Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

Goût de la Forêt

The Goût de la Forêt program is Social and Solidarity Economy initiative, this program aims to produce a high-quality cocoa, respectful of the environment and vector of human development. It tends to prove that the Amazonian forest is more valuable standing than cut. In the two short years since its founding, the Goût de la Forêt Program has played an important role in the transformation of the cocoa production in Brazilian Amazonia: from a region with low quality, too much dependent from the chocolate-industry-giants, and under strong economic pressure from destructives activities of the environment (basically: cattle farming, transgenic-soybean-monoculture and deforestation), to one providing cocoa growers with a valuable structured program.

Photo: Wandel DA ROCHA Goût de la Forêt Programme pour une Économie Humaine, Sociale et Solidaire Ce Programme est fondé sur les valeurs humaines, agrémenté d’un brin d’audace. Il s’est forgé au il de rencontres fortes, entre des personnages passionnés et déterminés. Il nous mène sur les chemins de l’excellence et de la solidarité. ” ” Wandel DA ROCHA C ’est au cœur de l’Amazonie brésilienne que s’achève le voyage de Wandel DA ROCHA, alarmé par un paysage défriché, des terres brulées et des pâturages à perte de vue. Cependant, ce voyage a commencé en Europe : France, Suisse, Pays-Bas, Italie et la Belgique. Pour bien comprendre les enjeux de la ilière il a rencontré les plus grands chocolatiers, mais aussi les diférents acteurs : économistes, chercheurs, industriels, négociants. Le Brésil doit être replacé dans le panorama mondial du cacao, avec une agriculture responsable, basé sur la qualité des fèves. Le but inal est de formuler des propositions au gouvernement brésilien, ain d’ofrir une perspective de développement aux planteurs, dans le cadre d’un plan stratégique global. Né à Rio de Janeiro, il rejoint un groupe 1 Stéphane LE FOLL Ministre de l’Agriculture et de la Forêt Hôtel de Villeroy - 2014 industriel français avant même la in de ses études à l’École polytechnique de Rio. Il devient le plus jeune expatrié brésilien quand il débarque à Paris en 2004, et complète sa formation avec une maîtrise en gestion internationale. Pendant ses 18 années dans l’industrie des nouvelles technologies, il a pu parcourir 13 pays africains, presque autant en Amérique Latine, il a beaucoup observé, curieux de voir le monde de ses propres yeux. Il a beaucoup rencontré, prenant conscience que notre planète ne va pas bien, et que la inanciarisation à outrance met en péril toutes les formes du vivant qui peuplent la Terre, y compris l’espèce humaine. Il décide de recentrer toute Le Salon du Chocolat Conférence Les forêts de chocolat - Paris 2015 sa vie sur l’Essentiel. Désireux de mettre son énergie, ses expériences et ses rencontres au service d’une cause, qui devient la pierre angulaire de sa vie, il crée l’Association CABRUCA COP21 en 2015, rebaptisée Association FORÊTS DE CHOCOLAT pour la Nature et l’Humain. Une ONG qui s’appuie sur la passion universelle pour le chocolat pour mobiliser la société, les acteurs économiques de la ilière cacao et chocolat, les responsables politiques et la presse dans une démarche active de responsabilité sociale, environnementale et pour la culture du goût. Elle compte parmi ses priorités la mise en œuvre d’une mission pédagogique, notamment auprès des jeunes publics. Aussi passionné d’œnologie, disciple de Michel BETTANE et Thierry DESSEAUVE, Wandel DA ROCHA arpente tous les vignobles français, rencontre les grands vignerons des plus beaux domaines de ce pays. Apprend le vin, son élaboration et sa dégustation avec les meilleurs professionnels de la planète. L’univers du vin est d’une extraordinaire richesse Ségolène Royal - Ministre de l’écologie COP21 - Paris 2015 et d’une complexité sans limite. Les hommes, leurs histoires, la géographie et les mille et une facettes du terroir, les techniques vitivinicoles, les modes et les gourous … rien ne lui échappe. Chaque fois qu’il a rencontré un chocolatier, ce dernier lui a mentionné le parallèle entre le vin et le chocolat, il commence à le croire. Si le cacao est pour le chocolat ce que le raisin est pour le vin, alors il doit aller plus loin. Parti à la recherche de ces cacaos d’exception, il est d’abord impressionné par la générosité de cette terre rouge sang, mère de cacaos peu connus des palais internationaux. Puis il s’est donné comme mission de valoriser ce terroir exceptionnel de la