Larchet Personne Nature PDF
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Personne et nature
La Trinit- Le Christ- L'homme
Contributions aux dialogues interorthodoxe
et interchrtien contemporains
Thologies
2011
Du mme auteur
ISBN 978-2-204-09623-2
ISSN 0761-4330
Avant-propos
...
Les notions de personne (ou d'hypostase) et de nature (01
d'essence) sont des notions de base de la thologie trinitaire, de Il
christologie, de l'anthropologie et de la spiritualit chrtiennes
labores progressivement et avec peine, tant en elles-mmes qut
dans leurs relations, durant les six premiers sicles, elles ont t at
cur des controverses et des dialogues thologiques de toutes le~
poques. Presque tous les dsaccords et tous les accords concer-
nant la foi ont mis en cause leurs dfinitions, leur dsquilibre ou
leur quilibre.
Aujourd'hui encore, ces notions restent au cur des discussions
thologiques entre chrtiens en qute d'unit, qu'il s'agisse du
dialogue entre orthodoxes et catholiques ou protestants sur la
question du Filioque (l'un des principaux obstacles dogmatiques
l'union des diffrentes confessions chrtiennes), du dialogue entre
l'glise orthodoxe et les glises non chalcdoniennes sur la per-
sonne et les natures du Christ, ou encore du dbat suscit par les
thories personnalistes de certains reprsentants du mouvement
no-orthodoxe grec qui entendent contrebalancer tant l' essentia-
lisme de la thologie latine que le pitisme qu'ils attribuent, tort
ou raison, certaines formes de spiritualit orthodoxe.
Les tudes rassembles dans ce volume constituent des contri-
butions majeures ces diffrentes dimensions du dialogue irlter-
chrtien et interorthodoxe contemporain.
Il est significatif que les deux premires d'entre elles aient t
publies dans presque tous les pays orthodoxes, le plus souvent
dans des revues officielles, et restent, plusieurs annes aprs leur
parution, rgulirement cites comme des tudes de rfrence.
notre poque o le dialogue est devenu feutr (au point de
contourner ou de cacher toutes les divergences susceptibles de
rvler une dsunion), le caractre vigoureusement critique de
certains de ces textes pourra surprendre. Faut-il rappeler que, si
l'on cartait tous les textes thologiques des Pres qui prsentent
un tel caractre, il n'en resterait presque aucun, et que c'est dans la
controverse que, historiquement, la thologie chrtienne s'est
8 PERSONNE ET NA TURE
SOURCES
INTRODUCTION
24. Somme thologique, 1.36.2.1, cit par B. DE MARGERIE, loc. cit., p. 162-
163.
25. Cit dans son introduction par La Documentation catholique, n 2125,
5 novembre 1995, p. 941.
26. yoir p. 942b.
27. A savoir les articles du pre GARRIGUES, qui a significativement reproduit
ce texte dans le livre o il les a ressembls (L 'Esprit qui dit Pre et le
problme du Filioque, Paris, 1981, p. 117-125).
28. Instruction pastorale de l'piscopat catholique de Grce, Les Quatre
fleuves, 9, 1979, p. 75-78.
29. Cits la note 1.
20 PERSONNE ET NA TURE
li que de Grce30 ) : la divergence entre 1'glise orthodoxe et
l'Eglise latine sur la question du Filioque ne serait pas une diver-
gence proprement dogmatique, mais tiendrait un malentendu
linguistique, dont l'lucidation permettrait de constater que les
deux glises confessent (et ont toujours confess) deux expres-
sions complmentaires de ce qui est au fond la mme foi, de
constater autrement dit que la doctrine latine du Filioque est au
fond compatible avec la foi exprime dans le Symbole profess
Constantinople en 381.
Selon cette thorie telle qu'elle est reprise par la Clari-
fication, les Pres grecs dsigneraient par le terme d' KnoQEVaL
la relation d'origine de l'Esprit partir du Pre seul, la
distinguant de la procession que 'l'Esprit a en commun avec le
Fils qu'ils dsigneraient par un autre terme : -ro 7tQOLvaL31.
C'est pour cette raison [que] l'Orient orthodoxe a toujours
refus la formule -ro K m na-rQo Kai. -ro uio Kno-
QW6!-levov32 .Mais si l't':Kn6QeuaL grecque ne signifie que la
relation d'origine par rapport au seul Pre en tant que principe
sans principe de la Trinit, en revanche, la processio latine est
un terme plus commun signifiant la communication de la divinit
consubstantielle du Pre au Fils et du Pre par et avec le Fils au
Saint-Esprit. En confessant le Saint-Esprit "ex Patre proceden-
tem", les Latins ne pouvaient donc que supposer un Filioque
implicite qui serait explicit plus tard dans leur version liturgique
du symbole33 . La Clarification explique alors que la
confession de ce Filioque dans le Credo s'est rpandue en
Occident partir du ve sicle. Les Byzantins en furent choqus
lorsqu'ils en eurent connaissance, comme le montre un pisode
datant du VIle sicle, rapport par saint Maxime le Confesseur34.
Mais il y avait alors un malentendu, qui se renouvela ultrieu-
rement dans le refus des orthodoxes d'admettre le Filioque : en
voyant le ex Patre Filioque procedentem traduit en grec : -ro K
-ro na-rQo Kai. -ro uio K7tOQW0!-1Evov, les Byzantins rappor-
taient, selon leurs habitudes verbales, le t':K7tOQWOf.LEVOV
l'origine du Saint-Esprit alors que les Latins avaient en vue la
communication de la divinit au Saint'-Esprit partir du Pre et du
Fils dans leur communion consubstantielle, ce qu'il aurait fallu
rendre en grec non par t':K7tOQWOf.LEVov mais par nQo6v. De leur
aussi, chez les Pres grecs, avoir un sens assez large et servir
exprimer la procession du Saint-Esprit entendue dans une
perspective conomique (celle de son envoi, comme don ou grce
dans le monde)1 1 ou dans une perspective nergtique (celle de sa
communication ou de son rayonnement ternels comme nergie) ;
inversement les mots nQoivm, 7tQOQXW9at, nQoxe:a9at, qui
sont le plus souvent utiliss dans un sens conomique ou ner-
gtique, peuvent aussi se rapporter, sur le plan thologique,
l'origine personnelle du Saint-Esprit72. Quant au procedere latin,
dont le sens est, il est vrai, tellement large qu'il est parfois utilis
pour dsigner l'engendrement du Fils, il est videmment employ
aussi de manire frquente par les Pres latins dans un sens troit
correspondant au sens troit de 1' KnoQeveaeaL grec.
La thorie, labore sur la base de la distinction linguistique
prcdente, selon laquelle, sur le plan proprement thologique, les
termes KnOQWO'L et processioh. n(lbivaL exprimeraient deux
traditions thologiques diffrentes et complmentaires, n'est pas
recevable.
1) Premirement, le sens le plus commun du nQoivaL grec, qui
est conomique ou nergtique, ne correspond pas au sens
particulier du procedere auquel la Clarification , la suite du
pre Garrigues, entend l'assimiler: celui d'une communication de
consubstantialit, ou pour parler plus clairement, d'une trans-
mission de l'essence ou de la nature divine du Pre et du Fils (ou
par le Fils) au Saint-Esprit, les Pres latins tant d'ailleurs loin de
tous s'accorder sur ce sens du mot procedere privilgi par la
doctrine filioquiste.
2) Deuximement cette thorie suppose que chaque partie en
cause ne peroive qu'une partie de la vrit, n'apprhende qu'un
aspect de la vie trinitaire et ignore 1'autre : ainsi 1' KnOQeveaL
grec percevrait et exprimerait la procession du Saint-Esprit selon
l'hypostase (ou son origine hypostatique) partir du Pre, tandis
71. Par exemple saint JEAN DAMASCNE utilise _JC7tOQEea6at pour signifier
la venue du Saint-Esprit partir du Pre par le Fils dans un sens conomique (De
[Ide orth., 1, 12, PTS 12, p. 36), de mme que saint Maxime le Confesseur (Thal.,
63, PG 90, 672C, CCSG 22, p. 155). Le mot peut avoir un sens beaucoup plus
large encore comme le souligne saint Grgoire Palamas en citant des passages de
l'criture o il est utilis dans les sens les plus varis (Traits apodictiques, II,
73-74).
72. Ainsi non seulement saint CYRILLE D'ALEXANDRIE dit tenir 7tQOXEia6at
pour un quivalent de JC7tOQEea6at (Ep., IV, PG 77, 316D), mais saint
GRGOIRE DE NAZIANZE utilise rrqoivat pour dire que le Saint-Esprit tient du
Pre seul son existence personnelle (Dise., XX, Il, SC 270, p. 78 ; XXX, 19,
SC 250, p. 266; XXXIX, 12, SC 358, p. 174).
LA QUESTION DU Fii.IOQUE 31
que le procedere latin percevrait et exprimerait sa procession
selon l'essence ou la nature divine partir du Pre et du Fils.
Outre ce que cette seconde affirmation a de contestable en prten-
dant attribuer aux Pres latins, sous couvert d'uniformit linguis-
tique, une conception que tous n'ont pas partage, une telle disso-
ciation est irrelle. Les Pres grecs n'ont aucunement spar la
procession ou l'ekporse selon l'essence de l'ekporse ou la
procession selon l'hypostase, de mme que tous les Pres latins
n'ont paS spar la procession selon l'essence de la procession
selon l'hypostase. Comme l'crit l~ pre Andr de Halleux : si
la processio latine n'est pas synon1me de l'ekporse grecque, il
ne s'ensuit pas que chacun d ces concepts exprime exclusive-
ment l'un des deux aspects complmentaires du mystre, le pre-
mier portant sur la communion consubstantielle et le second sur le
caractre hypostatique. Ce dcoupage en dfinitions abstraites a
peu de chance de traduire la complexit vivante de la pense
patristique, pour laquelle la procession connotait sans doute l'ori-
gine personnelle, et l'ekporse, la participation essentielle. Pour-
quoi donc chacune des deux parties de la chrtient n'aurait-elle
saisi qu'une moiti du donn rvl73 ?
3) Troisimement on retrouve dans cette thorie adopte par la
Clarification la tendance vouloir isoler la position des
Cappadociens en l'opposant la tradition latine et la tradition
alexandrine ces deux dernires tant prsentes non seulement
comme convergentes mais comme constituant une mme tradition
de pense (lorsqu'on parle d'une tradition latino-alexandrine). La
tendance isoler la tradition cappadocienne tait plus nette encore
dans les articles du pre Garrigues et tait pousse l'extrme
dans un livre de son matre le pre J.-M. Le Guillou qui ne cachait
d'ailleurs pas son hostilit l'gard de cette tradition74. En fait il
y a un accord de fond entre la position des Cappadociens et celle
des grands Alexandrins (mme si ceux-ci ont un vocabulaire sou-
vent plus large, plus souple et moins prcis, et aussi plus essen-
tialiste). En revanche, nous l'avons dj signal, on ne trouve pas
dans la tradition latine l'unanimit que la Clarification y voit
la suite du pre Garrigues. L'ide d'une procession du Saint-
Esprit selon la substance ou la nature divine partir du Pre et du
2. Dissociation inacceptable
de l'ekporse selon la personne
et de la procession selon la nature.
78. Voir par exemple saint JEAN DAMASCNE, De fide orthodoxa, 1, 8, PG 94,
817-820, PTS 12, p. 24: seul le Saint-Esprit, procdant de l'essence du Pre,
n'est pas engendr q~ais procde {116vov 'tO nve~Ja 'tO &ywv iKnOQEU'tov K ti)
oala 'tO na'tQ6, o yevvw11evov M' K7tOQEUO!levov).
79. MAxiME LE CONFESSEUR, Th. Pol., 23, PG 91, 264A. JEAN DAMASCNE,
De fuie orthodoxa, III, 9, PG 94, 1016-1017, PTS 12, p. 128.
80. On peut encore noter ce propos ce que dit V. LOSSKY : Si les
personnes existent, c'est justement parce qu'elles ont la nature ; leur procession
mme consiste recevoir la nature du Pre (Thologie mystique de l'glise
d'Orient, Paris, 1944, p. 61 ).
81. Chez saint BASILE DE CSARE, Ep., XXXVIII, 4, d. Courtonne, t. 1,
p. 85.
82. Voir par exemple GRGOIRE DE NAZIANZE, Dise., XX, 7, SC 270, p. 70;
XXI, 14, SC 250, p. 302-304. '
34 PERSONNE ET NA TURE
83. Ainsi saint JEAN DAMASCNE crit: Le Pre a l'tre par lui-mme et il
ne tient d'un autre rien de ce qu'il a. Au contraire, il est la source et le principe
pour tous de leur nature et de leur manire d'tre.[ ... ] Donc tout ce qu'ont le Fils
et l'Esprit et leur tre mme, ils le tiennent du Pre)) (De fuie orth., I, 8, PTS 12,
p. 26). .
84. Saint MARc o'EPHSE, ayant sans doute en vue une thorie analogue
celle du pre Garrigues et de la Clarification)) avance par les Latins de son
poque, avait pris soin de prciser: Ce n'est pas du Fils que l'Esprit Saint tire
Son existence ni qu'Il reoit Son tre (oinc tiQa JC TO uio u<jlcrtTJICEV oubt TO
dvaL XEL TO 7tVEf.Ul To iiywv) )), le premier terme se rfrant l'hypostase et le
second l'essence (Conf.fidei, l, PO 17, p. 438 [300]).
85. De Spir. Sanct., XVIll, 45, SC 17bis, p. 408.
LA QUESTION DU FILIOQUE 35
saint Maxime le Confesseur : Par nature le Saint-Esprit selon
l'essence procde substantiellement du Pre par le Fils engendr
('to yQ 7tVEf..1.a 'tO ayLOv, W<77tEQ c:puan Ka't oa(av imaQxn
1
'tO Seo Kai na'tQ6, o'tw Kai 'tO uio c:puan Ka't' oa(av
anv, W K 'tO na'tQO oatWbW L' uio yeVVT]SV'tO
cpQaa'tw K7tOQW6f..1.evov)86. La troisime citation est de saint
Jean Damascne : Je dis que Dieu est toujours Pre, ayant
toujours partir de lui-mme son Verbe, et par son Verbe ayant
son Esprit procdant de lui (d nv EXWV aU'tO 'tOV aU'tO
A6yov Kai L 'tO A6you aU'to { amo 'tO 7tVEf..1.a aU'tO
K7tOQW6f..1.evov)87. La Clarification renvoie un autre
passage de saint Jean Damascne qu'elle ne cite pas mais qui est
le suivant : C'est la mme intelligence, abme de raison [le
Pre], qui engendre le Verbe et projette, par le Verbe, l'Esprit
manifestant (L A6you 7tQOf3oAe Kcpav'tOQLKo nveuf..l.a'to).
[... ] L'Esprit Saint est la puissance manifestant le secret de la
divinit ; procdant du Pre par le Fils (K na'tQ f.J.V L' uio
K7tOQWOf..1.Vll) comme lui-mme le sait, et non par gnra-
tionS&.
Le texte cit de saint Basile ne nous parat pas pouvoir tre pris
en considration dans ce contexte puisqu'il ne traite pas de la
procession du Saint-Esprit, mais de la faon dont une confession
de foi correcte nonce isolment l'Esprit qui est un (c'est--
dire indpendant selon son hypostase) tout en tant uni au Pre et
au Fils (selon la nature divine commune). En revanche quelques
lignes plus loin, lorsque saint Basile parle de la procession du
Saint-Esprit, il affirme trs clairement que le Saint-Esprit procde
du Pre seul : on le dit tre de Dieu [le Pre] (ix 'tO Seo
ElvaL), non point la manire dont toutes les choses viennent de
Dieu, mais en tant qu'il sort de Dieu [le Pre] (K 'to Seo
7tQOEA86v)89 .
