Neuromyélite Optique
Neuromyélite Optique
Neuromyélite Optique
Neuromyélite optique
L
Thomas Roux, a neuromyélite optique (NMO), géographique.2 Les populations asia- – myélite transverse extensive
Élisabeth Maillart, ou neuromyelitis optica spec- tiques et africaines ont un risque (étendue sur au moins trois corps
Caroline Papeix trum disorder (NMOSD), re- augmenté de développer la maladie. vertébraux) avec un syndrome
Hôpital La Pitié- groupe différentes affections Contrairement à la SEP, il n’est ce- sous-lésionnel sensitif et moteur,
Salpêtrière, service inflammatoires du système nerveux pendant pas observé de gradient et le plus souvent des troubles
de neurologie, Paris, central (SNC). Ses caractéristiques Nord-Sud influant l’incidence. En vésico-sphinctériens ;
France. CRC-SEP Paris. physiopathologiques, cliniques, revanche, il existe un sex-ratio en- – hoquet et vomissements incoer-
Centre des maladies radiologiques et sa prise en charge core plus prononcé que pour la SEP, cibles qui peuvent être isolés à la
inflammatoires thérapeutique diffèrent nettement avec une atteinte plus fréquente des phase initiale (atteinte de la paroi
rares du cerveau de celles de la sclérose en plaques femmes (9/1 pour la NMOSD contre postérieure du 4e ventricule dite
et de la moelle de (SEP), chef de fil des maladies in- 3/1 pour la SEP). L’âge médian de sur- area postrema) [fig. 2] ;
l’enfant et de l’adulte flammatoires du SNC. La NMOSD a venue de la maladie est de 39 ans, – atteinte des paires crâniennes
(Mircem) été initialement décrite en 1894 mais elle peut se déclarer à tout âge dans les lésions du tronc cérébral ;
par Eugène Devic et était autrefois avec parfois des formes sévères – narcolepsie par atteinte des neu-
thomas.roux@aphp.fr
connue sous le nom de maladie de chez les patients de plus de 65 ans. rones hypothalamiques sécrétant
Devic. La première description est L’association avec une autre maladie l’hypocrétine en cas d’atteinte bila-
T. Roux déclare celle d’une patiente ayant dévelop- auto-immune comme le lupus ou la térale diencéphalique ;
des interventions pé sur un mois une névrite optique myasthénie n’est pas rare et concerne – plus rarement, en cas d’atteinte
ponctuelles pour
bilatérale sévère ainsi qu’une environ un quart des patients. sus-tentorielle, encéphalopathie,
Alexion, Biogen,
myélite transverse responsable voire crises généralisées.
BMS-Celgene, Merck,
d’une tétraplégie et dont l’issue a Une évolution par Dans les atteintes les plus sévères,
Novartis, Sanofi
été fatale. L’autopsie a révélé l’ab- poussées avec des il peut y avoir, à la phase aiguë, une
Genzyme et avoir
sence d’atteinte de l’encéphale, séquelles importantes atteinte respiratoire engageant le
été pris en charge
à l’occasion contrairement à ce qui était observé pronostic vital. La récupération est
de déplacement dans la SEP. Jusqu’à la fin du La NMOSD est, comme la SEP, une beaucoup moins bonne qu’après
pour congrès par XXe siècle, la reconnaissance de la maladie évoluant par poussées. Ce- une poussée de SEP, les poussées
Biogen, Merck, Teva. maladie de Devic comme une entité pendant, les poussées de NMOSD pouvant laisser des séquelles im-
à part entière ou comme une forme se distinguent par leur sévérité, portantes : tétra- ou paraplégie,
E. Maillart et particulière de SEP, dite optico- pouvant aller jusqu’au décès en l’ab- cécité, troubles vésico-sphincté-
C. Papeix déclarent spinale, était débattue. La décou- sence de traitement rapide et adap- riens sévères. Le diagnostic d’une
des interventions verte en 2004 des anticorps anti- té. Contrairement à la SEP, il n’y a poussée de NMOSD doit donc être
ponctuelles pour Biogen, aquaporine 4 (AQP4), spécifiques de pas d’évolution progressive du han- rapide, pour une prise en charge
Merck, Novartis, Roche, la maladie, a permis de définitive- dicap. Celui-ci est uniquement lié thérapeutique en urgence.
Teva, Alexion, Sanofi, ment clore ce débat.1 aux séquelles des poussées.