forêt amazonienne et prouver qu’elle doit valoir plus sur pied que coupée. D é f e n s e u r d’une forme émergente de l’économie sociale axée sur les initiatives de développement partagé, Wandel DA ROCHA adhère à l’Économie Sociale et Solidaire, placent donc l’Humain au cœur de ces préoccupations. Il décide alors de se lancer et crée le Programme Goût de la Forêt. Lycéens franciliens - COP21 Conférence: Les forêts de chocolat - Paris 2015 2 Goût de la Forêt 3 LE Programme R ésultat d'une initiative de l'Economie Sociale et Solidaire, ce programme vise à produire un cacao de grande qualité, respectueux de l’environnement et porteur de développement humain. Il tend à prouver que la forêt amazonienne vaut plus sur pied, que coupée. Nous sommes tous conscients des conditions souvent dramatiques de la culture du cacao : Déforestation, utilisation de main-d’œuvre semiesclave et surtout le travail des enfants. L'industrie du chocolat, de manière générale, interpelle négativement l'opinion publique mondiale. Nous souhaitons de tout notre esprit et de tout notre cœur encourager l'émergence et l'incarnation d’une culture du cacao profondément ancrée dans les valeurs humaines et des principes responsables. Voici pourquoi le Programme Goût de la Forêt a été créé. Le programme a pour objectif de faire connaitre le cacao agroforestier, de haute qualité, produit à partir de pratiques responsables et renforcer l'attachement et le respect inconditionnel aux principes du travail décent. Ce qui selon l’Organisation internationale du Travail (OIT) veut dire: - Élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, - Abolition efective du travail des enfants, - L’élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession. José Miguel DA SILVA Connu comme "seu Zé Bie". cacaoculteur biologique à Uruará Notre action repose sur l’amélioration des revenus des familles qui se consacrent à la production du cacao agroforestier dans la région Transamazonienne et le Bassin du Xingu. Des objectifs de promotion économique de la région sont associés à des actions de solidarité et au développement partagé. Seul 1 à 2% de la production mondiale correspond au cacao in de grande qualité. Dans cette optique, mobiliser les coopératives de l'agriculture familiale d’Amazonievers l’excellenceest un impératif. Ce programme permet aux chocolatiers de garantir un approvisionnement en cacao de la plus haute qualité, tout en ofrant aux cacaoculteurs des revenus plus élevés, et en protégeant la forêt et l’environnement. Il s’agit d’un circuit court, une relation directe avec les agriculteurs, ces hommes et femmes, producteurs de cacao qui, au cœur de la forêt amazonienne, afrontent des conditions souvent pénibles sans jamais perdre le cœur à l’ouvrage. Nous mettons progressivement en place une mission de surveillance des engagements des cacaoculteurs de l'agriculture familiale brésilienne, notamment en ce qui concerne le principe « zéro déforestation ». Cela vise aussi à veiller au bien-être des agriculteurs et de leurs familles ain d’assurer des conditions de travail saines et sécurisées, et à agir de manière exemplaire d’un point de vue social, éthique et environnemental. Notre ambition est de faire découvrir toute la richesse et la diversité du cacao de la forêt amazonienne. 4 Brésil La récolte du cacao 1954 Candido Portinari Huile sur toile - Collection privée à São Paulo 5 TERRE DE CACAO L ’appellation botanique du cacaoyer, Theobroma cacao, provient du terme grec Theo qui signiie Dieu et Broma qui signiie aliment. Rien d’étonnant alors à ce que le cacao soit appelé “la nourriture des dieux”. La plante des dieux qui nourrissait les divinités Olmèques est originaire d’Amazonie, mais le Brésil est connu pour ses plantations sur la côte bahianaise, à l’est du pays, qui datent du dix-huitième siècle. Selon le jésuite Joaquim da Silva Tavares (1866-1931), l’introduction du cacao dans la province de Bahia a été faite à partir des fèves de cacao ramenées de la province du Pará par le colon français Louis Frédéric Warneaux. Le cacaoyer s’est tellement bien adapté dans le sud de l’état de Bahia, qu’il a fait de ces cultivateurs, les hommes les plus riches du Brésil, les “barons du cacao”, propriétaires terriens avec des mœurs immorales et déviantes, immortalisés dans les œuvres du célèbre écrivain Jorge Amado (1912 – 2001). Dans les années 90, les cacaoyers bahianais ont été victimes d’un champignon, appelé Moniliophthora (Crinipellis) perniciosa, qui a causé la maladie dite “balai de sorcière”. Ce léau a ravagé le verger