Droit Des Obligations Contractuelles
Droit Des Obligations Contractuelles
Droit Des Obligations Contractuelles
Afin de cerner la notion de contrat, il est important de déterminer le rapport contractuel d’un
côté et de préciser son fondement d’un autre côté.
Le contrat est défini comme une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent
envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. Le contrat est
ainsi générateur d’obligations, c’est- à-dire qui fait naitre des obligations. Dans cette définition
le mot le plus important est sans doute le mot convention. Il signifie qu’il y a un accord de
volontés. Le législateur dans l’article 23 COC a insisté sur cet élément lorsqu’il a édicté que « la
convention n’est parfaite que par l’accord des parties sur les éléments essentiels de
l’obligation ».
Le contrat n’est qu’une variété de convention. Le contrat a pour objet la création d’obligations.
C’est l’acte de transférer la propriété et de recevoir le prix dans le contrat de vente. Une
convention a pour objet de créer une obligation ou d’y mettre fin, de la modifier ou de la
transmettre. Ainsi après avoir créé l’acte de vente, les parties contractantes peuvent se mettre
d’accord sur la modification du moment et du lieu de la délivrance de la chose. Elles peuvent
aussi se mettre d’accord sur la transmission du paiement du prix au profit d’une tierce
personne.
Le contrat est un accord de volontés en vue de créer des effets juridiques. En l’absence de
cette intention, un simple accord ne crée point d’obligation. Ainsi les actes de complaisance, de
bienveillance ne sont pas considérés comme des contrats. Si quelqu’un invite son ami à une
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cérémonie de diner, l’acceptation de l’invitation ne vaudra jamais un contrat car les deux amis
n’ont pas visé la création d’obligations juridiques. Si l’un d’eux se rétracte, personne ne pourra
le contraindre à exécuter son acte. Il n’en découle aucune responsabilité. Aussi, le transport
bénévole ne crée pas de relation contractuelle. Le conducteur n’a pas le droit de contraindre
l’accompagnateur à lui verser une somme d’argent.
Les contrats synallagmatiques : Il s'agit de contrats qui reposent sur la réciprocité des
engagements des parties. Ces contrats sont bilatéraux : ils créent des obligations
interdépendantes, chacun s’obligeant à quelque chose envers l’autre partie. C’est le cas de
nombreux contrats, et notamment le contrat de location, par lequel le propriétaire s’engage à
donner des locaux dont le locataire pourra jouir paisiblement en échange du paiement du loyer
par ce dernier. En cas de non-exécution de l’une des parties, le contractant peut se prévaloir
d’une exception d’inexécution qui lui permet en retour de ne pas respecter son engagement.
Les contrats unilatéraux : Il s'agit d'un contrat par lequel seule une ou plusieurs parties
s'engagent : l'obligation d'exécuter une prestation ne revient qu'à l'une des parties, l'autre ne
s'étant en rien engagée. Un seul original du contrat suffit donc dans ce cas ; il est remis au
créancier. C'est le cas des donations, qui n’engagent que celui qui donne.
Aussi appelé contrat de bienfaisance, le contrat à titre gratuit procure à une partie « un
avantage purement gratuit ». Par ce contrat, on ne cherche pas l'engagement réciproque. C'est
le cas de la donation, par lequel aucun acte en retour n’est demandé au bénéficiaire.
Le contrat à titre onéreux engage chacune des parties à verser un avantage à l’autre. Il peut
s’agir d’une vente, d’un échange, etc.
Le contrat commutatif existe lorsque « chacune des parties s’engage à donner ou à faire une
chose qui est regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne, ou de ce que l’on fait pour
elle ». Dans ce type de contrat, les obligations sont certaines et déterminées : les prestations
sont fixées dès la conclusion du contrat.
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Au contraire, le contrat aléatoire existe « lorsque l’équivalent consiste dans la chance de gain
ou de perte pour chacune des parties, d’après un évènement incertain ». Cela suppose la
survenue d’un évènement qui n’aura pas nécessairement lieu, mais qui conditionnera les
termes du contrat lorsqu'il surviendra. Le contrat d’assurance est un contrat aléatoire car il
suppose la survenue d’un accident par exemple alors même que le contrat, lui, est déjà signé.
Le contrat consensuel est seulement formé par un échange entre les parties qui s’engagent,
sans aucune formalité. Les parties conviennent donc de dispositions sur un simple accord.
Les contrats réels supposent la remise d’une chose : c'est l’objet même du contrat. En cas de
défaut de remise, le contrat est donc considéré comme non formé.
Le contrat instantané repose sur une exécution immédiate : les prestations sont exécutées en
un trait de temps. Ainsi d’une vente.
Le contrat à exécution successive s’amorce dans le temps, pour une durée déterminée ou non.
C'est par exemple le cas du bail, contrat par lequel il existe un rapport juridique permanent
d’obligation ; en revanche, pour les contrats à exécution échelonnée, il s’agit d’opérations
relativement indépendantes qui établissent des contrats peu dépendants.
Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales soustraites à la négociation sont
déterminées à l'avance par l'une des parties.
Le contrat de gré à gré est au contraire librement négocié entre les parties, ce qui place ces
dernières sur un même pied d’égalité.
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SECTION DEUXIEME : LE FONDEMENT DU RAPPORT CONTRACTUEL : LE PRINCIPE DE
L’AUTONOMIE DE LA VOLONTE
Il s’agit d’un principe de philosophie juridique selon lequel l’obligation contractuelle repose
exclusivement sur la volonté des parties.
Le principe de l’autonomie de la volonté est fondé sur quelques préceptes simples. L’homme
nait libre. S’il s’oblige, s’il accepte de limiter sa volonté, c’est par sa volonté. Si l’individu ne
peut s’obliger que par sa volonté, c’est cette volonté qui crée les effets du contrat et qui en
détermine le contenu. En outre, l’homme ne peut agir contre ses intérêts. Par conséquent,
lorsque l’individu souscrit des obligations et limite par là même sa volonté, c’est parce qu’il y a
intérêt. Les obligations qui ont été volontairement consenties ne peuvent être que justes et il
ne peut y avoir d’injustice dans le contrat. Le contrat est nécessairement juste.
Le principe de l’autonomie joue un rôle important à propos des effets du contrat. L’article 242
du COC donne au contrat une force obligatoire extrêmement sacrée. Le contrat fait office de
loi entre les parties, ce qui implique l’absence de possibilité de révision du contrat, sauf accord
des parties. « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites ». Le contrat a été conclu, il est nécessairement juste. Il doit donc être exécuté tel quel :
il ne peut pas être modifié par la suite, à moins que les parties ne consentent à cela.
L’ordre public de direction est un véritable ordre public économique. L’ordre public de
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direction aboutit à la réglementation de certains contrats.
Ainsi, et en premier lieu, dans le contrat de location agricole tel qu’organisé par la loi de 12 juin
1987,2 le législateur est intervenu dans le contenu des obligations des parties en délimitant la
durée et le loyer de la location. Le législateur exige le respect des mentions obligatoires
nécessaires pour la description du terrain. De même à la différence du contrat de location de
droit commun, le législateur exige l’écrit ainsi que l’enregistrement pour la validité du contrat
de location agricole. Les objectifs de ces exigences sont de nature économique. Le législateur
cherche à encourager les investissements dans le domaine agricole considéré comme l’un des
piliers de l’économie nationale. Cet interventionnisme touche les secteurs de l’économie
nationale comme l’industrie, le tourisme et l’habitat.
Il est nécessaire d’intervenir pour l’Etat à travers la loi dans le cadre contractuel, afin de
protéger certaines catégories sociales. De là est né l’ordre public social qui est un ordre public
de protection des catégories sociales particulièrement défavorisées. Il s’agissait des salariés,
des agriculteurs et des commerçants. Aujourd’hui, il s’agit de protéger les consommateurs.
L’ordre public de protection a notamment pour objet de remédier aux abus des contrats
d’adhésion. Il aboutit à la réglementation autoritaire de certains contrats comme le contrat de
transport ou d’assurance. Ainsi, le contenu du contrat d’assurance est fixé par l’Etat et
pratiquement les compagnies d’assurance n’ont pas la possibilité de modifier les points
essentiels du contrat. La loi de 9 mars 1992 portant Code des assurances fixe la majorité des
éléments constitutifs du contrat. De même, la loi du 26 février 1990 détermine le contenu du
contrat de promotion immobilière dans le but de protéger l’acquéreur contre les abus
habituels du prometteur considère comme professionnels. Aussi la loi du 29 juillet 1991
relative à la concurrence et au prix telle que modifiée et révisée en 1993-1995-1999 et 2003 et
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la loi du 7 décembre 1992 relative à la protection du consommateur interdisent et
sanctionnent le refus de vente et la vente sous condition. Elles imposent aux vendeurs des
obligations de garantie et de fournir des services après-vente
Enfin, toujours en vue de protéger certaines catégories sociales, le législateur intervient pour
imposer cette fois un contrat. Le contrat imposé peut se traduire concrètement de deux
façons. D’abord, le législateur impose une obligation de contracter. Tel est le cas en matière
d’assurance automobile. L’article 110 du code des assurances prévoit qu’il est obligatoire pour
tout automobiliste, c’est-à-dire tout propriétaire d’un véhicule terrestre à moteur et ses
remorques, de souscrire un contrat d’assurance responsabilité civile qui le couvre contre les
conséquences des accidents dont il est responsable.
