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Le XVIIIe siècle fut-il celui de la dépravation des moeurs et de la corruption du goût, comme bon nombre de poéticiens, de critiques et même de romanciers – ces derniers avec un sourire parfois un peu sournois – veulent le faire croire ?... more
Le XVIIIe siècle fut-il celui de la dépravation des moeurs et de la corruption du goût, comme bon nombre de poéticiens, de critiques et même de romanciers – ces derniers avec un sourire parfois un peu sournois – veulent le faire croire ? A en juger par le contenu des romans, l’heure est aux lectures licencieuses, aux formes rondes et faciles, à l’esprit léger et inconstant. Genre informe qui s’infiltre de toutes parts dans le décor culturel, allant à l’encontre des astuces de séduction recherchées par des lecteurs épris de galanterie et de nouveauté, le roman se fait bien entendu le témoin d’un changement de moeurs amorcé au plus tard par la Régence. Mais, au-delà de la décadence des moeurs dont il se veut le témoin, le roman est-il aussi un emblème de décadence poétique par la dégénérescence du goût, du style, de la vraisemblance…? Contemplant un changement profond de la société, le roman du XVIIIe siècle apparaît-il lui-même comme une conséquence, voire comme une cause de la décadence de la République des Lettres ?
Les préfaces de roman au XVIIIe siècle sont nombreuses à clamer la ‘vérité' du roman, mais il est communément admis que cette revendication tente de déguiser la fictionnalité de la fiction. Les auteurs de cet ouvrage analysent tout un... more
Les préfaces de roman au XVIIIe siècle sont nombreuses à clamer la ‘vérité' du roman, mais il est communément admis que cette revendication tente de déguiser la fictionnalité de la fiction. Les auteurs de cet ouvrage analysent tout un éventail de préfaces sous deux perspectives - sémantique et pragmatique - et explorent les problèmes de légimitation et d'accréditation qui les caractérisent.
La Vie de Marianne est emblématique de la fiction rococo, reposant à la fois sur l'adhésion et sur la distance du lecteur. Le volume illustre son pouvoir de susciter de nouvelles lectures et des éclairages nouveaux. Avec Marivaux... more
La Vie de Marianne est emblématique de la fiction rococo, reposant à la fois sur l'adhésion et sur la distance du lecteur. Le volume illustre son pouvoir de susciter de nouvelles lectures et des éclairages nouveaux. Avec Marivaux romancier, les évidences ont pour vocation d'être rediscutées.
L’abbé Lenglet-Dufresnoy a publié de son vivant deux essais consacrés à l’esthétique romanesque: De l’usage des romans, communément perçu comme un plaidoyer en faveur du roman, et L’Histoire justifiée contre le roman, à première vue un... more
L’abbé Lenglet-Dufresnoy a publié de son vivant deux essais consacrés à l’esthétique romanesque: De l’usage des romans, communément perçu comme un plaidoyer en faveur du roman, et L’Histoire justifiée contre le roman, à première vue un rejet des thèses de l’ouvrage précédent. La découverte de deux manuscrits autographes de Lenglet-Dufresnoy, édités ici pour la première fois, remet en question cette interprétation simpliste. Un premier manuscrit, Observations critiques de M. le C. Gordon de Percel sur son livre De l’usage des Romans, montre que dès 1734 Lenglet-Dufresnoy envisageait une suite à la polémique qu’il menait avec lui-même. Le deuxième manuscrit, De l’utilité des romans: seconde partie, éclaire de façon inattendue une étape cruciale de l’histoire du roman français. Dans cette première édition intégrale, Jan Herman et Jacques Cormier présentent les fondements d’une réflexion qui permet d’observer l’interaction entre les différents modèles romanesques de 1660 à 1750. Dans la première partie du volume, ils exposent le contexte polémique dans lequel s’inscrivent les idées de Lenglet-Dufresnoy. Examinant et confrontant un grand nombre de textes théoriques avec lesquels les manuscrits entrent en dialogue, J. Herman et J. Cormier saisissent sur le vif les mouvances d’une pensée qui naît avec et dans l’écriture même. La seconde partie de l’ouvrage comporte les manuscrits eux-mêmes, accompagnés de variantes textuelles et de notes explicatives. L’étude des manuscrits révèle en effet plusieurs strates d’élaboration, dont l’apparat critique permet d’entrevoir la superposition, strates auxquelles viennent s’ajouter interpolations et corrections. J. Herman et J. Cormier dévoilent dans l’ensemble du texte comment Lenglet-Dufresnoy articule une dialectique entre discours théorique et pratique romanesque.
En 1979, Claude Reichler et Jean Baudrillard étaient de ceux qui s'efforçaient à dégager les caractéristiques constantes du discours séducteur, et ce en dehors de tout découpage diachronique. Shoshana Felman et, plus récemment,... more
En 1979, Claude Reichler et Jean Baudrillard étaient de ceux qui s'efforçaient à dégager les caractéristiques constantes du discours séducteur, et ce en dehors de tout découpage diachronique. Shoshana Felman et, plus récemment, Pierre Hartmann ont marqué les étapes menant de l'identification d'un discours séducteur subversif vers une approche historique de la séduction dans la littérature. Dans des proportions différentes, ces études assument I'application de la notion moderne de séduction à une époque où les sens du verbe séduire et de sa famille des mots diffèrent des nôtres. De ce point de vue, parler de la séduction dans Ie roman libertin du XVIIIe siècle paraît plus aisée, la séduction amoureuse y étant facilement assimilable au sens moderne. Mais même dans ce cas, comme I'a rappelé Robert Darnton, la facilité peut s'avérer piégée si I'on ne prend pas en compte les spécificités génériques et historiques des romans du temps.
status: publishe
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Gardes wallonnes, botte secrète, géométrie, une histoire se déroulant en partie sur les flancs d’un Mont infesté de brigands,… ces quelques indices suffisent sans doute pour montrer la ressemblance entre le Manuscrit trouvé à Saragosse de... more
Gardes wallonnes, botte secrète, géométrie, une histoire se déroulant en partie sur les flancs d’un Mont infesté de brigands,… ces quelques indices suffisent sans doute pour montrer la ressemblance entre le Manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki et le Manuscrit trouvé au Mont Pausilype de Montjoie. Si les effets de réflexion d’un roman à l’autre sont clairs, se pose le problème de savoir dans quelle direction l’interférence peut et doit être lue. Potocki travaillait probablement à son roman depuis 1791 et deux décamérons manuscrits d’une version très avancée, ont été retrouvés. Mais, comme nous l’apprennent François Rosset et Dominique Triaire, aucun manuscrit n’était passé au stade de l’imprimé avant janvier 1805. En effet, le 23 décembre 1804, Potocki obtient du comité de censure de Saint-Petersbourg l’autorisation pour la publication du premier décaméron puis, le 20 janvier 1805, d’une « suite » . Cette épreuve est considérée comme le point de départ de la deuxième version du roman, début d’une édition qui n’aboutira pas, mais qu’on peut dater de 1804, moment de l’obtention du « bon à tirer » de la censure . Il nous semble improbable qu’un manuscrit ou un jeu d’épreuves (tirés à cent exemplaire, ce qui est exceptionnel) soient parvenus à la connaissance de l’auteur français Félix Montjoye qui avait déjà publie ses deux romans, en 1801 et 1802 respectivement, quelques années donc avant l’impression des épreuves petersbourgeoises du roman de Potocki. S’il y a eu interférence - et c’est ce qu'on essaie de montrer ici - elle semble aller dans le sens d’une lecture par Potocki du roman de Montjoye. Si tel est le cas, le Manuscrit trouvé au Mont Pausilype constitue un intéressant repère de datation de certains épisodes du Manuscrit trouvé à Saragosse, un terminus a quo.
"Bayle en petit, ou anatomie de ses ouvrages" est l’œuvre d’un Jésuïte, Jacques Le Fèbvre, qui naquit à Glageon en 1694 et mourut à Valenciennes en 1755. Ce texte, qui est une réfutation de Bayle se présente pourtant dans son... more
"Bayle en petit, ou anatomie de ses ouvrages" est l’œuvre d’un Jésuïte, Jacques Le Fèbvre, qui naquit à Glageon en 1694 et mourut à Valenciennes en 1755. Ce texte, qui est une réfutation de Bayle se présente pourtant dans son titre comme un précis des idées de Bayle. Partant de cette ambiguité, on lit ici ce texte polémique à l'aide de la méthode développée par Leo Strauss dans La Persécution et l’art d’écrire . Selon son traducteur, Olivier Berrichon-Sedeyn, Strauss était parmi les premiers à tenter de comprendre le désordre apparent de certaines œuvres classiques, qui "ne croyaient pas à l’harmonie essentielle de la pensée et de la société et par conséquent ils n’estimaient pas obligatoire de parler avec une sincérité totale" . Ce n’est pas uniquement à la fraude pieuse (le ductus obliquus) que pensent ici Olivier Berrichon et Leo Strauss, mais à la distinction entre les enseignements exotérique et ésotérique, extérieur et intérieur, que la philosophie devait s’imposer pour pouvoir paraître en public : « l’effet de la persécution sur la littérature», déclare Strauss, « est précisément qu’elle contraint tous les écrivains qui soutiennent des opinions hétérodoxes à développer une technique particulière d’écriture, celle à laquelle nous pensons lorsque nous parlons d’écrire entre les lignes » . L’opinion réelle d’un auteur n’est pas forcément identique à celle qu’il exprime dans le plus grand nombre de ses ouvrages. Leo Strauss en arrive à la définition de ce qu’il appelle le livre exotérique, qui présuppose qu’il existe des vérités fondamentales qu’aucun honnête homme n’oserait exprimer en public parce qu’elles feraient du mal à beaucoup. Un tel livre se caractérise pas l’obscurité du plan, la contradiction, le pseudonyme, la répétition inexacte d’affirmations antérieures, expressions bizarres, etc. Nous n’irons-nous pas jusqu’à soupçonner le Jésuite Le Fèbvre de sympathie pour Bayle et le pyrrhonisme, malgré le titre extrêmement bizarre de son livre. Mais il est sûr que nous tenons ici en main une lecture de Bayle, par un érudit intelligent, qui apprend à ses interlocuteurs à lire entre les lignes, et qui interprète la mauvaise foi et son instrument principal, la contradiction, comme un type d’écriture où se chiffre un non-dit du texte : l’athéisme de Bayle.