cacaoyer et a réduit à néant les exportations de cacao du Brésil. Plus de deux siècles après l’introduction de la culture du cacao à Bahia, cette année, le Pará redeviendra le premier producteur de cacao au Brésil, avec une production estimée à 120.000 tonnes en 2016. Cette position est temporaire. En efet, Bahia, le plus grand producteur du pays, soufre d’une grave période de sécheresse depuis plusieurs mois, provoquant une perte importante de production. Aujourd’hui le cacao est produit dans cinq autres Etats de la Fédération : Espírito Santo, Amazonas, Rondônia, Mato Grosso et, bien évidemment, dans le Pará. 6 Pará 7 LES PORTES DE L’AMAZONIE T out au nord du pays, c’est une vaste zone recouverte par la forêt amazonienne, un territoire rempli de trésors naturels et humains, le rêve de l’aventurier qui sommeille en chacun de nous. Que ce soit le chant des animaux, la couleur des leurs, la majesté des forêts, l’étonnant ballet des oiseaux, ou bien encore la puissance déchaînée des grandes pluies, ou l’immensité des grands leuves. De quoi se sentir tout petit lorsque les beautés et les forces de la nature nous saisissent. C’est dans ces grands espaces que nous trouvons le pays du cacao, la nouvelle frontière, les nouveaux terroirs à découvrir, mais… Pas si nouveau que ça ! Belém. En 1850, la province du GrãoPará a été divisée en deux unités, formant les provinces Pará et Amazonas (ancienne capitainerie du Rio Negro). Au début de la colonisation du Brésil, peu après la découverte, entre 1534 et 1536, l’empire colonial portugais a créé une forme d’administration territoriale connue sous le nom de «capitaineries héréditaires», parmi celles-ci le Maranhão qui comprenait le territoire actuel de l’état du Pará. Au cours du XVIIIe siècle, le cacao était le principal produit d’exportation de l’Amazonie portugaise. Durant l’administration jésuite, chaque année ont été expédiées au Portugal 80 000 arrobes (1 200 tonnes). « sans tenir compte de ce qui restait par terre, et encore plus, de ce qui périssait par manque de navires pour le transporter » Genèse des inégalités foncières au Brésil, ce système de capitaineries a eu pour conséquence la concentration des terres et du pouvoir économique dans les mains d’un petit nombre de familles. Toute les terres de ce nouveau pays ont été attribuées à 15 capitainesgouverneurs, chargés de les occuper et de le peupler. Ils pouvaient concéder de vastes domaines à des familles de notables portugais : les sesmarias. En 1751 Maranhão a été rebaptisé l’Etat du Grão-Pará et Maranhão. Sa capitale a été transférée de São-Luiz, à Crédits : Arnoldo RIKER Les plages du leuve Tapajós jésuite João Daniel 1722 - 1776 Dans les années qui ont suivi, ce volume a diminué de moitié, et malgré cela, entre 1756 et 1777, le cacao représentait 61% de la valeur de toutes les exportations de la Société Générale de Commerce du Grão-Pará et Maranhão, à Belém. A la in du XIXe et au début du XXe siècle, la culture du cacao d’Amazonie connaît un déclin, notamment à cause de l’émergence, très rentable, de l’exploitation du latex pour la fabrication Crédits : YANN ARTHUS-BERTRAND Orage sur la forêt amazonienne 8 Carte de l’Amérique du. XVIèmee siècle de caoutchouc. L’économie se développe rapidement. Les villes de Belém et Manaus connaissent une urbanisation accélérée et un embellissement certain. Cette « Belle Époque » est marquée par le développement de l’Art nouveau. Les constructions du théâtre de la Paix (Belém) et du théâtre Amazonas (Manaus) témoignent de la richesse et du faste de cette époque. L es nababs de Manaos, ceux de Belém aussi, engraissés du sang des cinq cent mille miséreux qui meurent pour que coule la sève fantastique, font blanchir leurs chemises à Paris, à Londres. Dans les palaces de la jungle, des maîtres d’hôtel importés de Londres ou de Rome ordonnent les nuits amazoniennes. ” ” Dictionnaire amoureux du Brésil - Gilles LAPOUGE C entré autour de l’estuaire de l’Amazone, avec une supericie de 1.247.689 km2 (plus de deux fois la France), le Pará est aujourd’hui le deuxième État du pays en supericie. 