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CHAPITRE PREMIER : LA FORMATION DU CONTRAT
La validité du contrat exige le respect des conditions de sa formation (Section 1). Le non-
respect de ses conditions entraine la nullité du contrat (Section 2).
L’article 2 du COC détermine les conditions nécessaires pour la validité des obligations qui
dérivent d’une déclaration de volonté. Il s’agit de la capacité, du consentement, de l’objet et de
la cause. Une condition supplémentaire est exigée pour certains actes juridiques qui pour être
valables doivent respecter une certaine forme.
Paragraphe 1. La capacité
Il n’est possible dans le cadre de la théorie des obligations de revenir en détails sur le droit des
incapacités qui sont assez long à décrire. Il conviendra donc et simplement de rappeler
brièvement quelques règles essentielles et de les adapter à la matière des contrats. En premier
lieu, il convient de rappeler la distinction entre les types de capacité. En second lieu, il importe
de préciser son régime juridique.
A. La capacité de jouissance
La capacité de jouissance est une qualité inhérente à toute personne lui permettant de
bénéficier des droits et de supporter des obligations. Elle découle de sa jouissance de la
personnalité juridique à partir de sa naissance jusqu’à sa mort. En son absence, l’individu perd
toute capacité. Mais l’incapacité peut être spéciale, c’est-à-dire empêchant un individu d’être
titulaire d’un droit subjectif. Etant exceptionnelle, cette incapacité implique que l’individu qui
en est frappé ne se voit retirer qu’un droit ou quelques droits subjectifs. Mais il demeure
titulaire d’autres droits subjectifs. L’exemple de la vente pendant la dernière maladie traduit le
caractère spécial de cette incapacité. De même le législateur interdit aux magistrats, greffiers,
avocats et mandataires de se rendre acquéreurs des droits litigieux qui sont de la compétence
des tribunaux dans le ressort desquels ils exercent leurs fonctions.
B. La capacité d’exercice
La capacité d’exercice est l’aptitude à exercer les droits dont on est titulaire. De ce fait, toute
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personne physique qui n’est pas déclarée incapable par la loi peut contracter par elle-même
des engagements. L’article 3 du COC édicte que « toute personne est capable d’obliger et de
s’obliger sauf si elle est déclarée incapable par la loi ». A la différence du cas précédent,
l’individu qui en est frappé a des droits subjectifs mais il ne peut les exercer lui-même. Les
mineurs non émancipés et les majeurs protégés n’ont pas de capacité d’exercice en dehors des
exceptions définies par la loi.
§ 2. Le régime de la capacité
On entend par régime juridique les règles qui gouvernent les actes accomplis par l’incapable.
L’absence de discernement est le fondement de l’incapacité. Elle est constatée soit par l’âge
soit par l’aliénation des facultés mentales.
Concernant l’âge, d’après l’article 7 du COC « est majeur tout individu âgé de dix-huit ans
révolus ». Au-dessous de cet âge, l’individu est considéré comme incapable c’est-à-dire inapte
à contracter lui-même ses engagements. Cependant, certains individus, n’ayant pas atteint
l’âge de 18, peuvent s’obliger sans représentation lorsqu’ils ont été émancipés par une
décision du juge. Ainsi, le mineur qui atteint l’âge de 15 ans peut être autorisé à exercer le
commerce et l’industrie. De même, le mineur qui atteint l’âge de 17 ans peut être autorisé à
accomplir tout seul le contrat de mariage.
En dehors de ces cas, l’individu est considéré comme incapable. L’incapacité est ou bien
absolue ou bien limitée. Sont absolument incapables de contracter, si ce n’est par les
personnes qui les représentent, les mineurs jusqu'à l’âge de 13 ans révolus et les majeurs
atteints d’une aliénation mentale qui les privent de leur faculté. Il s’agit du dément qui selon
l’article 160 du Code de statut personnel a perdu complètement la raison. En revanche, ont
une capacité limitée les mineurs ayant l’âge de 13 ans jusqu’à 18 ans révolu assistés par leurs
père ou tuteur, les interdits pour faiblesse d’esprit ou prodigalité non assisté par leur conseil
judiciaire dans les cas où la loi acquière cette assistance et enfin les interdits pour insolvabilité
déclarée.
Le faible d’esprit est celui qui ne jouit pas de la plénitude de sa conscience, qui conduit mal ses
affaires, ne connait pas les transactions courantes et se trouve lésé dans ses actes d’achat et de
vente. Le prodigue est celui qui ne gère pas convenablement ses biens et s’y livre à des
prodigalités c’est-à-dire des dépenses sans raison.
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Paragraphe 2 : Le consentement
Le consentement peut être défini comme une manifestation de volonté, qui dans un contrat,
exprime un accord sur les propositions du cocontractant. Le contrat se forme sur la base d’un
accord de volontés. Sans cet accord, il n’y a pas de consentement. Sans consentement pas de
contrat. Il s’agit là d’une expression fondamentale du principe de l’autonomie de la volonté.
Certes, le contrat forcé n’est pas absolument inexistant. Mais sa consécration ne porte pas
atteinte au statut fondateur du consentement de la quasi-totalité des contrats. Le contrat forcé
reste une modalité exceptionnelle extrêmement rare en pratique. Le consentement prend
deux aspects dans sa fonction de former le contrat. Il doit exister (§ 1). Il doit être intègre,
c’est- à- dire avoir été donné librement et en connaissance de cause (§ 2).
§ 1. L’existence du consentement
1. L’offre
L’offre peut être définie comme la proposition ferme de conclure un contrat déterminé à des
conditions également déterminées. Elle constitue ainsi le premier pas vers la conclusion du
contrat. Une fois déclarée, l’offre va engendrer des effets.
L’offre est exprimée par la volonté d’une seule personne. Il ne s’agit pas d’une convention qui
exige la présence de deux volontés au moins donc de deux personnes au moins. Le fondement
de la validité de l’offre se trouve dans l’article premier du COC qui retient la déclaration
unilatérale de volonté comme source d’obligation.
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Il n’est pas nécessaire que l’offre soit adressée à une personne déterminée. Elle peut être
adressée au public comme dans le cas de la mise en enchères. L’article 36 du COC précise que
la proposition est réputée acceptée par celui qui offre le dernier prix. De même, dans les
contrats intuitu personae, c’est- à-dire les contrats dont la considération de la personne est
importante, comme dans les contrats de mandat, de donation ou de travail, l’offre exprimée
par le proposant exige son approbation en dépit de son acceptation par l’intéressé.
L’offre pour être valable doit être suffisamment précise. Il faut qu’elle puisse être suivie d’une
acceptation. Pour être précise, il faut que l’offre porte sur les éléments essentiels du contrat
tels que mentionnés dans l’article 2 du COC. S’il s’agit d’une vente, l’offre doit préciser la
nature de l’opération précisément une vente et non une promesse de vente ou donation, le
prix à payer et l’objet. Ces éléments considérés comme essentiels sont en effet ceux retenus à
propos de la vente par l’article 564 du COC.
L’offre doit être extériorisée, sinon personne n’en aura connaissance et le contrat ne sera
jamais conclu. L’offre peut être expresse ou tacite. Concernant la première forme, il faut
rappeler qu’on est parfaitement libre d’exprimer. C’est le principe de l’autonomie de la volonté
ainsi que le principe du consensualisme qui commande cette liberté. Il ne doit pas y avoir de
forme pour exprimer une offre de contracter. La volonté est toute puissante à elle seule.
L’offre peut donc être expresse et elle résulte d’une action en vue de porter la proposition de
contracter à la connaissance d’autrui. Il peut s’agir d’une lettre, d’une annonce, d’un
téléphone, il peut s’agir même d’un signal en l’occurrence lever la main pour arrêter un taxi.
Les annonces d’emploi ne sont pas des offres de contrat de travail. La proposition n’est pas
dénuée de valeur mais s’analyse à une simple invitation à entrer en pourparlers, une invitation
à négocier.
L’offre aussi peut être tacite et elle résulte de toute action qui présuppose la volonté de
contracter. Ainsi, il y a offre tacite de vente de marchandise exposée dans la vitrine d’une
boutique. Il y a offre tacite de transport lorsqu’un un taxi stationne dans un emplacement qui
lui est consacré. Cependant, le législateur impose une certaine forme pour l’offre exprimée en
matière de vente à distance. Les risques de la contractualisation par internet justifient le
recours au formalisme afin de protéger une catégorie de contractants.
