ACTIVATION DE LA RÉSILIENCE CHEZ DES ENFANTS PLACÉS, DU POINT
DE VUE DES PROFESSIONNELS DES SERVICES DE PROTECTION DE
L’ENFANCE DE L’ONTARIO, CANADA
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Office de la naissance et de l'enfance | « Carnet de notes sur les maltraitances
infantiles »
2019/2 N° 9 | pages 27 à 50
ISSN 2295-5518
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Robert Louis
Article
CARNET DE RECHERCHE
ACTIVATION DE LA RÉSILIENCE CHEZ DES ENFANTS
PLACÉS, DU POINT DE VUE DES PROFESSIONNELS
DES SERVICES DE PROTECTION DE L’ENFANCE DE
L’ONTARIO, CANADA
Résumé
Quoique la résilience ait été scientifiquement étudiée sous différents
angles, son activation, via un accompagnement significatif réalisé par un professionnel, suscite
un intérêt particulier notamment
dans la recherche de stratégies
innovantes d’intervention spécifiquement auprès des enfants exposés à la maltraitance. À travers
la lentille des savoirs pratiques de
cinquante travailleurs sociaux des
services de protection de l’enfance
de l’Ontario, cette étude a documenté précisément l’activation du
processus de résilience d’enfants
ayant été confrontés à des situations de maltraitance, et réputés
avoir mobilisé leur plein potentiel
de résilience, du point de vue des
participants. La posture interdisciplinaire adoptée ici, entraîne une
ouverture sur plusieurs champs
d’investigation, ainsi qu’une mise
en conjonction des savoirs disciplinaires divers mobilisant des
données empiriques et des ma-
tériaux théoriques. Les avancées
des neurosciences par exemple,
permettent de mieux saisir ce qui
s’observe empiriquement. Notre
analyse des récits de pratique
révèle que le mécanisme par lequel s’active le processus de résilience se met véritablement en
branle lorsque l’enfant, lui-même,
mais à la faveur du contact avec
un tuteur de résilience, parvient
à saisir le présent, à vaincre sa
peur, à s’approprier son sentiment
d’existence, à trouver sa place au
sein de la société. Cette posture de
l’enfant découle d’interventions qui
mettent l’accent sur l’encadrement,
le soutien, l’aide et les ressources
nécessaires, conditions sine qua
non pour que s’active la résilience.
Nous innovons donc. Nous proposons à travers cette étude, le
concept de résilience activée, que
nous définissons comme suit : Le
fait pour un individu, avec l’aide d’un
tuteur de résilience, de parvenir à
saisir le présent, à vaincre sa peur,
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Professeur | Professor
School of Social Work | École de service social
Université Laurentienne | Laurentian University
935 Ramsey Lake Rd. , Sudbury, ON P3E 2C6
DE L’ENFANCE DE L’ONTARIO, CANADA
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Professeur | Professor
Faculty of Human Sciences | Faculté des sciences humaines
Université Saint-Paul | Saint-Paul University
223 Main Street, Ottawa, Ontario, K1S 1C4 Canada
Email: rlouis@uottawa.ca rlouis@ustpaul.ca
Article – Carnet de recherche : L’ACTIVATION DE LA RÉSILIENCE CHEZ DES ENFANTS PLACÉS, DU POINT DE VUE DES PROFESSIONNELS DES SERVICES DE PROTECTION
Robert Louis, Docteur en Sciences Humaines Appliquées, Université de Montréal,
27
à s’approprier son sentiment d’existence et, à trouver sa place au sein
de la société.
Mots-clés : résilience, développement, enfants, intervention, prévention.
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Although resilience has been
scientifically studied from different angles, its activation, through
significant implication by a professional, arouses particular interest in the search for innovative
strategies of interventions, specifically with children exposed to
maltreatment. Through the lens
of the practical knowledge of fifty
social workers in Ontario’s child
welfare services, this study has
documented precisely the activation of the resilience process of
children experiencing abuse, and
reputed having mobilized their full
potential for resilience, from the
perspective of the participants.
The interdisciplinary position
taken here leads to an opening on
several fields of investigation, as
well as a combination of various
disciplinary knowledge (mobilizing
empirical data and theoretical materials). Advances in neuroscience,
for example, allow us to better
grasp what is observed empirically. Our analysis of practice narratives reveals that the mechanism
by which the process of resilience
is activated is really set in motion
when the child himself, but through
extensive support from a resilience tutor, manages to grasp the
present, to overcome his fear, to
appropriate his sense of existence,
to find his place in the heart of society. The child’s posture stems
from interventions that emphasize
the necessary support, assistance,
help and resources, which are the
perfect condition for resilience to
be activated. We innovate. In this
study, we propose the concept of
«activated resilience», which we
define as follows: «The fact that a
child, with the help of a resilience
tutor, can grasp the present and
overcome his fear, to appropriate
his sense of existence and to find
his place in the heart of society «.
Keywords : resilience, developpment, children, intervention, prevention.
INTRODUCTION
Cette étude s’intéresse au processus d’activation de la résilience
par l’activité professionnelle de tuteurs de résilience, soit des adultes
significatifs dans la trajectoire de vie
d’enfants particulièrement éprouvés par les difficultés de la vie. La
résilience est entendue ici comme
le fait pour un enfant ayant vécu
dans des contextes d’adversité et
de stress élevé de se remettre à
vivre, le plus normalement possible,
avec le moins de conséquences négatives possibles (Cyrulnik, 2009).
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Abstract
Cette recherche prolonge les études
crise constitue une priorité pour
soutenant un changement de persconcevoir une intervention plus
pective en psychopaadéquate dans ces
thologie et suggérant
situations difficiles
Concrètement, cette (Powley, 2009).
un changement de
regard sur le devenir recherche vise à étendre Concrètement, cette
les connaissances
des enfants maltrairecherche vise à
tés. Classiquement,
étendre les connaisrelatives à l’une des
plusieurs études se
conditions essentielles sances relatives à
sont focalisées sur
l’une des conditions
de ce processus
la mobilisation des
essentielles de ce
d’activation, soit la
ressources adaptaprocessus d’activatives de l’enfant face présence de tuteurs de tion, soit la présence
résilience, des acteurs, de tuteurs de résiau traumatisme de la
maltraitance (Cyrulici professionnels, dont lience, des acteurs,
nik, 1999; Manciaux, l’intervention a pour effet ici professionnels,
2000; Lemay, 2000). de soutenir les facteurs dont l’intervention a
En tenant compte
pour effet de soutenir
de résilience, plus
de ces facteurs, ce
les facteurs de résicourant de pensée encore de susciter leur
lience, plus encore
activation.
cherche à augmende susciter leur acter la résilience des
tivation.
enfants, pour boucler ainsi le cycle
Notre conception de l’activation
de gestion de la maltraitance par un
de la résilience par l’activité profesretour à la prévention et à l’adapsionnelle de tuteurs de résilience
tation. Toutefois, ces travaux s’arainsi que le cadre conceptuel sont
rêtent généralement aux facteurs
présentés dans la première partie.
de résilience chez l’enfant suite à
La deuxième partie décrit la mél’exposition à la maltraitance, et
thodologie de l’étude, alors que les
n’examinent pas le processus par
résultats sont présentés dans la
lequel la résilience s’active. L’étude
troisième partie. Enfin, la dernière
du processus d’activation de la répartie comprend la discussion et la
silience dans la période critique de
conclusion.