9 L’art Marajoara considéré comme le plus ancien art de la céramique du Brésil A l’image du Brésil, l’occupation actuelle du Pará est très déséquilibrée, géographiquement et socialement, prédominance de l’urbain très pauvre. Une large partie de la population crédit photo: Wellington Maciel Ver-o-Peso - Belém - Pará 2009 vit dans des bidonvilles. Ses principales activités économiques sont destructrices des ressources et des fonctions des écosystèmes forestiers. On a construit de grands barrages hydroélectriques, comme la désastreuse usine de Belo Monte, alors que, 40% de la population amazonienne ne bénéicie pas de l’énergie électrique. On exploite des ressources minières telle que l’exemple terriiant de Carajas, en provoquant le défrichement de plusieurs dizaines de milliers d’hectares. Cependant, c’est l’élevage bovin le premier moteur de la déforestation au Pará, car 80 % des terres déforestées sont converties en pâturage. La destruction du très complexe écosystème amazonien amène à une dégradation irréversible du pâturage, puis l’abandon massif des terres (20 % des terres déforestées en Amazonie seraient « abandonnées »). La déforestation a commencé avec l’histoire du Brésil. Dès le début de la colonisation, les portugais ont exploité le Pau-Brasil (Caesalpinia echinata Lam.), Le nom de bois-brésil lui a été donné en raison de la teinture utilisée dans l’industrie textile, rouge comme la braise, qu’on en extrayait. Le commerce du Pau-Brasil exporté vers l’Europe a été l’une des premières activités économiques de ce pays. L’exploitation intensive, a causé la disparition rapide de l’arbre qui a donné son nom au pays. Enin, on parle de l’échec social des programmes mis en œuvre, car le Pará se caractérise par des processus de concentration foncière immorale, à l’origine de conlits et d’invasions de terres sans in. M ais il y a de l’espoir ! Au Pará, il existe dans la Forêt amazonienne, des hommes et des femmes vaillants qui ont à cœur, de cultiver selon le modèle agricole le plus vertueux au monde : La culture biologique du cacao en agroforesterie. ” crédit photo: Wellington Maciel Ver-o-Peso - Belém - Pará 2009 crédit photo: Gustavo Frazão Fleuve Guama - Pará ” 10 Transamazonienne crédit photo: GEORG GERSTER / PANOS 11 UNE ROUTE DU CACAO A vec l’objectif ambitieux d’être la « route de l’intégration nationale », la construction de la BR-230 a commencé en 1970, sous la dictature militaire. Le projet initial était de faire une route reliant Cabedelo, sur la côte Atlantique (Etat de Paraíba), à la ville brésilienne de Benjamin Constant située à la jonction des frontières avec le Pérou et la Colombie. Elle devait se poursuivre à travers le Pérou jusqu’à l’Océan Paciique, ain d’exporter la production agricole et minière du Brésil. Dans sa partie brésilienne la route n’a jamais été terminée, elle s’arrête à Lábrea (Etat d’Amazonas). La Transamazônica est une route de 5000 km qui traverse le cœur de la forêt amazonienne. Elle faisait partie du programme de développement économique et de réaménagement, le plus ambitieux jamais conçu, et fut l’un des plus grands échecs de la région. Le projet a été développé, après qu'Emílio GARRASTAZU MÉDICI, le général-dictateur du Brésil en 1969, a visité le nord-est pauvre du pays qui, à cette époque, soufrait de sécheresses périodiques. L’histoire oicielle raconte que « ce qu’il a vu l’a choqué et bouleversé profondément ». La réforme agraire, une solution évidente à la détresse des paysans, était hors de question, car les militaires au pouvoir dépendaient du soutien des propriétaires fonciers. La redistribution des terres étant impossible, le général MÉDICI a décidé de relocaliser la population rurale pauvre. Il a été décidé que la population des paysans du nord-est où la sècheresse Crédits : Roberto Stucker à gauche Emílio GARRASTAZU MÉDICI - le général-dictateur inaugure la route - Altamira 1972 sévissait serait relocalisée. La route devenait un impératif ain d’ouvrir la colonisation. Les promoteurs étaient persuadés qu’au début des années 1980, la région deviendrait animée grâce à l’installation de dix millions de personnes. Selon les plans oiciels, les colons se verraient attribuer des parcelles de 100 hectares, un salaire minimum pendant six mois, et un accès facile aux prêts agricoles, en échange de leur installation le long de la route et de la conversion de la forêt tropicale environnante en terres agricoles. Ces familles, toujours selon ces plans, devaient gagner des millions de dollars grâce à l’exportation de café, de cacao, de poivre, d’oranges et d’autres cultures. Et ainsi être capable de s’approvisionner en denrées alimentaires de base (des millions de tonnes de haricots, de riz et de maïs). Le projet ne se préoccupait en rien de la préservation du fragile système de la forêt amazonienne. Le sol de l’Amazonie se compose essentiellement de sédiments, ce qui rend la plate-forme La Transamazonienne se transforme en un bourbier 12 Image satellite de la route Transamazonienne