Le passage de saint Maxime cit par la Clarification avait
t maintes fois prsent par le pre Garrigues comme une justifi-
cation exemplaire de sa propre thorie ; celui-ci considrait
notamment que le Confesseur ici a runi les deux intuitions
[cappadocienne-orientale et latine-alexandrine, qui s'expriment
respectivement par les expressions "par le Fils" et "Filioque"] en
une seule formule d'une trs grande densit9 .Or ce texte, parmi
d'autres textes ambigus de Maxime9l, est celui qu'il ne fallait pas
citer, car il est le moins apte au rle qu'on veut lui faire jouer : si
tel qu'il est prsent ici, hors de son contexte, il peut certes faire
illusion et paratre confirmer tout fait la thse du pre Garrigues
reprise par la Clarification , replac dans son contexte il permet
au contraire de la rfuter. Je comprends, crit Maxime, qu'ici la
sainte criture parle des nergies du Saint-Esprit, donc des
charismes de l'Esprit, qu'il appartient au Verbe d'accorder
l'glise en tant que tte de tout le corps. "L'Esprit de Dieu
reposera sur lui, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de
conseil et de force, esprit de connaissance et de pit ; et ille rem-
plira d'esprit de crainte de Dieu" (Is 11, 2-3). Si la tte de l'glise,
selon la pense de l'humanit, c'est le Christ, alors celui qui par
nature, en tant que Dieu, a l'Esprit, accorde l'glise les nergies
de l'Esprit. C'est en effet pour moi que le Verbe est devenu
homme, pour moi aussi qu'il a accompli tout le salut, qu' travers
ce qui est mien il m'a attribu ce qui selon la nature lui tait
propre. Par ce qu'il a tant devenu homme et comme le tenant de
moi, il manifeste ce qui lui est propre, et il s'attribue lui-mme
la grce qu'il me fait en tant qu'ami de l'homme, Il inscrit mon
I?ropre crdit la puissance de vertus qui lui est propre par nature.
A cause de quoi Il est dit encore recevoir ce que par nature il
possde sans commencement et au-del de toute raison. Car de
mme que l'Esprit Saint existe selon l'essence [comme Esprit] de
Dieu le Pre, de mme par nature selon l'essence est-il [Esprit] du
Fils, en tant que procdant ineffablement du Pre, essentiellement,
par le Fils engendr, et donnant au chandelier, c'est--dire l'gli-
se, ses propres nergies comme des lampes92. Il est parfaitement
clair la simple lecture de ce texte que le propos de Maxime se
situe dans une perspective conomique, et ne concerne pas l'ori-
gine du Saint-Esprit au sein de la Trinit, mais sa manifestation,
sa communication, son don aux chrtiens dans l'glise comme
grce ou -Maxime utilise le mot plusieurs reprises -comme
nergie93 .
102. Ce reproche tait dj fait aux Latins par NIL CABASILAS, Sur le Saint-
Esprit, I, 33, d. Kislas, p. 202-204.
103. Clarification, p. 944a
104. Voir notamment les longues dmonstrations de saint GRGOIRE
PALAMAS, Traits apodictiques, 1, 23, 26, 28,32-37.
105. Cela est soulign et dmontr maintes fois, contre les positions latines
filioquistes, par saint GRGOIRE PALAMAS, Traits apodictiques, l, 7, 8, ll, 18,
23, 26, 28, 32, 33, 37; II, 20, 50, 52, 55, 56, 70, 75, 76, 81. Grgoire se rfre
aux enseignements des Pres grecs qui l'ont prcd, rappelant notamment cette
remarque de saint GRGOIRE DE NYSSE : en ce qui concerne les personnes hu-
maines, les causes sont nombreuses et diffrentes, mais il n'en va pas de
mme en ce qui concerne la Sainte Trinit. Car il y a une seule et mme
personne, celle du Pre, de laquelle le Fils est engendr et dont l'Esprit procde
(Ad Graecos, Ex communibus notionibus, PG 45, 180BC, GNO Ill, 1, p. 25).
LA QUESTION DU FILIOQUE 41
montrer que, sur le plan thologique de 1'origine des personnes,
est exclue toute intervention du Fils dans la procession du Saint-
Esprit (qui procde du Pre seul quant son hypostase et son
essence).
On pourrait objecter que cette conception introduit une dicho-
tomie au sein de la Trinit : Pre:..Fils d'une part, et Pre-Esprit
d'autre part, qui spare d'une certaine faon le Fils et le Saint-
Esprit et semble en tout cas porter atteinte l'union du Fils et du
Saint.:Esprit. Remarquons tout d'abon! que la conception que d-
fend la Clarification encourt elle-mme une objection ana-
logue, puisqu'elle tablit une autre dichotomie : Pre-Fils d'une
part, et Esprit d'autre part et semble porter atteinte l'galit des
personnes puisqu'elle confre au Fils le privilge, avec le Pre, de
communiquer la nature divine l'Esprit, tandis que l'Esprit n'a
pas la proprit de communiquer la nature divine au Fils106.
Remarquons ensuite, selon la conception orientale, que le Fils et
le Saint-Esprit, bien qu'ils reoivent paralllement tant leur
hypostase que la nature divine sont unis entre eux et au Pre par
leur nature qui est commune au trois, et aussi par le fait d'avoir
tous deux dans le Pre leur origine : nous retrouvons ici le sens de
la monarchie particulirement chre aux Cappadociens.
Les considrations prcdentes concernant la Clarification
montrent que celle-ci reste tributaire de la quadruple confusion sur
laquelle repose la doctrine latine du Filioque : 1) celle des
proprits hypostatiques avec les proprits essentielles ; 2) celle
des proprits hypostatiques entres elles ; 3) celle du plan tholo-
gique et du plan conomique; 4) celle de l'essence et des nergies
divines.
ce qui est reu du Fils, et doit tre considr comme donn par le
FilsBO. On peut voir clairement dans ce passage que pour saint
Hilaire:
a) L'Esprit est envoy par le Fils et reoit du Fils, mais procde
du Pre.
b) Recevoir du Fils n'quivaut pas procder du Pre.
c) En revanche recevoir du Pre et recevoir du Fils sont une
seule et mme chose.
d) Ce que le Saint-Esprit reoit du Fils est la mme chose que
ce qu'Il reoit du Pre : ce sont les biens qui s'attachent la
nature divine, qui nous sont communiqus comme dons par
1'Esprit qui les reoit du Fils qui lui-mme les a reus du Pre.
Ces biens, que dj l'poque de saint Hilaire certains Pres grecs
appellent nergies et certains Pres latins oprations di-
vines, sont plus couramment appels, en tant qu'ils nous sont
communiqus, grce, charismes>> ou dons de l'Esprit.
Dans ce texte, saint Hilaire en donne comme exemple la puis-
sance, la perfection, la science, mais quelques chapitres plus loin
il les prsente en dtail en se rfrant saint Paul (1 Co 12, 8-12)
qui crit :Il y a diversit de dons, mais c'est le mme Esprit [... ],
diversits d'oprations, mais c'est le mme Dieu qui opre en
tous (1 Co 12, 4-7). Il est donc clair que 1'on n'a pas ici affaire,
comme le prtend la Clarification , une communication de la
consubstantialit divine selon l'ordre trinitaire ou une com-
munication de la divinit par la procession, c'est--dire une
communication de la nature ou de l'essence divine elle-mme au
Saint-Esprit par le Fils partir du Pre.
La Clarification propose ensuite une citation de saint Am-
broise de Milan qui parat a priori plus convaincante : ~ Le Saint-
Esprit, quand il procde du Pre et du Fils, ne se spare pas du
Pre, ne se spare pas du Filsl31. Ce texte est habituellement
cit par ceux qui voient en 1'vque de Milan un partisan de la
doctrine latine du Filioque. Mais il suffit de replacer ce passage
dans son contexte pour voir immdiatement que saint Ambroise
situe cette affirmation dans une perspective conomique : Le
Saint-Esprit n'est pas envoy comme partir d'un lieu, ainsi que
le Fils lui-mme ne l'est pas quand il dit: "Je suis sorti du Pre et
venu dans le monde" (Jn 8, 42) [.. .]. Le Fils, ni quand il sort du
Pre, ne s'loigne d'un lieu ou ne se spare comme un corps se s-
pare d'un autre, ni, quand il est avec le Pre, n'est contenu par lui
CONCLUSION
La question christologique
propos du Projet d'union de l'glise orthodoxe
et des glises non chalcdoniennes :
problmes thologiques et ecclsiologiques en suspens
INTRODUCTION
14. Ces Dclarations ont t publies dans le volume intitul EivaL oi Avn-
XMJC'lb6vwL Q66bo~01.; [Les antichalcdoniens sont-ils orthodoxes ?], Mont-
Athos, 1995. L'intgralit du volume a t traduit en roumain sous le titre: Sunt
anticalcedonienii ortodoc~i ?, Bucarest, 2007. On trouvera une traduction an-
glaise de la premire Dclaration (de fvrier 1994), intitule Suggestions d'un
comit de la Communaut sacre de la Sainte Montagne Athos concernant le dia-
logue des orthodoxes avec les non-chalcdoniens et de la deuxime Dclaration
(de mai 1995), intitule Mmorandum de la Communaut sacre du Mont-
Athos concernant le dialogue des orthodoxes avec les non-chalcdoniens sur
les sites Internet : http://www.orthodoxinfo.com/ecumenism/ mono_athos.htm
et athos2.htm. Le mtropolite Damaskinos a rpondu ce Mmorandum [ R-
ponse du mtropolite Damaskinos de Suisse, coprsident du dialogue avec les
Eglises orientales orthodoxes, une lettre de la Communaut monastique du
Mont-Athos concernant ce dialogue, Episkepsis, 521, aot 1995, p. 9-19]; une
rponse de la Communaut du Mont-Athos cette Rponse a t publie dans le
volume intitul flaQa'tT)QTJO'EL 7tEQl 1:o 6wAoyLICO' LaA6you Q6ob6~wv
JCaL vnxaAJC'lb6vlwv. AnVUJO'L Ei JCQL't:L!CfJv 1:o Et:~. M'l't:Qono)\L't:OU 'EA-
~E'tla 1e. t.a,..aO'IC'lvcr [Remarques au sujet du dialogue thologique des ortho-
doxes et des antichalcdoniens. Rponse la critique du Rvrendissime mtro-
polite de Suisse Damaskinos], Mont-Athos, 1996. On en trouvera une t'aduction
franaise dans La Lumire du Thabor, 47-48, 1996, p. 113-122.
15. Parmi les dossiers critiques les plus rcents ayant un certain volume et un
poids thologique incontestable et dont les auteurs appartiennent une glise
canonique, voir l'ouvrage dj cit du professeur A. N. PAPAVASSILIOU, (O
6wAoyLJC6 t.uUoyo J.lE'ta~u OQ6ob6~wv JCaL AvnxaAICTJbovlwv (10"t:OQLOJCO-
boy,..a't:LICTJ MEA'tT)), t. 1, Nicosie, 2000), et le dossier tabli par 1. VLADucA,
D. POPESCU et G. FECIORU, Acceptam unirea cu mono[1Zifii? Romnii ortodoqi
ntre optimism, dezin.fromare ~i apostazie, Lacu, Mont-Athos, 2008. Les auteurs
de ce dernier ouvrage dplorent un inflchissement rcent des positions de
l'glise roumaine dans le cadre du dialogue, et dnoncent en particulier les posi-
tions relativistes du pre N. D. Necula, membre de la commission de dialogue
(plutt connu comme liturgiste que comme spcialiste de christologie), en com-
paraison des positions traditionnelles prcdemment soutenues par d'minents
thologiens comme le pre D. Staniloae, T. M. Popescu ou N. Chitescu. D'aprs
les renseignements dont nous disposons, un certain nombre de hirarques de
l'glise roumaine qui, dans un premier temps, avaient htivement pris position
en faveur du projet d'union, se montrent maintenant, aprs plus ample infor-
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 69
La large adhsion, en Occident, d'orthodoxes de diverses ten-
dances au Projet d'union a sans aucun doute t favorise par une
sous-valuation de ses enjeux thologiques et par le manque de
conscience des problmes qu'il pose en son tat actuel sur les
plans dogmatique et ecclsiologiquel6. Ces deux facteurs s'expli-
quent eux-mmes
-premirement par l'affaiblissement gnral de la conscience
dogmatique qui caractrise notre poque 17 et que l'on peut
observer au sujet d'autres problmes thologiques (notamment
dans le domaine trinitaire) ;
- deuximement par une certaine tendance la mondia-
lisation qui fait se rassembler, au nom d'une foi de plus en plus
minimaliste, des croyants non seulement de diffrentes confes-
sions chrtiennes mais de diverses religionsl8;
mation et rflexion, rservs spn gard. Il ne semble donc pas que l'accord
donn au Projet d'union par l'Eglise roumaine puisse tre cojlsidr comme
ferme et 4fmitif. On trouvera un historique des relations de l'Eglise roumaine
avec les Eglises non chalcdoniennes dans l'article du pre N. V. Dum, Re-
latiile cu Bisericile vechi-orientale , dans Autocefa/ie ~i comuniune. Biserica
Ortodoxa Romnli n dialog ~i cooperare extema (1885-2010), Bucarest, 2010,
p. 272-297.
16. Presque tous les dossiers,publis en faveur du Projet d'union visent sur-
tout mieux faire connaitre les Eglises non chalcdoniennes dans leur histoire et
leur ralit actuelle, et mettent surtout en valeur les richesses de leur liturgie, de
leur iconographie, de leur musique liturgique et de leur spiritualit, mais ne font
qu'effleurer les questions thologiques (voir par exemple les numro spciaux de
Le Messager orthodoxe (126, 1994-1995) et de Contacts (51, 1999).
17. Ce manque de conscience dogmatique tait dj dnonc par l'article du
pre Georges FLOROVSKY, A Criticism of the Lack of Concem for Doctrine
among Russian Orthodox Believers , St. Vladimir 's Theological Quarter/y, 3,
1955, repris dans The Collected Works ofGeorges Florovsky, t. XIII, p. 168-170.
18. Le mtropolite Damaskinos est un reprsentant typique de cette tendance.
Il s'est notamment illustr, dans la clbre runion d'Assise en 1986, par la
participation une crmonie religieuse syncrtiste, aux cts, entre autres, de
moines bouddhistes, de sikhs, d'hindous, de chamanes indiens d'Amrique du
Nord et d'animistes africains. Un autre protagoniste du Projet d'union, le m-
tropolite non chalcdonien Paulos Mar Gregorios, partage la mme idologie
humaniste ; il dclarait notamment, en 1993 au Parlement des Religions du
Monde (sic) : notre but doit tre de fournir un fondement multiforme sur le-
quelles cultures du monde peuvent se rassembler et vivre dans un rassemblement
global des religions. [... ]L'histoire nous pousse nous unir dans un humanisme
universel. Le mtropolite Emmanuel (Adamakis)~ nomm en 2007 prsident
orthodoxe de la commission de dialogue avec les Eglises non chalcdoniennes,
dclarait quant lui Madrid le 18 juillet 2008 : Les communauts de foi
peuvent faire contrepoids 1'humanisme !arque et au nationalisme, grce
l'humanisme spirituel et l'cumnisme. Le mme mtropolite a organis les
23 et 24 mai 2011 Bordeaux, quelques jours avant la runion du G8, un
Sommet des religions o taient reprsente la grande diversit des familles
religieuses (orthodoxes, catholiques-romains, protestants, non-chalcdoniens,
musulmans, bouddhistes, shintorstes, bah' fs). Le site de la mtropole grecque
(www.metropolegrecque.fr) prcise que 1e mtropolite Emmanuel a t le
70 PERSONNE ET NA TURE
-troisimement par le fait qu'il s'agit ici de questions tholo-
giques extrmement complexes et subtiles dont le dtail chappe
non seulement, faute d'une culture historique et thologique
suffisante, beaucoup de ceux qui en parlent dans un certain
nombre de mdias orthodoxesl9, mais encore bon nombre
d'historiens et de thologiens par ailleurs qualifis20.
participants : en tant que croyants, nous nous considrons tous comme rede-
vables l'gard de la transcendance divine -l'auteur et crateur de toute chose.