"
l’enfant (CIDE) des Nations Unies,
adoptée et ratifiée en 1989 par la
plupart des pays du monde, incluant
le Canada. Ces pays acceptent de
promouvoir et de respecter l’ensemble des droits inscrits dans cette
convention.
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Pour bien comprendre le système de placement en Ontario, il
est nécessaire de le placer dans le
cadre contextuel mondial, fondé sur
le respect des droits de l’enfant. Ces
droits sont inscrits dans la Convention internationale des droits de
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LE SYSTÈME DE PLACEMENT ET LA MALTRAITANCE INFANTILE DANS
L’ONTARIO : CADRE CONTEXTUEL
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"
1 Selon une étude menée en 2011, intitulée : « Violence et négligence envers les enfants »,
publiée par le Portail Canadien de la recherche en protection de l’enfance.
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Partout dans le monde, il est
Des données provinciales récentes
essentiel de protéger les enfants
indiquent que le Canada compte l’un
contre les risques et les maltraides taux de placement en famille
tances, bien que cette tâche soit
d’accueil les plus élevés au monde
difficile et complexe. En Ontario où
(Trocmé, 2011)1. Les enfants sous la
s’est déroulée cette étude, ce sont
responsabilité des services de proles Services d’aide à l’enfance (SAE)
tection de l’enfance de l’Ontario dont
qui offrent ce filet de sécurité aux
il est question dans cette étude sont
enfants qui subissent ou risquent
les enfants placés, c’est-à-dire une
de subir des maupopulation d’enfants
vais traitements
impliqués dans le
Au Canada, on
physiques, sexuels ou
dispositif de protecpréconise une
affectifs, de la néglition de l’enfance, reintervention fondée sur pérés, observés, pris
gence ou l’abandon.
la sécurité de l’enfant. en charge, assistés et
La protection des
suivis sur une longue
Ainsi, lorsqu’on juge
enfants, des jeunes
période ; ce faisant,
et des familles vulque la sécurité d’un
ce sont les enfants
nérables est au cœur enfant est compromise,
dont la situation est
du travail, de la mison retire celui-ci de
la plus difficile qui
sion et des valeurs
son
milieu
familial.
retiennent l’attention
de toutes les SAE
de cette étude.
Cependant, avec le
de l’Ontario. Plus de
20 000 des 3,1 mil- nombre actuel d’enfants
Au Canada, on
lions d’enfants de
préconise une interpris en charge, il
l’Ontario, confrontés devient de plus en plus vention fondée sur la
à des situations de
difficile de trouver des sécurité de l’enfant.
maltraitance, sont
Ainsi, lorsqu’on juge
structures d’accueil
sous la garde des
que la sécurité d’un
de qualité d’un bout à enfant est comproSAE. Cela signifie
l’autre du pays.
que tous les jours, 1
mise, on retire ceenfant sur 155 est
lui-ci de son milieu
pris en charge en Ontario, puisque
familial. Cependant, avec le nombre
sa sécurité ou son développement
actuel d’enfants pris en charge, il
est compromis (OACAS, 2013). Un
devient de plus en plus difficile de
peu plus de 60 % des enfants pris
trouver des structures d’accueil de
en charge vivent dans des arrangequalité d’un bout à l’autre du pays.
ments familiaux nouveaux pour eux,
Les parcours des enfants sont frétels que la parenté ou des familles
quemment faits de ruptures qui
d’accueil. Le reste vit dans des
nuisent à l’efficacité du placement
foyers, des établissements de prise
et au développement de l’enfant. Du
en charge ou de façon autonome.
point de vue de ce dernier, le place-
Il ne faut pas perdre de vue que
ce dispositif est complexe et qu’il est
parfois difficile pour le jeune et sa
famille de s’y repérer. Le placement
Les compétences du personnel
qui œuvre auprès de ces enfants
tout au long de leur parcours sont
très diversifiées. La moitié du personnel exerce des fonctions éducatives, pédagogiques et sociales.
Outre la direction de la structure,
on compte des éducateurs spécialisés, des moniteurs éducateurs, des
psychologues et psychomotriciens,
des pédopsychiatres, des agents de
service, des travailleurs sociaux, des
professionnels du secteur médical
et sanitaire, des enseignants, des
animateurs de loisirs et sportifs,
ainsi que des personnes non professionnelles, telles que des bénévoles intervenant pour des activités
de soutien scolaire ou du personnel
administratif, par exemple.
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Ces enfants sont donc hébergés
en famille d’accueil ou en établissement selon des modalités variables. Les modes et les rythmes
d’accueil ont été diversifiés par des
dispositions nouvelles de la Loi sur
les Services à l’Enfance et à la Famille (LSEF, 2017), afin de les rendre
plus souples et plus adaptés aux besoins des enfants et de leur famille
et ainsi limiter les changements et
les ruptures préjudiciables à l’équilibre de ces jeunes fragilisés. De tels
changements de perspective et de
pratiques se font progressivement
(Myers, 2010).
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Tout placement est obligatoirement précédé d’une évaluation
examinant l’état de l’enfant, la situation de la famille et les aides
mobilisables dans son environnement (OACAS, 2013). La décision de
placement fixe la durée du retrait
du contexte familial, retrait qui varie
entre quelques jours et plusieurs années. Il peut être modifié et renouvelé à tout moment, à la demande des
parents ou de la SAE. Quelle que soit
sa durée, il implique de connaître
systématiquement et intégralement
le parcours des jeunes placés.
peut, en outre, contribuer à fragiliser davantage un parcours parfois
émaillé de ruptures. Permettre aux
enfants et aux familles de connaître
et d’exercer leurs droits limite les
risques de fragilisation, notamment
en leur proposant des espaces de
ressources et d’accompagnement.
Qualifiés de patates chaudes par plusieurs, ces enfants en besoin de protection ont eu un parcours fracassé
tant du point de vue psychologique
que social, accumulant de quatre à
dix placements, parfois plus, dans
des structures diverses ; presque
tous sont passés par la pédopsychiatrie.
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ment est souvent une parenthèse
dans la vie d’un enfant.
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Exposés à des conditions de vie
ou d’une adversité (Cyrulnik, 2009, p.
difficiles (intimidation, inceste, pri8). Cette capacité se nomme la révation, négligence, toxicomanie, viosilience, c’est-à-dire le fait pour un
lence, abus sexuels ou physiques…),
enfant ayant vécu dans un contexte
certains enfants s’adaptent à leur
d’adversité de se remettre à vivre
trajectoire et s’en sortent mieux que
avec le moins d’effets négatifs posd’autres qui, au contraire, sont psysible.
chiquement tellement affectés qu’ils
S’il est vrai que
développent des comdans le cadre de
portements délétères,
Cette capacité se
cette étude, le tuau point que certains
nomme la résilience,
teur de résilience
d’entre eux tentent
occupe une foncc’est-à-dire le fait
de se suicider (Anaut,
tion professionpour un enfant ayant
2002). La capacité povécu dans un contexte nelle (travailleur
tentielle de faire face à
social, enseignant,
d’adversité de se
l’adversité est un élééducateur, psychoment clé du dévelop- remettre à vivre avec le
logue), ce n’est pas
pement positif de tout moins d’effets négatifs
uniquement cette
enfant, et devrait donc
fonction qui crée
possible.
