MEDECINE/SCIENCES 2004 ; 20 : 916-25
> L’ampleur des stérilisations pratiquées dans les
pays nordiques de 1929 à 1977 a suscité le scandale: quelle fut la part de la contrainte? Et qui
est responsable? Les politiques de stérilisation
furent avant tout des politiques de classe. Les
premières victimes en ont été les handicapés
mentaux et les femmes. Le plus souvent indirecte, la contrainte a pesé d’un poids très lourd.
Faut-il chercher les responsables chez les
sociaux-démocrates au pouvoir pendant toute
cette période (sauf en Finlande et en Estonie)? À
l’exception peut-être du Danemark, il semble
que, plus que les gouvernements, les médecins et
les services sociaux, à l’échelle locale, aient été
les principaux soutiens des stérilisations.
L’influence des féministes et des abstinents ne
peut être ignorée. Pourquoi le déclin de l’eugénique? Fondée sur une application convaincante
de la loi de Hardy-Weinberg, la science des
eugénistes était solide. La politique? Mais la
révélation des crimes nazis n’a eu aucun impact.
Certains auteurs insistent sur l’organisation de
la science en Europe du Nord, conforme aux
valeurs libérales. D’autres soulignent l’effet
dévastateur entraîné par la déroute de la psychiatrie héréditariste dans les années 1960. <
Eugénique
à la scandinave :
le débat
des historiens
Patrick Zylberman
Le scandale est énorme, en cette fin du mois d’août
1997, lorsque Dagens Nyheter, le grand quotidien de
Stockholm, révèle à ses lecteurs ce fait accablant :
entre 1935 et 1976, 63 000 personnes ont été stérilisées
en Suède (par salpingectomie et vasectomie, deux
techniques perfectionnées au cours des années 18901900), pour nombre d’entre elles contre leur volonté.
Avec une joie mauvaise, à l’étranger on associe d’emblée
la Suède sociale-démocrate et l’Allemagne hitlérienne:
le Washington Post parle d’une «campagne de style nazi
étalée sur 40 ans»; le Times et le Monde titrent (de façon
erronée) : « la pratique de la stérilisation forcée en
916
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
CERMES, Inserm U.502,
Campus CNRS,
7, rue Guy-Môquet,
94801 Villejuif Cedex,
France.
zylberma@vjf.cnrs.fr
Suède a touché 60000 personnes », en ayant soin de
souligner l’existence de
«certaines arrières-pensées racistes» sous-jacentes à
un «modèle social suédois» soudain précipité de son
piédestal.
Il est vrai qu’il y a de cela 70 ans, les pays nordiques
avaient unanimement adopté des lois où triomphait
l’eugénique (Tableau I). Non sans un profond sentiment
du devoir et une grande conscience de leur mérite. En
effet, il ne s’agissait rien moins que de maîtriser la
reproduction de certains groupes sociaux, de manière
souvent coercitive, dans l’intérêt prétendu de l’amélioration génétique de la population. En Scandinavie
comme ailleurs, qui dit « problème eugénique » dit
fécondité différentielle. Soucieuses de bien-être et
attentives à l’éducation de leur progéniture, les classes
moyennes font moins d’enfants, alors que les pauvres se
reproduisent comme des lapins: n’allait-on pas dès lors
vers la disparition des élites et l’élimination de tout élément sain? La théorie de la dégénérescence de Morel,
qui au début du siècle tenait le haut du pavé au côté de
celle de Galton, mettait en garde contre la sexualité
débridée des handicapés mentaux. L’école obligatoire
qui rendait le retard scolaire visible, l’extension des lois
sociales qui alourdissait les coûts de prise en charge des
malades et des inadaptés, l’usage toujours plus répandu
des tests d’intelligence, tout était signe et avertissement de l’invasion prochaine des anormaux. On prévoyait des cataclysmes: les assises de l’éducation de
Riga ne prétendraient-elles pas à deux reprises, en 1927
et 1935, qu’un tiers de la population estonienne était
porteuse d’une tare quelconque [1]? Impossible là-des-
Norvège (1918), Danemark (1922 et 1937), Suède (1922), Finlande (1929)
Stérilisation volontaire (sans consentement si retard mental moyen ou sévère)
Danemark (1929 et 1935), Suède (1934), Norvège (1934),
Finlande (1934), Estonie (1937), Islande (1938)
Stérilisation obligatoire des handicapés mentaux (retard léger)
Danemark (1934), Estonie (1937), Suède (1941), Finlande (1950)
Castration (crimes sexuels)
Danemark (1934), Finlande (1934 et 1950), Estonie (1937)
Avortement (eugénique)/stérilisation
Suède (1938), Danemark (1938 et 1956), Finlande (1950),
Norvège (1960: pas de condition de stérilisation)
Prohibition (boissons alcoolisées)
Suède (1913-55), Norvège (1916-27), Finlande (1919-31)
Abrogation des lois de stérilisation (eugénique, sociale)
Danemark (1967 et 1973), Finlande (1970), Suède (1975),
Norvège (1977), Estonie (1944?)
Tableau I. La législation eugénique (eugénique négative) en Scandinavie,
1918-1977.
REPÈRES
Interdiction du mariage (aliénés, handicapés mentaux)
sera à la mesure de ce large consensus
d’opinion [2], auquel participeront tous
les partis, hormis les communistes (en
Suède), quelques chrétiens (au Danemark) et une poignée d’intellectuels de
gauche (en Finlande et en Estonie).
Sorte d’amnésie assez commune dans l’Europe de
l’après-guerre. Mais à présent, c’est une explosion de
mémoire. Les victimes ont été en grande majorité des
femmes: 93% sur l’ensemble de la période en Suède
[3]. Née à la campagne dans une famille de six
enfants, une vieille dame raconte au Dagens Nyheter
comment, ayant des problèmes de vue, mais trop
pauvre pour s’acheter des lunettes et donc incapable de
suivre en classe, elle avait été envoyée dans une maison
de redressement dont on lui avait proposé de sortir à
17ans, au prix d’une ovariectomie. Les lois de stérilisation
ne mettent pas en cause les seuls experts (psychiatres et
médecins des services sanitaires), mais bien l’histoire et
l’identité même de la société scandinave.
Aussi le gouvernement de Stockholm s’empresse-t-il de
nommer en septembre 1997 une commission composée de
médecins, de juristes et d’historiens, chargée d’éclairer
l’arrière-plan politique et les responsabilités des gouvernants et des médecins, d’estimer le nombre de stérilisations forcées et de faire des propositions d’indemnisation. Un premier rapport est rendu en janvier 1999; votée
l’été suivant, une loi en reprendra les recommandations.
Fin 2001, il sera ainsi fait droit, dans un premier temps, à
3 000 demandes, pour un montant global de 4,5 milliards
de couronnes (495 millions d’euros) [4].
Aucun des pays scandinaves n’échappe à l’onde de
choc qui, entre autres, a pour effet de réorienter le
débat historique. Le dépôt, en 1988, sur le bureau du
parlement européen, du projet de loi sur la médecine
prédictive avait suscité un premier train d’hypothèses
sur les rapports entre la génétique médicale, l’eugénique scandinave et l’hygiène raciale allemande [5].
