010024880
010024880
010024880
APFT - ULB,
Centre d’Anthropologie Culturelle
Avenue Jeanne 44 - 1000 Bruxelles
Tél. 32-2-650 34 25
E-mail : anthcult@ulb.ac.be
Extracts may be freely reproduced by the press or non-profit organisations, with acknowledgement.
APFT would appreciate receiving copies of any material based on this book.
Des extraits de cet ouvrage peuvent être librement reproduits par la presse ou par des organisations
sans but lucratif, en indiquant la source. APFT souhaiterait recevoir copie de tout matériel ayant fait
usage des textes ou figures contenus dans le présent document.
This study was achieved with the financial contribution of the European Commission. The authors
are solely responsible for all opinions expressed in this document, which do not necessarily reflect
those of the European Commission.
Cette étude a été réalisée avec l’aide financière de la Commission Européenne. Les auteurs sont
seuls responsables des opinions exprimées dans ce document. Elles ne reflètent pas nécessairement
celles de la Commission Européenne.
Programme
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales
Bruxelles - 2000
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) Future of Rainforest Peoples (FRP)
Ce texte de synthèse constitue le Volume I de Les peuples des forêts tropicales aujourd’hui, rapport du
programme APFT. Il est basé sur les travaux contenus dans la série suivante :
Volume II : Une approche thématique
Volume III : Afrique centrale
Volume IV : Guyanes (région Caraïbes)
Volume V : Mélanésie (région Pacifique)
On trouvera dans ces volumes la bibliographie concernant les points abordés dans cette synthèse.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 2 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire
Introduction 5
1. Pourquoi ? 9
2. Pour qui ? 15
3. Comment ? 19
1. Afrique centrale 27
2. Les Guyanes 37
3. Mélanésie 47
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 3 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
17. Quelle est la place donnée aux femmes dans les économies
forestières traditionnelles ? 81
18. Peut-on se nourrir en forêt ? 82
19. La malnutrition est-elle une malédiction ? 85
20. Les populations forestières menacent-elles la biodiversité ? 86
21. L’argent fait-il le progrès ? 87
22. Le gibier est-il un PFNL (produit forestier non-ligneux) ? 91
23. La route est-elle la voie du développement ? 93
24. L’écotourisme est-il un instrument de développement innocent ? 95
25. Les connaissances traditionnelles peuvent-elles servir
le développement durable ? 97
26. Des langues ou des patois ? 99
27. Quelle scolarité pour quels élèves ? 101
28. Dieu va-t-il sauver les Sauvages ? 101
29. Quelles possibilités d’évolution ? 102
30. Quelles associations peuvent répondre à l’impact de la modernité ? 103
31. Quel appui peuvent offrir aujourd’hui les ONG ? 105
32. Quelle place pour les anthropologues ? 107
33. A qui appartient la forêt ? 190
34. Quels droits accorder à la propriété intellectuelle ? 111
35. Faut-il laisser des hommes dans les aires protégées ? 112
36. Conserver ou développer ? 114
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 4 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Introduction
Le but premier du programme APFT consistait à rendre compte de la vie
quotidienne de villages forestiers en cette fin de XXème siècle. Les chercheurs se sont
donné pour tâche d’observer sur le terrain, pendant trois ans, le mode de vie de plusieurs
communautés forestières, afin d’analyser précisément ce “changement”.
Les forêts tropicales sont encore souvent considérées comme un milieu sauvage,
leurs habitants représentant un jalon dans l’évolution de l’humanité, l’ensemble devant
être préservé comme un précieux patrimoine. Inversement, elles peuvent être perçues
comme des régions où le développement tarde à imprimer sa marque durable, les nations
du Nord se devant de remédier à cet état de fait.
Le présent texte a pour but d’apporter un éclairage réaliste sur la situation
contemporaine d’une partie des forêts tropicales, celles des pays de la zone ACP
(Afrique-Caraïbes-Pacifique), qui constitue un champ d’intervention privilégié pour la
Communauté Européenne. Ces pays, notamment les régions forestières, ont la triste
particularité de présenter une certaine homogénéité, celle d’un sous-développement
chronique, si l’on prend comme point de référence la décolonisation des décennies
soixante et soixante-dix ; ils offrent un contraste frappant avec l’émergence du cône sud-
africain, de l’Asie du Sud-Est ou du Brésil par exemple.
Dans un premier chapitre, nous ferons la revue des questions que les mondes
scientifique et politique se posent actuellement sur ces forêts. Nous rappellerons les
tendances évolutives que tout observateur de bonne foi peut enregistrer depuis une
trentaine d’années, mais qu’il nous a semblé indispensable de synthétiser, tant les vieux
schémas idéologiques les plus variés semblent prégnants. Ils inhibent en effet la
construction de politiques économiques et sociales saines, qui permettraient la mise en
place de systèmes politiques viables, une conservation raisonnable de la biodiversité et
un épanouissement culturel et social serein des populations, tant urbaines que rurales.
Le deuxième chapitre présentera tout d’abord, à l’échelle régionale, nos
investigations à la lumière du questionnement précédent. Cet aspect essentiel concentre
les héritages historiques et culturels, créateurs des fameuses différences affichées par une
part sans cesse croissante des habitants d’un monde pensé comme global.
Dans le troisième chapitre, l’approche régionale sera synthétisée sous la forme de
36 questions, dans un exposé thématique et raisonné des paramètres que tout programme
de développement durable doit prendre en compte. Ces questions sont la quintessence de
notre programme. Nous y mettrons en situation les réponses possibles visant à définir un
cadre politique cohérent.
La dernière partie présentera de façon pragmatique des propositions incluant :
• les concepts tant pratiques qu’éthiques devant présider aux programmes de
développement et de conservation ;
• la précision des objectifs du développement ;
• la meilleure manière de comprendre le contexte à différentes échelles de temps et
d’espace ;
• une réflexion sur la mise en place de politiques efficaces.
Nous terminerons par des conseils pratiques pour la réalisation des projets, basés
sur les problèmes cruciaux devant être pris à bras le corps tant par les pays du Nord que
par ceux du Sud.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 5 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 6 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
DE MULTIPLES QUESTIONS
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 7 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 8 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
1. Pourquoi ?
Dans un contexte dominant de préservation des forêts tropicales, notre démarche a
été non de nous faire les avocats délibérés des hommes (bien que nos convictions
personnelles aillent dans ce sens), mais plutôt de réfléchir sur deux postulats simples :
• il ne peut y avoir une gestion saine de l’environnement tropical sans un
épanouissement des êtres humains qui en vivent ;
• la nature sauvage n’existe pas (ou bien peu) et, par conséquent, la persistance de
milieux riches en biodiversité prouve l’ancienneté de pratiques humaines compatibles
avec la continuité de ces milieux.
Le premier postulat est admis, au moins en apparence, par tous les acteurs
intervenant dans le milieu tropical ; cependant, les solutions préconisées divergent
sensiblement. Quant au second, il est pour l’essentiel contesté par les conservationnistes
et une partie des écologistes militants, qui considèrent que bien des milieux naturels
doivent être défendus coûte que coûte contre les actions des êtres humains.
Nos postulats ne sont pas dictés par une foi aveugle en l’homme des forêts
tropicales, ni même par une conviction profonde pour un concept, celui de la
biodiversité, dont l’ancienneté ne pèse pas bien lourd dans l’histoire de la pensée
scientifique. En revanche, nous souhaitons nous appuyer sur un continuum
d’observations, scientifiques pour l’essentiel, accumulées surtout au cours du siècle qui
vient de s’achever, et montrant que l’homme, dans quelque culture que ce soit, est
capable de gérer convenablement son milieu, pourvu qu’il dispose de bonnes conditions
sociales, politiques et économiques.
Nous gardons également en tête que les savoirs, les savoir-faire et, plus
modestement, les pratiques quotidiennes que nous décrivons font partie d’un patrimoine
précieux pour l’humanité entière. Cependant, pour riches et respectables que soient ces
savoirs locaux, ils ne peuvent en aucun cas être confondus avec une approche
scientifique, qui seule possède les outils critiques permettant de choisir les modes de
gestion viables du vivant, dès lors que nous sortons de l’échelle locale, sans omettre les
risques d’erreur. Nier cette évidence reviendrait à nier l’utilité de programmes comme
APFT ; ce serait surtout condamner toute possibilité de jeter des ponts entre les savoirs
particuliers et les orientations à grande échelle.
Ces quelques préliminaires conceptuels énoncés, il convient d’insister sur quelques
mots-clés, au caractère quelque peu antithétique, qui reviendront sans cesse tout au long
de notre travail : nous affinerons ainsi nos préférences.
Tout d’abord, face à la notion de “protection de l’environnement”, nous
privilégions celle de “gestion de l’environnement“. La protection implique des interdits
à l’encontre des êtres humains, visant à pérenniser avant tout l’existence d’espèces
animales ou végétales. La gestion de l’environnement, quant à elle, consiste à penser que
l’homme est un élément dominant du milieu naturel et que les actions sur ce dernier
peuvent, et doivent, être bénéfiques pour l’ensemble. Une telle affirmation n’exclut
cependant pas l’utilisation de méthodes répressives en cas de dérives graves, dont les
exemples sont bien documentés ; celles-ci doivent toujours être envisagées comme des
mesures d’urgence, l’objectif final étant de permettre aux êtres humains de jouir
pleinement de leur environnement.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 9 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 10 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 11 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Maison Wayampi avec couverture traditionnelle en palme. Trois Sauts - Guyane Fr. (cliché S.Bahuchet)
Un plan de réaménagement mal conçu a provoqué l’épuisement du peuplement des palmiers (Geonema)
Cette pénurie a entraîné la construction des habitations à partir de matériaux de récupération, avec le
résultat qu’on peut voir.
Maison Wayampi construite hâtivement suite à un plan de réaménagement, avec couverture en bâche.
(cliché S.Bahuchet)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 12 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Pourtant, les classes richissimes comme les villageois les plus humbles semblent
bien partager - tout particulièrement en Afrique - quelques jugements communs qui
pèsent lourd dans l’évolution des pays du Sud :
• le modernisme occidental signifie l’accès facile aux biens de consommation, tout
particulièrement ceux qui sont luxueux et ostentatoires ;
• l’Occident est à la fois détesté (il détient les pouvoirs, entre autres celui d’opprimer)
et désiré (il est dispensateur de richesse, d’éducation et de santé). Il faut donc
préserver des bonnes relations avec le Nord, tout en le maintenant à bonne distance, à
travers des jeux économiques et politiques subtils.
Au delà de ces caractéristiques partagées, les habitants des forêts formulent face
aux pressions extérieures d’autres revendications plus spécifiques :
• la revendication du contrôle de la terre semble fondamentale, encore que nos études
régionales montrent qu’elle se décline de façon différente selon les continents ;
• la revendication des infrastructures de base (écoles, dispensaires, communications
aériennes et routières) est commune à toutes les communautés de la forêt ;
• la référence au respect de la culture est moins fréquente mais peut être parfois
affirmée sur un mode revendicatif, comme c’est le cas dans les Guyanes ; elle est sans
doute en bonne partie liée aux frustrations accompagnant les échecs du
développement.
Nos rapports régionaux sont autant d’illustrations de ces tendances, jugements et
revendications. Nous essaierons dans les chapitres suivants de voir comment peuvent être
articulés tant d’objectifs contradictoires. Mais on peut déjà avancer que les mécanismes
politiques observables à tous les niveaux des pays du Sud sont, avant tout, une stratégie
d’adéquation de leurs aspirations au progrès avec les pressions (ou les lubies ?) du Nord.
Tendances globales
Il est bien évident que les tendances globales restent induites par le Nord. Certes,
des voix se sont élevées au Sud lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992 ; certes, l’année
1993 fut consacrée aux peuples indigènes, et nous devrions nous en réjouir. Pourtant,
nous ne pouvons manquer parallèlement de nous interroger sur les mécanismes, les
acteurs et les mobiles qui les animent et, par-dessus tout, sur les revendications parvenant
aux oreilles des décideurs du Nord.
On remarquera aisément que les prises de conscience des peuples indigènes (dont
une part non négligeable vit aussi dans les pays du Nord, en particulier aux USA et en
Russie) sont extrêmement variables. Les groupes les plus menacés culturellement,
linguistiquement et économiquement sont de loin les plus activistes, alors que ceux dont
“l’état de santé culturel” est plutôt satisfaisant agissent peu. Il est vrai que l’on ne
commence à défendre ce que l’on sait déjà menacé. A un échelle plus large, on gardera
en mémoire que l’idée de fédérer des peuples ou simplement des communautés, même à
l’échelle d’une région, est encore un concept foncièrement occidental.
D’ailleurs, on remarquera que les pays ACP dans lesquels nous avons travaillé ne
se caractérisent pas, à l’échelle internationale (sauf peut-être en Guyane française), par
un fort activisme au nom des “peuples des forêts”.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 13 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
On aura compris que ce sont les indigénistes, et non les indigènes, qui ont provoqué
cette alliance participative entre les communautés des forêts tropicales (pour ne parler
que d’elles) et les lobbies conscientisés du Nord. Pourtant, au cours des vingt dernières
années, une élite issue des communautés indigènes a pu se former, au moins en Amérique
tropicale et en Mélanésie. Elle cherche sa propre voie, tentant un compromis difficile
entre tradition et modernité.
Une des caractéristiques de ce mouvement est son alliance (sans pour autant parler
de fusion) avec le lobby vert dès la fin des années 80. Le coup d’envoi en fut donné (hors
de la zone ACP il est vrai) par l’assassinat de Chico Mendès dans l’Acre brésilien en
1988. Un conflit classique entre pauvres paysans et gros propriétaires fut rapidement
transformé par les médias du Nord en une alliance des “peuples de la forêt” pour la
préservation d’un mode de vie en harmonie avec le milieu naturel.
En Afrique, où les mouvements indigènes sont pratiquement inexistants - tous les
Africains ne sont-ils pas des indigènes ? -, l’emprise du lobby vert est particulièrement
flagrante. D’où l’invention de concepts comme “gestion participative”, sensée permettre
une conscientisation des communautés en matière d’environnement et assurer leur
développement ou, plus modestement, des revenus stables. La réalité de cette gestion
participative a été tout particulièrement évaluée par le programme APFT.
Le sentiment que nous avions, dès le début du programme, est que l’initiative reste
faible au Sud. Quant au Nord, en dépit des évolutions positives (évoquées plus haut) et
d’objectifs concrets souvent contradictoires, sa pression, parée de discours plus
humanistes que jamais, reste constante, pour des raisons très pragmatiques :
• au Sud, la nature est de toute évidence en voie de rapide transformation, en partie
liée à des changements climatiques globaux mais aussi à une exploitation toujours
plus brutale des ressources naturelles ; d’où une pression accrue des mouvements
écologistes pour le contrôle de l’exploitation des ressources à travers tout un arsenal
légal (certifications, quotas, espèces intégralement protégées...) et surtout une
pression médiatique quasi quotidienne ;
• dégradation de l’environnement et pauvreté engendrant des “conflits verts” sont
indubitablement liées, même si elles n’en sont pas les seuls facteurs : le Nord cherche
à traiter conjointement les deux questions en donnant plus de place aux agricultures
de subsistance et à une exploitation viable des ressources forestières ; cependant, les
vieux préjugés - entre autres à l’égard de l’agriculture traditionnelle sur brûlis -
persistent trop souvent 1 ;
• enfin et surtout, le Nord cherche partout à instaurer des principes de bonne
gouvernance et d’efficacité économique, dont il escompte à moyen terme des effets
positifs.
Tout ceci tend à montrer que les pays du Sud restent pour l’essentiel soumis à des
directives venant du Nord.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 14 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
2. Pour qui ?
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 15 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
L’agriculture traditionnelle s’insère dans la dynamique de la forêt naturelle, alors que l’application des
concepts agronomiques européen nécessite une stricte séparation entre la forêt et les champs.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 16 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 17 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Le manque d’entretien des routes et leur utilisation à des fins d’exploitation forestière donne le résultat que
nus constatons ici. La même route, à quelques mois d’intervalle. RDC. (cliché H.Pagézy)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 18 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
3. Comment ?
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 19 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
La grogne naît dès le constat des dégâts collatéraux, et c’est généralement à ce stade que surgissent les
questions qui auraient dû être posées à priori. Ouverture d’une route - Cameroun (cliché S.Carrière)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 20 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Tout au long de son intervention, APFT n’a pas manqué de constater un double
discours et une double pratique. Ruse des faibles, lassés de se voir manipulés ? Peut-être.
Malaise social traduisant une perte du libre-arbitre ? Sans doute. Choc des générations ?
Assurément ! Sans chercher à les “dédouaner” pour autant, on comprendra cependant
que c’est à cette incohérence verbale que sont sans cesse confrontés les chefs de projets.
Privilégier une partie du discours, et le programme de développement court à la
catastrophe, car l’ambiguïté permet aux habitants de la forêt de se déresponsabiliser.
