La thèse comprend six chapitres. En tout premier lieu, nous avons tenté une interprétation concernant la question de l'"histoire" du théâtre néohellénique, où nous avons étudié les schèmes idéologiques prédominants que les premiers chercheurs-historiens du théâtre ont adopté à tour de rôle, schèmes qui ont déterminé toute tentative ultérieure, relative à sa périodisation. En second lieu, prenant comme point de départ l'activité crétoise, nous avons recherché les présuppositions tant idéologiques qu'esthétiques des premières étapes de la dramaturgie grecque moderne. Nous avons étudié la métamorphose du théâtre crétois en tant que "lecture" dans la société grecque sous domination ottomane et les résistances de cette société traditionnelle face au genre dramatique aux XVIIe et XVIIIe siècles. En troisième lieu, nous avons procédé à une nouvelle approche du théâtre heptanésien, en proposant une lecture renouvelée, plus complexe, fondée sur les empreintes multiples de l'impact des Lumières au cours du XVIIIe siècle et des premières décennies du XIXe, qui sont visibles dans les choix des traducteurs aussi bien que dans la composition originale. Ensuite, nous avons essayé de circonscrire les zones d'influence culturelle dans le Sud-est de l'Europe; une étude spécifique a évoqué les réceptivités des différents espaces sociaux et culturels face à l'acte (ou au genre) théâtral. L'ère des Lumières a été étudiée en longueur, allant des premières manifestations (lectures précoces, traductions manuscrites, premières ébauches dramatiques) jusqu'à la maturité, de pair avec la prise de conscience révolutionnaire et le théâtre dit de "propagande philosophique". En guise de conclusion, une typologie des genres cultivés dans la production originale (1800-1830) est offerte.
Or, ce travail a voulu soulever certaines questions majeures relatives tant à la genèse qu'à la formation du concept théâtral chez les Grecs modernes.
Une des diffcultés majeures quant à la délimitation de notre sujet d'étude, a été la polyvalence culturelle, phénomène issu du fait que la culture hellénique embrasse, au cours de la période examinée, une aire géographique particulièrement vaste et variée. Deux dominations étrangères, la domination vénitienne tout d'abord, puis, celle imposée par le joug ottoman, impliquèrent deux manières diamétralement opposées de vie. Ce qui entraîna inévitablement des attitudes et des comportements différenciés en ce qui concerne la réception du genre dramatique. Nous avons ici tenté d'éclaircir au cours de notre analyse tant les efforts de modernisation et les affinités sélectives qui se créaient au fur et à mesure de l'adoption d'une mentalité bourgeoise par certains groupes sociaux ou dans quelques zones culturelles que les résistances, les mécanismes rétrogrades ou introvertis qui ont empêché, pendant longtemps, la familiarisation avec le spectacle théâtral.
De fait, cette variété impose un grave problème quant à la périodisation des phénomènes articulés. Elle explique précisément que l'étude de l''histoire du théâtre néohellénique ne connaîsse pas encore de périodisation communément acceptée.
C'est pourquoi, nous avons voulu tenter, en tant que préambule, une approche herméneutique des conceptions exprimées dans les principales monographies et dans quelques études spécialisées dont les auteurs abordent également ce sujet crucial. Il en ressort que leur optique dépend chaque fois d'un schéma idéologique préexistant. Nous pouvons y distinguer dans les grandes lignes deux tendances divergentes. Selon la première, l'impératif de la continuité diachronique de la culture hellénique obéit au schéma ternaire bien connu: Antiquité, Byzance, Hellénisme moderne. Il fallait donc intégrer l'évolution du théâtre grec moderne dans ce système ininterrompu. Selon la seconde, qui est plus radicale mais non satisfaisante, une unité émerge à juste titre; le théâtre des Lumières dont les débuts se situent lors des premières décennies du XIXe siècle.
La question de la périodisation du théâtre grec moderne ne s'est pas limitée au premier chapitre de cette recherche. La manière dont s'articulaient les phénomènes, la coexistence de quelques formes dramatiques, l'impact des notions nouvelles, la familiarisation progressive avec la dramaturgie moderne, préoccupent, de manière intense, tout le travail ici présent. Nous nous sommes efforcée d'être très attentive aux nouvelles données de la recherche qui nous ont permi de revaloriser certaines périodes historiques, tel le XVIIe siècle, aussi bien que combler les vides géographiques, qui créaient des décalages, amenant obligatoirement dans le passé à quelques fausses interprétations de non-communication, ou encore d'ignorance de l'acte théâtral.
Nous nous sommes également efforcée d'apporter une lecture nouvelle aux données qui caractérisent le théâtre heptanésien du XVIIIe et du début du XIXe siècles. Car, soumettant notre matériau à un examen nouveau, nous avons poursuivi un éventail de manifestations qui dépassent de loin cette idée figée d'un théâtre à part, d’un discours dramatique spécifique. Or, nous avons démontré que le théâtre des Sept-Iles est attelé lui aussi, et de bonne heure, au mouvement des Lumières et connaît, à partir d'un certain moment, des phénomènes similaires à ceux qui surviennent dans d'autres zones de culture grecque.
Le contenu et la forme: nous avons consacré une grande partie de notre analyse non seulement à l'ambiance culturelle qu'a amenée à petits pas dans certains cas, à pas plus accélérés dans d'autres milieux plus ouverts et plus réceptifs, à l'éclosion théâtrale, mais nous avons aussi insisté sur une analyse du contenu. Et de là, des messages idéologiques et culturels inclus, nous avons proposé une typologie des formes cultivées.
https://www.didaktorika.gr/eadd/handle/10442/12778
