La place des langues des élèves à l’école en contexte
guyanais. Quatre décennies de discours scientifiques
Sophie Alby, Isabelle Léglise
To cite this version:
Sophie Alby, Isabelle Léglise. La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre
décennies de discours scientifiques. S. Mam Lam Fouck. Comprendre la Guyane d’aujourd’hui, Ibis
Rouge Editions, pp.439-452, 2007. hal-00243071
HAL Id: hal-00243071
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00243071
Submitted on 6 Feb 2008
HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from
teaching and research institutions in France or
abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est
destinée au dépôt et à la diffusion de documents
scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
émanant des établissements d’enseignement et de
recherche français ou étrangers, des laboratoires
publics ou privés.
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de
discours scientifiques.
Sophie Alby – Maître de Conférence à l’IUFM de la Guyane – ERTé n°32 de l’IUFM de la
Guyane – UMR CELIA
Isabelle Léglise – Chargée de recherches au CNRS, CELIA UMR 8133 – ERTé n°32 de
l’IUFM de la Guyane
Il y a vingt-cinq ans, F. Grenand (1982 : 25) observait que la mise en place en Guyane d’un
« enseignement adapté » permettrait de combler un retard d’une dizaine d’années et
s’inquiétait du fait que ce retard pourrait prendre plus d’ampleur si rien n’était fait : « Que
l’on réussisse à sensibiliser les responsables de l’Education nationale à ce problème, que l’on
parvienne à mettre sur pied une politique d’éducation réellement adaptée […], et l’on aura
simplement perdu une dizaine d’années ». Qu’en est-il aujourd’hui de ce « retard » ? La
sensibilisation engagée par des acteurs sociaux et des chercheurs depuis plus de trente ans a-telle porté ses fruits ? Comment la notion même « d’enseignement adapté » a-t-elle évolué
dans les discours scientifiques ? Au travers d’une analyse de quatre décennies de discours
portant sur l’enseignement en contexte guyanais, ce texte tente de répondre à ces quelques
questions et revient plus spécifiquement sur la place souhaitée – en fonction des époques –
pour les langues premières des élèves à l’école.
Paradoxalement, si le regard de l’institution scolaire – et en premier lieu de l’Education
Nationale – sur la nécessité d’un « enseignement adapté » et sur la place des langues des
élèves a évolué, on ne peut en dire autant du discours scientifique qui reste quant à lui
sensiblement le même depuis près de trente ans. Confrontés au terrain guyanais, les
chercheurs, anthropologues ou linguistes, insistent sur l’inadéquation de l’école française aux
réalités guyanaises : de Grenand & Grenand (1979 : 376) qui constatent « que non seulement
l’éducation adaptée n’existe pas en Guyane, mais encore que sa possibilité d’existence reste
très faible » à Toulemonde-Niaussat (1993) qui déplore le fait que le système scolaire coupe
« les enfants de leur milieu sans pour autant leur procurer l’assise nécessaire à la maîtrise d’un
autre milieu », nombreux sont en effet les travaux (Hurault, 1972 ; Grenand, 1982 ; RenaultLescure & Grenand, 1985 ; Launey, 1999 ; Goury, Launey, Lescure & Queixalos, 2000) qui
ont dénoncé l’inadaptation de l’enseignement et ont regretté l’absence d’intérêt que
l’institution scolaire portait à cette question. Par ailleurs, quelle que soit la spécialité des
chercheurs en sciences humaines et sociales qui ont pris position dans ce débat, ils ont lié
l’inadaptation de l’école à la « situation linguistique du département » qui restait peu décrite
et peu connue jusqu’aux années 2000. Avec le développement des travaux dans ce domaine
(cf. notamment Leconte & Caitucoli 2003; Léglise 2004; Léglise, Migge & Alby 2004; Alby
& Léglise 2005; Léglise 2005; Léglise 2007) on peut se demander si leurs résultats induisent
– dans les travaux scientifiques – une modification des représentations de la « situation
linguistique du département » et, partant, une modification des préconisations en matière de
politique linguistique éducative.
En liant l’évolution des discours scientifiques tenus en Guyane à l’histoire des idées, nous
essaierons de donner du sens aux modifications et aux stabilités observées dans ces discours.
Dans un premier temps, nous verrons comment l’émergence d’un regard critique sur l’école
peut être relié à la naissance de la linguistique appliquée ainsi qu’aux questionnements des
linguistes spécialisés dans la description des langues amérindiennes d’Amazonie. Puis, nous
1
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
aborderons le centrage progressif des discours sur un argumentaire lié aux langues régionales.
Nous montrerons enfin comment les travaux sociolinguistiques portant sur le plurilinguisme
guyanais de ces dernières années ouvrent, à notre sens, une nouvelle voie dans la pensée
didactique.
1. L’émergence d’un regard critique sur l’école « inadaptée »
Les premières réflexions sur l’école et la place que les langues et les cultures des élèves
devraient y occuper s’inscrivent dans le cadre spécifique de la littérature anthropologique, au
travers notamment des travaux de Hurault (1972), Grenand & Grenand (1979), Jolivet (1982),
Navet (1984) qui les premiers « ont entamé à partir de 1960 un débat et des recherches sur
l’intérêt et l’adaptation du système scolaire en milieu ‘ethnique’. » (Toulemonde-Niaussat,
1993 : 112). Plus exactement, dans les années 70, c’est au travers de l’enseignement aux
populations amérindiennes que se pose la question de l’adaptation de l’enseignement à la
situation guyanaise (Grenand, 1982 : 20).