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L’offre doit être distinguée d’une simple invitation à entrer en pourparlers et d’un appel
d’offre. Il s’agit d’une simple suggestion d’un contrat qui n’atteigne pas le statut de l’offre. Par
exemple, on vend une automobile au plus offrant. Aussi, l’annonce n’est pas une offre de
contrat de travail d’autant plus que celui qui a effectué l’annonce se réserve le droit de décider
le sort de la candidature après examen. Cette distinction vise à caractériser l’offre qui constitue
une partie intégrante du contrat. Ferme, précise et certaine, l’offre une fois acceptée fonde la
formation du contrat. Il est impossible de concevoir l’existence d’un contrat sans offre.
Cette formation du contrat se réalise dans la majorité des cas d’une manière immédiate.
Quotidiennement, on conclut des contrats constitués par des offres qui ne permettent aucune
discussion. Ainsi, lorsqu’on achète des produits exposés dans un supermarché, lorsqu’on prend
un taxi ou un bus, on ne discute pas le prix. Le contrat se conclut immédiatement. Cependant,
dans certaines situations, comme dans l’offre avec délai surtout en matière de contrat entre
absents appelé aussi contrat par correspondance, la conclusion du contrat nécessite un laps de
temps pour la réflexion et pour l’arrivée de l’acceptation chez l’offrant.
Deux questions doivent être analysées : la force obligatoire de l’offre d’un côté et la caducité
de l’offre d’un autre côté.
Deux hypothèses sont à envisager. L’offre avec délai et l’offre sans délai.
L’offre avec délai : L’article 33 du COC dispose que « celui qui a fait une offre en fixant un délai
est engagé envers l’autre partie jusqu'à l’expiration du délai ». Dans ce cas, le fondement de la
force obligatoire de l’offre réside dans la déclaration unilatérale de la volonté. Le législateur
dans l’article 1 du COC a considéré la déclaration unilatérale de volonté comme source
d’obligation. C’est l’offrant qui s’est engagé par sa propre volonté en fixant un délai pendant
lequel il est tenu de respecter sa proposition. Sa rétractation avant l’expiration du délai ne
vaut. Si une acceptation lui parvient pendant le délai, le contrat sera conclu.
L’offre sans délai : En l’absence d’un délai, l’offre perd en principe toute force obligatoire si
elle n’est pas acceptée. Libéré de toute obligation, l’offrant peut se rétracter à tout moment.
Cependant, le défaut d’une fixation de délai n’implique pas forcement l’absence de tout délai
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pendant lequel l’offrant sera tenu de respecter sa proposition. Deux situations sont à envisager
à cet égard.
Première situation : L’article 34 du COC dispose que « celui qui a fait une offre par
correspondance sans fixer un délai est engagé jusqu’au moment où une réponse expédiée dans
un délai raisonnable devrait lui parvenir régulièrement si le contraire ne résulte expressément
de la proposition ». Le législateur a ainsi consacré le système de la réception qui implique que
le contrat est conclu dès que l’offrant a eu la possibilité de connaitre l’acceptation. La réception
fait présumer l’information, fait présumer que l’on a pris connaissance. Le délai raisonnable est
ainsi situé entre l’émission de l’offre jusqu’à la réception de l’offre. La jurisprudence a précisé
que le délai raisonnable est le temps nécessaire pour les agents de la poste de délivrer la
réponse à quoi s’ajoute un délai supplémentaire de réflexion limitée en fonction des relations
contractuelles. Pendant ces délais, l’offrant est obligé de respecter sa proposition. Il n’a pas le
droit de se rétracter. Dans ce cas, le fondement de la force obligatoire de son offre se trouve
dans la loi et non pas dans la volonté. C’est le législateur et non l’offrant qui a imposé le délai
raisonnable.
Deuxième situation : L’article 27 du COC dispose que « l’offre faite à une personne présente
sans fixation de délai est non avenue, si elle n’est pas acceptée sur-le-champ par l’autre partie.
Cette règle s’applique aux offres faites au moyen du téléphone par une personne à une
autre ». Cette disposition implique-t-elle que l’offre sans délai perd toute force obligatoire si
elle n’est pas acceptée immédiatement ? L’offrant peut-il révoquer son offre à tout moment
sans aucune responsabilité tant que le contrat n’a pas été conclu ?
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Dans la version arabe du COC, le législateur parle du « conseil » qui signifie le cadre des
transactions entre les personnes présentes et qui s’étale sur une période bien déterminée.
Celle-ci commence par l’ouverture du conseil et se termine par sa fermeture. La détermination
du délai relève du pouvoir souverain des juges du fond en fonction des usages et la nature du
contrat. Si au cours de ce délai, l’offrant a révoqué son offre et si cette offre a fait l’objet d’une
acceptation, le contrat est considéré comme conclu. Malgré la révocation de l’offre, le contrat
est considéré comme définitif. Le fondement de l’établissement de ce délai ainsi que de la
force obligatoire réside non pas dans la volonté de l’offrant mais plutôt dans la loi.
Une offre est un acte juridique qui n’a pas vocation à conserver sa valeur éternellement. Deux
situations sont à envisager lorsque l’offre devient caduque : ou bien la caducité est légale ou
bien elle illégale.
La caducité légale : L’offre perd sa valeur lorsque le délai d’acceptation est expiré. De même
elle perd sa valeur avant même l’expiration du délai s’elle a été refusée par le destinataire de
l’offre. Dans ce sens, l’article 31 du COC dispose que « une réponse conditionnelle ou
restrictive équivaut au refus de la proposition accompagnée d’une proposition nouvelle ».
Cependant l’offre ne devient pas caduque lorsque l’offrant vient à mourir. Le principe veut que
les engagements souscrits par un débiteur se transmettent à ses héritiers lors de sa mort.
L’offre étant un engagement unilatéral de volonté, la mort a pour effet de transmettre cet
engagement aux héritiers du décujus. Toutefois, l’article 35 du COC exige l’absence de
connaissance du décès de l’offrant par le destinataire de l’offre avant son acceptation pour que
l’offre se transmette aux héritiers. Dans tous ces cas aucune responsabilité de l’offrant n’est
engagée.
La caducité illégale : Dans ce cas, l’offrant est considéré comme responsable du dommage
causé au destinataire de l’offre. La sanction sera une condamnation à des dommages et
intérêts. Ainsi, si l’offrant ne respecte pas le délai fixé par lui – même ou déterminé par le juge,
il encourt une sanction sous forme d’indemnité. Certes, le contrat ne sera pas conclu, mais la
responsabilité de l’offrant est engagée. Il s’agit d’une responsabilité contractuelle lorsque le
délai est fixé par l’offrant lui-même sur la base de la déclaration unilatérale de volonté. Il s’agit
d’une responsabilité délictuelle lorsque le délai est fixé par la loi sur la base de sa faute
délictuelle régit par les articles 82 et 83 du COC.
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2. L’acceptation
Cela dit, l’acceptation peut être expresse ou tacite. L’acceptation expresse sera verbale ou par
écrit. L’article 31 du COC précise que : « la réponse est répartie conforme aux offres lorsque
celui qui répond dit simplement qu’il accepte ». Elle prend même résultat d’un acte ou d’un
geste qui, d’après les usages, ne peut avoir été accompli qu’en vue d’accepter tel est le cas par
exemple du fait de lever la main dans une vente aux enchères.
L’acceptation peut en outre être tacite et résultat d’un acte d’où l’on peut enduire la volonté
de contracter. Le même article dispose que « ou lorsqu’il exécute le contrat sans faire aucune
réserve ». L’exécution du contrat proposé s’effectue lorsqu’un commerçant expédie la
marchandise qu’on lui a commandé. Bien plus, l’article 29 du COC précise que « lorsqu’une
réponse d’acceptation n’est pas exigée par le proposant ou par l’usage du commerce, de
contrat est parfait dès que d’autre partie en a entrepris l’exécution ». Les transactions
commerciales en cours de répétition n’exigent pas à chaque fois, une acceptation expresse.
Se pose cependant le problème du silence. Est-ce que l’acceptation peut résulter du simple
silence du destinataire de l’offre ? La réponse est par la négative. Le silence en droit civil ne
vaut pas acceptation. C’est un principe commun qui est consacré même par le droit musulman.
Il s’agit effet de protéger la volonté contre les contrats forcés. Il n’est pas juste, raisonnable
pour quelqu’un, qui par négligence ou par manque d’information, refusant de répondre à une
offre de contrat, serait engagé malgré lui et serait obligé d’exécuter les obligations qu’il n’a
certainement pas voulues.
Mais ce principe connaît des exceptions : l’article 42 du COC dispose que : « le consentement
ou la ratification peuvent résulter du silence, lorsque la partie, des droits de laquelle on
dispose, est présente ou en est dûment informé, et qu’elle n’y contredit point sans qu’aucun
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motif légitime justifie son silence ». La justification de cette exception découle du fait que
l’offre, dans ces cas, est faite dans le seul intérêt de destinataire.
Il y souvent entre commerçants un fort échange d’affaires qui se manifeste par la conclusion de
multiples contrats ; ces contrats s’exécutent en permanence et, par conséquent, il n’est pas
nécessaire de systématiquement exprimer son acceptation à la suite de l’offre d’un nouveau
contrat.
