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Intervention d’Edouard Gardella à l’Agence d’urbanisme de Lyon le 20 septembre 2012 Séminaire « Repères européens » : Les villes européennes face au sans-abrisme : Définir, mesurer et agir pour répondre à une problématique complexe sociale E. Gardella est sociologue à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP, ENS Cachan) et Sociologue et ATER à l’Université Droit et Sciences sociales de Poitiers Le sans-abrisme comme perspective de recherche Je tiens à remercier l’Agence d’urbanisme de Lyon, et en particulier Richard Nordier, Véronique Pelot et Grégoire Caux, pour cette invitation, réalisée à l’occasion de la prochaine sortie d’un ouvrage collectif, intitulé Les sciences sociales et le sans-abrisme. Recension bibliographique de langue française 1987-2012, qui paraîtra d’ici la fin de l’année, aux Publications de l’Université de SaintEtienne. J’ai coordonné cet ouvrage avec Katia Choppin, et avec le soutien actif de Pascale Pichon, Elodie Jouve et Marine Maurin. Une dizaine d’autres chercheurs, de différents pays (Belgique, Suisse, Québec) ont aidé à la confection de l’ouvrage. Son objectif est de rendre accessibles les travaux académiques qui ont été réalisés sur le sans-abrisme depuis la fin des années 1980 (plus de 500 références). Ces références sont classées en axes de recherches, et les travaux les plus importants à nos yeux sont résumés. L’originalité de l’ouvrage est de proposer un vocabulaire, où les notions et concepts du domaine de recherche sont définis et discutés (plus de 90 termes). C’est donc un outil à destination, autant des chercheurs, que des professionnels : travailleurs sociaux, personnes sans domicile, membres des administrations, journalistes. Je vais ici vous donner quelques éléments de définition de ce qu’on appelle sans-abrisme dans cet ouvrage pour introduire quelques problèmes que la recherche abordé, non seulement en France mais aussi en Europe. Définition du sans-abrisme : le sans-abrisme constitue un objet de recherche, qui aborde notre actualité historique à travers les relations entre la vulnérabilité de l’habiter dans les espaces publics, son traitement par les institutions d’assistance et les possibilités offertes par une société démocratique d’avoir un chez-soi. Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 Je vais aborder les éléments de cette définition au travers de 5 points : - la pluralité des définitions du phénomène ; - l’approche descriptive et compréhensive de la vie à la rue ; - l’explication processuelle du phénomène ; - l’analyse des politiques publiques ; - l’importante du « chez-soi » dans les enjeux actuels, tant scientifiques que politiques Définir pour mesurer : les différences européennes Je vais ici passer rapidement, pour ne pas empiéter sur l’intervention de Françoise Yaouancq, pilote de l’enquête « sans-domicile 2012 », d’ailleurs bien plus compétente que moi sur cette question. La recherche sur le sans-abrisme prend évidemment en considération l’enjeu de la définition de ce qu’on appelle un « sans-abri ». Selon quels critères peut-on dire qu’une personne est sans-abri ? Mais ce qui est intéressant, du point de vue du chercheur, c’est d’observer que cette définition ne va pas de soi, et qu’il y a plusieurs définitions qui sont proposées, qu’elles font l’objet de négociations, de conflits, de controverses, de compromis. D’un pays à un autre, on ne définit pas la situation de sans-abri de la même façon. Au sein d’un même pays, il y a des définitions concurrentes. Cet enjeu de la définition des contours de la situation de sans-abri a des répercussions directement politiques, puisque selon les contours plus ou moins restreints de la définition, le nombre de personnes étant comptées comme « sans-abri » est plus ou moins grand. LA GRILLE ETHOS La grille qui fait le plus l’objet de débats est celle qu’on appelle ETHOS, European Typology of Homelessness and Housing Exclusion. Au niveau international, est en général discutée la grille ETHOS Elle a été élaborée par la Feantsa et l’observatoire européen du sans-abrisme. Elle a récemment été proposée comme convention de mesures du sans-abrisme en Europe par le jury de la Conférence de consensus européenne qui s’est tenu à Bruxelles en décembre 2010. La grille ETHOS part d’une caractérisation du « home » (le chez-soi) par trois critères : un critère physique, un critère social et un critère légal. Le critère physique désigne un espacé décent qui permet de satisfaire les