faire l’objet d’un effort
le statut de tuteur
de recherche beaucoup
de résilience. L’enfant confronté à
plus soutenu quant à ses conditions
la maltraitance a besoin de se send’activation (Springer et al., 2007;
tir aimé, de se développer dans un
Miller, 2008). La maltraitance pousse
cadre structurant, de découvrir que
le corps à réagir en augmentant le
la vie a du sens pour devenir résirythme cardiaque, la pression arlient. Pour l’enfant blessé, le tuteur
térielle et des hormones de stress,
peut être également un parent, toute
comme le cortisol. Quand ce stress
personne avec laquelle il pourra déest extrême et durable, et que des
velopper une relation de confiance
mesures d’atténuation ne sont pas
rendant possible la reprise d’un dédisponibles pour l’enfant, cela peut
veloppement sain et positif, en aiendommager ou affaiblir l’architecdant l’enfant à reprendre confiance
ture du cerveau, avec des répercusen lui et à avoir un projet d’avenir
sions néfastes, à long terme, telles
malgré le fait qu’il ait été exposé à
que des troubles du comportement,
des situations d’adversité (Lecomte,
des problèmes d’adaptation ou d’hy2005 ; Cyrulnik, 2009; Anaut, 2006).
peractivité (Cyrulnik, 2009). CepenLe fait que certains enfants
dant, l’enfant possède la capacité de
soient résilients est une réalité
réussir à vivre et à se développer
connue et amplement étudiée. On
positivement, de manière socialeconnaît peu la manière dont la résiment acceptable, en dépit du stress
"
"
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L’ACTIVATION DE LA RÉSILIENCE PAR L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE DE
TUTEURS DE RÉSILIENCE
LES INTERVENTIONS POST-MALTRAITANCE ET L’ACTIVATION DE LA
RÉSILIENCE
Des études de cas individuels,
des expériences naturelles ainsi que
des recherches sur la prévention et
les interventions indiquent que la
résilience peut être activée (Anaut,
2006; Masten, 2014; Krampen, 1987;
Springer, et al, 2007; Aouba, 2001).
Une attention croissante est portée
aux facteurs qui facilitent l’activation
de la résilience à travers le monde,
chez les enfants qui grandissent
dans des conditions de vie dangereuses et difficiles. Un solide corpus
de connaissances est maintenant
nécessaire pour informer les pra-
tiques et les politiques visant à activer la résilience.
Dans les interventions post-maltraitance visant l’activation de la
résilience, le tuteur cherche à réduire voire à complètement éliminer
l’exposition au risque. Il est souvent
possible de prévenir ou de réduire
l’exposition au risque ou à l’adversité, en augmentant les ressources
et les actifs. Même lorsque des facteurs de risque sont déjà présents,
il est souvent possible d’accroître
les actifs et les ressources - ou leur
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La présence d’un rapport de
confiance avec l’entourage immédiat est déterminante pour aller
pleinement activer le processus de
résilience. La capacité également de
participer à la vie sociale, en se sentant utile et responsable, fait oublier
les immenses sacrifices requis par
certaines conditions de vie intolérables. Et si l’enfant peut se rattacher à des projets qui confèrent un
sens à sa vie, il pourra se transcender sans nécessairement hypothéquer sa santé mentale. La résilience
exige une ouverture aux autres. Le
repli sur soi est la stratégie perdante. Ce n’est pas parce qu’ils ont
des qualités supérieures que les
enfants résilients s’en sortent, c’est
parce que les tuteurs les entourant
ont su mobiliser des savoirs spécifiques à l’activation de la résilience.
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L’activation de la résilience requiert que le tuteur se centre sur
la création de situations d’interventions permettant à l’enfant d’expérimenter l’émergence de ressources
et de compétences nouvelles, mais
aussi d’un sentiment de confiance à
autrui et d’estime de soi lui permettant de se réaffilier au monde social
(Kaufman, 2013). Cela permet à l’enfant d’inscrire sa trajectoire sociale
dans un présent plus sensible au futur. L’effort d’intervention peut viser
alors non pas la réparation utopique
de la blessure subie, mais bien davantage la remise en jeu des capacités du sujet et l’accroissement de
ses ressources personnelles afin
qu’il retrouve un équilibre puis qu’il
reprenne son parcours développemental post-maltraitance.
Article – Carnet de recherche : L’ACTIVATION DE LA RÉSILIENCE CHEZ DES ENFANTS PLACÉS, DU POINT DE VUE DES PROFESSIONNELS DES SERVICES DE PROTECTION
lience s’active (Powley, 2009). Cette
étude porte donc moins sur les facteurs de résilience chez les enfants
que sur le processus d’activation
de facto soutenu par les tuteurs de
résilience.
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Le tuteur soutient l’activation de
la résilience par la promotion d’une
participation sociale adéquate. En
effet, il vise par son approche à
favoriser l’utilisation des caractéristiques positives individuelles,
familiales et communautaires, à
faciliter l’appropriation de savoirs
et d’habiletés pour une meilleure
autodétermination et à soutenir le
développement d’habiletés relationnelles et familiales (Jourdan-Ionescu et al., 2005).
Ainsi, le tuteur contribue à développer ou rehausser le sentiment
d’efficacité personnelle de la personne par la reconnaissance de ses
compétences et ses ressources personnelles qui sont mises à contribution (Bandura et al., 2002 ; Benight
et al., 2004). Le fait que la personne
participe à l’élaboration de l’intervention par le choix de ses objectifs,
la planification et l’évaluation renforcent le sentiment de confiance
en ses capacités.
De plus, une présence régulière
des tuteurs deux fois par semaine
auprès de l’enfant participe au
développement et au maintien du
soutien social disponible pour lui et
par le fait même à la diminution du
sentiment d’isolement. Enfin, le lien
avec des organismes communautaires favorise l’augmentation des
occasions de participation sociale et
communautaire à long terme pour
ces enfants (Jourdan-Ionescu et al.,
2005).
Un mouvement pendulaire prenant la forme de commentaires
constructifs, marque l’intervention
post-maltraitance. Krampen (1987)
s’intéresse aux effets de ces commentaires de la part des tuteurs
dans l’activation de la résilience.
L’auteur distingue trois types de
commentaires écrits de la part des
tuteurs. D’abord, les commentaires
de type social (socially oriented) ont
pour objectif de comparer les enfants entre eux sur la base de leur
résilience. Les commentaires de
type objectif (subject matter oriented)
ont pour fonction de comparer l’enfant en fonction de standards préétablis. Les commentaires de type
personnel (individually oriented)
visent la comparaison de l’enfant
par rapport à ce qu’il a déjà fait ou
est capable de réaliser. L’intervention post-maltraitance visant l’activation de la résilience s’oppose à
l’intervention de l’expert orientée
sur les incapacités de la personne.
Elle offre plutôt une vision de l’intervention en partenariat axée sur
les forces de la personne et centrée
sur le projet choisi par celle-ci. L’accompagnement par le tuteur se fait
en co-construction avec l’enfant, la
famille, dans son environnement de
vie naturel lui offrant ainsi davantage d’options (Jourdan-Ionescu,
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efficacité - dans le but de contrebalancer le risque (Bandura et al.,
2002 ; Benight et al., 2004). Les tuteurs interviennent dans des écoles,
par exemple, pour contribuer à la
mise en place de mesures pouvant
faciliter la fourniture des repas, des
soins de santé, des ordinateurs, des
livres, des moniteurs et des enseignants formés pour atténuer les
effets des situations à haut risque.
