m M o r i b u s i l l a r u m r e g i o n u m , 1687.
(7) CAVAZZI, I s t o r i a descrizione digli tre r e g n i Congo, A n g o l a et M a t e m p a ,
1687.
(8) G i r o l a m o MEROLLA DI SORRENTE, Breve e succinta relatione del viaggio
nel regno di Congo n e l l ' A f r i c a m e r i d i o n a l i , N a p l e s 1692.
(9) A n t o i n e ZUCHELLI DI GRADISCA, Relazione del viaggio e m i s s i o n e di
Congo, V e n i s e 1712.
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dans ces comptoirs fortifiés une vie sur laquelle le journal


du château d'El Mina (1645-1647) nous apporte un intéressant
témoignage. Ils ne font que de petites reconnaissances limitées
dans le temps et l'espace et c'est seulement à partir de la fin
du XVIIle siècle que l'on peut parler d'explorations.
On peut citer les récits de Peyssonnel (1), Dralsé de Grand-
pierre (2), Labat (3), Snelgrave (4), Atkins (5) qui exposent
l'état des comptoirs de la còte des esclaves, cependant que
Moore (6), Smith (7), Sidney Smith (8), Lindsay (9), Roemer (10)
apportent une contribution non négligeable à la connaissance
de la còte ouest-africaine.
Dans la deuxième moitié du xvine siècle, des « résidents »
agents des maisons de commerce, parfois gens cultivés, mon-
trent une connaissance solide des divers groupes ethniques
de la région dont ils ont la responsabilité. Parmi ces voyageurs
ou résidents on peut citer Matthews au Sierra Leone (11),
Pruneau de Pommegorge (12) au Dahomey, sous-directeur
puis directeur du fort Saint-Louis, l'Anglais Norris (13) puis
Gourg (14) respectivement chef des comptoirs anglais et
français de Ouidah. A cet ensemble il faut ajouter le rapport
du chirurgien danois Isert (15) et du pittoresque corsaire bour-
guignon Landolphe (16) qui s'installe au Bénin, combat les
Anglais sous la Révolution et donne son nom à un genre de
plantes de la famille des apocynacées dont plusieurs lianes
fournissent du 'latex.

(1) PEYSONNEL Jean-André, Relation d'un voyage sur les cóles de Barbarie
en 1724 et 1725, Paris 1838.
(2) DRALSÉ DE GRANDPIERRE, Relation de divers voyages fails dans l'Afri-
que. Description du royaume de Juda, Paris 1718.
(3) LABAT, Voyage du chevalier des Marchais en Guinée et aux tles voisines,
Amsterdam 1731.
(4) SNELGRAVE William, Nouvelle relation de quelques endroits de Guinée
el du commerce d'esclaves qu'on y lait, traduit de l'anglais par AFD Cou-
langes, Amsterdam 1735.
(5) ATKINS, A voyage to Guinea, Londres 1737.
(6) MOORE, Travels into the inland Darts of Africa. Londres 1738.
(7) Smith WILLIAMS, Nouveau voyage en Guinée. Traduit de l'anglais,
Londres 1744.
(8) SIDNEY Smith, Relation de fouace en Guinée: Londres 1746-1748.
(9) LINDSAY, Voyage to the Coast of Africa, 1758.
(10) ROEMER L u d w i g , N a c h r i c h t e n von der K ü s t e von Guinea, Leipzig 1769.
(11) MATTHEWS J o h n , Voyage to the river S i e r r a Leone, L o n d r e s 1788.
(12) PRUNEAU DE POMME GORGE, Description de la Nigritie, Amsterdam
et Paris 1789.
(13) NORRIS, Mémoires du règne de Bossa-Ahadé roi du Dahomey, état
situé dans l'intérieur de la Guinée et voyage de l'auteur à Abomé ; trad. de
l'anglais, Paris 1790.
(14) GOURG, Mémoire pour servir d'instruction au directeur qui me succé-
dera au comptoir de Juda, 1791, dans Mémorial de l'artillerie de marine
T. XX, 1892.
(15) ISERT Paul Erdmann, Voyage en Guinée et dans les îles caraïbes de
l'Amérique, Copenhague 1788, traduit de l'allemand, Paris 1793.
(16) QUESNÉ, Mémoires du capitaine Landolphe contenant l'histoire de ses
voyages... aux côtes d'Afrique et aux deux Amériques, Paris 1823.
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4. — PREMIÈRES SYNTHÈSES

Le terme de synthèse est peut-être un peu pompeux pour


des documents qui sont généralement analytiques et doivent
leur substance à des emprunts qui tiennent du plagiat.
Les droits d'auteur étant alors inexistants, les gens qui vivent
de plume pillent sans vergogne les écrits qu'ils ont sous la
main. Il est très difficile de retrouver les sources des tout
premiers renseignements. Bien souvent les récits sont copiés
les uns sur les autres sans que l'on sache si la toponymie est
due à tel navigateur et commerçant ou tout simplement à
une coquille.
Ces synthèses (ou ces compilations) sont parfois l'œuvre
de fonctionnaires ou de commis qui sont mêlés à la vie de leur
nation outre-mer, ou qui, par leur fonction, ont accès aux
documents rapportés par les navigateurs. Joao de Barros (1),
gouverneur des établissements portugais sur la côte de Guinée,
fait, dans son histoire des conquêtes portugaises outre-mer,
une place importante à l'Afrique. Luis Marmol y Carvajal (2)
passe vingt-deux ans en Afrique, surtout septentrionale.
Il faut citer l'œuvre de Pory (3), de Villault de Bellefonds (4)
celle d'Ogilvy (5) qui ne semble pas avoir été en Afrique, mais
s'y est passionnément intéressé.
L' Historia das Guerras Angolanas écrite en 1681 par un
colonial, Oliveira de Cadornega, qui avait plus de quarante
ans d'expérience du pays, est autre chose qu'une compilation
et comprend de nombreuses notes sur les coutumes des tribus
de l'Angola.
Les descriptions de Dapper (6), Bosman (7), Barbot (8)
montrent des connaissances relativement précises des districts
côtiers.
En 1728 un dominicain, le P. Labat (9), publie une énorme
compilation de valeur inégale Nouvelles relations de l'Afrique
occidentale qui comprend de nombreux récits de missionnaires
et fait le point de nos connaissances d'alors sur la côte ouest afri-

(1) J o a o DE BARROS, De A s i a , L i s b o n n e 1552.


(2) MARMOL Y CARVAJAL, D e s c r i p c i o n general de A f r i c a , G r e n a d e 1573,
T e r r a de los negros, M a l a g a 1599, t r a d . N . de P e r r o t d ' A b l a n c o u r t , P a r i s ,
3 vol.. 1667.
(3) PORY J o h n , Geographical H i s t o r y of A f r i c a , L o n d r e s 1600.
(4) VILLAULT DE BELLEFONDS, R e l a t i o n des Costes d ' A f r i q u e appelées
Guinée, P a r i s 1669.
(5) OGILVY J o h n , Collection of a f r i c a n travels, L i v e r p o o l 1670, A f r i c a ,
L o n d r e s 1679.
(6) DAPPER O., D e s c r i p t i o n de l ' A f r i q u e , A m s t e r d a m 1685.
(7) BOSMAN G u i l l a u m e , Voyage de Guinée, U t r e c h t 1705.
(8) BARBOT J . , A description of coast of N o r t h a n d South Guinea, L o n d r e s
1732.
(9) R . P . LABAT, Nouvelles relations de l ' A f r i q u e occidentale, P a r i s , Giffard
1725, 5 vol.
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caine. On peut citer également les œuvres de l'abbé Prévost (1)


et d'Antoine Bénezet (2). Après l'ouvrage d'Odendorp (3)
c'est en 1767 celui de l'abbé Dermanet (4) en 1775, les anec-
dotes africaines du journaliste et auteur dramatique Dubois-
Fontanelle (5) puis, l'année suivante, l'Histoire du Loango de
l'abbé Proyart (6). Ayant séjourné au Loango, l'abbé Proyart
groupe méthodiquement les connaissances rassemblées sur
l'Afrique équatoriale grâce aux abondantes relations des
préfets apostoliques et donne un état précis des traditions
indigènes de l'époque.
Enfin de petites monographies voient le jour à la fin du
XVIIIe siècle, telle l'histoire du Dahomey de l'Anglais Dalzel (7)
et le précis de Waldstrom sur le Sierra Leone (8).

5. — LES EXPLORATIONS SCIENTIFIQUES DU xixe SIÈCLE

La création de l'African Society de Londres, le mouvement


scientifique déclenchée par la Révolution française et notam-
ment l'expédition d'Egypte, vont être à l'origine des explo-
rations scientifiques du continent africain. Sans doute les
préoccupations des explorateurs sont-elles surtout géogra-
phiques, il s'agit d'élucider le problème du Niger, des sources
du Nil, du Congo, du Tchad, de Tombouctou. Mais la valeur
intellectuelle des Européens qui passent en Afrique s'améliore.
Dans le deuxième quart du xixe siècle, les sociétés mission-
naires s'installent en divers points. Les croisières anti-esclava-
gistes amènent le long des côtes des marins, surtout britanni-
ques et français, qui sont pleins de sympathie pour les noirs.
Les notes concernant les coutumes et les institutions des
états africains sont transcrites avec soin. Des revues scienti-
fiques de plus en plus nombreuses font bon accueil aux articles
et communications des explorateurs
L'Afrique australe est sérieusement reconnue et décrite
à la fin - du xvme siècle par les Suédois Sparmann (9) et

(1) Abbé PRÉVOST, Histoire générale des voyages, 1746.


(2) BÉNEZET Antoine, Mémoire historique sur la Guinée avec des recher-
ches sur l'origine et les progrès de la traite des noirs, sa nature et ses tristes
effets.
(3) ODENDORP, Geschichte der M i s s i o n a r e n , 1755.
(4) DERMANET, Nouvelle histoire de l ' A f r i q u e f r a n ç a i s e , P a r i s 1767.
(5) DUBOIS-FONTANELLE, Anecdotes a f r i c a i n e s , 1775.
(6) PROYART, H i s t o i r e de L o a n g o et d ' a u t r e s r o y a u m e s d ' A f r i q u e , r é d i g é e
d ' a p r è s les m é m o i r e s des p r é f e t s a p o s t o l i q u e s de l a mission f r a n ç a i s e .
(7) Archibald DALZEL, History of Dahomey, Londres 1792.
1 (8) WALDSTROM, Précis sur l'établissement des colonies de Sierra Leone
et de Boulama, Paris 1798.
(9) SPARMANN André, Voyage au Cap de Bonne Espérance, au cercle
polaire austral et autour du monde ainsi que dans les pays des Hottentots
et des Cafres au cours des années 1772 à 1776, Paris 1787.
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Thunberg (1) les Anglais Patterson (2) Barrow (3) et le Français.