besoins les plus élémentaires. Le critère social signifie que les personnes peuvent jouir de la « privacy » (à la fois espace privé, intimité, autonomie) et entretenir des relations de sociabilité (recevoir). Le critère légal signifie que la personne peut occuper l’espace en toute légalité, avec la garantie d’une possession exclusive et de la sécurité. Il est alors possible de distinguer différents degrés d’exclusion du logement en combinant ces différents critères : un habitat est ainsi plus ou mois décent, plus ou moins propice aux relations sociales, plus ou moins garanti en termes de légalité et de sécurité. La grille distingue 4 grandes catégories : - roofless (sans toit : personnes vivant dans les espaces publics et les hébergements d’urgence, ie de très courte durée). Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 - houseless (sans chez-soi, ie vivant dans des lieux où les critères sociaux et légaux ne sont pas vérifiés), - habitat précaire (en termes de sécurité : squat, personnes chez des tiers, personnes en risque d’expulsion locative, personnes menacées par des violences ménagères) - logement inadapté (surpeuplé, insalubre). Des critiques existent sur cette classification, la cohérence des situations vécues qui y sont classées ou encore la trop forte restriction du domaine du « sans-abrisme ». Des discussions de recherche concernant cette grille existent. L’une des dernières en date provient de trois chercheurs néo-zélandais, Kate Amore, Michael Baker and Philippa Howden-Chapman (2011). Ils soulignent d’abord une incohérence dans la classification des situations vécues à partir de cette grille. Les situations d’abri de fortune (makeshift shelter) ne sont pas considérées comme relevant du sans-abrisme, mais comme relevant de l’exclusion du logement. Les auteurs soulignent alors une incohérence : pourquoi des individus en hébergement d’urgence seraient considérés (donc comptabilisés) comme des sans-abri, alors que des individus en abri de fortune, mobile, seraient considérés (donc comptabilisés) au titre de l’exclusion du logement ? Ils remettent aussi en cause le périmètre de la catégorie « sans-abrisme ». Ces chercheurs comprennent pourquoi les situations où aucun des critères n’est vérifié font partie du sans-abrisme, mais ils se demandent pourquoi la grille exclut des situations où 2 des critères ne sont pas vérifiés. En effet, elle intègre dans le périmètre du sans-abrisme uniquement les situations où seul le critère physique est vérifié mais pas les critères légaux et sociaux. Or, pourquoi ne pas inclure les situations où seul le critère légal est vérifié (mais pas les autres) ainsi que celles où seul le critère social est vérifié (mais pas les autres) ? Ainsi une maison, avec un titre légal d’occupation mais dépourvue de l’équipement sanitaire de base, obligeant les individus à sortir de leur logement pour prendre un bain ou aller aux toilettes, pourrait être considérée comme relevant du sans-abrisme. On peut cependant adopter un recul critique vis-à-vis de ces considérations. Elles sont très importantes dans la visée d’un comptage des populations et d’un lobbying auprès des pouvoirs publics, mais il est possible de critiquer la dimension normative de ces définitions : elles sont toutes alignées sur le modèle du logement autonome, à l’instar des politiques publiques. La recherche sur le sans-abrisme ne vient pas remettre en cause cette norme, mais cherchant à éviter un quelconque ethnocentrisme de l’habiter, elle suspend méthodologiquement la norme du logement autonome comme façon normale d’habiter. Il est ainsi courant de rencontrer des personnes qui refusent d’accéder à tel ou tel hébergement, voire qui ne restent pas dans tel ou tel logement autonome. Le rôle de la recherche, même s’il faut aller à contre courant des idées et des valeurs les mieux partagées, est de prendre au sérieux les raisons qui font que certains individus peuvent préférer, à un moment donné, un espace, même d’occupation illégale, avec une sécurité apparemment faible et un critère social apparemment absent. Comment aborder l’objet scientifique : commencer par adopter une approche descriptive et compréhensive de la vie à la rue Le sans-abrisme correspond à une perspective de recherche, dont la première étape passe par la description et la compréhension des personnes confrontées plus ou mois durablement au fait de dormir à la rue, de leurs caractéristiques sociales et de leur expérience. Ce point de vue invite à prendre au sérieux l’ordinaire de la vie à la rue, le quotidien fait de débine et de débrouille, la matérialité dans laquelle s’inscrit l’expérience de la survie. Elle se tient donc à égale distance méthodologique de la dénonciation et de la sublimation. Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 Cette perspective a l’avantage d’élever le seuil de vigilance vis-à-vis des tentations de romantisme, populisme ou misérabilisme qui guettent les chercheurs dès qu’ils se penchent sur les phénomènes de pauvreté (Grignon C. et Passeron J-C., 1989). L’idée de départ est simple : avant de juger, valoriser ou dénoncer, il faut s’atteler à documenter, à décrire, à comprendre ce que peut être habiter, tant bien que mal, dans ce que l’INSEE appelle « des lieux non prévus pour l’habitation ». Cela ne signifie pas que le chercheur se situe en dehors des enjeux politiques et moraux d’une société. Il peut considérer que les personnes qui se retrouvent à dormir dans la rue le méritent, aussi bien qu’elles sont les victimes d’un système injuste. Mais ces opinions morales et politiques ne doivent pas le conduire à occulter certaines réalités : autant la vie à la rue et la prise en charge telle qu’elle est instituée peuvent générer des souffrances et un épuisement qui parfois conduisent à la mort physique, autant la vie à la rue n’est pas non plus un lieu uniquement traversé de souffrances et de violences. L’enjeu de ces enquêtes est de comprendre le sans-abrisme depuis le point de vue des personnes qui en font l’expérience : les travaux de Pascale Pichon (2010), Claudia Girola (2007), Corinne Lanzarini (2000), Patrick Gaboriau (1993) sont aujourd’hui des classiques incontournables de cette approche en France. Exemple : comprendre des comportements qui peuvent paraître irrationnels d’un point de vue normatif, comme le refus d’hébergement, le refus de soins, le manque d’hygiène, les réticences aux dispositifs d’insertion. Expliquer le phénomène : une approche en termes de processus Le sans-abrisme est une perspective de recherche qui privilégie les explications en termes de processus. Autrement dit, cette perspective insiste, dans l’explication de la situation, sur les circonstances sociales (individuelles et collectives), plus que sur des facteurs psychiques. Prenant acte de l’hétérogénéité des SDF, résultat provenant aussi bien de l’observation des intervenants sociaux que des enquêtes en sciences sociales, cet objet ne désigne pas des personnes qui seraient dotées de caractéristiques particulières délimitant un groupe séparable du reste de la population. Le sans-abrisme ne désigne pas une condition, sociale ou psychique, à laquelle certains individus seraient naturellement condamnés. Il pointe plutôt un processus, c’est-à-dire une chaîne d’actions qui conduisent des individus à devoir vivre, pour une durée variable, entre les espaces publics et les dispositifs d’assistance. Cette perspective méthodologique ne doit pas en retour alimenter le mythe selon lequel « ça peut arriver à tout le monde » : si tout le monde peut connaître une période de sans-abrisme, ce n’est pas avec la même probabilité, et les individus issus des milieux populaires sont statistiquement les plus représentés (Brousse C., 2006). Cette appréhension du phénomène du sans-abrisme en termes de processus, constitue aussi une critique sociologique des acceptions les plus radicales des notions de désocialisation et d’exclusion. Les personnes sans-abri ne sont jamais en dehors de la société, elles sont prises dans des processus de désocialisation/resocialisation. Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 CONTROVERSE AVEC L’APPROCHE PSYCHOPATHOLOGIQUE DU SANS-ABRISME En France, une importante controverse a eu lieu, et dure encore, concernant la pathologisation des personnes sans-abri. Le travail de Patrick Declerck, anthropologue et psychanalyste, Les Naufragés (2001) a remis à l’ordre du jour une façon d’interpréter le sans-abrisme qui rappelle la façon dont des aliénistes de la fin du 19ème siècle interprétaient le vagabondage, notamment Charcot qui parlait de dromomanie. Declerck élabore le syndrome d’exclusion, caractérisé par une perte de repères spatiotemporels, des pratiques de dépendance (alcoolo-tabagisme) et une négation de soi, tant psychique que physique. L’exclusion est ainsi intériorisée : les personnes en état de clochardisation sont désocialisées et exclues d’elles-mêmes. C’est en tout cas ainsi que Declerck explique certains comportements tels que la mythomanie ou les dégradations physiques