Il faut ici rappeler que la généralisation de la scolarisation, en Guyane, au moment de la
départementalisation, est liée à une politique générale d’assimilation. Et, comme le rappelle
(Renault-Lescure 2000), « Ce passage au statut de département d’outre-mer a eu des
conséquences très importantes dans l’enseignement car il a radicalisé la domination culturelle
exercée par la France sur les jeunes Guyanais ; l’école devait avant tout servir à leur
apprendre à être Français et à intégrer l’idéologie du progrès […] ». Cette politique
d’assimilation a d’abord concerné les populations du littoral, essentiellement Créoles, puis,
avec la suppression du territoire de l’Inini en 1969, les populations amérindiennes et
businenge.
Dès cette période s’engage donc un débat sur l’école adaptée qui doit, selon les termes de
Hurault (1972 : 163) « se fixer pour but non pas de faire passer des diplômes, mais
d’introduire de nouvelles connaissances dans le milieu tribal sans en briser les structures. ».
Le point commun dans les propos recueillis est un constat d’inadaptation du système mais
sans jamais que soit remise en cause la nécessité de la scolarisation dont Navet (1984 : 17)
écrit qu’elle se justifie « aujourd’hui » chez les Amérindiens. Cependant, il convient selon les
différents auteurs de procurer aux élèves les moyens d’accéder à la réussite scolaire en
palliant « la coupure d’avec le milieu naturel. » (Toulemonde-Niaussat, 1993 : 112).
Une des références en matière d’école adaptée est selon Bois (1967 : 173) celle de Camopi1
qui présente les caractéristiques suivantes : « les enfants sont invités à conserver leur costume
et leurs parures habituels. Ils travaillent la moitié de la journée, le reste du temps étant
consacré à la pêche, la chasse et l’agriculture. Ils n’ont pas été extraits de leur milieu
coutumier et n’ont rien perdu de leurs techniques et de leur adaptation au pays. » Cette liste
constitue en substance une synthèse des propositions qui ressortent des textes rédigés durant
ces deux décennies, à savoir l’idée d’une école qui permettrait aux élèves de conserver leurs
spécificités linguistiques et culturelles tout en ayant la possibilité d’acquérir les mêmes
compétences que n’importe quel élève français. A l’opposé de la politique d’assimilation,
leurs propositions s’inscrivent dans la lignée d’une « politique d’association » telle qu’elle
avait pu être formulée au 19e siècle par Paul Bert2 (1833-1886), qui « prétend préserver et
utiliser plus ou moins la structure sociale » existante ce qui se traduit, en contexte éducatif,
par un appui sur la langue et la culture des élèves (Nishiyama, 2004 : 1). Dans le même temps,
se profile l’idée selon laquelle les enfants scolarisés ne doivent pas, lorsqu’ils intègrent le
1
2
Ecole ouverte dans les années 60 par Carlo Paul.
Gouverneur général de l’Annam et du Tonkin.
2
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
milieu scolaire, être coupés de leur milieu ; qu’ils doivent conserver les moyens de pouvoir le
(ré)intégrer.
Toutes ces propositions partent d’un même constat, « celui d’un contact difficile entre leur
civilisation [celle des Amérindiens] et la nôtre. C’est à partir de cette idée maîtresse, et
uniquement à partir d’elle, que l’on doit envisager le programme d’un enseignement tourné
vers la résolution des problèmes de contact. » (Navet, 1984 : 17). Ainsi, du constat de l’école
dite « inadaptée », les chercheurs de cette période aboutissent-ils à une définition d’une école
« adaptée » qui « doit se fixer pour but non pas de faire passer des diplômes, mais d’introduire
de nouvelles connaissances dans le milieu tribal sans en briser les structures » (Hurault,
1972).
1.1. Les critiques de la situation scolaire
Dès cette époque, les chercheurs s’insurgent contre deux points essentiels : l’inadaptation des
contenus d’enseignement et des conditions matérielles dans lesquelles il a lieu, ainsi que
l’inadaptation des enseignants au terrain sur lequel ils doivent professer.
Il est reproché aux contenus des cours d’être trop proches des programmes métropolitains et
de véhiculer un modèle culturel et socio-économique qui a pu « s’épanouir dans les pays
tempérés » mais qui n’a « en milieu équatorial aucune possibilité de réalisation. » (Hurault,
1972 : 162). D’une manière plus globale, M.J. Jolivet (1982) considère que « l’ethnocentrisme
de l’enseignement dispensé dans les écoles primaires est le principal moteur de l’inégalité des
chances scolaires des Guyanais : il amplifie jusqu’à la caricature le rôle joué à cet égard par
les différences d’appartenance socio-culturelle ».
A cela s’ajoute le fait que ces contenus n’ont souvent aucun sens pour les élèves concernés :
Navet (1984 : 19) remarque que « beaucoup d’enfants connaissent par cœur ‘la Marseillaise’
et le ‘Notre Père’, sans en saisir le sens […] » ; tandis que Hurault (1972 : 162) évoque
« l’absurdité de leçons sur la neige, les sports d’hiver, etc. » ou encore le danger de leçons
« qui nous paraissent anodines comme la division des métiers [mais] qui sont dangereuses ici
parce que […] elles n’ont aucune possibilité de réalisation, et que l’élève ne s’en rend pas
compte. » Enfin, l’inadaptation des textes proposés pour la lecture et l’écriture se retrouve
chez tous les auteurs.