Levaillant (4). A la même époque, Jack Bruce reconnaît le
haut Nil.
Dans l'ouest africain la marche vers le Niger, l'installation
française au Sénégal, britannique au Sierra Leone et en Gold
Coast entraînent la rédaction de nombreux rapports qui nous
font pénétrer toujours davantage l'intérieur du continent.
Durand (5) nous donne de précieux renseignements sur le
Sénégal de cette époque, il faut signaler aussi Damberger (6)
et Golberry (7). Le médecin écossais Mungo Park (8) reconnaît
le haut Niger avant de disparaître aux rapides de Boussa.
Winterbottom (9), Grey Jackson (10) Meredith (11) Mollien (12)
Bowdich (13) Dupuis (14), accroissent nos connaissances sur
l'ouest africain cependant que Campbell (15) explore l'Afrique
du sud, Cailliaud le haut Nil (16) et Tuckey (17) le Congo.
Denham et Clapperton (18), René Caillé (19) explorent le Soudan ;
et Tombouctou, cependant que Laird (20) et les frères Lander (21)
reconnaissent le cours du Niger depuis son embouchure. 1

(1) THUNBERG Ch. P i e r r e , Voyage en A f r i q u e et en Asie, s e r v a n t de s u i t e


a u v o y a g e de S p a r m a n n , P a r i s 1794.
(2) PATTERSON W i l l i a m , Voyages a u p a y s des Hottentots et des Cafres
a u c o u r s d e s a n n é e s 1777, 1778 e t 1791.
(3) BARROW J o h n , Voyage d a n s la p a r t i e m é r i d i o n a l e de l ' A f r i q u e , f a i t d a n s ,
les a n n é e s 1797 e t 1798, t r a d u i t de l ' a n g l a i s p a r L. D e g r a n d é , P a r i s 1801.
(4) LEVAILLANT F . , R e l a t i o n s de d e u x voyages d a n s l ' i n t é r i e u r de l ' A f r i q u e
p a r le Cap de B o n n e E s p é r a n c e , 1798-1803.
(5) DURAND J . B., Voyage a u S é n é g a l , P a r i s 1801.
(6) DAMBERGER C h r i s t i a n F r e d e r i c k , Voyage d a n s l ' i n t é r i e u r de l ' A f r i q u e
depuis le cap de B o n n e - E s p é r a n c e j u s q u ' d u M a r o c , t r a d . D e l a m a r r e , P a r i s
e t S t r a s b o u r g 1801.
(7) GOLBERRY, F r a g m e n t s d ' u n voyage en A f r i q u e , P a r i s 1802.
(8) MUNGO PARK, Voyage d a n s l ' i n t é r i e u r de l ' A f r i q u e f a i t en 1795, 1796 et
1797, t r a d . P a r i s , 2 vol., 1799.
(9) WINTERBOTTOM Thomas, An account of the Natives Africans in
Neighbourhood of Sierra Leone, 1803, 2 vol.
(10) Grey JACKSON, An account of the empire of Morocco, 1809.
An account of Timbouctou and Haoussa, Londres 1820.
(11) MEREDITH, Account of the Gold Coast of Africa, Londres 1812.
(12) MOLLIEN, Voyage dans l'intérieur de l'Afrique aux sources du Sénégal
et de la Gambie, Paris 1820.
(13) BOWDICH T. E., A mission from Cape Coast Castle to Ashantee,
Londres 1819. British and French expedition to Teembo, 1821; Essay on the
geography of north western Africa, 1824.
(14) DUPUIS Joseph, Journal of a residence in Ashantee, Londres 1843.
(15) CAMPBELL John, Travels in South Africa, Londres 1815.
(16) CAILLIAUD, Vouaqe à Meroe, Paris 1826.
(17) TUCKEY. Expedition to the river Zaire, Londres 1818.
(18) DENHAM, CLAPPERTON et OUDNEY, Voyages et découvertes dans le
nord et dans les parties centrales de l'Afrique, trad. Eyriès et de Larenaudière
Paris, 1826.
(19) CAILLÉ, Journal d'un voyage à Tombouctou et à Djenné, Paris 1830.'
(20) LAIRD and OLDFIELD, Expedition into the interior of Africa by the
river Niger, Londres 1837.
(21) LANDER Richard, and John, Journal of an Expedition to explore
h e course and termination of the Niger, Londres 1838.
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Le missionnaire protestant français Thomas Arbousset (1)


en Afrique australe, Raffenel (2) dans l'arrière-pays du Sénégal
et de la Guinée nous conduisent à Barth (3) qui pendant six
ans (1849-1855) parcourt le Soudan nigérien en tous sens du
Sénégal à la Bénoué.
La deuxième moitié du xixe siècle voit une exploration
toujours plus méthodique du continent africain. Chaque région
d'Afrique est la province d'un grand nom de l'exploration,
missionnaire comme Livingstone (4), chasseur comme Du
Chaillu (5) journaliste comme Stanley (6). Ce seront le plus
souvent des officiers travaillant pour leur pays ou — comme
au Congo et dans les possessions turques du haut Nil — pour
des puissances étrangères ou un état international.
Presque chaque année verra paraître un nouveau récit de
voyage, un nouveau compte rendu d'exploration, nous ne
pouvons que les énumérer rapidement : von Heuglin en
Abyssinie (7), Gamitto dans le bassin du Congo (8), Krapf en
Afrique orientale (9), Anderson dans le sud-ouest (10) Burton dans
la région des lacs (11) Mage au Soudan (12) Von Harnier (13)
et Baker (14) dans le haut Nil, Chapman (15) en Afrique australe,
Rohlfs (16) et Cameron (17) à travers le continent, Schweinfurth
(18) en Afrique équatoriale, Nachtigal (19) au Soudan tchadien,
Lenz (20) à Tombouctou, Holub (21) en Afrique australe,

(1) ARBOUSSET Thomas, Voyage d'exploration aux montagnes bleues,


Paris 1838.
(2) RAFFENEL, Voyage à la Côte occidentale d'Afrique, Paris 1843-1844
et 1846; Nouveau voyage dans le pays des nègres, Paris 1856.
(3) BARTH, Voyages et découvertes dans Afrique septentrionale et centrale,
Paris 1855.
(4) LIVINGSTONE, Missionary travels and researches in South Africa, 1858.
Narrative of an expedition to the Zambezi and its tributaries, Londres 1865.
(5) Du CHAILLU, Exploration and adventures in Equatorial Africa, Londres
1861.
(6) STANLEY, Through the dark continent, Londres 1878.
(7) VON HEUGLIN, Reisen in Nord Ost Africa, Gotha 1851; Reise nach
Abessinien, lena 1868; Reise in das Gebiet des Weissen Nil, Leipzig 1869;
Reisen in Nordostafrika, Brunswick 1877.
(8) GAMITTO, Muata Cazembe, Lisbonne, 1854.
(9) KRAPF, Reisen in Ostafrika, Stuttgart 1858.
(10) ANDERSON, Reisen in Südwest Afrika, Leipzig 1858. Der Okavango
Strom, Leipzig 1863; Lake Ngami, Londres, 1856.
(11) BURTON, Voyage aux grands lacs de l Afrique orientale, trad. Loreau,
Paris 1862.
1 (12) MAGE, Voyage dans le Soudan occidental, 1863-1866.
(13) V. HARNIER, Reisen am oberen Nil, Darmstadt, Leipzig 1866.
(14) BAKER, The Nile and its tributaries of Abessynia, Londres 1867.
(15) CHAPMAN, Travels in the interior of South Africa, Londres 1868.
(16) ROHLFS, Quer durch Afrika. Leipzig 1874.
(17) CAMERON, Across Africa, Londres 1877.
(18) SCHWEINFURTH, Im Herzen von Afrika, Leipzig 1878.
(19) NACHTIGAL, Sahara und Sudan, Berlin 1879.
(20) LENZ, von der Kaspadt ins Land der Maschukulumbwe, Vienne
.1890-1891.
(21) HOLUB, Sieben Jahre in Süd Afrika, Vienne 1881.
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Serpa Pinto (1) de l'Angola au Moçambique, Wissmann (2)


au Kassai et dans l'ensemble du Congo, Junker (3) Dominik (4)
au Cameroun, Binger (5) dans la haute Côte d'Ivoire et au
Soudan, von Gôtzen (6), Maistre (7) et Monteil (8) au cours
de grands voyages de reconnaissance.

6. — EXPLORATIONS DE DÉTAIL ET MONOGRAPHIES

A partir du congrès de Berlin (1885), c'est une véritable


ruée sur le continent noir. Les doctrines successives des
« traités indigènes », puis de « l'occupation effective » obligent
les officiers à faire des enquêtes sur l'organisation administra-
tive des royaumes noirs, ne serait-ce que pour mettre sous sa
protection le « bon » souverain et non un quelconque préten-
dant ou chef de canton.
Avec l'occupation effective, nous sommes dans la période
de création des postes. Les chefs de poste qui se succéderont
jusqu'à la première guerre mondiale feront un travail remar-
quable. Chacun dans sa province, le chef de district, de cercle,
de département, de région (l'appellation varie avec les terri-
toires) étudiera la zone qui lui est impartie. A mesure que nous
étudierons l'histoire de chacune des régions africaines, nous
citerons les plus notables parmi les auteurs de ces mono-
graphies.
On pourrait penser que la qualité de ce qui a été écrit sur
l'Afrique va s'améliorant à mesure que les années passent.
Sans doute est-ce en grande partie exact, mais il arrive de
trouver sous la plume de tel brillant sociologue hautement
spécialisé dans l'étude des sociétés africaines des erreurs que
tel officier ou missionnaire venu soixante ans plus tôt n'a pas
commises. Si nous voulons porter un jugement de valeur sur
les documents, on peut dire en gros que ceux des xvie, XVIIe
siècles comportent une partie « sensationnelle » souvent fausse,
pour frapper la curiosité du lecteur européen.
Les infatigables plagiaires du XVIIIe, gens besogneux et
sans scrupules, n'hésitent pas à rajouter des détails savoureux
sur les « bons » (ou les mauvais) sauvages, voire à faire passer
dans quelque Monomotapa lointain certains faits observés
au Sénégal ou à la côte des graines, de l'or ou des Males gens.
(1) Serpa PINTO, Comment j'ai traversé l'Afrique, Paris 1882.
(2) WISSMANN, Im innerste Afrika, Leipzig 1888. Unter deutscher Flagge
quer durch Afrika, Berlin 1889. Meine Zweite Durchquerung Aequatorial
Afrikas, Francfort s/ Main 1890.
(3) JUNKER, Reisen in Afrika, Vienne, Olmütz 1889-1892.
(4) DOMINIK, Kamerun, 1890; Von Atlantik zum Tschadsee, Berlin 1908.
(5) BINGER, Du Niger au golfe de Guinée, Paris 1891.
(6) VON GÖTZEN, Durch Afrika von Ost nach West, Berlin 1895.
(7) MAISTRE, A travers l'Afrique centrale, Paris 1895.
(8) MONTEIL, De Saint-Louis à Tripoli par le Tchad, Paris 1896.
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Le xixe, siècle du progrès, verra paraître de nombreuses


revues où les faits observés en Afrique seront reproduits
et commentés. La facilité et la vitesse accrue des communi-
cations permettent déjà de confronter les points de vue.
Le xxe, siècle de la discipline scientifique, en précisant les
méthodes de l'ethnologie, de la sociologie et de la linguistique
permettra d'améliorer constamment la qualité d'une documen-
tation de plus en plus abondante et choisie.

7. — LES ARCHIVES

C'est à une date relativement récente que l'on s'est préoccupé


de l'exploitation méthodique des archives concernant la
pénétration européenne en Afrique. La consultation de ces
archives pose divers problèmes : leur variété d'abord, les unes
sont officielles (gouvernementales, diplomatiques) les autres
privées (missionnaires, commerciales), leur dispersion ensuite :
certaines archives sont au chef-lieu du territoire africain
(Dakar, Le Cap, Accra), d'autres dans certains ports (Nantes,
Brême, Amsterdam, etc.) cependant qu'une importante quan-
tité doit être consultée dans la capitale du pays colonisateur
(Portugal, France, Grande-Bretagne, Belgique, Allemagne, Pays-
Bas, Danemark, Turquie, Egypte, Espagne) ou dans d'autres
territoires coloniaux. C'est ainsi que les archives de Goa
éclairent certains aspects de l'histoire du Moçarnbique et les
documents brésiliens ou antillais apportent des lumières cer-
taines sur la période esclavagiste de la côte occidentale.
Les archives diplomatiques plus ou moins accessibles exis-
tent sauf destruction accidentelle dans tous les pays qui ont
à un moment ou à un autre entretenu des postes consulaires
en Afrique. C'est ainsi que Vienne possède encore une certaine
quantité d'archives encore peu exploitées, notamment sur les
régions soudanaises. Certaines zones sensibles comme celles
du haut-Nil par exemple ont suscité dès le début de la pénétra-
tion égyptienne (1839) une série de rapports émanant de tous
les voyageurs circulant dans ces régions.
Les archives missionnaires sont en partie au siège des
sociétés en Europe ou en Amérique du nord avec, pour les
missions catholiques, une concentration croissante à Rome
et dans les capitales des pays d'Afrique qu'elles ont comme
champ de mission.
Les archives commerciales souvent moins exaltantes sont
moins soigneusement conservées. Certains armateurs de
Nantes et de Bordeaux qui ont bâti leur fortune sur la traite
des esclaves n'ont pas tout gardé avec la même piété. En
Afrique l'incurie de certains commis ou boutiquiers a été
un précieux auxiliaire pour la moisissure ou les termites.
Quand ces précieuses archives n'ont pas alimenté la joyeuse
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flambée de « paperasses inutiles » qu'un dynamique nouveau-