On comprend que, dans une telle perspective globalisante, les divergences
dogmatiques en matire de christologie entre l'glise orthodoxe et les Eglises
non chalcdoniennes apparaissent comme un dtail. On pourrait associer au
mme tat d'esprit le mtropolite Kallistos Ware qui, depuis longtemps dlll}S ses
livres, place sur le mme plan et au mme niveau d'autorit les Pres de l'Eglise
et des crivains anglicans, musulmans ou bouddhistes. Lors d'une confrence
l'Institut Saint-Serge de Paris le 27 juin 2010, aussitt apr~s avoir fait la promo-
tion de l'intercommunion entre l'glise orthodoxe et les pglises non chalcdo-
niennes, il prconisait le dialogue interreligieux entre l'Eglise orthodoxe et le
judasme et l'islam, sans se demander si, sur le pllll} dogmatique, ce dialogue peut
avoir un sens et un avenir quelconque pour l'Eglise orthodoxe face deux
religions qui nient les deux dogmes sur lesquels repose sa foi, savoir la Trinit
des Personnes divines et le fait que le Christ est Fils de Dieu et Dieu.
19. Rcemment, dans plusieurs confrences (Institut Saint-Serge, Paris, le 27
juin 2010; mission Orthodoxie sur France 2 le 12 septembre 2010) diffuses
par les mdias orthodoxes, le mtropolite Kallistos Ware affmnait: Pourquoi
n'avons-nous pas la communion eucharistique avec nos frres les coptes, les
thiopiens, les armniens? Je ne comprends pas. On pourrait d'abord dire aux
promoteurs du Projet d'union qui citent ces paroles en faveur de leurs positions,
que le fait de ne pas comprendre quelque chose n'est pas une rfrence. On
pourrait ensuite inviter Mgr Kallistos, dont la comptence est reconnue dans le
domaine de l'histoire de la spiritualit orthodoxe, approfondir sa comprhen-
sion de l'ecclsiologie orthodoxe (en particulier du fait que, dans l'glise
orthodoxe, la communion prsuppose une identit de foi) et surtout sa' connais-
sance du dogme christo logique et de la faon dont il est confess et compris dans
les diffrentes glises orientales. On pourrait adresser la mme invitation au pre
Boris Bobrinskoy qui, dans sa prface au livre de C. CHAILLOT, Vie et spiritualit
4es glises orthodoxes orientales, Paris, 20 Il, qualifie d' orthodoxes, les
Eglises non chalcdoniennes, comprend malles positions respectives de l'Eglise
orthodoxe et des Eglises non chalcdoniennes vis--vis de la christologie de saint
Cyrille d'Alexandrie, rduit le courant monophysite au seul eutychian,isme,
considre que les diffrences dogmatiq~es entre la foi christologique de l'Eglise
orthodoxe et la foi christologique des Eglises non chalcdoniennes ne tiennent
qu' un malentendu linguistique, et que; en consquence, il n'y a pas, du point de
vue de la foi, d'obstacle empchant de commmunier au mme calice (p. 5-6). Les
positions dogmatiques du pre Boris Bobrinskoy se rvlent donc aussi floues en
matire de christologique qu'en matire detriadologie (voir nos remarques dans
le chapitre prcdent, p. 11), et on ne peut manquer de se poser la question
suivante : de quelle dogmatique le pre Boris Bobrinskoy a-t-il t le professeur
pendant trente ans l'Institut Saint-Serge de Paris?
20. Par exemple, l'interprtation de la thologie de saint Cyrille d'Alexandrie
et celle de Svre d'Antioche, en raison de leurs fluctuations et de leurs ambi-
guts terminologiques, requirent l'intervention de spcialistes avertis, de mme
que la comprhension de l'argumentation de Maxime le Confesseur (l'un des
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 71
Cette sous-valuation des enjeux thologiques et ecclsiolo-
giques semble avoir affect mme la commission de dialogue
charge d'laborer le Projet d'union, tel point qu'on a pu
s'interroger21 sur la comptence de ses membres puisqu'on peut
constater, au vu des travaux produits par celle-ci, qu'ils ignorent
presque totalement (du moins en fait) l'opposition de la tradition
patristique la thologie non chalcdonienne, et ignorent en parti-
culier les uvres produites ce sujet par l'empereur Justinien,
saint Maxime le Confesseur, saint Jean Damascne (qui a crit
plusieurs opuscules contre les antichalcdoniens) ou saint Photius
(qui a crit plusieurs lettres contre les positions christologiques et
ecclsiologiques des Armniens) et par bien d'autres Pres ou
thologiens de l'glise orthodoxe22. Ces experts se rfrent en
revanche presque exclusivement (explicitement ou implicitement)
aux travaux de l'historien catholique J. Lebon (qui tentent de
montrer l'orthodoxie de la christologie non chalcdonienne en
affirmant sa fidlit la pense thologique de Cyrille), en igno-
rant ou en masquant d'ailleurs que ses conclusions sont en dsac-
cord avec celles d'autres historiens23.
Il est par ailleurs frappant de constater que si les mi-
nutes des travaux de la commission de dialogue ont t, dans les
premiers temps, publies en dtai124, elles ne le sont plus depuis
Orthodox Theological Review, XVI, 1-2, 1971 (numro spcial) repris d~ns Does
Chalcedon Divide ou Unite ?, Genve, 1981.
25. Ce reproche est lgitimement fait par le Mmorandum de la communaut
du Mont-Athos, op. cit., p. 49.
26. Voir Episkepsis, 446, 1990, p. 3-11 ; 516, 1995, p. 10-22; 521, 1995, p. 9-
19.
27. Ces ambigui'ts et insuffisances sont ,reconnues par un certain nombre
d'vques et de thologiens des diverses Eglises orthodoxes, qui cependant
craignent souvent de s'exprimer publiquement ce sujet. Mme O. CLMENT, par
ailleurs trs favorable au Projet d'union, crivait rcemment: Qu'il reste
encore des ambiguts dans les textes d'union [... ], cela prouve qu'il faut encore
travailler, encore approfondir ( Chalcdoniens et non-chalcdoniens, quelques
explications, Contacts, 51, 1999, p. 205). Nous ne partageons cependant pas sa
conclusion que cela se fera d'autant mieux que la communion aura t tablie
(ibid.), puisqu'un principe de base de l'ecclsiologie orthodoxe est que la
communion ne peut s'tablir que sur le fondement pralable d'une parfaite unit
de foi.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 73
continuation et un approfondissement du dialogue28, qu'on ne
saurait considrer comme abouti, et d'amener prciser certains
points qui aujourd'hui restent inacceptables en l'tat et font peser
de lourds soupons sur la nature exacte de la foi professe en
commun par les deux parties, ce qui risque de compromettre dfi-
nitivement une union tablie sur une telle base29. Le dialogue a
connu ces dernires annes des avances importantes, et il s'offre
aux glises des deux bords, mues par une volont sincre et pro-
fonde d'unit, l'une des occasions d'union les plus favorables que
l'histoire leur ait jusqu' prsent fournies. Il ne faudrait pas
manquer, alors qu'on est prs du but, cette chance historique et
cette opportunit offerte par la Providence.
A. AVANCES THOLOGIQUES
ET ECCLSIOLOGIQUES DU DIALOGUE
28. Nous prenons ici au mot le mtropolite Damaskinos qui affirmait que
toute critique des documents dj publis pourrait tre considre comme un
prolongement dudit dialogue (cit dans Contacts, 51, 1999, p. 212).
29. Elle parat dj fort compromise certains. Un fervent partisan du Projet
d'union, qui a consacr son soutien un important recueil, nous confiait rcem-
ment: L'Union ne se fera pas.
74 PERSONNE ET NATURE
30. Dans cette tude, nous prendrons surtout, comme rfrence de la thologie
antichalcdonienne, celui qui fut son reprsentant majeur, Svre d'Antioche
(voir infra les notes 139 et 140). Celui-ci se situe cependant dans la postrit des
thologiens antichalcdoniens antrieurs comme Philoxne de Mabboug,
Timothe Alure, Jean de Tella, dont J. LEBON, dans ses magistrales tudes- Le
Monophysisme svrien (Louvain, 1909) et La christologie du monophysisme
syrien (dans A. GRILLMEIER et H. BACIIT [d.], Das Konzil von Chalkedon.
Geschichte und Gegenwart, t. 1, Wrzburg, 1951, p. 425-580)- tudie la pense
paralllement celle de Svre en faisant voir comment cette dernire la
dveloppe et la prcise.
no
31. Premire dclaration commune, 8 ; cf. Deuxime dclaration commune,
n 4.
32. Premire dclaration commune, n 6-7; Deuxime dclaration commune,
n 3.
33. Comme le pense le pre A. DE HALLEUX, Actualit du nochalcdo-
nisme. propos d'un accord rcent, dans Patrologie et cumnisme, Leuven,
1990, p. 490.
34. Lettre 3 Jean l'Higoumne.
35. Deuxime dclaration commune, n 1, 2 et 7.
36. Premire dclaration commune, n 5.
37. Deuxime dclaration commune, n 1.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 75
changement (TQmw), sans sparation (xwei.a1:w) et sans
division (tatQTw)38 .
Nous allons voir cependant que certains de ces points ne
constituent, bien des gards, que des avances apparentes tandis
que d'autres problmes, thologiques et ecclsiologiques restent
non rsolus.
B. PROBLMES THOLOGIQUES
ET ECCLSIOLOGIQUES EN SUSPENS
L'un des points les plus discutables des deux Dclarations com-
munes est l'affirmation que les natures du Christ ne sont distinctes
que par la seule pense ('tii St:WQLa f.!6vrl) . Le texte de la
Premire dclaration commune est le suivant: Lorsque' nous
parlons de l'une hypostase compose de notre Seigneur Jsus-
Christ [... ], nous voulons dire que l'une hypostase ternelle de la
deuxime personne de la Trinit a assum notre nature cre,
l'unissant ainsi sa propre nature divine incre pour former une
seule existence (unaQl;L) divino-humaine relle (nQayf.!ci'tuctl)
unie insparablement et inconfusment, dans laquelle les natures
sont distingues (LaKQivov'taL) par la seule pense ('tl SeWQLa
63. Ibid., p. 188 ; cf. p. 194. Voir aussi ID., Chalcedonians and Non-
Chalcedonians. The Last Steps to Unity , St. Vldimir 's Theological Quarter/y,
33, 1989, p. 325 ; J. S. ROMANIDIS, St. Cyril's "One Physis or Hypostasis of
God the Logos Incarnate" and Chalcedon , The Greek Orthodox Theological
Review,, 10, 1964-65, p. 89-91.
64. Ed. J. STRAUB, Acta conciliorum cumenicorum, IV, I, p. 242 ; traduction
franaise par A. DE HALLEUX, La distinction des natures du Christ "par la seule
pense" au cinquime concile cumnique, p. 313. Cet anathme du v concile
runit les septime et huitime anathmes de l'dit de Justinien de 551.
65. R,ponse du mtropolite Damaskinos de Suisse, co-prsident du dialogue
avec les Eglises orientales orthodoxes, une lettre de la Communaut monas-
tique du Mont-Athos concernant ce dialogue (dsormais : Rponse ], Epis-
kepsis, 521, 1995, p. 12.
LA QUESTION CHRlSTOLOGIQUE 81
l'interprtation que lui a donne le ve concile cumnique ne va
pas dans le sens souhait par les non-chalcdoniens, mais au
contraire se situe dans une perspective nettement chalcdonien-
ne66. Comme l'crit A. de Halleux en conclusion d'une longue
dmonstration : le septime canon du ve concile cumnique a
pour seule intention d'exclure des natures "spares et en hypo-
stase propre", sans aucunement remettre en cause le "nombre des
natures". Il ne suppose donc nullement que celles-ci doivent tre
considres comme des abstractions conceptuelles, comme des
entits mentales sans ralit concrte67.
En revanche, le texte des Dclarations communes est rdig en
des termes qui laissent planer un srieux doute sur la signification
qu'il convient de lui accorder. Les orthodoxes signataires des
Dclarations ont pour l'essentiel renonc l'usage d'expressions
qui autoriseraient les comprendre dans un sens chalcdonien ; en
revanche ils semblent avoir cd aux exigences de leurs interlo-
cuteurs antichalcdoniens qui, quant eux, trouvent ici une faon
de s'exprimer en plein accord avec la thologie svrienne pour
qui l'expression par la pense seulement ne va pas de pair avec
le maintien de la dualit dans l'ordre rel comme chez Cyrille,
mais correspond une dualit logique (eewQta Mo) qui s'op-
pose la dualit relle (tveQyeta Mo), les choses qui ne diffrent
entre elles que 9EWQLa ne diffrant pas dans la ralit; les natures
n'ayant plus entre elles, aprs l'union, aucune distinction vritable
et l'intelligence seule crant entre elles une diffrence purement
imaginaire68 . Pour la thologie svrienne, la ralit n'est attri-
bue qu' la nature ou hypostase compose du Christ (dsigne
dans la Premire dclaration comme un seul tre [unaQ-
l;,L] divino-humain rel [nQay!J.nK11]69 ),la nature humaine du
Christ n'ayant plus de subsistance relle et ne pouvant plus tre
distingue que par la pense (en thorie70, selon une distinction de
raison ne correspondant pas une distinction relle) ds lors que
le Verbe devient Verbe incarn. Les antichalcdoniens, en effet,
admettent comme tous les monophysites, que 1'unique Christ
76. Voir par exemple Lettre Sergius, CSCO, Syr. IV, 7, Louvain, 1949,
p. 94.
77. Voir J. LEBON, Le Monophysisme svrien, p. 438.
78. Ibid., p. 54.
79. Le Christ dans la tradition chrtienne, t. Il, 2, L 'glise de Constantinople
au Vf sicle, Paris, 1993, p. 214.
84 PERSONNE ET NA TURE
80. The Byzantine Fathers of the Fifth Century, The Collected Works of
Georges Florovsky , t. VIII, Vaduz, 1987, p. 329-330.
81. Voir J. LEBON, Le Monophysisme svrien, p. 242-280 ; R. C. CHESNUT,
Three Monophysite Christologies : Severus of Antioch, Philoxenus of Mabbug
and Jacob ofSarug, Oxford, 1976, p. 9-12.
82. Cf. Premire dclaration commune, n 5 ; cf. Deuxime dclaration com-
mune, no 1.
83. Voir J. LEBON, Le Monophysisme svrien, p. 200-204.
84. Nous confessons donc le mme consubstantiel au Pre selon sa divinit
et le mme consubstantiel nous en devenant homme (Orationes ad
Nephalium, 1, CSCO 119-120, syr. 64-65.).
