Douleur Thoracique Aigue
Douleur Thoracique Aigue
Douleur Thoracique Aigue
DOSSIER 111
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BSIP
SOMMAIRE
111
DOULEUR
Démarche
diagnostique
THORACIQUE AIGUË
114
Orientation
et examens Chaque année en France, environ 120 000 victimes d’infarctus.
115 La douleur thoracique aiguë est un motif de Interrogatoire : fondamental
Conclusion
consultation fréquent, tant en médecine générale1
qu’en médecine d’urgence,2 avec des incidences Une douleur typique malgré un ECG normal est
respectives de 3 à 5 %. Néanmoins, si la démarche plus évocatrice qu’un ECG montrant des anomalies
diagnostique reste la même, les étiologies diffèrent mais sans douleur. On recherche les facteurs de
largement ; les causes cardiovasculaires prédomi- risque cardiovasculaires (âge, sexe, diabète, HTA,
nent dans les services d’urgences, tandis que les tabagisme, hypercholestérolémie, surpoids…) et
atteintes pariétales et musculo-squelettiques sont de maladie thrombo-embolique veineuse (anté-
prépondérantes en médecine de premier recours cédents personnels ou familiaux, pathologie de
(tableau 1). Évaluer sa gravité est fondamental en la coagulation, facteurs de risque thrombo-embo-
pratique courante : il faut éliminer les diagnostics lique…). L’interrogatoire précise les antécédents
les plus graves (syndrome coronarien aigu [SCA], cardiovasculaires (en particulier coronariens), les
embolie pulmonaire, dissection aortique, pneumo- traitements en cours et les caractéristiques de la
thorax, pneumopathie, péricardite aiguë) [fig. 1]. douleur.
La douleur liée à une coronaropathie aiguë
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE est classiquement médiothoracique antérieure
constrictive, intense et prolongée. Elle irradie vers
Elle repose sur le trépied interrogatoire, examen le cou, la mâchoire, les membres supérieurs et les
clinique et ECG. L’immense majorité des douleurs épaules. Déclenchée par un effort ou un stress, elle
Par Gérald Kierzek thoraciques vues en cabinet ou au domicile peu- n’est ni aggravée ni reproduite par les mouvements
service des urgences-SMUR, vent être filtrées et diagnostiquées grâce à ces trois ou la palpation thoracique, contrairement à une
Hôtel-Dieu-Cochin, AP-HP,
75004 Paris ;
éléments, qui orientent vers d’autres examens douleur d’origine musculo-squelettique. D’autres
université Paris-Descartes. complémentaires (biologiques et radiologiques en localisations ou caractéristiques plus atypiques
gerald.kierzek@htd.aphp.fr particulier) et/ou une hospitalisation en urgence. comme un siège épigastrique, une douleur de la
Rétrosternal Épaule
✔ Ischémie myocardique ✔ Ischémie myocardique
✔ Douleur péricardique ✔ Péricardite
✔ Douleur œsophagienne ✔ Pleurésie
✔ Dissection aortique ✔ Douleur musculosquelettique aiguë
✔ Embolie pulmonaire
Interscapulaire
✔ Ischémie myocardique
✔ Dissection aortique Bras
✔ Douleur musculosquelettique ✔ Ischémie myocardique
✔ Douleur vésiculaire
✔ Douleur pancréatique
Fig. 1 – Localisations mâchoire ou des brûlures rétrosternales isolées ne embolies pulmonaires ou un SCA peuvent se
habituelles des douleurs doivent pas dispenser d’un ECG systématique. manifester par une douleur d’allure pariétale,
thoraciques selon les
Une douleur pleurétique évoquant une origine notamment chez le sujet âgé.
principales étiologies.
pleuropulmonaire (pleurésie, pneumopathie…) est D’emblée, une douleur thoracique typique et/ou
le plus souvent latéralisée, inhibant la respiration des antécédents cardiovasculaires (SCA, embolie
profonde et irradiant vers l’épaule homolatérale. pulmonaire…) doivent motiver un appel au
L’intensité du point de côté brutal est souvent SAMU-centre 15 et des examens complémentaires
maximale d’emblée dans le pneumothorax (PNO), en urgence.
la pneumopathie ou l’embolie pulmonaire.