importantes (chaussettes incrustées sur les pieds ou asticots dans des plaies non traitées). Ce rapport au corps, de l’ordre du déni pour Declerck, est un des éléments les plus marquants pour les personnes qui travaillent auprès des personnes sans-abri. L’un des problèmes majeurs posés par cette thèse est la généralisation qu’elle ouvre. Declerck glisse au cours de son travail : parfois il précise qu’il parle des « clochards » en tant que sous-population au sein des personnes sans logement, parfois il dit qu’il parle de toutes les personnes désignées comme sdf, exclus, vagabonds, sans domicile. Cette généralisation s’appuie sur une explication de type psychanalytique, elle aussi contestable : ce serait les traumatismes de l’enfance qui rendraient compte d’une personnalité du clochard. Cette explication est concurrencée par d’autres : des causes structurelles sur l’offre de logement, les conditions d’hébergement, les relations complexes avec les travailleurs sociaux. Mais aussi plus liées aux émotions et aux sentiments, comme la honte de se dénuder ou la peur du diagnostic quand des plaies n’ont pas été traitées pendant longtemps. Enfin, la solution préconisée par Declerck, la « fonction asilaire », est elle aussi discutable : il faudrait ouvrir des espaces où les personnes seraient simplement libres d’exister, où elles retrouveraient le confort maternel, et où il faudrait abandonner toute volonté de changement de la situation, sauf à entrer dans une « charité hystérique ». Ce fatalisme peut être critiqué, et globalement, le propos est largement normatif. Il est à ce titre contestable : d’autres positions existent, là encore, pour proposer un hébergement inconditionnel, avec une offre d’aide sociale qui soit des prises pour que les personnes puissent choisir une autre vie. Dans tous les cas, il y a ainsi une opposition entre une vision qui tend à l’essentialisme psychopathologique telle que la propose Declerck et une conception processuelle du sans-abrisme. Une moralité historiquement située : la centralité de l’assistance comme registre dominant de réponse à cette situation problématique Le sans-abrisme est vu comme un problème à résoudre pour les individus et les sociétés, au sens où il génère une gêne, un trouble, des difficultés, qui engendrent en réponse la mobilisation individuelle de ressources et la mise en œuvre de politiques publiques. L’existence de personnes sans abri n’est pas ignorée, elle reçoit une attention collective et est interprétée comme un problème social, médiatique, public. DEFINITION DOMINANTE EN TERMES D’ASSISTANCE Le sans-abrisme s’intéresse alors au traitement institutionnel de ce problème. Il constitue une notion historiquement ancrée, au sens où il désigne notre actualité, singulière et collective : la vie dans les espaces publics est traversée de façon dominante par des enjeux d’assistance (Damon J., 2012), non seulement depuis la dépénalisation des délits de vagabondage et de mendicité en 1992 (Rullac S., 2007) mais aussi depuis le milieu des années 1970 avec l’élargissement de l’aide sociale à l’hébergement. Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 La distinction entre indigents valides et non valides, ou encore entre bons et mauvais pauvres, si elle peut se manifester de façon informelle, n’est plus centrale lorsqu’on aborde les institutions du sansabrisme d’aujourd’hui1. TRAITEMENT ENTRE ASSISTANCE ET REPRESSION Il ne s’agit pas d’occulter l’ambivalence du traitement du problème par divers acteurs : les pratiques de répression, contrôle ou encadrement continuent à traverser, compléter ou contester les modalités d’assistance, mais elles se font dans un cadre historique qui en affecte les formes traditionnelles du ramassage forcé, de l’enfermement et de l’assistance par le travail obligatoire. Il est fréquent, depuis le travail de l’historien polonais Bronislaw Geremek (1987) de dire que le traitement institutionnel des vagabonds et autres sans-abri oscille de tous temps entre assistance et répression. La recherche actuelle prolonge cette thèse générale en entrant dans le contenu de ce qu’on appelle « assistance » ou « répression », pour aborder d’une part les sentiments moraux, d’autre part les modalités de répression. Il me semble qu’on peut aborder deux aspects de la recherche actuelle : - PLACE DES SENTIMENTS MORAUX : Dans l’un des ouvrages les plus récents sur le sans-abrisme en Grande Bretagne, Paul Cloke, Jon May et Sarah Johnsen (2010) abordent le sans-abrisme principalement à