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L'Épreuve Du Désastre, Alain Brossat

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Robin Soulier

HK BL

L’épreuve du désastre, Alain Brossat


Le XXème siècle et les camps
Alain Brossat est philosophe et enseigne à l’université de Paris-8 Saint Denis, spécialiste
en philosophie politique ses axes de recherches principaux sont les formes de la violence
moderne, les pouvoirs totalitaires, les génocides et les guerres civiles. Dans L’épreuve du
désastre publié en avril 1996, Alain Brossat analyse la logique des discours concernant
les génocides, livrés aux émotions, aux jeux de mémoire et aux enjeux politiques et
élabore une histoire comparée des différentes scènes de l’extrême (Auschwitz, la
Kolyma, Hiroshima). Son livre tend à définir les conditions qui permettent de constituer
une anthropologie de la catastrophe, nécessaire si l’on tient à la persévérance de
l’Histoire.

Alain Brossat fonde son étude sur de nombreux ouvrages classiques tels que De la
démocratie en Amérique de Tocqueville, des essais philosophiques tel que Essai sur la
Révolution d’Hannah Arendt et l’oeuvre de Michel Foucault. Il fait également référence à
des textes de lois comme la Déclaration d’Indépendance des Etats Unis ou la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen. Il fonde également son étude sur des ouvrages de
littérature comme 1984 de George Orwell. Enfin des lettres comme celle de P.Mironov à
Lénine ainsi que des articles de journaux issus du Nouvel Observateur et du Monde.

L’Avant-Propos d’Alain Brossat est important et nous permet d’alimenter la réflexion sur
un sujet qui concernerait le travail de mémoire :

« Nommer la catastrophe au passé, en réaffirmer sans relâ che l’horreur inégalée et


inégalable, en sacraliser le souvenir et ritualiser la commémoration, c’est bien aussi,
pour une part, diluer le poison des catastrophes du présent »

 Il existe une dialectique de l’histoire catastrophique qui met en lien les camps
nazis et les camps de réfugiés palestiniens. Il existe un lien entre ces personnes
déplacées en Europe au lendemain de la Première Guerre mondiale et qui se
poursuit aujourd’hui en Afrique en Asie et en Europe à nouveau.

Prologue I : De la désolation en Amérique

Revenir aux travaux de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique c’est trouver des
traces de ce que l’on a pu observer en Europe au 20ème siècle, en effet Tocqueville avait
mis en lumière deux « corps étrangers » à l’expansion démocratique aux Etats Unis : les
Indiens et les Noirs. Tocqueville décrit ainsi le mouvement de démocratisation en
Amérique : « Tout semble en effet se passer comme si le mouvement inclusif dans lequel se
constitue la civilisation démocratique dessinait simultanément une limite, une frontière, un
bord à partir desquels l’énergétique inclusive s’inversait rigoureusement ».
Première définition du Génocide dans la Déclaration d’Indépendance :
« Les Indiens, ces sauvages sans pitié, dont la manière bien connue de faire la guerre est
de tout massacrer, sans distinction d’â ge, de sexe ni de condition.»

 Symétrie entre la formule exterminationniste « sans distinction d’â ge, de sexe ni


de condition » et l’annonciation démocratique « Tous les citoyens étant égaux .... »

La civilisation n’entraine plus la « barbarie » (origine grecque : ici au sens de parler une
autre langue) dans son sillage, elle l’éradique, elle en efface la trace et en occupe les
espaces. Cette rupture est-elle étrangère à la façon dont la violence extrême sera
internalisée, au 20ème siècle, dans l’accomplissement des violences totalitaires ?

Qu’est ce que les camps nous révèlent des régimes totalitaires, de leur nouveauté, de
leur anatomie, de leur trajectoire ? Où se situent-ils sur la carte du totalitaire, quelle
fonction remplissent-ils dans l’expansion totalitaire ? Quel type d’articulation existe-t-il,
dans les Etats totalitaires, entre les camps et la société atomisée, terrorisée ? Quelle
place les camps occupent-ils dans la définition du « tout est possible » totalitaire ?