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 85
une seule hypostase, une seule volont, une seule nature du Verbe
Dieu incarne85 .
Ce qui est mis en cause par la thologie antichalcdonienne (au
nom du but louable d'affirmer, contre les nestoriens, l'unit du
Verbe incarn), c'est donc la ralit mme de la nature humaine
du Christ.
Cette thologie se dveloppe dans le cadre de ce que le pre
G. Florovsky appelle, nous l'avons vu, un minimalisme anthro-
pologique, lequel non seulement prsente une conception ds-
quilibre de ce qu'est le Christ, mais encore constitue un grand
danger quant la faon de concevoir le salut et la divinisation de
l'homme (danger oppos, mais quivalent en gravit, celui que
constitue la conception morale du nestorianisme), car 1'homme ne
peut en vrit tre rellement sauv et difi que si le Verbe a
assum en lui-mme une nature humaine rellement et dura-
blement subsistante86.
Remarquons encore que l'affirmation d'une distinction des
natures en pense seulement est peu cohrente avec le dyo-
nergisme et le dyothlisme affirms par ailleurs dans les Dcla-
rations communes 87, car, comme le fait remarquer A. de Halleux,
on ne voit pas comment ceux-ci pourraient faire l'conomie d'un
certain dyophysisme rel88 . Cela oblige s'interroger sur la
nature de l'affirmation par les deux Dclarations communes de
l'existence de deux nergies et deux volonts dans le Verbe
incarn (affirmation qui nous parat tre le point le plus marquant
de l'avance du dialogue thologique) et se demander si les
signataires non chalcdoniens des Dclarations communes ne
conoivent pas, sans le dire, cette dualit comme tant, elle aussi,
en pense seulement89 .
89. Il n'y a pas si longtemps que 1'un des principaux reprsentants( des glises
non chalcdoniennes, P. VERGHESE devenu depuis le mtropolite Paulos Mar
Gregorios, affirmait: Nous sommes dans l'impossibilit d'accepter la formule
dyothlite, attribuant la volont et l'nergie aux natures plutt qu' l'hypostase.
Nous pouvons seulement affmner l'unique nature, volont et nergie divino"'(
humaine, unie et inconfuse, du Christ le Verbe incarn. [... ]Nous considrons
Lon [le Grand] comme hrtique pour avoir enseign que la volont et
l'opration du Christ doit tre attribue aux deux natures du Christ plutt qu'
l'unique hypostase( Ecclesiologicallssues conceming the Relation of Eastern
Orthodox and Oriental Orthodox Church , The Greek Orthodox Theological
Review, XVI, p. 140-141).
90. Premire dclaration commune, n 2.
91. Introduction CYRILLE D'ALEXANDRIE, Deux dialogues christologiques,
SC no 97, Paris, 1964, p. 134. Sur cette formule, voir l'tude dveloppe de J.
V AN DEN DRIES, The formula of St. Cyril of Ale:xandria !lla qn)uu; 'tOU A6yov
ueuaQKWfJVTJ, Rome, 1939.
92. Voir Lettre 2 Succense,ACO I, l, 6, p. 159, 160.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 87
Cette <:puaL [nature] est celle du Verbe : c'est de Lui, de la
Personne divine possdant de toute ternit cette <:puaL que 1' on
part, et non pas de la mention d'un nom quelconque, comme
Christ, qui impliquerait dj une rfrence 1'humain93. La
rfrence la perfection dans 1'humanit et une essence
(ocr(a) telle que la ntre94 est quant elle tout entire
contenue dans l'pithte "incarne", qu~elle se rapporte immdia-
tement au Verbe ou la <j>uau:;95 . Ainsi, pris en eux-mmes,
<j>ucrt;96 et awaQKWf..LVTJ indiquent bien l'un et l'autre des
essences : l'essence divine qui est celle du Verbe, la "chair", qui
est l'essentiel, le fin mot de notre condition humaine97 .Cette
interprtation de spcialistes modernes de Cyrille tait aussi celle
de saint Maxime le Confesseur, qui considrait que par cette
formule, Cyrille confessait implicitement les deux natures du
Christ, la nature divine par le mot <j>ucru:;, la nature humaine par le
mot awaQKWf..LVTJ98.
Il faut considrer en outre que Cyrille n'a pas utilis cette
formule sans qualification et de manire inflexible99 . La
preuve en est qu'il n'hsite pas, l'occasion, appliquer le
concept de nature (<j>ucru:;) l'h~manit du Christ, et cela aussi
bien avant qu'aprs le concile d'EphselOO. Il exclut seulement un
usage de ce terme qui introduise une division dans le Christ.
Autrement dit Cyrille n'hsite pas, nous l'avons dj vu dans la
123. Saint JusTINIEN le lui reprochait dj, crivant son sujet: Qui dtient
une telle autorit qu'il se permette de rejeter les enseignements des saints Pres?
Sur quelles bases Svre choisit-il les Pres dont les enseignements doivent tre
rejets? [ ... ]En fait, il argu que les enseignements des saints Pres doivent tre
rejets [ ... ] parce qu'il veut dfendre sa propre maladie (Contre les mono-
physites, d. Schwartz, p. 32).
124. Voir J. LEBON, Le Monophysisme svrien, p. 212-233.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 95
Au contraire le vocabulaire non chalcdonien (de Cyrille, mais
aussi des thologiens antichalcdoniens, en particulier Svre
d'Antioche) est massivement utilis.
Il y a non seulement un dsquilibre, mais une non-rciprocit
dans l'usage et la reconnaissance des expressions de la foi de ce
que les Dclarations appellent les deux familles d'glises.
Si celles-ci avaient effectivement, comme l'affirment les deux
Dclarations, la mme et unique foi hrite des Pres, si le dsac-
cordn'tait d qu' un malentendu portant non pas sur le fond,
mais sur une diffrence de vocabulaire dsignant autrement les
mmes ralits, si les divergences dans l'usage du vocabulaire
avaient t effectivement lucides et les malentendus dissips, on
ne voit pas ce qui empcherait les non-chalcdoniens de recon-
natre la lgitimit de l'expression de la foi des orthodoxes en
termes chalcdoniens (et cela de manire effective, en la confes-
sant), tout comme les signataires orthodoxes des Dclarations
reconnaissent la lgitimit de l'expression de la foi des glises
orientales en termes non chalcdoniens.
Si les orthodoxes conoivent que les non-chalcdoniens ne
puissent confesser que le Christ existe en deux natures dans la
mesure o pour eux nature signifie hypostase et que cela
reviendrait confesser, comme le font les nestoriens, deux hy-
postases ou personnes du Christ, on ne voit pas ce qui empche les
non-chalcdoniens de concevoir que pour les orthodoxes na-
ture ne signifie pas hypostase, et que l'affirmation que le
Christ existe en deux natures ne signifie pas qu'il soit deux
hypostases ou personnes, et ne signifie pas non plus que ses deux
natures soient spares, parce que dualit, pour les orthodoxes, ne
signifie pas division ni sparation... Une telle reconnaissance de
l'expression chalcdonienne de la foi orthodoxe devrait tre d'au-
tant plus facile aux non-chalcdoniens que le danger du nestoria-
nisme est depuis longtemps cart et que les prcisions qui ont t
donnes depuis la formulation de Chalcdoine (concernant
notamment 1'unique hypostase du Christ) interdisent de manire
on ne peut plus explicite une interprtation nestorienne.
On ne peut pas s'empcher de considrer que les non-chal-
cdoniens ont ici russi imposer leurs partenaires orthodoxes
qu'ils confessent eux aussi leur foi en termes non chalcdoniens,
et cela sans aucune rciprocit125.
justifis dans leur utilisation de la formule des deux natures, puisqu'ils recon-
naissent que la distinction est "par la seule pense".
126. Le patriarche Shenouda III est l'auteur de nombreux opuscuj.es tholo-
gique,s teneur nettement antichalcdonienne qui sont largement diffuss au sein
de l'Eglise copte. Voir, parmi ses publications traduites en anglais et diffuses
sur Internet: The Nature of Christ, St Mark Coptic Orthodox Church, Jersey
City, 1999 ; The Divinity of Christ, St Mark Coptic Orthodox Church, Jersey
City, sans date. Sur les positions rcentes du patriarche Shenouda III, dont la
teneur reste indubitablement non seulement antichalcdonienne, mais mono-
physiste et monothlite, voir les textes rassembls et comments par I. VLADUC,
D. POPESCU, G. FECIORU, AccqJtiim unirea cu monof1Zifii ?, Lacu, Athos, 2008,
p. 233-284. Dans la mme tude, d'autres hrsies dcoulant des prcdentes
sont, citations l'appui, attribues Shenouda III.
127. Comme le soulignait Maxime le Confesseur propos d'un autre dia-
logue.
128. Lettre Asotios, contre l'hrsie des Thopaschites, dite comme Lettre
n 284 par B. Laourdas et L. G. Westerink dans PHOTIUS, Epistulae et Amphi-
lochia, t. III, Bibliotheca scriptorum graecorum et romanorum teubneriana ,
Leipzig, 1985.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 97
VII. LA SURVALUATION DES FACTEURS HISTORIQUES.
130. Aprs nous tre fait cette rflexion, nous l'avons retrouve chez le pre
G. FLOROVSKY : On peut difficilement penser que Svre en particulier ne
pouvait pas comprendre la terminologie chalcdonienne et ne pouvait pas saisir
que les Pres du concile utilisaient les mots diffremment de lui mais ne
s'cartaient pas trs loin de lui quant au contenu de la foi (The Byzantine
Fathers of the Fifth Century, The Collected Works of Georges Florovsky ,
t. VIII, Vaduz, 1987, p. 329).
. 131. En regardant l'hi~ire, on constate que les rencontres et le dialogue entre
l'Eglise orthodoxe et les Eglises non chalcdoniennes ont t quasi permanents.
132. Trait contre les monophysites, d. Schwartz, p. 36.
133. Il nous en informe lui-mme dans ses Opuscules thologiques et po-
lmiques, 3, PG 91, 49C.
134. Voir infra.
135. Voir infra.
136. Voir J.-CI. LARCHET, Introduction MAxiME LE CONFESSEUR, Lettres,
Paris, 1998, p. 8-25 ; Introduction MAxiME LE CONFESSEUR, Opuscules
thologiques et polmiques, Paris, 1998, p. 16-108 (passim).
137. Voir Th. ZISIS, o Ayto 1wavVTJ 6 ~atJa01CTJV6 Kai iJ "Oqeobo!;ia"
'rWV AvuxaAlcrJoviwv [Saint Jean Damascne et )"'orthodoxie" des non-
chalcdoniens] , fpTJypw 6 IIaapa, 744, 1992, p. 1133-1144.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 99
majeurs138) ont consacrs rfuter ses positions thologiques
pour voir que c'est bien celles-ci qui taient en cause. Ces mmes
dveloppements montrent que ce ne sont pas des broutilles et de
simples malentendus linguistiques qui taient en question aux
yeux des Pres, mais bien la reprsentation du Christ et la concep-
tion du salut de l'humanit: si- le Christ n'tait pas pleinement,
vritablement et rellement homme en possdant la nature mme
des hommes, si toutes les proprits de la nature humaine n'taient
pas rellement sauvegardes en Lui aprs 1'union en une nature
humaine rellement subsistante (mais qui ft nanmoins relle-
ment la Sienne et qui ne ft en Lui nullement spare de la nature
divine qui tait aussi rellement la Sienne), Il ne pouvait pas non
plus sauver les hommes en tout ce qu'ils taient, selon un principe
maintes fois raffirm par les Pres, de saint Grgoire le Tholo-
gien saint Jean Damascne : Ce qui n'est pas assum ne peut
pas non plus tre guri.
138. Parmi les autres thologiens byzantins qui ont rfut la thologie
svrienne, on peut citer Np}:lalius (voir A. GRILLMEIER, Le Christ dans la tra-
dition chrtienne, t. Il, 2, L'Eglise de Constantinople au Vf sicle, Paris, 1993,
p. 74-81), Jean de Csare, surnomm le Grammairien (ibid., p. 81-116),
Lonce de Byzance (ibid., p. 247-309), Hypatios d'phse (ibid., p. 311-335),
Eustathe (ibid., p. 354-364), Lonce de Jrusalem (ibid., p. 365-415)
139. J. LEBON crit: Ce fut un patriarche d'Antioche, le clbre Svre, qui
dota les monophysites d'une christologie savante, traduite en formules tech-
niques ; ille fit dans de grands ouvrages, qui restrent comme les manuels offi-
ciels et les arsenaux de l'opposition la doctrine de Chalcdoine. Avec Svre et
par son uvre, la thologie monophysite de l'Incarnation est fixe et comme
fige dans une forme substantielle qui ne changera plus. [... ] De notre point de
vue, on n'aperoit aucune ncessit de pousser l'examen de la doctrine
monophysite au-del de l'activit doctrinale de Svre d'Antioche ; il n'y aurait,
semble-t-il, gure d'avantage entendre les tmoignages postrieurs, qui
n'apporteraient que de perptuelles redites de griefs dj formuls contre les
chalcdoniens. Avec Svre et ses contemporains, la doctrine monophysite est
aussi clairement atteste et sa dogmatique est aussi parfaitement labore qu'elle
le sera jamais l'encontre de la christologie diphysite (La christologie du
monophysisme syrien, dans A. GRILLMEIER etH. BACHT [d.], Das Konzil von
Chal/don. Geschichte und Gegenwart, t. 1, Wrzburg,l951, p. 425-426). Voir
aussi ID., Le monophysisme svrien, p, 118-119,236-237.
100 PERSONNE ET NA TURE
149. Notons en passant qu'il est trange de voir les patf9logues catholiques et
protestants s'attacher rhabiliter les thologiens que l'Eglise pendant quinze
sicles a considrs comme hrtiques, tandis qu'ils s'acharnent paralllement
dmontrer l'htrodoxie de Pres de l'glise que l'glise orthodoxe considre
comme des, piliers de sa doctrine et de sa pratique spirituelles, comme saint
Macaire d'Egypte ou saint Symon le Nouveau Thologien (prsents comme
messaliens) ou saint Grgoire Palamas. Remarquons que, en tte de ceux qui
accusent d'htrodoxie la thologie de saint Grgoire Palamas, figure le mme
M. Jugie qui proclame 1' orthodoxie de Svre d'Antioche.
150. Parmi les orthodoxes, citons Mgr DAMASKINOS (PAPANDROU), qui
crit notamment : Dioscore et Svre taient rests fidles l'enseignement
christo logique de saint Cyrille ; ils ont t condamns non pas pour tre
tombs dans l'hrsie monophysite, mais pour ne pas avoir reu le IV" concile
cumnique (Episkepsis, 521, 1995, p. 14-16). Citons aussi la thse soutenue
en 2002 l'Universit de Thessalonique par I. Th. NIKOOPOULOS, 'H
XQtO'toAoyla 'tO r.ej3i)Qou Av'tloxea JCaL o 'DQO rij XaAKT)oova [La
christologie de Svre d'Antioche et la Dfinition de foi de Chalcdoine].
151. Voir J. C. L. GIESELER (Commentatio, qua Monophysitarum veteru
errores ex eorum scriptis recens editis praesertim illustrantur, 2 vol., Gttingen,
1835 et 1838); J. A. DORNER (Entwicklungsgeschichte der Lehre von der Person
Christi, 2 vol., 2" d., Stutt.fart et Berlin, 1845 et 1853), A. HARNACK (Lehrbuch
der Dogmengeschichte, 3 d., t. II, Fribourg et Leipzig, 1894), F. LOOFS
(Leontius von Byzanz und die gleichnamigen Schriftstel/er der griechischen
Kirche, Texte und Untersuchungen 3, 1-2, Leipzig, 1887), P. JUNGLAS
( Leontius von Byzanz ,dans A. EHRARD et J. P. KIRSCH (d.), Forschungen
zur christ/lichen Literatur und Dogmengeschichte, t. VII, 3, Paderborn, 1908).