instable et sujette aux inondations lors de fortes pluies. Ainsi, certains tronçons de la route étaient inutilisables pendant six mois chaque année. Les pionniers étaient coupés du reste de la région et perdaient leurs récoltes. En outre, les rendements étaient décevants, car l’Amazonie est un système complexe. Une fois que la végétation est supprimée, la couche fertile du sol amazonien se dégrade, et ses éléments nutritifs s’épuisent rapidement. Pour y remédier, la solution consiste à défricher une parcelle un peu plus loin, entraînant ainsi une croissante dégradation des sols. crédit photo: Coen Wubbels 13 En plus des échecs économiques et sociaux, les coûts environnementaux à long terme étaient catastrophiques. Après la construction de la route Transamazonienne, la déforestation au Brésil a grimpé à des niveaux jamais vus auparavant. Au il des ans, les forêts vierges ont fait place à des ranchs de bétail, des stations d’exploitation forestière et des mines d’or. La déforestation de l’Amazonie, déclenchée par la route, a continué. Pendant les périodes extrêmes dans les années 1990 et au début des années 2000, plus de 25 000 kilomètres carrés de forêt ont été abattus par an (240 fois la supericie de Paris). crédit photo: Coen Wubbels Le projet initial de colonisation et de construction de la route a été abandonné en 1974. Environ 20 000 familles étaient arrivées dans la région. Privés du soutien du gouvernement, ces colons se sont retrouvés dans la misère la plus abjecte. A l’exception de quelques tronçons isolés, la route n’a que très peu de traic aujourd’hui. Certaines parties sont asphaltées, mais la majorité de la route est constituée de terre et d’une mince couche de gravier in, qui ne résiste pas aux pluies torrentielles qui s’abattent sur l’Amazonie d’octobre à mars. Pendant cette période, les sections non goudronnées sont impraticables. ujourd’hui, le Programme Goût de la Forêt ouvre une voie d’espérance pour cette région, celle d’une autre forme d’agriculture, d’une agriculture respectueuse de l’environnement, porteuse du développement humain, attachée à la sécurité alimentaire et à la santé des populations, opposée à la concentration de la propriété des terres productives et à l’exploitation des travailleurs. Uruará, Placas, Rurópolis, Vitória do Xingu et Pacajá, nous avons rencontré un certain nombre d’hommes et des femmes porteurs de ces valeurs et de ces pratiques. La grande majorité reste hésitante, cependant le Programme leur permettrait de passer à l’action et de faire connaître leur travail A Dans les communes de: Altamira, Anapu, Brasil Novo, Medicilândia, Dernièrement, les travaux de modernisation et de goudronnage ont repris et aujourd’hui il est diicile de dire combien de temps il faudra pour ouvrir l’ensemble de la route Transamazonienne et à quel coût.1 Le Programme Goût de la Forêt a pour ambition de fédérer les paysans autour des valeurs fortes, les sensibiliser à l’importance de la qualité, de surveiller leurs engagements et, de promouvoir les fruits du travail bien fait. 1 - Extraits de textes du site web: Chambre 237 crédit photo: Photo: Hans Silvester crédit photo: Girardin Aquaverde 14 Xingu Altamira Medicilândia 15 LE CARREFOUR DE TOUTES LES CONVOITISES L e bassin du Xingu représente une des plus vastes zones protégées au monde. Elle abrite une mosaïque unique représentative de la diversité culturelle brésilienne, combinant des territoires indigènes et des zones de conservation. Grand aluent méridional de l’Amazone, le Rio Xingu mesure 2 260 km et traverse les États du Mato Grosso et du Pará. Son bassin couvre 510 mille kilomètres carrés, l’équivalent de la surface de la France. Seulement 56,9% du bassin sont des zones protégées. indigènes appartenant à 18 groupes ethniques diférents, de nombreux autres habitants ont immigré dans cette région depuis plusieurs générations. Des plages tranquilles aux rapides rocheux très violents, des hauts plateaux aux plaines inondables, les paysages sont nombreux. La lore est luxuriante, la faune est abondante. Au bord du leuve, vivent depuis toujours, plus de 25.000 Toutes ces populations sont victimes d’une véritable guerre économique, car ces vastes espaces, et les sous-sols des terres où ils vivent, recèlent des richesses convoitées par l’agrobusiness, les multinationales et les États. La forêt laisse place à des pâturages pour l’élevage extensif, des plantations de soja en agriculture intensive. L’exploitation des bois précieux, des minerais participe aussi à la déforestation. C’est la ruée vers l’or, mais