L’erreur est aussi du côté de ces développeurs qui appuient leur démarche sur des
convictions fondées sur l’idée d’une unilinéarité du progrès, si profondément ancrée dans
la pensée occidentale. Ils partent d’un constat (par exemple la raréfaction de l’éléphant,
la baisse de rendement des cacaoyères ou encore l’absence d’hygiène dans une région
donnée) et ils recherchent à ces problèmes des solutions claires et généralisables.
Mais les développeurs ne sont pas toujours des représentants des agences
internationales de développement. Ce sont aussi des entrepreneurs qui cherchent des
voies rentables - c’est-à-dire génératrices de bénéfices - à la promotion d’une activité ou
à l’exploitation d’une ressource. En principe, celle-ci est pensée (ou au moins présentée)
comme bénéfique pour tous et, de fait, elle est fréquemment perçue comme telle par les
habitants - au moins dans un premier temps : qui localement a protesté contre la
construction du pipe-line Tchad/Océan ? Qui localement a protesté contre le
développement de l’activité aurifère en Guyane ? Personne spontanément...
Pourtant, la grogne naît dès le constat des “dégâts collatéraux”, et c’est
généralement à ce stade que surgissent les questions qui auraient dû être posées a priori.
Là encore, si APFT n’avait pas dans ses objectifs de définir des politiques sociales
et économiques nouvelles, notre pratique anthropologique et notre approche ethno-
écologique nous ont amenés à mieux cerner les réalités des communautés forestières, ce
qui devrait permettre aux décideurs de dépasser l’apparence trompeuse des discours.
Interrelations
Dès le début de notre étude, nous avions postulé que les communautés forestières
vivaient en bout de chaîne de mouvements induits dans les capitales du Nord
(phénomène dit glocal) et nous pensions qu’il fallait “tordre le cou” au vieux concept
d’isolement autarcique. Nous avons pourtant essayé d’examiner si, en dépit de cette
affirmation, un certain degré d’autarcie ne conserve pas encore quelque charme pour les
habitants des forêts. Il ne faut jamais oublier que le degré de contact avec le monde
extérieur est très variable selon les communautés et profondément lié à leur histoire. A
contrario, être une communauté isolée n’implique pas que le monde vous laisse en paix :
par exemple, c’est dans les villages les plus reculés que les safaris vont s’installer ; les
voyagistes rechercheront des Pygmées vivant dans leurs petites huttes ou des
Amérindiens parés de plumes.
De ce point de vue, chaque village peut être considéré comme un cas particulier,
les paramètres à prendre en compte étant, d’une part la nature du contact avec la société
nationale et internationale, d’autre part l’état actuel du mode de subsistance. En outre,
l’intervenant extérieur doit garder en tête que les choses changent vite et lentement à la
fois : vite parce que l’impact d’une route par exemple peut modifier l’économie d’une
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 21 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
communauté en moins d’un an, lentement car les référents culturels des êtres humains
restent gravés dans les mentalités pendant des générations.
La persistance d’un mode de vie apparemment traditionnel ne résulte pas forcément
d’un choix, mais d’une contrainte : les habitants du nord-ouest de la Guyana chassent
toujours à l’arc, ceux de Guinée équatoriale à l’arbalète, parce que les permis de port
d’armes sont réglementés et le prix des munitions prohibitif. Des techniques
traditionnelles peuvent fort bien être utilisées à des fins destructrices et mercantiles :
piégeage en Afrique, affût dans les arbres pour la capture des oiseaux vivant en Guyana.
Dans les exemples précités, on notera d’un côté le poids de l'État, de l’autre
l’importance des marchés nationaux (viande de chasse) ou internationaux (oiseaux pour
les volières des grands hôtels des Caraïbes).
L’anthropologie classique s’intéressait aux ethnies, l’anthropologie moderne aux
communautés ; l’anthropologie de demain devra aussi se préoccuper de ces individus
évoluant en marge des nébuleuses identitaires. APFT a croisé sur sa route le poids montant
des individus : ils sont les porteurs du changement, les fers de lance de l’innovation, ils
assurent le lien avec le monde urbain... mais ils sont aussi les vecteurs de la
compromission avec les clans politiques évoqués plus haut et parfois les colporteurs des
pires aspects de la modernité. Plus que les développeurs, qu’à l’occasion ils dénoncent, on
peut se demander s’ils ne deviendront pas, à plus ou moins long terme, les agents les plus
efficaces de la mondialisation.
La question sous-jacente est surtout de savoir comment les règles et les enjeux de la
mondialisation (démocratisation, conservation de l’environnement, lois du marché)
atteignent les villages de la forêt et, surtout, quelle perception, si perception il y a, les
habitants en ont. Cet aspect a été abordé par notre programme à travers divers thèmes, tels
que l’approche psychologique ou l’impact de la scolarisation.
Il reste qu’une question importante n’a pas été soulevée par notre programme : c’est
la vision que les habitants du Nord ont de ceux du Sud. Cette image étant aux mains des
médias et du monde associatif, il serait essentiel d’effectuer une analyse critique de la
manière dont la connaissance des communautés du Sud et de leurs revendications est
véhiculée au Nord.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 22 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 23 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Le sort des producteurs de roquefort et celui des producteurs de cacao est similaire, sinon profondément
identique.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 24 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
II
CONSTATATIONS
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 25 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 26 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
1. Afrique centrale
Caractéristiques
L’Afrique des forêts a joué un rôle symbolique dans le programme APFT. C’est sur
elle que nous avons exercé la plus grosse part de nos efforts d’observation, c’est par elle
que nous entamons notre dur constat. Le milieu naturel de la forêt africaine n’est ni plus
ni moins contraignant qu’ailleurs. Ici, les cours d’eau, en dehors des grands fleuves
comme le Congo, sont peu utilisés et la pénétration se fait par voie terrestre : la colonie
a hérité d’un pattern indigène, déterminant pour la structuration de l’espace
contemporain.
L’Afrique centrale est peu peuplée ; pourtant, en dépit de la saignée opérée par la
traite, le choc démographique a été nettement moins drastique qu’en Amazonie ou en
Mélanésie insulaire. Même si, comme en Amazonie, certains hinterlands sont vides, les
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 27 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Le concept de populations totalement isolées est ici dénué de sens. Cameroun - (cliché S. Carrière)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 28 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 29 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Certaines sociétés s’efforcent de limiter les déchets de leurs scieries en fabriquant sur place des profilés (en
haut) et en favorisant la fabrication de charbons de bois (en bas). - Cameroun (clichés S.Bahuchet)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 30 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 31 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Les produits de la forêt peuvent être eux aussi exploités, à condition que tous les acteurs comprennent que
l’on doit en tirer des revenus à long terme. Si aujourd’hui les hommes des forêts détruisent leurs ressources,
c’est parce qu’ils les pensent condamnées à une inéluctable disparition. RCA - (cliché S.Bahuchet)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 32 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
sportifs... C’est donc par une meilleure structuration de l’État, en améliorant sa capacité
d’intervention - y compris en s’attaquant à ses vices -, que l’on parviendra à une
exploitation raisonnable et raisonnée de la forêt. Celle-ci passe par une législation certes
adaptée, mais surtout appliquée, et une meilleure répartition des revenus. Il serait de toute
façon impensable que les lobbies verts du Nord privent l’Afrique de l’exploitation de ses
ressources naturelles.
Tel qu’il est présenté par les bailleurs de fonds et les dirigeants des États, l’enjeu
majeur pour l’Afrique serait la réduction de la pauvreté. Cette formule toujours diffusée
ad nauseam par les médias du monde relève tout simplement de l’incantation, parce
qu’elle repose sur des définitions présupposées et floues, confondant la situation d’un
villageois de la forêt dans sa maison couverte de palmes avec celle d’un habitant d’un
bidonville. La pauvreté ne peut être résorbée durablement que si l’on s’attaque à ceux
qui la créent... Ce défi politique majeur implique de douloureux examens de conscience,
dépassant amplement les limites de ce programme. Une recommandation forte et
immédiatement applicable serait d’exercer un contrôle réel sur ceux qui vivent de la
pauvreté, notamment certaines ONG. L’Union Européenne a les moyens d’exercer ce
contrôle.
Quel meilleur révélateur de notre impuissance à exercer une action pérenne que le
faible taux de réussite des projets des donneurs : mauvais ciblage du programme, faible
taux de participation des populations concernées, déperdition des financements
accompagnent cette triste évidence. L’Afrique n’est pas seule en cause, mais elle se
révèle être la caricature “exemplaire” du développement, durable ou non.
Dans un tel contexte, la mise en place d’aires protégées est une gageure car la
protection du couvert forestier et de la faune peut localement apparaître comme
secondaire face aux problèmes humains. En dépit d’aménagements plus idéologiques que
réels, le système continue à opposer de facto des zones centrales vouées à une protection
intégrale du milieu naturel et des zones périphériques, dont le rôle tampon serait fondé
sur le développement durable. La réalité est un pitoyable maintien à distance de
populations dont les désirs (et quelquefois les fantasmes alimentés par des images
d’abondance) ne peuvent que converger vers la zone centrale. Il est plus que temps de
rompre avec ce schéma : les produits de la forêt peuvent être eux aussi exploités, à
condition que tous les acteurs comprennent que l’on doit en tirer des revenus à long
terme. Si aujourd’hui les hommes des forêts détruisent leurs ressources, c’est parce qu’ils
les pensent condamnées à une inéluctable disparition. Une fois encore, l’Occident est
prisonnier des concepts qu’il a véhiculé : extinction is for ever. Le pessimisme judéo-
chrétien a fait des adeptes : pourquoi les Africains ne participeraient-ils pas à la curée ?
D’autant plus que les Occidentaux dont le cœur palpite entre le bien (démocratie, égalité,
liberté...) et le mal (la soif d’argent résumant tout) avancent sans répit (et sans pudeur ?)
des objectifs plus que contradictoires.
Typique de l’Afrique, le commerce de la viande de brousse en est un bon exemple,
qui focalise l’ire des protecteurs de l’environnement. Activité destructrice n’ayant plus
grand chose à voir avec l’économie de subsistance, son émergence dans l’économie
informelle est liée à des facteurs clairement identifiables : le réajustement structurel qui
ramène en brousse une population jeune en quête de revenus immédiats ; la fluctuation
des cours du café et du cacao qui rend peu rentables les agricultures de rente. Ces cultures
étant l’une des composantes des systèmes agroforestiers, c’est toute une économie -
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 33 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Si nous voulons que les gorilles ou les éléphants survivent, assurons d’abord un avenir décent aux
communautés humaines de la forêt. (clichés C.Aveling)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 34 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Activités d’APFT
L’Afrique offre une palette large de situations allant de pays relativement bien
structurés, comme le Cameroun, à des pays à économie artificielle, comme le Gabon, ou
à fortes séquelles coloniales, comme la Guinée équatoriale, en passant par des Etats en
crise comme les deux Congo.
Sur le plan du partenariat, nous n’avons pas mis en place de structures durables,
mais il est vrai que cet objectif - souhaitable au demeurant - ne faisait pas partie de nos
obligations contractuelles. En contrepartie, l’effort d’encadrement a été important,
puisqu’ont été formés autant de jeunes chercheurs du Sud que du Nord.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 35 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Nos choix ont porté en Afrique sur la situation des aires protégées puisqu’elles sont
partout fréquentées, exploitées et souvent habitées par les hommes : Dja au Cameroun,
Odzala au Congo, Monte Alen en Guinée équatoriale, Kivu en RDC, la Lopé au Gabon.
Nous avons également porté une attention soutenue à la dimension locale hors des aires
protégées : Ntem et Tikarie au Cameroun.
Un autre point fort a été l’étude des systèmes agricoles, qui se sont avérés riches,
variés et remplissant parfaitement leur fonction alimentaire, y compris, on l’a vu, dans le
ravitaillement des villes.
Les relations entre les villes et les campagnes ont été analysées dans plusieurs
capitales (Yaoundé, Libreville, Kinshasa) et villes secondaires (Ouesso, Pointe-Noire,
Kikwit).
La recherche-action a été particulièrement motivante en Afrique, puisqu’à côté de
la gestion des aires protégées, nous avons pu nous insérer durablement dans un projet
structurant, celui des “forêts communautaires”, qui est l’un des aspects de la mise en
place d’un nouveau code forestier au Cameroun.
Constatations
• Le secteur informel constitue le rouage le plus dynamique du fonctionnement de
l’économie africaine. Même si ce mécanisme endogène s’est mis en place en marge des
projets de développement, son indépendance doit cependant être relativisée, dès lors
qu’il s’inscrit dans un cadre de monétarisation généralisée. A contrario, on peut arguer
qu’en s’adaptant à la monétarisation, l’économie informelle constitue un ajustement
efficace face à la mondialisation. Dans le cadre plus particulier de notre étude, elle est le
seul lien solide entre les communautés forestières et la ville, démontrant par là même que
l’intervention extérieure ne peut se définir sans elle.
• L’Afrique centrale est dominée classiquement par des systèmes sociaux
acéphales. De telles sociétés sont plus ouvertes à la déstructuration des réseaux de
pouvoirs que les sociétés stratifiées, ce qui favorise l’émergence de l’initiative
individuelle. Néanmoins, si dans quelques endroits, les sociétés initiatiques restent
vivaces, partout ailleurs un système associatif dynamique prend le relais.
L’individualisme exacerbé n’est peut-être qu’une prolongation rurale des maux de la
ville ; il peut aussi être le moteur de l’émergence de forces neuves. Dans tous les cas, une
véritable rénovation communautaire ne peut guère passer que par un consensus entre
classes d’âge. D’où l’urgence à former des cadres puisés dans le vivier communautaire
lui-même.
• Les économies de subsistance restent les seules capables de sustenter les
populations, de ville comme de brousse. Dans ces économies extrêmement opportunistes,
l’agriculture pèse d’un poids accrû (face à la dégradation des forêts), mais la chasse, la
pêche et la cueillette fournissent encore la majorité des protéines. Notons que les espèces
assurant cet apport sont rarement les espèces les plus emblématiques des
protectionnistes. Il n’en reste pas moins que le commerce des produits forestiers non-
ligneux doit être organisé, en tenant compte tout particulièrement de la flexibilité de la
demande et en jouant sur la variété, si l’on ne veut pas reproduire les erreurs de
l’agriculture de rente.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 36 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Au delà des constats économiques les plus saillants - mais sans en être
complètement disjoint -, le “problème pygmée” est devenu obsessionnel en Afrique
centrale. En quête de “peuples indigènes” emblématiques, les Diogènes du Nord ont
enfin aperçu avec leur lanterne une cause exportable pour le grand combat
environnementaliste. Ici Touareg (la persécution est réelle), là Masaï (l’esthétique
triomphe), Bushmen et Pygmées enfin (la commisération est à son comble). Ces belles
âmes oublient les autres, tous les autres, dont la légitimité territoriale, historique, spatiale,
bref, existentielle, ne peut être mise en question. D’où une affirmation brutale : il n’y a
pas, il ne doit pas y avoir de “problème pygmée” en Afrique. Il est impératif de prendre
en compte les interrelations séculaires entre les Pygmées et leurs voisins, si l’on ne veut
pas rapidement déboucher sur de lamentables conflits interethniques.
• Au final, l’enjeu majeur pour une exploitation viable - et donc durable - de
l’espace forestier passe par la formation. La carence en cadres, en responsables et en
techniciens qualifiés, opérant réellement sur le terrain, est criante. Pire encore, alors que
la transmission des savoirs traditionnels connaît un hiatus, on assiste à une régression de
l’alphabétisation. L’Union européenne doit peser de tout son poids pour parvenir à un
rééquilibrage.
2. Les Guyanes
Caractéristiques
Le massif des Guyanes, vaste formation de roches anciennes, recouvre les trois
Guyanes proprement dites, ainsi qu’une partie du Venezuela et du Brésil. C’est une
région dont la pénétration par les Européens a été tardive et dont la cartographie détaillée
n’a été réalisée que tout récemment.
Notre étude a porté sur la Guyana et la Guyane française. Si la première est une
nation indépendante séparée de la Grande-Bretagne depuis 1966, la seconde est un
département français jouissant du statut de région. La Guyana est un pays en voie de
développement au sens strict du terme, la Guyane française une région assistée.
Les plantations se sont développées sur la côte à l’époque de l’esclavage, l’espace
agricole qu’elles avaient engendré ne s’étant maintenu qu’au Surinam et en Guyana. Le
reste de l’économie relève de l’extractivisme (or, gomme de balata, bois, cœurs de
palmiers...) et a connu au cours des cent dernières années de grandes fluctuations. D’une
façon générale, l’économie est fragile. De son côté, l’hinterland reste largement isolé et
participe peu de l’économie des trois Guyanes.