La dissection aortique (DA) provoque quant à elle Examen clinique
une douleur très intense, migratrice dans le dos et Les paramètres vitaux doivent être recueillis
accompagnée de signes associés importants en rapidement : pression artérielle aux deux bras,
rapport avec l’état de choc. fréquences cardiaque et respiratoire, saturation en
La douleur pariétale, enfin, est reproduite à la oxygène (SpO2), température et score de douleur
palpation des reliefs ostéo-articulaires et augmen- (échelle visuelle analogique).
tée par les mouvements de la cage thoracique. On recherche des signes de mauvaise tolérance
Néanmoins, la douleur à la palpation a une valeur ou de gravité qui imposent des manœuvres de
diagnostique qui diminue avec l’âge. De véritables réanimation et une hospitalisation en urgence :
trouble de la conscience, syncope, sueurs pro-
fuses, cyanose, dyspnée, signes d’hypoxie, hypo-
TABLEAU 1 ÉPIDÉMIOLOGIE COMPARÉE DES CAUSES DE DOULEURS THORACIQUES8 tension artérielle, bradycardie ou tachycardie,
tamponnade…
En médecine générale Dans les structures d’urgences
Diagnostics La dissection aortique est évoquée devant une
(en % de patients présentant une douleur thoracique)
asymétrie tensionnelle aux membres supérieurs
Douleur pariétale,
(anisotension) ou des pouls (anisosphygmie), une
musculo-squelettique 29 7
absence de pouls aux membres inférieurs ou un
Sphère gastro-intestinale 10 3
souffle d’insuffisance aortique non connu. Des
Origine cardiovasculaire 13 54
signes neurologiques associés, même transitoires,
Psychologique 17 9 sont très évocateurs s’ils accompagnent une dou-
Pathologie pulmonaire 20 12 leur thoracique.
Non classée 11 15 Un pneumothorax (fig. 2)est suspecté chez un
Total 100 100 sujet jeune ayant une asymétrie respiratoire
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SCA ST+
Choix
Stratégie identique
CI CI
à la TL à la TL
Si échec
fibrinolyse Si échec fibrinolyse
TL APL APL APL APL TL
Centre de cardiologie
Fig. 3 – Stratégie de
Le délai porte à porte doit s’intégrer dans le délai global de prise en charge qui ne doit pas être supérieur à 90 min. reperfusion d’un SCA ST+
TL : thrombolyse ; APL : angioplastie ; CI : contre-indication. non compliqué) d’après4.
SCA DA EP PNO PA
Douleur Serrement (étau) ; prolongée, déjà Douleur brutale, intense, Basithoracique brutale, Brutale Précordiale prolongée,
ressentie lors d’un accident coronarien prolongée, migratrice transfixiante inhibant l’inspiration
antérieur, superficie étendue, au repos, (thorax, abdomen, profonde, nitrorésistante,
nitrorésistante, brutale, intense, rétro- irradiations dorsales) facteur positionnel
sternale en barre, constrictive , irradiant
au bras gauche, au poignet, à la mâchoire
Contexte Facteurs de risque cardiovasculaire : HTA Antécédents de MTE, Grave si turgescence Contexte grippal
âge, sexe, hérédité, HTA, grossesse, alitement, cancer, jugulaire, terrain asthmatique,
hypercholestérolémie, diabète, voyage long sujet jeune marfanoïde
tabagisme, sédentarité, surpoids, stress
Examen Non contributif Choc, sueurs, souffle d’IA, Tachycardie, dyspnée brutale, Peu de dyspnée, diminution
physique anisotension, disparition IVD, angoisse, toux, du murmure vésiculaire
du pouls fémoral, hémoptysie, parfois fièvre et des vibrations vocales,
signes déficitaires signes de TVP tympanisme
ECG Anomalies du segment ST dans Normal (sauf dissection BBD, S1Q3, tachycardie, Sus-ST diffus,
2 dérivations concordantes, en miroir coronaire) sous-décalage PQ
modifications récentes
(bloc de branche gauche)
RP Non contributif Élargissement du médiastin Surélévation coupole, Clichés en inspiration/
épanchement pleural, expiration, attention aux petits
atélectasie, hyperclarté décollements difficiles à voir
Biologie Troponine Non contributif Gaz du sang, D-dimères CRP, NF
Autres Échographie Doppler MI, scintigraphie, Échographie
transœsophagienne, scanner angioscanner, écho cœur (parfois normale
péricardite sèche)
BBD : bloc de branche droit ; IA : insuffisance aortique ; IVD : insuffisance ventriculaire droite ; MTE : maladie thrombo-embolique ; RP : radiographie pulmonaire ; TVP : thrombose veineuse profonde.