Première Partie :
FONDATIONS-AVEC HANNAH ARENDT, AVEC ET CONTRE
MICHEL FOUCAULT

I- Hannah Arendt : origines et obstination du désastre


 L’enjeu des camps

- C’est dans les camps que se dévoile l’entreprise totalitaire dans sa pleine extension :
« produire un homme nouveau » = déshumanisé/ une humanité abolie.
Ex : le développement du goulag en URSS est le débouché naturel de la terreur de masse,
un point de non-retour où le système de parti unique se transforme en totalitarisme
classique.

Lieu vers lequel convergent tous les processus d’irrationalisation du régime totalitaire,
le camp est le pivot et le débouché essentiel de la dictature totalitaire :

Ex : Les convois pour Auschwitz ont la priorité sur ceux qui conduisent les unités de la
Wehrmacht sur le front de l’Est.
Les unités spéciales du NKVD demeurent employées sur le « front intérieur » aux
moments les plus critiques de l’affrontement avec la Wehrmacht.

Pour Hannah Arendt l’objectif et l’enjeu des camps n’est pas tant d’assurer l’ordre par
des moyens terroristes que d’être le creuset de l’objectif final des régimes totalitaires :
l’enjeu des camps est « la domination totale de l’homme »
Or dit Hannah Arendt « la nature humaine étant ce qu’elle est, cet objectif ne peut être
atteint que dans les conditions de vie qui sont celles des camps et grâce à la terreur que
celles-ci font naître »

 L’actualité du totalitarisme p66 Habermas

- Il y a un réel problème de connaissance des camps de concentration et Auschwitz tend


à intégrer les stratégies discursives dans la condition « d’atout du malheur européen »
destiner à refouler/ minorer d’autres récits d’infortunes
Ex : Sous le musée de l’Holocauste de Washington on retrouve un triple oubli
commémoratif : génocide indien, servitude noire, apocalypse d’Hiroshima.

- L’exploitation de l’imaginaire antitotalitaire par le consensualisme démocratique a


masqué les fractures et les catastrophes les plus insupportables qui parcourent le
présent.

Ex : Le génocide rwandais ne devient visible aux yeux de l’opinion française que
lorsque s’engage l’opération militaro-humanitaire -> l’instrumentalisation de
l’imaginaire totalitaire par le consensualisme démocratique rend innommable la
catastrophe du présent.

 Mécanique de la méconnaissance

Le peuple allemand a subit cette mécanique de la méconnaissance durant l’après-


guerre : ce qui détermine le comportement des allemands c’est le fait qu’ils ont perdu la
guerre et non le fait qu’ils ont vécu une expérience luciférienne
-> Attitude de refus « profond, entêté et parfois pervers » d’admettre ce qui s’est
réellement passé.

«  Leur conversion au système démocratique est passive et cynique à la fois : tout se passe
comme si, après avoir fait l’expérience de l’idéologie nazie, les Allemands s’étaient
convaincus que n’importe quoi ferait l’affaire. » Après le nazisme : les conséquences de la
domination

 Masse et désolation

L’enracinement du totalitarisme est dû à l’expérience de masse de la désolation :

Dans Origines du totalitarisme, Hannah Arendt rattache le totalitarisme à l’expérience


moderne de la « désolation ».
Désolation = « expérience d’une absolue non-appartenance au monde » une des
expériences « les plus radicales et les plus désespérées de l’homme ».
Cette expérience est celle de ces hommes «  écrasés les uns contre les autres » dans la
masse.
 Le spectre de la répétition

Une expérience qui a marqué la condition humaine :

Primo Lévi parle des « naufragés et rescapés » et désigne par là non pas seulement les
survivants des camps mais génériquement la condition des hommes, de l’humanité
après cette expérience de « l’enfer moderne ». Les naufragés et les rescapés, quarante
ans après Auschwitz (1889)

Hannah Arendt explicite en réalité la modalité spécifique de la « répétition » du


totalitarisme dans le monde réchappé des expériences totalitaires : « un bouclage de la
boucle où l’on voit les croisades antitotalitaires emprunter au patrimoine propagandiste
totalitaire, les victimes recourir à l’arsenal des bourreaux (déplacements de population)

Une spirale que voit à l’oeuvre Hannah Arendt lorsque durant la guerre du Vietnam, les
images mensongères viennent jouer, dans la propagande américaine, le rô le que les
idéologies jouaient dans le discours totalitaire.