Du point de vue matériel, divers constats ressortent assez nettement des écrits, dont certains
peuvent paraître anecdotiques – comme la question des vêtements que doivent porter les
élèves ou de l’habitat scolaire, mais qui sont au centre des propositions d’actions des auteurs.
Hurault (1972 : 164), par exemple, propose que l’école soit « construite en matériaux du
pays » et que « les enfants [soient] expressément invités à être légèrement vêtus, comme il
convient sous ce climat », tandis que Navet (1984 : 19) évoque des « écoles de construction
légère en matériaux du pays » et la « tolérance du port des vêtement traditionnels. ».
Enfin, un constat récurrent porte sur l’inadaptation des enseignants eux-mêmes qu’ils soient
originaires ou non de Guyane. Hurault (1972 : 161) évoque les « instituteurs de la métropole
appartenant aux cadres de l’Education nationale. […] fanatiques du système dans lequel ils
ont été formés et ne mesur[ant] le succès ou l’échec de leur entreprise que d’après le taux de
scolarisation et le pourcentage des reçus au certificat d’études. » Tandis que Navet écrit d’eux
qu’ils « ne sont ni motivés ni préparés à ce qui les attend : des cultures, un milieu qui leur sont
étrangers et qu’ils refusent souvent d’emblée […]. » Il critique également les instituteurs
sortant de l’Ecole normale de Cayenne, « ce sont les moins bien notés qui échouent dans les
3
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
écoles indigènes. Résultat : des instituteurs, souvent créoles, imbus des préjugés dont ils sont
eux-mêmes victimes, ne se sentant aucune vocation, et reproduisant un enseignement ‘au
rabais’ totalement déstructurant et sans apport positif. »
Ces commentaires se fondent en général sur des anecdotes vécues par les chercheurs qui se
positionnent en « citoyens » (Launey 2000) dénonçant telle ou telle « aberration », tentant d’y
remédier, intervenant alors sur le social (Léglise 2000). Ces critiques à l’encontre des
enseignants constituent l’un des éléments structurants des discours scientifiques sur le
système éducatif guyanais de ces trente dernières années. Elles sont aujourd’hui encore
d’actualité, mais étayées par des analyses menées sur ce public : entretiens auprès d’un
nombre significatif d’enseignants (Léglise & Puren 2005; Puren 2005), données statistiques
sur les profils d’enseignants (Alby, 2007), analyse de pratiques de classe (Léglise et Puren,
2005).
1.2. Les « dangers de l’école inadaptée »
C’est ainsi que Hurault (1972) titre l’une des parties de son ouvrage afin de mettre en
évidence les effets « néfastes » de l’enseignement tel qu’il est pratiqué à cette époque. L’une
des conséquences principales de la scolarisation est la rupture d’avec le milieu familial qui
produit un « traumatisme culturel profond » (Hurault, 1972) à laquelle s’associe un
dénigrement de la communauté d’origine dû au modèle de réussite renvoyé aux enfants.
L’école apparaît alors comme un lieu « déstructurant » - pour reprendre les termes de Navet
(1984 : 19) – qui amène les élèves « à dénigrer leur propre culture ayant appris à considérer la
société française comme le modèle idéal et leur culture comme une sous-culture. » (Grenand,
Grenand & Navet, 1971).
En effet, les anthropologues constatent que le modèle culturel renvoyé par l’enseignant
devient un modèle de réussite pour l’enfant alors qu’il est à l’opposé du modèle renvoyé de
l’adulte tel qu’il est pensé dans la communauté : il « travaille assis, n’exerce aucun travail
pénible et pourtant vit dans l’aisance » (Hurault, 1972 : 162). L’incapacité d’atteindre ce
modèle de réussite sociale produit une véritable frustration à laquelle s’ajoute un rejet des
principes valorisés dans la communauté. Ainsi, Grenand, Grenand & Navet (1971) évoquentils ces « jeunes scolarisés à Saint-Georges [qui] en sont revenus les cheveux coupés, riches
d’un savoir sans racine, honteux et complexés face à leur propre société. »
Au refus des jeunes sortis du système scolaire de suivre le mode de vie traditionnel, s’ajoute
leur incapacité à le faire car le rythme scolaire leur interdit d’acquérir les « techniques
tribales » à l’âge où ils doivent normalement le faire (entre huit et quinze ans d’après Hurault,
1972).
1.3. Les propositions pour une adaptation de l’enseignement en milieu amérindien
Avant de rappeler les différentes propositions liées directement aux constats et aux dangers de
l’école dite inadaptée, il convient d’essayer d’identifier les objectifs, selon les auteurs, que
doit se fixer l’école dans un tel contexte et le rôle qu’elle doit jouer dans l’avenir des jeunes
scolarisés. Tous s’accordent sur la nécessité d’une école qui permette d’éviter une trop grande
rupture d’avec le milieu d’origine des élèves et de conserver les savoirs sur les modes de vie
traditionnels, ainsi que sur le fait qu’ « une scolarisation généralisée conçue selon les
programmes français, ne peut manquer d’avoir des résultats catastrophiques » (Hurault, 1972 :
161). Le rôle de l’école, qui n’est pas remis en question, reste cependant rarement défini
clairement : Hurault (1972) écrit qu’il ne s’agit pas de se focaliser sur l’obtention de diplômes
mais plutôt de se focaliser sur des connaissances qui seront utiles dans le milieu dit
« traditionnel » ; Navet (1984 : 34) rejette l’idée d’une école qui consisterait « à prolétariser
4
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
les populations tribales dans les faubourgs » et propose avec Grenand & Grenand (1971) que
l’enseignement adapté ait pour objectif l’autonomie des Amérindiens : « Si l’on juge les
Indiens apte à gérer leurs propres affaires, si on les considère comme des citoyens adultes, il
faut envisager, dès maintenant, de leur confier les postes de responsabilité dans leur commune
[…]. Ceci implique au préalable, un grand travail de formation. » On retrouve chez Hurault
(1972 : 165) une idée similaire lorsqu’il écrit que « l’enseignement technique devrait se
spécialiser dans des techniques (menuiserie, petite mécanique, etc.) susceptibles d’être
exercées en milieu rural, par des artisans qui demeureront maîtres de leur destin et
continueront à produire leur nourriture.3 »
Par ailleurs, les propositions concrètes qui sont élaborées vont souvent dans le même sens. On
peut ainsi dégager trois grands domaines : a) le personnel chargé d’enseignement ; b) les
contenus ; et c) des questions plus matérielles sur lesquelles nous ne nous attarderons pas ici4.