travers les dispositifs d’urgence (dans 7 villes de Grande Bretagne, hormis Londres) qui délivrent une aide et un soin inconditionnels (c’est l’une des trois catégories d’associations, les deux autres étant les « prosélytes » et celles qui demandent des contreparties comportementales dans le style de vie). Les auteurs montrent, par des études de cas ethnographiques que les thèses sur la "ville répressive" et le "néolibéralisme" ne sont pas suffisantes pour rendre compte de la prise en charge des personnes sans-abri. Ils insistent sur le care, la compassion, l'empathie, l'agapè et la caritas. Ils affirment que le développement de cet "ethos" se retrouve aussi bien dans les agences religieuses que dans celles qui sont laïques. Ils forgent le concept de "post-secularism" (qu’on peut traduire par post-laïcisime) pour désigner cet ethos inspiré à la fois des vertus chrétiennes et des valeurs laïques, qui dépasse même l’opposition traditionnelle entre la charité (les associations dites caritatives) et la solidarité dite laïque, voire le professionnalisme du travail social. L’ouvrage que nous avons coécrit avec Daniel Cefaï converge partiellement avec cette perspective. Dans L’urgence sociale en action (Cefaï D. et Gardella E., 2011), nous avons conduit des analyses ethnographiques des interventions d’urgence sociale, notamment par les équipes mobiles du Samusocial de Paris. L’un de nos résultats est qu’il est fécond d’aborder l’urgence sociale à partir des sentiments moraux, non seulement la compassion mais aussi la reconnaissance, le souci de l’autre, la sollicitude : non seulement parce qu’on peut décrire et comprendre l’aide en adéquation avec le sens de ce que font les acteurs que nous avons rencontrés, mais aussi parce que cela permet d’être plus fins sur les limites de ces sentiments moraux. C’est un principe méthodologique défendu par certains chercheurs : prendre au sérieux le sens qu’accordent les enquêtés (ici, des intervenants sociaux) à ce qu’ils font, pour mieux en voir les limites. Ainsi, l’une des règles que nous avons identifiée est « servir Il suffit pour s’en convaincre de noter que la loi de Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (mars 2009) donne une réalité institutionnelle aux hébergements d’urgence en y imposant les droits à l’inconditionnalité de l’accueil (ce qui comprend l’absence de contrepartie), la continuité et l’accompagnement (art. L 345-2-2 et L 345-2-3 du Code de l’action sociale et des familles). Pour des premières analyses de cette évolution législative, voir Cefaï D. et Gardella É, 2011 ; ainsi que Rullac, 2012. La bataille judiciaire menée par des associations comme la Coordination nationale des professionnels de l’urgence sociale ou 115 juridique, dans l’objectif d’obtenir l’effectivité de ces droits, confirme que cette tendance se poursuit mais qu’elle reste toujours fragile. 1 Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 sans s’asservir » : certes il y a une inconditionnalité de l’aide, mais il ne s’agit pas non plus de satisfaire tous les désirs des personnes sans-abri, en particulier en ce qui concerne les transports avec le camion. Des conditions sont ainsi posées : ne pas prendre en charge une personne postée devant un centre d’hébergement, postée à un point de passage obligé du camion (ne pas faire le taxi), rappeler à l’ordre une personne qui n’a pas appelé le 115 dans la journée. Ces pratiques sont justifiées par plusieurs raisons : donner la priorité à ceux qui en ont le plus besoin (donc donner plus de temps et de moyens pour les personnes qui ne sont pas capables de ce genre de débrouille ou d’exigences), mais aussi responsabiliser en montrant que l’assistance n’est pas automatique. Ces deux justifications se rejoignent dans un sentiment de professionnalisme : aider une personne sans-abri, ce n’est pas tout lui céder, mais c’est se situer entre (ou à la fois) aider sans condition, essayer de changer une situation singulière et respecter une égalité de traitement entre les diverses personnes. - TRANSFORMATION DES PRATIQUES REPRESSIVES : même si la définition dominante dans les pays d’Europe est l’assistance, cette évolution historique ne signifie pas la disparition de toute pratique répressive. Si globalement le traitement du problème se fait par l’assistance, ce sont les transformations des modalités des pratiques répressives qu’il faut alors analyser. Si les vagabonds ne sont plus explicitement ciblés par les politiques répressives (à la différence de ce qui se passe aux