II- Michel Foucault : du disciplinaire au totalitaire


 Faire vivre, tuer la vie

« Le pouvoir est partout » selon Foucault, il est conçu comme un bio-pouvoir (= Il est
tourné vers la majoration de la vie et repousse la mort sur son bord extérieur). Il
aménage la vie et participe également à la création des conditions de prolifération. C’est
la caractéristique du pouvoir moderne et dans sa conférence « Faire vivre et laisser
mourir : la naissance du racisme » Foucault montre que l’Etat-nation tel qu’il se forme au
19ème en créant des espaces où le pouvoir est omniprésent a participé à un basculement.
Alors que le souci était de déployer la vie une limite pour les pouvoirs modernes se
profile vers la mort.
« Cette limite où le pouvoir de faire vivre bascule en pouvoir de vouer à la mort, où la
fabrique du vivant bascule en usine de mort ».

Ex : Auschwitz n’a de sens que dans ce qui en constitue l’infini, Auschwitz n’est pas
assigné à un lieu, une conjoncture particulière. Auschwitz est l’expérience de cette limite
interminable d’un projet de séparation « souveraine » de l’humanité d’avec elle même.
C’est une coupure entre ceux qui doivent vivre et proliférer et les autres déshumanisés
et qui doivent mourir.

 Les maladies du pouvoir

Ex : En 1890 à Saint-Pétersbourg, à l’occasion d’un congrès consacré aux sciences


pénales, un criminologue français M. Léveillé dit à ses collègues russes : « tout le monde
sait aujourd’hui que l’hérédité joue un rô le essentiel dans le développement de la
criminalité, qu’il n’y a aucun espoir de réformer les criminels-nés. Que faire d’eux ? Dans
nos pays nous ne savons trop qu’en faire. Mais vous, les Russes, vous avez la Sibérie : ne
pourriez-vous pas les installer dans des sortes de grands camps de travail et, du même
coup, exploiter et valoriser ce territoire extrêmement riche ? »

Foucault exhibe avec sarcasme l’éclat de sens qui jaillit de « la rencontre secrète entre le
docte Léveillé et l’exterminateur Staline ». C’est la démocratie et un certain libéralisme
qui a mis au point des techniques extrêmement coercitives, en contrepoids de la liberté
économique et sociale car « on ne pouvait libérer les individus sans les dresser ».

 Fabriquer l’effroi

La terreur totalitaire est l’échec de la discipline, elle ne produit pas seulement de


l’instabilité mais surtout elle n’a pas pour fonction de produire de l’ordre parmi les
vivants, d’organiser et de quadriller la vie. Sa fonction est de produire de la mort,
produire du néant et saper les conditions de toute production de la vie.
Foucault, entretient dans le Nouvel Observateur en 1957 :

« La terreur, ce n’est pas le comble de la discipline, c’est son échec. Dans le régime
stalinien, le chef de la police lui-même pouvait être exécuté un beau jour en sortant du
Conseil des ministres. Aucun chef du NKVD n’est mort dans son lit. Disons que la terreur
est toujours réversible ; elle remonte fatalement vers ceux qui l’exercent. La peur est
circulaire. »
-> La peur remonte vers sa source, elle produit de l’instabilité

 Le panoptique et le télécran

Qu’est ce que le Panopticon de Bentham ?