La promesse est un contrat qui oblige son débiteur appelé promettant à promettre un contrat
au créancier appelé bénéficiaire de cette promesse. Il s’agit donc d’une convention qui réunit
au moins deux personnes qui s’accordent à conclure le contrat définitif. La promesse de
contrat est ainsi un avant –contrat. Quels sont les types de promesse ? (1) Quel est leur régime
juridique qui leur est applicable ? (2).
C’est un contrat par lequel le promettant s’engage envers le bénéficiaire à conclure un futur
contrat dont les conditions sont déjà déterminées, si ce dernier le lui demande dans un délai
défini. Cet accord engage le promettant à respecter sa promesse sans engager le bénéficiaire
que reste libre d’accepter ou de refuser la proposition. L’exemple très courant de la promesse
unilatérale est la promesse unilatérale de vente. Dans cet accord, le promettant s’engage à
vendre un bien sans que l’autre partie soit engagés à acheter. Le promettant confère au
bénéficiaire une option d’achat indiquant qu’il n’y a pas de caractère obligatoire pour le
bénéficiaire.
C’est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes s’engagent l’une envers l’autre à
conclure un futur contrat déterminé. Les parties ne sont pas prêtes à conclure le contrat
définitif à cause du défaut de certaines conditions ou de certaines formalités nécessaires. En
attendant l’accomplissement des exigences contractuelles comme l’obtention d’un prêt pour le
payement du prix ou d’une autorisation administrative, les parties s’engageant
réciproquement à conclure le contrat définitif lorsque les différentes conditions suspensives se
trouvent réunies. Le compromis de vente est l’exemple typique de la promesse
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synallagmatique de contracter. Il s’agit d’un engagement ferme et définitif d’acheter et de
vendre un bien à un prix et à un montant de changes convenues sous réserve de
l’accomplissement de diverses conditions suspensives.
2. Le régime de la promesse
Le législateur tunisien n’a pas organisé la promesse de contrat dans le COC. Il s’agit donc d’un
contrat innomé soumis aux règles générales des droits des obligations. Le principe de la liberté
contractuelle constitue la source juridique de la validité de la promesse d’après lequel tout ce
qui n’a pas été interdit par le législateur est permis, est licite. Le droit commun des contrats
régit donc la promesse quant à ses conditions mais aussi quant à ses effets.
La validité de la promesse nécessite la réunion de toutes les conditions exigées pour le contrat
définitif. Si les parties se sont engagées à conclure une vente, la promesse doit comporter tous
les éléments constitutifs de la vente à savoir la chose et ses qualités et le prix à payer. Si le
contrat est une location, la promesse doit réunir toutes les conditions de validité de ce contrat
à savoir la chose à louer et le loyer à payer.
En revanche, la fixation d’un délai ne constitue pas une condition de validité de la promesse.
Mais, en fait, il n’est pas possible de concevoir une promesse sans délai. Ce dernier peut être
fixé expressément par les parties à la promesse. Il peut être induit des circonstances de
l’accord et déterminé par les juges du fond sur la base de leur pouvoir souverain.
L’accord de volontés est le fondement de la promesse qu’elle soit unilatéral ou bilatérale. Elle
tire sa force obligatoire de la rencontre des deux volontés constitutives de la convention.
Cependant, la promesse n’engendre pas les mêmes effets attendus du contrat définitif. Une
promesse de vente ne comporte aucune obligation ni de transférer la propriété ni de payer le
prix. Ces effets intéressent le contrat de vente définitif. La promesse de contrat ne confère
qu’un droit personnel constitutif d’une obligation de faire. Les parties ne sont engagées qu’à
concrétiser le contrat définitif dans un délai déterminé ou suite à la réalisation des conditions
prévues. La promesse conserve sa force obligatoire même après le décès du promettant. Elle
se transmet aux héritiers sans conditions de connaissance conformément à l’article 241 du
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COC.
2.2.2. La caducité
La promesse perd sa force obligatoire lorsque le délai fixé expire ou que la condition prévue n’a
pas été satisfaite. En l’absence d’un délai fixé, la promesse ne devient caduque qu’après une
interpellation formelle adressée par le bénéficiaire au promettant conformément aux articles
284 et suivant du COC. De même elle perd sa valeur avant même l’expiration du délai si elle a
été refusée par le bénéficiaire de l’option.
La caducité implique, dans ces cas, l’extinction des engagements qui en découlent sans
qu’aucune responsabilité ne soit invoquée.
En dehors de ces cas et lorsque l’une des parties ne respecte pas la promesse, sa responsabilité
contractuelle se voit engagée. Elle sera condamnée à des dommages et intérêts.
§ 2. L’intégrité du consentement
L’existence du consentement n’implique pas que le contrat soit définitivement valable. Encore
faut-il que l’expression de la volonté soit éclairée, soit libre. Elle doit être exempte de toute
force extérieure pouvant la vicier. Le vice du consentement est un fait qui altère le
consentement d’un sujet de droit lors d’un accomplissement d’un acte juridique. Ce vice a pour
effet de rendre cet acte nul.
Quant au consentement vicié, la volonté a été réellement exprimée et elle a rencontré l’autre
volonté sur l’objet même du contrat. Mais, elle n’a pas été prise en connaissance de cause. Elle
n’était pas libre et intègre. C’est pourquoi, la théorie des vices de consentement sert à
effectuer un contrôle sur la manière dont a été formé le contrat et non sur la substance même
du contrat. Ce contrôle a pour fonction d’annuler les contrats dont la volonté a été altérée.
Précisant dès maintenant qu’il s’agit d’une nullité relative qui implique que seul celui qui a subi
le vice peut demander l’annulation du contrat. C’est une nullité de protection qui vise à
17
préserver le consentement de la partie qui s’est engagée.
Le législateur tunisien a repris la théorie moderne des vices de consentement telle que
consacrée par le législateur français. L’article 43 du COC énumère d’une façon limitative les
vices qui sont l’erreur, le dol et la violence. Il dispose ce qui suit : « [e]st annulable le
consentement donné par erreur, surpris par dol, ou extorqué par violence ». Il en découle que
l’état d’ivresse mentionné par l’article 58 du COC, l’état de maladie indiqué par l’article 59 du
COC et la lésion régie par l’article 60 du COC ne constituent pas des vices de consentement
autonomes conduisant à la nullité du contrat. Il s’agit de faits qui peuvent favoriser l’altération
de la volonté et que le juge peut prendre en considération pour apprécier l’existence ou non de
l’un des trois vices susmentionnés.
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l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie, devra l’en informer, dès
lors que légitimement cette dernière l’ignorait.
A côté du devoir d’information, le formalisme informatif est une mesure préventive. Il consiste
à rendre impératives certaines clauses du contrat ou de l’offre afin de permettre à la partie
destinataire d’être mieux éclairée. Ce formalisme est préconisé pour les contrats de vente à
distance, de vente à tempérament, la vente d’immeuble immatriculé, de vente d’un fonds de
commerce.
Cela étant admis, il reste cependant difficile de se souscrire à la thèse de la remise en cause de
la théorie des vices de consentement. Il n’est pas judicieux, pour apprécier une institution, de
s’arrêter uniquement à la notion contentieuse du droit. Il existe des normes juridiques qui
n’ont jamais reçu application par les juges. Et pourtant, elles constituent un élément
fondamental de la cohérence du système juridique. Certaines normes jouent un rôle
pédagogique. D’autres jouent un rôle préventif en ce sens que lorsque les justiciables décident
d’intenter une action en justice, il est de leur droit de trouver une règle de droit qui donne la
solution à leur litige. De même pour le juge, l’existence d’une norme préalable est significative
de sécurité et de confiance. Il est de l’intérêt de la justice que tout litige tombe sous l’effet
d’une norme juridique.
Relativement au respect du principe de la sécurité des transactions, il est clair que le législateur
lui-même s’en est occupé dans le COC à travers sa limitation du domaine des vices du
consentement. Il n’a pas laissé la porte ouverte à l’annulation facile du contrat. L’article 43 du
COC ne retient que l’erreur (A), le dol (B) et la violence (C).
A. L’erreur
Il importe de préciser le domaine de l’erreur (1) avant de déterminer son régime juridique (2)
1. Domaine de l’erreur
Avant de déterminer les cas de l’erreur qui sont retenus par le législateur (1.2), il faut indiquer
les cas qui ne constituent pas un vice de consentement (1.1).
Trois cas sont à exclure du domaine des vices du consentement : l’erreur obstacle, l’erreur sur
la valeur et l’erreur de calcul.
19
1.1.1. L’erreur obstacle
Dans ce cas, l’erreur est telle que la formation même du contrat n’est pas concevable. Les deux
volontés ne se sont pas rencontrées. Le consentement est caduc et le contrat est inexistant.
C’est une cause de nullité absolue qui trouve son fondement dans les articles 2 et 325 du COC.
Ce peut être l’erreur sur la nature même du contrat : une partie croit vendre un terrain et
l’autre pense le recevoir en donation. Ce peut être l’erreur sur l’identité de l’objet du contrat :
une personne croit acheter un appartement au dernier étage, l’autre pense vendre un
appartement au rez-de-chaussée. Ce peut être, enfin, l’erreur sur l’existence de la cause, sur la
raison déterminante qui a conduit une partie à contracter : un père croyant son fils unique
décédé, consent une donation à une œuvre, mais le fils refait surface quelques années après.