Les peuples colonisateurs et les populations serviles importées d’Afrique sont
restés cantonnés dans la zone côtière, au détriment des Amérindiens côtiers. Comme
partout en Amazonie, les populations autochtones subissant le choc microbien ont connu
un écroulement démographique (entre 60 et 90 % de la population initiale), ce qui a
contribué à donner à l’intérieur des Guyanes sa physionomie de désert humain... et,
secondairement, sa réputation de milieu naturel dépourvu d’influences anthropiques. Ce
vide a en partie été atténué au centre de la région par le peuplement des Noirs Marrons,
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 37 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
…l’autre raison majeure de la protection des forêts des Guyanes est l’écotourisme, pour lequel existe une
forte demande. Elle s’exerce surtout en direction des populations autochtones et l’on est en droit de se
demander si elle est éthiquement acceptable.(cliché P.Grenand)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 38 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
esclaves fuyant les plantations hollandaises et qui parvinrent, en moins d’un demi-siècle,
à se mouler dans un milieu à l’échelle de leur désir de liberté.
Négligées, marginalement exploitées ou parfois combattues (ce fut surtout le sort
des Noirs Marrons), les populations de l’intérieur ne participèrent que bien peu à la
construction politique des Guyanes. L’histoire s’est jouée et se joue encore sur le littoral,
pour ne pas dire dans les trois métropoles côtières (Georgetown, Paramaribo et Cayenne).
Il existe donc un clivage historique persistant entre les autochtones amérindiens et les
Noirs Marrons, d’une part, et les descendants des populations issues de la colonisation
(mulâtres nommés aujourd’hui créoles, Indiens d’Inde, Indonésiens de Java, Européens,
Libanais...), d’autre part, les premiers ne participant pratiquement pas ou peu aux
décisions politiques. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant si ce n’est qu’au cours des deux
dernières décennies que s’est développé un mouvement revendicatif autochtone, le
phénomène étant à corréler avec l’ouverture rapide de ces populations sur le monde
extérieur.
Faisant figure de pays riche, la Guyane française reçoit depuis une trentaine
d’années de nombreux immigrants venant surtout du Brésil et d’Haïti, voyant ainsi sa
diversité culturelle s’accentuer. Il n’en reste pas moins que le pouvoir n’est pas
redistribué. Surtout, quel que soit le statut politique, l’ensemble des Guyanes est affecté
par les heurs et malheurs propres aux sociétés modernes orphelines de repères
philosophiques : corruption, violence, drogue, décomposition sociale. Pourtant, ici point
de surpeuplement, point de sous-alimentation.
La diversité culturelle s’accompagne d’une grande diversité linguistique : anglais
en Guyana, néerlandais à Surinam, français en Guyane, portugais et espagnol régionaux
ailleurs, auxquels s’ajoutent différents créoles et les langues amérindiennes. En dépit
d’une volonté des États d’établir un contrôle des frontières, celles-ci sont plus que
poreuses et les mouvements de population sont intenses, concernant toutes les
communautés, parfois sur des distances considérables.
L’isolement global des forêts des Guyanes, leur destruction limitée si on la
compare à d’autres pays de la ceinture tropicale et leur fausse réputation de milieu jamais
modifié par l’Homme ont amené les pays du Nord à vouloir y développer un vaste
ensemble d’aires protégées. Ici, comme en Afrique, on retrouve les grands groupes
environnementalistes comme le WWF, l’UICN (relayés par de petites ONG locales), les
projets concernant la Guyane française restant cependant sous contrôle de l’État. Au delà
d’un fort affichage médiatique avec un indéniable effet de feed-back sur les
communautés locales, la présence de ces projets sur le terrain reste bien terne. De plus,
ils sont soumis à des attaques venant de toutes parts : développeurs classiques,
politiciens, indigénistes, lobbies miniers et forestiers. Au delà de l’intérêt évident pour le
maintien de la biodiversité, dans un contexte de développement brutal de l’exploitation
aurifère (Guyane française, Guyana) et de la foresterie (Surinam, Guyana), l’autre raison
majeure de la protection des forêts des Guyanes est l’écotourisme, pour lequel existe une
forte demande. Elle s’exerce surtout en direction des populations autochtones et l’on est
en droit de se demander si elle est éthiquement acceptable.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 39 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 40 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
cette époque, l’idée, impulsée basiquement par les pays du Nord et fortement
instrumentée à la fois par les écologues et les écologistes, a beaucoup progressé,
même si dans la réalité, elle ne se traduit que par des limites sur les cartes. Jusqu’à
présent sans conséquences dramatiques sur les populations forestières, les retombées
positives et durables, tant en Guyana qu’en Guyane française, tardent à surgir. Quant
à l’aspect conservation, si critiqué en Afrique, il est ici inexistant : dans les Guyanes,
on pollue les rivières et l’on tue les gibiers internationalement protégés en toute
impunité (ou presque). Il est vrai également que, dans ces pays, sont déclarées espèces
protégées des animaux participant à l’alimentation quotidienne des populations
rurales.
Il serait cependant irresponsable de nier que, dans un contexte de pression
administrative accrue et surtout d’accélération de l’exploitation des richesses extractives,
l’attitude des populations forestières a beaucoup évolué au cours des quarante dernières
années. L’impact de ces changements est d’autant plus lourd que, dans les années
cinquante, certaines communautés amérindiennes restaient totalement isolées, alors que
d’autres (ainsi que les Noirs Marrons) n’avaient que des contacts sporadiques avec les
administrations coloniales.
Pression missionnaire au Surinam et en Guyana, pression politico-administrative
en Guyane française et en Guyana ont largement préparé la voie du désarroi
contemporain des Amérindiens, des Noirs Marrons et même des populations rurales
déracinées. Si ces facteurs de base restent bien présents et paradoxalement bien peu
contrôlés par les pouvoirs centraux, les effets opposés de l’extractivisme sauvage et des
programmes de protection de la nature agissent comme autant de pressions nouvelles,
accélérant l’aliénation profonde des autochtones. Au-delà des chocs sur les consciences,
les impacts peuvent être aussi très concrets : lobbies politiques, forestiers et miniers
combattent farouchement la reconnaissance des aires indigènes et refusent de reconnaître
aux Amérindiens et aux Noirs Marrons une représentation politique spécifique ou le bien
innocent droit à une éducation bilingue.
Le résultat est pour la plupart de ces groupes une déculturation rapide, la
conscientisation politique et culturelle étant, ici comme ailleurs, aux mains de ceux qui
se sont le mieux appropriés les savoirs et les pratiques sociales des détenteurs du pouvoir
politique et économique. Parallèlement, on assiste à une folklorisation des sociétés
forestières, y compris par ceux qui prétendent les défendre, ce qui n’est pas sans rappeler
le passé récent des communautés rurales européennes.
Le drame réside surtout dans le fait que, le changement étant extrêmement brutal,
des attitudes remontant au pré-contact peuvent se superposer à l’accès aux technologies
de pointe. En dépit de percées significatives, en particulier en ce qui concerne le droit à
la terre, l’action associative locale des Amérindiens et des Noirs Marrons s’avère très
dépendante des schémas de pensée occidentaux et ses victoires politiques fragiles. Dans
le contexte actuel de mondialisation, il est peu probable que soit surmontée cette fragilité
politique, aggravée par un factionnalisme ethnique persistant ; le mieux que l’on puisse
attendre des ONG autochtones est un activisme communautaire en direction de projets
économiquement et socialement viables.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 41 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Les exploitations forestières et minières, même celles dites artisanales, disposent aujourd’hui de moyens
mécanisés.(cliché J.F.Oru)
D’autres ressources moins importantes, comme les coeurs de palmier, les oiseaux vivants ou la viande de
chasse sont désormais commercialisés. Cœurs de palmiers de Guyana commercialisés en France
(cliché S.Bahuchet)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 42 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Activités d’APFT
Dans les Guyanes, les chercheurs engagés dans le programme sont venus
essentiellement du Nord : ce constat est évident pour la Guyane française, plus nuancé
concernant la Guyana, où un intérêt réel, concrétisé par une réflexion forte et généreuse,
existe pour la forêt et ses habitants. Les aspects politiques les plus explosifs n’ont pu
cependant être abordés de front par les jeunes chercheurs d’APFT. Pour surmonter cet
écueil, il nous a semblé indispensable de fournir un portrait le plus fidèle possible des
communautés forestières des Guyanes. Il s’est agi de rendre compte à la fois des
permanences et des changements. Les détails en sont précisés dans le volume régional
Caraïbes. Le poids des recherches a pesé surtout sur les savanes du Rupununi et les forêts
marécageuses du Nord-Ouest en Guyana et sur le haut Maroni et le bas Oyapock en
Guyane française. Rappelons ici les résultats et les constats les plus saillants.
• En dépit de leur isolement, toutes les communautés de l’intérieur des Guyanes sont
désormais affectées par le système politico-administratif de l’État dont elles
dépendent, et en particulier par l’électoralisme.
• L’engagement dans le système monétaire global affecte la plus grande partie des
communautés. Cette affirmation est surtout vraie pour les moins de trente ans, les
exceptions concernant davantage des familles que des communautés. La quête de
l’argent concerne aussi bien des activités nouvelles (or, foresterie, emplois tertiaires)
que la vente de produits naturels. Le tourisme ou son substitut, l’écotourisme, apparaît
un peu partout, mais c’est seulement au Belize que sa place est vraiment importante.
Dans les Guyanes, ce tourisme est surtout une activité “artisanale” le plus souvent
saine et limitée mais dont les dérives (chasse aux félins, voyeurisme, tourisme sexuel)
mériteraient une attention accrue des bailleurs de fonds éventuels.
• Les infrastructures, insuffisantes (Guyana, Surinam) ou surabondantes (Guyane
française), sont partout mal gérées, en mauvais état et souvent ruinées, par manque
d’employés et de cadres locaux qualifiés : dans l’un et l’autre cas, on aboutit à une
carence chronique dans l’enseignement, la santé, l’équipement et les communications.
En terme de pouvoir réel, l’administration locale reste partout aux mains d’agents
extérieurs aux communautés.
• La pression sur les ressources naturelles, longtemps sporadique, inégale selon les
régions et dotée de moyens à faible impact, a changé profondément de rythme et
d’échelle au cours des trente dernières années : les exploitations forestières et
minières, même celles dites artisanales, disposent aujourd’hui de moyens mécanisés.
D’autres ressources moins importantes, comme les cœurs de palmiers, les oiseaux
vivants ou la viande de chasse, sont désormais commercialisées. À ce rythme, on
imagine fort bien que la liste n’est en aucun cas limitative.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 43 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Constatations
Si le contexte politique dans lequel évoluent les populations des forêts des Guyanes
ne semble guère prometteur à court terme, quelques éléments positifs ont été constatés.
• L’agriculture sur brûlis fournit l’essentiel des calories des communautés
forestières. D’une façon générale, les savoirs, et tout particulièrement ceux concernant la
biodiversité, sont riches. Rien que pour le manioc, Amérindiens et Noirs Marrons ont su
pousser à l’extrême la diversification - génétique et culinaire - de cette plante. Les seuls
obstacles à la pérennisation du système découlent des politiques de sédentarisation
promues par les administrations gouvernementales.
• Au delà des contraintes extérieures, tout ce qui constitue le sel de la vie perdure :
les systèmes de parenté, dont les règles de mariage (bien que l’articulation avec les
normes officielles sont souvent rocambolesques), les valeurs philosophiques, les rythmes
quotidiens de la vie sociale...
• Si l’indépendance technologique s’amenuise, les activités de subsistance (la
pêche plus que la chasse et la chasse plus que la cueillette) non seulement conservent une
place centrale dans l’alimentation, mais aussi ponctuent le quotidien des habitants de
l’intérieur des Guyanes. La méfiance à l’égard des politiques de protection de
l’environnement en est d’ailleurs un bon révélateur.
Notre équipe partage, de façon réaliste, le sentiment que l’épanouissement possible
des sociétés forestières des Guyanes repose sur quatre préalables fondamentaux :
• un droit de propriété collective de la terre : tant que ces sociétés conserveront un
ressort communautaire puissant, il est indispensable de leur garantir un accès collectif à
l’espace qu’elles occupent et de les protéger contre les invasions massives ; dans l’état
actuel des rapports de force, seules les nations démocratiques du Nord peuvent assurer
cette garantie ;
• un peuplement harmonieux : l’ennemi principal du maintien de la biodiversité
est la concentration en gros villages sédentaires, source de défrichement et de destruction
de la faune ; la forêt doit demeurer une “terre humaine” ; la dispersion de l’habitat est un
puissant facteur de symbiose entre les êtres humains et le milieu naturel ;
• une liberté d’initiative : la représentation des communautés forestières ne doit
plus être induite de l’extérieur ; les administrations doivent respecter (voire favoriser)
l’émergence de leaders locaux, traditionalistes ou modernistes ; le choix des évolutions
ne peut surgir que des jeux de pouvoir endogènes, quel qu’en soit le prix à payer à court
terme ;
• une conscience de soi : ces communautés sont assaillies de partout ; le seul
moyen de leur permettre d’émerger de leur marasme social est de préconiser un
développement lent, mettant l’accent sur des infrastructures de base modestes mais
gérées localement, ainsi qu’une éducation adaptée axée autant sur une formation
technique que sur la promotion de la langue maternelle. Par ailleurs, les États doivent
contrôler, voire rejeter sans appel dans le cas des sectes, la présence des religions
monothéistes partout où elles ne respectent pas le libre choix des individus.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 44 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Les activités de subsistance (la pêche plus que la chasse et la chasse plus que la cueillette) non seulement
conservent une place centrale dans l’alimentation, mais aussi ponctuent le quotidien des habitants de
l’intérieur des Guyanes.(cliché P. Grenand)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 45 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
La ségrégation hommes/femmes est une constante, sans pour autant que les femmes soient discriminées.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 46 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
3. Mélanésie
Caractéristiques
La Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Îles Salomon et le Vanuatu appartiennent
géographiquement à la Mélanésie, univers culturellement délimitable, à l’opposé de
l’Afrique centrale, que l’on peut rattacher à plusieurs sous-ensembles géographiques et
culturels pertinents, ou des Guyanes, qui ne peuvent être séparées de la Grande
Amazonie. Cet ensemble est d’ailleurs de plus en plus pensé comme tel par ses élites.
Le Pacifique en général et la Mélanésie en particulier sont les régions du monde où
l’Occident a étendu le plus tardivement sa mainmise (XVIIIème siècle). Il n’en reste pas
moins qu’en dépit d’une évolution profonde des mentalités depuis le XVIème siècle,
l’évolution économique de l’Europe vers un capitalisme brutal a engendré, ici comme
ailleurs, des conséquences tragiques pour les populations de ces régions : travail servile,
épidémies désastreuses, destruction des valeurs philosophiques.
En dépit de ce triste constat, la géographie du Pacifique a longtemps joué en faveur
de ses habitants, son insularité demeurant une réalité incontournable. En effet, seule la
Nouvelle-Guinée atteint une surface très importante (884.000 km2). Partout les
diversités ethnique et linguistique sont énormes, sans doute les plus importantes du
monde avec 806 groupes ethniques différents pour l’ensemble de la Nouvelle-Guinée et
une centaine pour le Vanuatu6. La population reste très rurale, offrant un important
contraste avec les Guyanes et l’Afrique équatoriale (82 % au Vanuatu et 87 % en
Papouasie-Nouvelle-Guinée). Comme en Afrique cependant, l’essentiel de la population
est d’origine locale ; c’est seulement en Irian Jaya (Papouasie occidentale) que l’on
observe une colonisation indonésienne musclée.
L’unité mélanésienne contemporaine se confirme, puisque, dans les trois pays où
nous avons travaillé, est en usage, sous des formes mutuellement compréhensibles, la
même langue véhiculaire, le néo-mélanésien, nommé tok pidgin en Papouasie-Nouvelle-
Guinée, pijin aux Îles Salomon et bislama au Vanuatu.
Les systèmes de parenté sont partout complexes avec dominance d’organisations
claniques ; la ségrégation hommes/femmes est très constante sans pour autant que les
femmes soient discriminées ; l’élevage du porc est directement lié au contrôle du
pouvoir. La majorité des peuples mélanésiens sont des sociétés agricoles où le rapport à
la forêt et aux autres composantes classiques du milieu naturel (rivières, mer,
montagnes...) pèse infiniment moins lourd qu’en Afrique centrale et en Amazonie.
Bien que les modes de subsistance soient plutôt diversifiés, les Mélanésiens sont
moins dépendants du monde sauvage que les habitants de l’Afrique centrale et de
l’Amazonie. Ils comptent parmi les agriculteurs les plus raffinés du monde.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 47 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 48 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 49 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Distribution de portions de porc cuit dans un four en terre au cours d’une festivité. (cliché C. Kocher
Schmid)
Ce sont les savoirs associés à ces valeurs qui méritent toute notre attention. De bons exemples en sont
donnés par le statut très complexe du porc tantôt sauvage, tantôt domestique…
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 50 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Activités d’APFT
C’est incontestablement en Mélanésie que le nombre de chercheurs seniors et
juniors a atteint un record avec, en particulier, une forte participation de chercheurs locaux
en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Certaines régions ont été prospectées de façon intensive parce qu’elles illustraient
tout particulièrement les approches d’APFT : Pawaia/Pio-Tura ; région de Vanimo-
Kilimeri ; Santo/Vanuatu. D’autres ont été retenues en raison de la longue expérience des
chercheurs : Ikundi/Ankave ; Musula/Kasua ; Nokopo/Yopno ; Trangap/Oksapmin.