« Le paradigme du pouvoir-regard, qui, d’un coup d’œil circulaire, embrasse la totalité de
l’espace social, qui, invisible, voit sans être vu et dont on ne sait jamais s’il exerce sa
surveillance ou non »
-> Le Panopticon trouve son accomplissement ultime dans les sociétés totalitaires
-> Le Panopticon totalitaire n’est pas seulement le regard glacé de l’Un-seul incarné par
sa police politique mais c’est un plus vaste réseau. Il passe largement par les individus et
la délation.
-> La délation est le pouvoir totalitaire disséminé à l’extrême, remis aux sujets de l’Etat
totalitaire voués à s’épier les uns les autres.

Ex : Pavlik Marosof dénonçant ses parents et devenus après sa mort un martyr et
l’exemple de l’homme nouveau que veut créer le régime totalitaire.

 La prison, le mirador, la mort

« Le camps relève du même topos réclusionnaire que la prison » 

-> La prison et tout le système pénal ne sont pas tournés vers la rééducation des
délinquants, déviants et criminels ni vers leur réintégration dans le circuit de la vie mais
vers la mort.
Ex : Le procès de Christian Ranucci le 9 mars 1976 et s’est conclu par une condamnation
à mort pour l’enlèvement et le meurtre d’une fillette de 8 ans Marie-Dolorès Rambla. Il
est le premier condamné à mort guillotiné sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing.
Mais pour Michel Foucault la cérémonie des Assises n’a pas pour fonction de sanctionner
un crime mais de produire un coupable. « On ne punit pas un acte, on a à châ tier un
homme, c’est du criminel qu’ont besoin la presse et l’opinion. »
« Le psychiatre avait devant lui un Ranucci déjà titulaire d’un crime puisqu’il l’a avoué : il
n’y avait plus qu’à lui bâ tir une personnalité de criminel ».
« Du bon usage du criminel », Le Nouvel Observateur

Prologue II : De la catastrophe en littérature

Dans Nous autres réfugiés, Hannah Arendt écrit  «  Nous vivions actuellement dans un
monde où les êtres humains en tant que tels ont cessé d’exister depuis longtemps déjà  ».
Ce monde, la littérature de la catastrophe le connaît bien, mais s’est souvent heurté aux
limites du langage pour dire l’inconcevable.

Deuxième Partie :
DÉ BATS : D’UN EXTRÊ ME L’AUTRE
 Mondialisation démocratique et Tchernobyl politiques

La diffusion du Démocratique se fait aujourd’hui sur le mode de l’expansion de la


puissance, de l’imitation et de l’élimination du différend. Cette diffusion est exposée à la
création sur ses bords de moments où éclate l’ultra-violence.
-> Les prolongements extrêmes ou génocidaires des totalitarismes sont à mettre en
relation avec la mondialisation du paradigme démocratique.
«  Cette irruption incessante du barbare dans les brèches de la rationalisation
démocratique de l’Histoire post-communiste menace la stabilité de l’édifice tout entier ».

 Les maîtres classeurs

- Les historiens et intellectuels ont eu du mal classé les crimes proférés au 20ème siècle
-> Comment définir un génocide ?
« Intention de destruction d’un groupe identifié selon ses caractéristiques ethniques,
nationales, raciales ou religieuses. » Yves Ternon : L’Etat criminel, les génocides au
XXème siècle

Le crime stalinien est il selon cette définition qui insiste sur l’intentionnalité un
génocide ?

-> Les preuves de l’intentionnalité du crime stalinien existent et sont cités par les
spécialistes ayant accès aux archives soviétiques ».
Ex : Lettre adressé par N.Ejov chef du NKVD le 30 janvier 1937 qui dresse la liste par
catégories des « éléments antisoviétiques ».
« Les éléments les plus actifs des éléments recensés ci-dessus doivent être arrêtés et,
après passage de leur affaire par voie administrative devant une troïka, fusillés »

 Une mémoire captive

Avec la multiplication contemporaine des théâ tres de l’extrême le discours sur la


singularité de la Shoah a subit une double contrainte :
- penser le rapport entre ces nouvelles formes de violence
- cela en réaffirmant le statut « à part » du judéocide
-> L’appréciation des nouveaux crimes par les historiens rappelle inexorablement à
l’expérience de la Shoah

Pourtant l’expérience de la Shoah laisse perplexe et il est souvent compliqué de


comprendre les raisons d’une telle cruauté.