venu plus soucieux de nettoyage que d'histoire locale a cru
pouvoir prescrire.
Il n'en est pas moins possible de comprendre certains aspects
de la pénétration anglaise en basse Nigeria grâce aux lettres,
conservées à Liverpool par la maison John Holt (1) ou d'avoir,
grâce à certains documents de la maison Régis et Fabre de
Marseille, des lumières nouvelles sur la façon dont l'autorité
française s'est réimplantée au Dahomey à la fin du siècle dernier.
La dispersion n'est actuellement plus un obstacle, sauf en ce
qui concerne le financement, du fait des facilités de la photocopie.
Encore faut-il avoir un catalogue précis des archives de telle ou
telle bibliothèque. Ajoutons aussi les difficultés de traduction
pour des langues comme le hollandais, le danois ou le portugais.
Une des difficultés majeures est le petit nombre d'archi-
vistes s'intéressant à l'histoire africaine et capable de susciter
des vocations parmi des étudiants et des collaborateurs afri-
cains. Les historiens sont habitués à centrer leurs dévelop- -
pements sur la partie coloniale; seuls, ceux qui ont l'esprit
de contradiction ont parfois su traiter leur sujet du point de
vue africain. Il y a toute une éducation de l'historien à faire.
Les archives des territoires possèdent souvent des études
locales qui sont d'autant plus denses et plus nombreuses que
le partage colonial effectué, les postes d'implantation européenne
sont plus rapprochés. Les rapports de cette période d'occupa-
tion coloniale sont généralement très étudiés et rédigés avec
soin et méthode.
Au cours de cette période où la précarité de l'installation
le dispute aux difficultés sanitaires, l'officier, le médecin,
l'administrateur, célibataires vivent près des villageois (... et
des villageoises !) dont ils savent souvent la langue.
N'étant pas alors trop encombrés de statistiques à fournir,
ils peuvent étudier méthodiquement les races, les coutumes, -
les traditions.
Par ailleurs, les tournées se font à pied, en hamac ou à cheval,
en tout cas au rythme de vie qui est celui de la brousse. L'inter-
rogatoire à tendance ethnographique correspond à la pause,
à l'étape quand l'ordre du jour de service est épuisé.
Parmi cette infrastructure de praticiens locaux, des missions
géographiques ou ethnographiques seront envoyées. Ainsi
passeront avant la première guerre mondiale Frobenius,
Desplagnes et quelques autres.
Cet apport des vingt ou trente premières années de la période
coloniale a une importance considérable. Plus tard, la manière
de vivre du personnel change; le fonctionnaire de brousse
vit en famille et n'a plus bien souvent avec l'Africain que des
rapports de service.
(1) Cherry GERTZEL, John Holt and the West African trade, 1862-1914.
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8. — DOCUMENTS ASIATIQUES ET AMÉRICAINS


La part prépondérante jouée par l'Europe dans l'essor des
divers territoires africains ne doit pas nous faire oublier les
relations qui ont existé jusqu'aux xive et xve siècles, notam-
ment avec l'Inde et la Chine.
Certains documents chinois des XIIe et XIIIe siècles font
état des T'aschi (arabes) du pays Tsongpa (Zanzibar) qui
portent des vêtements de lin bleu, et des chaussures de cuir
rouge. Les produits du pays sont des dents d'éléphant, de l'or,
de l'ambre et du bois de santal.
Il est à souhaiter que les érudits chinois et indiens recher-
chent dans des documents correspondants à notre moyen âge
tout ce qui concerne les relations de l'Asie du sud-est avec
l'Afrique, ce qui éclairerait d'un jour nouveau les relations
commerciales avec ces pays.
Nous indiquons par ailleurs l'importance probable du fond
sud américain en ce qui concerne le trafic dans l'Atlantique
sud aux XVIIe et XVIIIe siècles.

9. — DES PREMIERS ESSAIS DE COORDINATION


AUX ACTUELLES CONFÉRENCES INTERNATIONALES
Les recherches s'effectuent dans le cadre des territoires
délimités par la conquête européenne et, bien souvent, il
n'y a pas de liaison entre les travaux entrepris en Afrique
française, anglaise, portugaise, espagnole ou au Congo belge.
La création, en 1906, par le R. P. Wilhelm Schmidt de la
revue Anthropos est une première tentative catholique pour
rassembler les articles de tous ceux qu'intéressent l'ethnologie
et la linguistique; mais Anthropos n'est pas une revue spécifi-
quement africaine, non plus que ces « semaines d'ethnologie
religieuse » organisées par le même R. P. Schmidt.
C'est en 1926 qu'est créé, sous la présidence de Lord Lugard,
l'Institut international africain de Londres qui centralise les
renseignements ethnologiques, sociologiques et linguistiques
de l'Afrique tout entière. Cet institut est illustré par les noms
de ses plus éminents directeurs : Labouret, Westermann,
Darryl Forde et constitue une source particulièrement valable
pour l'histoire africaine.
En 1936 est créé l'Institut français d'Afrique noire qui
centralise, grâce au remarquable animateur qu'est Théodore
Monod, l'ensemble de la documentation recueillie sur l'Afrique
française.
L ' I F A N succède au Centre d'études historiques et scienti-
fiques de l'AOF qui depuis un quart de siècle permettait
de faire une heureuse synthèse des communications diverses
émanant des territoires de l'ouest africain français.
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Mais c'est depuis la fin de la deuxième guerre mondiale


que la facilité accrue des moyens de transports a permis en
divers points d'Afrique des rencontres internationales groupant
grâce à la CCTA (1) les plus éminents savants de chaque nation.
Ainsi ont eu lieu tous les deux ans à Dakar, Bissao,
Ibadan, etc., en un point différent de l'ouest africain, les
conférences des Africanistes de l'Ouest. Pour l'ensemble du
continent, les congrès panafricains de préhistoire rassemblent
tous les quatre ans les préhistoriens du continent tout entier.
A partir de 1950, l'école pour les langues orientales et africaines
de Londres tient régulièrement un séminaire sur l'histoire
pré-européenne de l'Afrique. En 1953, une véritable conférence
internationale sur l'histoire et l'archéologie est convoquée,
groupant non seulement les spécialistes britanniques de
diverses régions de l'Afrique au sud du Sahara, mais encore
plusieurs personnalités françaises, belges et portugaises.
Une seconde conférence succède à la première en 1957,
permettant une utile confrontation des divers points de vue.
Ces conférences ont par ailleurs un effet certain sur le
comportement des pouvoirs publics à l'égard de l'archéologie.
C'est ainsi qu'à la suite de la conférence de 1953, le Colonial
Office est amené à envisager une modification de la législation
visant à la préservation des sites.

10. — L'HISTOIRE AFRICAINE DANS L'ENSEIGNEMENT

Les conceptions segrégationnistes de certaines puissances,


l'hostilité de certaines autres à la politique d'assimilation,
l'émancipation progressive des territoires africains amènent
les gouvernements locaux à étudier de plus près les programmes •
d'histoire, pour que son enseignement soit susceptible de
remplacer ou tout au moins de compléter le récit de la guerre
de Cent ans, celui des fastes de Louis XIV ou de la grandeur
victorienne.
Déjà, peu avant la première guerre mondiale, les programmes
scolaires de la colonie allemande du Togo tenaient compte de
l'histoire locale, assez bien connue grâce aux travaux des
pasteurs de la mission de Brême. En 1946, les programmes
scolaires d'AOF font une place importante à l'histoire africaine
de ce pays, grâce au manuel scolaire de Jaunet et Barry.
Mais, si l'histoire locale est ainsi imposée en Afrique noire
française en raison de la structure hiérarchisée de notre ensei-
gnement, dans les territoires britanniques, l'autonomie de
structure de chaque établissement scolaire insère une part
très variable d'histoire africaine dans les programmes. Ainsi
le Makerere College de Kampala (Ouganda) comporte dans
(1) Commission de Coopération Technique au sud du Sahara.
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la classe intermediate un cours sur l'histoire d'Afrique de


1787 à 1923, et dans la classe supérieure (general degree) un
cours sur l'histoire de l'Afrique orientale (1856-1923). Au
Congo belge, la part de l'enseignement de l'histoire congolaise
(de Diego Cao au xxe siècle) est actuellement d'une quinzaine
d'heures à l'université Lovania.

11. — SOCIÉTÉS SCIENTIFIQUES ET REVUES


S'INTÉRESSANT A L'HISTOIRE AFRICAINE

Durant de nombreuses années, c'est dans les publications


d'Europe que les articles concernant l'histoire africaine ont
trouvé place. Nous avons déjà mentionné Anthropos, la revue
du R. P. Schmidt. Il nous faut citer de nombreuses revues
allemandes : Paideuma, organe du Frobenius Institut, Globus,
Der Islam, Mitteilungen für Forschungreisenden und Gelehrten
aus den deutschen Schutzgebieten, Afrika und Ubersee, Mittei-
lungen des Instituts für Orientforschung, Zeitschrift der deutschen
morgenlândischen Gesellschaft, etc.
anglaises : Africa, organe de l'institut international afri-
cain, Corona, Man, African Affairs, etc.
plusieurs publications belges : Belgique d'outre-mer, Bulletin
de la société royale de géographie d'Anvers, Civilisation, Grands
Lacs, Kongo-Overzee, Zaïre, etc.;
quelques revues françaises : Bulletin de l'Afrique française,
Bulletin de la société des Africanistes, Cahiers d'outre-mer, etc.;
espagnoles : Africa, Cuadernos de Estudios africanos;
portugaises : Estudos coloniais, Revista do Gabinete de
Estudos Ultramarinos;
et italiennes : Annali lateranensi, Archivio per l'Antropologia
e l'Etnologia, La Nigrizia, etc.
C'est assez tard que des publications acceptant des articles
d'histoire africaine paraissent régulièrement dans les territoires,
comme si l'on avait voulu attendre qu'il se trouve un nombre
suffisant de lecteurs noirs pour justifier des éditions à proxi-
mité du public. Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, les
publications paraissant en Afrique sont en nombre très
limité. Indépendamment des African Studies de Johannesburg,
le Bulletin du centre historique et scientifique de l'AOF à
Dakar, et quelques revues anglaises à tendance semestrielle
constituent les seuls documents pouvant abriter de l'Histoire
africaine. Depuis la deuxième guerre mondiale, les revues se
sont multipliées (une par territoire en général) et permettent
de suivre les problèmes sur le plan local.
Si la France, grâce au Centre des études historiques et scienti-
fiques de l'AOF, puis aux centres de l ' I F AN, a été longtemps
à la pointe du progrès, suivie de près par les centres des études
de Guinée portugaise, de l'Angola et du Moçambique, il est
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certain que les territoires d'expression britannique comblent


rapidement leur retard grâce aux sociétés historiques (celles
de Nigeria et du Ghana par exemple) qui sont animées par
des Africains et appuient l'action des organes de recherche
(Ghana national Muséum, Service des Antiquités nigériennes).
Dans les autres territoires d'expression anglaise, certaines
sociétés scientifiques (1) s'intéressent à l'histoire africaine
et ouvrent largement les colonnes de leurs revues aux articles
de cette discipline.
Au Congo belge, le travail le plus considérable a été réalisé
(en Belgique le plus souvent) par la très active « Commission
d'histoire du Congo à l'Académie royale des sciences coloniales. »
Toutefois, un grand espoir réside dans les nouvelles universités
congolaises, notamment celle de Lovania et Elisabethville.
C'est en somme tout récemment que l'histoire africaine est
sortie des recoins d'un amateurisme aimable pour avoir des
organes spécialisés.
Dans nombre de pays africains, au hasard des possibilités
budgétaires, des postes d'archéologues ont été créés : l'univer-
sité d'Achimota (Ghana) a une chaire d'archéologie, cependant
que le gouvernement de la Nigeria, aidé par la fondation
Carnegie et le gouvernement britannique, a récemment réuni
la somme de 42 000 livres pour effectuer. des recherches sur
l'histoire du royaume du Bénin au moyen âge, la direction
des recherches étant confiée au nigérien Kenneth Dike.
Il est certain que le développement des universités africaines
entraînera la création de chaires d'histoire où pourront s'appro-
fondir nos connaissances sur l'Afrique préeuropéenne. Ainsi
ces recherches ne seront plus exclusivement le violon d'Ingres.
des missionnaires ou administrateurs, mais pourront éventuel-
lement être coordonnées par des « professionnels » disposant
de crédit et de temps qui pourront faire avancer nos connais-
sances à beaucoup plus grande allure que par le passé.