La lecture d’un roman doit s’appuyer sur le pacte de lecture qu’il propose à son lecteur. Lire c’est souscrire au contrat offert par un auteur.Quel est le pacte de lecture de La Vie de Marianne? Où Marivaux a-t-il déposé son programme ? A... more
La lecture d’un roman doit s’appuyer sur le pacte de lecture qu’il propose à son lecteur. Lire c’est souscrire au contrat offert par un auteur.Quel est le pacte de lecture de La Vie de Marianne? Où Marivaux a-t-il déposé son programme ? A quels endroits de son texte suggère-t-il la ou les manières dont il souhaite que son texte soit déchiffré par son lecteur ? Il y a de multiples réponses possibles à cette question. On pourrait chercher les articles de ce contrat de lecture dans le genre auquel le texte appartient, le Roman-mémoires. Mais le Roman-mémoires est une construction théorique rétrospective. Dans la décennie 1731-1741 où l’on voit paraître les onze parties de La Vie de Marianne, le Roman-mémoires ne nous apparaît pas encore comme un genre constitué. Les ‘Mémoires’ sont encore une formule, en passe de devenir un genre, à peine quelques années plus tard, dans les romans du marquis d’Argens, par exemple. C’est par un pacte clairement lisible que la formule des Mémoires se fait reconnaître comme un genre. Autrement dit, le genre est lié à un acte de reconnaissance, dans tous les sens que cette expression peut revêtir. Une formule discursive, comme ‘Mémoires’, devient un genre au moment où un auteur signe son œuvre et se fait donc connaître, puis reconnaître, comme le producteur du texte. Quelqu’un, l’auteur, assume, la production effective du texte. Cette auctorialité n’exclut pas l’existence d’une production fictive du texte, où celui-ci est attribué à un éditeur, qui déclare publier un manuscrit trouvé ou traduire un texte d’une autre langue, tout en se disant indigne d’être nommé ‘auteur’ par son peu d’expérience dans le domaine, etc. Au moment où l’assomption du texte par un auteur réel n’apparaît plus comme conflictuelle avec le développement d’une production fictionnelle, le public reconnaît les ‘Mémoires’ comme un genre, c’est-à-dire une construction autonome qui tout en étant le produit d’un auteur réel, se veut un univers autosuffisant, autogénétique, monde possible. Le pacte que l’auteur conclut avec son lecteur consiste donc à penser le rapport entre production effective et production fictive comme compatibles. Autrement dit : tout en sachant que l’œuvre est une fiction et le produit d’un auteur, le lecteur accepte de la lire comme si elle ne l’était pas. C’est en cela que consiste ce que Jean-Marie Schaeffer a appelé la feintise ludique partagée.
“Incorporation” désigne d’abord le processus par lequel l’oeuvre elle-même “prend corps”. D’autre part, l’énonciation de l’oeuvre confère une corporalité à celui qui en est ce que D.Maingueneau appelle “le garant”, c’est-à-dire celui qui... more
“Incorporation” désigne d’abord le processus par lequel l’oeuvre elle-même “prend corps”. D’autre part, l’énonciation de l’oeuvre confère une corporalité à celui qui en est ce que D.Maingueneau appelle “le garant”, c’est-à-dire celui qui assume la responsabilité de l’énoncé . Incorporation de l’oeuvre et incorporation du “garant” donc. L’assimilation de l’organisation textuelle à un corps, premier volet de la définition, est évidemment un lieu commun qu’on trouve dans tous les manuels de rhétorique, qui se souviennent de Platon et de Phèdre. Le second aspect de l’incorporation, la corporalité du “garant” donc, est plus important pour la question soulevée ici. Comment concevoir le rapport entre la “garantie” qu’offre le texte - de sa crédibilité, de sa fiabilité, de son authenticité… - et la “corporalité”?
The article focuses on the self-reflexivity of the status of the poet in both works of Homer. By the self-reflexivity we mean the projecti on of situations to express aoidos in the fiction of the work itself. In the Iliad , this... more
The article focuses on the self-reflexivity of the status of the poet in both works of Homer. By the self-reflexivity we mean the projecti on of situations to express aoidos in the fiction of the work itself. In the Iliad , this self-reflexivity is limited to an echo between the invocation of the Muses at the beginnin g of the first canto and the feast of the gods, embellished with singing of Apollo to the accompaniment of the Muses at the end of the same canto. In the Odyssey , however, this auto-reflexivity is highly developed. The song of Phemius at the beginning of the work meets the story of Ulysses, in canto XXIII, which completes the gap le ft by the song of the aoidos. This De l’invocation des Muses et du statut poétique de l’aède dans les épopées homériques 193 complementarity of the voice of the aoidos and the voice of the hero is in turn reflected in the middle of the work, where the story of Ulyss es completes the song of the aoidos Demodocus. The Odyssey is henceforth told by two voices: the voice circul ar, ritualized, repetitive and inspired by the aoidos and the voice linear, non-ritualized, chronological and not inspired by the hero.
On n'apporte sans doute pas grand chose aux études riccoboniennes en disant que le tragique n’est pas étranger à la composition romanesque de l'auteur. Il est peut-être plus utile de souligner combien Mme Riccoboni a réfléchi à... more
On n'apporte sans doute pas grand chose aux études riccoboniennes en disant que le tragique n’est pas étranger à la composition romanesque de l'auteur. Il est peut-être plus utile de souligner combien Mme Riccoboni a réfléchi à l’une des plus fondamentales questions posées par l’écriture romanesque et qui concerne le hasard. Les Lettres d’Elisabeth-Sophie de Vallière constituent un roman généalogique où la narration est saisie dans le moule de la tragédie et où le présent est pensé comme la réparation de la faute héréditaire. A la concaténation inéluctable de crimes et de châtiments entraînée par une première faute, que la fatalité ponctue de “hasards” qui ne sont que les chaînons visibles d’une chaîne invisible tissée d’avance, la romancière oppose un autre type de hasard: hasard compensatoire, amené par une Fortune réparatrice qui redresse l’injustice du sort à qui sait lui-même réparer l’injustice faite à autrui.
La reflexion desarrollada en este articulo toma como punto de partida la distincion elaborada por Michel Charles entre texto y discurso, para luego diferenciar dos conjuntos de premisas, muy distintas pero coexistentes en la epoca... more
La reflexion desarrollada en este articulo toma como punto de partida la distincion elaborada por Michel Charles entre texto y discurso, para luego diferenciar dos conjuntos de premisas, muy distintas pero coexistentes en la epoca clasica, que determinan la lectura de novelas: la lectura retorica, que lee la obra como un discurso abierto, manejable, complementable y adaptable, y la lectura hermeneutica, que cierra el texto y lo considera como intocable. Mientras que en la lectura retorica, las elecciones del autor estan sometidas a una evaluacion basada en criterios de verosimilitud y de coherencia interna, la lectura hermeneutica respeta las opciones del autor como una libertad fundamental del escritor. Es en el desenlace donde la distincion entre la lectura retorica y la hermeneutica se hace sentir con mayor intensidad: una lectura retorica corregira el final proponiendo posibles continuaciones que apuntan a un final "mejor"; la lectura hermeneutica, en cambio, considera...
Nombreux sont les récits du XVIIIe siècle qui se présentent comme une lettre ou une série de lettres envoyées à un destinataire unique. En épousant la structure épistolaire, la narration est lancée dans un circuit d’échange qui lui... more
Nombreux sont les récits du XVIIIe siècle qui se présentent comme une lettre ou une série de lettres envoyées à un destinataire unique. En épousant la structure épistolaire, la narration est lancée dans un circuit d’échange qui lui préexiste, qui la déclenche et la justifie. Le dispositif épistolaire est une cheville ouvrière entre le privé et le public, une fiction-limite entre la zone où la parole individuelle est autorisée et légitime et celle où cette légitimité est soumise à des conditions strictes. Si le dispositif épistolaire facilite la légitimation de l’écriture même, elle le fait bien souvent par la diégétisation de la problématique de la légitimation. D’une nécessité sociologique, liée au code de l’écriture en vigueur dans l’Ancien Régime, la légitimation devient un vecteur poétique sur lequel le roman fondera son autonomie.
Par le Commentaire historique sur les ouvrages de l’auteur de la Henriade, publié en 1776, deux ans avant sa mort, Voltaire répond à une demande longtemps implicite, puis devenue publique et de plus en plus pressante, de donner l’histoire... more
Par le Commentaire historique sur les ouvrages de l’auteur de la Henriade, publié en 1776, deux ans avant sa mort, Voltaire répond à une demande longtemps implicite, puis devenue publique et de plus en plus pressante, de donner l’histoire de sa vie. Le Commentaire historique embrasse sa vie tout entière. Il est composé de deux volets : un discours narratif est ensuite complété d’un dossier de trente et une lettres, toutes de l’auteur, sauf deux auxquelles il répond, présentées en annexe comme des « pièces justificatives ». Malgré la pression d’une attente favorable qui aurait pu légitimer une prise de parole à la première personne, Voltaire parle de lui-même à la troisième personne. Voltaire a écrit ce texte et s’en est en même temps absenté. Quelqu’un dit « je », qui ne représente pas Voltaire. Ce « je » n’est pas nommé, on le perçoit comme pouvant être un familier, un secrétaire peut-être, ou un proche ou un ami, quelqu’un qui l’a bien connu. Et ce quelqu’un qui dit « je » parle de M. de Voltaire en le désignant par « il », « lui », « Voltaire » Ce « je » est également celui qui dit avoir composé le recueil de lettres qui constitue la deuxième partie de l’ouvrage, légèrement plus longue que la partie narrative. Voltaire a finement fabriqué cette « mise en scène». Passant de la scène privée à la scène publique, Voltaire a cru devoir dire « je » en position oblique, se faire parler et vivre en « il ».