Etats-Unis), ils peuvent être indirectement touchés par des mesures restrictives concernant l’usage des espaces publics. Un chercheur italien, Antonio Tosi (Milan, spécialiste des politiques locales et de gestion des espaces publics), fait un petit tour d’Europe : en Norvège, par exemple, ce sont les mendiants et les utilisateurs de drogues dans les espaces publics qui sont visés. On peut penser aux multiples dispositifs qu’on retrouve dans l’aménagement spatial de certains centreville, comme les arroseurs automatiques aux abords de monuments des places touristiques et commerçantes de certaines villes du Sud de la France, ou les sièges discontinus dans le métro parisien pour empêcher toute installation allongée et durable. Ces pratiques répressives ont aussi des conséquences dans l’offre d’assistance : quand des organisations, comme les services de sécurité des gares, chasse les personnes de leur espace, elles se mettent d’accord pour offrir non loin de là des aides d’urgence, souvent de faible qualité. On peut alors se demander si l’urgence, dans ces cas-là, n’est pas créée par les institutions elles-mêmes ! En Suède, les équipes mobiles seraient missionnées pour désinciter les personnes à dormir dans les centres commerciaux et à aller en centre d’hébergement. A Londres, la politique de lutte contre le sans-abrisme de rue, conduite au début des années 2000, a aussi utilisé la jonction des pratiques répressives (pénalisation de la mendicité, désincitation des personnes à donner aux mendiants) et des équipes mobiles devant proposer d’autres solutions que la rue. Remarque incidente : on voit là un usage ambivalent du misérabilisme et de la dénonciation du fait de vivre dans la rue : adopter une analyse fondée sur la norme du logement autonome, et ainsi ne pas adopter une perspective compréhensive sur la vie dans les espaces publics peut aussi alimenter des perspectives de contrôle des espaces publics. Symétriquement, adopter une perspective populiste, qui valorise uniquement la débrouille dans la vie à la rue, peut conduire à banaliser le sans-abrisme et à diminuer l’attention publique sur le problème. Antonio Tosi propose d’analyser les pratiques d’ordre public à partir de deux types de justifications : la décence et la sécurité. La place des personnes sans-abri dans le contrôle des espaces publics n’est alors pas la même aux Etats-Unis et en Europe : aux US, la figure du homeless incarne l’une des figures les plus emblématiques de la dégradation des espaces urbains, tant en termes de décence et de respectabilité, qu’en termes de sécurité. On retrouve la mention du mendiant et du vagabond dans les théories de la tolérance zéro ou de la prévention situationnelle, qui établissent un lien direct entre les microscopiques et bénignes infractions dans els espaces publics et les possibilités de développement d’une criminalité dangereuse. En Europe, il y a comme une séparation entre ces deux registres de Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 justification : la figure du sans-abri n’est pas vue comme une menace pour la sécurité (d’autres le sont, comme les bandes de jeunes ou les Roms ou encore les immigrés), mais comme une atteinte à la décence des espaces publics. En Europe, la pénalisation de la pauvreté, en termes de répression face à des menaces pour la sécurité publique, se porte bien plutôt sur les immigrés, y compris dits de « deuxième » voire de « troisième » générations. Mais Tosi insiste pour dire que ces politiques pénales contre les immigrés touchent indirectement les personnes sans-abri (dont font partie certains immigrés, notamment sans papier). Autrement dit, pour ne pas sous-estimer les politiques répressives qui touchent les personnes sans-abri, il faut aussi considérer les politiques répressives qui concernent les migrants. Plus globalement, il faut considérer les interactions entre les différentes politiques publiques : les politiques migratoires sont de grandes pourvoyeuses de sans-abri. L’asssistance est centrale dans les institutions du sans-abrisme, et cette centralité, loin d’effacer toute pratique répressive, en a plutôt transformé les modalités. Ces analyses sur les politiques publiques, assistancielles et répressives, rejoignent un des axes centraux des politiques publiques actuelles qui traversent l’Europe : la fin de l’urgence et la promotion du Logement d’abord. Le problème du chez-soi Enfin, le sans-abrisme ne se définit pas uniquement par rapport au logement. Il transporte aussi la fécondité sémantique