aussi vers les diamants issus de l’Amazonie, et encore vers la bauxite, les minerais de fer et d’uranium. C’ municipalité dans le monde (les deux autres sont situeés au Groenland). Il s’agit d’un carrefour de la biodiversité. Les deux plus grands biomes brésiliens se rencontrent, le Cerrado (la plus riche savane en biodiversité de notre planète), et la forêt amazonienne. est au carrefour entre le Xingu et la route Transamazonienne, que se trouve le centre de gravité d’une région cacaoyère unique, l’agglomération d’Altamira, une ville construite dans la jungle, à l’intérieur de la « grande boucle » du Xingu, un méandre naturel du leuve. Altamira est la plus vaste municipalité du Brésil, avec une supericie de 160 millle km² (1/3 de la France), ce qui en fait la troisième plus grande Crédits : Margi Moss Cependant, ce ne fut pas à cause du cacao qu’Altamira a été propulsée sur le devant de la scène internationale. Autrefois bourg très pauvre et paisible, depuis 2011, Altamira est devenue, malgré elle, une ville-champignon à cause de la désastreuse usine hydroélectrique de Belo Monte. Le troisième plus grand barrage au Crédits : Eric Royer Stoner Tribu Yawalapiti 16 Crédits: Marizilda Cruppe Barrage de Belo Monte monde. Un chantier, pharaonique, qui a mobilisé plus de 15 000 ouvriers, qui y travaillèrent 24h/24. Ce sont 500 km2 de forêt amazonienne inondés (5 fois Paris), et quelques 16 000 personnes déplacées, en grande majorité des indigènes. La polémique que suscite ce gigantesque barrage est à la hauteur de son coût : près de 15 milliards d’euros. Et la ville d’Altamira ne cesse de croître. De 50.000 habitants, il y a quelques années, elle abrite aujourd’hui plus de 160.000 personnes. Rien ou presque n’a été prévu pour faire face à l’alux de travailleurs et d’émigrés. Le traic de drogue, les meurtres et la prostitution ont explosé. ” 17 Le contexte actuel de crise économique n’arrange rien. Dans l’indiférence générale, les décideurs, décomplexés, lancent des grands projets sans tenir compte des conséquences pour les peuples autochtones ni pour l’environnement. Le Brésil est grand, mais le monde est petit. La Terre ne va pas bien en ce début de siècle. Le Brésil possède l’une des populations la plus diverse au monde : 220 peuples autochtones, une multitude de descendants d’origine africaine, européenne, asiatique, arabe, juive... En bref, une population rurale et urbaine aux origines ethniques et culturelles très diverses, vivant dans un milieu naturel très varié. Les rivières sont le sang de l’Amazonie. Les habitants du Xingu ont droit à un futur, et un environnement sain dépassant la logique du proit à court terme. De là est né la conviction que, le cacao agroforestier est une alternative, une autre voie, celle d’une autre vision de l’agriculture, respectueuse de la vie sous toutes ses formes, conciliant nécessités vitales et sauvegarde du vivant pour aujourd’hui et pour les générations futures. L a diversité sociale et la biodiversité devraient être des atouts majeurs dans une société en mondialisation accélérée. Nous sommes cependant, en train de scier, avec insistance, la branche sur laquelle nous sommes assis. Nous subissons des politiques de commerce extérieur qui applique un modèle de développement écologiquement prédateur, concentrateur de richesse et socialement appauvrissant. ” Crédits : YASUYOSHI CHIBA Brumes du leuve Xingu à São Felix do Xingu 18 Medicilândia Image satellite de la route du cacao Crédits photo : Sydnei Oliveira / Agência Pará 19 TERROIR D’EXCEPTION T raversée pour la Transamazonienne et adossée au Xingu, Medicilândia est la capitale brésilienne du cacao. Cette région cacaoyère se caractérise par un terroir d’exception : les Terres Rouges. Il s’agit d’un phénomène géologique rare, des argiles très riches en minéraux, et notamment de l’oxyde de fer, qui lui confère sa couleur rouge sang. Epaisse de 2 à 5 mètres, cette argile joue le rôle de réservoir. Elle a la propriété d’emmagasiner l’eau lors des fortes précipitations, durant la grande saison des pluies, pour la restituer en saison sèche. Medicilândia, au cœur de l’Amazonie brésilienne, est situé à la latitude 03º26'46" Sud et la longitude 52º53'20" Ouest, à une altitude variant entre 151 et 352 mètres. Elle appartient à la mésorégion sud de l'État de Pará. La structure géologique de la région est formée par deux grands groupes de roches. La première, située au sud, est caractérisée par les formations cristallines du complexe Xingu, du Précambrien inférieur et moyen, environ 4 milliards