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Edward Kimber’s The Happy Orphans, published in 1759, revolves around the orphaned twins, Edward and Lucy, who are reunited with their family after numerous adventures and turns of fate. The Happy Orphans is the English adaptation and... more
Edward Kimber’s The Happy Orphans, published in 1759, revolves around the orphaned twins, Edward and Lucy, who are reunited with their family after numerous adventures and turns of fate.

The Happy Orphans is the English adaptation and translation of Crébillon’s Les Heureux Orphelins (1754), itself a translation and adaptation of Eliza Haywood’s The Fortunate Foundlings (1744). Kimber’s novel attests to the complex modes of transfer for novels crossing between Britain and France in the eighteenth century.

This critical edition aims to promote a wider understanding of the transcultural dimensions of the Rise of the Novel. It also highlights the distinctive literary quality and position of The Happy Orphans in a concluding analysis that sheds light on a central theme  – the narrative intertwinements of Virtue and Providence.
L’abbé Lenglet-Dufresnoy a publié de son vivant deux essais consacrés à l’esthétique romanesque: De l’usage des romans, communément perçu comme un plaidoyer en faveur du roman, et L’Histoire justifiée contre le roman, à première vue un... more
L’abbé Lenglet-Dufresnoy a publié de son vivant deux essais consacrés à l’esthétique romanesque: De l’usage des romans, communément perçu comme un plaidoyer en faveur du roman, et L’Histoire justifiée contre le roman, à première vue un rejet des thèses de l’ouvrage précédent. La découverte de deux manuscrits autographes de Lenglet-Dufresnoy, édités ici pour la première fois, remet en question cette interprétation simpliste.