VI. — TRADITIONS AFRICAINES

1. — DOCUMENTS ÉCRITS

Il est infiniment regrettable que les peuples d'Afrique noire


n'aient à peu près pas connu l'écriture. Les seuls documents
de quelque importance, si l'on excepte ceux écrits en arabes,
(1) Museum society, Umtali, S. Rhodesia; Northern Rhodesia society.
Livingstone, animée par un personnel nombreux (celui du Rhodes Livings-
stone museum), cette société compte plus de mille membres et publie des
articles dans le Northern Rhodesia Journal, bisannuel; Nyassaland Society,
Blantyre; South African archaeological Society, Rondebosch; South African
museum association, Durban; Van Riebeck society, Capetown; Uganda
society, Kampala.
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se trouvent dans une seule zone, l'Ethiopie, où la situation —


les monastères aidant — n'est pas très différente de celle
du moyen âge européen.
Beaucoup d'archives n'ont pas encore pu être dépouillées.
Ainsi tout récemment a été traduit un livre du xive siècle sur
les victoires du roi Amda Syon, qui donne de précieux rensei-
gnements sur la répartition des populations chrétiennes et
musulmanes sur les plateaux, ainsi que sur le système adminis-
tratif éthiopien à cette époque. Par ailleurs, le Liber Axumae,
compilation de trois manuscrits rend compte des dons de
terres faits aux couvents, églises et individus. Ces chartes
qui, selon Huntingford, évoquent les chartes latines de la
période saxonne d'Angleterre, éclairent le système éthiopien
de tenure du sol.
Quant aux écritures imaginées par certains noirs (Mende
du Sierra Leone, Vaï et Bassa du Liberia, écriture nsibidi
des Efik de Nigeria, écriture Bamoum du sultan Njoya (Came-
roun), elles sont relativement récentes et n'offrent pour l'his-
toire locale, qu'un intérêt très limité.
Il est possible que, dans les siècles passés, des rapports
rédigés par des africains ou des métis, catéchistes ou commis,
aient été établis. Malheureusement, ils ont disparu et leur
recherche est particulièrement difficile. Des documents en
grand nombre ont en effet été transportés en Europe : c'est le
cas des manuscrits éthiopiens qui sont à Londres et à Oxford.
D'autres sont chez des particuliers, non répertoriés, sans
étiquette et risquent d'être perdus pour la science par l'igno-
rance ou la négligence des héritiers des collectionneurs. D'autres
encore sont dans des mosquées ou chez des chefs, dans des
villages de brousse où ils risquent de disparaître dans un
incendie ou dévorés par les termites. Même quand les docu-
ments sont rangés dans un bâtiment officiel d'archives, ils
sont quelquefois empilés dans un coin sans protection.

2. — TRADITION ORALE

Sauf en ce qui concerne l'Éthiopie et le Soudan nilotique,


la tradition écrite n'ouvre donc que des horizons limités.
Par contre la tradition orale est la grande source de l'Histoire
africaine.. Sans doute les historiens d'Europe ont-ils un premier
réflexe de réticence. Mais, à bien considérer, la tradition
africaine, surtout quand elle est honnêtement recoupée, est
aussi utilisable et souvent plus exacte que telle source écrite
souvent tendancieuse.
A. — Intérêt particulier des peuples africains pour leur histoire
Dans la quasi-totalité des tribus africaines, il existe un
incontestable intérêt pour l'histoire du clan ou du groupe
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ethnique tout entier. L'histoire de l'occupation du sol affirme


des droits éminents sur une terre où des ancêtres sont venus
s'installer, poussés par la famine, les guerres, le goût des
voyages, voire entraînés par la poursuite du gibier en des
terres nouvelles qui leur semblent plus propices que celles
qu'ils abandonnent.
Souvent, comme par exemple chez les Evhé, les Atakpamé
ou certains clans Aniagan du Togo, les traditions évoquent
l'itinéraire des migrations, les haltes effectuées et les incidents
maléfiques ou bénéfiques qui ont agrémenté le parcours.
La connaissance de cette histoire globale de l'installation de
la tribu est presque toujours accompagnée du récit de généa-
logies royales et de la liste des chefs successifs, qui remonte
très souvent jusqu'à un siècle ou deux en arrière; cette connais-
sance a un triple motif religieux (suivant les tribus sorte
de culte des ancêtres, invocation mystique à leurs qualités
morales), national (les ancêtres illustres personnifient les vertus
de la communauté et ont une valeur d'exemple), enfin utilitaire
pour déterminer la légitimité des droits à une succession de
chefs et le mode de transmission des pouvoirs.
Parfois, lorsque c'est une aristocratie héréditaire qui a le
pouvoir, la connaissance des traditions relatives aux ancêtres
est réservée à certains membres de cette élite et peut être
alors considérée comme une science secrète, gardée par des
initiés qui détiennent cette charge de façon héréditaire et
doivent communiquer leur science à un ou plusieurs successeurs.
Mais le plus souvent c'est un sous-chef ou un notable qui a la
charge de garder dans sa mémoire l'histoire de la communauté
pour être capable de la réciter en certaines circonstances.
Ainsi chez les Bouchongo, entre Sankourou et Louloua,
la fonction d'historien officiel est réservée au fils du roi qui a
le pas sur les autres princes, son devoir consistant à conserver
la légende et l'histoire ancienne de la tribu (1).
Dans un article particulièrement intéressant de Présence
africaine (2), un jeune professeur noir, M. Joseph Ki Zerbo,
situe avec précision la place de l'histoire dans la société afri-
caine :
La place de l'histoire, c'est-à-dire de la notion de temps, de ce
qui est antérieur, bref du passé, est une des constantes de la
mentalité traditionnelle chez les nègres, constante qui donne son
originalité à leur vie économique, sociale, politique et artistique.
La terre est propriété collective. Aussi la collectivité, famille,
village ou tribu, n'est que le dépositaire du bien-fonds, la propriété
éminente appartenant aux esprits locaux. Le chef... est donc le
commettant de ces esprits, de même qu'il est le médiateur obligé
de tous ceux qui viennent s'établir là.
(1) SELIGMAN, p. 181.
(2) Joseph KI ZERBO, Histoire et conscience nègre, Présence africaine,
octobre-novembre 1957, p. 53-69.
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... à tous les stades, depuis la conception de la propriété foncière


jusqu'à celle de la religion et de l'esthétique, en passant par
l'organisation sociale, nous voyons que l'histoire tient une grande
place dans la vie traditionnelle des nègres.
Le sens de l'histoire pour les nègres est donc un dynamique
où l'homme a sa place; mais il s'agit de l'homme total avec sa
dimension sociale, c'est pourquoi ce sens de l'histoire est le fonde-
ment d'un patriotisme particulièrement profond : nulle part
autant que chez eux, la nation n'est composée de plus de morts
que de vivants. Les vivants ne sont qu'une infime minorité
astreinte à des devoirs précis à l'égard des membres de la commu-
nauté qui ne sont plus. Ceux-ci, dont les ossements reposent
souvent dans la maison même (par exemple chez les Bamiléké)
et dont les esprits veillent dans l'ombre familière, sont associés
à la vie du microcosme qui n'est plus qu'un simple maillon de
la grande chaîne des générations. On comprend alors que le terme
maison paternelle possède pour le négro-africain des harmoniques
particulières puisqu'il ne signifie pas seulement un bien biologique
et social, mais possède aussi par le truchement de l'association
intime avec les esprits des ancêtres et leurs alliés, une résonnance
cosmique et même métaphysique.

E n d'autres termes on peut dire que le noir d'Afrique éprouve


u n goût profond pour l'histoire de son groupe ethnique, alors
que chez l'enfant d'Europe, c'est une notion souvent artifi-
cielle. Les petits Anglais ne se sentent pas s p o n t a n é m e n t les
petits-fils de la reine Victoria ou les héritiers de Francis Drake,
les Français ne considèrent pas s p o n t a n é m e n t Vercingétorix
comme un héros et Napoléon comme un grand h o m m e et les
Allemands doivent apprendre à vénérer Bismarck. Au contraire
le jeune africain, par t o u t e son éducation traditionnelle, est
porté vers l'histoire de son peuple, d o n t les détails sont pieuse-
m e n t conservés par certains vieillards et transmis fidèlement
de génération en génération j u s q u ' à nos jours.

B. - L'épopée vivante
René Louis (1), dans l ' a v a n t - p r o p o s du numéro de L a Table
ronde consacré à l'épopée vivante, dit que le Sénégal est avec
la Yougoslavie l'un des rares pays où l'épopée v i t encore
actuellement. E n fait, si M. Senghor a pu très heureusement
faire connaître à M. Louis l ' é t a t de la question p o u r le Sénégal,
ce qui est dit concernant ce dernier pays v a u t également
pour la p l u p a r t des pays de l'Afrique noire. Nous ne pouvons
mieux faire que de citer la brillante définition que donne René
Louis de l'épopée vivante :
L'épopée vivante est la poésie héroïque traditionnelle qui,
chez des peuples jeunes où l'état de guerre est presque permanent,
célèbre les hauts faits des guerriers et les transmet de génération

(1) La table ronde, déc. 1958, p. 9.


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en génération par la tradition orale. Loin de « commencer et de


finir à son auteur » comme les créations de l'activité purement
littéraire — créations individuelles et fixées dès le principe sous
une forme écrite — l'épopée vivante prend sa source dans l'émo-
tion collective d'un groupe humain dont son créateur n'est que
l'interprète, et elle continue de vivre plus ou moins longtemps
après que son créateur l'a mise en circulation dans le public,
entraînée dans le cycle de perpétuels renouvellements qu'est
la tradition orale. Passant de bouche en bouche, déclamée, ou
chantée devant des auditoires divers par des chanteurs profession-,
nels ou amateurs, avec accompagnement d'un instrument de
musique, l'épopée vivante demeure étroitement liée dans son
évolution à celle du groupe social pour lequel elle a été créée
et dont elle est le bien commun, « le bien de tous et de personne ».
T a n t qu'elle vit, elle ne cesse, en passant de chanteur en chan-
teur et d'auditoire en auditoire, de revêtir des formes nouvelles
selon les goûts et les tendances profondes des époques qu'elle
traverse ou des pays à travers lesquels elle se répand, au gré
surtout de la fantaisie souveraine des chanteurs qui la reprennent
à leur compte.
Ces chanteurs, dans le cadre commode et souple de la tradition,
de ses thèmes, de ses schèmes narratifs et de son style formu-
laire, ne s'arrêtent jamais d'improviser de nouveaux détails,
de nouveaux épisodes, et créent une série indéfinie de « variantes »
à partir de l'œuvre initiale et de ses dérivés. Cette épopée mérite
le nom de « vivante » parce que selon la formule parfaitement
adéquate de Ramon Menendez Pidal, « elle vit de variantes ».
Le jaillissement continuel de nouvelles variantes est le signe de
la vie d'une épopée : c'est d'après ce critère qu'on en mesure
la vitalité. Car l'épopée vivante étroitement associée à la vie
collective d'un groupe humain plus ou moins étendu possède
les attributs de tous les êtres vivants : elle naît, se développe,
atteint son apogée, dépérit et meurt.
Il n'est pas un t e r m e de cette définition que nous ne puis-
sions appliquer à l'Afrique noire. Mais cette épopée v i v a n t e
ne p e u t être q u ' u n e source auxiliaire de l'histoire et il est bien
difficile d'en contrôler les termes et la valeur.

C. — Griot et chroniques vivantes


Dans le même article de Présence africaine que nous citions
t o u t à l'heure, Joseph Ki Zerbo m a r q u e la valeur et les limites
de l ' a p p o r t du « griot ».
Le griot constitue des archives vivantes. C'est un annaliste
doué d'une mémoire prodigieuse, c'est une des sources de l'histoire
africaine à utiliser avec les précautions qui s'imposent. E n effet,
parfois il s'établit un ordre de succession réel mais incomplet,
en ce sens que les règnes qu'il relate sont dans un ordre exact
mais peuvent être séparés par d'autres dont il n'a pas été instruit
ou qu'il a oubliés.
De plus le sensationnel étant le plus demandé par la foule des
auditeurs, il risque d'être polarisé par le détail qui fait mouche,
quitte à le faire mousser dans ce but. Mais avec ces réserves des
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recoupements entre les récits de plusieurs griots, d'après une


méthode critique appropriée, peuvent permettre d'établir un
enchaînement historique valable à travers les chansons de geste
des troubadours noirs.