Peu d'tudes modernes ont malheureusement t consacres cette question qui
exigerait d'tre reprise. Voir cependant le mmoire (indit) soutenu l'Institut
Saint-Serge de Paris par Sur Seraphima Konstantinovska (aujourd'hui ensei-
gnante l'Universit d'Oxford) : What Light is Thrown upon the Possibility of
Reconciliation between the Chalcedonian and Monophysite Churches, by a
Comparison of the Christological Teaching of St. Cyril of Alexandria with that of
Severus of Antioch? .Voir aussi la rfutation de la thse deI. Th. Nicolopoulos
cite dans la note prcdente, dans HIROMOINE LOUKAS GRIGORIATIS, Au)mco-
QO JCaL r.ej3fjQO, ol v'tlxaxlCT)OVLOL a[QeatQxat. KQL'tLlCTJ bVo btaK'tOQt!CWv
bta'tQL~v [Dioscore et Svre, les hrsiarques antichalcdoniens. Critique de
deux dissertations doctorales], Mont-Athos, 2003, p. 95-216.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 103
159. Lettre Asotios, contre l'hrsie des Thopaschites, dite comme Lettre
284 par B. Laourdas et L. G. Westerink dans PHOTIUS, Epistulae et Amphilochia,
t. III, Bibliotheca scriptorum graecorum et romanorum teubneriana , Leipzig,
1985.
160. Voir Mansi, t. VIII, 817C-819E; ACO IV, II, 169-171.
106 PERSONNE ET NATURE
161. Mansi, t. VIII, 873 s. Sur ce synode, voir V. GRUMEL, Les Regestes des
Actes du patriarcat de Constantinople, I, 1, Kadikoy-Istanbul, 1932, no 233-238 ;
HEFELE-LECLERCQ, Histoire des conciles, Il, 2, p. 1142-1155 ; E. SCHWARTZ,
Zur Kirchenpolitik Justinians , Gesammelte Schriften, t. IV, p. 287-290 ; F .-X.
MURPHY et P. SHERWOOD, Constantinople Il et Ill, Paris, 1974, p. 70.
162. Voir R. DEVREESSE, Le cinquime concile et l'cumnicit byzan-
tine, dans Miscellanea Giovanni Mercati, t. 3, Cit du Vatican, 1946, p. 1-6,
14-15, et A. DE HALLEUX qui crit : Suivant l'ancienne tradition historio-
graphique et canonique grecque, ce concile [Constantinople II] comprenait non
seulement le synode de 553, qui anathmatisa les "Trois chapitres", mais aussi le
synode de 536 qui condamna Svre d'Antioche et ses partisans monophysites
(Actualit du nochalcdonisme. propos d'un accord rcent, dans
Patrologie et cumnisme, Leuven, 1990, p. 499, note 94).
163. Cf. E. SCHWARTZ, Zur Kirchenpolitik Justinians , Gesammelte
Schriften, t. IV, p. 288 : La convocation de l'empereur et la prsence de re-
prsentants du sige apostolique [de Rome] l'levrent bien au-dessus du niveau
d'un synode endmousa (permanent] presque au rang d'un synode cum-
nique. Outre les vques sjournant Constantinople et les lgats du pape
Agapet, participrent ce synode les diacres et apocrisiaires des patriarches
d'Antioche et de Jrusalem et les mtropolites de Cappadoce I, de Galatie I et
d'Achae.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 107
Origne, Didyme, vagre, et tous les autres hrtiques pris
ensemble [... ]. Si donc quelqu'un ne rejette pas et n'anathmatise
pas les doctrines impies de leur hrsie et ce qui a t crit de
faon impie par qui que ce soit en leur faveur ou pour leur d-
fense, ainsi que lesdits hrtiques eux-mmes, savoir Thodore,
Cyrus, Sergius, Pyrrhus et Paul[ ... ] ou si quelqu'un considre
comme dpos ou condamn un de ceux qui ont t dposs ou
condamns par ceux-l ou par d'autres qui pensent de mme que
ceux:.l parce qu'il ne pense pas ce qu'ils pensent, mais confesse
avec nous la doctrine des saints Pres, et s'il ne le considre pas,
bien au contraire[...] comme un combattant pieux et orthodoxe de
l'glise catholique et qu'il considre comme tels bien plutt ces
impies et leurs dcisions injustes ce sujet et leurs sentences
vaines, sans effet et invalides, et plus encore impies, excrables et
rprouves, qu'un tel homme soit condamn164.
Le Vf concile cumnique (Constantinople III, 680-681)
condamne l'hrsie d'une seule volont et d'une seule nergie
des deux natures de l'un de la Sainte Trinit, le Christ notre vrai
Dieu, hrsie en accord avec la folle htrodoxie des impies
Apollinaire, Svre et Thmistius et tendant par une conception
frauduleuse liminer la perfection de l'Incarnation du mme et
unique Seigneur Jsus-Christ notre Dieu165 .
Le VIle concile cumnique (Nice Il, 787), dans un tout autre
contexte, ritre la condamnation et proclame : Nous confessons
aussi les deux natures de celui qui a pris chair pour nous de Marie,
l'immacule et toujours vierge Mre de Dieu, le reconnaissant
homme parfait, Dieu parfait, comme le concile de Chalcdoine l'a
proclam, expulsant de la cour de Dieu les blasphmateurs
Eutychs et Dioscore ; nous joignons eux Svre, Pierre et le
peloton blasphmateur qu'ils enroulent166.
167. Ce tenne dsigne les monophysites syriens depuis que le moine Jacques
(490-578), surnomm Burd'ana (la guenille ou Je mendiant) nomm vque en
Syrie (en 542-543) y structura Je groupe monophysite qui y vivait en Je dotant
d'une hirarchie et en en faisant proprement parler une Eglise.
168. Le Synodikon de l'Orthodoxie, d. J. Gouillard, Travaux et mmoires
du Centre franais d'tudes byzantines, t. 2, Paris, 1967, p. 84-85 ..
169. Pour une tude plus complte, voir L'Hymnologie de l'Eglise sur la
christologie orthodoxe et sur les antichalcdoniens (en grec), dans Elvat o[
AvnxaAKlloovtoL 6Q66ol;m; [Les antichalcdoniens sont-ils orthodoxes?],
Mont-Athos, 1995, p. 129-171.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 109
deux natures que nous prchons le Christ, suivant en cela les
paroles du bienheureux Cyrille. Venez fidles, rprouvons
clairement l'erreur de Svre, d'Eutychs et de Jacques [Barra-
de], de Thodore [d'Alexandrie] et de Dioscore avec eux ; et
clbrons par des cantiques divins les saints Pres du quatrime
concile. Le quatrime concile, celui de Chalcdoine, a rejet
Dioscore, Svre et Eutychs, et banni pour toujours les ronces de
leurs hrsies confondant les natures du Sauveur loin de la sainte
glise du Christ avec laquelle nous proclamons la vraie foi. Les
mmes textes liturgiques affirment maintes reprises la fidlit du
concile de Chalcdoine la pense de Cyrille et au contraire
l'infidlit de Svre celle-ci. Nous en avons cit un exemple.
En voici un autre : Cyrille prche le Christ en deux natures et
deux nergies et renverse [par anticipation] 1'hrsie de Svre ;
c'est pourquoi nous nous en tenons aux enseignements du docteur
alexandrin170.
170. Ces textes et d'autres semblables se trouvent dans les Mnes du mois de
juillet.
171. Voir mtropolite DAMASKINOS, Rponse, Episkepsis, 521, 1995,
p. 15, 16.
110 PERSONNE ET NA TURE
172. Voir Th. ZISIS, '0 Ayto lwaVVll 6 af.UX01CTIV6 Ka( iJ " 'OqSoo~(a "
'twv Av'ttXaA'K1)bov(wv [Saint Jean Damascne et !"'orthodoxie" des non-
chalcdoniens1 >>, fpl]y6pto 6 TiaAafla, 744,1992, p. 1137.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 111
l'glise173". [... ] Presque tout protagoniste dans presque toute
discussion aurait pu dire avec Thodore Studite : "Pour que l'on
ajoute foi ce qui a t dit, il faudrait encore le tmoignage des
Pres174." [... ]Une loyaut sans faille vis--vis des Pres a t la
caractristique constante de la pense orientale. [... ] On pouvait
dnoncer les hrsies du pass ou du prsent comme ne s'ap-
puyant pas sur l'autorit soit de la Bible, soit des Pres, tandis que
la doctrine orthodoxe tait "en accord avec la Tradition, que ce
soit celle des Oracles sacrs ou celle des enseignements patris-
tiques175." l'adresse de [ses] adversaires, saint Maxime le
Confesseur s'criait : "Qu'ils dmontrent d'abord cela d'aprs la
position des Pres ! Si c'est impossible, qu'ils abandonnent ces
opinions et nous rejoignent dans notre effort pour nous conformer
ce qui a t respectueusement dtermin par les Pres divi-
nement inspirs de l'glise catholique et par les cinq saints
conciles cumniques176." Identifier la doctrine orthodoxe de
l'glise catholique signifiait s'en tenir ce que les Pres avaient
transmis par la Tradition. [... ]Une exhortation du type : "Gardons
pieusement la confession des Pres" semblait supposer, par
l'emploi qu'elle faisait de "confession" au singulier et de "Pres"
au pluriel, qu'il existait un consensus patristique aisment rep-
rable sur les doctrines dont les Pres avaient trait l'occasion des
controverses prcdentes ainsi que sur celles propos desquelles
le dbat ne s'tait pas encore ouvert, mais tait, dans quelque cas,
imminent. [ ... ] En principe, tous reconnaissaient que "d'une voix
sonore les saints Pres [... ],tous et partout, confessent fermement
de manire orthodoxe 177, les dogmes de la Trinit et du Dieu-
homme178.
179. Il s'agit plus d'une dduction tire du caractre confus de son voca-
bulaire que d'une ide rellement professe par Svre. Mais qu'une telle
confusion terminologique puisse conduire rellement au trithisme, on en a un
exemple dans la triadologie de Jean Philopon et de plusieurs autres thologiens
antichalcdoniens.
180. Ibid., LVI, d. E. Schwartz, Leipzig, 1939, p. 149; trad. A.-J. Festugire,
Paris, 1962, p. 78.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 113
le comme~cement et le principe acphale181 et aposchiste182, qui,
pour la rume de son me et de la commune manire de vivre, par
la permission de Dieu, cause de nos pchs, a t promu vque
d'Antioche et a anathmatis nos saints Pres qui ont entirement
sanctionn la foi apostolique dfinie et transmise jusqu' nous par
les saints Pres runis Nice, et qui baptisent tous les fidles
dans cette mme foi. Nous refusons et rcusons absolument la
communion avec cet acphale, et nous demandons votre Pit de
prendre en piti, quand elle, est si indignement outr:fe et d-
vaste, la mre de toutes les Eglises, Sion [Jrusalem] 18 .
Saint Maxime le Confesseur est sans doute celui des Pres qui a
critiqu de la manire la plus dveloppe et la plus approfondie la
christologie du monophysisme modr en gnral, et de Svre
d'Antioche en particulier, aussi bien pour elle-mme que comme
fondement du mononergisme et du monothlisme.
Beaucoup de ses uvres sont consacres cette critique, en
particulier les Lettres 12 17 et les Opuscules thologiques et
polmiques 5, 7, 8, 13, 22, 23.
On constatera la lecture de ces uvres que Maxime se montre
extrmement dur vis--vis de Svre et le critique avec autant de
rigueur qu'il critique Apollinaire et Eutychs d'une part et
Nestorius d'autre part25. Que Svre soit hrtique ne fait pas le
moindre doute pour lui206. Il place celui qu'il qualifie d' impie
- terme qui chez les Pres dsigne ordinairement les hrtiques -
aux cts d'Apollinaire et d'Eutychs207, tout en ayant conscience
de ce qui le spare d'eux, le considre comme tant dans la ligne
de pense de ceux-ci20& et comme tant aussi, dans une certaine
mesure, un pigone de Mans209, et il met ses positions en
212. Lettres, 12, PG 91, 473B-476D, 485A-C; 13, PG 91, 513A-516D, 517D,
524B-D; 14, PG 91, 536C; 15, PG 91, 561C-565C, 573A, CD.
213. Voir Opuscules thologiques et polmiques, 22, PG 91, 257A-269D.
214. Voir par exemple ibid., 3, PG 91, 49C.
215. Voir Lettres, 12, PG 91, 485BC ;15, PG 91, 569D-572B.
120 PERSONNE ET NA TURE
236. dition B. Kotter, Die Schriften des Johannes von Damaskos, t. IV,
Patristische Texte und Studien no 22, p. 109-153.
237. ~dition B. Kotter, ibid., p. 173-231.
238. J;:dition B. Kotter, ibid., p. 304-332.
239. Edition B. Kotter, ibid., p. 409-417.
240. Trait contre les monophysites, d. Schwartz, p. 36.
241. Voir en p;uticulier A. RILLMEIER, Le Christ dans la tradition chr-
tienne, t. II, 2, L'Eglise de Constantinople au vf sicle, Paris, 1993, p. 47, 223,
229, 237. J. LEBON lui-mme le reconnat r~ulirement dans son tude Le Mo-
nophysisme svrien.
128 PERSONNE ET NA TURE
242. C'est Je cas encore de nos jours. Ainsi dans un numro rcent de la revue
Le Monde copte (dat du 19 juillet 1991, p. 141), Je professeur Rachad Mounir
Shoucri prenait en ces tennes la dfense d'Eutychs : En ce qui concerne les
vnements du concile de Chalcdoine (541), et en particulier la position du
moine Eutychs, peut-on tablir de faon irrvocable, par des documents
historiques, que celui-ci a maintenu une position contraire la dfmition de foi
selon saint Cyrille, en ce qui concerne la nature du Christ ? Il existe, en effet, des
documents en opposition avec cette interprtation. [ ... ]Ces documents font
apparatre Eutychs comme plus orthodoxe que Flavien de Constantinople.
243. De nos jours 1'historien A. GRILLMEIER partage cet avis : Il n'y a pas de
doute que Svre contribue dj au soulvement de la crise mononergiste-
monothlite du vu sicle (Le Christ dans la tradition chrtienne, t. II, 2,
L'glise de Constantinople au Vf sicle, Paris, 1993, p. 210).
244. Mais aussi de ses prdcesseurs dont le systme est moins labor
comme Philoxne de Mabboug ou Timothe Alure.
245. Les critiques de A. GRILLMEIER se concen):rent surtout sur ce point. Voir
Le Christ dans la tradition chrtienne, t. Il, 2, L'Eglise de Constantinople au vf
sicle, Paris, 1993, p. 228-238.
246. Voir J. LEBON, Le Monophysisme svrien, p. 450.
247. Ibid., p. 464.
248. Rappelons que, selon la conception orthodoxe, la volont est une facult
se rapportant la nature. Le Christ ayant deux natures, Il a donc deux nergies et
deux volonts, une nergie et une volont divines, et une nergie et une volont
humaines. Cela n'empche pas qu'Il soit le sujet (unique) de ces deux nergies et
de ces deux volonts.