Un premier manuscrit, Observations critiques de M. le C. Gordon de Percel sur son livre De l’usage des Romans, montre que dès 1734 Lenglet-Dufresnoy envisageait une suite à la polémique qu’il menait avec lui-même. Le deuxième manuscrit, De l’utilité des romans: seconde partie, éclaire de façon inattendue une étape cruciale de l’histoire du roman français. Dans cette première édition intégrale, Jan Herman et Jacques Cormier présentent les fondements d’une réflexion qui permet d’observer l’interaction entre les différents modèles romanesques de 1660 à 1750. Dans la première partie du volume, ils exposent le contexte polémique dans lequel s’inscrivent les idées de Lenglet-Dufresnoy. Examinant et confrontant un grand nombre de textes théoriques avec lesquels les manuscrits entrent en dialogue, J. Herman et J. Cormier saisissent sur le vif les mouvances d’une pensée qui naît avec et dans l’écriture même.

La seconde partie de l’ouvrage comporte les manuscrits eux-mêmes, accompagnés de variantes textuelles et de notes explicatives. L’étude des manuscrits révèle en effet plusieurs strates d’élaboration, dont l’apparat critique permet d’entrevoir la superposition, strates auxquelles viennent s’ajouter interpolations et corrections. J. Herman et J. Cormier dévoilent dans l’ensemble du texte comment Lenglet-Dufresnoy articule une dialectique entre discours théorique et pratique romanesque.
D'autres rapporteront de Rome des tableaux, des marbres, des médailles, des productions d'histoire naturelle ; moi, j'en rapporterai des sentiments, des sensations et des idées'. Le Voyage d'Italie du Président Dupaty, qui parut à... more
D'autres rapporteront de Rome des tableaux, des marbres, des médailles, des productions d'histoire naturelle ; moi, j'en rapporterai des sentiments, des sensations et des idées'. Le Voyage d'Italie du Président Dupaty, qui parut à l'automne 1788, fut le dernier best-seller de l'Ancien Régime. Son succès se trouva inévitablement éclipsé assez vite par une actualité politique devenue très envahissante. L'histoire littéraire a du coup quelque peu oublié que ce texte renouvelait, à la fin d'un siècle qui en avait publié beaucoup, la tradition des Voyage en Italie. Le Président De Brosses et ses émules s'étaient intéressés surtout à la collecte des antiques et à la critique d'art ; Dupaty s'inscrit à l'orée d'une génération dont le Grand Tour s'attarde inévitablement aux mêmes étapes mais se recentre désormais autour des émois des voyageurs eux-mêmes et de la résonance bien souvent pathétique des souvenirs historiques et des œuvres d'art rencontrés. L'Italie, qui se sera prêtée à toutes les projections, devient ainsi, dans quelques textes qui s'échelonnent autour du millésime 1800, une terre rêvée des âmes sensibles.
Consacré aux relations que les parties d'un roman entretiennent avec son tout à l'âge classique (XVIIe-XVIIIe siècles), le présent volume vient réunir les actes d'un colloque international qui s'est d'abord déroulé « par parties séparées... more
Consacré aux relations que les parties d'un roman entretiennent avec son tout à l'âge classique (XVIIe-XVIIIe siècles), le présent volume vient réunir les actes d'un colloque international qui s'est d'abord déroulé « par parties séparées », en trois « livraisons » successives, à l'automne 2008, et qui aréuni une soixantaine de spécialistes de l'âge classique, venus du Royaume-Uni, des États-Unis, du Canada, de la Suisse, de Belgique, d'Italie et de France.
Une première manifestation s'est déroulée à Paris, les 11, 12 et 13 septembre 2008, où elle venait constituer le point d'orgue du séminaire « Fictions classiques » animé plusieurs années durant à l'École Normale Supérieure par Jean-Paul Sermain et Marc Escola. Accueillie successivement par l'Université Paris 3 en Sorbonne, par l'École Normale Supérieure, et par l'Université Paris 8 à Saint-Denis, elle a traité du statut des « épisodes », de la discontinuité épistolaire, et des « moments de la lecture » du roman d'Ancien Régime, et plus généralement des modalités de la composition romanesque.
Le second volet, bruxellois, a été hébergé le mois suivant par l'Académie Royale des Science et des Arts et la Fondation Universitaire, les 10 et 11 octobre, à l'initiative de Jan Herman et Paul Pelckmans : une série « d'études de cas » y ont été présentées, pour envisager dans des œuvres isolées les différentes formes de la cohérence narrative tout au long de la période.
C'est l'Université Ca' Foscari de Venise qui a accueillie un mois plus tard, les 27 et 28 novembre, le troisième moment du triptyque supervisé par Lucia Omacini, pour une série de contributions sur « l'atelier du roman de l'âge baroque au tournant des Lumières ».
L'ensemble des interventions ont été redistribuées dans les six « parties » qui composent le « tout » de cet ouvrage pleinement collectif ; chaque section fait l'objet d'une introduction spécifique confié à tel ou tel des organisateurs, qui signent ensemble la présentation générale.
« Démêlé, bagarre et bigarrure, voilà ce qui agite Mouhy sous les dehors de la mondanité ». C'est ainsi que, dans un agréable essai, Patrick Wald-Lasowski définit la carrière de l'énigmatique, imprévisible, prolifique et toujours étonnant... more
« Démêlé, bagarre et bigarrure, voilà ce qui agite Mouhy sous les dehors de la mondanité ». C'est ainsi que, dans un agréable essai, Patrick Wald-Lasowski définit la carrière de l'énigmatique, imprévisible, prolifique et toujours étonnant chevalier de Mouhy.