L’erreur sur la valeur consiste en une évaluation erronée de la prestation. Il s’agit d’une
différence entre la valeur réelle et la valeur déclarée dans l’acte. Comme l’acheteur qui a
acheté trop cher ou le vendeur qui a vendu trop bon marché. Cette erreur sur la valeur n’est
pas une cause de nullité. La raison de cette solution réside dans le fait que sauf exception, la
lésion n’est pas une cause de nullité du contrat. La lésion peut être définie comme une
disproportion affectant les valeurs des prestations réciproques. L’article 60 du COC est clair sur
cette question : « la lésion ne donne pas lieu à rescision ».
Appelée encore erreur de frappe, de plume ou de rédaction, l’erreur matérielle ne donne lieu
qu’à rectification. Ainsi, l’article 47 du COC dispose que « les simples erreurs de calcul ne sont
pas une cause de résolution, mais elles doivent être rectifiées ». En dehors de ces cas, l’erreur
est constitutive d’un vice de consentement lorsqu’elle porte sur le droit ou sur les faits.
L’erreur de droit est l’erreur qui porte sur une appréciation erronée d’une règle de droit ayant
conduit un individu à croire à tort qu’il pouvait légitimement accomplir un acte. Il s’agit
précisément d’une représentation inexacte du contenu de la loi ou d’une ignorance de son
20
existence. A titre d’illustration, une personne vend sa part successorale en croyant qu’elle a
hérité le ⅛ alors qu’en réalité il s’est avéré qu’elle hérite le ¼. Ce vendeur est en droit de
demander l’annulation de la vente de sa part parce qu’il s’est trompé sur le contenu de la règle
de droit qui détermine sa part successorale.
Ce cas d’erreur ne contredit point la règle, l’adage : « Nul n’est censé ignoré la loi » consacré
par l’article 545 du COC. D’un côté, cet adage tend à empêcher toute personne de s’exonérer
de l’application d’une règle de droit en raison de son ignorance de son existence, alors que
l’erreur du droit vise le rétablissement de l’application d’une règle de droit à raison. D’un autre
côté, on s’accorde à considérer que l’adage a pour but de protéger l’ordre social, alors que cet
ordre n’est jamais menacé lorsqu’un contractant demande l’application du la vraie règle de
droit à cause de l’erreur commise dans la relation contractuelle.
L’article 45 du COC dispose que « l’erreur de fait peut donner ouverture à la rescision
lorsqu’elle tombe sur l’identité ou sur l’espèce, ou bien sur la qualité de l’objet qui a été la
cause déterminante du consentement ». L’article 46 du COC ajoute l’erreur portant sur la
personne.
- L’erreur sur l’identité : Le texte arabe utilise l’expression « l’identité même de l’objet ». Elle
peut prêter à confusion. Certains ont pensé qu’il s’agit d’un cas d’erreur obstacle portant sur
l’objet du contrat. L’acheteur croit acheter un appartement, le vendeur croit vendre un
duplexe. Mais cette erreur ne constitue pas un vice de consentement. Elle constitue un cas de
défaut de rencontre des deux volontés, donc d’absence de consentement régi par les articles 2
et 325 du COC. Pour les besoins de cohérence, ce cas ne peut figurer dans la liste des vices de
consentement. Le Paragraphe C est intitulé « des vices de consentements ».
Il s’agit en réalité d’une erreur sur la substance de la chose. La substance signifie l’ensemble
des caractéristiques internes constitutives de la chose et qui permet de la distinguer des autres
genres similaires. C’est la matière dont la chose est faite et qui lui donne sa matière spécifique.
POTHIER donnait à cet égard un exemple célèbre. J’ai acheté des chandeliers d’argent mais je
découvre que j’ai acheté en réalité des chandeliers de mine argenté. On peut aussi penser à
quelqu’un qui croit acheter un tapis en soie alors qu’il découvre qu’il a acheté en réalité un
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tapis en laine.
- L’erreur sur l’espèce : Cette erreur porte sur l’ensemble des caractéristiques apparentes,
extérieures de la chose qui permettent de la distinguer des autres genres similaires. Dans ce
cas, l’erreur porte sur la forme de la chose. Ainsi, une personne croit acheter un cheval pur
arabe alors qu’en réalité il a acheté un cheval barbe (berbère, maghreb). Ou encore, une
personne croit acheter un tapis iranien alors qu’en réalité, il a acheté un tapis berbère en laine.
A travers ces exemples, on constate que la substance ne constitue pas un critère déterminant
de classification des choses. Elle est la même pour tous les objets similaires appartenant au
même genre : les tapis en laine, les chevaux.
- L’erreur sur les qualités de la chose : Il s’agit des qualités de la chose qui a déterminé la
volonté de l’errans, que les parties ont eu principalement en vue. Cette erreur peut porter sur
l’authenticité de la chose. Un individu a cru acheter un tableau ancien et en réalité il s’agit
d’une copie. L’authenticité de l’œuvre d’art est la qualité essentielle de la prestation. Peu
importe que l’erreur soit commise par l’acheteur ou par le vendeur. Tel est le cas de l’affaire
Poussin. Une famille découvre dans le grenier de la maison d’habitation une toile assez sale.
Cette toile a été montrée à un commissaire-priseur qui considère qu’elle n’a pas une valeur
extraordinaire. Cette toile est vendue aux enchères et elle a été achetée par le Musée du
Louvre qui l’a fait restaurer. Attribuée au célèbre peintre du XVII siècle Nicolas POUSSIN, cette
toile acquiert une valeur extrême. Les vendeurs du tableau ont alors prétendu avoir commis
une erreur. L’erreur peut aussi porter sur l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la
destine. Un individu a cru acheter un terrain constructible alors qu’en réalité il s’agit d’un
terrain agricole.
L’erreur sur les qualités essentielles risque de se révéler dangereuse pour la sécurité juridique
du contrat. Une partie pourrait prétendre que telle qualité de la chose était essentielle à ses
yeux au moment de la conclusion du contrat, alors qu’elle n’en avait jamais fait état à son
cocontractant. Aussi afin de limiter ce risque, la jurisprudence a-t-elle posé une exigence ? La
Cour de cassation dans un arrêt du 6 février 1976 a considéré la demande d’annulation d’un
contrat de vente d’un terrain qui s’est avéré non constructible, infondée. Pour être fondé à se
prévaloir d’un vice de consentement, l’errans doit établir que l’erreur a porté sur « la qualité
convenue » de la chose. Pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit porter sur une
qualité défaillante de la chose qui est entrée dans le champ contractuel.
22
1.2.2.2. Les cas prévus par l’article 46 du COC
Au même titre que l’erreur sur la chose, le législateur a entendu faire de l’erreur sur la
personne du cocontractant une cause de nullité. En réalité, l’erreur sur la personne ou sur ses
qualités essentielles n’est pas par principe sanctionnée. « L’erreur portant sur la personne ou
sur sa qualité ne donne pas ouverture à résolution […] ». Elle ne constitue une cause de nullité
qu’à la condition que la personne ou sa qualité ont été l’une des causes déterminantes de
consentement donné par l’autre partie. Cela implique que l’erreur n’est une cause de nullité
que dans les contrats conclus en considération de la personne, les contrats conclus intuitu
personæ. L’erreur peut porter sur son identité, sur ses aptitudes physiques, sur ses
compétences, sur sa solvabilité, sur son passé professionnel, sur son âge.
2. Régime de l’erreur
Pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit en toutes hypothèses être déterminante et
excusable.
L’erreur est une cause de nullité lorsqu’elle a été « la cause déterminante du consentement »
de l’errans. Sans l’erreur, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des
conditions substantiellement différentes. Le caractère déterminant de l’erreur s’apprécie eu
égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. Le
critère est ainsi subjectif puisque l’appréciation s’effectue dans l’esprit de l’individu qui
décidera de contracter ou non en fonction de l’importance du degré de l’inexactitude de la
représentation. Cette subjectivité ne s’effectue pas in abstracto c’est-à-dire suivant la moyenne
des individus, le bon père de famille. Elle s’opère in concerto relativement à la personne
concernée. La subjectivité de l’appréciation n’empêche pas, cependant, de recourir à des
éléments objectifs comme l’accord des parties sur les qualités essentielles de la chose afin de
vérifier l’existence ou non du caractère déterminant de l’erreur.
En dépit de ce cas, le juge est ainsi invité à se livrer à une appréciation in concreto du caractère
déterminant de l’erreur. C’est pourquoi le législateur lui a indiqué les éléments de
l’appréciation : « dans l’appréciation de l’erreur et de l’ignorance, soit de droit, soit de fait, les
juges devront toujours avoir égard à l’âge, au sexe, à la condition des personnes et aux
inconstances de la cause » (article 48 du COC).