d'années, et de nature gneiss-granitique-magmatique. Le deuxième groupe est représenté par la séquence sédimentaire que constitue le bassin de l'Amazone. Il s’agit d’une bande, d’orientation est-ouest, englobant les zones sédimentaires Paléozoïques de : Trombetas (Silurien - 420Ma), Curua (Dévonien supérieur – 360Ma), Monte Alegre (Carbonifère Inférieur 358Ma), et inalement, les Terres Rouges. Cette dernière composante est constituée des sédiments des Village de Medicilândia la Transamazonienne au centre roches basaltiques (les Trapps) datant d’environ 150 millions d'années (période entre le Jurassique et le Crétacé ). A sa limite sud, Medicilândia jouxte la Réserve Indigène du peuple Arara. Les Arara occupaient autrefois un vaste territoire, mais à la suite de maladies et des violents conlits qui les ont opposés à des agresseurs extérieurs, ils ne sont plus que 200 personnes environ, qui vivent dans deux réserves situées le long de la rivière Iriri. En 1987, les Arara de Cachoeira Seca (situé au sud de Uruará) ont été les derniers à être découverts. Grands chasseurs et pêcheurs, les Arara ("peuple de l'ara") se nomment eux-mêmes Ukarangma. Ils cultivent le manioc, la patate douce, le maïs, les bananes et l’ananas dans leurs potagers communautaires. Au retour d'une chasse fructueuse, la viande s'échange contre des boissons fermentées et la communauté toute entière fête l'événement pendant des jours. Pour leurs rituels, les Arara Les Terres Rouges de Medicilândia vue en coupe 20 carte des sols de Medicilândia source: État du Pará s'ornent le corps d'extraordinaires motifs géométriques au moyen d'une teinture noire nommée genipapo. Le territoire indigène Arara a été pleinement reconnu par le gouvernement A insi que le nom de Stalingrad faisait de la ville le symbole de la mégalomanie d'un terrible dictateur sanguinaire, Medicilândia doit son nom à Emilio GARRASTAZU MÉDICI, qui représentait la frange la plus dure du crédit photo: Coen Wubbels 21 brésilien en 2016. Mais l’histoire récente des Arara est faite de persécutions et de contacts violents avec des chasseurs de jaguar, des collecteurs de caoutchouc, des colons et, plus récemment, des compagnies forestières. Régime militaire, au pouvoir depuis le coup d'Etat de 1964. Sa présidence coïncide avec une période de répression féroce des mouvements sociaux, connue au Brésil sous le nom d'années de plomb et marquée par une guerre sale menée contre la population civile. Selon le Mouvement Mondial pour les Forêts Tropicales, le dictateur militaire brésilien Emilio GARRASTAZU MÉDICI peut sans doute être considéré comme l’un des exemples les plus caractéristiques de l’approche raciste et destructive des forêts. Celle qui a dominé dans la plupart des pays tropicaux pendant la deuxième moitié du XXe siècle. Lors de l’inauguration de l’autoroute transamazonienne en 1970 (le début de la in de nombreux groupes indigènes ainsi que de grandes étendues forestières amazoniennes), le dictateur déclarait que celle-ci ouvrait la voie à une « terre sans hommes pour des hommes sans terre». Pour lui, les peuples indigènes n’existaient même pas, et les forêts représentaient uniquement des terres à déboiser ain de les destiner à des «activités productives». Apparemment, les femmes, indigènes ou pas, n’existaient absolument pas. A ujourd’hui, Medicilância est une municipalité rurale, avec un IDH2 très bas de 0,582 (la moyenne française est de 0,888). Parmi la population de 30 mille âmes, 2000 sont des cacaoculteurs de l’agriculture familiale. Les vergers de cacao représentent 33 mille hectares (3 fois Paris). fermentation n’est pas contrôlée par les producteurs, dont le seul but est d’obtenir un taux d’humidité de 8% ain de vendre leur production aux 5 groupes industriels internationaux présent. Ces groupes internationaux décide seuls le prix à payer au planteur, sans jamais récompenser la qualité. Ce bout du monde, très méconnu, concentre 45% de la production de cacao au Pará, soit une récolte de plus de 40 mille tonnes. La plupart du temps, la Dans ce coin oublié de l’Amazonie, le cacao est au centre de la vie, et pour les grands chocolatiers à la recherche de grands terroirs, toute reste à découvrir. L’occupation de l’Amazonie a été une préoccupation majeure de MÉDICI. Pour les militaires, il fallait toute faire pour éviter tout type de soulèvement dans les campagnes, qui pourrait aboutir à des mouvements révolutionnaires paysans comme en Chine en 1949 et à Cuba en 1959. 