HISTOIRE ET SCIENCES SOCIALES
sus de se fier au laissez-faire. Eugénique positive pour les uns (allocations familiales, bourses d’étude, aides aux familles pour subvenir aux
frais de garde et de cantine...), eugénique négative pour les autres
(ségrégation et stérilisation): l’intervention de l’État était requise
(Figure 1).
Au reste, l’idée de contrôler la reproduction de la population souriait
assez aux réformistes de tous poils, de droite comme de gauche. Et
«l’interminable silence» qui s’abattrait plus tard sur cette politique
Figure 1. Les dispositifs eugéniques. Le «problème eugénique»
a été défini par Galton en même temps que ses deux solutions,
l’eugénique «positive» pour les classes moyennes (soutiens
financiers à la natalité et aux familles nombreuses) et «négative» pour les pauvres et les déviants. Pour cette dernière solution, l’intervention de l’Etat est requise, appuyée sur la sélection scientifique des individus dès l’âge scolaire (tests
mentaux). Stérilisation et ségrégation sont deux stratégies
associées (flèches en pointillé): la levée de l’interdition du
mariage peut être conditionnée par une stérilisation «volontaire» du déficient mental; inversement, la grande majorité
des stérilisations forcées ont été effectuées sur des personnes
internées (d’après [29]).
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
917
On considérait que les politiques de stérilisation n’avaient été,
en Scandinavie, qu’une parenthèse. Vers 1930, la sécularisation
de la société ayant balayé les mentalités traditionnelles, les
stérilisations eugéniques auraient été incorporées à un programme général de santé et de bien-être; vers 1950, les progrès
de la génétique aidant, cette politique aurait fini par être
remise en cause. Loin d’un aboutissement, l’eugénique nazie
n’aurait représenté qu’une déviation, liée aux circonstances
politiques, d’une législation qui s’esquissait dans toute l’Europe depuis les années 1920. Par ailleurs, l’accord semblait
général sur le rapport chronologique, mais aussi idéologique,
entre les lois de stérilisation et l’élaboration d’un État-providence d’essence social-démocrate.
C’est sur ce second point que le débat allait d’abord reprendre,
les Suédois et les Norvégiens étant bien plus enclins que les
Danois à réviser l’association posée d’emblée entre stérilisations et social-démocratie1. La première période avait été celle
de la Schuldfrage, la question de la culpabilité (1991-1996). En
relançant l’enquête dans les archives, en suscitant des entretiens menés par des anthropologues avec quelques victimes, la
commission suédoise allait permettre aux historiens de labourer encore plus profond le champ empirique du problème (19972002). Après avoir résumé les éléments du dossier historique
que nous avons donnés ailleurs [6], c’est sur cette seconde
phase du débat que nous aimerions insister maintenant.
Que s’est-il passé?
Le gouvernement suédois exige de sa commission un compterendu exact sur trois questions: 1) l’ampleur véritable des stérilisations ; 2) selon quelles indications (eugéniques, médicales, sociales) ; 3) le partage des responsabilités entre
politiques et experts. Considérons ici les deux premières.
Dès le début des années 1990, des travaux empiriques avaient
jeté une vive lumière sur ces deux points [7]. En Suède, où la loi
n’admettait pas l’usage de la force (elle n’autorisait à se passer du consentement de la personne que lorsqu’il s’agissait de
handicapés majeurs2 ), près de 9 000 opérations (14% de l’ensemble des stérilisations) ont été effectuées sur des personnes
en institution, la plupart du temps avant 1955; 13 à 14 000
ont été stérilisées pour « déficience intellectuelle », et
4 000 femmes durent subir l’intervention mutilante après un
avortement pour raison «eugénique» (pratique officiellement
interdite en 1964) [3].
En Norvège, la loi reposait aussi sur le libre choix; elle n’autorisait pas la contrainte mais, pour les déficients intellectuels,
1
Voir les débats autour de la thèse de L. Koch [9] dans le numéro 3 de Bibliotek for læger
2001; 193: 190-252.
2 À la différence de la Norvège qui considérait comme « incapables » les individus d’âge mental inférieur à 9 ans (retard mental moyen), le Danemark et la Suède admettaient la stérilisation sans consentement des personnes ayant moins de 12ans d’âge mental, quand la Finlande
autorisait celle des personnes de moins de 14 ans (retard mental léger).
918
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
l’opération pouvait être pratiquée sur demande d’une tutelle
(directeur d’institution, commissaire de police...) et sans le
consentement du patient. Sur les 44 000 stérilisations effectuées entre 1934 et 1977, environ 16 000 ont touché des déficients ou des malades mentaux, des individus atteints d’un
retard mental moyen ou sévère, en majorité des femmes; en
outre, aux 28 000 femmes «normales» stérilisées en vertu de la
loi, il convient d’ajouter un surcroît de 40 000 femmes opérées
en dehors du cadre légal pour des raisons médicales ou thérapeutiques ne nécessitant pas d’autorisation (en fait des mères
de famille épuisées par les maternités à répétition ou vivant
dans un environnement difficile), principalement dans les
années 1950-1960 [8].
Au Danemark, 7 000 personnes, en majorité des femmes là
aussi, ont été stérilisées dans le cadre de la loi de 1935 (stérilisation volontaire). Durant la même période, 6 000 opérations
étaient effectuées conformément à un texte de 1934 qui prévoyait la stérilisation obligatoire des handicapés mentaux. Si
l’on ne connaît pas d’exemple d’emploi de la force, la ligne de
démarcation séparant le libre choix de la coercition reste passablement floue. Presque toutes les personnes opérées sous la
loi de 1934 le furent après consentement… mais avant élargissement, à moins qu’elles ne fussent mères de famille nombreuse soumises à des formes diverses de contrainte larvée
(chantage à l’autorisation d’avorter, au retrait du droit de
garde des enfants...) [9].
Si les stérilisations (déclarées) ont touché en Suède 3,3personnes pour 10 000 habitants, 1,1 au Danemark et 0,8 en Norvège, elles concernent 1,2 individu pour 10 000 en Finlande
(près de 58 000 actes entre 1935 et 1970). Dans ce dernier pays
doté d’une législation très dure, la proportion des handicapés
dans le total des opérations s’avère élevée, même si des raisons
eugéniques sont rarement invoquées [10, 11].
On a dit que l’indication eugénique n’avait joué qu’un rôle
secondaire dans les politiques nordiques de stérilisation et que
la majeure partie des diagnostics était d’ordre social (personne
qui ne peut subvenir à ses propres besoins ou à ceux de sa
famille) ou moral (immoralité sexuelle) [12]. C’est là un point
capital aux yeux des historiens scandinaves, puisqu’il interdit
toute confusion entre l’Europe du Nord et l’Allemagne nazie3. Il
convient toutefois de distinguer selon les périodes. En Suède,
les visées eugéniques culminent dans les années 1940 où, dans
près de 85% des cas, ce motif a la plus grosse part. Vers 1955,
en revanche, le renversement de la tendance est complet: 85 à
90% des actes sont alors décidés pour raison médicale, même
si certaines indications eugéniques sont parfois masquées sous
des motifs médicaux [13]. Dès 1947, le ministère cesse d’enjoindre aux hospices de stériliser les handicapés mentaux (sté3
Roll-Hansen N. Eugenics and the role of science : the Scandinavian case. In: McCormick R,
McBride P, Agar M, eds. Northern light, northern darkness? Rethinking modernism art and politics in northern Europe, 1890-1950. 2004 (sous presse).