23
2.2. Une erreur excusable
Il ressort de l’article 44 COC que pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit être
excusable. Par excusable, il faut entendre l’erreur commise par une partie au contrat qui,
malgré la diligence raisonnable dont elle fait preuve, n’a pas pu l’éviter. Cette règle se justifie
par le fait que l’erreur ne doit pas être la conséquence d’une faute de l’errans. Celui qui s’est
trompé ne saurait tirer profit de son erreur lorsqu’elle est grossière. Le caractère subjectif de
l’erreur explique largement la difficulté de prouver l’intention réelle du contractant. D’où la
rareté de la jurisprudence en la matière et le désespoir des justiciables de voir leurs procès
acceptés.
B. Le dol
Le dol se définit comme des tromperies destinées à induire une personne en erreur. Le dol se
caractérise par des manœuvres. Il est évident que le dol est étroitement lié à l’erreur puisque
l’erreur se trouve dans la nature même du dol. Seulement, à la différence de l’erreur qui est
fondée sur une croyance erronée spontanée, le dol est fondé sur une croyance erronée
provoquée. Ou est même proche sur le plan pénal de ce que l’on appelle l’escroquerie. Mais,
c’est le dol en tant que délit civil qui nous intéresse pour constituer un vice de consentement.
L’utilité du dol est certaine par rapport à l’erreur. La preuve du dol est plus facile que celle de
l’erreur. L’erreur est un élément d’ordre purement psychologique et à cet égard elle s’avère
difficile à prouver par le demandeur en annulation. En revanche, le dol se caractérise par des
manœuvres qui s’extériorisent et donc sont plus faciles à prouver.
De plus, le dol permet d’annuler le contrat dans des hypothèses où l’erreur commise aurait été
inopérante. La dangerosité du dol explique l’élargissement de son domaine pour englober
toute sorte d’erreur même de calcul ou sur la valeur. Cette dangerosité justifie l’obtention, par
rapport à l’erreur, des dommages et intérêts.
D’après l’article 56 du COC, « le dol donne ouverture à la rescision lorsque les manœuvres ou
des réticences de l’une des parties […] ».
Les manœuvres sont définies comme toute espèce d’artifice dont quelqu’un se sert pour en
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tromper un autre, pour cacher la vérité. Les manœuvres peuvent être d’ordre matériel. Il s’agit
de présenter de faux documents ou des contrats de location à prix exagéré ou des relevés de
compte comportant des bénéfices exorbitants dans le but d’emmener le cocontractant à croire
au grand profit, à la valeur précieuse. Le domaine de commerce des automobiles d’occasion
constitue un terrain de prédilection du recours aux manouvres dolosives. Par exemple, on
utilise de la peinture pour faire apparaître une voiture toute neuve alors qu’en réalité elle est
très abimée. On trafiquera le compteur kilométrique de façon à faire croire que cette voiture a
peu roulé, alors qu’en réalité elle a roulé plusieurs dizaines, voire plusieurs certaines de milliers
de kilomètres.
Les manœuvres peuvent être aussi d’ordre énonciatif, linguistiques. Les mensonges sont
constitutifs de manœuvres dolosives. Et à la limite, on admet qu’un simple mensonge suffit
pourvu qu’il soit grave. On retrouve ici une distinction d’origine romaine entré le bonus dolus
et le malus dolus. De tout temps, en effet, on a admis qu’il était possible, de vanter, glorifier les
mérites d’un produit – la marchandise que l’on est chargé de vendre ou de distribuer. Cela fait
partie de la publicité, mais il ne faut pas exagérer et la publicité peut devenir mensongère. Il ne
faut pas tomber dans l’excès et affirmer des choses qui n’existent pas. Revenant à l’exemple du
commerce des automobiles, lorsque le vendeur exagère dans la glorification des qualités de la
voiture alors qu’il s’est avéré qu’elle a été exposée à un accident et qu’elle comportait
beaucoup de vices cachés, il a commis un dol.
Les réticences signifient le silence. Le fait de ne rien dire comme le fait de ne pas répondre à
une question posée par le cocontractant constitue un cas de dol. Les arguments avancés contre
la considération des réticences comme constitutives du dol n’ont pas convaincu le législateur. Il
n’est pas facile d’accepter que la morale n’impose pas de donner des armes contre soi. On
n’est pas obligé de dire, par exemple, que la marchandise que l’on vend n’est pas de très
bonne qualité. C’est à l’autre de défendre ses intérêts et de se renseigner. Car, devant les
professionnels, les consommateurs n’ont pas les moyens de se renseigner et de défendre leurs
intérêts. Dès lors, devant une situation d’illégalité, la morale doit laisser la place au droit. Ainsi,
on a vu apparaître des textes qui sont aujourd’hui assez nombreux et qui imposent une
obligation de renseignement et d’information à la charge du professionnel. Même en dehors
des relations contractuelles avec les professionnels, les réticences constituent une atteinte aux
devoirs de confiance, d’honnêteté, de sincérité et d’intégrité qui sont exigés par la loi, la
25
volonté ou la nature de la transaction. Ainsi, constitue une réticence dolosive le fait de
masquer sa maladie dans un contrat d’assurance ou le fait de garder le silence sur le
commencement des procédures d’expropriation pour utilité publique lors de la conclusion d’un
contrat de vente d’un terrain.
2. Le régime du dol
Quelles sont les conditions d’annulation ? Quels sont les effets de l’existence du dol ?
Deux conditions doivent être réunies : le dol doit être déterminant. Il doit aussi être commis
par l’une des personnes indiquées par le législateur.
Il faut que le dol ait un caractère déterminant. Sans les manœuvres dolosives, l’autre partie
n’aurait pas contracté. Comme en matière d’erreur, le caractère déterminant du dol s’apprécie
eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. Le
dol déterminant est qualifié de dol principal par opposition au dol incident qui, lui, n’entrainera
pas l’annulation. L’article 57 du COC précise que « le dol qui porte sur les accessoires de
l’obligation et qui ne l’a pas déterminée ne peut donner lieu qu’à des dommages et intérêts ».
Le dol accessoire n’a aucune influence sur l’existence du contrat qui aurait quand même été
conclu mais simplement à des conditions financières différentes. Par exemple, le prix aurait été
moins élevé. Cette distinction n’est pas toujours très claire, n’est pas toujours satisfaisante. Elle
reste une question de fait qui relève du pouvoir souverains des juges de fond.
Il est tout à fait normal que le dol entraine la nullité du contrat lorsqu’il émane d’une des
parties au contrat ou de celui qui la représente, indique l’article 56 du COC. Vu la dangerosité
de ce vice du consentement, le législateur n’a pas hésité à élargir le cercle des personnes
sources du dol.
D’un côté, le dol entraine la nullité du contrat lorsqu’il a été commis par un complice du co-
contractant. Il serait en effet trop de dire : ce n’est pas moi, cocontractant, qui a causé le dol,
c’est quelqu’un s’autre. Mais en réalité, si c’est un complice, si c’est une connivence qui lie les
deux personnes (entente secrète, dissimulation d’un mal, cacher ensemble), il est clair que le
26
contrat doit être annulé.
D’un autre côté, traditionnellement, on ne retient pas le dol s’il émane d’un tiers au contrat.
Cette règle est très ancienne et remonte au droit romain, car la considération du dol dans ce
cas pénalise de façon injustifiée le cocontractant qui par définition n’a rien fait. Cependant,
cette tradition n’a pas empêché le législateur de retenir le dol émanent d’un tiers. L’article 56
prévoit que « le dol pratiqué par un tiers a le même effet, lorsque la partie qui en profite en
avait connaissance ».
C. La violence
La violence comme vice de consentement se distingue, par rapport à l’erreur et au dol, par sa
dangerosité accrue puisqu’il touche à la liberté du contractant. On annulait le contrat dans les
autres vices du consentement parce que le consentement n’était pas sain, n’était pas éclairé.
La volonté exprimée était une volonté apparente, c’est-à-dire la volonté non véritable. En
revanche, le contrat est annulé pour vice de violence parce que le consentement n’est pas
libre. La victime sait qu’elle a conclu un mauvais contrat, mais elle y est contrainte pour
échapper à la menace d’un mal plus grave. Le véritable vice est non pas la violence, mais plutôt
la crainte qui en résulte. Nous étudierons successivement la notion de violence (1) et le régime
de la violence (2).
1. La notion de violence
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infligée sur le corps de la victime. A titre d’exemple, on donne des coups qui provoquent des
blessures et des douleurs, pour provoquer dans son esprit la contrainte et la peur. Le véritable
vice c’est la crainte qui résulte de l’utilisation de ces instruments. La victime se trouve dans
l’obligation de choisir entre uniquement deux choses : ou bien conclure le contrat ou bien
supporter les douleurs.
Trois conditions doivent être réunies pour que la violence entraine l’annulation du contrat.
28
menace, la victime n’aurait jamais contracté. La contrainte a atteint un degré de dangerosité
qui a conduit le cocontractant à accepter les conditions du contrat juste pour éviter le mal,
causé par la menace.