Le programme s’est concentré sur les systèmes de subsistance, les équilibres
alimentaires et les changements culturels. En particulier, les perturbations occasionnées
par les missions et les entreprises forestières et minières ont été examinées avec beaucoup
d’acuité. Ainsi, à Vanimo-Kilimeri, les négociations avec les compagnies forestières sont
au cœur de la vie des communautés, tandis qu’à Trangap/Oksapmin, l’or... et les missions
ont déjà profondément gangrené la société. Musula/Kasua, Ikundi/Ankave et North West
Santo tendent à montrer que des évolutions plus lentes, fondées sur une forte résistance
culturelle des groupes concernés, seraient peut-être plus viables.
L’exploitation forestière, apparue au cours des deux dernières décennies, illustre un
cas exemplaire de déstructuration sociale, imputable au capitalisme sauvage, et qui
renvoie à la situation de pays comme la Guyana ou le Cameroun : elle dépasse les
décisions habituelles des communautés forestières par l’amplitude de son impact et elle
introduit un facteur de division majeure dans des groupes unis, l’attrait de richesses
temporaires n’étant pas l’un des moindres.
Pourtant, il est important de souligner que, si la Mélanésie est tout particulièrement
concernée par les changements climatiques globaux (El Niño), c’est sans doute des trois
régions étudiées celle qui affiche la situation de crise la moins forte.
Constatations
Est-ce un avantage, la Mélanésie contemporaine est constituée d’États jeunes tout
récemment séparés de la tutelle coloniale. Les valeurs morales traditionnelles restent
fortes dans la plus grande partie des territoires concernés et les élites restent
profondément guidées par ces valeurs.
Néanmoins, ce sont les savoirs associés à ces valeurs qui méritent toute notre
attention. De bons exemples en sont donnés par le statut très complexe du porc tantôt
sauvage, tantôt domestique, ou la domestication extrêmement élaborée de l’arbre à pain
à travers toute la Mélanésie.
La démographie est galopante au moins dans certaines régions de Mélanésie, ce qui
n’est pas toujours révélé par les recensements officiels. Cette croissance peut agir comme
un facteur plutôt négatif, au moins chez certaines communautés agraires aux terroirs
limités.
Dans le domaine du pouvoir politique, beaucoup de ces pays ont cherché à articuler
système démocratique et chefferie (big men), avec plus (Vanuatu) ou moins (Papouasie-
Nouvelle-Guinée) de succès.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 51 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Dans certaines régions, l’action des sectes fondamentalistes entraîne pourtant une
perte des tabous qui jouaient comme protection des sites sacrés. Il est de première
importance que l’influence délétère de ces sectes soit prise en considération, ici plus que
nulle part ailleurs, par les politiques de développement durable. La perte de régulateurs
sociaux, dont ces sectes sont responsables, combinée à l’accès à l’argent facile des
royalties, toujours très temporaires, versé par les compagnies forestières et minières, a
pour conséquence évidente la corruption des mieux nantis et le banditisme chez les plus
déracinés. La progression de ces indicateurs négatifs est rapide en Papouasie-Nouvelle-
Guinée, émergente aux Îles Salomon et encore faible au Vanuatu. D’une façon quasi
systématique, là où ces lignes de fracture sont observables, l’estime de soi recule au
profit de solutions simplistes.
Pourtant, et c’est là un élément positif, il existe aussi en Mélanésie une forte
proximité des leaders avec les communautés rurales.
Pour comprendre les évolutions à long terme, on doit retenir que de nombreuses
sociétés mélanésiennes sont traversées par de puissants mouvements de rejet des valeurs
importées, en raison sans doute de la brutalité d’un contact tardif avec un Occident déjà
très technologisé, le point culminant ayant sans doute été atteint pendant la guerre
américano-japonaise dans le Pacifique. Aujourd’hui, il s’agit soit de retours en arrière
radicaux, comme le mouvement kastom du Vanuatu, soit de la “grand’ peur” du
changement de millénaire en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
En Mélanésie plus qu’ailleurs, le culturel prévaut indubitablement sur le naturel,
d’où la difficulté pour les commis-voyageurs de l’environnement d’imposer des
politiques de conservation. Notre équipe n’a d’ailleurs pu travailler que sur un seul
exemple d’aire protégée (Pio-Tura), ce qui est sans doute révélateur.
Face à ce constat plutôt sombre, il s’agit d’une région où la coopération régionale
est croissante : une conscience culturelle pan-mélanésienne s’affirme de façon forte ;
néanmoins, l’Australie et la Nouvelle-Zélande restent de puissants arbitres. L’Europe ne
peut afficher une politique contraire à ces forces régionales solidement établies, sans
risquer de destabiliser ces pays en voie d’émergence.
La faiblesse des politiques d’environnement est porteuse d’ambiguïté. Il nous
semble que nous atteignons ici la limite des systèmes communautaires d’autogestion
lorsqu’ils sont propulsés hors de leur logique traditionnelle : en effet, les jeunes États, en
laissant les communautés totalement maîtresses de leur territoire, les livrent à la
spéculation capitaliste la plus éhontée en l’absence de tout mécanisme de rééquilibrage.
Sous peine de tomber dans la situation peu enviable de l’Afrique centrale, le pari de la
Mélanésie est donc de trouver rapidement un équilibre stable, entre des valeurs
traditionnelles officiellement valorisées et un État-Nation réellement vécu par tous.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 52 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
III
36 QUESTIONS
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 53 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Les constatations qui vont suivre, et les lignes d’action qu’elles nous ont inspirées,
nous semblent pertinentes à l’aube du milénaire, pour l’ensemble des communautés
forestières. Le but de ce chapitre est d’énoncer des constatations et des connaissances qui
doivent servir de soubassement à toute entreprise de développement et de conservation.
Connaître ce qui existe, avant de le changer, nous semble une démarche stratégique de
la plus haute importance. Il importe aussi pour nous de dénoncer nombre de fausses
vérités, de lieux communs qui déforment la réalité et désorientent les projets. En effet,
l’efficacité de l'action en faveur du développement et de l'environnement des populations
sylvicoles passe nécessairement par quelques mises au point propres à redonner aux
décideurs une image plus nette des lieux, des hommes et des enjeux.
Ce faisant, nous situons ainsi le quadruple rôle de l’anthropologue : celui-ci
apporte des données techniques nécessaires à l’accomplissement pratique d’un
programme, mais il doit aussi, en tout premier lieu, informer sur les connaissances
fondamentales et objectives sur les populations concernées. Il doit enfin transmettre, tel
un truchement, les préoccupations de sa communauté d’accueil. Réciproquement, il
informera celle-ci de la réalité du monde extérieur, qu’elle ignore ou méjuge souvent.
b) Éléments de réponse
• L’attitude globale est faite de mécompréhension, sinon de malveillance, et l’on
compare toujours d’une manière défavorable les techniques et les valeurs des
communautés forestières avec celles de la société dominante :
- l’agriculture sur brûlis par rapport à l’agriculture permanente ;
- la mobilité saisonnière par rapport à l’habitat sédentaire ;
- les petites communautés dispersées par rapport au regroupement en grands villages;
- la chasse et la pêche par rapport à l’élevage ;
- les rites païens par rapport à la religion officielle (chrétienne ou musulmane) ;
- la diversité linguistique qui diviserait par rapport à la langue nationale supposée
unificatrice.
Toutes les opérations qui ont découlé de telles affirmations ont, de fait, abouti à des
échecs.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 54 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 55 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Papouasie-Nouvelle-Guinée
(cliché P.Lemonnier)
Tous les peuples forestiers ne se ressemblent pas ; oublier ou nier leur extrême diversité culturelle,
économique et sociale, la croire issue d’un extrême souci du détail des ethnologues, conduit à des plans de
développement préconçus, inadaptés et irréalistes.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 56 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Les forêts denses humides sont habitées, dans leur ensemble, depuis plusieurs
milliers d’années (l’archéologie en est partout témoin) : il n’y a pas de forêt vierge.
• Depuis, plusieurs couches de peuplement se sont succédé, dont les avant-
dernières sont liées à l’histoire coloniale (arrivée des Blancs, déplacements de
populations liées à l’exploitation et à la traite) et les dernières au développement moderne
(installation d’ouvriers ou de paysans sans terre). Il en résulte un peuplement complexe,
diversement mélangé, et des types économiques dépendant tous peu ou prou de la forêt.
• Les chasseurs-collecteurs comme les Pygmées sont maintenant très minoritaires
(moins de 300.000 personnes dans le bassin congolais). Dans leur immense majorité, les
habitants des forêts denses humides sont des agriculteurs sur brûlis, qui vivent aussi
grâce aux ressources sauvages de la forêt, depuis de nombreux siècles, voire des
millénaires ; à ce titre, ils sont directement menacés dans leur existence et dans leur
essence par la disparition éventuelle de cette forêt.
• Les principales régions forestières des pays ACP abritent plus de 4 millions de
personnes : les populations rurales forestières sont près de 3 millions en Afrique centrale,
près de 140.000 dans les Guyanes (région Caraïbes) et plus d'un million en Mélanésie
(dont 265.000 en Papouasie-Nouvelle-Guinée, 150.000 aux Îles Salomon et 100.000 au
Vanuatu). Ces peuples représentent une infinie diversité culturelle, une mosaïque de près
de 1.000 ethnies et groupes (il s’agit d’un ordre de grandeur indicatif, et probablement
d’un minimum). Retenons surtout qu’ils sont les seuls habitants de ces immenses
régions.
• Des populations différentes signifient autant de langues, d’attitudes, d’histoires
différentes, ainsi que des relations intercommunautaires variées.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 57 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Les facteurs liés à la parenté, aussi secondaires qu’ils puissent paraître à
l’économiste et à l’environnementaliste, ont des implications considérables face au
changement et au développement. Ce sont les changements sociaux radicaux
(déplacement, dispersion ou regroupement de populations de cultures différentes) qui
provoquent la rupture du réseau familial. Les gens perdent leurs bases de soutien pour les
temps difficiles, qu’ils remplacent par tout autre moyen, par exemple en tombant dans la
délinquance ou en acceptant des politiques d’assistanat.
• A l’opposé, la pesanteur de l’organisation sociale, les demandes de la parentèle
grèvent les opportunités individuelles de développer ses propres ressources. Ce qui est
qualifié de paresse ou de manque d’initiative est tout simplement hésitation, car en même
temps qu’ils s’engagent dans le changement, les gens s’embourbent dans leurs
obligations sociales.
• Les systèmes de parenté constituent la charpente des communautés. Celles-ci
sont caractérisées par une forte atomisation spatiale, un peuplement faible, une
population jeune. Ce sont les relations de parenté qui définissent, dès sa naissance,
l’univers social de chaque individu et sa position dans cet univers.
• Les relations de parenté lient les membres de la société à un réseau de sécurité
sociale par lequel, tant que les conditions le permettent, ils sont assurés que leurs besoins
de base, tant matériels qu’affectifs, seront pris en charge par d’autres. Tout en laissant une
assez grande liberté à l'individu, la société se caractérise par l'extrême importance
accordée à la famille étendue.
• Les sociétés organisées autour des relations de parenté présentent des
caractéristiques qui s’opposent souvent aux projets de développement. Par exemple, dans
les cas où la terre appartient à des groupes lignagers précis, son accès est étendu à une
plus large population ; or, il est bien rare qu’un chef de projet consulte toutes les parties.
Il en va de même avec les biens matériels : la parenté entraînant de nombreuses
obligations, y compris financières, l’argent gagné est largement redistribué, rendant
difficile l’accumulation de capital.
• La polygamie, encore relativement bien présente, a longtemps été la
compensation du chef pour les devoirs qu'il avait à accomplir pour sa communauté,
laquelle “échangeait” ainsi une partie de ses femmes contre son bien-être. Pourtant, les
valeurs de patrilinéarité et de famille nucléaire resserrant les enfants autour du couple
parental, valeurs qui sont celles de l'Occident, tendent aujourd'hui, sous la pression
diffuse de toutes les religions confondues, à se généraliser.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 58 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Partout, l’organisation traditionnelle est remise en cause par les classes d’âge les
plus jeunes ; c’est aussi parmi elles qu’émergent les nouveaux porte-parole.
b) Éléments de réponse
• Les sociétés forestières sont souvent acéphales. La parenté préside presque
toujours à la prise de parole ou au choix politique d’un individu.
• Ceux qui occupent une position de leadership le font sur la base de leurs
capacités et de leur expérience. De ce fait, un groupe peut avoir plusieurs “chefs” dans
diverses sphères de la vie.
• Le chef est fréquemment celui qui distribue le plus, car il a la charge du bien-être
de sa communauté. Ainsi, les positions d’influence sont maintenues par l’art subtil de
faire naître un consensus au sein du groupe. Ayant autant de devoirs que de droits, le chef
voit son pouvoir borné à sa capacité à fédérer les siens.
• Dans de nombreuses sociétés (Afrique, Guyanes...), l’égalité est maintenue
principalement par le nivellement : qui cherche à transformer son statut et le respect dont
il jouit en position de dominance est rapidement ramené par le groupe à un comportement
plus modeste, par la critique, l’ostracisme, voire la sorcellerie.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 59 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 60 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Un leadership défini sur des bases aussi ténues ne dispose pas des moyens
nécessaires pour régler les problèmes liés au développement. En vérité, les membres de
la communauté hésitent à confier leurs désirs à un porte-parole.
• D'une manière générale, les composantes des communautés sont relativement
indépendantes et les décisions ne s'adressent qu'au groupe concerné.
• Les situations de discorde et les conflits de toutes origines sont réglés dans des
rituels d'apaisement particulièrement bien mis en scène, lors de fêtes où se réunissent de
nombreux participants. Ainsi est compensée l'absence d'organe clair de gouvernement et
d'institution juridique autonome.
• La chefferie traditionnelle est en crise, contestée par une partie de la jeunesse
scolarisée. Celle-ci fournit de nouveaux “médiateurs”, d’origine et de qualité très
variables, pas toujours fiables.
c) Conséquences pour le développement
• Déterminer quels interlocuteurs le planificateur trouve face à lui. Prendre en
considération la structure de décision et de représentation dans toute sa relativité.
• Peser les effets du changement apporté par le projet sur les réseaux de pouvoir,
et s’ils venaient à être rompus, songer au coût de leur remplacement.
• S’adresser à des individus et pas seulement à des groupes : encourager les
projets individuels viables, même si l’initiative n’émane pas d’une collectivité (dans la
mesure, bien entendu, où cette initiative n’entame pas l’équilibre du groupe).
• Aider à la formation civique des jeunes et des nouveaux médiateurs.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 61 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Dans de nombreuses régions tropicales, les populations étaient considérablement
plus nombreuses avant le contact (indirect puis direct) avec les Européens, qui
introduisirent nombre de maladies mortelles et déplacèrent des populations en masse,
avec comme conséquence une forte mortalité. La situation de sous-peuplement actuel est
le résultat de ce choc historique. On peut donc considérer que la forêt équatoriale est
capable de supporter une densité de population plus grande, comme cela fut le cas dans
le passé.
• Les groupes forestiers montrent une forte diversité d’ampleur, mais la majorité
d’entre eux dépassent rarement 5.000 personnes. Il s’agit le plus souvent de petites
communautés, éventuellement dispersées en petits hameaux sur de vastes territoires. La
densité de population est actuellement faible partout. L’impact sur la biodiversité est en
conséquence très diffus.
• C’est lorsqu’il y a compétition sur les terres et que les capacités de rotation des
activités ou d’expansion territoriale sont figées que le risque sur la disponibilité des
ressources s’installe. Notamment à la suite de la définition de plans de zonage trop
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 62 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
La recherche par les gouvernements des produits d’exportation (bois, minerais,
végétaux, énergie) comporte des risques pour l’environnement mais aussi pour les
populations locales.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 63 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 64 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 65 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Les peuples forestiers ne sont pas isolés et l’histoire de leurs contacts avec
l’extérieur est très ancienne. Réseaux de commerce à longue distance, pénétration de
produits et de techniques, d’aliments, de populations aussi, le “changement” ne
commence pas avec la mondialisation !
• Dans leur majorité, les communautés forestières aspirent au confort et aux biens
qui sont véhiculés par la civilisation occidentale. L’outillage moderne est apprécié parce
qu’il facilite le travail ; son usage n’est pas nécessairement synonyme de surexploitation
du milieu, s’il n’y a pas de sollicitations extérieures (notamment commerciales).