du mot anglais home, qui désigne certes l’abri, mais qui intègre aussi la problématique du chez-soi. Le sans-abrisme inclut les tentatives institutionnelles de procurer un chez-soi, parcours chaotique, d’habitat précaire en habitat précaire, sans linéarité, de la rue au logement. Une des toutes récentes tentatives institutionnelles est celle dite du Housing First, qui représente le tournant des politiques publiques au niveau international : c’est la fin de l’urgence et plus globalement du modèle en escaliers (staircase model), et le passage au Logement d’abord. Pour la France, il faut distinguer une politique générale qui consisterait à faire accéder le plus rapidement possible au logement (dite Logement d’abord, son effectivité reste extrêmement limitée comme le montre Noémie Houard (2011)) et une politique ciblée sur les personnes diagnostiquées comme souffrant de troubles de santé mentale sévères, censés être ceux qui restent englués entre la rue et les dispositifs d’urgence, et ayant un fort coût, Nicholas Pleace (2011) rappelle les origines de la politique dite du « Housing first », « chez-soi d’abord », qui a d’abord ciblé les personnes sans-abri dites chronicisées, étant souvent diagnostiquées comme souffrant de troubles sévères. C’est la critique experte et associative du modèle en escaliers qui a conditionné l’adoption de ce nouveau modèle d’action publique. Ce modèle apparaît inefficace : - les personnes se retrouvent bloquées à une étape du parcours ; - les personnes abandonnent parfois le parcours avant même d’avoir réalisé toutes les étapes prévues. Les causes de cette faible inefficacité sont nombreuses. On peut rappeler le principal processus explicatif : les établissements, par manque de places et/ou par souci d’insertion, sont de plus en plus sélectifs à mesure que les étapes se rapprochent, donc ils bloquent certains individus ne se conformant pas (assez) aux critères d’entrée dans les établissements (notamment en termes d’addictions). Mais c’est plutôt à l’aune des conséquences, et notamment du coût de la prise en charge des personnes bloquées au niveau de l’urgence, que le modèle Housing First a été défendu par certains chercheurs états-uniens, notamment Dennis Culhane (2008). Celui-ci montre que les personnes qui sont chronicisées dans l’urgence, sont aussi des personnes qui se rendent souvent dans les services d’urgence médicale, et qui sont régulièrement emprisonnés pour des petits délits. Tout cela fait Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 qu’elles coûtent finalement cher au contribuable, financeur des services publics. L’efficience (coût et efficacité) serait bien plus grande si les pouvoirs publics leur accordent un logement accompagné directement : ils accèdent plus rapidement à un logement et ils y restent plus longtemps que quand ils y accèdent via les différents types d’hébergements. Le modèle Housing First est radicalement différent. D’une part, il accorde la priorité à l’accès au logement, avant de chercher à résoudre les problèmes d’addiction, de santé mentale, d’emploi ou d’insertion sociale. Toutes ces tâches d’accompagnement sont vues comme conditionnées par le fait que l’individu aidé dispose d’un logement pérenne. D’autre part, et c’est une conséquence de cette fixation d’une priorité a priori et définie collectivement, cette perspective met fin à la notion de « prise en charge globale », où les priorités n’étaient pas fixées a priori, mais établies à partir de la relation d’aide entre les aidants et la personne aidée : à tel moment, la personne va aller en hébergement, ce qui lui permettra peut-être d’avoir un déclic pour renouer contact avec sa famille ; ou inversement : il s’agit de favoriser ses relations familiales, avec les enfants, pour remotiver la personne d’aller en hébergement, puis de faire ses papiers. Le modèle en escalier reposait sur une prise en charge globale et singulière ; le modèle Housing First fixe une priorité a priori et collectivement définie. Comme le dit Pleace, le modèle en escalier (évolutif) était plus ambitieux, puisqu’il cherchait à résoudre en même temps tous ces problèmes : la comparaison brute entre le modèle évolutif et le modèle Housing First, à partir du seul critère de la durée d’occupation d’un logement autonome, n’est donc pas rigoureuse, au sens où ce n’était pas le seul objectif du modèle évolutif. C’est même en retournant la comparaison entre les objectifs du modèle évolutif et les enjeux du Housng First, que les critiques de certains