Il s’agit d’une analyse qualitative
exploratoire de récits de professionnels tuteurs de résilience. L’entrée
par les récits de pratique favorise
d’une part, la reconstruction du sens
de leur expérience, et d’autre part,
l’accès aux savoirs pratiques par
la verbalisation de l’intervention.
Nous ne traitons dans cet écrit que
des récits de professionnels de la
protection de l’enfance, rencontrés
dans des SAE de l’Ontario. Le choix
de ne considérer ici que l’intervention des professionnels dans l’activation de la résilience s’explique
par le fait que c’est cette population
précise qui doit appliquer les règles
et consignes qui régissent le placement de l’enfant ainsi que les relations à entretenir avec les familles
d’accueil. Ils possèdent dès lors une
expertise à la fois pointue et unique
en la matière. Cette expertise représente pour cette étude un important
facteur de validité.
L’échantillon a été constitué en
fonction des critères suivants :
Professionnels (travailleurs sociaux, psychologues, sociologues,
psychoéducateurs).
Ayant un minimum de trois années d’expérience.
Ils devaient également estimer
être intervenus auprès d’au
moins un enfant réputé résilient.
Cet enfant devait avoir été placé
en foyer et famille d’accueil pour
des motifs de maltraitance ou
de vécu dans des contextes très
difficiles (ex. : maltraitances physiques ou sexuelles).
En plus d’avoir travaillé au moins
trois ans dans une SAE, il était important que les participants sélectionnés dans le cadre de cette
recherche aient géré plusieurs
dossiers de placements d’enfants
variant entre 98 à 224, sur une période s’étalant sur 5 à 26 années.
Cela permet à l’étude d’être enrichie
d’une somme d’expériences de placements qui se sont bien déroulés,
ainsi que des multiples interactions
et échanges avec les milieux d’accueil.
En ce qui concerne les enfants,
ils ont été placés pour des durées
variant d’une journée (placements
d’urgence) à 16 ans et étaient âgés
entre 0 et 16 ans au moment du
placement. Les placements les plus
courts variaient d’une journée à 24
mois, alors que les plus longs duraient entre 25 mois et 16 ans.
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MÉTHODOLOGIE
DE L’ENFANCE DE L’ONTARIO, CANADA
loppement des compétences tant à
l’intérieur de l’équipe d’intervenants
et de chercheurs qu’avec le tuteur,
l’enfant et ses proches. Ainsi, la personne pourra davantage s’autodéterminer et exercer un pouvoir sur
sa vie.
Article – Carnet de recherche : L’ACTIVATION DE LA RÉSILIENCE CHEZ DES ENFANTS PLACÉS, DU POINT DE VUE DES PROFESSIONNELS DES SERVICES DE PROTECTION
2001). Au contraire de l’approche
de l’expert, les objectifs de l’intervention seront identifiés du point
de vue de la personne et ensemble,
avec le tuteur, les activités pour les
réaliser sont explorées et mises en
œuvre. D’ailleurs, cette approche
en partenariat favorise le co-déve-
35
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L’âge, l’ethnie ou le sexe des participants n’ont pas fait l’objet d’un
critère de sélection. Concernant
l’âge plus particulièrement, des intervenants pouvaient être très âgés
mais manquer d’expérience parce
que nouvellement affectés dans le
département des enfants placés. À
l’opposé, un intervenant plus jeune
pouvait avoir le nombre d’années
d’expérience requis. Donc, le fait de
rechercher des intervenants qui ont
au moins trois ans de pratique permet de contourner le critère d’âge.
La collecte des données s’est
effectuée au moyen d’entretiens
individuels semi-structurés.
Sur base volontaire, nous avons
interrogé 50 professionnels (35
femmes et 15 hommes) de huit
organismes de l’Ontario œuvrant
auprès d’enfants sous la protection
de l’État. Les rencontres se sont
déroulées sous forme d’entretiens
semi-directifs, basés sur la grille
suivante :
Caractéristiques des jeunes tels
qu’ils sont représentés chez les
professionnels de la protection.
Problématiques rencontrées
dans l’exercice professionnel auprès des enfants placés, exposés
à des situations d’adversité.
Processus d’activation de la résilience. Récits d’histoires vécues,
récits de pratiques, exemples de
cas de résilience, explicitation du
processus d’activation de la résilience (attitude professionnelle,
vécu, liens intersubjectifs).
Les entretiens ont été enregistrés et se sont déroulés de manière
très peu directive tout en abordant
les trois axes que nous venons
de citer. Ils ont également permis
d’aborder d’autres questions spécifiques telles que le placement, le
traumatisme, le parcours des enfants réputés résilients. Les récits
ont été sélectionnés selon les critères suivants :
Existence d’une situation de résilience activée, racontée du début
à la fin.
Existence d’un vécu d’adversité
pour l’enfant, postures adoptées,
informations et avis subjectifs
donnés par le participant sur la
situation.
2 Cette étude a obtenu une autorisation éthique du Comité d’éthique de la recherche en arts et
en sciences, Faculté des arts et des sciences de l’université de Montréal.
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CANADA
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36
Une cinquantaine de professionnels (35 travailleurs sociaux,
5 psychologues, 5 sociologues, 5
psychoéducateurs) ont accepté de
participer à cette étude2. L’ensemble
des participants possède un diplôme
d’études universitaires dans l’une
des disciplines suivantes : travail
social, psychologie, sociologie,
psychoéducation. Dix d’entre eux
possèdent un baccalauréat, trente
d’entre eux détiennent une maîtrise,
et les dix autres qui sont titulaires
d’un PhD interviennent dans un
rôle de personnes-ressources (directeurs généraux, directeurs ou
directrices de centre, superviseurs,
administrateurs) après plusieurs
années dans une posture d’intervenants.
L’observation la plus révélaNous allons par la suite présentrice de notre analyse des récits de
ter chacun des éléments principaux
pratique consiste à
identifiés dans le proLe mécanisme
affirmer que le mécessus d’activation,
canisme par lequel
en l’illustrant à l’aide
par lequel s’active le
s’active le processus processus de résilience d’extraits de récits.
de résilience se met se met véritablement en
Les
véritablement en
branle
lorsque
l’enfant,
caractéristiques du
branle lorsque l’entuteur
lui-même,
mais
à
la
fant, lui-même, mais
faveur
du
contact
avec
Au fil des entreà la faveur du contact
tiens
menés, ceravec un tuteur de réun tuteur de résilience,
taines
caractérissilience, parvient à
parvient à saisir le
tiques
des
tuteurs
saisir le présent, à
présent, à vaincre sa
de
résilience
ont
vaincre sa peur, à
peur,
à
s’approprier
son
été
identifiées.