BMS et avoir été pris Les atteintes cliniques typiques des Des critères diagnostiques
en charge à l’occasion Les femmes plus poussées sont en rapport avec la dis- révisés en 2015
de déplacement pour fréquemment atteintes tribution des lésions dans le SNC :
congrès par Biogen, – névrite optique rétrobulbaire Depuis leur première version en
Merck, Novartis, Roche, La prévalence mondiale de la (NORB) sévère, volontiers étendue, 1999, 3 les critères diagnostiques
Teva, Alexion, Sanofi. NMOSD varie entre 0,52 et 4,4 pour parfois bilatérale, pouvant toucher ont évolué et ont été révisés en
100 000 patients selon l’origine le chiasma (fig. 1) ; 2010 puis en 2015.4 Actuellement,
A B C
Figure 1. Névrite optique bilatérale (A) et (B) prise de contraste après injection de gadolinium étendue des deux nerfs optiques ; (C) hypersignal T2 associé (d’après Shor N, et al.
Rev Neurol 2020).
A B C
Figure 2. Atteinte de l’area postrema chez une patiente suivie pour une neuromyelitis optica spectrum disorder (NMOSD) avec anticorps anti-aquaporine 4 (anti-AQP4) positifs.
Hypersignal FLAIR en avant du 4e ventricule en séquences axiales (A, B) et sagittale (C).
ils permettent le diagnostic d’une l’aquaporine 4 (AQP4).1 Ceci explique il est important d’utiliser la tech-
NMOSD si deux atteintes cliniques les localisations habituelles des lé- nique offrant la meilleure sensibilité
typiques surviennent de manière dis- sions retrouvées dans la maladie : le et spécificité : la technique de réfé-
tincte dans le temps ; une de ces at- nerf optique, la moelle épinière, l’area rence est un test cellulaire (cell-
teintes au moins doit être une NORB, postrema, le tronc cérébral, le dien- based assay [CBA]).6
une myélite longitudinale transverse céphale. Les anticorps anti-AQP4,
ou une atteinte de l’area postrema. Par une fois fixés sur leur cible, dé- Éliminer les diagnostics
ailleurs, la présence à l’imagerie par clenchent l’activation de la cascade différentiels avec la ponction
résonance magnétique (IRM) de lé- du complément, entraînant une des- lombaire
sions compatibles et en rapport avec truction astrocytaire, et secondai- Par ailleurs, la ponction lombaire est
les atteintes cliniques est nécessaire, rement une démyélinisation et une indispensable pour ne pas mécon-
ainsi que l’exclusion d’éventuels mort neuronale.5 La physiopathologie naître un diagnostic différentiel,
diagnostics différentiels. Enfin, si est donc bien distincte de celle de la notamment infectieux. Habituelle-
les anticorps anti-AQP4 sont posi- SEP. Ainsi, si la myéline est la cible ment, il est constaté une méningite
tifs, la présence d’une seule atteinte primaire de la réaction inflammatoire lymphocytaire qui, contrairement à
clinique typique est requise (tableau).4 au cours de la SEP, la NMOSD AQP4+ la SEP, peut se manifester par un im-
peut être définie comme une astro- portant taux de leucocytes, jusqu’à
La présence d’anticorps cytopathie auto-immune. Les causes plusieurs centaines par millilitre.
anti-aquaporine 4 entraîne une de l’origine de la production des an- De plus, la présence de bandes oligo-
astrocytopathie auto-immune ticorps anti-AQP4 et les conditions clonales (BOC) est bien moins fré-
Les anticorps anti-AQP4 sont des an- permettant l’initiation du processus quente que dans la SEP (de 15 à 30 %
ticorps dirigés contre une protéine lésionnel restent inconnues. versus 90 %) ; leur absence constitue
des pieds astrocytaires, au contact du Pour ne pas conclure à tort à une un argument supplémentaire pour
liquide céphalorachidien (LCR) : négativité des anticorps anti-AQP4, le diagnostic de NMOSD.7
Différencier NMO et tudinale étendue mais sans anticorps est volontiers, comme dans la NMO,
pathologies liées aux anti-AQP4 mettaient en évidence des bilatérale et sévère. Un œdème pa-
anticorps anti-MOG anticorps anti-MOG positifs chez 16 pillaire est possible et le segment
à 23 % des patients.11, 12 Les dernières antérieur du nerf optique est préfé-
L’étude du sérum de patients ayant données montrent cependant que le rentiellement touché. Contrairement
une maladie remplissant les critères spectre phénotypique est bien plus à la NMO, l’atteinte du chiasma est
de NMOSD mais sans anticorps anti- étendu : encéphalomyélites aiguës rare et la récupération est meilleure.