Finlande
Danemark
Norvège
Suède
2,3
0,1
2,4
5,5
3,8
9,3
5,3
2,2
7,5
3,6
1,7
5,3
6,9
0,4
7,3
4,6
3,3
7,9
7,5
2,4
9,9
3,2
0,8
4,0
10,2
0,5
10,7
3,9
2,6
6,5
5,8
2,3
8,1
3,1
0,8
3,9
8,4
0,5
8,9
3,7
3,3
7,0
4,5
2,1
6,6
3,0
0,7
3,7
REPÈRES
Que le concept de stérilisation ait évolué tout au long
de la période considérée, rien de plus vrai. De protection de la société contre l’explosion attendue de la
déficience et de la déviance, la stérilisation devient,
vers la fin des années 1950, un moyen de contraception,
un choix individuel [3, 9, 15]. La première période de la
législation n’en apparaît pas moins un pur produit de la
doctrine eugéniste.
Partout la législation offre un système dualiste. Au
Danemark, une loi (1934) autorisait la stérilisation
obligatoire des handicapés mentaux sous la surveillance d’une commission comprenant des non-médecins (conseillers municipaux,
magistrats), parallèlement à la loi de 1929 (amendée en 1935) qui
permettait la stérilisation volontaire de personnes sans déficience,
sous contrôle exclusivement médical. De manière similaire, en Norvège, la loi de 1934 proposait aux personnes «saines au point de vue
mental» un moyen de maîtriser librement leurs comportements reproductifs, tout en visant à «un contrôle accru de la reproduction des
individus inférieurs », selon la terminologie de la commission de
réforme du code pénal chargée des travaux préparatoires au projet de
loi [8]. Ce n’est que tardivement, en 1967 et 1973 au Danemark, en
1975 en Suède, que ce dualisme finira par laisser place à un droit à la
stérilisation pour tous (avec pour seule condition d’être âgé de 25 ans
ou plus), à la double exception de la Norvège (1978) et de la Finlande
(1970) qui conserveront dans leurs nouvelles législations le principe de
la stérilisation sans consentement des personnes ayant un retard mental4 [11, 16].
HISTOIRE ET SCIENCES SOCIALES
rilisations qui demeureront toutefois assez fréquentes
jusque dans les années 1960), et de plus en plus d’exceptions seront faites à la loi de 1938 qui obligeait les
femmes à accepter la stérilisation après un avortement
eugénique. Un mouvement similaire se retrouve en Norvège, mais pas en Finlande, où la loi est fondée sur la
contrainte (renforcée en 1950) et où le pic du mouvement stérilisateur se situe entre 1956 et 1963 [14], le
déclin du taux de stérilisation ne s’amorçant qu’au
cours des années 1990.
Le Danemark témoigne lui aussi d’une évolution particulière. Dès la fin des années 1950, près de 80% des stérilisations y sont effectuées sur indication médicale. Raison
pour laquelle, peut-être, le sex ratio en matière de stérilisation sera encore, au cours de la période 1980-1994,
moins inégalitaire au Danemark et en Norvège qu’en Suède
et en Finlande, cette dernière étant surtout extrêmement
défavorable aux femmes (TableauII) [11]. Cependant, et
bien que les statistiques ne permettent pas de se faire une
idée précise des groupes de patient(e)s concerné(e)s, une
proportion importante de ces actes touche au Danemark
une tout autre catégorie que les handicapés. Loin de diminuer, le poids des indications eugéniques augmente, au
contraire. Ainsi, la loi de 1956 réformant la législation sur
l’avortement (1938) autorise explicitement la stérilisation
post-abortum [9].
Persistance de la coercition
1980
Femmes
Hommes
Total
1985
Femmes
Hommes
Total
1990
Femmes
Hommes
Total
1994
Femmes
Hommes
Total
Tableau II. Taux de stérilisation (pour 1000 personnes âgées de
15 à 49 ans) dans les pays nordiques (1980-1994) par sexe. Le
total (taux masculin + taux féminin) correspond au taux pour
1000 couples dont un des membres a été stérilisé [11].
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
Cette empreinte eugéniste est d’autant plus sensible qu’il s’agit de
politiques de classe. Quelles furent leurs cibles? En 1941, lors des
débats sur la révision de la loi de 1935, les députés du Riksdag
voyaient dans les « nomades », peuplade « basanée » ravagée par
l’ivrognerie, la violence et le crime, de parfaits candidats à la stérilisation. On en recensait 7 600 en Suède. À l’instar de savantes études
émanant d’experts en tout genre, le ministère de la Santé les tenait
lui-même pour génétiquement distincts de la population suédoise et
bien entendu pour absolument inférieurs. On ignore combien de Tattare furent ainsi stérilisés ; ils ne furent jamais visés en tant que
groupe [7]. En Norvège, si une centaine de personnes durent subir
l’opération, les femmes « nomades » plus souvent que d’autres furent
contraintes d’accepter cette mesure de rigueur [17]. En fait, plus
encore que la race, la catégorie sociale a constitué le substrat idéologique de l’eugénique en Scandinavie.
À l’origine, les handicapés mentaux étaient les premiers visés. En 1952
encore, le Dr Karl Evang, directeur général de la Santé de 1938 à 1972
(hormis la période de l’Occupation), demanderait aux médecins norvégiens de stériliser le plus grand nombre d’individus porteurs d’une défi4
Toutefois, bien que le nombre des stérilisations volontaires augmente chaque année en Norvège, celui
des handicapés mentaux stérilisés demeure faible (de 15 à 20 personnes par an).
919
cience intellectuelle (en fait ce nombre ira décroissant). Cependant, nulle part la loi ne définissait la déficience mentale.
Réputé plus marqué par des facteurs héréditaires, le retard
mental léger constituait la cible majoritaire. Or, les mécanismes
de sa transmission héréditaire étant inconnus, les administrations de tutelle se déterminaient le plus souvent, comme au
Danemark, en fonction de facteurs sociaux rebaptisés eugéniques dans 50% des cas. En Norvège, jusque vers 1968, la stérilisation des handicapés mentaux serait décidée en vertu d’indications à la fois sociales et eugéniques, les premières prenant
le dessus à partir de 1950. Outre le facteur de classe, les disparités régionales suggèrent également l’existence d’un lien entre
eugénique et modernisation. Il n’est pas exclu que les taux élevés de stérilisation constatés dans certaines zones rurales
soient à mettre en rapport avec un exode accéléré vers les villes
laissant dans les campagnes les éléments les plus faibles et les
plus dépendants [18]. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que, jusqu’aux années 1960, les mères de familles nombreuses ou les mères célibataires, le plus souvent issues des
classes défavorisées, et dont les enfants étaient placés, aient
été les premières concernées [12, 14]. Inversement, et dès la
même époque, un glissement ne manque pas de s’opérer à
mesure que les stérilisations évoluent vers la médecine préventive et la contraception, des classes pauvres urbaines et rurales
vers des milieux plus favorisés [3].