I n d é p e n d a m m e n t de cette « épopée orale » des griots afri-


cains l'accompagnement musical est parfois utilisé comme
moyen mnémotechnique p a r les gardiens de la tradition.
Cette tradition orale prend souvent la forme poétique et
chantée, avec parfois accompagnement de tambours. Ainsi
les Dagomba de la région de Yendi (Togo ghanéen) accompa-
gnent le t e x t e de b a t t e m e n t s de t a m b o u r , si bien que les initiés
en arrivent à comprendre le récit, même lorsqu'il est seulement
tambouriné.
Les Africains ont généralement une excellente mémoire
dont j'ai eu m a i n t exemple au cours de mes tournées n o t a m m e n t
à l'étape du soir, lorsque les vieillards viennent réciter des
proverbes et dire des fables d'une forme r e m a r q u a b l e et d o n t
le fond ne serait pas renié p a r nos plus éminents fabulistes.
Le Père L a b a t , dans sa nouvelle relation de l'Afrique
occidentale (tome II, p. 229) disait déjà des noirs :
Ils ont une mémoire si heureuse et une tradition si constante
de t o u t ce qui s'est passé chez eux dans les temps les plus reculés
qu'il y a du plaisir à les entendre raconter des faits qu'ils ont
appris de leurs pères et que ceux-ci avaient appris de leurs aïeux.

P a r m i ces chroniques vivantes, W e s t e r m a n n (1) cite ce


Holoholo du [Congo belge capable de citer neuf générations
de familles régnantes, un Nyoumi de Gambie d o n n a n t soixante-
dix noms de chefs avec leur lieu de naissance, un Glidji-evhé
du Togo d o n n a n t l'arbre généalogique de la famille g r o u p a n t
cinq générations et 150 personnes. J ' a i de mon côté retrouvé
des généalogies Akébou, Bassari, Akposso r e m o n t a n t au
XVIIIe siècle, et p u recouper certains renseignements en des
villages différents. Parfois ce sont des femmes qui sont déposi-
taires de la tradition; ainsi chez les Idjo-Ké de la Nigeria du
sud, une femme a pu reconstituer une liste de soixante noms.

3. — LE PROBLÈME DE LA CHRONOLOGIE

Cependant le problème de la chronologie reste entier; faute


de témoignage écrit, il f a u t recourir à certains points de repère
extérieurs. Ainsi dans cette Afrique a u x nuits claires, les
éclipses de lune ont-elles m a r q u é certains règnes, cependant
qu'ailleurs c'est une éclipse de soleil qui remplit de terreur les
indigènes et fournit une magnifique base de datation.
(1) WESTERMANN, p. 16.
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Certains auteurs, comme Tauxier, affectent une durée fixe


moyenne aux règnes des souverains dont la tradition offre la
liste. Malheureusement ce procédé est très sujet à caution
du fait que certains souverains règnent simultanément et que
certains règnes sont très courts, le roi pouvant être prématuré-
ment emporté par la maladie, tué à la guerre ou empoisonné
par ses ennemis.
Au royaume de Bono (Gold Coast), il a été possible de recons-
tituer la durée du règne des rois et des reines, du fait que chaque
année on mettait une pépite dans le Koudouo (vase sacré)
correspondant au souverain régnant. La pépite était d'or
pour les rois et d'argent pour les reines.
Il est souvent possible avec ces données de recouper les
traditions historiques de deux tribus voisines malgré les diffi-
cultés dues à l'orgueil naturel de ces races dont la mémoire
a d'étranges lacunes lorsqu'il s'agit de défaites.
C'est ainsi que j'ai eu l'occasion d'entendre la version
Konkomba et la version Tyokossi de la bataille livrée en 1897
à Nali, où les Tyokossi alliés aux Allemands subirent un indis-
cutable échec (Oberleutnant Thierry blessé); les circonstances
exactes sont obtenues grâce au rapport allemand, témoin
écrit et à la variété des sources konkomba, plusieurs clans,
ayant inégalement participé à la bataille. Les deux traditions
faisaient état d'une écrasante victoire!

4. — COLLECTE DES TRADITIONS


La manière dont sont recueillies les traditions orales a une
importance considérable pour la vérité et la fidélité de la
transcription dans une des langues européennes. Les œuvres
des Allemands Spieth et Westermann, des Français Gaden,
Tauxier et Labouret sont des modèles du genre. Ils s'expli-
quent par les connaissances linguistiques des auteurs qui arri- .
vent à modeler leur texte sur l'expression africaine.
La nécessité du recoupement des diverses traditions locales
est indispensable. C'est souvent une œuvre difficile, qui n'a
pas toujours pu être menée à bien à l'époque où les moyens
de transports et les routes ne permettaient pas des déplace-
ments faciles. Avant que des professionnels (ethnographes,
sociologues, etc...) ne s'intéressent à ces problèmes, les mission-
naires, les officiers, les administrateurs ont assuré l'inventaire
préalable des races, des langues et de la protohistoire des
régions où ils étaient en service.
Mais la partie la plus passionnante est l'œuvre des Africains
eux-mêmes. Ceux-ci, détenteurs de la tradition, peuvent la
transcrire directement dans une langue européenne ou bien
recueillir dans leur langue, sans interprète, les traditions de
leur groupe ethnique et les traduire ensuite éventuellement
dans une langue européenne.
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5. — ÉTUDES LOCALES RÉALISÉES PAR LES AFRICAINS


Ces travaux, réalisés par des commis, instituteurs, caté-
chistes, secrétaires de chefs sur leur pays et leur groupe
ethnique, revêtent une importance capitale, surtout quand
leurs auteurs appartiennent à l'élite et lorsqu'ils ont été élevés
et initiés dans la tradition.
Ainsi M. Rousseau, professeur au lycée Faidherbe à Saint-
Louis du Sénégal, a pu présenter des textes rédigés par d'anciens
élèves de « l'école des otages » créée dans la capitale sénégalaise
par Faidherbe. Celui de Rawane Boy a pour motif l'indigna-
tion qui le saisit lorsqu'il se voit, après une vie de bons et
loyaux services, radié des listes électorales. Il fait, dans cette
étude sur le Toubé, un état des services de sa famille mais
aussi un exposé historique particulièrement bien venu (1).
Yoro Diaro de son côté écrit deux études du plus haut intérêt
sur le Oualo (2) et sur le Cayor (3).
Ces études ont un caractère spontané et elles sont à rappro-
cher des mémoires très consciencieusement élaborés par de
jeunes lettrés de la région d'Atakpamé (Togo) lesquels, à
l'occasion d'affaires de terrain, faisaient un historique complet
du peuplement de la région. Indépendamment de ces récits,
naturellement orientés, j'ai pu très souvent obtenir des secré-
taires des chefs de canton ou de villages des récits détaillés
en français de l'histoire de leur clan. C'est en des conditions
analogues que M. Schapera, au cours d'enquêtes menées dans
le protectorat du Betchouanaland a demandé aux instituteurs
et élèves d'écrire le récit de l'histoire des clans auxquels ils
appartiennent. De la sorte ont pu être recueillis plusieurs
centaines de récits en Tswana et en Kalaka.
La facilité naturelle, accrue par l'absence d'interprétation,
présente cependant des inconvénients. Le plus grave est une
vue systématiquement optimiste du passé. Ces jeunes gens sou-
vent chrétiens ont tendance à améliorer leurs origines pour
ne pas être en reste avec les tribus islamisées qui se réclament
d'une provenance « mecquoise » et Je plus souvent, disent
descendre du prophète.
D'autre part, si les traditions « familiales » sont intéres-
santes à recueillir, d'autres ne s'appuient que peu sur ces
traditions et sont au contraire des compilations de travaux
effectués par des Européens, ainsi le Précis d'histoire du peuple
evhé du R. P. Kwakume, n'est vraiment original qu'en ce qui
concerne la tradition des rameaux qui ont fondé Lomé et
Keta. Le reste n'est qu'un résumé de ce qui a été écrit par le
pasteur Spieth.
(1) Cahiers de Rawane Boy, étude sur le Toubé; BCHSAOF 1931,
p. 334-365.
(2) Cahiers dé Yoro Dyaro, étude sur le Oualo; BCHSAOF 1929, p. 133-211
(3) Cahiers de Yoro Dyaro, étude sur le Cayor; BCHSAOF 1933, p. 237-298
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Les t r a v a u x réalisés p a r les Africains sont d ' a u t a n t plus


n o m b r e u x que l'instruction est plus r é p a n d u e et que les possi-
bilités d'impression sont plus grandes, ce qui dépend de la
puissance des organismes scientifiques, de leur r a y o n n e m e n t
et du g o û t q u ' é p r o u v e n t les dirigeants européens p o u r la
l i t t é r a t u r e africaine; celle-ci n'existe en effet que dans la mesure
où elle a été encouragée par un européen (missionnaire, méde-
cin, administrateur) qui peut guider les premiers pas littéraires
de ces jeunes auteurs.
Le n o m b r e des études réalisées est dans l'ensemble propor-
tionnel au degré d'évolution du pays considéré. Ainsi la Nigeria,
le Dahomey, le Togo, le « G h a n a » et l'Ouest africain français
en général o n t fourni la majeure partie de ce qui a été écrit
p a r les Africains sur l'histoire de leur pays.
Dès la fin du siècle dernier nous pouvons noter, de G. C. Rein-
dorf : History of the Gold Coast and Achanti (1895) qui est
p l u t ô t une compilation de t y p e européen q u ' u n récit pro-
p r e m e n t africain.
E n 1901, u n Mandingue, K o u r o u b a r i Amadou, écrit Ali
M a m a samori K o - M a (Histoire de Samory) dans le M a n u e l
pratique de la langue M a n d e (1). L a même année p a r a î t en
langue vernaculaire l'Histoire de l'Ouganda de Sir Apollo
K a g w a (2) qui sera t r a d u i t e en 1912 à Londres sous le titre
Base K a b a k a to Buganda.
E n 1905 paraissent les Mémoirs of West african celebrities
de A h u m a A t t o h (3), c e p e n d a n t q u ' à la d e m a n d e de l'admi-
nistration allemande, un Cadi dé Tanga, Omari bin S t a m b o u l
raconte l'histoire anecdotique de Mombassa depuis l'année
1086 (4).
Le cheik Hemedi ben Abdallah de Dargube écrit une histoire
du p e u p l e m e n t de l'Afrique orientale d'après les traditions
arabes (5) et Liajjeni écrit une Histoire des W a Kilindi (6).
E n 1911 H a m e t Ismaël t r a d u i t un certain nombre de docu-
m e n t s de la Mauritanie sénégalaise (7), c e p e n d a n t que plu-
sieurs années après, K a n e Issa (8) donne une Histoire des
familles de Fouta Toro.

(1) Paris, 1901.