Ce paria de la République des Lettres bénéficie depuis quelques années d'un regain d'intérêt, ce dont témoignent plusieurs éditions récentes de ses romans. Le moment semble venu de faire le point sur une oeuvre très diversifiée, qui va de la fantaisie délirante de Lamékis au réalisme audacieux de La Mouche,  et de dégager du coup quelques nouvelles pistes de recherche, qui touchent, entre autres, à l'histoire de la librairie, aux poétiques du roman d'Ancien Régime et aux arrière-plans politiques insoupçonnés qui se profilent derrière quelques-uns de ses romans.
L’un des champs les plus féconds de la recherche sur le roman d’Ancien-Régime ces dernières années se déploie dans l’espace d’examen des diverses manifestations de l’autoréflexivité qui s’y présentent. Beaucoup de ces fictions, tout en... more
L’un des champs les plus féconds de la recherche sur le roman d’Ancien-Régime ces dernières années se déploie dans l’espace d’examen des diverses manifestations de l’autoréflexivité qui s’y présentent. Beaucoup de ces fictions, tout en construisant des univers artificiels entre expérience du réel, investigation des possibles et produits de l’imagination, renvoient au lecteur une interrogation pluridimensionnelle sur les constituants, le statut, la motivation, les valeurs poétiques et heuristiques de la fiction elle-même. Plusieurs travaux récents ont permis de mettre en lumière les procédures de mise en scène du discours fictionnel : l’examen des apparats péritextuels, l’étude de la parodie, du recyclage et des réemplois de formes constituées, ont mis au jour le fonctionnement, en particulier rhétorique, du régime métafictionnel mis en œuvre dans un si grand nombre de textes de cette époque. Sans doute, l’horizon des études possibles dans cette direction est-il encore très largement ouvert, mais c’est sur une autre dimension du même phénomène que sont concentrés les travaux réunis ici à la suite d’un double colloque organisé en 2007 aux Universités de Lausanne et de Leuven, celle de l’autoréflexivité romanesque.
La notion même d’autoréflexivité peut prêter à discussion ; plusieurs des textes réunis dans ce livre rendent d’ailleurs compte des interrogations ou des malaises qu’elle peut susciter. L’autoréflexivité est comprise ici comme cette propriété des fictions qui les pousse à refléter, dans le cours même des histoires qu’elles élaborent et racontent, les éléments qui la constituent comme fiction, indépendamment des intrigues qui s’y développent. Les questions que suscite l’autoréflexivité ainsi comprise relèvent alors moins de la rhétorique et de la discursivité que de la représentation. Aussi s’agit-il, dans les études réunies ici, d’examiner, dans le corps textuel des fictions, les unités de sens, plus ou moins élaborées, qui assurent le glissement du niveau narratif où se constitue et se développe avec vigueur la matière romanesque vers une plate-forme de lecture distanciée, indépendante du cours de la narration, où se dessine une représentation de ce corps textuel en tant qu’ancrage de la fiction.
La construction du récit en tant que vérité est l’ambition essentielle du roman du dix-huitième siècle. Mais dans quelle mesure les mots sur la page cachent-ils ou, au contraire, révèlent-ils la genèse de l’histoire qu’ils prétendent... more
La construction du récit en tant que vérité est l’ambition essentielle du roman du dix-huitième siècle. Mais dans quelle mesure les mots sur la page cachent-ils ou, au contraire, révèlent-ils la genèse de l’histoire qu’ils prétendent représenter? Telle est la question que J.Herman aborde en regardant sous la surface du récit pour explorer les traces de ses origines.
Faisant appel à des théories de l’écriture allant de Platon à Derrida et à Genette, J.Herman offre une façon entièrement neuve de lire les romans-mémoires. Il montre comment les textes utilisant cette forme narrative réactivent des questions sur les rapports de l’écriture avec la vérité et avec la mémoire. Se concentrant sur le motif récurrent de l’enfant trouvé, sollicité à la fois en tant que thème et en tant que métaphore pour le texte lui-même, J.Herman explore la manière dont les romans utilisent cette figure pour représenter leur propre quête de légitimité et de reconnaissance.
Après une exposition fouillée de ses concepts théoriques, l’auteur apporte une analyse systématique de plusieurs romans d’importance majeure dus à des écrivains allant de Marivaux et de Prévost à Laclos et à Potocki, à travers laquelle il offre une nouvelle méthode de déchiffrement rhétorique du roman au dix-huitième siècle.
A décréter absurde et insensé tout ce qu’elles rejetaient, les Lumières se condamnaient bien souvent à ne pas comprendre les ressorts secrets des préjugés. Clé de voûte de la catholicité, l’autorité du pape venait du coup à figurer... more
A décréter absurde et insensé tout ce qu’elles rejetaient, les Lumières se condamnaient bien souvent à ne pas comprendre les ressorts secrets des préjugés. Clé de voûte de la catholicité, l’autorité du pape venait du coup à figurer une énigme absolue et à la lettre impensable.
Les Philosophes et leurs papes cherche, dans le prolongement d’un colloque de l’Academia Belgica de Rome en mars 2008, à faire le tour de cette énigme. Il s’intéresse assez peu à la réalité historique de la papauté du XVIIIe siècle, mais d’autant plus aux diverses imageries qu’elle suscite aussi bien dans les récits de voyage (De Brosses, Sade) que sous la plume militante des Philosophes – de l’Essai sur les moeurs de Voltaire à tel canular de pamphlétaire.
On pourra découvrir ainsi que le regard des Lumières françaises sur la papauté, en dépit de sa perplexité première et/ou en raison de celle-ci, est plus mouvant et sans doute plus ambigu qu’on ne pourrait croire à première vue.
L’objet de ce livre est la littérature française au XVIIIe siècle, c’est-à-dire l’étude des textes et des genres à une période où une des plus grandes mutations de mentalité de l’Occident se fait jour, les Lumières. Une première paire... more
L’objet de ce livre est la littérature française au XVIIIe siècle, c’est-à-dire l’étude des textes et des genres à une période où une des plus grandes mutations de mentalité de l’Occident se fait jour, les Lumières.
Une première paire de chapitres aborde la question sous l’angle de l’histoire des idées. Les Lumières constituent un mouvement qui met à l’avant-plan la Raison comme critère d’évaluation de la réalité et de la recherche de la vérité. Mais en même temps, ce mouvement rationaliste est innervé d’une veine sentimentale : la raison n’existe pas sans la passion dans ce siècle où le sensualisme n’affecte pas seulement la philosophie.
Une seconde paire de chapitres aborde ensuite la question des Lumières sous l’angle plus restreint de l’histoire de la littérature. Dans un premier moment, l’héritage classique du XVIIe siècle est présenté tel qu’il survit au siècle des Lumières. Ensuite est passé sous la loupe un genre ‘nouveau’ au XVIIIe siècle, le roman, qui connaît un essor considérable auprès du public et qui, étant moins empreint de réglementation, s’avère particulièrement apte à accueillir les idées nouvelles, et se trouve ainsi à la source d’une reconfiguration du champ littéraire.
Les préfaces de roman au XVIIIe siècle sont nombreuses à clamer la ‘vérité' du roman, mais il est communément admis que cette revendication tente de déguiser la fictionnalité de la fiction. Les auteurs de cet ouvrage analysent tout un... more
Les préfaces de roman au XVIIIe siècle sont nombreuses à clamer la ‘vérité' du roman, mais il est communément admis que cette revendication tente de déguiser la fictionnalité de la fiction. Les auteurs de cet ouvrage analysent tout un éventail de préfaces sous deux perspectives - sémantique et pragmatique - et explorent les problèmes de légimitation et d'accréditation qui les caractérisent.
« Mon passage sur ce globe ne peut exciter ni satisfaire la curiosité de personne », écrivait Mme Riccoboni à un de ses correspondants, qui lui demandait des détails sur l'histoire de sa vie. Elle n'en a pas moins laissé une œuvre dont... more
« Mon passage sur ce globe ne peut exciter ni satisfaire la curiosité de personne », écrivait Mme Riccoboni à un de ses correspondants, qui lui demandait des détails sur l'histoire de sa vie. Elle n'en a pas moins laissé une œuvre dont elle habite chaque page. Si Mme Riccoboni n'avait pas le souci de la postérité, cette œuvre, désormais disponible pour l'essentiel en édition moderne, paraît d'un intérêt certain, et non seulement au lecteur érudit, en ce qu'elle révèle une activité courageuse et soutenue de romancière et de traductrice, d'épistolière et de critique littéraire parfaitement informée de la sensibilité et des questions morales et intellectuelles de son époque. 250 ans après la parution de sa première œuvre, les Lettres de Mistriss Fanny Butlerd, il paraissait opportun de faire un tour d'horizon de cette diversité. Le présent volume rassemble les contributions faites à un colloque international qui s'est tenu sur les campus des universités de Leuven et d'Anvers en mai 2006 et qui accueillait bon nombre de chercheurs confirmées tout en donnant une voix à de nombreux jeunes chercheurs dont les travaux, doctoraux et autres, témoignaient à eux seuls du large intérêt suscité actuellement par l'œuvre de Madame Riccoboni. Les discussions dont on voit ici les retombées se sont déroulées le long de trois axes. Il convenait d'abord de relire ses romans tels qu'en eux-mêmes et notamment de les situer par rapport aux formules les plus courantes du romanesque ambiant. Il fallait aussi prendre la mesure de la diversité générique de la production riccobonienne. Les productions de Riccoboni traductrice, critique littéraire, dramaturge, voire épistolière permettent-elles de préciser ou de nuancer, fût-ce de bias, son profil de romancière ? Restaient enfin à préciser les voies concrètes du succès suscité par cette activité d'auteur de romans. Mme Riccoboni a été beaucoup traduite: les coups de pouce de ses traducteurs attestent à leur façon les attentes du public. On a pu interroger dans le même sens les réactions qu'elle a suscitées dans les revues ou les correspondances ou encore l'œuvre des romanciers qui se sont réclamés de son exemple.
Prévost journaliste se souvenait volontiers qu’il était aussi romancier. Les récits brefs qu’il multiplie dans ses périodiques se limitent quelquefois à un copieux paragraphe et amorcent ailleurs, au long de quelque cinq ou six... more
Prévost journaliste se souvenait volontiers qu’il était aussi romancier. Les récits brefs qu’il multiplie dans ses périodiques se limitent quelquefois à un copieux paragraphe et amorcent ailleurs, au long de quelque cinq ou six numéros, de petits feuilletons. Dispersés au hasard d’une copie abondante et souvent pressée, ils paraissaient, dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, assez remarquables pour faire l’objet de plusieurs éditions séparées: les premiers lecteurs ont dû y reconnaître comme un condensé du génie de Prévost romancier.
La critique prévostienne, pourtant, n’avait jamais vraiment fait un sort à cet ensemble disparate, dont le présent recueil propose une première prospection systématique. Les récits brefs de Prévost, du coup, se profilent, aux lisières du romanesque et du journalistique, comme un véritable laboratoire poétologique aménagé par un virtuose de la réécriture; ils consonent aussi bien avec ses préoccupations éclairées qu’avec ses angoisses les plus profondes, où bon nombre des études ici rassemblées engagent à découvrir certain envers obscur des Lumières.
Ce volume contient les Actes de la journée d'étude qui a réuni, le 20 janvier 2005, les chercheurs qui, sur les différents campus belges, s'occupent de la littérature du 18e siècle. Il se compose essentiellement de l'écho écrit des... more
Ce volume contient les Actes de la journée d'étude qui a réuni, le 20 janvier 2005, les chercheurs qui, sur les différents campus belges, s'occupent de la littérature du 18e siècle. Il se compose essentiellement de l'écho écrit des communications faites par les doctorants, auquel quelques autres chercheurs, qui, jeunes ou moins jeunes, n'avaient pu intervenir que dans les discussions, ont bien voulu ajouter des notices concernant leurs propres projets de recherche. En résulte un ensemble qui, à défaut de pouvoir proposer une véritable synthèse, ébauche au moins un état des lieux des divers chantiers en friche
Le recueil contient les actes d'un double colloque, organisé dans le cadre de la Coopération bilatérale scientifique et technologique, co-subventionnée par le Ministère de la Communauté flamande et le Gouvernement polonais. Ce projet... more
Le recueil contient les actes d'un double colloque, organisé dans le cadre de la Coopération bilatérale scientifique et technologique, co-subventionnée par le Ministère de la Communauté flamande et le Gouvernement polonais.
Ce projet d’échange a démarré sous le drapeau de la rhétorique des passions. « Comment traduire les émotions ? » Telle était la question abordée lors de la double rencontre internationale et à laquelle les différents intervenants ont tenté d’apporter quelques éléments de réponse en se penchant sur la diversité de leurs horizons culturels, de leurs domaines de recherche et de leurs réflexes méthodologiques.
Dans ce volume se trouvent recueillies les contributions au colloque international qui réunissait, à Louvain en octobre 2002, une douzaine de spécialistes autour de l'objet musico-littéraire «Pierrot Lunaire». Issu d'un projet de... more
Dans ce volume se trouvent recueillies les contributions au colloque international qui réunissait, à Louvain en octobre 2002, une douzaine de spécialistes autour de l'objet musico-littéraire «Pierrot Lunaire». Issu d'un projet de recherche interdisciplinaire dont il constitue l'aboutissement, ce colloque s'inscrivait dans l'intersection entre les recherches musicologiques et littéraires les plus récentes sur le sujet afin d'en confronter les résultats et d'en dresser le bilan. Focalisée sur les différentes transformations tant littéraires que musicales subies par l'oeuvre - du recueil en vers d'Albert Giraud à la traduction allemande par Otto Erich Hartleben et de la composition musicale d'Arnold Schoenberg à la retraduction en français de l'oeuvre - la discussion engagée ici n'a pas négligé le contexte culturel et historique avec lequel ces différentes mutations interférent et qui les explique en partie. Aussi la réception des différents états de l'oeuvre par le public contemporain a-t-elle reçu une attention particulière. Les éditeurs ont renoncé à l'idée d'une publication unilingue de ces Actes. Ce volume trilingue traduira tant la nature interdisciplinaire de l'objet d'étude que son retentissement international. Ce colloque constituait en même temps l'encadrement scientifique d'un concert par la London Sinfonietta dirigée par Diego Masson, avec Alison Wells (Sprechstimme) et Dirk Roofthooft (récitant).
S'il est vrai qu'à l'Âge classique, roman et préface s'ordonnent autour de topicités spécifiques, nombreux sont les cas où les deux séries topiques se traversent. Ces interférences engagent la définition même de ce qu'est la fiction... more
S'il est vrai qu'à l'Âge classique, roman et préface s'ordonnent autour de topicités spécifiques, nombreux sont les cas où les deux séries topiques se traversent. Ces interférences engagent la définition même de ce qu'est la fiction «narrative» à l'époque classique. Celle-ci est loin de se confiner dans le seul roman, même au sens large. La «narration» affecte également l'apparat péritextuel: prologues, préfaces, épîtres dédicatoires renferment des récits, dont l'ampleur parcourt toute l'échelle de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Introduisant le plus souvent des romans, ces récits préfaciels se retrouvent aussi en tête de textes à portée théorique, d'entretiens, de recueils, voire de poèmes. Est-ce que les différentes modalités de la narration préfacielle convergent suffisamment pour constituer une topique? Le roman de l'Âge classique se doit aussi d'intégrer un protocole justifiant l'existence même du texte et la possibilité de sa narration. La rhétorique narrative est inséparable d'une pragmatique qui inscrit dans le récit même certains topoï empruntés au discours préfaciel. Quels topoï ce protocole pragmatique inhérent au roman classique mobilise-t-il? Le XVIIe colloque de la SATOR dont on présente ici les actes a voulu stimuler le dialogue entre spécialistes de l'Âge classique, en se proposant d'étudier l'interférence des discours narratif et préfaciel dans les différentes "ères de soupçon" qui ponctuent la montée du roman et où la narration fictionnelle en prose s'est vue confrontée au besoin de se légitimer comme discours "littéraire".
Le substantiel volume d’hommage offert à Vic Nachtergaele, le « père fondateur » du campus universitaire de la KULAK de Courtrai, antenne ouest-flamande de l’Université catholique de Louvain (KULeuven), contient trois parties qui... more
Le substantiel volume d’hommage offert à Vic Nachtergaele, le « père fondateur » du campus universitaire de la KULAK de Courtrai, antenne ouest-flamande de l’Université catholique de Louvain (KULeuven), contient trois parties qui reflètent les enjeux qui sont chers à l’intéressé : la « Littérature FRANÇAISE de Belgique », les « Parcours croisés » et la « Littérature FRANÇAISE (de France) », comme le soulignent avec la même double emphase les éditeurs dans leur avant-propos. Les vingt-huit articles qui composent l’ouvrage forment bien entendu un contenu relativement hétérogène, comme l’impose souvent la loi du genre, mais sont en général d’une fort bonne tenue. Plusieurs d’entre eux ont cherché à baliser de nouvelles pistes de recherche, à faire le point sur l’évolution de domaines récemment ouverts ou à se distinguer par le souci d’une érudition originale. Je me limiterai ici à passer en revue les sujets qui touchent de près aux Lettres belges, également dans leur dimension comparatiste.
“Comme tout écrivain véritable, Challe présente une vision de l’être et du monde qu’un philosophe ou un critique ne vient qu’expliquer ensuite”. De ce propos, lancé par Michèle Weil il y a une dizaine d’années (Challe Romancier, 1991),... more
“Comme tout écrivain véritable, Challe présente une vision de l’être et du monde qu’un philosophe ou un critique ne vient qu’expliquer ensuite”.
De ce propos, lancé par Michèle Weil il y a une dizaine d’années (Challe Romancier, 1991), le colloque Robert Challe de 2002 entend explorer la dimension intertextuelle.