On imagine aisément que cet aspect «classiste» (et sexiste)
des stérilisations a joué un rôle dans la longue durée de la
coercition. Ce n’est pas avant les années 1970, en effet, que
seront révoquées les dispositions coercitives (sauf en Finlande
où la stérilisation en cas d’avortement demeure obligatoire
pour les femmes handicapées). Le sujet a retenu l’attention de
tous les auteurs.
En Suède, la loi autorisera la stérilisation sur avis d’un tiers
« dans l’intérêt » des patient(e)s jusqu’en 1975. Au total, 50%
des stérilisations dans ce pays peuvent être considérées
comme forcées, pratiquées sous la contrainte directe (mineurs
et personnes en institution) ou indirecte (sortir d’une institution, obtenir le droit d’avorter, menace de confiscation des
droits parentaux) [3, 13]. Notons que cette proportion est
identique à celle des pensionnaires des asiles stérilisé(e)s de
force en Allemagne dans les deux premières années d’application de la loi du 14 juillet 1933 relative à la «prévention de la
reproduction des malades héréditaires».
En Norvège également, la contrainte s’installe, omniprésente.
Contrainte indirecte, le plus souvent. Jusqu’en 1965, sagesfemmes, médecins de famille ou services sanitaires seront à
l’origine de nombreuses stérilisations «volontaires». Le corps
médical se montrant fort réticent envers l’avortement, les
femmes « normales » n’avaient en réalité d’autre choix que la
ligature des trompes. En dépit de la loi sur l’avortement adoptée en 1960, qui ne faisait pas de la stérilisation la condition
d’un avortement eugénique (à l’inverse des lois suédoise et
920
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
danoise), de nombreuses stérilisations post abortum continuèrent d’être pratiquées, contre l’avis des autorités sanitaires.
Quant aux personnes atteintes de retard mental, leur sort
dépendait de manœuvres diverses excercées par des tiers. Les
archives ont ainsi révélé que presque aucune demande n’avait
ici pour origine le ou la patiente: l’ignorance de la contraception, des pressions institutionnelles de toutes sortes maintenaient une atmosphère de coercition [8].
Mais ne noircissons pas le tableau à plaisir. L’opération était
rarement pratiquée en cas de protestation. En Suède, 40% des
demandes entre 1947 et 1958 n’ont jamais abouti en raison de
l’opposition résolue des individus concernés ou de leurs familles
[3]. En Norvège, le ministère s’opposera de manière croissante
aux demandes concernant des individus ayant un retard moyen
ou sévère: de 7 à 8% en 1945-1950, le nombre de demandes
rejetées atteindra 38% à la fin des années 1950. Et la politique
se fera plus prudente et plus réticente aussi face aux demandes
touchant des personnes ayant un retard léger [8].
Au total, la persistance de la coercition n’empêche pas une
certaine évolution. Dans le sillage de la loi de 1934, le Danemark aura vu une forte augmentation des stérilisations forcées
jusqu’en 1943, puis une phase de stabilisation à un niveau
élevé suivie d’une chute spectaculaire entre 1951 et 1959, la
pratique disparaissant progressivement à partir de 1960. La
Suède connaîtra une courbe identique, les années 1950, là
aussi, faisant charnière. Question de principe? Plus sûrement
question de crainte: crainte des autorités et du corps médical
devant la montée des plaintes, les premières apparaissant dès
les années 1930 au Danemark, et au milieu des années 1950 en
Norvège.
Comment tout cela a-t-il été possible? Faut-il incriminer certains secteurs de l’administration ou des services sociaux ou
bien la collectivité sociale toute entière? À l’exception de la
Suède, le taux de stérilisation est demeuré à un niveau élevé
jusqu’en 1990 (Tableau II). Quelle est à présent sa signification
et peut-on parler d’un déclin de l’eugénique en Europe du
Nord?
Comment cela a-t-il été possible?
Parmi les diverses hypothèses envisagées par les historiens, la
première et la plus immédiate tient bien sûr à la responsabilité
de l’État.
Prenons ici l’exemple du Dr Karl Evang, inamovible directeur
général de la santé à Oslo. À la suite du centenaire de la naissance de George Orwell (2003), on lui décernerait volontiers le
prix de la Double-Pensée. De retour à son poste, à la Libération, il encourage en effet les médecins à pratiquer les stérilisations pour raison sociale; en 1952, il plaide à nouveau pour
en accroître le nombre. Au même moment, il prend fermement
position contre la coercition, et se déclare ennemi de l’ingérence de l’État dans le domaine de la reproduction humaine.
Danemark
Finlande
Norvège
Suède
1924-1926
1935-1940
1932-1976
1929-1940
1945-1961
1940-1942
1961-1965
1945
1948-1950
(minoritaires)
1947-1950
1956-1957
1971-1972
1953-1968
1958-1959
(minoritaires)
1971-1973
1968-1970
1973-1981
1975-1982
1972-1975
(minoritaires)
Tableau III. Les sociaux-démocrates au pouvoir en Scandinavie.
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
REPÈRES
nements que les médecins et les services
médico-sociaux, à l’échelle locale, qui
ont voulu, soutenu, défendu les stérilisations.
Les stérilisations eugéniques s’intégraient-elles aux politiques de prévention appliquées par les administrations
sociales-démocrates dès le milieu des
années 1930 ? Ce n’était pas sans le soutien actif
d’autres forces politiques et sociales. En Suède, l’intérêt pour l’eugénisme remontait au « sociallibéralisme» des années 1910-1920 et s’inscrivait déjà
dans le développement du secteur de l’assistance et de
la bienfaisance. Très vite, dès les années 1940, le thème
disparaît du discours réformiste, à mesure que les politiques sociales évoluent vers l’universalisme et l’élargissement des droits individuels. Il en va de même en
Finlande. En Norvège, les stérilisations ne figurent dans
aucun débat, ni prise de position du parti travailliste:
de 1920 à 1977, les professions de foi électorales n’en
feront jamais mention.
Au pouvoir, les sociaux-démocrates montrent la même
défiance. Ainsi, parallèlement à l’avertissement du directeur général de la Santé, le ministre travailliste des
Affaires sociales qualifie-t-il « d’alarmante », en 1954,
la montée en flèche du nombre des stérilisations en Norvège. Ni la loi de financement du secteur de l’enfance
inadaptée en 1949, ni le plan national de prise en charge
du handicap en 1952 ne feront allusion aux stérilisations,
dont l’effet eugénique semble alors pour le moins douteux. En Norvège ou en Suède, il est impossible d’affirmer
l’existence de politiques délibérées prônant la stérilisation eugénique des handicapés ou des femmes épuisées
par les maternités à répétition [3, 8].