(2) Sir Apollo KAGWA, Ekitabo kya bakabaka bebuganda; traduction
Londres 1912 : Base kabaka to Buganda.
(3) Ahuma SRB ATTOH, Memoirs of West african celebrities, 1905.
(4) Omari bin Stamboul, trad. Baker E. C., An early History of Mombasa
and Tanga; Tanganyika notes 31-32/6, juillet 1951.
(5) BAKER, A history of Africa recorded by Sheik Hemedi ben Abdallah
Iof Dargube Tangata, Tanganyika notes, 32, 65-82, jan. 1952.
(6) LIAJJENI, Abdallah ben Hamed ben Ali, Habari za wa Kilindi Magila
1904. Traduction anglaise de Roland Allen, TNR 1936, p. 33-51.
(7) HAMET Ismaël, Chroniques de la Mauritanie Sénégalaise, Leroux,
Paris, 1911.
(8) KANE Issa, Histoire et origine des familles du Fouta Toro; Annales et
.mémoires du comité d'études historiques et scientifiques de l'AOF, 1916 ,
p. 325-344.
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Un Dahoméen, Agbidinikou, apporte une contribution


notable au travail de Le Herissé sur l'ancien royaume du
Dahomey.
Après la première guerre mondiale, les documents devien-
nent plus nombreux : ainsi les travaux de Sidibé (1) l'histoire
des Yao d'Abdallah (2), celle des Yorouba de Samuel Johnson (3)
celle d'Abéokuta par Losi (4) et par Ajisafe Alayi Kolawole (5).
A la même époque, de Graft Johnson senior (6) et J. B.
Danquah (7) puis Adjaye Nana Annor (8) apportent leur
contribution à l'histoire de la Gold Coast, cependant qu'à
l'autre extrémité du continent, Soga fait une étude sur les
Bantou du sud-est (9) Nyirenda écrit l'Histoire des Tumbuka
Henga (10) et un instituteur Mossouto Thomas Mofolo
écrit une vie romancée du grand conquérant Zoulou
Chaka (11)-
Dans les années qui précèdent la seconde guerre mondiale,
on peut noter le remarquable travail d'un notable Mossi,
Dim Delobson, fils du Naba de Sao (12), celui d'Amadou Tyam
La vie d'El Hadj Omar (13). Le récit d'un fonctionnaire évhé
du gouvernement britannique Emmanuel Foster Tamakloe (14)
donne de précieux renseignements sur le Dagomba.
Nous ne pouvons pas négliger la remarquable contribution
apportée à l'histoire de la pénétration française au Soudan
du capitaine Mademba Abd el Kader (15).
Après la deuxième guerre mondiale les progrès de l'instruc-
tion et l'éveil des nationalismes favorisent les études des
Africains sur leur pays. Deux fonctionnaires dahoméens,
Akindele et Aguessy, publient l'histoire de l'ancien royaume
de Porto Novo (16), le R. P. Kwakume écrit une Histoire des

(1) SIDIBE, Monographie régionale de Fada N' Gourma, BCHSAOF no 39


juin 1918, p. 111; Centre gourmantche, BCHSAOF 1921, p. 708.
(2) ABDALLAH, Chiikala Cha Wa Yao, Story of the Yao tribe, traduit
par M. Sanderson, 1919.
(3) Samuel JOHNSON, History of the Yoruba from the earliest Times to
the beginning of the british occupation, Londres, 1921.
(4) Losi (IBO), History of Akeokuta, Lagos, 1923.
(5) Ajisafe Alayi KOLAWOLE, History of Abeokuta, 1924.
(6) De GRAFT Johnson senior, Asafu, Royal african society, 1926.
(7) DANQUAH J. B., Akan Laws and Customs, 1928.
(8) ADJAYE Nana Annor, Nzima land, 1932.
(9) SOGA (I. H.), The south eastern Bantu, Johannesburg, 1930.
(10) NYIRENDA, History of the Tumbuka Henga People, Bantu Studies,
1931.
(11) T h o m a s MOFOLO, C h a k a , t r a d . E l l e n b e r g e r . P a r i s , 1941.
(12) D i m DELOBSON, l ' E m p i r e d u M o g h o N a b a , P a r i s , 1932; Les secrets
des sorciers noirs P a r i s , 1934.
(13) A m a d o u TYAM, L a vie d ' E l H a d j Omar.
(14) Emmanuel Foster T'AMAKLOE, A brief history of the Dagomba people
(15) Mademba Abd el KADER, Au Sénégal et au Soudan français
BCHSAOF 1930, p. 107-216.
(16) AKINDELE et AGUESSY, Histoire de l'ancien royaume de Porto Novo,
IF AN, 1953.
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evhé (1) cependant qu'en Gold Coast, un grand nombre d'ar-


ticles ont des tendances historiques, notamment ceux de
Danquah (2) et de Nene Azu Nate Kole (3).
Au Tanganyika, Mathias Mnyampala écrit l'Histoire des
wa Gogo (4) ; au Basoutoland une ancienne histoire du Lessouto
est rédigée en Sessouto par Mobafi Molekwa (5), cependant
qu'Antoine Munongo (6) écrit au Congo belge, une belle
histoire de Msiri, roi du Garangaze. Dans l'ouest africain
français, l'effort n'est pas moins considérable dans le cadre
de l'Institut français d'Afrique noire où travaille en de
remarquables conditions Amadou Hampate Ba sur l'histoire
des groupes ethniques des régions soudanaises (7) et sur les
Peuls du Macina (8).
Cependant que d'autres Africains instituteurs ou étudiants
nous apportent quelques études locales, ainsi Yenou Antoine
sur le pays Alladian (9) Alioune Sarr sur le Sine Saloum (10)
Ba Tamsir Ousmane sur le Rip (11).

6. — LES MUSÉES AFRICAINS

Il est symptomatique de l'histoire africaine que les premiers


musées qui ont recueilli les objets la concernant se trouvent
en Europe, notamment au Musée de l'Homme, au British
Muséum, à Tervueren, à Berlin, Francfort, Stuttgart, Bâle.
C'est à une date relativement récente que des musées ont été
installés en Afrique, à vrai dire sans méthode et suivant l'impul-
sion donnée par un gouvernement ou un savant dynamique.
Dans un remarquable article consacré à « l'impérieuse
nécessité des musées africains » (12), Alexandre Adandé dit

(1) R. P. KWAKUME, Précis d'histoire des Ewe, Lomé 1949.


(2) DANQUAH J. B., Okanni ba Abotafowa, The Akan Citizen, Londres
1954.
(3) Nene Azu Mate KOLE, The historical bacground of Krobo Customs
Transl. Gold Coast and Togoland Historical Society, 1955, 4, p. 133-140
(4) MNYAMPALAMathias. Historia m ilana desturi za wagogo wa Tanganyka,
Nairobi Eagle Press, 1954.
(5) MOHAFI M. Molelekoa, Temo ea Boholoholo, Lesotho.
(6) MUNONGO Antoine, Msiri; hospitalité de Msiri, son accession au
trône; guerre contre les Ba Namutimbi, Lovania, Elisabethville, 13-36,
1955, p. 65-73.
(7) Amadou HAMPATEBA, Le dernier carré toucouleur, Afrique en marche.
3-1957, p. 11-14; 4-1957, p. 10-11; Le dernier carré bambara, Afrique en
marche, 5-1957, p. 2-3.
(8) Amadou HAMPATE BA et DAGET, L'empire Peal du Macina, 1955.
(9) YENOU Antoine, Quelques notes historiques sur le pays Alladian
(Basse côte d'Ivoire); Notes africaines, IFAN 63, juillet 1954, p. 83-88.
(10) Alioune SARR, Histoire du Sine Saloum; Présence africaine nO 5,
p. 832-837.
(11) BA TAMSIR OUSMANE, Essai historique sur le Rip (Sénégal); BIFAN,
1957, p. 564-591.
(12) Présence africaine, nO 10/11, p. 194-198.
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notamment : « On comprend donc qu'il est, pour les générations


qui se succèdent, un devoir impérieux de sauver de la disparition
complète les œuvres ancestrales qui constituent non seulement
leur patrimoine, mais encore un âge, une phase de l'humanité. »
L'Afrique britannique comptait alors 46 musées, l'Afrique noire
française une dizaine, dont celui de Dakar est l'un des plus
beaux, et celui d'Abomey le plus pittoresque. L'Institut
français d'Afrique noire a systématiquement poursuivi, en
d'heureuses conditions, l'installation de musées dans les
chefs-lieux de territoires.
Le musée est un admirable centre intellectuel d'où peuvent
rayonner des missions scientifiques et où peuvent être organisées
des expositions périodiques attirant vers des vitrines renou-
velées une jeunesse avide de connaître les détails du passé de
son peuple, ses dispositions artistiques, son organisation
coutumière.

VII. — TRAVAUX DE SYNTHÈSE

Les travaux de synthèse sur l'histoire des Africains sont


maintenant relativement nombreux. Nous ne citerons rapide-
ment que les principaux, nous proposant par la suite d'y
revenir plus en détail lors des études régionales.

1. — TRAVAUX DE SYNTHÈSE DES EUROPÉENS .

Le gouverneur Maurice Delafosse (1) a laissé un nom presti-


gieux dans l'ouest africain français. Bien que ces écrits aient
peut-être vieilli, il a rédigé les premiers travaux de synthèse
sur l'Afrique tout entière.
Leo Frobenius (2), ethnologue allemand et polémiste pas-
sionné, a effectué un grand nombre d'expéditions entre 1900 et
1930. On lui doit la mise en lumière des civilisations de la
Nigeria, et de la théorie d'un ensemble de races africaines pures
installées sur un parallèle allant du haut Sénégal au moyen
Cameroun (3).
Le gouverneur Labouret, qui était professeur à l'École
nationale de la France d'outre-mer, a étudié l'histoire des
peuples africains et, en dehors de ses travaux de synthèse (4),

(1) QELAFOSSE, L'âme nègre, Paris,1927; Les civilisations négro-africaines,


Paris, 1925.
(2) FROBENIUS, Histoire de la civilisation africaine, trad. Paris 1952.
(3) Und Afrika sprach; Unter den unstraeflichen Aethiopien, Berlin,
1913.
(4) LABOURET, Histoire des noirs d'Afrique, Paris 1946; Paysans d'Afrique
occidentale, Paris 1941.
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a écrit un ouvrage remarquable sur- Les Mandingues et leur


langage, et sur les tribus du rameau Lobi, document de valeur
exceptionnelle pour celui qui veut connaître la manière dont
on mène une enquête sur une tribu.
Après les brillants travaux de Weulerse sur l'Afrique noire (1)
et ceux de Gautier sur l'ouest africain (2) lesquels sont plutôt
d'ailleurs travaux de géographes éminents que d'historiens,
il faut signaler les volumes publiés par l'Administrateur Denis
Pierre de Pédrals (3), L'archéologie de l'Afrique noire et le
Manuel scientifique de l'Afrique noire.
A la veille de la guerre, trois savants allemands : Baumann,
Thurnwald et Westermann (4) publient une ethnologie de
l'Afrique comportant un grand nombre de notations historiques.
Ce livre est traduit en français dès 1948 sous le titre Peuples
et civilisations de l'Afrique.
Enfin en 1952, Diedrich Westermann (5) publie son admirable
Geschichte Afrikas : staatenbildungen sudlich der Sahara, qui
constitue un ouvrage de référence remarquable pour toute
étude sérieuse entreprise sur les royaumes de l'Afrique noire
surtout en ce qui concerne l'ouest africain.

2. — TRAVAUX DE SYNTHÈSE DES AFRICAINS

Ces travaux sont encore peu nombreux et, bien que rédigés
par des noirs, sont très « européens » de tempérament. Toutefois
on y discerne une optique diversifiée dont l'intérêt est certain
et permet d'envisager les hypothèses historiques suivant un
point de vue nettement différent.
African Glory est publié en 1954 à Londres par un ancien
élève de l'université d'Edimbourg, économiste distingué,
haut fonctionnaire du ministère du Commerce et de l'Industrie
du Ghana, le Dr. John Coleman de Graft Johnson qui décrit
l'histoire des civilisations africaines disparues. Après l'Egypte,
Carthage, l'Afrique romaine, l'église d'Afrique du nord, les
Vandales, l'invasion musulmane, l'aspect ouest africain de
cette histoire est envisagé avec l'essor des empires soudanais
(Ghana, Mali, Sonrhay) et leur déclin. L'arrivée des Blancs
est notée dans le « prélude aux découvertes ouest-africaines »,
les Portugais au Congo; enfin, l'esclavage et le nègre de Koro-
mantin chez lui. Cette dernière partie, la mieux connue de
l'auteur, est sans doute la meilleure de l'ouvrage.

(1) WEULERSE, L'Afrique noire, Paris, 1945.


(2) GAUTIER, L'Afrique noire occidentale, Paris, 1935.
(3) PEDRALS, Paris, 1949 et 1950.
(4) BAUMANN, THURNWALD et WESTERMANN, Völkerkunde Afrikas,
Essen, 1946.
(5) Diedrich WESTERMANN, Geschichte Afrikas : Staatenbildungen südlich
der Sahara, Cologne, 1952.
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D'une toute autre ampleur est le travail de M. Cheikh Anta


Diop, qui retourne une théorie jusqu'ici admise sans discussion
et assigne une origine nègre à la civilisation égyptienne.
M. Suret-Canale (1) après une brillante critique de cet ouvrage
conclut en ces termes « 'De toute façon c'est s'exposer aux plus
périlleuses confusions que de mêler les concepts fondamenta-
lement différents de race et de culture. La civilisation égyptienne
est une civilisation méditerranéenne dont l'influence en Afrique,
hors de la vallée du Nil et des régions sahariennes, a été fort
réduite. Les civilisations d'Afrique noire présentent par rapport
à elle des traits originaux qu'il n'est ni nécessaire ni vrai-
semblable d'attribuer à une influence extérieure à moins d'en
revenir à l'hypothèse a priori de l'infériorité des peuples de
l'Afrique noire ».
Quelle que soit la fragilité des thèses de Cheikh Anta Diop,
il faut rendre hommage à cet Ouolof de Diourbel qui à pu,
après des études secondaires au lycée Van Vollenhoven de
Dakar, passer une double licence de lettres et de sciences et
assimiler une masse aussi considérable de documents pour
aboutir à ce dense ouvrage que lisent comme une nouvelle
Bible les étudiants originaires d'Afrique noire.