Pars’approprier son sentiment d’existence, à sentiment d’existence, à mi celles jouant un
trouver sa place au trouver sa place au sein rôle important dans
le processus d’actisein de la société.
de la société.
vation, l’on retrouve
"
"
DE L’ENFANCE DE L’ONTARIO, CANADA
RÉSULTATS
Article – Carnet de recherche : L’ACTIVATION DE LA RÉSILIENCE CHEZ DES ENFANTS PLACÉS, DU POINT DE VUE DES PROFESSIONNELS DES SERVICES DE PROTECTION
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Dans le but de valider et d’explorer les éléments d’analyse découlant des entretiens individuels,
tout en restituant toute la complexité
des implications professionnelles,
nous avons effectué deux entretiens
collectifs réunissant chacun dix professionnels. Pendant ces rencontres,
les participants se sont prononcés
sur divers sujets en rapport avec
leur expérience en tant que tuteurs
de résilience d’un enfant placé.
L’analyse des données s’est
effectuée à l’aide de l’analyse de
contenu thématique. Grâce à cette
stratégie d’analyse, nous avons pu
découvrir la signification des récits.
Nous avons opté pour la saisie et
le codage manuels en utilisant le
logiciel QDA Miner. Cela nous a permis de classer et de catégoriser le
contenu de nos entrevues. À l’aide
de ce codage fait manuellement,
nous avons créé des fichiers selon
les catégories et les sous-catégories abordées dans les entrevues.
L’analyse qualitative de ce matériel
permet d’en dégager les idées principales afin d’atteindre les objectifs
de l’étude.
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Connaissance directe de l’enfant
auprès duquel le participant a été
impliqué (contact régulier avec
l’enfant, connaissance de sa problématique et de son parcours).
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L’ouverture d’esprit à l’égard du
potentiel de l’enfant
L’ouverture d’esprit est considérée comme une habileté importante dans l’intervention des tuteurs,
à laquelle s’adjoint la tolérance, le
respect, la curiosité et l’humanisme.
Elle permet la prise en compte des
multiples facettes de la situation
tout en laissant une place aux possibilités qui peuvent émerger dans
l’interaction avec l’enfant.
Si on arrive auprès de ces
enfants enfermés dans nos propres
idées pour ce qui est bon pour eux,
sans être ouvert à leurs propres
idées, on risque de passer complétement à côté de la réalité et même de
devenir inhumains. (Participant 1)
Quand ils sentent que vous êtes
ouvert, à l’écoute, intéressé par
eux, ils deviennent plus enclins à
partager avec vous leurs habiletés, passions, idées et même leurs
réseaux. (Participant 6)
Bien qu’ils accordent beaucoup
d’importance à l’ouverture d’esprit,
les participants insistent néanmoins
sur le fait qu’elle ne les incite pas
pour autant à tout accepter :
Pour ce qui nous concerne,
l’ouverture d’esprit ce n’est pas
du tout le fait de tout accepter, au
contraire ! Le fait d’être ouvert nous
ouvre la porte à des interactions
plus sincères et plus profondes avec
les enfants que nous rencontrons.
Cela nous permet d’avoir une meilleure idée, par exemple, de ce qu’ils
veulent, de leurs habiletés, de leurs
rêves. (Participant 3)
Pour pénétrer dans l’univers
complet de ces enfants et aller
chercher leurs forces, il nous faut
par moments mettre de côté nos
idées préconçues, nos croyances,
pour être capable de bien les comprendre. — Cela [l’ouverture d’esprit] demande beaucoup d’humilité,
car dans ces moments précis, il
faut être ouvert au fait qu’à bien des
égards, c’est quasiment eux [les enfants] les experts de leurs propres
situations. (Participant 2)
Les récits des participants révèlent qu’une posture d’ouverture
d’esprit renvoie le message que les
enfants sont importants et porteurs
de solutions.
Une présence empathique
Selon les participants, la
présence empathique est une
sous-composante de l’ouverture
d’esprit. Elle permet de conscientiser le tuteur quant à la manière subjective dont l’enfant en particulier vit
ce qui l’affecte. Cette présence doit
en effet être ressentie, perceptible
au quotidien par l’enfant.
La présence empathique nous
permet d’être simplement soucieux
de l’état émotionnel de l’enfant afin
d’identifier ses propres émotions et
ses vrais soucis. (Participant 4)
La perception par l’enfant de
cette présence requiert une au-
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l’ouverture d’esprit, une présence
empathique, une volonté manifeste
de mobiliser les ressources pouvant
améliorer les situations actuelles
ou futures, une attitude positive et
optimiste.
On ne fait quasiment jamais de
reproches à l’enfant. (Participant 7)
Ce qui importe vraiment pour
nous, c’est de chercher et de trouver
ce petit brin de force qui existe
encore chez l’enfant, souvent après
qu’il ait presque tout perdu.
(Participant 2)
On devient pour l’enfant cette
présence qui, en quelque sorte,
absorbe ses erreurs, ses faiblesses,
pour découvrir ses habiletés, sinon
on risque de se trouver dans un cul
de sac. (Participant 3)
Les tuteurs consentent un effort
significatif dans le processus d’activation de la résilience, notamment
DE L’ENFANCE DE L’ONTARIO, CANADA
Les participants présentent la
présence empathique comme un
puissant vecteur de motivation et
d’adaptabilité de l’intervention qui
incite l’enfant à agir au-delà du traumatisme et à s’engager consciemment dans le processus d’activation
de la résilience.
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Il faut par contre être authentique, ne pas faire semblant, cela
nous donne souvent l’heure juste
sur l’étendue des abus subis par
l’enfant. (Participant 10)
Pour entrer pleinement dans le
processus d’activation de la résilience, l’enfant doit ressentir qu’on
porte sur lui un regard inspiré par
un véritable intérêt pour son mieuxêtre. (Participant 9)
sur le plan affectif, mais aussi en
termes de présence physique et de
disponibilité à l’enfant. Les tuteurs
ne perçoivent pas leur implication
comme quelque chose d’extraordinaire ou de professionnalisé. Cela va
dans le sens des travaux de Masten
(2014) qui mettent aussi en évidence
le fait que la résilience fait appel à
des ressources ordinaires, dans la
plupart des cas. Elle est plutôt le
résultat de ce que Masten appelle
la magie ordinaire (2014, p.52) provoquée par une rencontre sensée
et authentique aux yeux de l’enfant.
Cette implication du tuteur vise la
mobilisation et la facilitation des systèmes de protection puissants chez
l’enfant, par l’atténuation des effets
des situations anxiogènes à haut
risque à travers des programmes
visant à renforcer ou à améliorer la
qualité des relations parent-enfant,
mentor ou enseignant-enfant ou à
donner une famille aimante à un
enfant orphelin sont des exemples
de mobilisation du pouvoir des relations d’attachement (Masten, 2014).
Protéger l’efficacité des parents en
cas de crise est un autre exemple.
La recherche sur les interventions
préventives, visant l’activation de
la résilience auprès des enfants
confrontés à des familles en instance de divorce et d’autres types
d’adversité a démontré qu’une
présence empathique avait un effet protecteur sur les enfants, avec
des effets positifs pouvant durer des
années après l’intervention (Masten,
2014; Krampen, 1987). Des expériences récentes visant à stimuler
le développement des compétences
des fonctions exécutives chez les
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thenticité du tuteur, elle-même requérant une connaissance approfondie de l’enfant, des interactions
fréquentes, une disponibilité réelle
et quotidienne à cet enfant :
39
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Pour le tuteur de
développement de
la solidarité et le
constat de la capacité de l’humain à
franchir les premiers
obstacles qui suivent
un évènement grave
confèrent à l’enfant
maltraité un sentiment encourageant
de maîtrise de la
situation (Gilligan,
2008; Delage, 2001). d’adaptation
Dans la pratique, la
mise en jeu de ces éléments se présente de manière différente selon
que l’enfant est rencontré dans les
suites immédiates et à court terme,
sous le choc, ou selon qu’il est rencontré à distance de la situation
traumatique, à moyen terme et prise
dans un travail de crise (Delage,
2001). Le processus d’activation
de la résilience est donc fondé sur
le lien et se construit dans l’intersubjectivité (Anaut, 2002), d’où l’importance du tuteur comme une des
conditions qui active le processus
de résilience. Toutes les études sur la
résilience ont montré qu’un élément
essentiel est la rencontre avec une ou
des personnes qui ont pu être tuteurs
de résilience (Lecomte, 2003, p. 12).