249. Ibid., p. 450, 461.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 129
une grande partie de la thologie svrienne qui, selon les sp-
cialistes de cette pense, repose en grande partie sur la doctrine de
l'unique nergie25. Se pose donc ici un double problme de coh~
renee thologique que les thologiens non chalcdoniens devraient
s'attacher rsoudre. L'ambigut qui subsiste quant la position
actuelle des non-chalcdoniens sur cette question cruciale251
devrait tre leve par l'exigence de la claire condamnation par eux
du mononergisme et du monothlisme comme hrsies, condam-
nation qui ne figure explicitement dans aucune des Dclarations
communes.
Notons seulement que la doctrine svrienne de l'unique ner-
gie et de l'unique volont confirme le dsquilibre de l'humanit
et de la divinit au sein de sa reprsentation du Christ et le mini-
malisme anthropologique que nous avions prcdemment nots.
Comme le remarque A. Grillmeier en examinant la doctrine sv-
rienne de l'unique nergie, l'union hypostatique signifie d'abord
pour Svre l'hgmonie explicite du Logos dans le Christ. La
partie subordonne est lasarx [chair]: "il est vident [crit Svre,
que cette dernire] n'a pas gard sa proprit sans diminution."
Cette diminution de cette proprit signifie en mme temps un
enrichissement par la divinit. [... ] L'origine d'une telle compr-
hension de la fonction de la vie divino-humaine intrieure de Jsus
tait dj prsente dans la doctrine des apollinaristes sur l'unique
energeia, l'unique operatio dans le Christ, dont le sige et la
source ne pouvaient tre que dans le dynamisme du Logos252.
De mme, il n'y a pas de doute que Svre attribue le "je veux"
la force de volont de la divinit. [Selon lui], la volont humaine
du Christ n'a videmment pas besoin de devenir active. [ ...] Selon
Svre, dans chaque action de l'Emmanuel, c'est--dire du Logos
incarn, la divinit participe comme facultas [facult] et comme
principe naturel. [ ...] Svre a effectivement du mal reconnatre
et valoriser l'activit vritable de la volont humaine du Christ.
core furent mis en avant268, et c'est en leur nom qu'il fut dpos.
Mais Dioscore fut galement accus plusieurs reprises d'hrsie,
et l'un des manquements disciplinaires pour lesquels il fut dpos
est de n'avoir pas donn suite trois convocations successives des
Pres pour rpondre devant eux de ses diverses fautes, parmi
lesquelles ses errements dogmatiques. Il y a d'ailleurs tout lieu de
croire que s'il s'tait rendu la convocation des Pres conciliaires
et avait exprim ses positions dogmatiques, c'est pour celles-ci
aussi qu'il aurait t formellement et explicitement dpos,
comme le pense l'auteur du De sectis269 : ils demandent :
"Pourquoi n'acceptez-vous pas Dioscore s'il ne fut pas dpos
pour des raisons de foi ?" Nous rpondons que, en vrit, c'est
pour ne pas tre dpos pour des raisons de foi qu'il ne s'est pas
rendu devant le synode, afin que ses positions ne fussent pas
soumises un interrogatoire ; mais s'il tait venu et si un
interrogatoire avait t pratiqu, il et t dpos comme
hrtique, car c'est bien ce qu'il tait. Mais puisqu'il n'est pas
venu aprs qu'on l'eut somm par trois fois et puisque [les Pres]
ont fait de cela la raison de sa dposition, c'est pour cela qu'[on] a
dit270 qu'il n'a pas t dpos pour des raisons de foi271.
Le mtropolite Damaskinos affirme que la Commission inter-
orthodoxe ayant examin les sources de l'poque ainsi que les
ouvrages de Dioscore [... ] constata qu'on ne pourrait pas [lui]
attribuer le titre diffamant de monophysite hrtique272 . En ce
qui concerne l'examen des ouvrages de Dioscore, la Commission
n'a pas d beaucoup se fatiguer puisqu'on n'a retrouv jusqu' ce
281. Contre les monophysites, d. Schwartz, p. 24, 27. Voir notamment p. 27:
Dioscore et Timothe Alure sont hrtiques car on a montr qu'ils parta-
geaient les opinions des Manichens et d'Apollinaire.
282. Cf. De sectis, PG 86, 1217-1228, passim.
283. Sur la rception des hrtiques, PG 86, 52, 56-68,passim.
284. Hodgos, d. Uthemann, CCSG 8, p. 91, 94, 98, 100, 105, 135, 136, 198,
211,256,260,304,318.
285. Lettre synodique, PG 87, 3186B, 3190C.
286. Lettre au pape Lon Ill, PG 100, 192D.
287. Lettre aux armniens, dans JEAN DARROUZS, Deux lettres indites de
Photius aux Armniens, Revue des tudes byzantines, 29, 1971, p. 162-170 =
Lettre n 285 de l'dition B. Laourdas et L. G. Westerink dans PHoTIUs, Epis-
tulae et Amphilochia, t. III, Bibliotheca scriptorum graecorum et romanorum
teubneriana, Leipzig, 1985, p. 98-112.
288. Voir ACO III, n 126, p. 178-180.
289. Texte cit supra p. 104.
290. Qui affirme son accord avec le concile des six cent trente Pres inspirs
de Dieu tenu Chalcdoine contre Eutychs et Dioscore, les hais de Dieu (Les
Conciles cumniques, 2. Les Dcrets, Paris, 1994, p. 278-279).
291. Texte cit supra p. l 05.
292. Texte cit supra p. 105.
138 PERSONNE ET NA TURE
293. Ces textes et d'autres semblables se trouvent dans les Mnes de juillet.
294. On trouvera une rfutation des positions thologiques de Timothe
Alure notamment chez saint JUSTINIEN, Contre les monophysites, d. Schwartz,
p. 24-27.
295. Voir en particulier : De sectis, PG 86, 1928-1937 ; saint SOPHRONE DE
JRUSALEM, Lettre synodique, PG 87, 3 \90C-3 \93A : ((Anathmes \)OUT tou-
lOUIS : Dioscore, dfenseur d'Eutychs, 1:imothe A\ure, Pierre Monge, Aca,
Znon, Pierre \e rou\on, Pierre \'\bnen, Svre et \es Ac\lha\es, Thodose
d' Mexandrie, Anth\me de 1:rb\z.onde, lacl\ues Barrade, lu\ien d'Ra\icarnasse,
Ga'ianus d' .t\\exandne, lean Ph\\o\)On, Them\st\us, Pierre \e Syrien, Serge
t ~nnn\en \ .. \ )) ; ~~~us~ Slli""-"", Sur les hrsies, dans Pnruo.., Juris
ecclesiastici Graecorum, \\.oml!, \~()~. "Q. 'l':l1-'l1\ , Doctrina patrum, d../ _.;
U\e'h.atn"Q, 'Q. 'l()9-'l1\'l , S'clint G~~ u~ C..o~"''mm\Ol'l.~, Sur les hrsies et
les conciles, PG 9'6, 11C..-13A. .
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 139
X. LE STATUT DU CONCILE DE CHALCDOINE.
296. Voir par exemple les dclarations des reprsentants des glises non
chalcdoniennes au cours des discussions de la troisime consultation Genve
(1970) rapportes dans The Greek Orthodox Theological Review, 16, 1971, p. 30-
34 : N'attendez pas de nous que nous acceptions Chalcdoine (P. Habte
Mariam [glise d'Ethiopie]) ; soyons tout fait clairs :.Chalcdoine n'est pas
. accep~le pour ~ous (m~tropolite S~~re Zakka ~was [Eglise de Sylje]) ; il
n~ doit pas y avorr de mpnse sur la position des glises non chalcdomennes : il
n y aura _aucune acceptation fo!ffieiJe ~e Chalcdoine (P. Paul Verghese, futur
mtropolite Paulos Mar Gregonos [Eglise-d'Inde]).
\ ~~
140 PERSONNE ET NA TURE
191. ~ut cete onnu\e et son sens, vo\t G. rl.l..OVS"K.'l, ((~\.Gregory "Palamas
ann \\\e 1:ta.\t\on o \\\e rafuets )), Bible, Church, Tradition : An Eastern
Orthodox View, (( 1:\\e Co\\ecten ~ot\.s o Geotges Hotovs\.'J )) \. \, ~e\mont, / /
\911, \l \I.)S-\1.)1. 1. "PU"K.l\N, La Tradition chrtienne, \. \\, L'Esprit du
christianisme oriental (600-1700), "Pans, \994, \). 9-19.
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 141
une et indivise298. Les experts sigeant dans les commis-
sions de dialogue semblent donc n'avoir fait que de la figuration et
servi de caution thologique une entreprise dont le terme tait
dj dfini d'avance sans que l'on et tenir compte de leur avis.
Il est galement os d'affirmer que sur l'essence du dogme
christologique, nos deux traditions" continuent de se trouver en un
plein et profond accord avec la tradition universelle de l'glise
une et indivise puisque les antichalcdoniens ont t, par le
concile de Chalcdoine et les conciles ultrieurs, considrs
comme ne confessant pas la foi orthodoxe, comme ayant une foi
non conforme la Tradition de la seule et unique glise du
Christ299, et comme tant de ce fait exclus de son sein et de sa
communion.
304. Lettre aux Armniens, dans JEAN DARROUZS, Deux lettres indites de
Photius aux Annniens >>,Revue des tudes byzantines, 29, 1971, p. 162-170. La
mme lettre a t dite comme Lettre n 285 par B. Laourdas et L. G. Westerink
dans PHOilUS, Epistulae et Amphilochia, t. lU, Bibliotheca scriptorum
graecorum et romanorum teubneriana >>,Leipzig, \9SS, p. 9S-\ \2. Sur \a position
de saint Photius vis--vis des non-cb.a\cdoniens, voir \'tude du pte 'fb.. ZlSlS,
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 145
Si les non-chalcdoniens admettaient rellement les conciles de
Nice I, Constantinople I et phse en les comprenant selon un
sens authentiquement orthodoxe, ils admettraient aussi, en vertu
de l'unit de foi profonde qui unit ces conciles et du fait qu'ils
tmoignent tous de la mme Vrit, celui de Chalcdoine et les
suivants. Il est donc impossible de reconnatre une unit de foi et
une communion entre les orthodoxes et les non-chalcdoniens si
ces derniers n'admettent pas la foi exprime par les quatre derniers
conciles, ou plutt 1'unique et mme foi exprime, sous
l'inspiration du mme et unique Esprit Saint, par l'ensemble des
conciles cumniques.
'0 M. <l>wno Ka[ ~ vwC1l'J 'twv QJ.lEVLWv J.l 't' OQB6ol;TJ 'ElCICTJO"la [Photius
le Grand et l'union des armniens avec l'glise orthodoxe], dans llQaK'tLK IE'
aeoAoyuco EuVEQLoU (( Mtya <l>wno ,Thessalonique, 1995, p. 581-603.
305. A. DE HALLEUX, Actualit du nochalcdonisme. propos d'un accord
rcent, dans Patrologie et cumnisme; Leuven, 1990, p. 500.
146 PERSONNE ET NA TURE
307. St. Gregory Palamas and the Tradition of the Fathers , dans Bible,
Church, Tradition : An Eastern Orthodox View, The Collected Works of
\
Georges Florovsky , t. 1, Belmont, 1972, p. 105-106. La dernire citation est de
saint CYPRIEN DE CARTHAGE, Lettres, 74. J
148 PERSONNE ET NA TURE
314. )) The Authority of the Ancient Councils and the Tradition of the
Fathers )), dans Bible, Church, Tradition : An Eastern Orthodox View, <<The
Col\ected Works of Georges Florovslcy )) t. 1, Belmont, 1972, p. 96.
315. Lettre synodique, PG &1, 31&5.
316. Soit dit en passant, ,ce conciliabule continue etre considt comme un
conci\e authen.o_ue pat les "Eglises non chalcdoniennes et par certains supporters
du \lro)et d'union o.ui \' appe\\ent d) "phse\\.
) \1. Comme par e"Jlemp\e \e pte l.._au)out'hu\ mtro"QO\\te) \\ll.AMON
1\..\.W.'ffi'l , loc. cit ., \). ~-!;} .
LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE 151
conclusion de sa dfinition de foi : Tout ceci ayant donc t
formul par nous avec une prcision et une justesse totales, le saint
concile cumnique a dfini qu'il n'tait permis personne de
professer, de rdiger ou de composer une autre confession de foi,
ni de penser ou d'enseigner autrement. Quant ceux qui oseraient
composer une autre confession de fei, la publier ou l'enseigner, ou
transmettre un autre Symbole ceux qui veulent se convertir la
connaissance de la vrit en quittant le paganisme, le judasme ou
quelque hrsie que ce soit, ceux-l, s'ils sont vques ou clercs,
sont dchus de l'piscopat pour les vques, du clerg four les
clercs ; s'ils sont moines ou lacs, ils sont anathmatiss31 .
Le concile de Constantinople II (553) reprend cette dernire
condamnation aprs avoir confirm les dfinitions des quatre
conciles cumniques prcdents et affirm l'unit et l'identit de
leur foi319. Il en va de mme du concile de Constantinople III
(680-681) qui aprs avoir affirm qu'il suit les cinq conciles,
saints et cumniques prcdents, reprend textuellement la
conclusion du concile de Chalcdoine cite plus haut320.
On voit ici quel sort sont vous par ces conciles mmes, les
signataires des Dclarations communes et ceux qui les approuvent.
326. Texte dit par S. BROCK, An Early Syriac Life of Maximus the
Confessor ,Analecta Bollandiana, 91, 1973, p. 299-346.
327. Ce texte et ,son auteur jouissent d'un grand prestige et d'une grande
autorit au sein de l'Eglise monophysite de Syrie. ,
328. Texte dans A. GmLLAUMONf, Les Kephalaia gnostica d'Evagre le
Pontique et l'histoire de l'Orignisme chez les Grecs et les Syriens, Paris, 1962,
p. 176-180.
329.lbid.
330. On peut penser notamment au patriarche monophysite d'Alexandrie
Timothe Alure, qui eut sa part de responsabilit dans l'assassinat du patriarche
orthodoxe Proterios. '
154 PERSONNE ET NA TURE
CONCLUSION
. 334. 'H j.l7tEI.QLKTJ 6wAoyla aujv oiKoAoyla ~<ai "rTJV not"rLKTJ, Thessalonique,
1994, p. 157-158. '
\
156 PERSONNE ET NA TURE
/ .
.
3
INTRODUCTION
Il. Cette opinion semble avoir sa source dans la Lettre du patriarche Photios
Zak'aria, catholicos d'Armnie, d. N. Akinean- P. Ter-Polosean, l. 44-47.
12. Voir N. GARSOAN, Sorne Preliminary Precisions on the Separation of
the Armenian and Imperial Churches : 1. The Presence of Armenian Bishops at
the Five Oecumenical Council , dans Essays presented to Joan Hussey,
Porphyrogenitus, 1988, p. 267 s.; J.-P. MAH, L'glise armnienne de 611
1066 , dans L'Histoire du christianis"!e des origines nos jours, t. IV, Paris,
1993, p. 459-460; N. GARSOlAN, L'Eglise armnienne et le grand schisme
d'Orient, Leuven, 1999, \l \27-\29.
\3. N. GJ\RSG\AN, L.'Eglise armnienne et le grand schisme d'Orient, p. \18-
\29.1.-P. MJ..H., ~~L'Eglise armnienne de 6\\ \066 )), p. 459-460; \D., ~~La
ru\)ture armno-gorgienne au dbut du vu sicle et les rcritures historio-
gra\)hio._ues des w.. -YJ. sicles)), dans Il Caucaso : ciemiera fra culture dai
Mediterraneo alla Persia (secoli IV-XI), t.1, '2.\")o\te, \996, \). 911, n.11.