Plus encore que les socialistes, les féministes scandinaves
et les abstinents, puissants dans ces régions, ont appuyé
de toutes leurs forces les politiques de stérilisation. Le parlement qui, en 1913, a voté la loi suédoise sur le traitement
social obligatoire des personnes alcoolo-dépendantes
était constitué pour un quart par des membres des églises
piétistes et pour les deux-tiers par des militants de l’abstinence. Or les normes définies par la loi, incapacité sociale,
dangerosité, internement d’office, serviraient ensuite à
sélectionner les candidats à la stérilisation. En Estonie, en
Finlande, abstinence et eugénisme, abstinence et féminisme ne font qu’un. Spécialistes de la moralité publique
(lutte contre la prostitution et la licence des rues, lutte
contre l’alcoolisme), les militantes sont souvent les mères,
sœurs, femmes ou filles des médecins membres de diverses
commissions pro-stérilisation. Leur campagne en faveur de
la castration des pédophiles, en phase avec la doctrine
biologique universellement acceptée à l’époque (hérédité
HISTOIRE ET SCIENCES SOCIALES
Deux ans plus tard, il s’effraie de la trop grande quantité de femmes
«normales» stérilisées, politique «absurde» à ses yeux. De 1945 à
1968, il rejette 7,4% des demandes, proportion que les historiens qualifient de considérable. N’adresse-t-il pas encore en 1967, trois ans
avant la légalisation de la pilule en Norvège, des recommandations au
corps médical afin que celui-ci propose aux femmes d’autres moyens
de contraception? Ce qui ne l’empêche nullement de tenir le handicap
mental pour génétique en grande partie, et la loi de stérilisation pour
une loi eugénique en son principe [8].
Champion du droit des femmes et des déshérités, Karl Evang est un
militant socialiste de toujours. En 1934, il a publié une condamnation
sans équivoque de l’hygiène raciale allemande. Nombre d’apôtres de la
stérilisation eugénique à travers la Scandinavie furent également des
militants sociaux-démocrates. Certes, les pays nordiques n’ont pas
attendu les socialistes pour s’enticher d’eugénisme. C’est néanmoins
le psychiatre socialiste norvégien Johan Sharffenberg qui affirmait en
1911 que le devoir pour la société de prendre soin des aliénés et des
déficients mentaux lui donnait le droit d’empêcher leur reproduction
[2]; le social-démocrate K.K.Steincke qui, en 1920, déclarait l’eugénique composante essentielle d’une politique sociale danoise; le psychiatre socialiste Alfred Petrén qui, dès 1922, déposait au parlement de
Stockholm un projet de loi favorable à la stérilisation sans contrainte
des handicapés mentaux.
Lorsque le scandale éclate à l’été 1997, il ne fait aucun doute que les
stérilisations furent d’abord et avant tout une politique de la socialedémocratie au pouvoir (Tableau III), «un élément de plein droit de
l’édification d’une société solidaire, du folkem», du foyer du peuple
(slogan socialiste des années 1920), un instrument de discrimination
entre ceux qui pouvaient légitimement prétendre aux avantages des
lois sociales et des réformes démocratiques et ceux qui s’en voyaient
exclus, entre les citoyens de première classe et les autres [2, 12, 14].
La tempête passée, les historiens nordiques vont en appeler d’un tel
jugement. La défense se fonde sur trois arguments: d’abord l’eugénisme était une idéologie largement répandue dans toutes les familles
politiques; ensuite il n’a joué aucun rôle dans le programme de l’Étatprovidence mis en œuvre après 1945; enfin ce furent moins les gouver-
921
de la dégénérescence), emporte en Finlande l’assentiment de
l’opinion, du parlement et du gouvernement [1, 14].
Des campagnes analogues sont à l’origine des lois de stérilisation
danoise et norvégienne, chapitres d’une réforme du droit pénal
plus que d’une politique de santé (cet aspect s’efface cependant
de la législation norvégienne dès son adoption par le parlement
d’Oslo). De fait, en Norvège, les stérilisations n’entreront jamais
dans le cadre des plans de protection sociale du parti travailliste.
Eléments d’une politique de prévention du handicap mental, de la
maladie mentale chronique et de l’inadaptation sociale, elles
participent d’une médecine sociale bien plus que d’une politique
sociale [8]. Ses racines plongent moins dans l’histoire des partis
que dans celle des multiples intervenants du tiers secteur5. Les
nombreux députés socialistes partisans des stérilisations (psychiatres, médecins des services médico-sociaux) ont été motivés
par leurs origines professionnelles plus que par des raisons idéologiques. Supportant pour une grande part l’aide aux familles
nombreuses en difficulté avant l’instauration de la sécurité
sociale universelle en 1967, les administrations locales, en Norvège, ont pesé de manière décisive en faveur des politiques eugéniques. Le cas n’est pas unique. Dans toute l’Europe du Nord, à
l’exception du Danemark, où elles figurent un article-clé de la
politique des sociaux-démocrates, les stérilisations auront été
d’abord le moyen pour les collectivités locales de diminuer la
pression sur des ressources limitées.
Loin de résulter d’un plan préconçu, les stérilisations furent le
produit de trois sortes de politique: une politique eugénique
d’État appuyée sur les experts (1930-1940) ; une politique
coercitive émanant des services et institutions d’assistance à
l’échelon local dont les motifs étaient plus économiques
qu’eugéniques; enfin, une politique médicale et contraceptive
dès la fin des années 1950. Ce n’est pas le réformisme, mais des
mentalités invétérées propres au système de l’assistance, des
conceptions rétrogrades de la sexualité et de la santé reproductive, les nécessités de la sauvegarde des budgets sociaux,
ou encore le développement insuffisant des services médicosociaux et de planning familial qui expliquent le maintien des
politiques eugénistes, comme la modernisation des administrations municipales, les subventions accrues de l’État aux collectivités territoriales, l’élévation du niveau de vie et la régression concomitante de la pauvreté expliqueront leur déclin.
Les stérilisations? Un échec, en somme, et non on ne sait quelle
efflorescence baroque de l’État-providence [3, 8].
Pourquoi le déclin de l’eugénique?
Au point de vue idéologique, l’eugénique nordique est fortement teintée de germanisme. La Société eugénique suédoise
(1909) est la troisième à avoir vu le jour, après l’allemande
(1905) et la britannique (1907). Affiliés à la Société internationale d’hygiène raciale d’Alfred Ploetz dès 1910, les Suédois
représentent 65% de ses membres étrangers. Ernst Rüdin, l’un
des futurs auteurs de la loi hitlérienne de 1933, se rend en
Suède en 1907 et 1909, en Norvège en 1907 et encore en Finlande. Dans ce dernier pays, l’empreinte allemande est forte
sur l’eugénique svédophone, concurremment aux influences
américaines (californiennes) et nordiques (Suède, Danemark)
[14, 20]. Peut-on dire qu’entre l’eugénique nazie et son homologue scandinave il y a communauté d’inspiration?
Aux yeux des généticiens scandinaves (danois), la génétique
nazie n’était en rien pestiférée. Comme en Allemagne (ou en
Grande-Bretagne), n’est-ce pas le retard mental léger qui
constituait la véritable cible des psychiatres et des eugénistes? Les formes légères, «subnormales», que les fichiers
des maladies héréditaires fondés sur l’étude des arbres généalogiques établis au Danemark par le Comité anthropologique et
repris en 1937 par Tage Kemp avec l’aide de la Fondation Rockefeller cherchaient à dépister et à cartographier, à l’instar de
ceux créés au même moment, en Hesse et en Thüringe, par des
eugénistes SS [9]? D’une manière générale, les travaux de
l’Institut danois pour la génétique et l’eugénique dirigé par T.