• Les grandes tendances du développement moderne des forêts équatoriales
provoquent, dans toutes les régions, des transformations similaires du mode de vie des
populations indigènes, résultant pour partie de réactions spontanées, mais le plus souvent
de l’incitation administrative.
• Les perturbations qui accompagnent le changement en multiplient le coût :
- perte des territoires ancestraux, modification des droits fonciers traditionnels :
sentiment de déracinement ;
- marginalisation économique et sociale : pauvreté ou, pire, sentiment de pauvreté ;
- augmentation des conflits de générations, perte de prestige et d'autorité des aînés,
comme représentant un mode de vie considéré comme périmé et inefficace :
désordres sociaux ;
- troubles nutritionnels dus soit à la disparition des ressources protéiques sauvages,
soit au rejet des activités de prédation ; alcoolisme créant l’illusion que l’échange et
la convivialité ne peuvent plus être assurés par les aliments et boissons traditionnels.
• Les communautés traditionnellement maîtresses de leur production ne coûtent
rien à personne. L’exploitation économique de leur milieu, qui conduit à sa destruction,
ne rapporte à court terme qu’à une minorité affairo-capitaliste et non pas à la Nation (ni
même aux populations indigènes). Au contraire, dès que ces sociétés sont déstructurées,
elle coûtent cher à l’État dont elles dépendent. Non seulement l’État ne peut plus les
prendre en charge, mais encore elles contribuent à son appauvrissement.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 66 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• L’accroissement sensible des villes, grandes et moyennes, situées en zone
forestière, entraîne de sérieux problèmes d’approvisionnement (en aliments, en bois de
feu, en terres agricoles). Il s’accompagne d’une urbanisation sauvage dévoreuse d’espace.
• L’émigration rurale qui contrebalance l’accroissement démographique
(notamment en Afrique centrale) est un facteur important de l’accroissement des villes.
• Cette dynamique de croissance urbaine rapide a des implications multiples sur
les efforts de développement et de conservation ruraux, particulièrement là où, comme
en Afrique centrale, ville et forêt sont proches l’une de l’autre.
• L’opposition classique rural contre urbain s’estompe : la modernité pénètre les
villages tandis que les comportements villageois sont fréquents en ville. Les produits
d’origine forestière y sont devenus usuels ; de nombreux hauts fonctionnaires,
politiciens ou hommes d’affaires sont originaires de villages avec lesquels ils
maintiennent des relations épisodiques (les Guyanes formant l’exception). Inversement,
les villageois expriment de fortes attentes auprès de “leurs élites”.
• Les perceptions citadines de la forêt et de sa conservation jouent un rôle, du fait
que les décideurs vivent en ville. Même si actuellement l’influence des citadins est assez
négative, on observe aussi la naissance d’une prise de conscience sur la nécessité de la
conservation.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 67 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Attribuer la destruction de la forêt aux pratiques agricoles des populations, n’est-ce pas une solution facile
pour ne pas affronter les grandes compagnies forestières ou les politiques d’expansion agricole associée à
des fronts pionniers ?
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 68 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Prendre en compte les besoins des habitants des villes avec autant de sérieux et
de moyens que les projets de conservation.
• Enquêter sur la consommation des produits forestiers par les citadins, en mettant
en évidence les motivations économiques et sociales.
• Analyser les réseaux d'échanges, les liens sociaux entre citadins et ruraux et les
nouvelles dynamiques associatives.
• Trouver des moyens appropriés (financiers, techniques, institutionnels...)
destinés aux décideurs des villes pour les inciter à prendre au sérieux la conservation.
• Étudier la perception de la forêt par les habitants des villes (notamment les
enfants des écoles) avant de concevoir des plans de sensibilisation à l’environnement par
l’éducation.
b) Éléments de réponse
• Ne pas confondre “agriculture sur brûlis” et “défrichement par le feu” :
l’agriculture sur brûlis traditionnelle est itinérante et donc temporaire ; le défrichement
par le feu, très largement pratiqué par des colons ou des éleveurs à la recherche de
nouvelles terres, est destiné à une occupation permanente. Les surfaces concernées par
ce défrichement sont de 20 à 50 fois plus importantes (selon les régions) que celles
consacrées à l’agriculture itinérante sur brûlis.
• Un raccourcissement drastique du temps de jachère est dommageable au milieu.
Le principal facteur de changement est l’augmentation de la densité de population, soit
par accroissement naturel, soit par contingentement dans des aires limitées. Cet
accroissement augmente la pression sur les terres ; en même temps, le développement
économique des pays pousse les agriculteurs à augmenter les cultures de rente destinées
à l'exportation, diminuant les cultures vivrières.
• En cas de limitation des terres disponibles, le risque majeur réside dans la
réduction de la durée de jachère, accélérant les rotations et favorisant l'extension des
forêts secondaires, sans leur laisser le temps de repousser jusqu'au stade mature. Un
essartage répété sur ces forêts secondaires s'avère très dangereux, car il favorise une
évolution vers des brousses, puis des herbages stériles, impropres au pacage, entraînant
la disparition du couvert arboré continu. Cette jachère interrompue marque un
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 69 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• L’agriculture sur brûlis fait partie d’un système. Elle s’associe, dans le calendrier
et l’emploi du temps des agriculteurs, avec d’autres activités forestières, chasse,
piégeage, pêche et collecte, ainsi que, dans certaines régions, avec des cultures arborées
destinées à l’exportation.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 70 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 71 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• L’agriculture itinérante sur brûlis est un système agraire dans lequel les champs
sont dégagés par le feu et sont cultivés d’une manière discontinue, impliquant des
périodes de friches plus longues que la durée de la mise en culture.
• Le critère fondamental de l’agriculture itinérante est la nécessité absolue d’une
jachère : la reconstitution du couvert forestier fait partie intégrante de ce système
agricole. En forêt tropicale, le stockage des nutriments s’effectue dans la végétation
portée par le sol et non dans le sol lui-même. La végétation forestière crée son propre
cycle de nutriments, qui fonctionne en totale abstraction du sol servant de substrat. Le but
des opérations de défrichage et de brûlis est de transférer temporairement ces nutriments
vers le sol, le temps que ce dernier accueille les cultures. Le caractère temporaire de ce
transfert est important : si l’exposition du sol aux conditions atmosphériques se prolonge
après la perte de litière, celui-ci subit des transformations qui empêcheront la
reconstitution du couvert forestier. La régression du milieu devient alors irrémédiable.
• Parler de “fertilité du sol” n’a ici aucun sens. C’est l’ensemble du système qui
détermine la fertilité : le sol n’y est qu’une composante aux côtés de la végétation, de la
microfaune, de la macrofaune disséminatrice, des mycorrhizes, etc. Le paysan met à
profit la fertilité du milieu, non celle de la terre. Le rôle de la jachère n’est pas “de
restituer les propriétés du sol”, mais de boucler un cycle de nutriments que le paysan et
ses descendants mobiliseront à nouveau lorsqu’ils souhaiteront cultiver l’emplacement
derechef.
• C’est l’itinérance qui garantit la fertilité, la productivité des parcelles agricoles.
Fixer l’agriculture forestière ne peut se faire que si l’on trouve une autre source de
reconstitution des sols.
• L’agriculture sur brûlis s’insère dans le cycle écologique de la forêt elle-même.
Par la “captation” du cycle de nutriments, elle constitue un système agricole auto-
régénérant. Ce trait la différencie des systèmes agricoles occidentaux, qui nécessitent des
apports en énergie et en nutriments (“intrants”) pour fonctionner. Dans les pays en voie
de développement, en plus d'être écologiquement bénéfique pour l'écosystème forestier
lui-même, l'agriculture sur brûlis est, au point de vue économique, parfaitement adaptée
à des communautés paysannes enclavées et faiblement monétarisées, dans des régions à
faible densité démographique.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 72 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• L’organisation de l’espace et du temps n’est pas laissée au hasard ; elle obéit à
un calendrier très strict et très précis visant à optimiser les activités de production. Une
des préoccupations majeures des paysans consiste à harmoniser les activités agricoles
avec la collecte des produits sauvages ou la pêche : s’ils peuvent moduler les premières
en fonction, par exemple de la pluviométrie ou de la maturité des plantes cultivées, les
secondes obéissent à des rythmes biologiques variables d’une année à l’autre.
Traditionnellement, les plus petits changements saisonniers sont perçus à l’aide de micro-
indices, tels le chant d’une grenouille particulière ou la migration de tel oiseau.
• Les différentes échelles de temps (court, moyen et long terme) rythment les
activités non seulement économiques, mais aussi sociales et symboliques.
• Ces calendriers d’activités reposent sur une conception du temps lente et
cyclique, basée sur le respect des rythmes naturels. Le choc était inévitable avec la
conception occidentale du temps légal, arbitraire et de plus inféodé à des pulsions
économiques mondiales.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 73 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Vanuatu -
(cliché F. Tzérikianz)
Guyane
(cliché P. Grenand)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 74 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Chasse, pêche et collecte : toutes les communautés forestières équilibrent leur
alimentation par de nombreux produits sauvages obtenus par les activités de prédation ;
l’agriculture donne la part quantitative du régime alimentaire, la forêt en fournit la part
qualitative.
• Autrement dit, l’agriculture fournit principalement l’aliment glucidique de base
(calorique), alors que la forêt fournit les protéines, les lipides et une partie des vitamines.
La collecte, variable en importance, est pratiquée partout, tant pour des produits animaux
(batraciens, reptiles, mollusques, insectes) que végétaux (tubercules, pousses de plantes,
fruits, graines et amandes, champignons…). La chasse et la pêche traditionnelles sont
pratiquées sur des espaces très grands, les proies nombreuses en espèces variant
beaucoup selon les saisons, allégeant ainsi la pression en un point donné et favorisant une
exploitation souple et extensive d’un territoire.
• Matières premières : la forêt procure à ses habitants une grande diversité de
matériaux et de produits nécessaires à leur vie quotidienne (constructions, outils,
vannerie, instruments de musique, plantes médicinales...) provenant de très nombreuses
espèces prélevées soigneusement en fonction des usages. Nombre de ces matériaux sont
indispensables ; ils n’ont aucun équivalent et ils ne coûtent rien, sinon le temps pour aller
les chercher. Beaucoup croissent dans les forêts secondarisées et les recrûs agricoles, qui
ne sont donc pas des zones inutiles ; de plus, les espèces végétales qui les constituent
attirent aussi une quantité appréciable de gibier.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 75 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• On a coutume de dire en Amazonie “Peu d’Indiens pour beaucoup de terres”.
L’optimalité de l’économie des peuples forestiers implique un territoire important, lui-
même associé à la dispersion et la diversité des ressources. En dehors du fait bien réel du
dépeuplement historique des zones forestières, l’emprise des hommes sur le territoire
demeure modérée. Elle n’est pas pour autant liée à une incapacité des populations
forestières : dans les rares régions équatoriales favorables à l’agriculture intensive, les
densités humaines sont ou ont été importantes (vallée de l’Amazone, hautes terres de
Nouvelle-Guinée). Or, nulle part sous l’Équateur, l’Occident n’a pu ni imposer ses
systèmes d’exploitation de l’espace, ni implanter un peuplement européen durable.
• L’agriculture sur brûlis, lorsqu’elle est pratiquée sans contrainte, ne constitue
jamais un défrichement continu et ne représente pas la surface la plus importante du
territoire communautaire.
• La pratique de la chasse, de la pêche et de la collecte (tant alimentaire que
technique) s’effectue sur des espaces de forêts considérablement plus larges que les
activités agricoles. Ainsi, en Amazonie, la superficie nécessaire pour faire vivre une
population de 150 personnes est de 250 km2 pour une forêt dense continue. Les distances
parcourues sont importantes, elles obligent à une grande mobilité et souvent à une
installation temporaire loin du village. Une des contraintes écologiques tient dans
l’hétérogénéité de la forêt et de la dispersion des ressources : les individus d’une espèce
d’arbre particulière sont très souvent espacés de plusieurs dizaines de kilomètres - il peut
même n’y en avoir qu’un seul exemplaire sur l’aire de parcours d’une communauté.
• Le nomadisme, le semi-nomadisme ou la mobilité sont souvent perçus comme un
facteur de sauvagerie. On les associe classiquement à une notion très lâche de territoire
non marqué par des frontières. Cependant, les emplacements d'anciens villages, les
cimetières, les sites sacrés, matérialisés quelquefois par un seul arbre ou un modeste
alignement de pierres, sont de bons marqueurs de territoire ; pourtant, leurs limites et
leur importance généalogique, stratégique et diplomatique sont bien réelles aux yeux des
populations locales et de leurs voisines.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 76 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Basés sur la diversité des modes d'exploitation du milieu, les cas d'imbrication de
territoire sont très répandus : des groupes de chasseurs-cueilleurs, d'agriculteurs ou de
pêcheurs peuvent cohabiter dans un même milieu. La diversité des modes d'exploitation
conduit à une spécialisation culturelle favorable à l'échange entre les groupes. Cette
spécialisation, dont le corollaire est la sous-exploitation volontaire des biotopes,
participe, elle aussi, de leur pérennité.
• Les intervenants extérieurs ont tendance à sous-estimer la superficie des terres
nécessaires à la pérennité des systèmes locaux de production, car ils ne prennent
généralement en compte que les espaces cultivés, négligeant parfois même les jachères
longues. Plus encore, la tendance à la progression démographique n’est pratiquement
jamais considérée dans les opérations de délimitation.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 77 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
La pêche collective à la nivrée (ici, préparation de la nivrée) est une activité saisonnière très importante
pour l’approvisionnement alimentaire des amérindiens de Guyane. La pression extérieure (des villes)
pour commercialiser le poisson peut entraîner une raréfaction de la ressource. (cliché P. Grenand)
Les amandes de badamier (Terminalia catapa) font l’objet d’un petit commerce d’appoint vers les
épiceries et marchés des diverses îles du Vanuatu. (cliché F. Tzérikianz)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 78 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Plusieurs systèmes économiques coexistent actuellement dans les trois grandes
régions étudiées, avec divers degrés d’insertion dans l’économie monétaire et
commerciale :
- des groupes isolés, devenus rares, économiquement autonomes, aux contacts très
limités avec le monde extérieur (surtout en Amazonie et en Nouvelle-Guinée) ;
- des groupes en contact modéré, produisant un surplus dans le cadre de leurs activités
traditionnelles, en vue d’un approvisionnement régional, pour les besoins internes des
populations voisines ; d'ordinaire, il s'agit d'échanges non monétaires ;
- des groupes toujours en contact modéré, entrant cette fois dans des circuits de
commerce régional monétarisé qui sont généralement très anciens (et, en ce sens,
traditionnels) ;
- de groupes répondant à la demande extérieure, en conservant une autonomie
culturelle marquée, mais en modifiant leurs activités traditionnelles
d'autosubsistance ; c’est le cas de tous les agriculteurs sur brûlis ayant également des
petites cultures de rente (comme le café, le poivre ou le cacao) ou celles qui collectent
des produits sauvages non-ligneux.
• Nombre de populations “traditionnelles” sont les seules à utiliser d’une manière
rationnelle et non destructrice les régions forestières, dont elles “exportent” certaines
ressources vers d’autres régions de l’État ; elles mettent en valeur, dans l’intérêt de la
Nation, des terres inaccessibles pour lesquelles aucune autre activité durable ne serait
d’ailleurs envisageable.
• Les systèmes de production forestiers des régions ACP sont caractérisés par de
nombreuses activités (culture itinérante, chasse, cueillette, pêche). Les techniques
utilisées sont d'une complexité et d'une diversité extrêmes ; elles mettent en jeu un champ
de connaissances large et structuré. Par exemple, la pratique de l'agriculture sur brûlis
suppose la prise en compte de différents facteurs tels que type de sol, type de forêt où
s'implanter, diversité des plantes cultivées, durée de la jachère... La connaissance fine des
rythmes saisonniers sous-tend des calendriers d’activités très élaborés où activités
agricoles et activités de prédation s’intercalent.
• Les populations connaissent encore des ressources et des techniques
d'exploitation du milieu qu’elles n’utilisent que rarement, mais qui constituent
d’importants recours en cas de crises.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 79 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Outre l’entretien du ménage (cuisine, enfants...), la sphère d’activité des femmes est centrée sur
l’agriculture vivrière, dont les hommes assurent la phase de défrichement.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 80 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Jusqu’à tout récemment, on rencontrait, dans les sociétés forestières, une forte
division sexuelle du travail basée sur une complémentarité des tâches. Le poids relatif
des hommes et des femmes reste très variable d’une société à l’autre.
• Outre l’entretien du ménage (cuisine, enfants...), la sphère d’activité des femmes
est centrée sur l’agriculture vivrière, dont les hommes assurent la phase de défrichement.
Ce sont les femmes qui choisissent les cultivars, plantent, récoltent et transforment. S’il
y a vente de surplus, le produit leur en revient souvent.