Challe avait beaucoup lu. Il avait lu non seulement Cervantès, Sorel, Bussy-Rabutin, La Fontaine, … mais aussi d’autres classiques comme l’Arioste, Rabelais, Montaigne, Corneille, Racine, Molière, Furetière… Et il les avait lus de la façon dont on lisait sous l’Ancien Régime: il brisait l’os “pour en sucer la substantifique moëlle”; il s’appropriait le contenu de l’oeuvre lue jusqu’à en faire la propre substance de sa pensée… Son miel, il le faisait du suc de toutes les fleurs qu’il butinait, comme aurait dit Montaigne.

Challe n’avait pourtant pas seulement retenu ceux que la postérité a consacrés: il avait également pratiqué Camus, l’évêque de Belley, Cyrano de Bergerac, Guy Pattin, François de Rosset, Paul Scarron, Courtilz de Sandras…et bien des oeuvres que nous relèguerions trop facilement dans les marges de la création littéraire. L’examen de cet immense champ d’exploration réserve certainement de nombreuses surprises aux chercheurs qui se pencheront sur ces questions.

D’autre part, les œuvres de Challe ont à leur tour été fort lues. On a relevé depuis longtemps déjà ce que la rédaction du Paysan parvenu et de La Vie de Marianne devait aux Illustres Françaises. Dans des essais ou au cours de colloques précédents, Frédéric Deloffre, Jean Sgard et Franco Piva ont souligné ce que Prévost lui avait emprunté. Crébillon et Duclos l’avaient certainement lu avec attention. Rousseau avait retenu certains éléments de la Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte, Voltaire disposait dans sa bibliothèque de Ferney d’une édition de cette oeuvre ainsi que de l’édition de 1721 du Journal de voyage aux Indes orientales et de plusieurs exemplaires du Militaire philosophe, tandis que Sade détenait Les Illustres Françaises dans sa prison. Il serait difficile de soutenir que le sujet soit épuisé. 

L’étude des sources et héritages, des lectures par Challe et de Challe, pourra s’inscire dans plusieurs champs de réflexion dont le relevé donné ici est purement indicatif.
Définie par Gérard Genette comme “une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire la présence effective d’un texte dans un autre”, l’étude de l’intertextualité pourra, et dans le cas de Challe devra, porter sur tout rapport de paraphrase, de renvoi, d’allusion, de continuation entre un texte et un autre. Renvois à Challe; allusion, continuation ou paraphrase par Challe, emprunts de Challe à l’une ou l’autre de ses propres oeuvres, … Emprunts formels autant que thématiques, sans exclure bien sûr toutes les variantes du mimétisme formel ou du pastiche. Coprésence qui peut par ailleurs reposer sur des interférences avec d’autres systèmes sémiotiques comme la peinture ou, plus pertinemment peut-être, la gravure, sans oublier l’inscription des différentes oeuvres de Challe dans différents paradigmes génériques, qu’elles modulent, transforment ou auxquelles elles s’adaptent.

Pour toute information, s’adresse à Jan Herman (Katholieke Universiteit Leuven: jan.herman@arts.kuleuven.ac.be
Que le manuscrit trouvé à Saragosse, tout à la fois récit initiatique, roman picaresque, gothique, fantastique ... soit une anthologie de tous les genres narratifs du XVIIIe siècle et qu'il porte de nombreuses traces des grands modèles... more
Que le manuscrit trouvé à Saragosse, tout à la fois récit initiatique, roman picaresque, gothique, fantastique ... soit une anthologie de tous les genres narratifs du XVIIIe siècle et qu'il porte de nombreuses traces des grands modèles que sont le Décaméron, les Mille et une Nuits, le Don Quichotte, etc. qui en doutera? Mais, au-delà de cette intertextualité visible, le roman de Jean Potocki semble réserver plus d'une surprise, il semble cacher plus d'un emprunt inattendu, plus d'une parodie, sans parler des plagiats auxquels il s'est prêté. La narration du Manuscrit trouvé à Saragosse est à l'image du Guadalquivir qui traverse le site où se déroule le récit, disparaissant sous terre, refaisant surface et enrichissant ses rives du dépôt ininterrompu de sédiments anciens charriés par le fleuve depuis sa source. Remonter le fleuve, fouiller les terrains alluviaux du récit, étudier les différentes formes de coprésence de deux ou de plusieurs textes dans le Manuscrit, tel était l'objectif du Colloque International Jean Potocki qui s'est tenu à Louvain et à Anvers, du 30 mars au 1er avril 2000. La démarche entendait combiner les approches historique et typologique, l'étude détaillée de cas et les survols plus panoramiques, sans oublier le défi théorique que pose l'intertextualité potockienne au lecteur.
française (de Belgique) ou littérature belge (de langue française) ? Bibliographie de Roland Beyen L'ensemble de ces contributions très variées constitue en outre un excellent baromètre des études des lettres belges, dont toutes les... more
française (de Belgique) ou littérature belge (de langue française) ?

Bibliographie de Roland Beyen

L'ensemble de ces contributions très variées constitue en outre un excellent baromètre des études des lettres belges, dont toutes les orientations plus ou moins savantes semblent ici représentées. En raison des nombreux témoignages et articles qui lui sont consacrés, ce volume doit certainement désormais figurer dignement dans la bibliographie des études ghelderodiennes.
Anne-Laure HICK, Université de Liège, Textyles, n° 36-37 (2009)
Ces actes d'un colloque international qui a réuni en mai 1997 une quarantaine de spécialistes autour du topos séculaire du manuscrit trouvé dans la littérature française, présentent l'état de la question le plus récent sur le sujet. Les... more
Ces actes d'un colloque international qui a réuni en mai 1997 une quarantaine de spécialistes autour du topos séculaire du manuscrit trouvé dans la littérature française, présentent l'état de la question le plus récent sur le sujet. Les différentes contributions interrogent, par ordre chronologique, les occurrences les plus diverses d'un cliché dont la naissance coïncide avec celle de la littérature même: des premiers textes en langue française aux romans de Philippe Sollers, en passant par Chrétien de Troyes, Rabelais, Marivaux, Sade, Stendahl, Proust, Roussel, ... et sans oublier les textes-clefs de la littérature mondiale que sont le Don Quichotte ou les contes de Borges. Trois études d'une portée plus générale - synthétique, historique et typologique - assurent à ces études de cas une indispensable cohérence. Le tout est complété d'un index très détaillé.
Le XVIIIe siècle a connu une extraordinaire inflation du péritexte. La préface y tend à s'affranchir du corps du récit et à se donner en morceau autonome. Le dossier présenté ici, qui s'étale sur deux volumes couvrant le siècle entier,... more
Le XVIIIe siècle a connu une extraordinaire inflation du péritexte. La préface y tend à s'affranchir du corps du récit et à se donner en morceau autonome. Le dossier présenté ici, qui s'étale sur deux volumes couvrant le siècle entier, comprend plus de 300 préfaces, inédites de rares exceptions près. Le choix n'a été guidé par aucune visée démonstrative. C'est d'abord un instrument de travail qu'on a voulu fournir. Le cordieux index qui accompagne le dossier permettra à l'utilisateur d'y emprunter ses propres pistes de lecture. Certaines préfaces sont essentielles pour l'intelligence du roman. Il en est d'autres qui se présentent comme des romans en miniature et qui valent d'être lues pour elles-mêmes. C'est dire qu'on espère à la fois plaire et instruire.
Le XVIIIe siècle a connu une extraordinaire inflation du péritexte. La préface y tend à s'affranchir du corps du récit et à se donner en morceau autonome. Le dossier présenté ici, qui s'étale sur deux volumes couvrant le siècle entier,... more
Le XVIIIe siècle a connu une extraordinaire inflation du péritexte. La préface y tend à s'affranchir du corps du récit et à se donner en morceau autonome. Le dossier présenté ici, qui s'étale sur deux volumes couvrant le siècle entier, comprend plus de 300 préfaces, inédites de rares exceptions près. Le choix n'a été guidé par aucune visée démonstrative. C'est d'abord un instrument de travail qu'on a voulu fournir. Le cordieux index qui accompagne le dossier permettra à l'utilisateur d'y emprunter ses propres pistes de lecture. Certaines préfaces sont essentielles pour l'intelligence du roman. Il en est d'autres qui se présentent comme des romans en miniature et qui valent d'être lues pour elles-mêmes. C'est dire qu'on espère à la fois plaire et instruire.
Cette anthologie se veut un instrument de travail. Elle met à la disposition d'un public intéressé des textes d'un accès difficile. Si le sous-titre de cet ouvrage recèle quelques ambiguités, l'auteur entend les assumer pleinement: en... more
Cette anthologie se veut un instrument de travail. Elle met à la disposition d'un public intéressé des textes d'un accès difficile. Si le sous-titre de cet ouvrage recèle quelques ambiguités, l'auteur entend les assumer pleinement: en effet, l'anonymat n'est pas signe de minorité. Au contraire, certaines préfaces, qu'elles soient d'auteurs anonymes ou d'écrivains marginaux, mettent en scène l'anonymat, dans une tentative d'autonomiser le champ romanesque. Cet ouvrage montre amplement que la marginalisation par la Tradition n'est pas toujours un fidèle écho d'une marginalité réelle à l'époque en question.
Numéro thématique de la Revue belge de Philologie et d'Histoire, ce recueil réunit des études sur la présence l'opéra Don Giovanni dans une série de récits des 19e et 20e siècles: Hoffmann, Musset, Sand, Kierkegaard, Jouve, Jouhandeau et... more
Numéro thématique de la Revue belge de Philologie et d'Histoire, ce recueil réunit des études sur la présence l'opéra Don Giovanni dans une série de récits des 19e et 20e siècles: Hoffmann, Musset, Sand, Kierkegaard, Jouve, Jouhandeau et Des Forêts. Les analyses sont précédées et suivies de deux exposés théoriques, l'un sur le récit musical et l'autre sur l'interférence entre littérature et musique.
Le temps n'est plus où une histoire du roman de l'Ancien Régime ne pouvait qu'aboutir au réalisme. A l'héritage de Balzac, le roman du XXe siècle aura juxtaposé les expérimentations formelles, les visées métalittéraires et l'abandon à... more
Le temps n'est plus où une histoire du roman de l'Ancien Régime ne pouvait qu'aboutir au réalisme. A l'héritage de Balzac, le roman du XXe siècle aura juxtaposé les expérimentations formelles, les visées métalittéraires et l'abandon à l'imaginaire; cela imposait de redécouvrir que le roman de l'Ancien Régime n'avait pas été qu'un miroir promené le long d'une grandroute. Le présent volume, qui rassemble une cinquantaine de communications présentées à un colloque qui prenait la mesure des lectures vécues par des personnages de roman, voudrait montrer que le miroir passait aussi par les boudoirs et les salons oú les lecteurs de l'époque s'isolaient, seuls ou en petits groupes, pour consommer des textes. Passage assez fréquent pour que sa récurrence le constitue en véritable topos de la fiction.
L'entreprise romanesque est nécessairement ambiguë, dans la mesure où elle coïncide avec une tentative d'échapper aux critères de la vérité et du savoir. Dans la perspective qui est ici la nôtre, le paradoxe du romancier consiste à... more
L'entreprise romanesque est nécessairement ambiguë, dans la mesure où elle coïncide avec une  tentative d'échapper aux critères de la vérité et du savoir. Dans la perspective qui est ici la nôtre, le paradoxe du romancier consiste à fonder, à travers le langage et la fiction, ce que Louis Aragon appelait le "mentir vrai". L'enquête que voici focalise sur les tentatives du 18e siècle français de résoudre la crise du roman inaugurée par la parution de romans historiques en formes de mémoires, vers 1700. Conçue au départ comme un  examen narratologique du roman par lettres entre La Nouvelle Héloïse et Les Liaisons Dangereuses, cette étude s'appuie essentiellement sur un corpus de récits épistolaires résultant d'une coupe synchronique qui coïncide grosso modo avec la deuxième moitié du siècle.
De Northanger Abbey au Manuscrit trouvé à Saragosse se produit une gigantesque inversion du rapport entre le livre et la réalité. Catherine Morland lit la réalité comme un livre ; Alphonse van Worden vit effectivement un livre devenu... more
De Northanger Abbey au Manuscrit trouvé à Saragosse se produit une gigantesque inversion du rapport entre le livre et la réalité. Catherine Morland lit la réalité comme un livre ; Alphonse van Worden vit effectivement un livre devenu réalité.
Northanger Abbey s’inscrit dans le paradigme anglais du roman gothique. Le roman de Jane Austen problématise l’effet de réel que peuvent produire les livres. La parodie réside dans le fait que Catherine Morland ne se rend pas compte de l’inadéquation de cet effet de réel que produit la fiction.
Le Manuscrit trouvé à Saragosse présente une situation exactement contraire de deux points de vue. Le roman s’inscrit dans le paradigme allemand du roman gothique dont le trait le plus caractéristique n’est pas un effet de réel produit par la fiction, mais un  effet de fiction produit pas la réalité. Les héros ont l’impression que la réalité est théâtre. Le roman de Potocki intègre un aspect parodique dans la mesure où l’effet de fiction, caractéristique du paradigme allemand ne fonctionne pas et qu’on n’a même pas besoin de le montrer à Alphonse, qui le sent dès la Première Journée.