Kemp font de nombreux renvois, avant et pendant la guerre,
aux travaux et ouvrages de référence nazis (Bauer, Lenz, Fisher,
Just). La recherche d’un de ses élèves, Paul Fogh-Andersen, sur
l’hérédité du bec de lièvre et de la fente palatine, parue en
1942, est basée sur la thèse du Dr Josef Mengele soutenue en
1935.
Après la guerre, la réhabilitation des eugénistes nazis se fera
principalement par le canal danois [21]. Mais communauté
d’inspiration ne veut pas dire communauté de tendance idéologique et politique. Le même T. Kemp qui, en 1956, chaperonne le retour de l’ex-biologiste SS von Verschuer dans le giron
de la science internationale, dénonçait dès avant la guerre
l’antisémitisme nazi. Autre exemple, une étude sur les Tsiganes
au Danemark, réalisée pour la mairie de Copenhague et publiée
en 1943. S’appuyant sur les travaux du DrRobert Ritter, directeur du Centre de recherche sur l’hygiène de la race et l’hérédité à l’Office sanitaire du Reich et sur un fichier tsigane établi
d’après le fichier créé en Allemagne, cette étude proposerait
l’intégration des Roms à la société danoise, en lieu et place de
leur extermination perpétrée par les autorités nazies [21].
Les eugénistes scandinaves ont pu en outre puiser à des
sources socialistes en Allemagne: Alfred Grotjahn6 n’est-il pas
le maître à penser de Karl Evang [8]? Il arrive même que la
contestation naisse en terre scandinave, par exemple en
6 Directeur du Bureau de l’hygiène sociale à la Direction de la Santé de la municipalité de Ber-
5 Le tiers secteur recouvre une grande partie du secteur social: associations d’assistance et de
bienfaisance, écoles, instituts pédagogiques et médico-pédagogiques, asiles d’aliénés, services médico-sociaux.
922
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
lin en 1915, professeur d’hygiène sociale à la Faculté de médecine de Berlin en 1920, Alfred
Grotjahn (1869-1931) a joué un rôle important dans l’élaboration de la politique de santé du
parti social-démocrate allemand (1922). Figure éminente des milieux hygiénistes de la République de Weimar, il était partisan de l’avortement obligatoire pour raison eugénique.
7
Koch L. The meaning of eugenics. Reflections on the government of genetic knowledge in the
past and in the present. 2004 (sous presse).
8 Roll-Hansen N. Eugenics and the role of science - the Scandinavian case. In: McCormick R et
al., eds. 2004 (sous presse).
9 La loi de Hardy-Weinberg (1908) stipule que les fréquences alléliques restent stables de
génération en génération dans une population diploïde idéale et que les fréquences génotypiques ne dépendent que des fréquences alléliques. En d’autres termes, en l’absence de mutation, de sélection naturelle ou d’immigration, l’hérédité reste sans effet sur la diversité génétique d’une population où les couples se forment au hasard.
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
REPÈRES
1953, aurait dû affaiblir le bien-fondé des lois eugéniques au
Danemark, en Suède... il n’en a rien été [9].
Idée pessimiste, au fond. Car les valeurs évoluent de manière
contingente. En matière de droit, de politique, de morale, il
faudrait être naïf pour penser que tout retour à des notions
(apparemment) révolues est a priori impossible. Nous sommes
toujours devant le même dilemme. Quel poison a tué l’eugénique? Science ou politique?
La génétique n’est peut-être pas le terrain le plus propice au
débat. La psychiatrie offre un meilleur exemple. Car la déroute
de la psychiatrie héréditariste, dominante jusqu’aux années
1960 dans les pays nordiques, est, elle, on ne peut mieux avérée, comme en témoigne la législation eugénique du mariage
en Norvège [19].
S’alignant sur les lois danoise et suédoise, la loi norvégienne de
1918 interdisait le mariage aux aliénés sur une base eugénique.
Sous l’autorité du psychiatre Ørnulv Ødegård (1901-1986),
professeur de psychiatrie à l’Université d’Oslo et directeur de
l’un des plus grands hôpitaux psychiatrique du royaume, une
commission amendera la loi en 1959, en stipulant que les
malades et les déficients mentaux ainsi que les personnes
ayant une addiction ne peuvent se marier sans une permission
de l’administration, permission conditionnée par une stérilisation. La commission a largement recouru à l’eugénique pour
justifier sa position. Un nouveau texte portant en 1969 réforme
de la loi de 1918 laissera celle-ci en fin de compte inchangée.
La commission d’experts s’est toutefois efforcée de circonscrire plus étroitement les catégories visées (malades mentaux,
déficients intellectuels), réservant l’interdiction du mariage
aux personnes ayant un QI inférieur à 56 (retard moyen ou
sévère), et non inférieur à 56-75 (retard léger) comme le voulait la proposition initiale, et abandonnant par ailleurs la
condition de stérilisation.
À l’inverse, lorsque, dans les années 1970, les psychiatres du
ministère de la Justice se réuniront à nouveau afin de modifier
la loi, ils minimiseront d’entrée de jeu le rôle de l’hérédité. À
leur surprise, les recherches scandinaves sur les jumeaux (1963
en Finlande, 1964 en Norvège) ont remis en question la théorie
dominante de Franz Kallmann (1938-1953) sur l’hérédité de la
schizophrénie. Ayant conclu que la maladie mentale était un
état multifactoriel et non simplement mendélien, les experts
déclareront maintenant que l’eugénique ne saurait servir de
base à la législation. Dans la loi de 1991, il ne sera plus fait
mention de l’interdiction du mariage ni d’eugénique.
Ainsi, dans les années 1960, c’est moins le rejet du nazisme qui
a changé la donne en Norvège, que les études sur les jumeaux.
On a beau ne pas surestimer l’influence des experts, médecins,
magistrats et autres directeurs d’asile sur le système politique
dans les pays nordiques, ceux-ci occupaient des positions-clés
au ministère de la Santé à Stockholm et au département de la
Justice à Oslo [3, 19]. Et néanmoins, ce sont bien la science,
pas la politique, la recherche, non l’extension des droits indi-
HISTOIRE ET SCIENCES SOCIALES
Suède, lorsqu’en juin 1936, un généticien, Gunnar Dahlberg,
succède, à la direction de l’Institut de biologie raciale d’Uppsala, à Hermann Lundborg, diplômé honoris causa de l’université d’Heidelberg en 1938. Oui, mais n’est-ce pas justement
parce que les Scandinaves ont trop facilement regardé l’eugénique allemande comme relevant d’une sorte de Sonderweg que
les stérilisations ont pu tranquillement se poursuivre après
19457 ?
La pratique, ici, compte peut-être davantage que l’idéologie. À
l’opposé d’une science instrumentalisée par un État totalitaire,
des institutions scientifiques libérales, dont la Scandinavie
offrait précisément des exemples excellents, ont permis un
contrôle démocratique des politiques de stérilisation8. C’était
l’idée de Robert Merton. Dans Science and social order en 1938
[22] et Science and the democratic social structure en 1942
[23], il soutenait qu’un fossé sépare la science occidentale de
la science nazie qui ne respecte aucune des normes de l’éthique
scientifique: universalité, travail pour le bien commun, désintéressement de la recherche pure, scepticisme méthodologique.