Jankélévitch dans L’imprescriptible (1971) exprime cette incompréhension face à cette


terreur des camps :

Ex : « On croyait savoir et on ne savait pas encore, ni à quel point. Nous-même qui
aurions tant de raisons de savoir, nous apprenons chaque jour quelque chose de
nouveau, une invention particulièrement révoltante, un supplice particulièrement
ingénieux, une atrocité machiavélique .... Faire du savon ou des abat-jour avec la peau
des déportés...On n’en a jamais fini d’approfondir ce mystère de la méchanceté gratuite »

 Les enjeux du nombre

- On parle de 6 millions de morts juifs mais Raul Hilberg en dénombre un peu plus de
5 millions dans ses calculs les plus récents.
- Alain Blum montre dans Naître, vivre et mourir en URSS qu’un génocide est aussi une
catastrophe démographique, « un objet qui se cerne en termes mathématiques » cela
vaut pour la collectivisation forcée en URSS ainsi que pour le génocide juif.
- Le nombre importe pour la connaissance et la reconnaissance d’un crime et peut être
manipulé par l’Etat :

Ex : article publié dans le monde par Ali Habib pour les 50 ans du massacre de Sétif
(Algérie)
« Les historiens français se livrent depuis un demi-siècle à une bataille de chiffres
morbide, basée dur des témoignages souvent sujets à caution... ne faudrait-il pas
mieux chercher la raison de ce « flou » sur le nombre des victimes dans la volonté
délibérée des autorités coloniales de l’époque de cacher la vérité ? Beaucoup de
documents ont été détruits, d’autres ... sont encore, et pour longtemps, inaccessibles
au public ».
 Les énoncés fragiles

- On observe une hétérogénéité des témoignages et récits des camps qui s’inscrivent
dans des topographies différentes. La problématisation des crimes nazis crée ses
contraintes, ses zones d’exposition et d’autres zones moins exposées ou éludées.

Ex : En mai 1990 le cimetière juif de Carpentras est profané, le film d’Alain Resnais
fut présenté à des lycéens au prix d’un réel contresens. Présenté comme un
témoignage de l’extermination des Juifs par les nazis alors que la déportation, la
condition et la topographie concentrationnaires en sont le véritable objet en sont le
véritable objet

 Le goulag ni vu ni connu

- Il se passe en France particulièrement comme un effet d’éclipse comme si les crimes


stalinien et nazi ne pouvaient être visibles en même temps avec la même acuité
- On a parfois tendance à oublier la dimension idéologique du crime soviétique et le
poids des déterminations idéologiques sur les décisions de l’É tat.
-> Elles sont pourtant bien visibles :

Ex : En 1919 P. Mironov figure de la guerre civile dénonce dans une « lettre à Lénine » le
massacre des Cosaques du Don mené en 1919. Mironov annonce ici en quelque sorte
l’avenir exterminateur de la révolution soviétique.
« Le parti communiste que vous dirigez ne pense qu’à exterminer les Cosaques, qu’à
détruire le genre humain... Je ne peux pas accepter cette politique qui consiste à dire :
« Détruisez tout, qu’un nouveau monde surgisse »».

 L’utopie, le camp

- L’Etat soviétique s’efforce de va afficher les ambitions humanitaires des camps et


notamment dans le Code du travail correctif de 1924 et veut rejeter les « séquelles de
la loi primitive du talion »

Ex : Le camp des Solovki mis en place au début des années 20 est un exemple de l’utopie
concentrationnaire et prô ne le discours sur l’autogestion au sein du camp. A l’entrée du
camp on peut lire sur une pancarte «  Nous montrerons une voie nouvelle la terre, le
travail sera le maître de l’univers ». On prô ne ici la régénération par le travail qui doit
produire des miracles comme celui de Naftali Frankel un « self made man » des camps.
Arrivé en 1925 à Solovki comme simple bû cheron il gravit les échelons du camps et
reçoit finalement un poste qui lui donne une autorité sur des dizaines de milliers de
personnes.