\4. L'glise armnienne et le grand schisme d'Orient, \"1: \1?.. , ... '
\5. \\ s'agit bien ici des Armniens de \a Grande A.rmme \
LE MONOPHYSISME DE L'GLISE ARMNIENNE 163
\ 17. The Council of Chaicedon and the Armenian Church, Londres, 1965,
p. 150-151. . '
164 PERSONNE ET NA TURE
2. L'adoption de l'Hnotikon.
18. L'authenticit de ces traits a t conteste; elle est cependant admise par
M. TALLON, Livre des lettres, Beyrouth, 1955, p. 78-138; K. SARKISSIAN, The
Council ofChalcedon and the Armenian Church, Londres, 1965, p. 16-17, 164,
171-172, 178-195, 232-233; F. FRIVOLD, The Incarnation. A StucJl of the
Doctrine of the Incarnation in the Armenian Church in the 5th and the (f Century
according to the Book ofLetters, Oslo, 1981, p. 21-25, 66-78.
19. The Council of Chalcedon and the Armenian Church, Londres, 1965,
p.\64-165.
20.Ibid., p. 171.
21. Cette fourchette est propose par N. GARSoiAN, L'glise armnienne et le
grand schisme d'Orient, p. 166. La premire date correspond la proclamation
de l' Hnotikon par l'empereur Znon ; \a seconde correspond \a seconde Lettre
de "Bab'5en 1' ~voir infra).
LE MONOPHYSISME DE L'GLISE ARMNIENNE 165
inspire et soutenue par les monophysites modrs, hostiles
Chalcdoine22.
Il n'est gure possible d'affirmer, comme on l'a fait rcem-
ment23, que la rception de l'Hnotikon par l'glise armnienne
ne fut pas lie l'antichalcdonisme de celle-ci. Cette affirmation
se trouve en effet d'emble contrdite par les faits, puisque nous
trouvons en 508, dans un document officiel, la seconde lettre du
catholicos Babgn r2 4, qui reconnat l'autorit de l'Hnotikon25,
une dnonciation explicite de Chalcdoine : Nous fuyons en le
rpudiant le mensonge, Chalcdoine, de Nestorius et de ses
semblables26. C'est la raison pour laquelle la majeure partie
des savants armniens27 s'entendent pour situer cette po~ue
la premire condamnation officielle du concile de Chalcdoinel '.
Il est possible nanmoins que l' Hnotikon ait t adopt en
mme temps qu'une condamnation explicite de Chalcdoine eut
3. La condamnation de Chalcdoine
dans les conciles et les documents officiels
de l'glise armnienne.
utilise par tous les historien~ comme l'une des principales sources pour la
connaissance de l'histoire de l'Eglise armnienne.
53. Narratio de rebus Armeniae, 68-70, d. Garitte, op. cit. p.35-36, trad.
~ah,p. 433-434.
54. Ce texte du xr sicle reprend beaucoup de donnes de laNarratio.
55. Sur la sparation des Gorgiens et des Armniens, IX, d. Aleksidze,
Tbilissi, 1980, p. 85-86.
56. Cette lettre, qui date de 862, a t suspecte d'inauthenticit, en particulier
par G. Garitte. D'autres savants, comme P. ANANEAN et J.-P. MAH( La rupture
armno-gorgienne au dbut du vu sicle et les rcritures historiographiques
des n-xr sicles, p. 931), tendent au contraire la considrer comme authen-
tique. Ses donnes sont souvent trs proches de celles de la Narratio.
57. d. A. Papadopoulos-Kerameus, Fotija, arhiepiskopa Konstantino-
pol'skago, o grobje Gospoda na!ego lisusa Hrista i drugija malyja ego tvor_e-
ni)a )), Pravoslavnyi Palestinsii Sbomik, 3\, Saint-Ptersbourg, \892, p. \Sl, ctt
\)at G. GRlTffi, op. cit., \'1 B4-B5.
LE MONOPHYSISME DE L'GLISE ARMNIENNE 171
4) La Liste grecque des catholicos et sa version gorgienne 58 :
Aux jours [de Nerss] eut lieu un concile dans la ville de Duin,
par l'intervention d' Abdisoy le syrien jacobite. [... ] partir de [ce
synode], ils se sont spars de la communion des Romains et de
Jrusalem, et ils ont anathmatis le concile de Chalcdoine,
confessant une seule nature d Christ, de la divinit et de
l'humanit; [... ] avec serment et anathme et entre eux, par leur
propre crit et leurs propres mains, ils dcidrent de ne pas se
sparer d'une telle confession pour l'ternit59.
5) La Liste des conciles armniens attribue au catholicos
Yovhanns III Ojnec'i (717-728) : Au dbut de notre re ar-
mnienne, Ter Nerss fit le sixime concile Duin, en la qua-
trime anne de son catholicosat, la vingt-quatrime anne du
rgne de Xosrov, roi des Perses, la quatorzime anne de Justi-
nien, empereur. Tr Nerss fit ce concile contre le concile de
Chalcdoine, parce que le mal impur de la confession de Chal-
cdoine, la foi diphysite, s'tait rpandu sans cesse de plus en
plus60.
6) L'crit de nos Pres propos du concile de Du in aux jours
de Nerss le Grand de Grande Armnie propos de Chalcdoine
encore connu sous le nom de Colophon61 : Au temps de Nerss,
catholicos des Armniens [... ]on ordonna de tenir un grand conci-
le Duin. Celui-ci eut lieu la quatrime anne du catholicosat de
Nerss, dans la quatrime anne du roi Xosrov, et la quatorzime
anne de l'empereur Justinien et celle de la mort pour le Christ de
saint Yazitbzt. Et ils rpudirent le concile de Chalcdoine avec
force d'anathmes62.
7) Un texte d'tienne de Taron : Celui-ci [Nerss Il], en la
quatrime anne de son patriarcat, et en la dixime anne du
gouvernement de Mzez, fit un concile dans la ville de Duin [... ].
En cette sainte anne, saint Yazitbzt mourut dans le Christ. Et
75. Livre des lettres, p. 52-54, trac!. dans N. GARSOfAN, op. cit., p. 457-460.
76. Livre des lettres, p. 55-58, trad. dans N. GARSOIAN, op. cit., p. 460-463.
77. De l'vque Abdisoy Nerss catho/icos d'Armnie. Lettre de salutation,
dans Livre des lettres, p. 58-61, trad. dans N. GARSOfAN, op. cit., p. 463-465;
D 'Abdisoy, vque des Syriens orthodoxes, au Seigneur Nerss, catholicos des
>Armniens et ses collgues dans 1'piscopat, au sujet de 1'anathmatisa/ion des
llestoriens, dans Livre des lettres, p. 62-65, trad. dans N. GARSOfAN, op. cit.,
p. 465-469.
78. Lettre compose par le seigneur Yovhanns catho/icos des Armniens et
<autres vques l'vque et au seign_eur de Siwnik, dans Livre des lettres,
-80, trad. dans N. GARSOAN, op. cit., p. 484-490.
176 PERSONNE ET NA TURE
1
.
80. Cf. N. GARSOAN, op. cit., p. 242.
81. Lettre encyclique du seigneur Vrt'ans K'ertol, dans Livre des lettres,
p. \38-\39, trad. dansN. GARSO\AN, op. cit., p. 517.
1
LE MONOPHYSISME DE L'GLISE ARMNIENNE 177
82. Au seigneur Kirovn de la part de Vrt 'ans, dans Livre des lettres, p. 130-
131, trad. dans N. GARSOIAN, op. cit., p. 531.
83. Au seigneur Petros vque des Ibres de la part de Vrt'ans, dans Livre
des lettres, p. 136-137, trad. dans N. GARSOIAN, op. cit., p. 536. Cette accusation,
dj rencontre dans la citation prcdente, qui assimile la position
chalcdonienne la position des Juifs qui voyaient dans le Christ un simple
homme et non un Dieu, est un lieu commun de la propagande monophysiste, que
l'on trouve notamment chez Simon de Bt-Aram et chez Philoxne de
Mabboug (voir W. WIATKOWSKI, Syrian Monophysite Propaganda in the Fifth
to Seventh Centuries, dans L. RYDEN et J. O. ROSENQVIST, Aspects of Late
Antiquity and Early Byzantium, Stockholm, 1993, p. 60).
84. Rponse la troisime lettre du seigneur Movss de la part de Vrt'ans,
dans Livre des lettres, p. 141-145, trad. dans N. GARSOIAN, op. cil., p. 540-544.
85. Voir les Canons dcrts Duin durant la dlibration des vques runis
pour instaurer un catholicos des Armnienf, dans Livre des lettres, p. 146, trad.
dans N. GARSOAN, op. cit., p. 506.
178 PERSONNE ET NA TURE
\
orientales anciennes : l'Eglise apostolique armnienne, Le Messager orthodoxe,
137,2001, p. 44-81 ;,A propos du statut de)'glise armnienne dans le cadre
du dialogue entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises non chalcdoniennes , Le
Messager orthodoxe, 140,2004, p. 71-79.
180 PERSONNE ET NA TURE
96. The Doctrine of the Person of Christ in the Armenian Church )), The
Greek Orthodox Theological Review, 10, 1964/65, p. 109. Voir aussi, du mme
auteur, The Council of Chalcedon and the Armenian Church, Londres, 1965,
p.l\.
97. Voir op. cit., p. 402-403. Un long chapitre de l'tude deN. GARS01AN est
consacr ((la menace perse)) (p. \35-239).
LE MONOPHYSISME DE L'GLISE ARMNIENNE 181
106. Cf. Lettre des Armniens aux orthodoxes de Perse, dans Livre des lettres,
p. 41-47, trad. dans N. GARSOIAN, op. cit., p. 438-446.
107. Pierre le Foulon est plusieurs fois cit comme auteur de rfrence dans le
Livre des lettres et dans divers crits de thologiens armniens. Voir V.
INGLISIAN, Chalkedon und die armenische Kirche ,-p. 377.
108. Cf. Livre des lettres, p. 126.
109. ARSEN SAP' ARELI, Sur la sparation des Gorgiens et des Armniens, d.
Aleksidze, Tbilissi, 1980, chap. 6, p. 82-83.
110. Voir Narratio de rebus Armeniae,13, d. Garitte, p. 36; ARSEN
SAP'ARELI, op. cit., cit par G. GARITTE, op. cit., p. 133; Lettre de Photios, cit
par G. GARITTE, op. cit., p. 135 ; Liste grecque des catholicos, cit par
G. GARITTE, op. cit., p. 135 ; JEAN o'OZDUN, Histoire des conciles armniens,
cit par G. GARITTE, op. cit., p. 138.
111. Voir Livre des lettres, trad. N. GARSOIAN, op. cit., p. 458,461.
112. Vie de saint Sabbas, 32, d. Schwartz, p. 117-118, trad. A. J.
FESTUGIRE, Les Moines d'Orient, III-2, Paris, 1962, p. 44-45.
LE MONOPHYSISME DE L'GLISE ARMNIENNE 183
dernires dcennies du ve sicle, sous le catholicos Yovhannes 1er
Mandakuni (478-490) 113.
Parmi les thologiens monophysites considrs comme des
rfrences dans le domaine dogmatique, figurent galement les
patriarches d'Alexandrie Dioscore (444-451) et Pierre Monge
(477, 482-489). Selon A. B. Schmidt, le premier fut, avec Cyrille
d'Alexandrie (interprt dans un sens monophysite) et Timothe
Alure, rig en principal tmoin de l'orthodoxie114 . Des
extraits de ses uvres figurent dans le Sceau de la foi, anthologie
compose la demande du catholicos Komitas 115.
Les principaux Pres de la christologie monophysite ar-
mnienne furent cependant, de l'avis unanime des historiens de
cette priode, Philoxne de Mabboug, Timothe Alure et Julien
d'Halicarnasse.
Philoxne, vque de Mabboug (485-519), fut l'un des
thologiens majeurs du courant monophysite la fin du ve sicle
et du dbut du vf sicle. Ses uvres se rpandirent largement
dans les glises non chalcdoniennes et contriburent prciser
leur christologie. Elles furent galement connues et apprcies en
Armnie, o les autorits religieuses les firent traduire. Les
spcialistes sont cependant en dsaccord sur la date de cette
traduction. Selon la Narratio de rebus Armeniae, le Trait du
catholicos ibrien Arsen, la Lettre de Photios et le Colophon
anonyme, ces uvres auraient t introduites en Armnie par
Abdi~oy avant le deuxime concile de Duin, soit vers 553116.
Deux des documents prcdemment cits affirment que ce sont les
uvres de Philoxne et de Timothe Alure (voir infra) qui
influencrent les Armniens pour proclamer, au deuxime concile
de Duin, une profession de foi monophysite. Selon la Narratio,
la mme anne, ils traduisirent les crits dj mentionns
143. Cf. V. INGLISIAN, Chalkedon und die annenische Kirche ,p. 376.
144. ARSEN SAP' ARELI, Sur la sparation des Gorgiens et des Armniens, d.
Aleksidze, Tbilissi, 1980, chap. 6, p. 82-83.
145. Contrairement, ce que voudrait faire croire G. HAROUTIOUNIAN, (
propos du statut d l'Eglise annnienne dans le cadre du dialogue entre l'Eglise
orthodoxe et les Eglises non chalcdoniennes , Le Messager orthodoxe, 140,
2004, p. 74-75): 1J cette publication n'est pas anodine ni sans rapport avec une
rception par l'Eglise annnienne de la doctrine monophysite que ces
textes dveloppent : elle fut ralise sur l'ordre du catholicos lui-mme, dans le
but de confirmer et de rpandre cette doctrine panni le clerg et les fidles ; 2)
Yovhanns Mayragomec'i ne fut pas chass du catholicosat de l'glise ann-
nienne pour avoir compos cette anthologie, ni mme pour ses tendances julia-
nistes, mais pour s'tre oppos, plusieurs annes aprs, l'union ralise par le
catholicos Ezr avec l'empereur Hraclius au synode de Karin-Thodosiopolis
(633), union maintenl!e pendant un certain temps par le catholicos Nerss III
(voir J.-P. MAH, L'Eglise i~fmnienne de 611 1066 ,p. 470).
146. Cf. J.-P. MAH, L'Eglise armnienne de 611 1066 ,p. 466.
147. Voir J. LEBON, Les citations patristiques grecques du Sceau de la foi,
Revue d'histoire ecclsiastique, 25, 1929, p. 15.
148. Cette anthologie a t dite par K. Ter-Mekertschian Ejmiacin en
1914 (rimpr. Louvain, 1974).
149. Sur la christologie de Svre, voir en particulier J. LEBON, Le
Monophysisme svrien, Louvain, 1909 ; La christologie du monophysisme
syrien, dans A. GRILLMEIER et H. BACHT, Das Konzil von Challdon,
Geschichte und Gegenwart, vol. 1, Wrzburg, 1951, p. 425-580,,passim;
A. GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrtienne, ll-2, L'Eglise de
Constantinople au vf sicle, Paris, 1993, p. 37-244.
LE MONOPHYSISME DE L'GLISE ARMNIENNE 189
vement, avec Timothe Alure et Philoxne de Mabboufc, l'un des
trois Pres de la christologie monophysite syrienne o.