Peu de temps après, la British Medical Association se plaçait sur
le même terrain: les crimes commis par les médecins nazis
étaient le résultat direct de l’intervention coercitive de l’État
dans la médecine et le système de soins (1947). Plaidoyer pro
domo au moment où s’inaugurait le National Health Service
[24]. On regardait alors l’eugénique comme une science pervertie: l’eugénique serait morte d’être une fausse science.
Or, fondée sur une application tout à fait convaincante de la loi
de Hardy-Weinberg9, aux dires des historiens la science des
eugénistes était solide. Dès les années 1920, nombre d’entre
eux avaient compris que la plus grande part des gènes responsables de la déficience mentale se trouvent à l’état récessif
chez des porteurs apparemment sains. Raison pour laquelle, il
était indispensable selon eux, non d’abandonner, mais bien
d’intensifier la sélection eugénique. Ce n’est donc pas la
science, mais la définition des droits de l’individu, non le progrès scientifique mais un changement dans les valeurs qui
expliqueraient dès lors la progressive disparition des idées
eugénistes [25].
Les valeurs? Sans doute la faveur du public s’en est allée en
1945, et la génétique médicale se sépare désormais de l’eugénique, dont l’évolution vers une doctrine « réformée » (non
raciste) est plus lente. Au total, les horreurs nazies resteront
cependant sans aucun impact. La condamnation du racisme,
d’abord par l’Unesco en 1950, puis par le Conseil de l’Europe en
923
viduels, qui, par leurs changements brutaux de paradigme,
semblent avoir finalement vaincu l’eugénique [19]. Science ou
politique? Le débat n’est pas encore tranché.
L’humanisme du XXe siècle
Est-ce parce que le point de vue des victimes reste encore un
chantier à ouvrir? À la condamnation universelle des stérilisations forcées en Scandinavie a parfois répondu une attitude
défensive chez certains intervenants [26]. Mais la bonne
conscience qui s’étale en Europe occidentale n’est-elle pas
tout aussi mal fondée? Après tout, l’eugénisme nazi n’a jamais
été condamné à Nuremberg comme on le prétend quelquefois:
la loi de juillet 1933 échappait à la compétence du Tribunal.
Surtout, pour les Alliés, l’eugénique n’était pas en soi criminelle. Léo Alexander, neurologue et principal expert médical
auprès du Tribunal, avait appartenu ou appartenait à des
sociétés médicales prônant la stérilisation, comme l’American
Society of Human Genetics dont il était membre (comme von
Verschuer, à partir de 1954). La loi de juillet 1933 ne sera finalement abrogée en Allemagne qu’en 1988, dix ans après la
révocation des législations scandinaves. Devenue lettre morte,
elle n’en finira pas de rôder, comme en témoigne un rapport
publié en 1975 par la commission de la santé mentale du Bundestag, rapport qui militait activement en faveur de la stérilisation des «incapables» au nom du droit à la sexualité pour
tous et de l’intégration [27, 28]. N’était-ce pas la même bonté
morbide qui sous-tendait la politique d’un Steincke ou d’un
Evang? Ces grands humanitaires s’imaginaient en bienfaiteurs
de leur prochain pour lui avoir évité l’internement à vie moyennant sa stérilisation.
Le traitement du handicap mental s’est partagé entre la ségrégation (une «stricte discipline sexuelle»), dont le Mental Deficiency Act adopté par les Communes en 1913 (supprimé en 1959)
serait la législation pionnière en Europe, et la stérilisation [29].
Stérilisation ou ségrégation apparaissaient comme les deux
voies, et les deux seules, si l’on voulait porter remède au «problème eugénique». En dépit de l’expansion des politiques stérilisatrices entre les deux guerres, la ségrégation demeurerait la
méthode dominante aux États-Unis. Pessimistes impatients, les
Scandinaves, eux, ont choisi la moins coûteuse. Mais l’eugénique
nordique n’est pas un isolat. États-Unis-Grande-Bretagne-Allemagne-Scandinavie, le petit manège mélancolique tourne,
tourne, sans jamais s’arrêter [21].
Conclusions
Certains auteurs proposent à présent d’aller vers une historicisation du problème. Soutenue en Europe du Nord par l’élite
924
M/S n° 10, vol. 20, octobre 2004
universitaire, médicale et scientifique, l’eugénique n’a été
qu’une étape dans la libéralisation du contrôle de la reproduction humaine. Eugénique et génétique médicale ne sont-elles
pas deux formes comparables de gouvernement des décisions
médicales? Entre ces deux types de biopolitique, il importe
tout autant de pointer les différences que de marquer les
continuités. De l’une à l’autre, où se situe le libre choix? Où la
coercition? Entre droit à l’information et pilotage par l’expertise, le conseil génétique ouvre aujourd’hui la voie à une
recomposition de l’autonomie individuelle face aux décisions
médicales. Dès lors, l’eugénique ne fait plus seulement figure
de symbole d’une époque révolue. Le phénomène historique
pèse aussi sur notre manière d’interroger nos propres technologies génétiques et détermine grandement la légitimité des
questions que nous leur adressons7. En France, malgré deux
avis du Comité national d’éthique publiés en 1996, le problème
reste encore aujourd’hui confiné dans « la vie clandestine »
des institutions [30]. Bien imprudent qui croit l’épisode clos. ◊
REMERCIEMENTS
L’auteur tient à remercier pour leur aide Øyvind Giæver, Per Haave, Lene
Koch, Markku Mattila, Nils Roll-Hansen et Mattias Tydén. Il est bien
entendu seul responsable des erreurs éventuelles.
SUMMARY
Scandinavian eugenics: Nordic historians provide new
approaches
Late disclosure of the large scale of sterilization pratices in the
Nordic countries created an outburst of scandal: did these policies rely on coercion? To what extent? Who in the end was
reponsible? Sterilization pratices targeted underpriviledged
people first. The mentally retarded and women were their first
victims. Operations were very frequently determined by other
people’s manipulative or coercive influences. Should the blame
be put on the Social-Democrats in power throughout the period (except in Finland and Estonia)? Apart from Denmark, perhaps, local physicians and local services, more than governments, seemed to have strongly supported sterilization pratices. Teetotalers and feminists shared responsibilities. How
can one explain that eugenics finally declined? Based on a
sound application of the Hardy-Weinberg law, the science of the
eugenicists was correct. Was it politics? But uncovering of the
Nazi crimes had only a very small impact on eugenics. Some
authors underline the fact that the Nordic scientific institutions
were particularly suited to liberal values. Others point to the
devastating effect on eugenics once hereditarist psychiatry fell
from favour in the middle of the sixties. ◊
REPÈRES
1. Kalling K. Introduction to the history of Estonian eugenics. In: Kalling K, ed.
Discovering Estonian eugenics, annual report 1998. Tartu: Tartu University History
Museum, 1999: 31-42.
2. Zaremba M. Racial purity in the welfare state: the hidden legacy of the Swedish
folkhem, Dagens Nyheter, 20 août 1997; Idem. The unproductive were cut away,
Dagens Nyheter, 21 août 1997. En anglais, In: Kalling K, ed. Discovering Estonian
eugenics, annual report 1998. Tartu: Tartu University History Museum, 1999: 100-17.