Notons néanmoins les propositions suivantes : l’adaptation des périodes scolaires en fonction
du mode de vie traditionnel, l’implantation des écoles dans les villages afin de ne pas éloigner
les enfants de leur famille ou de leur communauté d’origine (Grenand, Grenand & Navet,
1971 ; Hurault, 1972 ; Grenand & Grenand, 1979 : 376 ; Navet, 1984).
La question du personnel chargé de l’enseignement apparaît comme centrale dans les
différentes propositions. Elle est réglée sous la forme de deux types de propositions. La
première concerne la formation des enseignants extérieurs à la communauté (Grenand, 1982 :
22, 24) voire les critères conduisant à leur embauche. Voici par exemple, selon Hurault (1972)
les attributs requis chez les enseignants : « acceptant une vie matérielle simple, s’intéressant
personnellement aux populations, doués d’un solide sens pratique et ayant de réelles
connaissances en mécanique (emploi et réparation de moteurs hors bord) […] même si leur
enseignement n’est pas d’un niveau élevé et peut avoir quelques aspects fantaisistes. »
(Hurault, 1972 : 164). Pour ce qui est de la formation des enseignants ou des « jeunes
normaliens », Grenand (1982 : 24) propose ainsi un programme de formation à contenu
« socio-psychologique » (meilleure connaissance des communautés, ouverture à la spécificité
du département) et linguistique (connaissance minimale des langues premières des élèves et
techniques d’enseignement du français comme langue étrangère).
La seconde proposition majeure concerne l’embauche d’« éducateurs » (généralement
qualifiés de « moniteurs ») issus des communautés concernées (Grenand, Grenand & Navet,
1971 ; Hurault, 1972 ; Grenand & Grenand, 1979 : 376 ; Grenand, 1982 : 24 ; Navet, 1984)
qui sera réalisée, quelques années plus tard sous la forme d’ « éducateurs culturels bilingues »
(cf. notamment (Goury, Launey, Queixalós & Renault-Lescure 2000) et ci-après).
Enfin, la réflexion sur les contenus intègre la nécessité d’un enseignement dans la langue
première : apprentissage de la lecture et de l’écriture dans la langue première (Grenand &
Grenand, 1979 : 376), avec en parallèle la nécessité de création d’une orthographe pour ces
langues (Grenand, Grenand & Navet, 1971 ; Grenand, 1982 : 20 ; Navet, 1984). Rares sont les
mentions d’une adaptation de l’enseignement du français, mais on en trouve toutefois
quelques traces dans les écrits : « apprentissage du français comme langue seconde »
(Grenand & Grenand, 1979 : 376), « adaptation au milieu des textes utilisés pour
l’enseignement du français » (Grenand, Grenand & Navet, 1971 ; Grenand, 1982 : 20 ; Navet,
1984). D’autres aspects, liés aux programmes d’enseignement sont aussi évoqués, telle la
nécessité de proposer des enseignements techniques (mécanique, etc.). Hurault (1972) précise
3
4
C’est nous qui soulignons.
Voir la partie sur les « dangers de l’école inadaptée ».
5
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
aussi que selon lui les « techniques traditionnelles » n’ont pas leur place à l’école dans la
mesure où elles sont acquises dans la communauté, mais aussi où leur introduction dans le
système scolaire peut avoir pour effet une forme d’exploitation des élèves5.
Il y a donc dans les écrits sur l’éducation de cette époque – qu’il s’agisse d’écrits
scientifiques, de rapports ou de projets soumis aux autorités éducatives6 - une focalisation
avant tout sur la question amérindienne et l’idée forte selon laquelle l’école doit être pensée
autrement afin de « préserver » les modes de vie traditionnels.
Cette pensée s’inscrit en plein dans un contexte politique international qui commence alors à
prendre conscience de la nécessité de la protection des minorités. Ainsi, Hurault (1972 : 164)
rappelle que « les textes des Nations Unies sur la protection des minorités insistent fortement
sur la nécessité de scolariser les populations tribales par l’intermédiaire de moniteurs
appartenant à la même ethnie et parlant la même langue. »7
2.
La « question linguistique »
Le fait que dans certaines zones géographiques les élèves arrivent à l’école sans parler la
langue dans laquelle la classe sera donnée – ou à l’inverse, que l’enseignant ne connaisse
souvent pas un seul mot dans la langue des élèves – n’apparaît pas, dans les textes de la
décennie 70, comme un problème essentiel. Par la suite, cette question deviendra
progressivement centrale et le fait que « le premier contact d’un peuple avec l’école doit se
faire dans sa langue maternelle » sera considéré comme « une revendication minimale »
(Grenand, 1982 : 24).