Pour que la violence entraine la nullité du contrat, elle doit être, illégitime c’est-à-dire exercée
sans l’autorité de la loi indique (article 50 du COC). Est- ce à dire qu’il y a des violences
légitimes ? Il faut distinguer entre trois hypothèses en fonction des moyens utilisés et des buts
à atteindre.
- Première hypothèse :
Si le moyen utilisé est illégitime, la menace constitue une violence indépendamment du but
recherché. Ainsi la contrainte constituée par un crime comme la menace de mort ou
d’enlèvement d’un enfant moyennant laquelle on vise l’obtention des avantages sans cause est
considérée comme illégitime.
- Deuxième hypothèse :
Si le moyen utilisé est légitime en vue de défendre des intérêts légitimes, il n’y aurait pas de
violence et le contrat est valable. Ainsi, le législateur a considéré dans l’article 52 du COC que la
menace d’exercer des voies de poursuite ou des voies de droit est légitime. En effet, un
débiteur n’est pas en droit de se pourvoir contre un contrat conclu avec son créancier sous seul
prétexte qu’il a été intimidé par les menaces que ce créancier lui a faites d’exercer
légitimement contre lui des poursuites.
La légitimité de la menace est aussi admise en cas de contrainte révérencielle qui d’après
29
l’article 55 ne donne pas ouverture à rescision. Il s’agit de la crainte de déplaire aux personnes
qui bénéficient d’une autorité morale. Comme les ascendants, les éducateurs, les supérieurs
hiérarchiques et l’employeur. Il arrive par exemple que des individus, pour faire plaisir ou ne
pas déplaire à leurs parents, acceptent de conclure un contrat qui finalement ne leur est pas
très avantageux. Cette crainte révérencielle n’est pas une cause d’annulation du contrat.
Cependant, l’article 55 exclut de la légitimité le cas où des menaces graves ou des voies de fait
s’ajoutent à cette crainte révérencielle, auquel cas le contrat sera annulé.
- Troisième hypothèse :
Si le moyen utilisé est légitime en vue d’obtenir des avantages sans cause, la menace est
illégitime et le contrat sera annulé sur la base de la violence. Ainsi, d’après l’article 52 du COC,
l’exercice de voies de recours doit être régulier. La crainte inspirée par la menace d’exercer des
poursuites est constitutive de la violence, car illégitime si on abuse de la position de la partie
menacée pour lui extorquer des avantages excessifs ou que cette menace est accompagnée de
faits constituant une violence.
Lorsque le dol s’est avéré plus dangereux que l’erreur, le législateur a élargi le domaine des
personnes sources du vice. La violence s’avère plus dangereuse que le dol. Il serait donc tout à
fait raisonnable que le législateur élargisse davantage le domaine des personnes responsable
de ce vice. La protection de la personne menacée exige un régime plus rigoureux.
La violence qui émane d’une des parties entraine naturellement l’annulation du contrat. Mais
plus encore, d’après l’article 53 du COC, « la violence donne ouverture à la rescision de
l’obligation même si elle n’a pas été exercée par celui des contractants au profit duquel la
convention a été faite ». La violence exercée par un tiers entraine l’annulation du contre. C’est
une règle différente du dol. Le législateur n’a pas exigé la connaissance du contractant des
menaces utilisées par le tiers. Le résultat peut paraître injuste pour le cocontractant puisqu’il
subit les conséquences d’une faute qu’il n’a pas commise. On fait cependant prédominer ici la
protection de la volonté de la victime en raison du degré éminent du danger.
Par ailleurs, l’article 54 du COC ajoute que « la violence donne ouverture à la rescision même
lorsqu’elle a été exercée sur une personne avec laquelle la partie contractante est étroitement
liée par le sang ». Les personnes concernées par ce lien de sang étroit sont le conjoint les
30
ascendants et les descendants.
Paragraphe 3 : L’objet
L’objet est une condition objective qui se définit comme ce à quoi le débiteur est tenu envers
le créancier. C’est le dû de l’un des contractants à qui correspond le dû de l’autre contractant.
Plus précisément, c’est la prestation promise par le débiteur : une obligation de faire ou une
obligation de ne pas faire ou une obligation de donner. On distingue traditionnellement entre
l’objet du contrat et l’objet de l’obligation. L’objet du contrat est l’opération juridique réalisée
par les parties : une vente, une location, un mandat etc. Quant à l’objet de l’obligation, c’est la
chose sur laquelle porte l’obligation. Ainsi dans le contrat de vente, il y a deux objets car il y a
deux obligations. Pour le vendeur, c’est le bien dont il va transférer la propriété à l’acquéreur.
Pour ce dernier, c’est la somme qu’il est tenu de payer au vendeur.
Le législateur a organisé l’objet des obligations dans les articles 62 à 66 du COC. Il en découle
que l’objet doit présenter certaines conditions pour que le contrat soit valablement formé. Il
doit exister (§ 1) et est déterminé (§ 2).
§ 1. L’existence de l’objet
Pour que l’objet existe, il faut qu’il soit licite (A) et possible (B).
A. La licéité de l’objet
La licéité de l’objet signifie que la chose ou les faits ou les droits incorporels doivent être dans
le commerce juridique. L’article 62 du COC définit le domaine de la circulation commerciale des
choses : « sont dans le commerce, toutes les choses au sujet desquelles la loi ne défend pas
expressément de contracter ». Tout ce qui n’est pas interdit est permis. L’interdiction est une
exception au principe de la circulation libre des choses.
31
En conséquence, lorsque le contrat a pour objet un bien qui n’est pas hors du commerce, il est
valide. Néanmoins, l’article 62 du COC précise qu’il y a des choses qui peuvent être hors
commerce toutes les fois où la loi défend expressément de contracter. Ainsi, toute chose n’est
en principe pas hors du commerce. Les choses ne sont hors commerce que lorsque la loi
l’entend ainsi. Ainsi en est-il par exemple :
- Des biens qui sont affectés soit à l’usage du public (p.ex. des voies de communication) soit à
un service public (comme un bâtiment) et soumis par conséquent à un régime juridique
particulier. En effet en tant qu’ils sont destinés à l’utilité publique, ces biens sont en principe
inaliénables, insaisissables et imprescriptibles du moins tant que dure l’affectation à l’usage du
public. Si cette affectation cesse (p.ex. une décision de déclassement prise par l’autorité public,
on déclasse un bâtiment d’utilité public en bâtiment d’utilité privée) un bien entrera dans le
commerce juridique.
- Des choses communes à savoir celles qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est
commun à tous : l’air, l’eau de mer, qui échappent pour des raisons d’utilité évidente à toute
véritable appropriation. Mais elles sont néanmoins susceptibles d’appropriation privée sur
certaines formes, par exemple le sel de mer. Aux choses communes traditionnelles, on ajoute
des choses communes immatérielles : les lois scientifiques. On dit que les idées, dans le
domaine littéraire notamment, sont de libre parcours. Les idées ne sont pas appropriables,
elles font parties d’un fonds commun de connaissance. Il existe donc des choses communes
immatérielles.
- Des choses sans maître : elles se subdivisent en deux sous-catégories. D’une part, il y a les
choses qui n’ont jamais été la propriété d’une personne. Il est essentiellement question du
gibier et des produits de la mer selon l’article 26 du Code de droit réel (CDR). D’autre part, il y a
les choses qui ont été appropriées mais ont fait l’objet d’une renonciation par leur propriétaire.
L’article 24 du CDR dispose dans ce cadre que « [q]uiconque prend possession d'un meuble
vacant et sans maître avec l'intention de se l'approprier en acquiert la propriété. Le meuble
devient vacant et sans maître lorsque son propriétaire l'abandonne avec l'intention de
renoncer à sa propriété ». L’abandon est une décision de volonté, par laquelle le propriétaire
d’une chose met fin à son droit. Cette décision typiquement abdicataire est suffisante pour
anéantir le rapport de propriété. « Nul n’est propriétaire contre son grès, nul ne demeure
propriétaire contre son grès ». Cette décision est généralement déductible d’un comportement
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qui met fin au rapport de propriété. Ce faisant, le premier qui le saisira avec l’intention de
l’acquérir en deviendra le nouveau propriétaire.
Le texte de l’article 24 du CDR fait uniquement référence aux biens meubles. Quid des biens
immeubles vacants et sans maître ? Est-ce qu’ils peuvent être appropriés lorsque leurs
propriétaires les abandonnent avec l’intention de renoncer à leur propriété ? La réponse est
donnée par l’article 23 du CDR qui dispose que « les immeubles vacants et sans maître sont la
propriété de l'Etat ».
- Du corps humain qui échappe traditionnellement à l’empire du contrat car est hors
commerce. Cela signifie qu’une personne ne peut contractuellement disposer de survivant de
toute partie de son corps. C’est l’application d’un principe de l’indisponibilité du corps humain
et partant du principe de l’indisponibilité de l’état de personne.
- Des produits toxiques, des stupéfiants, des armes à feux et des armes chimiques
B. La possibilité de l’objet
Tout objet du contrat doit être possible pour qu’il puisse être valable, car, à l’impossible nul
n’est tenu. L’impossibilité doit être absolue et non relative pour le débiteur de l’obligation. On
distingue alors entre la possibilité actuelle et la possibilité future.