"
humaine.
"
Cela peut paraître
contradictoire, mais des conditions
de vie extrêmes permettent le développement des ressources, voire
même des compétences jusque-là
insoupçonnées. (Participant 1)
Il s’agit pour nous d’aider à
repérer les connaissances, savoirs,
aptitudes, capacités de l’individu, de
les mobiliser afin de les transformer
en actions. (Participant 2)
Ainsi, l’enfant parvient à découvrir
ses aptitudes parfois scolaires, mais
aussi artistiques. (Participant 3).
Une relation signifiante avec
un tuteur de résilience permet à
l’enfant d’expérimenter sa propre
expérience du monde en tant que
productrice de compétences.
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40
Une volonté manifeste de
mobiliser les ressources de
l’enfant
Une des caractéristiques du tuteur de résilience que les participants ont identifié comme étant un
élément important pour favoriser
le processus d’activation de la résilience est une volonté manifeste du
résilience, le
tuteur de mobiliser les ressources
cognitives, sociales et
Il est rassurant de
conatives de l’enfant
savoir que l’activation dans le sens d’une
activation du potende la résilience
tiel de résilience.
ne semble pas
Cette volonté, si elle
nécessiter des talents doit être ferme et
ou des ressources
structurante de toute
extraordinaires, mais
l’intervention, doit
aussi être aisément
dépend plutôt de
systèmes fondamentaux perceptible par l’enfant :
jeunes enfants à haut risque grâce
à des programmes de formation ou
préscolaires suggèrent qu’il existe
un potentiel considérable d’intervention pour promouvoir l’activation de la résilience, et qui joue un
rôle central dans la réussite scolaire
(Masten, 2014).
Ce dont vous avez besoin ?
Développez une attitude positive
– une vision positive envers la vie.
C’est à partir de ce moment que
vous commencez votre chemin vers
une vie plus heureuse. En fait, je
dirais même plus : si vous avez une
attitude positive, il est alors quasi-impossible de retourner dans un
cercle vicieux. (Participant 18)
Il est important de ne pas se
focaliser sur ce qu’on ne veut plus,
mais sur ce qui est potentiel et
porteur de changement positif. Les
tuteurs cultivent donc en ce sens
une posture résolument optimiste
à l’égard de l’enfant.
Caractéristiques du processus
d’activation
Pour que le processus d’activation de la résilience puisse se
mettre véritablement en marche,
les tuteurs doivent combiner habilement attitudes positives, mises à
l’expérience, décisions et actions.
Afin de bien cerner les éléments
qui, selon les participants, entrent
dans la constitution du processus
d’activation, voici, à travers leurs
témoignages, l’explicitation des éléments principaux identifiés dans le
processus d’activation.
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Voir les choses du bon côté vous
permet de prendre de l’expérience à
chaque événement/situation, et de
l’utiliser de manière enthousiaste
pour avancer, au lieu de sans cesse
y penser, se plaindre et regretter.
(Participant 10)
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Affirmer l’avenir proche de
l’enfant comme étant porteur de
changements positifs
Les participants révèlent qu’une
attitude positive et optimiste de la
part du tuteur à l’égard de l’avenir
proche de l’enfant représente un
des éléments clés de l’activation de
la résilience. Avec une telle attitude
positive, l’enfant peut expérimenter
une anticipation de sa vie hors de
l’adversité, qui elle, tend à confiner
l’enfant dans un présent sans issue :
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Il est rassurant de savoir que
l’activation de la résilience ne
semble pas nécessiter des talents
ou des ressources extraordinaires,
mais dépend plutôt de systèmes
fondamentaux d’adaptation humaine. La capacité de résilience
se développe et change à mesure
que les systèmes de protection d’un
enfant se développent et changent.
Certains se trouvent chez l’enfant
et d’autres découlent de relations
et de ressources dans les multiples
contextes de la vie d’un enfant, y
compris à l’école. Lorsque ces systèmes fondamentaux fonctionnent
normalement, les jeunes ont une
capacité remarquable de résilience.
Les plus grandes menaces pour
les jeunes surviennent lorsque ces
systèmes clés et la capacité qu’ils
représentent sont endommagés ou
détruits et ne sont jamais restaurés (Masten, 2014; Krampen, 1987).
Nourrir, soutenir et restaurer ces
systèmes adaptatifs fondamentaux
pour le développement humain sont
des priorités absolues pour activer
la résilience chez les jeunes et les
préparer à traverser les tempêtes
de la vie.
41
Ainsi, à travers leurs récits de
pratique, les participants disent :
Je leur dis « Si tu regardes le
train passer, tu risques de le manquer. » (Participant 30)
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Il s’agit de leur donner du pouvoir sur le cheminement. Et de véhiculer le message qu’ils ne font pas
ça pour plaire aux travailleurs, ou
aux familles, c’est pour eux. C’est de
l’empowerment, c’est une question
d’effort. (Participant 32)
Le tuteur de résilience aide
concrètement l’enfant à faire
l’équilibre entre les adversités du
passé, la compétence présente et
l’espérance du futur : moins vivre
dans le passé, moins vivre dans un
futur abstrait, saisir le présent. Il
faut alors diminuer ses regrets et
favoriser le développement d’un
optimisme réaliste qui lui permet
d’être raisonnablement confiant
face à son avenir.
Avoir de la gratitude, cela veut
dire que vous savez apprécier ce
que vous avez. Le passé est du
passé, et il n’y a rien à faire pour le
changer. (Participant 32)
Se concentrer sur ce que vous
avez aujourd’hui peut être un très
bon exercice. Regardez où vous en
êtes dans la vie. (Participant 30)
Poser la peur comme objet
d’intervention
Le tuteur de résilience aide
l’enfant à affronter ses peurs, à en
contrôler ses effets sur sa vie. La
peur est probablement le plus grand
obstacle à surmonter dans l’activation du processus de résilience.
Quand la peur coince l’enfant, elle
est susceptible de le rendre agressif, de l’enfermer dans un cycle des
échecs, véritable prophétie auto-réalisatrice constituant l’exact opposé
de la résilience. Elle l’empêche d’aimer, de saisir le moment présent, de
poser le futur comme désirable, de
s’ouvrir aux autres et d’être réceptif
aux possibilités qui s’offrent à lui.