Il y a longtemps que les compétences réunies d’un collectif de chercheurs ont montré que le Manuscrit trouvé à Saragosse est un roman largement fondé sur l’intertextualité .  Mais au-delà des découvertes érudites des sources de Potocki, parmi lesquelles je compte le paradigme allemand du roman gothique, se fait jour l’idée centrale du roman selon laquelle peut-être tout est écrit d’avance et que la réalité est issue de quelque livre.
Research Interests:
Ce texte présente quelques éléments de conclusion du débat tenu à la journée d'étude 'Providences romanesques' lors du congrès annuel de l'Association Internationale des Etudes Françaises, à Paris, le 7 juillet 2015, dont voici l'appel:... more
Ce texte présente quelques éléments de conclusion du débat tenu à la journée d'étude 'Providences romanesques' lors du congrès annuel de l'Association Internationale des Etudes Françaises, à Paris, le 7 juillet 2015, dont voici l'appel:

Le roman français de l’Age Classique croirait manquer de respect aux mystères de la religion en les mêlant de trop près à ses imaginations frivoles. Reste toujours que ces fictions s’écrivent et s’inscrivent dans une France très chrétienne, où l’idée d’une conduction divine du monde fait figure d’évidence quotidienne. On s’étonnera donc peu que les romanciers rejoignent quelquefois ce consensus ; ils indiquent ainsi à plus d’une reprise, et quelle que soit leur discrétion coutumière en matière de dévotion, que tout ce qui arrive à leurs personnages relève d’un décret du Ciel ou présuppose au moins certaine permission céleste.
Notre journée voudrait retrouver quelques linéaments de cette Providence des romanciers, qui n’apparaît bien souvent que par des notations incidentes et où l’on reconnaîtra en ces cas une assignation quasi instinctive ou un fait de ‘mentalité’ plutôt que le travail d’une réflexion suivie. Telles quelles, ces notations laissent entrevoir un habitus classique apparemment très partagé, qui semble moins porté, au XVIIe siècle, à s’émerveiller d’une sagesse ou d’une bonté divines qu’à se soumettre respectueusement à ses décrets insondables.
Les romanciers du XVIIIe siècle se montrent à l’occasion moins patients. Ils rêvent alors d’une Providence qui se soucierait avec tout le détail voulu du bonheur personnel de leurs protagonistes, battent au contraire en brèche ce qui tend à apparaître désormais comme un anthropocentrisme naïf ou en viennent même quelquefois à détourner le lexique de la théologie pour magnifier ou problématiser les voies de la création romanesque.
Dans cette contribution à une journée d’étude consacrée aux Providences romanesques (Paris, AIEF, 2015), nous tentons de penser le rapport entre la foi en une Providence divine et l’écriture romanesque. Ce débat se pose en termes de... more
Dans cette contribution à une journée d’étude consacrée aux Providences romanesques (Paris, AIEF, 2015), nous tentons de penser  le rapport entre la foi en une Providence divine et l’écriture romanesque. Ce débat se pose en termes de liberté d'écriture  et d’autonomie de la création romanesque. Le raisonnement se déroule en trois temps.
Dans un premier mouvement, la distinction théologique entre une Providentia generalis et une Providentia specialis s’avère importante. Selon la première conception de la Providence, Dieu a fixé d’avance l’ordre de l’univers. Cette conception, qui trouve son origine dans le Stoïcisme et le Néo-Platonisme, est déterministe. La deuxième conception peut être appelée indéterministe, dans la mesure où Dieu s’occupe particulièrement de chaque individu en le conduisant à sa fin ultime qui est de participer activement et librement au plan divin.
Dans un second temps, nous étudions comment à ces deux formes de Providence correspond une forme d’Ecriture divine, dont l’Apocalypse contient les traces les plus claires : le Livre de la Destinée, contenant le plan divin et le Livre de Vie qui est le registre contenant les choix de chaque humain, qui sera ouvert au jugement dernier. Le premier concerne la Providentia generalis, le deuxième la Providentia specialis.
Dans un troisième temps, nous étudions la possibilité d’une rivalité entre ce Dieu écrivain et le romancier. Un texte de Leibnitz occupe une place centrale dans le raisonnement. La Fable de la pyramide des mondes possibles, qui clotûre la Théodicée (1710), évoque l’existence d’une infinité de Livres des Destinées : à chaque monde possible correspond un Livre de la Destinée de ce monde. Cette Fable leibnitzienne offre au roman un nouveau programme et une nouvelle légitimation en ce qu’elle conçoit pour la fiction narrative le projet d’écrire les livres de la destinée des mondes possibles, dans toute leur diversité. Le Livre de la Destinée de chaque monde possible n’est alors plus soumis à une Providence générale transcendante, mais à une Providence générale immanente. Parallèlement, nous enregistrons, au niveau de la Providence spéciale un paradoxe qui concerne en particulier l’exemplarité du roman sentimental et moral : comment le roman peut-il être ‘exemplaire’, si la punition du vice et la récompense pour une conduite vertueuse dépendent d’une Providence purement narratoriale ? Pour que l’exemplarité du roman sentimental soit efficace, il faut qu’une Providence spéciale transcendante reste visible au-delà de la Providence purement narratoriale. Le roman sentimental réserve dans cette perspective un rôle important au hasard.
Au XVIIIe siècle, où ces deux orientations coexistent, le statut du romancier évolue donc dans deux sens opposés: au niveau de la Providence générale, le romancier entrevoit une voie menant à son autonomie qui en fait l’égal de Dieu ; au niveau de la Providence spéciale, en revanche, on voit la nécessité, pour certains genres, que le romancier se montre le moins possible le rival de Dieu.
Cet article constitue une contribution à une réflexion collective sur Les Lumières catholiques en roman. Est étudiée la catégorie que Lenglet-Dufresnoy, dans la Bibliothèque des Romans, réserve au ‘Romans de spiritualité et de morale’. Si... more
Cet article constitue une contribution à une réflexion collective sur Les Lumières catholiques en roman. Est étudiée la catégorie que Lenglet-Dufresnoy, dans la Bibliothèque des Romans, réserve au ‘Romans de spiritualité et de morale’. Si l’on devait se limiter à la seule Bibliothèque des Romans, la conception de Lenglet-Dufresnoy au sujet de la ‘dévotion romancée’ serait incompréhensible. L’hétérogénéité de son catalogue ne devient explicable qu’à la lumière d’un texte antérieur, resté inédit et qui, à y regarder de près, était impubliable. Ce manuscrit, intitulé De l’Utilité des Romans : seconde partie, est un violent réquisitoire contre les catégories de ‘romans’ que Lenglet-Dufresnoy voulait écarter de ce qu’il considérait comme le ‘vrai’ ou le ‘bon’ roman. Ce dernier évite l’affabulation immotivée, mais s’interdit en même temps la confusion avec l’Histoire. La ‘vérité’ du roman repose sur une exemplarité qui corrige les défauts des personnages historiques sans en faire des exemples invraisemblables et difficile à suivre. Dans cette contribution nous étudions le ‘work in progress’ de Lenglet-Dufresnoy en encadrant la Bibliothèque des Romans non seulement du manuscrit qui y a donné lieu, mais aussi de la mise à jour du catalogue, sur l’exemplaire personnel de l’auteur. On constate que le travail bibliographique se double d’un travail de théoricien. Ce théoricien-bibliographe qu’est Lenglet-Dufresnoy recherche constamment la polémique qui est le cadre naturel le plus adapté à son étrange personnalité.
Les chapitres XVII à XXI de The Fortunate Foundlings (1744) d’Eliza Haywood, où sont racontés les exploits militaires d’un des orphelins, Horatio, aux côtés du glorieux roi de Suède Charles XII, témoignent d’une forte influence du premier... more
Les chapitres XVII à XXI de The Fortunate Foundlings (1744) d’Eliza Haywood, où sont racontés les exploits militaires d’un des orphelins, Horatio, aux côtés du glorieux roi de Suède Charles XII, témoignent d’une forte influence du premier ouvrage historique que Voltaire a consacré à l’histoire contemporaine, Histoire de Charles XII (1730). La confrontation du roman avec cet ouvrage historique et la documentation rassemblée par Voltaire permet de jeter un coup d’œil dans l’atelier de la romancière et d’étudier la façon dont Haywood manipule les données historiques et en fonction de quel argument. Cet argument est un réquisitoire contre le despotisme, même éclairé. Le développement de cet argument est construit sur un ‘détail’ du récit historique : l’arrestation et l’exécution particulièrement atroce du général Patkul, qui est la seule figure historique liée aux trois monarques protagonistes de la Grande Guerre du Nord: le roi de Suède Charles XII, l’électeur de Saxe et roi de Pologne Auguste dit Le Fort, et le czar Pierre dit le Grand. Ce ‘détail’ historique, sur lequel Voltaire a rassemblé une documentation intéressante est développé par la romancière d’une façon qui oblitère les raisons politiques du martyre de Patkul pour les déplacer sur le plan de l’amour. Le chapitre XVIII de The Fortunate Foundlings intègre ainsi une petite nouvelle historique construite sur le modèle développé en France dans le dernier quart du XVIIe siècle.
The Fortunate Foundlings (1744) de Haywood est un roman qui emprunte un de ses fils narratifs à un texte historique. Pour le développement des aventures d’Horatio, un des orphelins, la romancière a abondamment puisé dans les Livres III et... more
The Fortunate Foundlings (1744) de Haywood est un roman qui emprunte un de ses fils narratifs à un texte historique. Pour le développement des aventures d’Horatio, un des orphelins, la romancière a abondamment puisé dans les Livres III et IV de l’Histoire de Charles XII de Voltaire (1730-31). Cette réécriture romanesque d’un texte historique est inséparable de la façon dont la romancière conçoit l’exemplarité dans son roman.
Celle-ci s’articule autour d’une métaphore, dont l’origine remonte au livre de Voltaire : il s’agit de la scène où le roi, démonté sur le champ de bataille, est remis en selle par ses officiers. Dans le roman, cette scène gagne une dimension métaphorique et est développée par Haywood à trois niveaux différents qui engagent trois types de figures : le roi (personnage historique), ses officiers (personnages historiques fortement romancés) et le héros (personnage entièrement fictif). Il apparaît que le roman déplace l’exemplarité du personnage historique au héros fictionnel par l’intermédiaire de personnages mi-historiques, mi-fictifs, Poniatovski et Menzikoff. Le modèle offert à l’imitation par la romancière est Horatio, figure dans le nom duquel on entend en outre des résonnances théâtrales, empruntées à Shakespeare d’une part et à Corneille d’autre part.
« Histoire, s.f. c’est le récit des faits donnés pour vrai; au contraire de la Fable, qui est le récit des faits donnés pour faux. » Le projet de cet article est d’étudier cette définition que donne Voltaire, dans l’Encyclopédie, de... more
« Histoire, s.f. c’est le récit des faits donnés pour vrai; au contraire de la Fable, qui est le récit des faits donnés pour faux. » Le projet de cet article est d’étudier cette définition que donne Voltaire, dans l’Encyclopédie, de l’Histoire. Elle nous intéresse dans la mesure où l’opposition Histoire – Fable chez Voltaire frôle à plusieurs niveaux une définition de certains types de romans qu’on voit se développer au XVIIIe siècle. Alors qu’il range résolument le roman dans la catégorie de la Fable, se développent sous les yeux fermés de Voltaire plusieurs types de romans dont sa définition de l’Histoire, opposée à la Fable, porte les traces.
Certains chercheurs ont essayé de ramener l’opposition voltairienne à l’opposition qu’élabore Aristote entre Histoire et Poésie. Nous montrons qu’en réalité, elle appartient à une tradition qui n’est pas poétique mais rhétorique et qui remonte à la triade cicéronienne Historia – Argumentum – Fabula. Argumentum est le plus souvent traduit par hypothèse. C’est dans le domaine entre Historia et Fabula que se développe le roman, au XVIIIe siècle. Argumentum y revêt deux sens différents que le roman cumule. Et cette combinaison est réglée par un pacte de lecture qui négocie avec le lecteur le statut du texte.
1)Le modèle de roman que le siècle des Lumières a surtout contribué à mettre en place est celui où, moyennant un pacte de lecture parfois habile, la feintise est partagée par le lecteur. Un roman, en d’autres termes, qui n’est pas Fable, dans le sens d’un texte qui avoue son caractère fictif par l’extravagance des faits racontés, ni une feintise non partagée, au sens que l’intention de l’auteur est de tromper le lecteur sur son véritable statut, mais un Argumentum, autrement dit une réalité représentée comme une Hypothèse, sans l’intention de tromper, mais dans le but de mettre en évidence, à travers l’imagination, une certaine perception de la vérité.  Une construction narrative donc où, dans le cadre de la vraisemblance, un pacte de lecture essaie de faire partager la feintise par le lecteur. La feintise contribue à mettre en place l’hypothèse, dans ce sens qu’elle la rend vraisemblable. Et en même temps les procédures de la feintise mises au profit de cette vraisemblance sont subtilement révélées au lecteur qui est prié de les accepter.
2)On peut reformuler les mêmes données autrement en mettant à contribution le sens moderne d’Argumentum, où ce dernier apparaît moins comme un univers hypothétique que comme une idée centrale, un ‘argument’, qui constitue en soi la ‘vérité’ du récit. Dans les types de roman que le XVIIIe siècle développe sous les yeux de Voltaire, les deux sens d’Argumentum sont intimement liés par un rapport de cause à effet : la vérité profonde du texte, qui est une idée - un argument - ne pourra convaincre le lecteur que quand ce dernier aura accepté le pacte de lecture qui fait qu’il croie à l’existence d’un univers hypothétique sans être trompé sur les moyens qui le créent. En d’autres termes encore, pour que le lecteur accepte l’argument du texte, une négociation entre auteur et lecteur doit régler les conditions d’acceptabilité, qui concernent autant la construction d’un univers hypothétique et vraisemblable (sur l’axe horizontal Vérité-Fiction) que la sincérité sur les moyens mis en œuvre (sur l’axe vertical Véridiction/Feintise). Et ce pacte est toujours à négocier.
Cet article constitue une contribution à un colloque dont le projet est de comparer le traitement du portrait de figures historiques dans l’Histoire et le Roman. La figure étudiée ici est le roi de Suède, Charles XII, roi de Suède, auquel... more