• L’introduction des cultures de rente a provoqué un premier déséquilibre, car elle
est monopolisée par les hommes tant pour les travaux (même s’ils requièrent la main-
d’œuvre féminine à la récolte) que pour la vente et les revenus induits.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 81 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• L'alimentation des populations de la forêt pluviale est, dans l'ensemble,
nutritionnellement satisfaisante. Elle est encore largement fondée sur la subsistance,
dépendant fortement d’un environnement nourricier d’une grande variété.
• Dans tous les cas, sur tous les continents, l’agriculture produit les aliments de
base (apport calorique), alors que la forêt fournit l’essentiel des protéines et les éléments
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 82 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 83 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 84 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• D’une manière générale, l’état nutritionnel des adultes des communautés
forestières est bon. Il faut pour cela que les régimes basés sur une prédominance de la
consommation du manioc soient complétés par l’approvisionnement en protéines
forestières.
• On observe toujours une nette aggravation de la malnutrition si ces protéines sont
détournées de leur fonction alimentaire pour le commerce (poisson et gibier).
• Inversement, on relève un état nutritionnel assez défavorable chez les enfants. Il
se marque par des anémies et des retards de croissance affectant à la fois le poids et la
taille (stunting). Ce problème majeur de santé publique est imputable à une combinaison
de facteurs, parmi lesquels les maladies parasitaires débilitantes, plutôt que la
consommation alimentaire, jouent un rôle important. Inquiétante est en effet la
prévalance élevée de vers intestinaux. Si le régime alimentaire n’est pas toujours bien
réparti dans la famille, il est qualitativement satisfaisant et fréquemment complété par les
enfants eux-mêmes à l’issue de petites activités de pêche et de collecte (fruits, insectes,
œufs, reptiles, petits rongeurs...).
• La forêt apparaît comme un milieu chaud et humide spécialement malsain, très
favorable à la multiplication des pathogènes, le danger venant en priorité des maladies
transmissibles. La mortalité infantile est élevée, dominée par des infections virales
(notamment diarrhées et rougeole). La forte prévalance du paludisme associée aux
parasites intestinaux entraîne une anémie clinique générale (hématologie), malgré un
régime riche en protéines animales.
• L’enclavement général des villages, lié à une sédentarisation croissante, le sous-
équipement en structures sanitaires s’ajoutent au haut niveau de circulation des virus
pour rendre précaires, sur le plan sanitaire, les conditions de vie en forêt.
• Au contraire des communautés forestières, les régimes alimentaires des
populations acculturées semblent plus précaires, notamment à cause d’une plus grande
difficulté à se procurer des protéines sauvages et un manque de disponibilité pour les
travaux agricoles, qui limitent l’approvisionnement. Cependant, un meilleur accès aux
soins de santé primaire pallie apparemment ce déséquilibre nutritionnel, avec de
moindres morbidité et mortalité infantiles.
• Ces populations tendent à utiliser l’argent qu’elles gagnent davantage pour
l'acquisition de biens jugés prestigieux que pour celle de nourriture. Qui plus est, les
aliments importés qui parviennent en brousse sont non seulement de piètre qualité
(dumping, rupture de la chaîne du froid...), mais encore d’un faible intérêt diététique
(boissons gazeuses, féculents, sucreries...).
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 85 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• C’est aussi dans les bourgs d’entreprises ou de scieries que le sida se répand,
alors qu’il reste rare dans les villages forestiers. Indéniablement, les contacts croissants
des habitants des forêts avec les employés des compagnies forestières ou avec les
chercheurs d’or seront une cause de diffusion de l’épidémie.
b) Éléments de réponse
• Les activités humaines, et en premier lieu l’agriculture, influencent depuis
longtemps la structure de la végétation forestière. Le fonctionnement de cette agriculture
se fonde dans le cycle naturel de régénération forestière, à travers la dynamique des
clairières (chablis).
• Les pratiques agricoles elles-mêmes favorisent le maintien d'un couvert arboré
(par l’absence de dessouchage, par la présence d’arbres dans les champs, par la
croissance prolongée des jachères). Cela peut aboutir à la création de forêts anthropiques,
entièrement constituées d’espèces utiles (alimentaires, technologiques, médicinales et
même commerciales), dans lesquelles chaque arbre a fait l’objet d’une protection, voire
d’une plantation (agroforêts).
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 86 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Lorsqu’on laisse aux populations locales les moyens de pratiquer leur genre de
vie sans contrainte majeure (notamment spatialement), elles ne sont pas destructrices du
milieu, grâce à la dispersion des impacts sur les ressources et le faible taux consommé
(faible densité de population). Ce sont toujours des facteurs externes qui provoquent
l’accroissement ou le déséquilibre des prélèvements : la viande de brousse est réclamée
par les citadins ; les pays industrialisés importent des meubles en rotin ; le personnel des
exploitations forestières ou aurifères se nourrit du poisson local...
• L’adoption de techniques modernes (armes à feu, piégeage avec câbles
métalliques, filets de pêche en nylon, pirogues à moteur, tronçonneuses...), qui se répand
dans toutes les régions, n’entraîne pas mécaniquement une augmentation des
prélèvements. On observe régulièrement que la nouvelle technique “se moule” dans les
pratiques déjà existantes : tant que la production reste basée sur l’autosubsistance, la
modernisation des moyens de production sert essentiellement à diminuer l’effort et le
temps de travail. En revanche, ces techniques favorisent le commerce de produits
sauvages lorsqu’il y a demande extérieure.
• La très large gamme de plantes cultivées dans chaque village montre que les
populations forestières génèrent elles-mêmes de la biodiversité, par la création de
nombreuses variétés.
b) Éléments de réponse
• De nombreuses communautés forestières n’utilisent pas encore l’argent.
Lorsqu’elles en disposent, il n’entre pas dans les transactions quotidiennes, mais reste
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 87 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
limité aux relations avec le monde extérieur (villes), à travers un usage individuel et non
partagé. L’usage de l’argent se développe par les contraintes administratives (taxes,
impôts, frais de scolarité et de santé) et à la suite du développement des activités
coloniales (cultures de rente comme le café ou le cacao, collecte de produits forestiers
non-ligneux (PFNL) tels que caoutchouc, balata ou santal). De ce fait, les populations
forestières sont de plus en plus partie prenante de l’économie de marché.
• Tous les programmes de développement s’appuient sur la logique de l’économie
de marché. Tous créent des besoins dans les communautés, que seul l’argent peut
satisfaire.
• La pauvreté est une notion occidentale fondée sur l’usage de l’argent et qui est
évaluée selon des critères et standards définis dans les pays du Nord ; elle ne peut
s’appliquer directement au mode de vie rural. Par ailleurs, les statistiques en usage sont
globales ; elles ne rendent pas compte des disparités existant à l’intérieur d’un pays en
fonction des différentes catégories de populations (villes, forêt, populations déplacées,
sociétés encore structurées...).
• L’insertion dans l’économie de marché provoque souvent la paupérisation des
populations et non leur développement. Pour faire face à des besoins primaires
immédiats (santé, école, etc.), les populations se voient contraintes de vendre les surplus
qui leur feront cruellement défaut en période de soudure, de devenir destructrices de leur
environnement par la chasse et la pêche professionnelles et l’extractivisme intensif.
• A l’inverse, on rencontre des populations disposant de surplus qu’elles ne
peuvent vendre à l’extérieur, faute de moyens de transport ou de débouchés. Ce n’est
alors pas la rentabilité de l’agriculture qui est à mettre en cause, mais les circuits de
distribution. Il est donc nécessaire de se préoccuper des débouchés commerciaux avant
de développer la production d’une activité.
• Les activités génératrices de revenus monétaires imposent un certain rythme. La
culture d'exportation demande main-d'œuvre, présence et disponibilité lors de la récolte.
Cependant, le gain en est ponctuel : les efforts de toute une année ne sont rémunérés
qu'en une seule fois, lors de la vente de la production, alors même que les dépenses
éventuelles auront dû être effectuées au cours de l'année (achat de produits
phytosanitaires, salaires de main-d'œuvre occasionnelle...). L'attrait de la chasse
commerciale en Afrique centrale réside précisément dans le fait que le gain accompagne
directement l'action, tout au long de l’année.
• Les activités rémunératrices sont structurellement liées à l’individu et non au
groupe : c’est d’abord à un individu que s’adresse le patron ou l’acheteur. Les risques liés
au développement d'activités de production marchande sont :
- la compétition entre le gain individuel et les besoins de la communauté (au
détriment des procédés de partage et d'entraide). Les vieillards et les familles
défavorisées (par exemple les veuves et les orphelins) en sont les premières victimes;
- la création de conflits lors de la distribution des gains collectifs (par exemple ceux
liés aux compensations et royalties) par faiblesse des structures politiques autochtones
et l'absence d'autorité incontestable.
• Les programmes étant basés sur l'accroissement de la production marchande
(biens d'exportation), la politique commerciale internationale a des conséquences
profondes et brutales pour les communautés forestières des pays ACP, qui les subissent
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 88 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Les activités génératrices de revenus monétaires imposent un certain rythme. La culture d'exportation
demande main d'oeuvre, présence et disponibilité lors de la récolte.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 89 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Brochette de larves de coléoptères des palmiers en vente au bord des routes pour les voyageurs. -
Cameroun - (cliché S.Bahuchet)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 90 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Un certain nombre de produits forestiers végétaux non-ligneux (non-timber
forest products), alimentaires et techniques, jouent un rôle de premier plan dans
l’économie de nombreuses sociétés ; utilisés pour les besoins particuliers des
communautés, ils entrent généralement depuis longtemps dans des circuits commerciaux
à plus ou moins grande échelle. C’est le cas en Afrique de l’huile de Baillonella, des noix
d’Irvingia et de Ricinodendron, des rotins Eremospatha, Calamus, des palmes et folioles
de Raphia, des feuilles de Marantacées (pour l’emballage) ; dans les Guyanes, des fruits
des palmiers Mauritia flexuosa (aussi fécule), Jessenia bataua et Euterpe oleracea, des
“noix du Brésil” de Bertholletia excelsa, des gommes et latex (Couma utilis, balata), des
fibres de palmier Leopoldinia ; en Mélanésie, des fécules de sagou (Metroxylon), des
sacs en fibres tressées de Broussonetia, des tissus d’écorces de Ficus...
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 91 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 92 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Influencer les États afin qu’ils appliquent des règles commerciales équitables
pour les villageois.
• Favoriser les réseaux d’approvisionnement des marchés locaux plutôt que les
extractions destinées à l’exportation.
• Développer des programmes d’approvisionnement des villes en protéines issues
de l’élevage ou de la pêche, en vue de limiter la demande en viande sauvage.
b) Éléments de réponse
• La route cristallise l’opposition qui demeure dans les esprits entre la conservation
et le développement. A ce titre, elle est l’objet d’actions contradictoires, qui opposent les
défenseurs d’une nature sauvage, non déflorée par cette intrusion dans un espace n’ayant
pas la virginité qu’on lui prête, et les développeurs, qui visent au désenclavement des
populations forestières.
• Les conséquences pour le développement de la création d'une route ne sont pas
univoques. La route est une source de destruction de l'environnement et donc
d’appauvrissement des populations. Dans le même temps, elle favorise l’écoulement de
la production agricole et donc l’intégration des communautés à l’économie régionale,
voire nationale et internationale, et favorise aussi l’accès des populations locales à divers
services, comme les soins de santé ou l'école – à la condition, toutefois, qu’existe un
trafic routier suffisant. Bien souvent, les conséquences pour le développement de la route
mettent à jour des dysfonctionnements préexistants.
• Une route ne désenclave que si elle provoque une augmentation du trafic de
véhicules... et pas seulement des grumiers.
• Pour les villageois, la création d’une route ne sera suivie d’une augmentation des
revenus tirés de l’activité agricole que si les débouchés économiques augmentent (et
notamment par augmentation du trafic) et si la production des cultures s’accroît (mais ce
sera au détriment soit des surfaces défrichées, soit de la durée des jachères).
• La route ne crée pas les maux que sont la prostitution, l’alcoolisme ou
l’insécurité ; elle augmente la proportion de pratiques existantes. De plus, dans de
nombreuses régions, la lenteur des communications retarde la mise en place de l’État de
droit.
• En ce qui concerne l’entretien des routes existantes, les États ne peuvent plus en
assumer la charge, mais les communautés ne s’en chargent pas, par une attitude
ambivalente qui s’explique notamment par le contexte colonial de la création des routes
(travail forcé par exemple).
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 93 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 94 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Ce n’est pas tant la route qui offre des débouchés économiques que les structures
qui accompagnent sa création (scieries...). Elle s’accompagne aussi de problèmes sociaux
(prostitution, MST, accidents de circulation) et environnementaux (pollutions,
défrichements sauvages, braconnage...).
b) Éléments de réponse
• Le tourisme est déjà la première industrie mondiale ; les secteurs de l’éco- et de
l’ethnotourisme affichent quant à eux un potentiel de croissance impressionnant, même
si aucune expérience n’est encore pleinement convaincante. Cependant, on peut
s’interroger sur l’élasticité de l’offre à long terme (trop de tourisme gâche tout) et de la
demande (même pour aller à l’exotisme, le touriste n’est prêt ni à investir dans la
conservation, ni à sacrifier son confort et sa sécurité).
• Une activité touristique bien comprise peut contribuer à la lutte contre la
pauvreté et ainsi, indirectement, à la conservation, puisque la pauvreté est une des causes
de destruction de l’environnement. Ce secteur d’activité peut être créateur de nombreux
emplois, y compris non qualifiés, dans la mesure où la viabilité de l’activité économique
liée au tourisme dépend largement de la pérennisation du contexte, environnemental,
social et culturel.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 95 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 96 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 97 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
développement à plus petite échelle mais mieux accepté par les populations. Dans quelle
mesure ces techniques et les connaissances traditionnelles peuvent-elles devenir une
source d'inspiration pour l'élaboration de nouveaux plans de gestion efficaces ?
b) Éléments de réponse
• Si d’aucuns contestent encore aujourd’hui les savoirs des populations forestières
sur le milieu, c’est parce que, jusqu’à présent, les études ont davantage porté sur
l’inventaire des taxonomies indigènes que sur les connaissances des interactions au sein
des écosystèmes. On a fractionné un savoir qu’au contraire, elles appréhendent dans sa
globalité. Or, c’est précisément sur cette connaissance fine des systèmes écologiques que
l’on doit baser les projets de développement durable.
• Les connaissances locales sur les ressources environnementales n’existent que
dans un contexte social donné et sont diffusées à travers les réseaux sociaux. Extraites de
leur contexte, et donc du système dans lequel elles fonctionnent, elles perdent de leur
pertinence.
• Les savoirs et les savoir-faire locaux ne sont pas figés dans le temps ; ils
réagissent aux influences extérieures pour déboucher sur de nouvelles dynamiques
(diffusion des variétés cultivées, assimilation de nouveaux instruments...). C’est à celles-
ci que doit être particulièrement sensible le développeur.
• Le savoir scientifique occidental n’est pas “par essence” supérieur aux savoirs
traditionnels ; les deux se complètent et doivent s’enrichir mutuellement plutôt que se
remplacer, notamment lorsque l’application de solutions “scientifiques” a conduit à des
échecs retentissants.
• Le savoir des populations forestières résulte d’une construction intellectuelle et
non d’une accumulation de recettes et de superstitions. En reconnaissant le caractère
sérieux de ces systèmes de pensée, le technicien du développement pourra instaurer un
véritable dialogue constructif avec les paysans forestiers. Le succès de tout plan de
développement passe par le respect de ses interlocuteurs.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 98 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Les peuples de la forêt sont des sociétés à tradition orale mais ne sont pas pour
autant sans mémoire et sans histoire. Ils partagent la même disposition au langage que
toute l'humanité et ont développé, avec le support de grammaires complexes et de
lexiques précis, des capacités cognitives propres à rendre compte de la richesse de leurs
savoirs et de leurs savoir-faire.
• Ces langues sont actuellement les seules, dans chacune des régions où elles sont
parlées, à disposer de riches nomenclatures naturalistes, c’est-à-dire un vocabulaire
spécialisé capable de couvrir tout le champ du milieu naturel ambiant.
• Chaque langue peut présenter des variantes locales, que l'on nomme dialectes,
qui sont en fait des marqueurs géographiques ou historiques. Un dialecte n'est pas une
sous-langue, mais un état de langue. La tradition des pays occidentaux d'avoir privilégié
un dialecte pour langue standard de la nation, que l'État impose alors par l'écriture et la
scolarisation, a été exportée hors des frontières de l'Europe, donnant une fausse image de
la réalité langagière du monde.
• Les efforts conjugués de la colonisation, de la christianisation et de la
scolarisation ont cependant eu des effets désastreux sur l’état des langues des peuples
forestiers. Nombres de langues indigènes se sont éteintes et beaucoup d’autres sont
aujourd’hui menacées.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 99 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Toutes les communautés souhaitent que leurs enfants soient instruits. Mais les attentes des populations sont
rarement analysées par les responsables de l’éducation.