;
Dans l’embolie pulmonaire, l’ECG est aspécifique dissection aortique, embolie pulmonaire ou de
et peut montrer une tachycardie sinusale, un clas- pneumothorax, un transfert rapide via le SAMU-
sique aspect S1 Q3 T3 (à savoir une onde S en D1, une centre 15 s’impose vers une structure d’urgence,
onde Q en D3 et une onde T négative en D3), une voire de réanimation. Aucun examen complémen-
déviation axiale droite et un bloc de branche droit. taire à ce stade.
Dans la dissection aortique, l’ECG est en règle Ainsi, les marqueurs biologiques spécifiques
normal sauf si un ostium coronarien est concerné. (troponines I et T) sont cardiospécifiques, mais leur
Au terme de l’interrogatoire, de l’examen cli- délai d’élévation étant de 4 à 6 heures, ils ne doi-
nique et avec l’ECG, le médecin est capable de stra- vent pas retarder la décision rapide de reperfusion.
tifier le risque et d’orienter le patient. Deux situa- Devant un SCA ST+, aucun dosage biologique ne
tions sont à distinguer : patient instable ou stable. doit être pratiqué.
Dans les SCA sans sus-décalage du segment ST,
ORIENTATION ET EXAMENS leur élévation permet d’identifier une situation à
haut risque nécessitant une stratégie agressive de
Patient instable reperfusion coronaire. En cas de troponine néga-
En cas de signes de gravité, de diagnostic avéré de tive initialement, un second dosage est réalisé dans
syndrome coronaire aigu ou de forte suspicion de un délai de 4 à 6 heures pour vérifier l’absence de
nécrose myocardique.
Les autres explorations – dont l’échocardiographie
Que dire à vos patients en urgence – sont également inutiles pour décider
de la reperfusion. Cet examen peut néanmoins
La douleur thoracique est le principal symptôme de
l’infarctus. Typiquement, elle serre comme un étau
être utile en cas de doute pour établir le diagnostic
derrière le sternum et monte parfois dans la mâchoire différentiel et sera fait en milieu hospitalier.
ou le bras. D’autres symptômes sont possibles : Le traitement de l’IDM aigu repose sur une reper-
essoufflement, pâleur, sueurs… Certains infarctus fusion précoce de l’artère coronaire en cause, car le
donnent des signes très discrets, simples nausées
pronostic est directement corrélé à cette précocité.
et/ou douleurs du creux de l’estomac.
Comme chaque minute perdue aggrave le risque,
Deux stratégies sont disponibles : pharmacolo-
il faut limiter tout retard dans l’appel au SAMU- gique (thrombolyse) ou mécanique (angioplastie).
centre 15 et « prescrire le 15 ». Quelle qu’elle soit, la réduction du délai entre les
premiers symptômes et la reperméabilisation est
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