chercheurs anglo-saxons arrivent : - certains pointent l’absence de données fiables sur l’efficacité du Housing First concernant le logement durable des personnes souffrant d’addictions sévères, pourtant présentes en grand nombre au sein des individus chronicisés entre la rue et l’urgence. En France, d’après l’enquête Samenta (Laporte A. et Chauvin P. dir., 2010), 33% des personnes en urgence sont dépendantes ou consomment régulièrement des substances psycho-actives, tandis qu’elles ne sont que 29% dans les CHRS et environ 10% dans les hôtels sociaux. Certaines études montreraient même que l’obligation d’une cure de désintoxication serait plus efficace que la gestion des risques ; - surtout que l’évaluation des outils et des résultats de cette gestion des risques n’apparaît que très peu dans les évaluations du Housing First ; - les modèles Housing First, du moins aux Etats-Unis, ne sont pas évalués sur leur capacité à inciter à s’éduquer, à se former, à trouver un emploi, à renouer des liens sociaux ; ce qu’on appelle en France le modèle de l’insertion sociale et économique. L’insertion par le logement est-elle suffisante ? COROLLAIRE DE LA PERSPECTIVE COMPREHENSIVE : CONCEPTION SYMETRIQUE DU CHEZ SOI ENTRE LA RUE ET LE LOGEMENT, ET ELEMENTS POUR UNE AMELIORATION DES POLITIQUES DU CHEZ SOI Le sans-abrisme se distingue en même temps du « mal logement », en ce qu’il prend au sérieux les possibilités, toujours vulnérables, d’habiter la rue par l’appropriation de morceaux d’espaces publics et par l’ancrage des habitudes dans une situation d’extrême pauvreté. En adoptant une définition aussi extensive du chez-soi, le sans-abrisme s’appuie sur les acquis interactionnistes selon lesquels toute désocialisation est aussi une resocialisation. Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012 C’est alors par la comparaison entre expériences, celles de la rue, des hébergements institutionnels et de l’accès au logement, que se construit la problématique du chez-soi dans le champ du sans-abrisme. Ce regard symétrique qui met sur le même plan ces diverses expériences du chez-soi, progresse vers la proposition d’une théorie de l’habiter en explicitant ses conditions de possibilité (Pichon P. dir., Jouve É., Choppin K. et Grand D., 2010). THEORIE DES « 4 A » DE PASCALE PICHON ET ALII Pascale Pichon, Elodie Jouve, Katia Choppin et David Grand (2010) explicitent des conditions de possibilité qui définissent, à partir de l’expérience des personnes accédant à un hébergement durable, ce que signifie « être chez soi ». Ils établissent une théorie, dite des « 4 A ». C’est une théorisation des pratiques par lesquelles les individus rencontrés en institutions, disent leur sentiment d’être chez-soi : - aménagements : les actions qui consistent à classer, ordonner, ranger, arranger l’environnement du mobilier et s’arranger avec les règles de l’institution. - attachements : à ce qui nous fait tenir, à ce qui nous relie à autre chose que soi tout, comme les réseaux, les habitudes ou les dépendances (alcool, drogues). Ces réseaux, habitudes et dépendances sont souvent rabattus sur une évaluation binaire : ce qui est bon pour l’autonomie, ce qui est mauvais pour l’autonomie. Or l’enquête de terrain montre plutôt que l’autonomie se construit à partir d’une continuité de l’expérience, par une gestion des attachements positifs et négatifs. - appropriations : c’est la possibilité de se soustraire au regard, au jugement et à l’autorité d’autrui pour agir sur et pour soi. Elle rejoint la notion d’intimité, définie par Jean-François Laé comme « possession d’un lieu et possession d’un corps à l’abri de la vue ». - ancrages : s’ancrer quelque part, c’est s’engager dans un ensemble de droits et de devoirs : les droits en tant que résidants dans une institution, censée aider à se réinsérer, du moins par l’obtention d’un logement ; les devoirs en tant que résidants de cette même institution. L’extrême difficulté du rapport à l’hébergement, habitat temporaire par définition, est de s’engager dans un rapport qui ait du sens, sans « trop s’installer » comme peuvent le rappeler les représentants de l’institution. Bibliographie Amore Kate, Baker Michael and Howden-Chapman Philippa, 2011, « The ETHOS Definition and Classification of Homelessness : an Analysis », European Journal of Homelessness, vol. 5, n° 2, p. 2037. 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Intervention d’Edouard Gardella, à l’Agence d’urbanisme de Lyon sur la question du sans-abrisme 20 septembre 2012