Je leur demande souvent : « Estce que tu es à 100% certain de ne
pas pouvoir y arriver ? » L’idée, c’est
d’aller chercher cette petite partie
qui croit que c’est possible malgré
tout. « Es-tu ouvert à la possibilité
que ce soit possible de t’en sortir ? »
(Participant 27)
Le tuteur aide l’enfant à remettre
en cause la peur de l’échec et utilise l’échec comme une occasion
de grandir. Le tuteur aide l’enfant à
arriver à la conclusion selon laquelle
la peur l’informe que quelque chose
doit et peut être corrigé.
On fait des erreurs qui sont en
fait des apprentissages, on découvre
des difficultés auxquelles on n’a pas
pensé. (Participant 30)
Cela augmente la confiance en
soi, ainsi que l’estime de soi, deux
éléments essentiels au processus
d’activation. (Participant 20)
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42
Saisir le présent
Le passé traumatique de l’enfant
et sa crainte du futur empêchent
l’enfant d’habiter la seule dimension
du temps sur laquelle celui-ci peut
exercer un pouvoir, une capacité de
résilience, à savoir le présent, en
tant qu’antichambre du futur proche.
"
au projet de vie de
de résonnance afOccuper sa place
l’enfant.
fective, une véritable
Le tuteur aide
courroie de transl’enfant à prendre sa place et à
mission entre les besoins affectifs
exercer une influence sur son envide l’enfant et sa résilience activée.
ronnement à travers un talent artisPour Pourtois et ses collaborateurs
tique, le sport, le bénévolat ou toute
(2012), c’est à travers le sentiment
"
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Quand l’enfant trouve sa place
dans son environnement, dans la
société, pour réaliser qu’il est aussi
un élément fondamental de celleIls ressentent tous le lien avec
ci, son estime de soi se renforce,
le tuteur, mais aussi avec tous ceux
il devient capable de réaliser des
qui peuvent les aider. (Participant 3)
exploits. […] C’est comme si, tout à
Le jeune se sent unifié à ce
coup, l’enfant découvre ses talents
grand tout qui l’entoure, et se sent
artistiques. Il se met à créer, il
surtout supporté, accepté, aimé, fort
chante, peint. (Participant 30)
et puissant malgré les adversités
Une fois qu’il éprouve la convicvécues. (Participant 12)
tion d’être un membre de sa communauté, l’enfant fait
Le tuteur explore
beaucoup d’efforts
avec l’enfant les axes
Le tuteur aide l’enfant
pour
se dépasser, il
sur lesquels focalià
prendre
sa
place
et
à
veut
réussir, mais
ser le travail sur la
exercer
une
influence
il
veut
aussi aider
confiance en soi. Ce
d’autres
enfants à
qui permet à ce der- sur son environnement
réussir.
(Participant
9)
nier de créer un senà travers un talent
timent de pouvoir, et
artistique, le sport,
Le sentiment
donne sens au prod’avoir trouvé sa
le bénévolat ou toute
cessus d’activation
autre activité adaptée place se constitue
de résilience.
comme une caisse
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L’appropriation du sentiment
d’existence et favoriser l’estime
de soi
L’activation du processus de résilience vise à agir sur l’auto-attribution d’un statut de victime et sur
la croyance en son impuissance
face aux conditions adverses. Pour
ce faire, le tuteur travaille à reconnecter le sujet avec son potentiel :
autre activité adaptée au projet de
vie de l’enfant. L’enfant se sent ainsi
renforcé dans son sentiment d’existence (Pourtois et al., 2012). Pour les
participants, ce n’est que lorsque
l’enfant réalise qu’il fait partie intégrante de sa communauté, même
reconfigurée par l’éloignement de
parents, par exemple, et qu’il se sent
valorisé, que le processus d’activation de la résilience atteint sa pleine
capacité. Ainsi, les participants nous
disent :
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Quand cela ne marche pas, ce
n’est pas grave, on continue à explorer et à essayer d’autres choses,
c’est l’analogie du skieur, c’est-àdire ceux qui ne tombent pas ne
progressent pas. (Participant 18)
43
d’avoir trouvé sa place au sein de
sa communauté que le système affectif entre pairs, considéré comme
le système le plus répandu de tous
les systèmes d’affection (après les
DISCUSSION
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L’activation de la résilience requiert que le tuteur se centre sur la
création de situations d’intervention
permettant à l’enfant d’expérimenter l’émergence de ressources et de
compétences nouvelles, mais aussi
d’un sentiment de confiance à autrui et d’estime de soi lui permettant
de se réaffilier au monde social et
d’inscrire sa trajectoire sociale dans
un présent plus sensible au futur.
Le changement de regard
qu’exige la résilience n’a de sens
que si le tuteur fait preuve d’ouverture d’esprit. Cela implique d’examiner les faits, d’avoir la volonté
de rechercher des informations
qui peuvent remettre en cause ses
croyances, d’envisager tous les aspects de la situation (difficultés, possibilités, forces, faiblesses, ce qui est
dit et ce qui est non-dit), de soupeser
toutes les possibilités de réponse, et
d’accepter de changer de point de
vue face à de nouvelles révélations.
La capacité à changer d’idée, à la
lumière de nouvelles informations,
représente l’une des plus grandes
forces du tuteur.
Le fait de se focaliser sur les
forces et les habiletés de l’enfant
et d’éviter tout jugement, blâme et
reproche à son endroit, contribue
au renforcement, au soutien et la
restauration de ses systèmes adap-
tatifs fondamentaux, ce qui facilite
son développement ainsi que la promotion de ses compétences et de
sa résilience. Les bienfaits de cette
présence empathique sont confirmés par les études en neuroscience
(Doidge, 2007). Dans l’ensemble,
cette étude confirme indéniablement que la résilience existe. C’est
un processus qui peut se mettre
en place, dès l’enfance. L’adversité,
aussi bien que la résilience peuvent
être le fruit de l’enfant, du milieu,
ou de la famille. On peut fuir les situations difficiles, les filtrer ou les
tamponner, mais quand le milieu est
structuré par un discours ou par une
institution qui rendent l’adversité
permanente, on est contraint aux
mécanismes de défense, au déni,
au secret ou à l’angoisse.
Le tuteur vise à établir des liens
entre les forces et compétences de
l’enfant avec les ressources formelles, comme le milieu scolaire
ou communautaire, et informelles,
comme le réseau familial et social,
disponibles dans son environnement. Pour les enfants ayant des
vulnérabilités biologiques, comme
une réactivité très élevée au stress
ou une intelligence inférieure à la
moyenne, le soutien de l’environnement est extrêmement important.
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liens familiaux), peut se révéler opérationnel chez l’enfant. À l’inverse,
les enfants qui ne trouvent pas leur
place au sein de la société se désaffilient (Ahern, 2006).
LIMITES DE L’ÉTUDE
Malgré son importante contribution et son apport original, la présente étude comporte des limites
qu’il importe de souligner.
Nous voulons émettre une critique quant à l’homogénéité des populations d’enfants auprès desquels
sont impliqués les tuteurs de résilience ayant participé à cette étude.
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Toutefois, selon Cyrulnik (2000),
leurs forces et leurs ressources est
les situations adverses sont disprodonc primordiale (Cyrulnik, 1999;
portionnées, car elles surviennent
Drapeau et al., 2000; Kaufman, 2013;
à des moments différents sur des
Lecompte 2005).
constructions psyCependant, des
chiques différentes.