1. La possibilité actuelle
L’article 64 du COC dispose ce qui suit : « [e]st nulle l’obligation qui a pour objet une chose ou
un fait impossible, physiquement ou en vertu de la loi ».
2. La possibilité future
Peut-on considérer que le contrat est valablement formé au moment de sa conclusion pourvu
que son objet existe au futur ? L’article 66 du COC pose le principe de la possibilité de l’objet
futur mais l’assortit d’une exception.
L’article 66 du COC précise que « l’obligation peut avoir pour objet une chose future et
incertaine ». Cette règle se justifie par la volonté du législateur de faciliter la conclusion de
transactions et d’encourager la circulation des richesses. Le contrat est alors valablement
formé même si l’objet fait défaut au moment de sa conclusion. Cette validité est tributaire de
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l’existence de l’objet futur.
Le fondement de l’interdiction tient à la morale : éviter ce que l’on appelle depuis le droit
romain le votum mortis, le veux appelant la mort, c’est-à-dire éviter qu’une partie à un contrat
ait un intérêt dans la mort de son cocontractant, ce qui pourrait l’amener à faciliter cette mort.
L’interdiction est justifiée aussi par des considérations juridiques : une succession non encore
ouverte ne peut faire l’objet d’une transaction car son ouverture ne s’effectue qu’après le
décès du de cujus. Avant le décès le propriétaire est libre dans les limites définit par la loi de
disposer de ses biens. D’ailleurs les intéressés par la succession (future héritier) n’ont qu’une
simple expectative de devenir héritier et n’ont aucun droit avant la mort du de cujus. Qui plus
est, les règles en matière de succession sont impératives et d’ordre publique. Toute transaction
qui vise leur détournement est considérée comme nulle et non avenue.
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2.2.2. La vente d’objet néants
L’article 574 du COC dispose qu’ « [e]st nulle la vente d’une chose inexistante, telle que des
fruits en germe ou dont l’existence est aléatoire, par exemple le produit à naître d’un animal,
une récolte non encore sortie de terre ». Il en est également ainsi de la pêche ou de la chasse à
rapporter alors que le poisson est encore dans l’eau ou que le gibier est en liberté.
C. La détermination de l’objet
L’article 63 du COC exige que « la chose qui forme l’objet de l’obligation doit être déterminé,
au moins quant à son espèce ». Pour que le contrat soit valablement formé, il faut que le
débiteur sache précisément à quoi il s’engage. L’objet doit alors être déterminé ou du moins
être déterminable. C’est alors que l’article 63 précité ajoute que « [l]a chose qui forme l’objet
de l’obligation doit être déterminé au moins quant à son espèce. La quotité de la chose peut
être incertaine pourvu qu’elle puisse être déterminé par la suite ». Traditionnellement en
distingue entre l’obligation de faire (1) et l’obligation de donner (2).
1. L’obligation de faire
Lorsque l’objet de l’obligation de faire consiste dans le payement d’un prix, ce dernier doit être
déterminé dès la conclusion du contrat ou au moins être déterminable :
- Déterminé, c’est-à-dire fixé définitivement dès la conclusion du contrat. Par exemple, dans un
contrat de ventre, le prix est arrêté à mille dinars. Dans un contrat de transport, les billets
comportent la somme à payer suivant la distance à parcourir dès sa conclusion.
- Déterminable : il arrive que le prix dans un contrat ne soit pas immédiatement fixé par les
parties au moment de sa conclusion. Dans ce cas, pour que le contrat soit valable, le législateur
exige que le prix soit au moins déterminable. Cette exigence implique en premier lieu que la
détermination du prix ne soit pas laissée à la volonté d’une des parties uniquement, et ce, pour
éviter que le cocontractant ne soit à la merci de l’autre.
Elle implique en deuxième lieu que la détermination du prix ne soit pas laissée à la discrétion
d’un tiers, fût-il le juge. Toutefois, si les parties contractantes ont eu connaissance du prix qui a
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été laissé à l’arbitrage d’un tiers, le contrat serait considéré comme valable. C’est une
hypothèse fréquente dans la pratique : le prix variera en fonction des cours (prix de la chose)
que la marchandise vaudra dans tel ou tel marché commercial.
2. L’obligation de donner
Paragraphe 4 : La cause
Historiquement, la notion de cause n’a pas été connue en droit romain. Ce n’est qu’après la
naissance du principe de l’autonomie de la volonté que la doctrine s’est intéressé à la notion
de cause. Domat puis Pothier, deux fondateurs du code civil français, soutenaient que la cause
de l’obligation est le but en vue duquel les parties ont contracté.
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De même en droit comparé, la cause en tant que condition de validité du contrat n’est pas
exigé dans tous les ordres juridiques, sous peine de nullité.
Le législateur tunisien s’est inscrit dans les systèmes causalistes (système qui exige une cause)
La cause comme condition de validité du contrat est évoquée dans l’article 67 du COC (§ 1). Les
articles 68, 69 et 70 du COC déterminent le régime de la preuve de la cause (§ 2)
§ 1. L’exigence de la cause
L’article 67 du COC dispose que « l’obligation sans cause ou fondé sur une cause illicite et non
avenu ». La cause doit exister d’une part (A) et être licite d’autre part (B).
La cause doit exister au moment de la conclusion du contrat, sans quoi le contrat sera nul de
nullité absolue. La condition d’existence confère à la cause un aspect objectif et abstrait. Il
s’agit de la cause efficiente constitutive du fait générateur de l’obligation. C’est la raison
proche, une causa proxima (en latin) qui apparaît dans le contrat lui-même. Par exemple, dans
le contrat de vente, la cause de l’obligation du vendeur est la contrepartie que l’acheteur
s’engage à verser qui est l’obligation de ce dernier, tandis que la cause de l’obligation de
l’acheteur est l’acquisition de la propriété qui est la conséquence de l’obligation du vendeur de
transférer sa propriété. Dans les contrats synallagmatiques (le contrat de vente entre autres),
l’obligation de chaque partie a pour cause l’obligation de son vis-à-vis (« si je m’engage c’est
parce que l’autre s’engage »).
L’existence de la cause est justifiée ainsi : si l’homme est vraiment libre de se lier, il n’a pas à
rendre compte des raisons qui l’ont poussées à le faire. Par conséquent, le juge n’a pas à
s’immiscer dans le contrat pour contrôler l’intention des parties et examiner les motifs qui ont
poussé chacune à conclure le contrat. Son rôle consiste uniquement à analyser le contrat pour
déceler la cause immédiate proche.
La cause doit être licite, à défaut de quoi le contrat est nul car contraire aux bonnes mœurs, à
l’ordre publique ou à la loi. Elle permet au juge de contrôler la conformité du contrat aux
exigences de la moralité et de la société.
Il est question de la cause finale, c’est-à-dire du but ultime poursuivi par celui qui s’engage.
Exemple : un individu vend un immeuble pour se procurer des liquidités. Il s’agit là de la cause
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proche, objective qui se trouve dans le contrat lui-même. Mais, la vérification de la licéité de la
cause ne se limite pas à cette donnée contractuelle. Elle nécessite la recherche des motifs de
l’obtention de la somme d’argent. Est-ce pour payer une dette ? ou spéculer en bourse ? ou se
racheter une villa ? La recherche se poursuit : pour quelle raison avez-vous acheté cette villa ?
Est-ce pour l’habitation ? pour l’exercice d’une profession ? pour la location ? ou pour le
développement d’activités de proxénétisme ? Cette fois-ci, la cause correspond aux raisons
éloignées qui sont propre à chaque individu. La cause finale doit être licite. Elle est une notion
subjective, spécifique à chaque contractant.
§ 2. La preuve de la cause
La preuve de la cause est régie par les articles 68, 69 et 70 du COC. Deux situations en
découlent : la cause inexprimée (A) et la cause exprimée (B).
A. La cause inexprimée
L’article 68 du COC dispose que « toute obligation est présumée avoir une cause certaine et
licite quoiqu’elle ne soit pas exprimée ». Ainsi, si le contrat comporte un engagement de payer
une somme d’argent sans préciser le motif (à titre de prix ou à titre de prêt ou à titre de
libéralité), alors la loi présume que ce contrat a une cause licite. Le créancier est exempt de
prouver l’existence et la licéité de la cause. Mais cette présomption est simple, puisqu’elle
n’empêche pas le débiteur de rapporter la preuve du contraire en démontrant que le contrat
ne comporte pas de cause ou que sa cause est illicite.
B. La cause exprimée
L’article 69 du COC dispose que « la cause exprimée est présumée vraie jusqu’à preuve du
contraire ». Cette présomption implique que le débiteur est en droit de rapporter la preuve du
contraire en démontrant que la cause exprimée n’est pas la vraie cause. Mais cette
démonstration n’empêche pas l’autre partie de prouver que l’obligation a une autre cause.
L’article 70 du COC précise « que lorsque la cause exprimée est démontrée fausse ou illicite,
c’est à celui qui soutient que l’obligation a une autre cause licite de le prouver ».
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