La question linguistique est d’autant plus présente dans les écrits des chercheurs des années
1980-2000 que cette période correspond à une présence plus importante des linguistes sur le
terrain guyanais, avec notamment le développement de programmes de recherche autour de la
description des langues indigènes. « Dès 1991, des linguistes signalent l'importance de
prendre en compte la diversité linguistique en Guyane » (Goury, Launey, Queixalos &
Renault-Lescure, 2000) Désormais, la quasi-totalité des écrits présentent une partie sur la
diversité linguistique et culturelle guyanaise - se résumant souvent à la présentation d’un
« contexte linguistique » (Renault-Lescure 2000), ou à un « état des lieux des langues »
parlées en Guyane (Launey 1999; Goury, Launey, Lescure & Puren 2005).
L’intérêt des linguistes sur des questions éducatives s’explique par la position assez
communément adoptée, en « linguistique de terrain », d’engagement envers les communautés
ethnolinguistiques auprès desquelles les linguistes travaillent. En effet, une dimension
essentielle, pour les linguistes de terrain s’attachant à la description de langues est de partager
la vie de leurs informateurs et leurs (pré)occupations afin d’avoir accès aux catégories de
langue et aux catégories de pensée pertinentes dans la communauté (Auroux 1998). Cette
présence sur le terrain se double généralement d’un engagement auprès des communautés que
certains ont théorisé, en réaction à une linguistique appliquée trop abstraite, sous la forme de
la pratique d’une « linguistique impliquée », à commencer par l’implication du chercheur sur
son terrain (cf. Léglise, Canut, Desmet & Garric 2006) : engagement pour la préservation des
5
Il fait ainsi référence à un instituteur du Surinam qui exploitait les élèves en leur faisant capturer des oiseaux
pour ensuite les revendre à Paramaribo.
6
Citons notamment, au début des années 1980, le projet « Education adaptée aux populations sylvicoles de
Guyane », soutenu un temps par le ministère des DOM-TOM mais qui n’a pas eu de suite (Renault-Lescure,
Odile and Grenand, Françoise (1985). Le problème scolaire, la question amérindienne en Guyane. Ethnies 1, 3638.)
7
Voir aussi le « Proyecto Principal de Educacion en America Latina y Caribe » de l’UNESCO en 1981.
6
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
langues indigènes, engagement en faveur d’une éducation bilingue etc. Ceci est vrai en
particulier chez les chercheurs décrivant les langues et des sociétés amérindiennes8. Ainsi,
Queixalos (1984 : 109) rappelle-t-il l’importance « d’impulser une prise de conscience sur la
nécessité et l’urgence de l’éducation pour les indigènes des Amériques. »
Les linguistes de terrain ont de ce fait envisagé deux types d’intervention et de recherches
impliquées : « D’un côté, la disparité des situations, jointe au rythme accéléré des
changements historiques, exige un diagnostic précis de l’usage de la langue (dans la société,
et dans l’école si elle existe). D’un autre côté, l’étude sérieuse des systèmes linguistiques
constitue une condition minimale à toute tentative d’introduction d’une langue vernaculaire à
l’école, parce qu’elle nous met au contact de la structure formelle des énoncés proférés ainsi
que d’un ensemble important de modèles cognitifs de saisie de l’expérience. Quiconque, s’est,
dans un contexte comparable, un tant soit peu impliqué dans l’enseignement bilingue, a
conscience de la nécessité d’une « bonne vieille description » des langues en présence – à
savoir, au minimum, l’explicitation des structures phonologique et morphosyntaxique
soustendant la production des énoncés -, le malheur étant que dans beaucoup de cas concrets,
l’on n’a même pas accès à ce niveau de connaissance. » (Renault-Lescure & Queixalós 1993)
L’idée qui sous-tend ces propositions est qu’une bonne description permet, par la suite, de
former des enseignants qui pourront enseigner la langue, au travers d’exercices réfléchis
autour de la langue. Cette conception des rapports entre description linguistique et
enseignement de la langue est à rapprocher du développement de la Linguistique appliquée.
Elle a permis, entre autres, la production d’outils à l’intention des enseignants qui avaient
pour but de montrer les particularités linguistiques des langues amérindiennes dont les auteurs
considéraient qu’il fallait avoir une connaissance minimale (Grenand & Lescure, 1990). Les
linguistes du CELIA (IRD et CNRS), forts de leur expérience dans d’autres pays d’Amérique
du Sud, se sont engagés en Guyane dans cette direction depuis 1997. Ils ont ainsi mis en
place, dans le cadre de la formation des maîtres à l’IUFM de la Guyane, des modules de
linguistique « visant au développement de la connaissance des milieux d’exercice des futurs
enseignants. » (Goury, Launey, Lescure & Puren, 2005).
Enfin, plus récemment, la réflexion sur la question linguistique de l’enseignement en Guyane
a intégré l’argument de l’écart typologique « maximal » existant entre langues des élèves et
langue nationale : « l’apprentissage du français langue seconde par un enfant locuteur de
kali’na, qui présente avec le français une distance maximale, ne nécessitera pas les mêmes
stratégies d’adaptation que pour un enfant locuteur de créole haïtien, qui partage avec le
français un stock lexical considérable, mais des structures syntaxiques relativement
différentes. » (Goury, Launey, Lescure & Puren, 2005). La « dimension typologique des
langues en présence » fait ainsi l’objet d’un axe de recherches de l’Equipe de Recherche en
Technologie de l’Education de l’IUFM de la Guyane (2002-2006). Cet axe, dirigé par M.