 Le malheur comme représentation

- L’une des conséquences visible de la 2nd Guerre mondiale a été l’enracinement sur le
vieux continent d’un temps démocratique régulier et homogène. Cependant il y a
comme une liaison fatale de la démocratie au récit de la catastrophe qui est tout le
temps disponible au cœur de nous-mêmes.
- La représentation dune catastrophe ne cesse d’en cacher une autre : un accident
routier ou une famine peut refouler la tragédie commençante du Rwanda en avril
1994.
Le cinquantième anniversaire de la libération d’Auschwitz croise le malheur des flots
déchainés des cours d’eau français en janvier 1995.

Ex : En évoquant l’épidémie au Rwanda qui succéda au massacre Rony Brauman dans
Devant le Mal : Rwanda, un génocide en direct, (1994) écrit :
« Qu’il était bon ce choléra ! Si bon que d’Europe, d’Amérique et d’Asie ont alors accouru
tous ceux que les massacres qui l’avaient précédé avaient à peine troublés... Quelle
aubaine de voir un génocide transformé en vaste à théâ tre humanitaire où tous,
rescapés, complices, innocents et bourreaux prennent enfin la seule figure désormais
convenable, celle de la victime. ».

Conclusion :

Alain Brossat croit fermement en la persévérance de l’Histoire ainsi son livre tend à
redéfinir les caractéristiques du devoir de mémoire. Si un discours sur la singularité de
la Shoah domine dans cette ouvrage Alain Brossat s’efforce de montrer les liens entre les
différentes expériences de l’Extrême. Conscient de l’importance et l’actualité de ce
discours il cherche à tirer les enseignements de ces expériences de manière à mieux
cerner les catastrophes que nous vivons aujourd’hui. Il apparaît en effet que les
dynamiques des discours qu’ils soient de l’ordre de la mémoire collective ou du travail
des historiens semblent éprouver les mêmes difficultés de problématisation.
Le camp est un enjeu essentiel pour l’Etat totalitaire et apparaît comme le paroxysme du
totalitarisme concentrant en lui-même les caractéristiques de ce pouvoir. Le camp est
également un lieu sur lequel s’est construit un discours parfois idéalisé et fondé sur des
énoncés fragiles, des discours qui avec lesquels nous devons composer car ils
constituent une réelle source de connaissance pour que le « plus jamais ça ! » prenne
tout son sens. Cette connaissance est un réel enjeu contemporain, un enjeu compliqué à
saisir «  La catastrophe résiste à la compréhension comme le vampire se défie de la
lumière du jour ». Il faut désormais trouver quelle est la part de l’élément objectif dans
les discours d’un présent qui tend de plus en plus à penser la catastrophe et qui doit
également connaître la part de l’imaginaire, du fantasme, de la peur et de l’espérance.
Alain Brossat les traitements produit les spécialistes qui tendent à singulariser chaque
pan de l'horreur des camps et de l’orienter vers un passé révolu, refusant par exemple
d'associer l'histoire des camps à l'actualité concentrationnaire en ex-Yougoslavie ou
Rwanda.

Sujets pouvant convoquer les notions présentes dans cet essai :

- Le travail de mémoire
- La singularité des camps
- Le discours sur l’horreur/ l’Extrême
- Surveiller et punir
- Les régimes totalitaires et l’expérience concentrationnaire
- Enoncés et discours historiques
- Les « bio-pouvoirs »
Ps : Cette fiche convoque de nombreuses notions philosophiques qui peuvent bien
évidemment être utilisées dans des sujets de Philosophie.
Ex : Où s’arrête le rô le de l’Etat, Surveiller et punir etc...

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