AQP4 a permis la découverte d’une disséminées (ADEM : acute demyeli- Concernant les myélites, l’atteinte du
nouvelle entité caractérisée par nating encephalomyelitis) de l’enfant, cône terminal est plus fréquente et
la présence d’anticorps anti-MOG. atteintes du tronc cérébral, myélites doit faire évoquer le diagnostic (fig. 3) ;
La protéine MOG (myelin oligodendro- courtes « SEP-like », encéphalites… les myélites « courtes » ne sont pas
cyte glycoprotein) est une protéine Il est maintenant établi qu’il s’agit rares (presque 40 % dans la cohorte
constitutive de la myéline présente d’une entité à part entière récem- française).13
sur la face externe de sa gaine. Les ment dénommée MOGAD (MOG an- Sur le plan diagnostique, au-delà
anticorps anti-MOG ont autrefois été tibody-associated disease). des caractéristiques cliniques sus-
décrits dans de nombreuses maladies Comme dans la SEP, la physiopatho- citées, la détection des anticorps
neurologiques incluant des patients logie des poussées se caractérise dans le sérum est indispensable.
atteints de SEP, voire des sujets sains. par une démyélinisation, mais le Cependant, 13 % des patients ont des
Mais des travaux récents ont permis profil immunologique des lésions anticorps présents seulement dans
de montrer que, comme pour les anti diffère. Par ailleurs, le rôle patho- le liquide céphalorachidien ; leur
corps anti-AQP4, la spécificité était gène direct des anticorps anti-MOG dosage au cours d’une ponction
bien meilleure en recourant à une reste à prouver. lombaire est donc indispensable
technique de détection par CBA per- Sur le plan épidémiologique, il ne en cas de conviction clinique forte,
mettant d’utiliser la MOG dans sa semble pas y avoir de différence de contrairement à la NMOSD pour la-
conformation native.8 Cela a permis prévalence selon le sexe ou l’origine quelle un dosage sérique suffit.
la description, en 2011, des premiers géographique. La maladie prédo- Le pronostic est globalement meil-
cas de patients adultes présentant mine chez les enfants, avec davan- leur que chez les patients présen-
un phénotype similaire à la NMO, tage de formes monophasiques. tant des anticorps anti-AQP4, avec
puis aux premières séries de cas en Chez les adultes, la névrite optique une meilleure récupération à dis-
2014.9, 10 Deux études rétrospectives constitue le mode d’entrée majori- tance des poussées. Cependant, en
portant sur des patients ayant pré- taire dans la maladie (61 % dans la cas de myélite, des séquelles sont
senté une myélite transverse longi- cohorte française MOGADOR).13 Elle possibles, notamment sur le plan
vésico-sphinctérien en corrélation roïdes à fortes doses par voie intra- Pas de traitement
avec la plus grande prépondérance veineuse (méthylprednisolone), à la de fond validé pour
des lésions thoraciques. Il existe des posologie de 1 g par jour pendant au la pathologie liée
formes monophasiques qui sont plus minimum trois jours et jusqu’à dix aux anticorps anti-MOG
fréquentes chez les patients avec une jours si nécessaire. En cas d’atteinte Pour la pathologie liée aux anticorps
disparition des anticorps à distance sévère, il ne faut pas hésiter à démar- anti-MOG, la prise en charge des
de la poussée. rer en parallèle des perfusions, dès J1 poussées est identique. Les symp-
ou J2 si besoin, des séances d’échanges tômes sont très corticosensibles et
Prendre en charge plasmatiques qui peuvent être pour- cela peut constituer un argument
les poussées en urgence, suivies le temps de la récupération. La diagnostique.
puis éviter les récidives rapidité de l’initiation du traitement En revanche, il n’y a pas de recom-
conditionne le pronostic de récupé- mandations officielles ni d’essais
Pour la prise en charge, il faut distin- ration.14 randomisés concernant le traitement
guer le traitement des poussées et de fond, et les données manquent sur
le traitement de fond. Instaurer un traitement de l’efficacité des différents traitements.
fond dès la première poussée Il est maintenant établi qu’il ne doit
Limiter les séquelles Un traitement de fond doit être pro- être démarré qu’en cas de pathologie
Le traitement de la poussée repose posé dès la première poussée de chronique, c’est-à-dire après un deu-
sur des perfusions de corticosté- NMOSD et une fois le diagnostic éta- xième épisode. Par analogie, l’aza-
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