Launey, se fonde sur « l’hypothèse que [la] dimension proprement linguistique est une
variable importante qui doit être prise en compte dans une pédagogie du FLS. »
3. L’argument des « langues régionales »
Dans les années 90, les discours scientifiques ont été sensiblement les mêmes que ceux des
deux décennies précédentes, tant en ce qui concerne les constats d’inadaptation qu’en ce qui
concerne les propositions émises par les chercheurs, concernant en particulier la promotion
d’un type d’enseignement partiellement « bilingue ».
8
En ce qui concerne la linguistique amérindianiste en France, voir Swiggers (1984).
7
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
Les constats réalisés pour les populations amérindiennes sont toutefois progressivement
généralisés à un public plus large (Businenge et Hmong, notamment).
Le cadre de la loi sur l’introduction des langues régionales à l’école a changé à plusieurs
reprises, de la Loi Deixonne (11 janvier 1951) aux lois Savary (27 janvier 1984) à la toute
dernière Charte européenne des langues régionales et minoritaires que la France a eu tant de
mal à ratifier en 19999. Du point de vue législatif, une ouverture était donc possible pour faire
entrer certaines langues parlées en Guyane à l’école. Dans la pratique, seul le créole guyanais
avait pu bénéficier des différentes lois – à raison de 3 heures hebdomadaires en « Langues et
Cultures créoles ». Seule langue a être recensée comme langue régionale jusqu’en 1998, le
créole guyanais a bénéficié des courants de pensée antillais pour voir sa présence à l'école dès
1986 (Azéma & Rattier 1994), sous l'impulsion d'une inspectrice de l'Education Nationale,
Sonia Francius. Le travail de promotion des LCR a ainsi permis de passer « de dix [classes
impliquées dans l’enseignement du créole] en 1986 à plus de trois cents aujourd’hui. » De
plus, « en 2002, cinq des sept circonscriptions que compte la Guyane disposaient d’un
conseiller pédagogique en LCR. » (Goury, Launey, Lescure & Puren, 2005).
La possibilité de reconnaître d’autres langues de Guyane (11 au total) comme « régionales »
au sens de la charte a alors été mise en avant comme argument par les linguistes pour leur
permettre de mettre enfin en place un projet d’éducateurs bilingues et culturels, issus des
communautés. M. Launey titre ainsi un article de 1999 « les langues de Guyane : des langues
régionales comme les autres ? ». Le projet « médiateurs bilingues » se met peu à peu en place
avec pour objectif de recruter des jeunes locuteurs des langues régionales afin qu’ils
accueillent « les enfants à l’école primaire dans leur langue maternelle et [participent] à des
expériences pédagogiques utilisant cette langue pour faciliter l’apprentissage du français. »
(Goury, Launey, Queixalos & Renault-Lescure, 2000).
4. Vers le plurilinguisme ?
Vers la fin des années 90, les chercheurs de l’équipe du CELIA (programmme « Langues de
Guyane : recherche, éducation et formation ») engagés dans des actions en milieu scolaire
(comme le programme « Médiateurs culturels et bilingues ») ont pris conscience de la
nécessité d’un regard sociolinguistique sur la situation guyanaise. Il s’agissait, comme le
souligne Launey (1999) de fournir des données sur les pratiques linguistiques dans le
département et des estimations du nombre de locuteurs par langue. Il y avait en effet dans ce
domaine un déficit cruel d’enquêtes de terrain, pourtant nécessaires pour toute proposition en
matière de politique linguistique éducative.
Depuis, divers travaux ont été menés qui ont permis de documenter l’extrême diversité des
situations (géographiques, scolaires)10. Ils ont permis de mettre en évidence le plurilinguisme
qui caractérise la population guyanaise à différents niveaux : chez les individus, dans les villes
et villages du département, dans les écoles. Ils concluent à la nécessité de ne plus considérer
la situation guyanaise comme « une somme de plusieurs monolinguismes » ni de la regarder
« par le biais de représentations aréales et fondées sur les communautés ethniques. » (Léglise,
2007).
Les propositions en matière d’éducation dont nous avons fait état jusqu’ici se focalisent
essentiellement sur les langues dites régionales, point de vue qui, selon nous, présente trois
9
Le Conseil constitutionnel avait en effet estimé dans sa décision du 16 juin 1999 que la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires comportait des clauses contraires à la Constitution.
10
Cf. Alby & Léglise, ce volume.
8
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
écueils : a) il laisse de côté de nombreuses langues parlées dans le département, b) il s’inscrit
dans un enseignement « dyadique d’un bilinguisme strict » (Coste, 1991 : 176) qui a pour
objectif la mise en place de compétences en L1 et en L2 séparément au lieu de viser une réelle
compétence plurilingue (Alby & Léglise, 2005) et enfin, c) il se focalise sur des situations
scolaires considérées comme monolingues, alors qu’elles sont, au plus « monoethniques »
mais toujours plurilingues.