3. Tydén M. Från politik till praktik. De svenska steriliseringslagarna 1935-1975 (De la
politique à la pratique. Les lois sur la stérilisation en Suède 1935-1975).
Stockholm: Acta Universitatis Stockholmiensis, Stockholm Studies in History 2002;
63: 584-90.
4. Broberg G. Main results of historical studies on sterilization and eugenics in Sweden
in the light of the official commission on sterilization and the accompanying public
debate. In: Eugenics and sterilization in Scandinavia. Changing policies and
practices 1934-2000. Oslo: Académie nationale des belles-lettres et des sciences,
2001.
5. Koch L. Racehygiejne i Danmark 1929-67 (L’hygiène raciale au Danemark 1929-67).
Copenhague: Gyldendal, 1996.
6. Zylberman P. Les damnés de la démocratie puritaine: stérilisations en Scandinavie,
1929-1977. Le Mouvement Social 1999; 187: 99-125.
7. Broberg G, Roll-Hansen N. Eugenics and the welfare state. Sterilization policy in
Denmark, Sweden, Norway, and Finland. East Lansing: Michigan State University
Press, 1996.
8. Haave P. Zwangssterilisierung in Norwegen - eine wohlfahrtsstaatliche politik in
sozialdemokratischer regie? NordEuropa Forum 2001; 2: 55-78.
9. Koch L. Tvangssterilisation i Danmark 1929-67 (Les stérilisations forcées au
Danemark, 1929-1967). Copenhague: Gyldendal, 2000: 343-55.
10. Hietala M. From race hygiene to sterilization: The eugenics movement in Finland.
In: Broberg G, Roll-Hansen N, eds. Eugenics and the welfare state. Sterilization
policy in Denmark, Sweden, Norway, and Finland. East Lansing: Michigan State
University Press, 1996: 195-258.
11. Hemminki E, Rasimus A, Forssas E. Sterilization in Finland: From eugenics to
contraception. Soc Sci Med 1997; 45: 1875-84.
12. Runcis M. Sterilisation in the Swedish welfare state. In: Kalling K, ed. Discovering
Estonian eugenics, annual report 1998. Tartu: Tartu University History Museum,
1999: 76-85.
13. Broberg G, Tydén M. Scandinavian Journal of History 1999; 24: 141-3.
14. Mattila M. Kansamme Parhaaksi. Rotuhygienia Suomessa vuoden 1935
sterilointilakiin asti (Pour le bien de la nation. L’eugénique en Finlande jusqu’à la
promulgation de la loi sur la stérilisation de 1935). Helsinki: Suomen Historiallinen
Seura, 1999: 401-35.
15. Syse A. Coercive practice in the sterilization of mentally handicapped in
Scandinavia. Some comments to the concepts of « coercion » and « mental
handicap ». In: Eugenics and sterilization in Scandinavia. Changing policies and
practices 1934-2000. Oslo: Académie nationale des belles-lettres et des sciences,
2001.
16. Haavie S. Sterilisation in Norway. A dark chapter? Eurozine 2003.
www.eurozine.com/article/2003-04-09-haavie-en.html.
17. Haave P. Sterilisering av tatere 1934-1977. En historisk undersøkelse av log og
praksis (Stérilisation des nomades 1934-1977. Histoire de la législation et de son
application). Oslo: Research Council of Norway, 2000.
18. Zylberman P. Eugenics, science and the Nordic welfare state. Including a quick
glimpse at France. In: Eugenics and sterilization in Scandinavia. Changing policies
and practices 1934-2000. Oslo: Académie nationale des belles-lettres et des
sciences, 2001.
19. Giæver Ø. Marriage and madness. Expert advice and the eugenics issue in 20th
century Norwegian marriage legislation. Science Studies 2003; 16: 3-21.
20. Weindling P. International eugenics: Swedish sterilization in context. Scand
J History 1999; 24: 179-97.
21. Koch L. The ethos of science. Relations between Danish and German geneticists
around World War II. Scandinavian Journal of History 2002; 27: 167-74.
22. Merton RK. Science and the social order. Philosophy of Science 1938;
5: 321-37.
23. Merton RK. Science and the democratic social structure. In: Merton RK, ed. Social
theory and social structure. New York: The Free Press, 1968: 604-15.
24. Weindling P. Human guinea pigs and the ethics of experimentation: the BMJ’s
correspondent at the Nuremberg medical trial. Br Med J 1996; 313: 1467-70.
25. Paul DB, Spencer HG. Did eugenics rest on an elementary mistake?
In: Paul D, ed. The politics of heredity. Essays on eugenics, biomedicine, and the
nature-nurture debate. Albany: Suny Press, 1998: 117-32.
26. Tannsjo T. Vilket var felet med steriliseringspolitiken? Moralism och fördomanden
overskuggar en saklig debatt (Politiques de stérilisation: qu’y a-t-il de mal?
Moralisation et condamnation brouillent le débat). Lakartidningen 1997; 94:
4039-40, 4043.
27. Weindling P. Eugenics and medical war crimes after 1945. In: Kalling K, ed.
Discovering Estonian eugenics, annual report 1998. Tartu: Tartu University History
Museum, 1999: 86-99.
28. Aly G, Chroust P, Pross C. Cleansing the fatherland. Nazi medicine and racial
hygiene. Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1994.
29. Radford JP. Sterilization versus segregation: control of the «feebleminded»,
1900-1938. Soc Sci Med 1991; 33: 449-58.
30. Favereau E. Stérilisation: le non droit sort du non-dit. En Gironde, une étude
montre qu’une handicapée mentale sur trois est stérilisée. Libération, 15 mai 1996.
HISTOIRE ET SCIENCES SOCIALES
RÉFÉRENCES
TIRÉS À PART
P. Zylberman
Infections virales émergentes
Enjeux collectifs
Bon de commande
À retourner à EDK, 10 Villa d’Orléans - 75014 PARIS
Tél. : 01 53 91 06 06 - Fax : 01 53 91 06 07 - E-mail : edk@edk.fr
NOM :
..........................................................................................................................
Prénom : ...................................................................................................................
Adresse :...................................................................................................................... ................................................................................................................................................
Code postal :
Pays :
ISBN : 2-84254-092-1 148 pages
Un ouvrage remarquable qui fait le
point sur les infections virales émergentes, la prévention et les traitements: infections SIV et risque de
zoonoses, SRAS, autres viroses respiratoires et grippe, Biotox (variole),
arboviroses, fièvres hémorragiques
virales, Ebola
Ville : .............................................................................................................................
........................................................................................................
..............................................................................................................................................................................................................................................................................
Fonction :
..................................................................................................................................................................................................................................................................
Je souhaite recevoir l’ouvrage Infections
virales émergentes : 20 € + 3 € de port = 23 € TTC
en .................. exemplaire, soit un total de ............................................. €
❒
❒
Par chèque, à l’ordre de E D K
❒ Visa
❒ Eurocard/Mastercard
Carte n° ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘
Date d’expiration :
❘ ❘ ❘ ❘ ❘ ❘
Par carte bancaire :
Signature :
925