2 - L'indice de développement humain (IDH) est un indice statistique composite, créé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en 1990 pour évaluer le niveau de développement humain des pays du monde. crédit photo: Girardin Aquaverde 22 Ivan Dantas crédit photo: Cristiane Martins 23 DES HOMMES ET DES FÈVES PORTRAIT D’UN CACAOCULTEUR D’EXCEPTION P ersonnage passionné et déterminé, Ivan est un infatigable promoteur du cacao de la Transamazonienne. Homme très charismatique, de caractère doux et résolument altruiste, il est un véritable trait-d’union dans la société civile locale. Il donne de son temps et de son expérience sans compter : syndicats, associations, coopératives… il est sur tous les fronts ain de galvaniser les énergies et élever le niveau de vie de toute cette région du globe. C’est quelqu’un de simple, avec une vision très claire du monde qui l'entoure, capable de faire des analyses socio-politiques justes. Il expose avec une grande clarté la situation, c’est un bon pédagogue. Ivan n’a pas de responsabilité politique, cependant il est impossible de se déplacer avec lui dans le centre de la petite ville de Medicilândia, sans être arrêté à plusieurs reprises par des personnes qui viennent lui demander conseil, ou qui veulent avoir les dernières nouvelles des projets qu’il mène. Grand spécialiste du traitement post-récolte, Ivan est un esprit inquiet et curieux, cherchant à expérimenter et mettre en œuvre des améliorations techniques, notamment en matière de fermentation. Il utilise, par exemple, des caisses de fermentation cylindriques, ain d'obtenir un gradient de température plus homogène que dans les caisses rectangulaires traditionnelles où les coins sont toujours moins chauds. Totalement autodidacte, ses recherches aujourd’hui, se concentrent sur les efets du rinçage à l’eau claire dans la fermentation. Deuxième génération de planteurs de cacao, originaire du sud du Brésil, Ivan arrive en Amazonie avec ses parents en novembre 1971, à l’âge de 13 ans, il fait partie de ces pionniers attirés par M ême si j’ai la moitié du rendement, car je n’utilise aucun produit chimique dans ma plantation, je peux dormir la conscience tranquille en ce qui concerne l’impact sur la santé de toute ma famille, des personnes qui travaillent auprès de moi et tous ceux qui consomment mon cacao, en toute sécurité. Pour moi la santé n’a pas de prix. ” crédit photo: Cristiane Martins Sítio Santo Onofre crédit photo: Sidney Oliveira Ivan DANTAS et ses caisses de fermentation cylindriques ” 24 la promesse de distribution de terres à ceux qui n’en avaient pas : « terre sans hommes pour des hommes sans terre » des cacaoyers en culture biologique, qui recouvrent 78 ha au milieu des grands arbres d’essences natives. En 1983 Ivan hérite des 83 hectares laissés par la disparition prématurée de son père. Convaincu que celui-ci a été empoisonné pour les pesticides utilisés dans ses champs, il bannit aussitôt les produits toxiques de ses pratiques. À 12 kilomètres de la réserve des indiens Arara, Ivan travaille un terroir exceptionnel, des coteaux avec un dénivelé assez important et une exposition nord, sur les Terres Rouges uniques. Des cacaoyers avec 40 ans d’âge en moyenne, 8 hybrides en co-plantation, résultant d’une série successive de 229 croisements (résultat des recherches du CEPLAC). Les variétés présentes possèdent leur propre classiication, et ne se réduisent pas aux grandes branches de la classiication traditionnellement utilisées : criollo, trinitario ou forastero. Sa propriété de 83 ha, le Sítio Santo Onofre (La Petite Ferme Saint Onuphre l'Anachorète), est située au kilomètre 115 de la transamazonienne. Il possède d'une part 5 ha de forêt primaire protégée, dans la laquelle se trouve deux sources, qui se jettent dans le Xingu. D’autre part, Sítio Santo Onofre - prise de vue aérienne J e pense que l’agriculture biologique implique une bonne compréhension de la nature, sans la violenter, comme le fait l’agriculture chimique. L’utilisation de la chimie nous a rendu très impatients, ces produits nous donnent l’impression de faciliter le travail. Par exemple, si on veut des bons produits, il suit d’ajouter des produits chimiques. Ou bien, si on veut se débarrasser d’un insecte on fait de même. Par contre, ce que l’agriculture biologique nous apprend, c’est qu’il faut être à l’écoute de la nature. ” ” Ivan DANTAS Sélection Officielle CEPLAC CACAO DE QUALITÉ 2015 Prix D’EXCELLENCE CEPLAC 2016 25 Sélection Officielle CEPLAC CACAO DE QUALITÉ 2014 crédit photo: Cristiane Martins 26 CONTACT Wandel DA ROCHA Paris +33 6 98 48 18 92 wdarocha@rendezvous.com.br