Les travaux sociolinguistiques réalisés ces dernières années permettent donc de discuter les
politiques linguistiques éducatives qui n’ont jusqu’alors pas suffisamment pris en compte
l’extrême diversité des pratiques linguistiques et l’hétérogénéité des situations scolaires (Alby
& Léglise, 2005 ; Léglise, 2007). Les travaux menés montrent notamment que si la prise en
compte des langues des élèves à l’école est une nécessité, celle-ci doit passer par une analyse
fine des caractéristiques du public scolaire. Les enquêtes « engagent [en effet] à la plus grande
prudence en terme de généralisations et plaident pour le développement de la recherche tant
sur le plan sociolinguistique que strictement didactique, préalables indispensables à la mise en
place de politiques linguistiques scolaires pertinentes. » (Léglise & Puren, 2005).
Informée par ces travaux, la réflexion didactique et sociolinguistique récente sur les politiques
linguistiques éducatives en Guyane porte sur la mise en place d’une didactique du
plurilinguisme ou encore sur l’introduction d’un enseignement en langues étrangères tenant
compte des particularités de la région du plateau des Guyanes. Ainsi, Migge & Léglise, 2007
insistent-elles sur l’importance d’une connaissance de la fonction véhiculaire des langues dans
les pays avoisinants : « les langues qui sont massivement utilisées comme langues
véhiculaires dans la région, par exemple le sranan tongo, ou la langue officielle des pays
frontaliers comme le néerlandais, le portugais du Brésil, pourraient être enseignés à côté des
langues habituelles comme l’anglais11. » Les auteurs argumentent qu’une telle approche
permettrait la valorisation de toutes les langues de la région, l’amélioration de la coopération
inter-régionale, transfrontalière, mais constituerait également un atout pour l’avenir
professionnel des élèves.
La question de la didactique du plurilinguisme, quant à elle, s’appuie sur le constat selon
lequel la situation scolaire guyanaise s’inscrit dans une complexité générée par le contact des
langues et des cultures et que l’école doit par conséquence être pensée avant tout comme un
espace plurilingue. Les enseignants, de leur côté, doivent être préparés à gérer toutes les
langues de la classe. C’est pourquoi Alby & Launey (2007) proposent, d’une part, que la
formation des enseignants se construise sur la notion même de plurilinguisme et que, d’autre
part, l’école elle-même, « reconnaisse la pluralité des langues, des pratiques, des compétences
et des vécus langagiers [de ses] acteurs. » (Mondada, 2002 : 215). Ces propositions s’inspirent
de la réflexion menée sur les pratiques de classe en situation plurilingue (Moore, 1996 ; Gajo
& Mondada, 2000). Elles n’excluent aucune langue, que ce soient les langues dites premières
des élèves (qu’il y en ait une ou plusieurs) ou leurs langues secondes, dont le français. Elles
visent à proposer un modèle didactique pluriel qui propose des pistes pour faire du
plurilinguisme un atout dans la classe : soit dans le cadre de pratiques formelles (comme par
exemple l’éveil aux langues et au langage ou encore « Comparons nos langues »), soit dans le
cadre de pratiques informelles (pratiques pédagogiques des enseignants lorsqu’ils ont recours
aux langues des élèves ou lorsque les élèves eux-mêmes ont recours à leurs propres langues).
Il s’agit ainsi de proposer des réponses concrètes à des questions fondamentales pour les
différents acteurs de l’éducation : comment l’enseignant doit-il et peut-il gérer l’apparition
11
Notre traduction.
9
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
des L1/L2 de ses élèves afin d’optimiser (a) son enseignement et (b) l’apprentissage des
élèves ?
Des questions qui en appellent d’autres : comment l’apprenant procède-t-il pour introduire
sa/ses L1/L2/L3 dans les énoncés en français ? Comment l’enseignant réagit-il [doit-il] réagir
aux demandes d’ouverture d’espaces plurilingues initiés par les apprenants ? Quels modes de
gestion l’enseignant adopte-t-il pour ramener l’apprenant dans un progrès (potentiel)
d’acquisition ? (Moore, 1996 : 97).
Il s’agit donc, à notre avis, à la fois d’envisager l’école guyanaise comme un espace
plurilingue, mais aussi de considérer celui-ci comme un atout, en considérant ce
plurilinguisme comme un donné – dans une certaine mesure – mais surtout comme un
objectif.
Bibliographie
Alby, S. 2007. Place du français à l’école : le français face aux autres langues de l’école. In I.
Léglise et B. Migge (Eds.), Pratiques et attitudes linguistiques en Guyane : regards croisés.
Paris : IRD Editions.
Alby, S. et Launey, M. 2007. Former des enseignants dans un contexte plurilingue et
pluriculturel. In I. Léglise et B. Migge (Eds.), Pratiques et attitudes linguistiques en Guyane :
regards croisés. Paris : IRD Editions.
Alby, S. et Léglise, I. 2005. L’enseignement en Guyane et les langues régionales, réflexions
sociolinguistiques et didactiques. Marges Linguistiques, 10 : 245-261.
Auroux, S. 1998. Les enjeux de la linguistique de terrain. Langages, 129 : 89-96.
Goury, L., Launey, M., Lescure, O. et Puren, L. 2005. Les langues à la conquête de l’école en
Guyane. In F. Tupin (Ed.), Ecoles ultramarines, Univers Créoles 6 (pp47-65). Paris :
Anthropos.
Goury, L., Launey, M., Queixalos, F. et Renault-Lescure, O. 2000. Des médiateurs bilingues
en Guyane française. Revue française de linguistique appliquée, V(1) : 43-60.
Jolivet, M-J. 1982. La question créole. Essai de sociologie sur la Guyane française. Paris :
ORSTOM.