Contrairement à ce qui se passe ici, Les éducateurs oublient toujours que la langue d’enseignement n’est
pas la langue maternelle de leurs élèves, mais une langue étrangère
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 100 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 101 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Alors que la pénétration du catholicisme et du protestantisme est relativement
ancienne (Afrique, Amazonie), les régions forestières font actuellement l’objet de
missions intrusives de la part de sections radicales protestantes (Guyanes, Mélanésie).
Ces mouvements s’opposent avec vigueur aux croyances et habitudes traditionnelles des
communautés forestières. De son côté, l’influence de l’Islam reste discrète.
• En instituant des infrastructures non procurées par les États (santé, transports,
écoles...), les Églises donnent accès à la connaissance de l’Occident ; elles sont
quelquefois les seules portes vers le développement.
• Le christianisme a des effets positifs et d’autres négatifs, qui s’équilibrent.
- Aspects positifs : sur la santé et sur l’hygiène (notamment des nouveaux-nés) ; pour
la diffusion de plantes cultivées ; pour l’éducation (mais de style occidental) ; pour la
lutte contre l’alcoolisme.
- Aspects négatifs : sur l’alimentation (introduction d’interdits alimentaires,
modifications du choix des aliments) ; sur l’habitat (concentration non maîtrisée) ;
destruction des structures sociales endogènes ; accroissement de la population
(opposition au contrôle des naissances) ; perte de l’estime de soi (apparition de “la
honte”).
b) Éléments de réponse
• L’évolution ne commence pas avec la modernité. Au cours de leur histoire, faite
comme la nôtre de conquêtes et de migrations, les peuples des forêts ont développé des
stratégies différenciées d’adaptation, de refus ou d’adoption de traits culturels allogènes.
Néanmoins, ces techniques nouvelles entraient toutes dans une “niche” prête à les
recevoir. Un fusil ou une tronçonneuse sont des pièces qui peuvent sans dommage
s’intégrer au puzzle culturel en place, ce dont sont incapables un bulldozer ou un
hélicoptère.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 102 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Habituées à se mouvoir sur le temps long, les sociétés forestières ont du mal à
assimiler les rythmes rapides qu’impose la modernité. L’évolution des sociétés humaines,
quoi que l’on en pense, n’est jamais linéaire ; elle est faite autant de volonté de
changement que de pulsions réactionnaires.
• Les populations locales forment un tout hétérogène, composé d’une multitude de
sous-groupes aux intérêts divergents, et qui se distinguent les uns des autres dans leurs
capacités à s’approprier les ressources des projets.
• Les actions entreprises par les développeurs sont le plus souvent présentées
comme dispensatrices de bien-être dont les populations locales seraient les bénéficiaires.
En conséquence, ces dernières les attendent comme un dû et les accueillent passivement.
N’ayant pas participé à leur réalisation, elles ne s’approprient jamais les structures mises
en place, parfois à grands frais ; l’entretien et les réparations passent alors à leurs yeux
comme étant du ressort du promoteur. Ce désintérêt, jamais considéré à sa juste valeur,
est toujours pris pour une incapacité chronique d’évolution.
• Enfin, l’intervenant extérieur doit garder en tête que les choses changent vite et
lentement à la fois : vite parce que l’impact d’une route, par exemple, peut modifier
l’économie d’une communauté en moins d’un an, lentement car les référents culturels
des êtres humains restent gravés dans les mentalités pendant des générations.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 103 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Ces associations intègrent, dans une même structure, des activités d’entraide sociale et économique, des
activités festives et conviviales et des activités à caractère communautaire, qui s’interpénètrent fortement.
Elles ont toutes une fonction de redistribution.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 104 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Les communautés rurales traditionnelles sont animées par des systèmes de
partage et d’entraide qui dépassent la circulation des produits pour “partager le risque” ;
ces systèmes sont généralement menacés par la monétarisation qui pousse à
l’individualisme.
• Le phénomène associatif est très diversifié dans les pays ACP. On connaît les
associations locales de type ONG, généralement créées sur initiative extérieure et
inspirées par des statuts occidentaux : elles constituent une sorte d’interface avec les
différentes instances, nationales et internationales, et sont dépendantes de ressources
extérieures. On néglige généralement les “associations de base”, endogènes, qui
s’organisent de façon autonome selon des structures sociales autochtones ; elles visent
généralement à développer des dispositifs d’entraide pour pallier la précarisation des
conditions de vie.
• Ces associations intègrent, dans une même structure, des activités d’entraide
sociale et économique, des activités festives et conviviales et des activités à caractère
communautaire, qui s’interpénètrent fortement. Elles ont toutes une fonction de
redistribution.
b) Éléments de réponse
• L’actuel succès des ONG est né de la déprise de l’État, lorsque celui-ci cesse, pour
diverses raisons (guerres, corruption, crise économique...), de s’occuper de secteurs qui
lui reviennent en propre (santé, éducation, sécurité alimentaire, conservation de
l’environnement...).
• L’expression ONG (organisation non-gouvernementale) est un terme fourre-tout,
ne reposant sur aucun fondement juridique (il y a autant de statuts que de nations) et
masquant une extrême diversité. Certaines sont des associations locales ou nationales,
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 105 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
mais beaucoup d’autres sont des structures internationales (par ex. UICN). Certaines
étiquettes internationales sont en réalité sous-divisées en associations à base nationale
ayant leurs stratégies propres (WWF par exemple).
• Trois grands domaines sont couverts par des ONG, qui éventuellement se
chevauchent : organisations concernées en priorité par la protection de l’environnement,
organisations tournées en premier lieu vers la défense des populations minoritaires
(habituellement regroupées sous l’expressions “indigénistes”) et, enfin organisations de
charité et de développement des pays pauvres (relayant fréquemment la fonction
caritative des Églises).
• Le sigle ONG n’est pas en lui-même garant d’une légitimité particulière par
rapport aux populations “indigènes”. La plupart de ces associations émanent de
l’extérieur des communautés.
• Le mode de fonctionnement des ONG, qui devrait leur garantir leur
indépendance politique, porte en lui d’importants risques de dérive.
- Leur budget devant être assuré par des donateurs privés, les dons seront suscités par
des campagnes d’opinion, avec comme conséquence que l’action des ONG pourra être
régulée par la logique propre aux habitants des pays du Nord, qui sont rarement bien
informés des problèmes et des priorités des habitants des pays du Sud. Ainsi les
programmes ne seront-ils pas nécessairement basés sur la demande de ceux-ci ou
adaptés aux réalités locales. Il n’y a d’ailleurs pas d’organisme de contrôle.
- Le deuxième risque est celui du coût de l’organisation elle-même. Dans le cas des
grosses ONG, indéniablement, le budget consacré au fonctionnement lui-même
dépasse l’investissement dans les projets qu’elles gèrent sur le terrain. Le risque est
que la finalité de l’ONG soit non pas le développement ou la conservation, mais la
perpétuation de l’organisation elle-même et de tous ses employés.
- Autre conséquence directe, l’agenda des ONG basées dans les pays du Nord répond
de plus en plus à leurs propres logiques et aux priorités des pays du Nord.
• L’attitude internationale qui, sur la base d’une défiance vis-à-vis de pouvoirs
publics déficients dans les pays du Sud, fait reposer sur les seules ONG les programmes
de développement et de conservation, renforce paradoxalement, mais très réellement,
l’affaiblissement croissant de l’État et la démobilisation des fonctionnaires encore
pourvus d’un sens civique.
• Inversement, les communautés locales cherchent de plus en plus à mettre sur
pied leurs propres organisations, elles sont demandeuses d’aide pour créer des structures
de gestion de projets qu’elles souhaitent contrôler.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 106 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Privilégier les petites structures locales, plutôt que les grands associations
internationales, pour la mise en place des projets à une échelle d’intervention juste.
• Former des cadres locaux.
• Apporter aux communautés une aide juridique de départ.
b) Éléments de réponse
• L’histoire de l’anthropologie montre à quel point cette science est co-évolutive
de l’entreprise coloniale. Elle montre aussi que l’anthropologue a de tout temps été perçu
comme un obstacle à la réalisation du projet colonial. La décolonisation faite, les
anthropologues restent perçus de la même façon : aujourd’hui, ils sont suspects aux yeux
des politiques (locaux ou non), des ONG et mêmes de certains leaders autochtones, dont
ils contrarient parfois les stratégies de pouvoir.
• Il est vrai que l’anthropologie contemporaine, lorsqu’elle se veut appliquée, a
tendance à diaboliser toute intervention extérieure et à magnifier les communautés
locales. L’anthropologue est sans cesse partagé entre deux responsabilités : à l’égard de
ses pairs et de ses bailleurs de fonds d’un côté, envers les populations étudiées de l’autre.
Cependant, si sa pratique du terrain a été suffisamment longue, il reste néanmoins
l’étranger qui connaît le mieux une population donnée, avec laquelle il a dialogué et dont
il a partagé l’intimité.
• L’implication que l’on attend d’un anthropologue, en tant qu’expert, est
fréquemment réduite à celle d’un facilitateur auprès des populations. Pire encore, on le
consultera après coup, lorsqu’un projet aura été compromis par le rejet des populations
locales.
• Deux anthropologies semblent émerger :
- l’anthropologie universitaire qui a sa propre justification, à savoir l’étude de la
diversité des sociétés humaines et l’universalité des grands phénomènes sociaux et
culturels ;
- l’anthropologie appliquée est tout autre chose : elle ne peut exister qu’en relation
avec d’autres disciplines ; elle doit surtout être en prise permanente avec la réalité
quotidienne.
• Dans le cadre du développement durable, le rôle de l’anthropologue est avant
tout celui d’un traducteur et d’un exégète, dont le but est d’abord de nouer le dialogue
entre les parties concernées. Si le monde moderne et ses rythmes ne permettent guère la
pratique conjointe de ces deux anthropologies, il est souhaitable cependant qu’elles
n’évoluent pas en pratiques indépendantes. L’idéal serait qu’un chercheur puisse passer
de l’une à l’autre au cours de sa carrière.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 107 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Dans le cadre du développement durable, le rôle de l’anthropologue est avant tout celui d’un traducteur et
d’un exégète, dont le but est d’abord de nouer le dialogue entre les parties concernées.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 108 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Pour la majorité des groupes indigènes forestiers, le rapport à la terre s’effectue
sur une base communautaire : c’est la communauté qui possède la terre et les membres
de cette communauté ont le droit de travailler cette terre mais n’en possèdent que les
produits (droit d’usufruit). L’individu n’a pas la possibilité de céder la terre à un étranger
à la communauté, ni de la vendre ; seul le groupe dans son ensemble en aurait le pouvoir.
• Les droits communautaires ne se limitent pas aux seules parcelles défrichées
pour l’agriculture. Sur ce terroir, tous les membres de la communauté effectuent leurs
activités quotidiennes (chasse, pêche et collecte).
• Les limites, ainsi que leur degré de précision, varient (cours d’eau, lignes de
crête, accidents de terrain, axes de déplacement - sentes, pistes pédestres...), mais elles
existent toujours sous une forme ou une autre. Les sites des anciens villages, des tombes,
comme les lieux-dits légendaires ou mythiques, sont également des marques territoriales,
même lorsqu’ils sont isolés en pleine forêt inhabitée. Il ne faut pas confondre une terre
qui n’est pas utilisée avec une terre sans titre.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 109 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Dans de nombreuses sociétés, des droits d’usage sont maintenus à la famille qui
a défriché une parcelle, lorsque celle-ci est laissée en jachère. Les arbres cultivés ne sont
pas traités comme faisant partie de la terre, auquel cas ils appartiennent à la personne qui
les a plantés et sont considérés comme une propriété individuelle. Les produits des arbres
sauvages intéressants “appartiennent” fréquemment à celui qui les a repérés le premier.
• Le processus historique colonial a eu pour effet pratique de déposséder les
autochtones de leurs droits territoriaux, la plupart des forêts ayant été classées dans les
domaines d’État. Un net décalage existe en ce qui concerne le droit foncier : les
populations indigènes vivent dans les forêts selon leur droit foncier traditionnel, alors que
les États-Nations ont instauré des législations foncières modernes qui légalement se sont
substituées aux coutumes. Dès lors, le droit coutumier n’est que toléré tacitement par les
États, qui sont libres d’utiliser les terres selon des priorités de leur choix, sans en référer
aux indigènes. Une grande partie des problèmes et conflits actuels tiennent à la stupeur
des communautés indigènes de voir leurs terroirs ancestraux et vitaux envahis et
transformés par des activités externes, sans qu’elles en soient partie prenante et sans
qu’elles en reçoivent des bénéfices.
• Deux différences fondamentales séparent le droit foncier coutumier et le droit
foncier moderne (c’est-à-dire d’inspiration européenne) :
- pour les communautés indigènes, la terre appartient au groupe, jamais à l'individu;
pour le droit “positif”, la propriété est individuelle ;
- pour les communautés indigènes, la terre est un espace inaliénable, appartenant
éternellement au groupe ; pour le droit positif, toute terre est cessible.
• Les peuples des forêts tropicales sont généralement vulnérables face aux
intervenants extérieurs, quand il s’agit de négocier de nouvelles attributions foncières ou
de concéder des droits d’exploitation, à cause de la dilution des pouvoirs dans leurs
sociétés.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 110 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• Les savoirs traditionnels se diffusent à l’intérieur d’une population selon des
modes de transmission communautaire. La connaissance des qualités des ressources est
acquise au cours de la vie par les individus, auprès de leurs parents. Fréquemment, ces
connaissances ethnobiologiques sont diffusées largement au niveau régional, bien que
l’usage de tel ou tel produit puisse avoir une valeur identitaire.
• L’art médicinal des tradipraticiens, partiellement enseigné lors d’apprentissages,
fait partie des rares savoirs spécialisés des populations forestières ; la rémunération de
leurs prestations, toujours complexe, prend différentes formes selon les sociétés.
• La philosophie de nombreuses sociétés forestières s’accorde mal à celle de
l’Occident ; elle est basée sur une conception très différente des relations de l’homme à
la nature et une place de l’individu particulière dans l’ensemble interdépendant que
constituent tous les êtres, humains et non humains. Pour ces sociétés, l’usage individuel
ne peut en aucun cas contrevenir à la reproduction de la nature socialisée.
• Nombre d’éléments de la vie quotidienne des communautés forestières peuvent
faire l’objet, à un degré ou à un autre, d’une exploitation commerciale, par exemple leur
mode de vie lui-même (par le tourisme), leur image (films et photographies), leurs
connaissances (livres, transferts de techniques) ou leur matériel génétique (plantes
cultivées, génome humain -ADN)... Une telle commercialisation ne devrait toujours se
faire qu’avec l’assentiment des intéressés, mais c’est loin d’être le cas. Étant déjà
impliquées dans des processus de monétarisation, les communautés forestières ont des
besoins ; elles sont dépendantes du commerce et il ne peut être question de les déposséder
de revenus possibles au profit d’autres intervenants. A défaut d’obligation légale, on peut
à tout le moins invoquer l’obligation morale et le principe de juste rétribution.
• Le statut des ressources génétiques (sous le terme de “diversité biologique”) est
fixé dans la Convention de la biodiversité, Art. 3 : “Les États ont le droit souverain
d’exploiter leurs propres ressources selon leur propre politique de l’environnement”. En
revanche, le droit des populations qui vivent de et au milieu de ses ressources n’est
mentionné qu’allusivement. Les peuples des forêts tropicales n’ont aucun droit sur leurs
propres ressources. C’est en réaction à ce fait que les droits de propriété intellectuelle
sont invoqués. En effet, dans des situations où les États désorganisés ne disposent pas de
structures de redistribution, les communautés ne bénéficient jamais du moindre retour sur
les bénéfices obtenus.
• Les droits de propriété intellectuelle (DPI) permettent à un individu de toucher
des revenus financiers sur la cession de son savoir propre, de son invention ou de sa
création. Néanmoins, l’application de ces droits, pour généreuse qu’elle soit, reste
excessivement complexe, par l’imbrication des acteurs concernés et des niveaux
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 111 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 112 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• La création d’une aire protégée destinée à la conservation de la nature peut
constituer pour une communauté locale une catastrophe plus grave que l’ouverture d’un
chantier forestier ou similaire à la construction d’un barrage. En effet, cette communauté,
jusque-là libre sur un territoire qu’elle a parcouru des générations durant et qui lui
fournissait ses moyens d’existence, se retrouvera privée de ceux-ci, dépouillée de sa
terre, voire déplacée sur des terres inconnues.
• Les activités traditionnelles sont compatibles avec le maintien d’un couvert
forestier et d’une faune diversifiés : il ne faut pas oublier que les écosystèmes
équatoriaux actuels sont issus des activités humaines. Il n’y a pas de forêt vierge. Les
perturbations que subissent les forêts actuelles ont leur origine dans les activités à
vocation commerciale : exploitation du bois, défrichements agricoles pour la
colonisation paysanne, chasses et collectes commerciales. Ces perturbations ne sont
jamais dues aux actions des communautés menant une économie de subsistance.