Cet article constitue une contribution à un colloque dont le projet est de comparer le traitement du portrait de figures historiques dans l’Histoire et le Roman. La figure étudiée ici est le roi de Suède, Charles XII, roi de Suède, auquel Voltaire a consacré un ouvrage historique important, Histoire de Charles XII (1730). L’objectif est de montrer que Voltaire, qui est un des fondateurs de l’historiographie au sens moderne, propose de la figure historique de Charles XII un portrait romanesque, dans un double sens. Charles est saisi entre deux ‘romans’ : ses lectures de jeunesse – et en particulier La Vie d’Alexandre le Grand de Quinte-Curce - le prédestinaient à être un héros de roman. D’autre part, Charles XII est rapidement devenu, de son vivant, un héros de roman, chez D. Defoe notamment. Le portrait de Charles XII chez Voltaire apparaît dans un rapport complexe d’émulation volontaire et d’affabulation involontaire. La galerie des portraits de Voltaire est organisée en diptyques. Charles y  est confronté à trois figures : Alexandre, Don Quichotte et Pierre le Grand. La succession est importante. L’émulation d’Alexandre a fait de Charles un héros, mais pas un grand homme ; comme Don Quichotte il combat des moulins à vent qui proviennent de ses lectures ; et contrairement au czar Pierre le Grand, qui a été un vrai civilisateur, il n’a été qu’un héros de roman et cela explique aussi pourquoi il est si rapidement entré dans la légende. Histoire de Charles XII et Histoire de l’Empire de Russie sous Pierre le Grand, composées à trente années d’intervalle, constituent deux tomes parallèles  - les tomes 23 et 24 – de l’édition complètes des Œuvres de Voltaire, dite de Kehl. Pour Voltaire Charles XII a été un héros de roman et Pierre I un Grand homme.
Avec The Fortunate Foundlings, Haywood écrit un récit qui, dans sa trame narrative et dans les thèmes qu’il mobilise, met à distance à la fois le théâtre, avec lequel il souligne sa connexion jusque dans les noms, et l’épopée, pour... more
Avec The Fortunate Foundlings, Haywood écrit un récit qui, dans sa trame narrative et dans les thèmes qu’il mobilise, met à distance à la fois le théâtre, avec lequel il souligne sa connexion jusque dans les noms, et l’épopée, pour affirmer ce qu’il est : un roman, c’est-à-dire l’histoire d’un individu qui découvre les valeurs propres à lui assurer le bonheur personnel et qui lui permettent de d’acquérir une place dans la société : le mérite, la vertu, la fidélité.
Mais un problème important se pose à ce genre qui s’impose de plus en plus, au détriment de l’épopée surtout: dans quelle mesure la découverte de ces valeurs d’une société nouvelle, qui ne s’expriment plus dans la tragédie ou l’épopée mais dans le roman, est-elle un acte libre ? Qu’est-ce qui fait que les orphelins sont appelés « heureux » dans le titre ? A qui ou à quoi doivent-ils attribuer leur « Fortune » ? Cette question mérite qu’on y consacre une partie entière de cette analyse. Elle concerne le rôle que la dimension transcendante, si importante dans la tragédie et l’épopée continue à jouer dans la construction du roman.
L’origine inconnue est donc la vacance fondamentale autour de laquelle se tissent les fils narratifs du roman familial. L’originalité de Haywood réside dans le dédoublement du thème de l’enfant trouvé. Le ‘roman familial’ se développe de... more
L’origine inconnue est donc la vacance fondamentale autour de laquelle se tissent les fils narratifs du roman familial. L’originalité de Haywood réside dans le dédoublement du thème de l’enfant trouvé. Le ‘roman familial’ se développe de façons différentes selon qu’il concerne Louisa ou Horatio. Ce dédoublement ne s’arrête pas aux personnages mêmes. Les aventures de l’une et de l’autre s’organisent en diptyques. Horatio poursuit deux carrières militaires qu’on peut mettre en parallèle. Les aventures de Louisa s’organisent autour de protecteurs et de persécuteurs entre lesquels les parallélismes sont évidents. A travers la trame narrative de l’orphelin, le roman aborde des questions d’ordre moral comme la récompense qu’on peut attendre pour une conduite vertueuse, d’ordre religieux comme l’action de la Providence,
d’ordre social comme la quête de l’identité et l’ascension sociale, d’ordre politique comme l’identité nationale, d’ordre culturel comme la connaissance des langues, mais sans aboutir à une argumentation univoque. La clef de lecture pour le déchiffrement de l’argument du texte réside dans le dédoublement.
La découverte récente de deux manuscrits inédits de Lenglet-Dufresnoy constitue ici la base d’une reconstitution de l’évolution de la pensée sur le roman de l’auteur de De l’Usage des Romans et sur la place qu’y occupent les genres brefs... more
La découverte récente de deux manuscrits inédits de Lenglet-Dufresnoy constitue ici la base d’une reconstitution de l’évolution de la pensée sur le roman de l’auteur de De l’Usage des Romans et sur la place qu’y occupent les genres brefs – Contes et Nouvelles – d’une part et le genre de l’Histoire d’autre part. La pensée de Lenglet-Dufresnoy autour du roman se décline dans un effort de typologiser la masse énorme de textes auxquels la tradition avait attaché l’étiquette de ‘roman’. Cette typologie implique un examen des modèles narratifs existants visant leur inclusion dans ou leur exclusion du modèle narratif que Lenglet-Dufresnoy appelle le ‘bon roman’. Le ‘bon roman’ rompt le système aristotélicien en cherchant une association avec l’Histoire. La formule narrative développée par la Nouvelle historique ou galante, qu’il rebaptisera ‘Roman historique’ a incontestablement fasciné Lenglet-Dufresnoy. Le modèle en est offert moins par Madame de Lafayette que par Mme de Villedieu ou Saint-Réal.
Dans le premier Quichotte, le héros est prisonnier de deux livres imaginaires. D’une part un Livre écrit d’avance, dont sa bibliothèque est la métaphore, qu’il s’imagine devoir effectuer ; c’est le Livre de la Destinée de Don Quichotte.... more
Dans le premier Quichotte, le héros est prisonnier de deux livres imaginaires. D’une part un Livre écrit d’avance, dont sa bibliothèque est la métaphore, qu’il s’imagine devoir effectuer ; c’est le Livre de la Destinée de Don Quichotte. D’autre part un livre composé par un magicien invisible qui doit contenir le récit de ses exploits et qui se compose au fur et à mesure ; c’est le Livre de la Renommée de Don Quichotte. Le projet du héros dans le premier Quichotte est de rendre le Livre de sa Renommée conforme au Livre de sa Destinée. Le deuxième Quichotte transforme radicalement ce rapport entre les deux livres imaginaires. Don Quichotte s’y affirme comme un être libre, dans la mesure où, dans la grotte de Montesinos, il compose lui-même un canevas – un Livre de sa Destinée – qu’il  raconte à ses amis et que ceux-ci vont développer dans de nombreuses mises en scènes dont ils pensent le rendre dupe. L’enjeu central de ces mises en scènes est le désenchantement de Dulcinée, dont seul Don Quichotte, l’imposteur, a le secret.
Le mot « roman », pour autant qu’il désigne le « genre » littéraire que nous étudions, est l’effet d’une erreur grammaticale. Son histoire étymologique, assez complexe, remonte à l’adverbe latin « romanice ». En latin populaire, cet... more
Le mot « roman », pour autant qu’il désigne le « genre » littéraire que nous étudions, est l’effet d’une erreur grammaticale. Son histoire étymologique, assez complexe, remonte à l’adverbe latin « romanice ». En latin populaire, cet adverbe désigne, selon le Dictionnaire de l’Ancien français d’A. J. Greimas,  « à la manière des Romains », par opposition à la manière des Francs. Par l’évolution du latin vers le roman  commun, « romanice » devient « romance », prononcé [romants(e)]. Le vocable, sans perdre sa valeur adverbiale, renvoie dès lors à la langue courante, le « roman », par opposition à la langue savante, le latin : « en langue vernaculaire ». Le vocable perd ensuite progressivement sa valeur adverbiale et devient un substantif. Cette évolution de la fonction grammaticale est elle-même l’effet d’une confusion phonétique : [ts] dans [romants]  est aussi la déclinaison du substantif au pluriel. L’adverbe [romants] est dès lors progressivement perçu comme un substantif pluriel, à partir duquel un singulier est créé : « romant ». La disparition du [t] produit ensuite « roman ». « Roman » désigne dès lors la version romane d’un texte latin. L’expression « romanice », en passant par ces différentes étapes, en est venue à désigner, non plus une façon de faire, mais une langue et ensuite un texte en cette langue. Mais, au bout de cette évolution, le vocable « roman » n’a pas encore rejoint la signification, qu’elle n’intégrera qu’avec les « romans » de Chrétien de Troyes, de texte narratif de fiction. De la deuxième moitié du XIIe siècle au début du XIIIe siècle où l’on connaît le phénomène du dérimage, le nouveau discours qui se désigne par l’expression  « roman » se cherche un statut, dans l’interaction avec d’autres discours, historique et religieux, notamment. Et dans ce positionnement du nouveau discours dans le champ discursif de l’époque, la façon dont il intègre la fictionnalité à la narration, est un processus qui nous intéressera ici au premier chef.
Le « roman » à ses débuts met donc en jeu deux textes, que la traductologie désigne comme le texte-source (latin) et le texte-cible (roman). Le Roman de Brut de Wace (1155) est « la version romane » d’un texte latin, Historia regum britanniae de Geoffrey of Monmouth (1138). Dans ce cas exemplaire, la « translation » du texte-source au texte-cible est un processus où le vocable « roman » se charge de plusieurs types de transferts qui s’opèrent simultanément. : (1)du latin au « roman », (2)d’un public lettré qui comprenait le latin vers un public laïc qui l’ignorait, (3)d’un public qui savait lire vers un public qui ne consommait le texte que par audition, (4)de la prose au vers, qui s’imposait à ce nouveau type de discours, destiné à être déclamé à haute voix, (5)de la succession chronologique propre à la chronique à un régime temporel de la simultanéité et de la circularité, (6)du destin collectif propre à la chronique au destin individuel propre au « roman ». (7)A ces six éléments peut s’ajouter l’importance de l’amour, qui est un moyen humain de réaliser le destin.
La « translation » de la chronique vers le « roman » affecte donc la langue du texte, son public, sa forme, son régime temporel et, un peu moins clairement pour l’instant, sa thématique.  A ses débuts, le roman, arthurien en particulier, s’écrit dans les interstices de la chronique. Son temps est celui de la paix dont la chronique n’a que faire : la paix qu’apporte le règne du roi Arthur. Ce temps est celui de l’individu et de sa maturation personnelle, inséparable de l’expérience amoureuse.
Deux aspects complémentaires, qui constitueront le sujet de cette contribution, peuvent être ajoutés aux sept autres qui, quant à eux, ont été souvent mis en évidence.  Le huitième aspect que nous ajouterions volontiers au paradigme définitoire du « roman » concerne les modalités de disparition du dédoublement en un texte-source et un texte-cible. Le neuvième porte sur les modalités d’intégration de la  fictionnalité dans le nouveau discours appelé « roman ». L’un et l’autre seront ici étudiés à travers le retour du discours sur lui-même, que nous avons décidé d’appeler « autoréflexivité ». L’objet qui est au centre de l’effort d’autoréflexivité est la Table ronde.
Au début du XIIIe siècle, quand le roman en vers se soumet au dérimage, le Graal apparaît comme un signe disponible, un signifiant vide en quelque sorte, autour duquel le roman, en vers d’abord et en prose ensuite, se cherche et se... more
Au  début du XIIIe siècle, quand le roman en vers se soumet au dérimage, le Graal apparaît comme un signe disponible, un signifiant vide en quelque sorte, autour duquel le roman, en vers d’abord et en prose ensuite, se cherche et se construit. Le sens du roman, ou ce qu’on appelle à l’époque sa ‘senefiance’, n’existe que dans la circonlocution d’un indicible. Cette idée est soutenue ici, à travers la lecture du Roman de l’Histoire du Graal de Robert de Boron, écrit en vers aux environs de 1205, dérimé peu après par son auteur même et intégré dans un petit cycle en prose, où il réapparaît sous le nouveau titre de Joseph. Dans ce cycle en prose il est suivi d’un Merlin et d’un Perceval. Ce bref roman qui, sur le plan thématique, relie l’histoire de Perceval et du Graal inaugurée vers 1180 par Chrétien de Troyes à l’histoire de la Passion du Christ, peut être lu comme un effort d’autodéfinition d’un nouveau genre en prose, dont il est en effet l’une des toutes premières illustrations. Cet effort d’autoréflexion recouvre plusieurs dimensions : morale, rhétorique, poétique et sémiotique.
La question sous-jacente à celle de la pseudonymie concerne la reconnaissance du texte par celui qui le produit. Et cette reconnaissance se solde par la signature. Signer une œuvre de son nom, c'est la reconnaître, l'assumer, s'en... more
La question sous-jacente à celle de la pseudonymie concerne la reconnaissance du texte par celui qui le produit. Et cette reconnaissance se solde par la signature. Signer une œuvre de son nom, c'est la reconnaître, l'assumer, s'en accuser. Nous nous intéresserons ici aux modalités de cette reconnaissance, c'est-à-dire, très littéralement, aux conditions modales de la signature: doit-on signer une oeuvre, peut-on signer, veut-on signer une œuvre et dans quelles conditions? Devoir, pouvoir, vouloir sont les verbes modaux qui s'opposeront ici au verbe être dans la définition de l'auteur ou de la fonction-auteur au XVIIIe siècle. On n'est pas auteur, on peut ou ne peut pas l'être, on veut ou ne veut pas l'être, on doit ou ne doit pas l'être. On n'est pas auteur, parce qu'on le devient au bout d'un parcours.
L’objet de ce livre est la littérature française au XVIIIe siècle, c’est-à-dire l’étude des textes et des genres à une période où une des plus grandes mutations de mentalité de l’Occident se fait jour, les Lumières. Une première paire de... more
L’objet de ce livre est la littérature française au XVIIIe siècle, c’est-à-dire l’étude des textes et des genres à une période où une des plus grandes mutations de mentalité de l’Occident se fait jour, les Lumières. Une première paire de chapitres aborde la question sous l’angle de l’histoire des idées. Les Lumières constituent un mouvement qui met à l’avant-plan la Raison comme critère d’évaluation de la réalité et de la recherche de la vérité. Mais en même temps, ce mouvement rationaliste est innervé d’une veine sentimentale: la raison n’existe pas sans la passion dans ce siècle où le sensualisme n’affecte pas seulement la philosophie. Une seconde paire de chapitres aborde ensuite la question des Lumières sous l’angle plus restreint de l’histoire de la littérature. Dans un premier moment, l’héritage classique du XVIIe siècle est présenté tel qu’il survit au siècle des Lumières. Ensuite est passé sous la loupe un genre moins empreint de réglementation, le roman, dont le succès considérable auprès du public mène à la reconfiguration du champ littéraire et contribue à la diffusion des idées nouvelles.