Gajo, L. et Mondada, L. 2000. Interactions et acquisitions en contexte. Modes
d'appropriation de compétences discursives plurilingues par de jeunes immigrés, Fribourg
(Suisse): Editions Universitaires Fribourg Suisse.
Grenand, F. 1982. Le problème de l’enseignement du français en milieu tribal en Guyane.
Lenaddom, 66 : 19-26.
Grenand, P. et Grenand, F. 1979. Les Amérindiens de Guyane aujourd’hui. Eléments de
compréhension. Journal de la Société des Américanistes, T.LXVI : 361-382.
Grenand, F. et Renault-Lescure, O. 1990. Pour un nouvel enseignement en pays amérindien :
approche culturelle et linguistique. Cayenne : ORSTOM.
Hurault, J-F. 1972. Français et Indiens en Guyane. Paris : 10/18.
Launey, M. 1999. Les langues de Guyane : des langues régionales pas comme les autres ? In
C. Clairis, D. Costaouec et J-B. Coyos (Eds.), Langues et cultures régionales de France. Etat
des lieux, enseignement, politiques (pp.141-159). Paris : L’Harmattan.
Launey, M. 2000. Le chercheur et le citoyen face aux langues en danger. Mémoires de la
société de linguistique de Paris, T.3 : 20-31.
Leconte, F. et Caitucoli, C. 2003. Contacts de langues en Guyane : une enquête à SaintGeorges de l’Oyapock. In J. Billiez (Ed.), Contacts de langues : modèles, typologies,
interventions (pp.37-59). Paris : L’Harmattan.
10
Alby & Léglise, 2007, « La place des langues des élèves à l’école en contexte guyanais. Quatre décennies de discours
scientifiques » in Mam-Lam-Fouck S., Comprendre la Guyane aujourd’hui. Cayenne : Ibis Rouge Editions.
Léglise, I. 2000. Quand les linguistes interviennent : écueils et enjeux. Revue Française de
Linguistique Appliquée, 2000-IV : 5-13.
Léglise, I. 2004. Langues frontalières et langues d’immigration en Guyane française.
Glottopol, 4 : 108-124.
Léglise, I. 2005. Contacts de créoles à Mana (Guyane française) : répertoires,
pratiques, attitudes et gestion du plurilinguisme. Etudes Créoles, XXVIII : 23-57.
Léglise, I. 2007. Des langues, des domaines, des régions. Pratiques, variations, attitudes
linguistiques en Guyane. In I. Léglise et B. Migge (Eds.), Pratiques et attitudes linguistiques
en Guyane : regards croisés (pp.13-30). Paris : IRD Editions.
Léglise, I., Alby, S. et Migge, B. 2004. Un diagnostic sociolinguistique dans l’Ouest
guyanais. Langues et Cités, 5 : 5-6.
Léglise, I., Canut, E., Desmet, I et Garric, N. (Eds.). 2006. Applications et implications en
sciences du langage. Paris : L’Harmattan.
Léglise, I. et Migge, B. 2007. Le « taki-taki », une langue parlée en Guyane ? Fantasmes et
réalités (socio)linguistiques. In I. Léglise et B. Migge (Eds.), Pratiques et attitudes
linguistiques en Guyane : regards croisés. Paris : IRD Editions.
Léglise, I. et Puren, L. 2005. Usages et représentations linguistiques en milieu scolaire
guyanais. In F. Tupin (Ed.), Ecole et éducation, Univers Créoles 5 (pp.67-90). Paris :
Anthropos.
Mondada, L. 2002. Pour une approche interactionnelle de la catégorisation des ressources
linguistiques par les locuteurs. In V. Castellotti et D. de Robillard D. (Eds.), France, pays de
contacts de langues (pp.23-35). Louvain-la-neuve: Cahiers de l'institut de linguistique de
Louvain.
Moore, D. 1996. Bouées transcodiques en situation immersive ou comment interagir avec
deux langues quand on apprend une langue étrangère à l’école. AILE, 7 : 95-121.
Navet, E. 1984 : Réflexions sur un projet d’enseignement adapté aux populations tribales de
la Guyane française : l’exemple de Camopi. Chantiers Amerindia (supl.2, 9).
Nishiyama, N. 2004. L’enseignement du français aux indigènes à la croisée de cultures
politiques sous la 3e République : comment la mutation de la politique coloniale s’est articulée
avec la politique linguistique ? Marges linguistiques, juillet 2004.
Puren, L. 2005. « On est une machine à fabriquer de l’échec et de l’exclusion ». Le discours
des professeurs des écoles du Maroni. Le Français dans le Monde. Recherches et
Applications : 142-151.
Renault-Lescure, O. 2000. L’enseignement bilingue en Guyane française : une situation
particulière en Amérique du Sud. In J-M. Blanquer et H. Tringade (Eds.), Les défis de
l’éducation en Amérique latine (pp.231-256). Paris : IHEAL.
Renault-Lescure, O. et Grenand, F. 1985. Le problème scolaire, la question amérindienne en
Guyane. Ethnies, 1 : 36-38.
Renault-Lescure, O. et Queixalos, F. 1993. Rôle des langues dans les systèmes éducatifs et la
construction de l’identité : l’Amazonie indigène. Chroniques du Sud, 9 : 54-60.
Toulemonde-Niaussat, M. 1993. Anthropologie des dynamiques interculturelles de
développement de la région frontalière du Bas-Maroni (Guyane française). Tours : Université
François Rabelais.
11