Sans tomber dans un cas d’enfants adoptés
La mort d’un paoptimisme aveugle, et tardivement (entre
rent ne cause pas
en s’appuyant sur des 5 et 12 ans) et très
la même intensité
recherches sérieuses, retardés dans leur
de fracture de vie à
développement, bien
tous les enfants. La les auteurs combattent
des idées préconçues qu’ils témoignent de
résilience n’est pas
possibilités de proune substance. C’est concernant le caractère
grès bien supérieures
pourquoi, elle revêt
irréversible des
de ce qu’on aurait pu
un caractère adaptahandicaps socioculturels, prévoir, montrent
tif et évolutif du moi
mais soulignent aussi aussi que ces posen processus de résibilités diminuent
l’importance de la
silience plutôt que la
avec l’âge. Une comresponsabilité de la
notion de force et de
binaison d’actions
faiblesse de l’indivi- société tout entière, dans
et un climat envidu, souvent associée les conditions de vie qui
ronnant convenable,
au concept de résiles produisent.
axé sur la résilience,
lience. Le concept de
peuvent contribuer à
résilience, qui n’a rien
améliorer le développement de cette
à voir avec l’invulnérabilité, apparcatégorie d’enfants dits défavorisés.
tient à la famille des mécanismes de
Sans tomber dans un optimisme
défense, mais il est plus conscient
aveugle, et en s’appuyant sur des
et plus évolutif, donc maîtrisable et
recherches sérieuses, les auteurs
porteur d’espoir.
combattent des idées préconçues
Le chemin vers la résilience se
concernant le caractère irréversible
fait parfois en marchant, parfois au
des handicaps socioculturels, mais
pas de course. Une relation thérasoulignent aussi l’importance de la
peutique empreinte d’un esprit de
responsabilité de la société tout encollaboration, de confiance ainsi que
tière, dans les conditions de vie qui
de la croyance dans la capacité des
les produisent.
individus à identifier leurs besoins,
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Nous sommes conscients du fait
qu’il puisse exister des différences
au niveau de l’activation de la résilience en fonction des maltraitances
subies par l’enfant. Par exemple, si
tous les enfants dont parlent les
participantes et participants ont
été exposés à des situations de maltraitance, ils n’ont pas bénéficié des
mêmes suivis, des mêmes prises en
charge. Certains ont dû endurer les
violences familiales sur une durée
beaucoup plus importante, certains
ont été maltraités précocement
dans leur famille biologique, ce qui a
sans doute eu des effets négatifs sur
le développement de leur processus
de résilience. De plus, il semblerait
que parmi tous ces enfants, certains
cumulent plusieurs types de mauvais traitements, cumul qui a eu un
impact plus important que la seule
présence de négligences graves.
Conséquemment, il est possible que
certains paramètres activationnels
de résilience nous échappent. Or,
il aurait fallu que les études établissent le niveau d’adaptation des
enfants avant leur exposition à l’adversité, ce qui n’est pas sans poser
de difficultés. Pour satisfaire à cette
exigence méthodologique, il faudrait
mettre en œuvre des études longitudinales. Il serait alors possible
d’évaluer régulièrement les enfants,
de rencontrer ceux qui échappent à
notre regard, de suivre le développement de ces enfants après leur
exposition à l’adversité. Une telle démarche permettrait d’évaluer d’une
part la résilience, d’autre part, la non
résilience, dans une perspective de
cycle de vie. La question à laquelle
de telles recherches pourraient répondre est celle de la pérennité ou
non de ce processus. La résilience
est-elle une qualité fixe de l’individu ? La mise en œuvre d’un processus de résilience est-elle une garantie de protection face à d’autres
traumas ? Et inversement, un individu qui s’est effondré durablement à
la suite de la survenue d’un évènement traumatique est-il condamné
à ne jamais pouvoir surmonter les
épreuves qu’il rencontrera dans sa
vie ? De telles études pourraient
également mettre en lumière des
différences au niveau de l’activation
de la résilience en fonction des maltraitances subies par l’enfant.
CONCLUSION
Cette étude apporte une contribution empirique aux écrits scientifiques visant l’élaboration de
pratiques d’intervention axées sur
l’adaptation post-maltraitance.
Elle montre que si la résilience est
avant tout l’affaire du sujet, ce dernier peut être positivement soutenu
par des tuteurs aptes à créer des
conditions favorables à l’activation
de ces processus en partie intrinsèques au sujet. Le rôle de tuteur,
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En effet, l’âge des enfants varie d’un
tuteur à l’autre (parfois de 0 à 5 ans,
parfois de 12 à 14 ans et parfois de
12 à 16 ans), ce qui représente parfois un écart de 3 à 4 ans. D’autre
part, pour ceux placés en familles
d’accueil, certains d’entre eux, avant
d’être placés, ont été confiés à un
tiers digne de confiance.
Nous proposons à travers cette
étude, le concept de résilience activée, que nous définissons comme
suit : le fait pour un individu, avec
l’aide d’un tuteur de résilience, de
parvenir à saisir le présent, à vaincre
sa peur, à s’approprier son sentiment
d’existence et, à trouver sa place au
sein de la société (Louis, 2017).
Les savoirs essentiels au cœur
de l’activation de la résilience sont :
Savoir maintenir une ouverture
d’esprit à l’égard du potentiel de
l’enfant.
Savoir afficher et entretenir une
présence empathique.
tion de la résilience semble porteur
de changements positifs, il importe
d’avoir des tuteurs se constituant
eux-mêmes en conditions favorables à la résilience.
Enfin, pour ce qui est du futur,
les travaux recensés et les récits de
pratiques pointent vers un énorme
intérêt en ce qui concerne la manière dont se construit et s’active la
résilience. Dans cet ordre d’idées,
les interactions précoces parleront
beaucoup plus, tandis que les institutions familiales, sociales, celles
qui s’occupent essentiellement du
mieux-être et du développement
(positif) des enfants, tiendront l’essentiel du discours. La génétique et
les neurosciences auront également
leurs mots à dire. Les recherches
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dans l’activation véritable de la ré Savoir démontrer une volonté
silience, doit se déployer en tandem
manifeste de mobiliser les resavec une posture humaniste déjà
sources de l’enfant.
bien connue des intervenants, mais
Savoir adopter une attitude positrop souvent mise à mal par des
tive et optimiste.
environnements les pressurisant,
Le processus de
fragmentant leur trarésilience
se met
vail, monitorant leurs
Si la résilience est
véritablement
en
performances par
avant
tout
l’affaire
du
branle
lorsque
l’endes indicateurs volusujet, ce dernier peut
fant, lui-même, mais
métriques peu aptes
à la faveur du contact
être positivement
à rendre compte de
la complexité de ce soutenu par des tuteurs avec un tuteur de résilience, parvient à :
qui se joue dans l’inaptes à créer des
tervention. Ainsi, si
Saisir le présent.
conditions favorables
l’activation de la ré Vaincre sa peur.
à l’activation de ces
silience est l’affaire
S’approprier son
processus
en
partie
d’attitudes positives,
sentiment d’exisderrière ces attitudes intrinsèques au sujet.
tence.
se trouvent une phi Trouver sa place au sein de la
losophie de soin, des conditions du
société.
travail et une volonté d’intervenir là
où ça compte.
Puisque le processus d’activa-
47
sur la résilience bénéficieront énormément de l’épigénétique, cette
composante de la biologie, qui étu-
die les relations de cause à effet
entre les gènes et l’environnement
socioaffectif.
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