VIII. — LES RECOUPEMENTS RÉALISÉS


GRACE A L'ANTHROPOLOGIE, LA LINGUISTIQUE
ET L'ETHNOLOGIE COMPARÉE

Dans son introduction à L'homme et la matière, le professeur


Leroi-Gourhan (2) expose le point de vue de l'ethnologue vis-à-
vis de l'histoire :

L'Histoire a deux formes : la description géographique et


chronologique des aventures de l'espèce humaine ou la descrip-
tion, hors du temps et de l'espace, de l'homme. Par un jeu très
naturel la seconde reproduit assez fidèlement les lignes générales
de la première. En d'autres termes, l'homme actuel, assez bien
connu dans les différents peuples, ressemble à ce qu'on sait de
l'homme à travers les temps, comme la zoologie conserve les
mêmes divisions générales que la paléontologie.
Par une tendance irrésistible, l'ethnologue projette sur le
monde du passé la vue qu'il acquiert du monde présent, il voit
dans les civilisations éteintes les institutions connues et par le
phénomène inverse dans les peuples les moins bien partagés
du monde actuel, il voit inconsciemment ou non des primitifs,
des témoins sûrs de la culture matérielle et de l'esprit des hommes

(1) J. SURET CANALE, Afrique noire, Paris, 1958, p. 54.


(2) A. LEROI-GOURHAN, L'homme et la matière, Paris, 1943, p. 7 et 8.
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disparus. Il dégage ainsi des lois générales qu'il fait indifférem-


ment présider aux faits de tous les âges et de tous les milieux.
Ces lois, dans la mesure où leur auteur les a choisies judicieuse-
ment, sont des lois d'évolution qui rendent bien compte des états
successifs par lesquels l'homme a dû passer pour devenir ce que '
nous en voyons, mais elles ne sont jusqu'à présent d'aucun secours
étroitement historique. On peut très bien dire qu'en un certain
point du temps, l'homme avait telle mentalité, qu'il ignorait
telles applications techniques comme l'agriculture et le tissage,
qu'il vivait de chasse et de cueillette, cela ne montre ni de quel
peuple il s'agit, ni en quel siècle, en quel pays, avec quels voisins .
il vivait. Il y a donc bien deux histoires qui se rendent d'inesti-
mables services mutuels : l'évolution globale de l'homme et les
mouvements individuels des peuples. La première est très riche,
brillante, illustrée par les esprits les plus féconds du dernier siècle
et du nôtre. La seconde est le champ clos où des troupes de cher-
cheurs se b a t t e n t pour donner une date à un tibia, un nom à une
molaire, une paternité à une hache de silex... »

Quelques lignes plus loin M. Leroi-Gourhan (1) précise sa


pensée :
Il y a deux sortes de mouvements qui, par l'absence normale
de synchronisme, brouillent le tableau de l'histoire. Les premiers
sont les déplacements d'hommes qui, sauf exception, sont extrême-
ment lents et mal connus, les seconds sont les déplacements
culturels dont la rapidité et la fantaisie apparente ne peuvent
être exagérés. A ces deux mouvements il faut en ajouter un
troisième, non moins important, le mouvement d'évolution propre
à chaque peuple, mouvement très variable d'intensité et de ,direc-
tion qui fait tourner en spirale un groupe pendant que les autres
progressent en ligne droite, puis le lance brusquement en avant.
Au mouvement des hommes se rattachent les problèmes des
races, au mouvement général des produits le problème des civili-
sations, au mouvement interne le problème des cultures. L'Histoire
cherche à voir dans les trois l'unité du développement humain
et suivant l'esprit des chercheurs confond parfois la race, la civili-
sation et la culture.

Aussi envisagerons-nous r a p i d e m e n t dans quelle mesure


ces trois aspects de l ' h o m m e africain p e u v e n t être utilisés p o u r
aider à reconstituer l'histoire de ces peuples.

1. — DIFFICULTÉ DES ÉTUDES COMPARÉES

L a lenteur des transports, le cloisonnement politique,


l ' a u t o n o m i e jalouse des sociétés missionnaires ont longtemps
gêné les études comparatives, et c'est seulement à l'issue de la
deuxième guerre mondiale q u ' u n e amélioration sensible a pu
être constatée.

(1) LEROI-GOURHAN, I b i d . , p . 11.


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Émile-Félix GA UT 1ER M. D E L A F O S S E

Gouverneur R. LABO U RET E. G R I A U L E


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Phot. I n s t i t u t Frobénius
R. P. Wilhelm S C H M I D T Leo F R O B É N I U S

Diedrich W E S T E R M A N N Prof. B A U M A N N
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Pendant de longues années, les seuls recoupements qui


peuvent être effectués émanent de fonctionnaires mutés d'un
poste à l'autre. Ce fut notamment le cas de Gaden, Delafosse,
Tauxier, Labouret, Vieillard qui, au cours d'une longue car-
rière africaine menèrent des études ethnographiques et lin-
guistiques remarquables d'un bout à l'autre de l'ouest africain.
Certains recoupements sont purement accidentels; ainsi la
présence d'un médecin africain de race baoulé à Sansane Mango
dans le nord du Togo permet d'affirmer l'importance de la
composante baoulé dans le dialecte anoufo dont on connaissait
seulement les souches mandingues.
De même l'appartenance au rameau Gouang des habitants de
Séméré (cercle de Djougou — nord Dahomey) est déterminée
par les porteurs du comte Zech dès 1897. Ceux-ci, originaires de
Salaga, découvrent qu'ils parlent la même langue que les
habitants de Séméré.
Aux ethnologues allemands Frobenius et Baumann revient
le mérite d'avoir établi des cartes comparatives et défini des
cercles de civilisation.
Des enquêtes systématiquement menées, portant sur l'anthro-
pologie, la linguistique, les clans, les interdits, les croyances,
l'habitat, les rites agraires, les techniques du feu, de la spar-
terie, de la vannerie, du tissage, permettent souvent d'utiles
recoupements. L'ensemble de ces données constitue un faisceau
de présomptions qui permet des hypothèses. Encore convient-il
de n'avancer ces hypothèses qu'avec prudence. En effet les
facultés d'adaptation, le caractère « plastique », cette sorte de
« mimétisme au milieu » du noir africain sont tels qu'aucune
affirmation ne peut être formulée sans faire immédiatement
des réserves qui ont trait notamment à l'importance des
migrations. Les déplacements, particulièrement dans l'Afrique,
des savanes sont innombrables et varient de quelques dizaines
d'hommes, quelques familles à tout un peuple. Les mouvements
sont progressifs et lorsqu'il ne s'agit pas d'une fuite devant un
conquérant, sont une lente et prudente quête de terres. Nous
analyserons au chapitre des migrations les conditions dans
lesquelles est réalisée l'assimilation des divers groupes humains.
En fait en de nombreux cas les critères de définition de l'ethnie
sont purement linguistiques.
Il existe parfois une confusion sur l'importance de la linguis-
tique dans l'histoire africaine ; les études les plus sérieuses d'ethno-
logie et de protohistoire, celles de Westermann, de Labouret,
de Vieillard, de Seligman, de Kôhler émanent en effet d'hommes
connaissant admirablement une ou plusieurs langues africaines,
c'est-à-dire susceptibles de recueillir la tradition en langues
vernaculaire et la noter avec plus d'exactitude. D'autre part, la
linguistique comparée permet en Afrique noire de retrouver à
des centaines de kilomètres de distance des tribus de même
origine, et de déterminer la parenté de certains groupes ethniques.
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2. — LE CRITÈRE LINGUISTIQUE
Comme le souligne Seligman (1) « l'étude des races de
l'Afrique a été conduite jusqu'ici sur le plan linguistique
principalement et, comme il est beaucoup plus aisé d'acquérir
la connaissance pratique d'un langage que de toute autre partie
du patrimoine culturel, les dénominations basées sur un carac-
tère linguistique sont constamment appliquées à de grands
groupes de populations ».
A. — L'étude des langues africaines du XIXe siècle à 1950
Les langues africaines ont été étudiées très tôt et d'autant
mieux que l'effort missionnaire a été plus grand. Dès le début
du xixe siècle, H. Liechtenstein publie une étude sur la
parenté des langues de l'Afrique méridionale à l'est du Congo
(1808), puis Vivien de Saint Martin démontre que les dialectes
gabonais appartiennent au même groupe (1846), cependant
qu'Appleyard, dans son introduction à la grammaire cafre,
fait une étude comparative des langues d'Afrique australe.
En 1851, W. H. Bleek soutient une thèse sur les langues
d'Afrique du sud. Chargé de l'étude des livres et notes manus-
crites du gouverneur du Cap, Sir George Grey, Bleek fait
paraître (1860) le premier volume de la Comparative grammar
o/ the South African language où il établit l'acte de baptême
du groupe bantou, dans toutes les langues duquel ce terme
signifie « homme ».
Cependant l'étude des langues du Soudan nigérien et du
Soudan nilotique fait de multiples progrès : Vater reconnaît
l'identité des idiomes peuls du Sénégal et de l'Adamaoua (1812);
la polyglotta africana de Koelle (1854) précède de vingt-trois
ans la classification de Fr. Müller, appuyée sur les affinités
linguistiques et le système capillaire des divers groupements
africains. Lepsius (1880) propose une autre classification dans
l'introduction de sa grammaire nubienne.
En 1909, Leo Reinisch publie Das persônliche Fiirwort und
die Verbal Flexion in den chamito-semitischen Sprachen, étude
comparative des pronoms bantous, chamites et sémites qui
aboutit à la théorie suivant laquelle le berceau commun de
ces langages doit se situer vers le haut Nil. Le professeur
Meinhof publie une étude phonétique comparée des langues
bantoues (1899), suivie d'une étude grammaticale (1905) et
d'une étude comparative des langues chamites (1912), où il fait
entrer notamment haoussa, hottentot, massaï, et peul.
Après Delafosse, trois missionnaires dominent la linguistique
africaine contemporaine, le regretté Diedrich Westermann,
Mlle Lydia Homburger, de la Société des missions évangéliques

(1) SELIGMAN, Les races de l'Afrique, Paris, 1935, p. 11-12.