• La récente volonté de la part des projets de conservation de ne plus expulser les
riverains, mais au contraire de les maintenir dans leurs villages au sein des aires
protégées, n’implique malheureusement pas pour autant une modification de la
conception classique du rôle négatif de l’Homme dans l’écosystème : le comportement
des villageois est toujours considéré comme étant a priori irrationnel et responsable des
problèmes environnementaux.
• Du point de vue des populations, ce que les projets actuels de conservation
réalisent dans les faits relève de deux approches paradoxales. D’une part, les agences de
conservation mettent en place des activités de développement avec des comités locaux de
gestion, d’autre part elles maintiennent des structures coercitives, avec des plans de
zonage classiques (c’est-à-dire restrictifs) et un arsenal répressif. Ce paradoxe est
renforcé par le fait que la composante participative (comités de gestions, projets de
développement) est généralement peu, voire pas, opérationnelle, tandis que le dispositif
coercitif (plans de zonage et campagnes de répression classiques) est fonctionnel dès la
mise en place des projets.
• Il en résulte de nombreux conflits entre les riverains et les projets, ainsi qu’une
très faible contribution des populations locales aux projets de développement proposés
par les responsables des aires protégées. L’idée que soit universelle la notion de
conservation pour le bien des générations futures est aussi une illusion des Occidentaux,
conduisant à de graves mésententes sur le bien-fondé de l’aire protégée.
• Il est loin d’être prouvé que le dispositif participatif (comités de gestion) et de
développement intégré (activités de développement) contribue efficacement aux
objectifs de la conservation, dans la mesure où il n’existe pas de suivi socio-économique
au sein des aires protégées existantes et qu’il n’est donc pas possible, à l’heure actuelle,
d’évaluer le seuil de tolérance des activités humaines par rapport aux ressources.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 113 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Il faut parvenir à ce que les populations locales prennent conscience de la fragilité des écosystèmes et de
la raréfaction des ressources sauvages. Cameroun - (cliché E.Josse)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 114 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
b) Éléments de réponse
• La mise en place d'un projet de développement ou de conservation est un
processus complexe, engageant de multiples responsabilités : le projet est proposé par un
“promoteur”, national ou étranger ; sa création est décidée par un ou plusieurs
responsables politiques, généralement nationaux. Sa mise en œuvre est engagée par
d'autres, à nouveau nationaux et étrangers, fréquemment associés. L’initiative en revient
rarement, sinon jamais, aux populations locales.
• Il faut parvenir à ce que les populations locales prennent conscience de la
fragilité des écosystèmes et de la raréfaction des ressources sauvages. Toutefois, engager
des actions d’éducation environnementale lorsque des entreprises exploitent sans
vergogne les environs, décrédibilise l’opération.
• La caractérisation de ce qui est utilisable doit être menée de pair avec celle de ce
qui est à conserver. Les utilisateurs doivent aussi être les conservateurs. Sur ces bases,
on peut observer des cas de réussite, tels les Inuit dans l’État autonome du Nunavut
(Canada) et les populations rurales amazoniennes des réserves extractivistes de certains
États du Brésil : gestion et planification communautaires de la chasse dans un cas et des
produits forestiers non-ligneux dans l’autre.
• Tout développement non durable ne saurait être autre chose qu’une simple
exploitation. Tant dans le concept de la conservation que dans celui du développement,
il importe donc d’accorder au facteur temps une importance primordiale : seul le respect
de rythmes économiques différenciés, voire décalés, impliquant ipso facto la notion plus
culturelle de qualité de vie, débouche sur un développement endogène.
• L'établissement de projets aboutit toujours à reposer la question des relations de
l'État et du citoyen. La décision d'un programme de développement répond à un impératif
national supérieur, pour lequel est invoqué l'intérêt économique. Le projet dégagera des
revenus, ne serait-ce qu'à travers les taxes perçues par l'État. Ces projets sont justifiés par
le fait supposé que ces revenus bénéficieront aux habitants de la région d'implantation,
au travers d’investissements dans les infrastructures publiques locales (routes, écoles,
hôpitaux…).
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 115 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Cueillette de fruits de palmier wasay (Euterpe oleracea) - Guyane Fr. (cliché S.Bahuchet)
C’est en accompagnant leurs parents dans les activités forestières que les enfants apprennent les savoirs et
les savoirs faire de leurs cultures. Ils sont les meilleurs garants de la gestion durable des forêts.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 116 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
IV
DES PROPOSITIONS
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 117 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 118 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 119 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 120 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 121 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
d'en permettre l'implantation. Cette question ne doit-elle pas être posée avant que la
solution ne soit choisie ? Les responsables politiques européens doivent savoir pour
quelles catégories de citoyens ils travaillent. Des choix de société entraînent
nécessairement des conflits. Ont-ils été évalués ? Que sait-on des conséquences des
décisions prises ?
La création, dans les instances européennes, de help desks où se retrouveraient des
anthropologues, avec aussi des praticiens et des chercheurs de plusieurs disciplines,
serait un moyen de préparer les réponses à ces questions.
Principes
Chaque situation est particulière et doit être traitée comme telle. Au sein d'une
même population, dans un même écosystème, il peut y avoir de grandes différences.
Malgré ce qui est dit, prévu et annoncé, le contexte préliminaire reste souvent mal
étudié, mal compris et donc mal pris en compte. En particulier, le volet social doit retenir
davantage l'attention. Tout projet d'intervention doit, au préalable, avoir analysé le
contexte et rassemblé des données conséquentes sur l'environnement physique et les
aspects culturels, sociaux, politiques et économiques, si nécessaires aux différents
niveaux : global, régional, national et local.
Il faut s'interroger sur les présupposés implicites des concepteurs, que ce soit en
matière d'environnement, de bénéficiaires ou d'effets recherchés.
Contexte historique
On ne doit pas omettre d'analyser les raisons historiques des situations rencontrées
et des politiques suivies. L'histoire des relations entre les hommes et l'environnement est
ancienne et complexe. L'étude des paléoenvironnements et de l'archéologie permet de
replacer les processus en cours dans des échelles de temps significatives.
De même, l'histoire des relations entre autochtones et allochtones, l'origine du
pouvoir traditionnel, mais aussi la politique coloniale, les législations anciennes et leur
(non-)application, la genèse des aires protégées et leurs implications pour les populations
méritent de retenir l'attention. L'historique des politiques et des stratégies aux différents
niveaux, de même que celui des projets de développement antérieurs, sont très
révélateurs. L'expérience passée influe sur les attentes des différents acteurs, sur ce qu'ils
espèrent ou pas du changement. Elle conditionne leur attitude face aux projets.
Contexte environnemental
On constate une sous-estimation assez systématique de la place et du rôle que
l'Homme a joué dans les écosystèmes forestiers et leur dynamique. Même si ces
écosystèmes ont évolué pendant des millions d'années avant l'apparition de l'Homme, on
ne connaît nul endroit où la forêt actuelle n'ait été transformée, voire créée de toute pièce.
La façon dont traditionnellement les ressources forestières étaient perçues, gérées et
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 122 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Au plan socio-économique
Il faut notamment déterminer :
• Quels sont les groupes sociaux en présence ? Quelles sont leurs organisations, leurs
représentations, leurs attentes ? On doit veiller à ne pas privilégier certains groupes
(par exemple des chasseurs-collecteurs au détriment des agriculteurs), sous peine de
provoquer des tensions.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 123 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Au plan politique
Il faut aussi préciser :
• Quelles sont les élites ? Quels sont le poids et la zone de pouvoir de chacune d'entre
elles ?
• Comment sont gérés les liens avec les villes, l'administration, les partis politiques ?
• Quel sera le bon interlocuteur appartenant à la communauté locale ? Ce choix,
décisif et primordial dans ces sociétés souvent acéphales et basées sur une prise de
décision consensuelle, doit être fait avec toute la circonspection et toute l'attention
nécessaires.
• Y a-t-il des conflits en cours ? Les projets de développement devront veiller à ne
pas les exacerber.
Au plan économico-environnemental
Il faut dans tous les cas examiner :
• Quelles sont les nécessités en matière de subsistance et donc de prélèvement de
produits forestiers, de maintien des jachères d'une durée suffisante ?
• Comment circulent les biens et les produits ? Quels sont les liens entre les forêts et
les centres urbains ?
• Quels sont les dispositifs législatifs et réglementaires et sont-ils compatibles avec
les usages coutumiers ?
• Dans le contexte économique du moment, qu'attend-on de la ressource forestière ?
Quelle est sa part dans l'économie locale et nationale ?
• Quelles sont les sociétés d'exploitation forestière et quelle est l'origine de leurs
capitaux ?
• Quel est l'état de l'information et de la sensibilisation vis-à-vis des changements
climatiques et des menaces écologiques ?
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 124 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 125 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
rendre compte des multiples liens qui existent désormais entre le global et le local (le
glocal), entre la ville et la campagne (le rurbain).
Ainsi, il est nécessaire de combiner conservation et exploitation, en intégrant dans
les Stratégies Nationales pour la Biodiversité (NBS) à la fois les aires protégées et les
zones intercalaires, qui pourraient se révéler cruciales par exemple en cas de
changements climatiques. De même, dans une stratégie de conservation à l'échelle du
paysage, les agroécosystèmes et les forêts secondaires périphériques deviennent un
élément important de la biodiversité.
Vu la complexité des écosystèmes, des processus en cours, des relations entre les
populations et des environnements très divers, il est primordial de mieux délimiter ce qui
est connu de ce qui ne l'est pas encore, afin de ne lancer des projets que lorsque sont
disponibles les connaissances scientifiques nécessaires à leur bon déroulement.
Une attention toute particulière doit donc être apportée à une politique
d’aménagement conçue au niveau régional.
• La planification doit prendre en compte la diversité des activités et donc des
stratégies des populations locales, qui se traduit par une occupation répartie de
l’espace et une mobilité saisonnière : il faut privilégier des habitats dispersés et les
pourvoir d’infrastructures modernes, légères et adaptées ; il faut déterminer les
surfaces des zonages en prévoyant des aires de parcours et des surfaces dévolues à
l’agriculture suffisantes, mais surtout qui prennent en compte l’accroissement
prédictible de la population.
• Pour tenir compte de l’impact des villes sur les populations forestières, il est
impératif de favoriser et planifier l’approvisionnement des villes, de penser les circuits
de commercialisation (vivres ou PFNL) en terme d’aménagement régional et, surtout,
de privilégier les activités visant à approvisionner les marchés locaux plutôt que les
extractions destinées à l’exportation.
Parler en terme de processus plutôt que de projet permet de garder en tête que l’on
agit dans le temps long et que l’intervention s’inscrit dans une dynamique.
Suivons le cycle d’un projet type associant conservation et développement.
Qu’il soit bien clair qu’aucun projet ne saurait réussir sans le concours des
différents spécialistes concernés, de sciences naturelles et de sciences humaines.
L’attitude des acteurs du projet devra être régie par un principe de base simple : il
faut respecter ses interlocuteurs ; il faut traiter la communauté en partenaire, informer,
expliquer, négocier à égalité et, surtout, la faire participer à tous les stades de
l’élaboration des plans d’aménagement.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 126 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Mise en œuvre
Assez systématiquement, le non-recours préalable aux sciences humaines peut
mener à une impasse, exacerber les tensions, provoquer les conflits et nécessiter dans
l’urgence l’appel d’un spécialiste. Malheureusement, dans de telles situations, la marge
de manœuvre de l’anthropologue est d’emblée singulièrement réduite.
Les cas où la communauté elle-même a un projet collectif et réaliste sont rares. Par
contre, l’analyse minutieuse du contexte socio-économique (dont il vient d’être question)
aura suscité une réflexion collective, débouchant sur la formulation de projets ou la
réappropriation de propositions dont l’origine est extérieure à la communauté concernée.
• Cette démarche favorise une maturation que ne permettent pas les nombreuses
méthodes d’évaluation rapide. D’une façon générale, le recours à ces méthodes donne
l’impression trompeuse qu’une attention suffisante a été portée aux facteurs socio-
culturels, mais vu la complexité des situations, c’est rarement vrai. En outre, l’enquête
d’opinion au village n’est généralement pas corroborée par une validation en grandeur
réelle (terroirs, calendriers, productions, consommation, budgets, etc.). Lorsqu’il est
néanmoins nécessaire de recourir à de telles méthodes, elles ne produiront de résultats
véritablement utilisables que si elles sont appliquées par des spécialistes aguerris du
domaine des sciences humaines.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 127 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
• Identifier des partenaires est une tâche essentielle. Prendre appui sur des comités
locaux de gestion est naturel : l’agent de développement aura tout intérêt à se faire
expliquer le fonctionnement des associations, des tontines, des associations féminines.
La dynamique sociale dont témoignent ces pratiques endogènes leur donne rang de
partenaires privilégiés dans tout projet de développement et de conservation.
• Faire précéder la mise en place d’une négociation avec les communautés villageoises
concernées s’avère crucial, tout particulièrement pour les projets d’écotourisme, dont
les villageois doivent être pleinement informés des avantages comme des
inconvénients.
• La prise en compte des techniques paysannes existant localement, notamment en ce
qui concerne l’agriculture et l’arboriculture, qui ont fait leurs preuves, doit primer sur
leur remplacement par des techniques d’origine occidentale à l’efficacité incertaine en
climat tropical. De même, les savoir-faire locaux, dûment documentés, sont autant de
techniques perdurables susceptibles de s’intégrer harmonieusement dans un
écodéveloppement durable.
Suivi et évaluation
Suivre l’impact d’un projet sur les populations locales est une étape nécessaire, et
bien reconnue ; néanmoins, les changements socio-économiques et écologiques font peu
l’objet d’investigations précises et longues. Sont ainsi à prendre en compte :
• les effets sur la santé et l’alimentation des modifications économiques, notamment
en cas de limitation d’accès aux ressources sauvages ;
• l’influence de l’accroissement démographique sur les terres et la disponibilité en
ressources ;
• les conséquences socio-économiques de la proximité des projets, sur les revenus et
les mécanismes microéconomiques des communautés. Dans le cas de projets
d’écotourisme notamment, il faut veiller à ce que les retombées positives en soient
effectives pour la communauté. L’influence de la “touristification” sur le
fonctionnement des communautés est aussi à observer.
• on devra imposer aux promoteurs des projets l’évaluation et le suivi sur place des
implantations réalisées.
En définitive, on recommandera de faire suivre par des anthropologues les projets
et leur impact réel sur l’épanouissement et le bien-être des communautés.
Les aspects légaux et contractuels doivent aussi faire l’objet d’une attention
particulière :
• il importe de faire respecter très rigoureusement les réglementations des
exploitations minières et forestières, en matière de protection de l’environnement et
de retombées sur les populations riveraines ;
• tout projet doit être assujetti à un contrôle sur le long terme, par des organismes
indépendants, afin de vérifier l’application du contrat, l’effectivité et la justice des
compensations et des traitements promis.
Dans le cas particulier des savoirs locaux et de l’utilisation à des fins industrielles
des produits locaux, on devra créer des organismes indépendants afin de contrôler
l’usage fait de ces savoirs indigènes et des ressources.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 128 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 129 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 130 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
NOTES
1 Un bon exemple en est fourni par la récente campagne lancée au Brésil par le WWF contre les feux de
forêt pointant encore une fois, et contre toute vraisemblance, l’agriculture traditionnelle comme
principale responsable de la déforestation.
2 La rapidité des screanings chimiques par famille botanique et la synthèse des molécules découvertes dans
les plantes rend cette quête amplement caduque.
3 Pour être honnête, les auteurs de ces lignes, ne bénéficient-ils pas eux-mêmes de façon importante mais
dépourvue d’ambiguïté de crédits européens destinés au sens large au développement ?
4 Si l’impact déstructurant des missions protestantes et catholiques s’est quelque peu atténué sans pour
autant disparaître, il a été largement relayé par celui des sectes millénaristes (adventistes, pentecôtistes,
témoins de Jéhovah...).
5 La croissance démographique de la Guyane Française concerne surtout les villes, alors que celle de
l’Amapa, du Roraima et de la Guyane vénézuelienne concerne à la fois les villes et les zones rurales.
6 Cette diversité reste inexpliquée, puisque dans un même contexte insulaire, la Polynésie offre une
profonde unité linguistique dans un triangle immense constitué par les îles Hawaii, l’île de Pâques et la
Nouvelle-Zélande.
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 131 Future of Rainforest Peoples (FRP)
Retour sommaire Table des matières
Vers où ?
Cameroun - (cliché S.Bahuchet)
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT) 132 Future of Rainforest Peoples (FRP)
APFT
Avenir des Peuples des Forêts Tropicales
est un programme financé par la Commission Européenne
qui associe sciences de la nature et sciences de l'esprit
pour explorer en profondeur les problèmes auxquels sont confrontés
les populations des forêts.