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de Paris, enfin le R. P. Tastevin, dont la « clef des langues


africaines » est une remarquable synthèse pratique de nos
connaissances actuelles.
Mlle Lydia Homburger montre, dès 1912, l'unité des langues
négro-africaines que Maurice Delafosse admet (1916) et affirme
dans Les langues du monde (1925). Le professeur Diedrich
Westermann reconnaît (1927) la parenté des langues bantoues
et des langues soudanaises.
En 1928, Mlle Homburger démontre l'unité fondamentale
des langues à classes indiquées par les préfixes (langues
bantoues) ou par des suffixes (dialecte peuls) et les langues qui
marquent la différence du genre sexuel (haoussa). L'année
'suivante elle prouve l'origine égyptienne d'une part notable
du vocabulaire négro-africain ; enfin elle signale l'existence
d'une langue qu'elle appelle « saharienne », qui aurait été
jadis parlée dans le Sahara oriental et dont dériveraient direc-
tement les langues sénégalaise, tchadienne, nilotique et
bantoue. Enfin au cours de l'année 1956, Mlle Homburger
émet une hypothèse plus révolutionnaire encore, puisqu'elle
fait venir de la péninsule indienne la langue mère des parlers
africains, mais alors dans cette optique toutes les langues du
monde seraient apparentées, ce qui annihile tout travail de
classification.
B. — La classification de Greenberg
Une nouvelle classification des langues africaines a été
envisagée par un spécialiste américain, M. Greenberg dans
une série d'articles parus dans le South western Journal of
Anthropology en 1949 et 1950 et qui ont été traduits par Tardits
(1) dans le Bulletin de l'institut français d'Afrique noire.
Ce philologue bouleverse les théories jusqu'alors admises
sur la foi des travaux, remarquables pour l'époque, de Meinhof,
Drexel et Westermann. Une analyse purement linguistique
l'amène à proposer une classification nouvelle qui, sauf des
critiques de détail, a généralement reçu bon accueil de la
part des linguistes. Une famille « nigéro-congolaise » embras-
serait à la fois le domaine bantou et la plus grande partie du
domaine « soudanais » ouest-africain rendant compte de la
parenté constatée entre les deux groupes. Six autres familles
doivent être distinguées, les langues Sonrhay de la vallée du
Niger, celles du Soudan central, celle d'un groupe dit « Saharien
central », tchadien, soudanais oriental, chamito-sémitique et
Khoi-san.
Les innovations principales de Greenberg, outre la famille
nigéro-congolaise déjà mentionnée, concernent :

(1) TARDITS, BIFAN, tome XVI, n° 1-2, janvier-avril 1954, série B,


p. 83-142 XVII, 1-2, janvier-avril, 1955, série B, p. 61-108.
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1° Le sonrhay-djerma qu'il sépare du groupe soudanais


où il est ordinairement classé;
2° le rattachement du peul jusqu'alors considéré comme
une langue chamitique, au sérère et au ouolof;
30 l'existence d'un sous-groupe tchadien (dont le haoussa)
rattaché aux langues chamito-sémitiques;
40 la constitution d'une famille soudanaise orientale grou-
pant un lot important de langues dites jusqu'alors nilo-chami-
tiques et que Greenberg baptise plus justement « langues des
grands lacs »;
5° la séparation nette des langues à clics (Khoi-san, Sandawe,
Hatsa) des langues chamites auxquelles certains auteurs les
rattachaient;
60 enfin l'existence d'un certain nombre de langues ou
groupes de langues qui ne peuvent être rattachées à aucune
des grandes divisions envisagées.
L'étude de Greenberg, bien que travail de laboratoire pure-
ment linguistique, apporte de nouvelles hypothèses à l'histoire
africaine, aussi bien quant à une origine orientale des Haoussa
que pour la base de formation du peuple Peul, voire sur les
possibles migrations des Hottentots. De même l'existence
de langues qui ne rentrent dans aucune formule de classification
permet de penser qu'il s'agit de peuples témoins qui auraient
été épargnés par les divers courants d'invasion.
Comme on le voit, le travail de M. Greenberg présente
une grande importance pour l'étude des ethnies africaines
dont la classification est encore le plus souvent à base linguis-
tique. Nous espérons toutefois beaucoup des prochains travaux
du professeur Kôhler qui est probablement à l'heure actuelle
le plus grand spécialiste mondial des langues africaines.
C. - La toponymie africaine auxiliaire de l'histoire
Dans un remarquable article le regretté professeur Basset (1)
signalait l'importance de la toponymie comme repère historique.
Si de nouveaux venus de langue différente, introduisent des
appellations nouvelles, le plus souvent, paresse ou non, s'ils ne
provoquent pas un exode total de la population antérieure et,
trop heureux de faire concourir à leur bien-être personnel l'activité
des populations soumises, se contentent de la coiffer, ils adoptent
purement et simplement les noms de lieux antérieurs à leur
arrivée si bien que ceux-ci, survivant fréquemment aux change-
ments successifs de langue, restent comme un témoignage des
diverses couches linguistiques superposées. Ils passent alors
au rang d'éléments d'information essentiels sur le passé pour les
régions, les époques, les questions pour lesquelles les documents
proprement historiques nous font totalement défaut.

(1) A. BASSET, Pour une collecte des noms propres, BIFAN, 1950, p. 535.
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Basset signale l'importance de la toponymie pour la recherche


concernant l'étendue dés invasions germaniques en France
ou le peuplement de l'Europe occidentale.
En Afrique noire, la toponymie est, bien plus qu'en Europe,
d'un très grand secours pour la recherche historique. Ainsi
en pays Konkomba (Togo) Nampoua qui signifie forêt des
Namba indique un peuplement antérieur Namba, Kougnohou
(mourir c'est mieux) marque bien dans l'Akébou (Togo),
l'arrivée d'un groupe de fuyards haletants et épuisés qui,
trouvant un emplacement agréable s'y installent pour faire la
pause.
Sans doute il faut d'abord revoir les premières notations
toponymiques d'Européens, dont l'oreille était mal exercée
et qui entendaient souvent à travers un interprète peu soucieux
de donner le nom véritable. Mais, ces réserves faites, la topo-
nymie africaine rend presque toujours exactement compte
du peuplement ancien et des premiers possesseurs du sol.
Dans les palabres de terrain, la toponymie est fréquemment
et légitimement mise en avant.

3. — LES CRITÈRES DE L'ANTHROPOLOGIE

L'anthropologie, avec les moyens d'accès et d'investigations


dont on dispose présentement devrait permettre, sinon une
classification complète, du moins d'utiles comparaisons.
Malheureusement peu d'études systématiques ont été entre-
prises, sauf sur certains éléments pygmées, hottentots, nilotes
ou peuls. On en lira l'analyse au cours des chapitres suivants.
Les quelques renseignements dont on dispose proviennent
souvent des médecins militaires assurant le recrutement des
tirailleurs ou étudiant les malades, donc sur un ensemble pré-
sélectionné dans un sens ou dans l'autre. Si les études de
Couvy (1), Gaillard et Poutrin (2) sont à cet égard très valables,
les résultats du cercle de Djougou (nord Dahomey) de la mission
de Gironcourt (3) concernant les Pila-pila sont des plus contes-
tables, et il paraît avéré aujourd'hui que ces Pila-pila ne sont
nullement les géants exceptionnels qu'on a voulu voir après
une enquête portant sur un trop petit nombre d'individus (4).
Il est dommage qu'une séparation de fait aussi nette existe
entre l'anthropologiste et l'ethnologue, ce dernier, bien souvent

(1) COUVY, Notes anthropométriques s u r quelques races du territoire


m i l i t a i r e du Tchad ( S a r a , Sokoro, B o u d o u m a , B o u l a l a , O u a d a ï e n s ) ;
A n t h r o p o l o g i e , 1907, t. 18.
(2) GAILLARD ET POUTRIN, É t u d e s anthropol. des p o p u l a t i o n s du T c h a d et
du K a n e m , d a n s D o c u m e n t s scientifiques de l a mission T i l h o , 1906-1909.
(3) VERNEAU R . , Résultats anthropologiques de la mission de M . de Giron-
court en Afrique occidentale; l ' A n t h r o p o l o g i e , T. 27 e t 2 8 , 1 9 1 6 - 1 9 1 7 .
(4) L a taille des P i l a - p i l a ; É t u d e s d a h o m é e n n e s , I I I , p. 39.
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n'admettant d'utiliser les données somatiques que pour confir-


mer ou infirmer une hypothèse, et l'anthropologue, bardé
d'instruments de mesures, n'acceptant qu'à contre-cœur
d'abandonner ses moyens scientifiques pour les spéculations
plus hasardeuses portant sur les coutumes familiales, les
classes totémiques ou l'habitat.
C'est von Eickstedt qui, le premier, dans son Rassenkunde
und Rassengeschichte der Menschheit, élabore une théorie des
cercles raciaux partant de deux centres principaux; à l'ouest
les pygmées de la forêt et à l'est les éléments europoïdes. Autour
de ces noyaux les peuples noirs offrent toutes les couleurs de
l'arc-en-ciel. En fait, von Eickstedt cède au goût très germanique
de la simplification excessive. Sa théorie aurait quelque vrai-
semblance dans une Afrique plane où les migrations se seraient
développées de façon méthodique et régulière; mais il n'en est
rien, l'Afrique est montagneuse, traversée de fleuves pas
toujours navigables ni faciles à franchir.
Aussi l'anthropologie est une science qui n'est utilisée avec
succès qu'auprès de certaines populations. Elle permet notam-
ment d'utiles recoupements chez les Peuls, pygmoïdes, Hotten-
tots, Nilotes, etc... Au contraire, on l'a bien vu lors de certains
congrès groupant des représentants de toute l'Afrique noire, il
existe un fond racial commun du Cap à Dakar, une sorte d'unité
fondamentale qui transparaît à travers les différenciations locales
mais qu'il est difficile d'exprimer par des mensurations.
Grâce aux mesures de groupes sanguins actuellement prati-
quées, on peut arriver à dégager certaines relations, certaines
parentés, certains principes, mais là encore, on travaille sur
sélection préétablie.
En fait pour établir des comparaisons valables, il faudrait
mener des enquêtes systématiques sur tous les aspects de la
société africaine sans négliger le milieu géographique et son évo-
lution. Ces enquêtes devraient être établies par village ou
quartier, en somme par unité ethnique élémentaire et c'est
lorsqu'une carte au 1/50 000 ou au 1/20 000 aurait montré les
déplacements de la cellule primitive que l'on pourrait vala-
blement passer à une étude plus large d'un groupe plus étendu
avec une carte des migrations qui pourrait alors être établie au
1/500 000.
Avant de quitter le domaine de l'anthropologie et de la
linguistique il paraît indispensable de définir avec précision
le terme chamite; à l'origine purement linguistique, ce mot,
par l'usage qu'en ont fait certains auteurs, a fini par recouvrir
des caractères anthropologiques et culturels.
Les auteurs emploient un peu au hasard chamite, hamite et
khamite; ce sont trois orthographes d'un même terme venant de
Cham, fils de Noé. La linguistique africaine, œuvre de mission-
naires, est littéralement imprégnée de réminiscences bibliques.
La prononciation réelle étant hamite, le mot a été orthographié
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dans les éditions francaises avec une belle diversité. Ainsi


Denise Paulme (1), après Seligman (2), orthographie kamite
cependant que Labouret dit hamite (3), Poirier fait une distinc-
tion (4) entre les chamites qui, partant de l'Égypte se seraient
avancés en Afrique orientale et les Hamites dont il fait des
proto-berbères qui, après avoir suivi le littoral nord-africain,
auraient occupé le Maghreb tout entier. C'est une façon de
différencier les chamites orientaux des chamites septentrionaux.
Encore serait-il souhaitable de faire entériner ces distinctions
par un congrès international.
Nous adopterons dans cet ouvrage la terminologie chamite
comme étant la seule ayant droit de cité en France. Ce terme de
chamite concerne, rappelons-le, un ensemble linguistique qui
comprend deux grands groupes :
1° celui des chamites orientaux (égyptien ancien, Bedja,
Galla, Somali, Danakil),
2° celui des chamites septentrionaux (ensemble des dialectes
berbères parlés de Tripoli jusqu'au Maroc et les langues parlées
par les Touareg et Toubou du Sahara ainsi que par les anciens
Guanches des Canaries).
Le terme chamite, purement linguistique à l'origine, en est
venu à définir les caractères anthropologiques -et culturels de
l'ensemble des groupes ethniques parlant des dialectes chamites
et habitant la zone d'expansion de ces chamites. Il est évidem-
ment assez étrange que Cham, le seul Noir des fils de Noé soit
donné, par une chaîne d'interprétations pour le moins abusives,
comme à l'origine de peuples de race blanche.
Il serait évidemment très souhaitable qu'un congrès interna-
tional d'anthropologistes définisse de façon claire ces notions.

4. — LES CRITÈRES DE L'ETHNOLOGIE

Ces critères sont d'un maniement difficile, mais ils permettent


de très utiles recoupements et les cycles culturels définis permet-
tent de mieux comprendre l'enchaînement des faits de la proto-
histoire et de rétablir, parfois à des distances considérables,
les parentés entre groupes ethniques.
L'étude de certaines techniques est, à cet égard, particulière-
ment précieuse.
Le feu n'a d'intérêt sur le plan historique que par les légendes
et traditions concernant sa découverte, son caractère sacré,
les cérémonies pour l'allumer et pour l'éteindre. Par contre

(1) Les civilisations Africaines, p. 13.


(2) SELIGMAN, p. 16.
(3) Histoire des noirs d'Afrique, p. 7.
(4) Ethnologie de l'Union française, p. 82.'
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D a n s la m ê m e collection

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Série HISTOIRE
(Histoire des pays d'outre-mer)

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LES F R A N Ç A I S ( 1 6 5 9 - 1 9 5 9 )
R. MAUNY - LE P A S S É DE L ' A F R I Q U E
O C C I D E N T A L E (Préhistoire e t histoire
j u s q u ' a u XVIIe siècle)
Y. PERSON - HISTOIRE DE LA CÔTE D'IVOIRE
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