Il combattit aux cts de Philoxne de Mabboug151 la dfini-
tion de Chalcdoine et milita en faveur d'une interprtation mono-
physite de l'Hnotikon. Il produisit une uvre considrable, dans
laquelle il dveloppa la christologie monophysite. partir de 518,
il se querella avec un autre thologien monophysite, Julien d'Hali-
carnasse (t aprs 527), sur la question de l'incorruptibilit du
corps du Christ152. Ce conflit fut si vif qu'il donna lieu, en 523, au
sein de l'glise monophysite de Syrie, un schisme entre les par-
tisans de Svre et ceux de Julien. La querelle entre les membres
des deux partis se poursuivit bien au-del de la mort de ses initia-
teurs, et les julianistes se divisrent progressivement en plusieurs
factions
La christologie armnienne subit 1'influence de Svre durant
les premires dcennies du VIe sicle153, une influence venue de la
Syrie et de la Msopotamie voisines, o les svriens taient do-
minants. Il existait en effet non seulement des relations, mais
une interpntration entre 1'glise armnienne et les Syriens de
Msopotamie, qui prolonge[ait] le caractre bi-culturel de la zone
mitoyenne; elles intensifi[ai]ent l'influence du monophysisme
extrmiste des missionnaires de la rgion sur 1'glise arm-
nienne154 . Un exemple de cette influence est le rle jou par le
thologien Simon de Bt-Arsam, disciple et associ de Philoxne
et de Svre, dans la convocation du premier concile de Duin
(505/506) [voir supra], et peut-tre dans la prsentation aux
160. Livre des lettres, p. 55-~8, trad. N. GARSOlAN, op. cit., p. 460-463.
161. Voir N. GARSOAN, L'Eglise armnienne et le grand schisme d'Orient,
p. 213-214.
162. Ibid., p. 214.
192 PERSONNE ET NA TURE
Ce ne fut cependant pas suffisant pour que les Armniens
condamnent Svre lors du deuxime concile de Duin qui eut lieu
peu de temps aprs163. L. Frivold, constatant ce fait, souligne que
si les membres du concile avaient t opposs la doctrine de
Svre, ils auraient certainement condamn ce dernier ; il for-
mule l'hypothse qu'il y avait dans ce concile des reprsentants
la fois du parti svrien et du parti julianiste164 .
La prsence et l'influence svriennes semblent avoir continu
se manifester par la suite en Armnie. L. Frivold note que le
nom de Svre est mentionn seulement trois fois dans les do-
cuments du Livre des lettres [postrieurs au deuxime concile de
Duin]: p. 83165, 138166 et 146167 ,les deux dernires mentions
se rfrant des condamnations antrieures 168. Ces trois condam-
nations se situent respectivement sous le catholicosat de Yovhan-
ns II Gabelenac'i (557-574), en 606 et en 607. Ensuite, constate
Frivold, son nom disparat des documents, et aucun anathme
n'est plus port contre lui ou contre ses disciples. La raison en est
probablement que dans la seconde moiti du vf sicle et au
commencement du VIle sicle, les Armniens ont chang leur
faon de voir Svre et ses doctrines, et sont passs de la condam-
nation l'acceptation169.
Cela semble confirm par le fait que, aprs 611, le catholicos
Komitas fit traduire par le thologien Yovhanns Mayragomec'i
des livres de Svre d'Antioche 170 , tous deux tant pourtant
des julianistes convaincus.
185. J.-P. MAH, L'glise armnienne de 611 1066 ,p. 481. L'aphtarto-
doctisme est 1'un des noms donns la conception julianiste de 1'inconuptibilit
du corps du Christ.
186. Voir S. P. COWE, Generic and Methodological Developments in
Theology in Caucasia from the Fourth to Eleventh Centuries within an East
Christian Context , dans Il Caucaso : cierniera fra culture dai Mediterr;aneo
alla Persia (secoli IV-XI), t. 2, Spolte, 1996; p. 932, n. 26; L'Eglise
armnienne de 611 106 ,p. 676.
187. J.-P. MAH, L'Eglise armnienne de 611 1066 ,p. 484.
188. Voir S. P. COWE, Philoxenus of Mabbug and the Synod of
Manaskert ,dans Aram. Festschrift for Dr. Sebastian P. Brock, Leuven, 1993,
p. 121-123.
189. Voir ibid.
190. Notamment le 4. Voir MICHEL LE SYRIEN, Chronique, Xl, 20, d.
Chabot, t. 2, Paris, 1901, p. 499-500.
191. VoirE. TER-MlNASSIANTZ, Die armenische Kirche in ihren Beziehungen
zu den syrischen Kirchen bis zum Ende des 13. Jahrhunderts, Leipzig, 1904,
p. 72-73.
LE MONOPHYSISME DE L'GLISE ARMNIENNE 197
fut en effet avant tout un concile d'union192, tenu en commun par
l'glise armnienne et l'glise syrienne jacobite aprs un change
de correspondance entre le catholicos armnien Yovhannes III
Ojnec'i et le patriarche jacobite (svrien) d'Antioche Anastase et
leur initiative commune.
On ralisa Manazkert un compromis d'union fond sur ce que
J.-P. Mah appelle une doctrine moyenne193 , cartant les
positions les plus extrmes des svriens et surtout des julianistes
sur la question de l'incorruptibilit194. Mais ce concile ne remit
nullement en cause le reste (c'est--dire l'essentiel) des positions
christologiques de Julien et de Svre, et ce concile ne peut en
aucun cas tre considr comme ayant condamn les doctrines
christologiques de Julien et de Svre dans leur ensemble ni
comme ayant ralis une prise de distance vis--vis de la christo-
logie monophysite en son essence. On ne peut pas non plus consi-
drer195 que ce concile ait permis l'glise armnienne d'expri-
mer une christologie spcifique et indpendante.
L'unit de foi entre les Armniens et les Syriens est d'aillers
trs clairement affirme par la Lettre synodale rdige, 1' occa-
sion de ce concile par le catholicos Yovhannes III: Selon la
rgle, nous avons d vous demander [ vous, Syriens] de nous
donner la dfinition de votre foi; vous l'avez crite et nous l'avez
remise par crit. [... ] Le libelle de la foi que vous nous avez crit,
ayant t examin, fut trouv exact. [... ]Nous avons donc accept
et admis la foi contenue dans le libelle que vous nous avez
donn 196.
Ce que 1'on peut dire, c'est que la christologie armnienne a
rejet des christologies de Julien d'Halicarnasse et de Svre
d'Antioche ce qu'elles avaient d'incompatible entre elles, mais
qu'elle a conserv ce qui tait la fois leur tronc commun et leur
204. Ibid.
205. VoirE. TER-MINASSIANTZ, Die armenische Kirche in ihren Beziehungen
zu den syrischen Kirchen bis zum Ende des 13. Jahrhunderts, Leipzig, 1904,
p. 71.
206. Sur les fondements historiques et thologiques du monophysisme syrien,
voir J. LEBON, La christologie du monophysisme syrien , dans A. GRILLMEIER
et H. BACHT, Das Konzil von Chalkedon, Geschichte und Gegenwart, vol. 1,
Wtzburg, 1951, p. 425-580.
207. Sur les fondements historiques et thologiques du monophysisme copte,
voir A. GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrtienne, tome II-4, L'glise
d'Alexandrie, la Nubie et l'thiopie aprs 451, Paris, 1996, p. 31-364. L'Eglise
d'Alexandrie fut le berceau du monophysisme. Comme nous l'avons vu, ses
patriarches et thologiens monophysites - Dioscore, Timothe Alure, Pierre
Monge, Jean 4e Tella- marqurent de leur influence la christologie armnienne.
En outre, l'Eglise d'Alexandrie compta plusieurs patriarches iulianistes -
Timothe III, Gaianus -, ce qui contribua rapprocher d'elle l'Eglise arm-
nienne.
208. Sur les fondements historiques et thologiques du monophysisme
thjopien, voir A. GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrtienne, tome Il-4,
L ~glise d'Alexandrie, la Nubie et l 'Ethiopie aprs 451, Paris, 1996, p. 425-533.
L'Ethiopie adhra au courant antichalcdonien et la christologie monophysite
sous l'influence de missionnaires venus de Syrie et de Perse, notamment de
Simon de Bt-Ar~am qui, comme nous l'avons vu, joua un rle important dans
le rattachement de l'Armnie au courant antichalcdonien et la thologie
monophysite (voir A. GRILLMEIER, op. cit., p. 425 s.).
200 PERSONNE ET NA TURE
9. Le synode de Karin-Thodosiopolis.
CONCLUSION
Personne et nature
Une critique orthodoxe des thories personnalistes
de Christos Y annaras et de Jean Zizioulas
INTRODUCTION
6. Ces critiques ont t minimises voire masques par son ancien tudiant
O. Clment et par son fils N. Lossky pour des raisons cumniques. Mais la
lecture des uvres de V. Lossky permet de constater qu'elles n'pargnent aucun
domaine (triadologie, christologie, sotriologie, mariologie, ecclsiologie, spiri-
tualit). Non seulement ces critiques sont souvent trs vigoureuses, mais les dif-
frences que V. Lossky tablit entre l'Orthodoxie ene catholicisme sont parfois
forces, comme lorsqu'il affirme que l'Orient ignore l'imitation de Jsus-Christ
ou la notion de surnaturel, ou lorsqu'il adopte le schma trop simple de T. de
Rgnon pour diffrencier les deux types de thologie trinitaire.
7. Voir, entre autres: M. STAVROU, Le message d'un grand rnovateur de la
thologie chrtienne nopatristique ,La Vie spirituelle, 730, 1999.
8. A. LOUTH, Inroduction C. YANNARAS, On the Absence and Unknowability
ofGod. Heidegger and Areopagite, Londres et New York, 2005, p. 1.
9. Yannaras a soutenu Thessalonique en 1970 une thse intitule: Le Conte-
nu ontologique du concept thologique de la personne. Cette thse a t rdite
plus tard sous le titre : To 71Q6crwno KaL o 'EQw [La Personne et l'ros], Athnes,
1976, 3" d., 2001.
LE PERSONNALISME DE Y ANNARAS ET ZIZIOULAS 211
1O. Voir la recension deN. MA.Krus, dans Contacts, 97, 1977, p. 79-81.
11. Genve, 1986; d. originale grecque: r.xeblaafla EtaayUJY!l O"'ITJ
ll>tAoao<j>la, Athnes, 19,80.
12. Genve, 1982. Ed. originale grecque: H eAev8EQLa 'tO\J t'J8ov, 3" d.,
Athnes, 2002.
13. M<j>a(3TJ'tQL ,'tTJ Tiio"tTJ, 13" d., Athnes, 2002. Traduction franaise :
La Foi vivante de l'Eglise. introduction la thofogie orthodoxe, Paris, 1989.
14. Voir en particulier Vrit et unit de l'Eglise, Grez-Doiceau, 1989; d.
originale grecque : Mt'] ena Kat ev&rr]m UJ EKKATJala, 2" d., Athnes, 1997.
15. La Libert de la morale s'adresse elles aussi comme sources du pitisme
qui a influenc ensuite l'Orthodoxie russe, puis grecque (cf. p. 109-114).
16. Voir surtout Philosophie sans rupture.
17. Voir entre autres: << ElQTJO"KELa J<ai 'EMTJVUcOUJ'ta , dans D. TSAOUSS
(d.), EMTJVLaflO-EMTJVLKOUJ'ta. lobeoAoytKOL KIXL (3tW~'tLKOi al;ove tij
veoEMTJVLKt Kotvwvla, Athnes," 1983, p. 243-248; 0Q8obol;la Kai
212 PERSONNE ET NA TURE
l'un des thologiens les plus cits panni ceux qui uvrent actuellement (p. 4
de couverture et p. 1).
33. OQ8obo~la ICIXL M<1TJ CJ'tT) NEcMEQTJ EMaba, Athnes, 1996, p. 461.
34. L. BARBU, Recension de Communion and Othemess, dans The Heytrop
Journal, 49, 2008, p. 350. On notera, dans ce dernier livre, plusieurs expressions
qui montrent que Zizioulas lui-mme n'hsite pas se poser en gal des Pres
cappadociens (voir par ex. p. 177 : ... ceux qui, comme les Cappadociens et
moi-mme ... ).
35. Y compris dans les dernires tudes de Zizioulas qui ont le personnalisme
pour thme (voir par exemple le chapitre intitul On Being Other dans
Communion and Otherness).
36. C'est le cas, en France, de la revue Contacts et du S.O.P., organes de la
Fraternit orthodoxe.
37. Lossky connaissait et frquentait personnellement Mounier, dans les ren-
contres organises rgulirement par Berdiaev dans sa maison de Clamart.
38. tudes de thologie posit{ve sur la Sainte Trinit, Paris, 1892.
39. Thologie mystique de l'Eglise tl'Orient, Paris, 1944, p. 55.
216 PERSONNE ET NA TURE
Filioque et la doctrine thomiste des relations subsistantes qui
accordent la substance (ou l'essence ou la nature) divine une
suprmatie par rapport aux personnes (ou hypostases) 40.
b) Il affirme que la pense des Pres grecs va, au contraire,
plutt des hypostases vers la nature4 1 et insiste sur la monarchie
du Pre 42 ; cependant, la diffrence des personnalistes radicaux,
Lossky ne lie pas cela une conception ngative de 1'essence, il
n'introduit pas d'opposition entre les personnes et la nature ni de
rupture d'quilibre entre les personnes et la nature en faveur de
celles-l43 . Il met au contraire en garde contre une tendance faire
passer les personnes avant la nature qu'il dcle par exemple dans
la thologie du pre Serge Boulgakov44 ; la thologie orientale,
affirme-t-il, est aussi loin de cet excs oriental que de son
contraire occidental45 . Il souligne que les Pres ont tabli la dis-
tinction entre la nature et les personnes sans mettre l'accent sur
l'une ou sur les autres et affirme que lorsqu'on pose les per-
sonnes (ou la personne), on pose en mme temps la nature et in-
versement46 .
c) Lossky affirme que la personne est libre de sa nature, n'est
pas dtermine par eUe47 ; il tend donc voir ici la nature
comme une ralit contraignante, dterminante. Il faut tout
d'abord souligner que, la diffrence des personnalistes radicaux,
Lossky n'appliqu pas ce point de vue au domaine trinitaire: il
affirme trs clairement que l'ide de ncessit ne convient pas [
Dieu] parce que la Trinit est au-del de l'antinomie du ncessaire
et du contingent ; entirement personnelle et entirement nature,
libert et ncessit [... ]ne peuvent avoir lieu en [elle] 48 . Il faut
ensuite noter que dans le contexte anthropologique o cette ide se
situe, la nature dsigne la nature dchue de 1'homme.
Il est vrai que par ailleurs Lossky tend voir la nature comme
une ralit que la personne transcende ou extasie49 . Mais on
doit de nouveau noter que Lossky applique cette ide au domaine
de l'anthropologie seulement, et que c'est surtout pour fonder la
58. Voir en particulier: Sa vie est la mienne, Paris, 1981; Voir Dieu tel qu'Il
est, Paris et Pully, 2004. Les deux premires partie de La Flici de connatre la
voie, Genve, 1988, d'abord parues sous forme d'articles dans le Messager de
l'exarchat du patriarche russe en Europe occidentale ont la forme d'tudes plus
acadmiques.
59. Voir Voir Dieu tel qu'Il est, Paris et Pully, 2004, p. 32-33, 39, 69-70 et
passim.
60. Voir N. SAKHAROV, J'aime donc je suis. Le Legs thologique de l'archi-
mandrite Sophrony, Paris, 2005, p. 17 et 19.
61. Voir ibid., p. 31.
62. Le colloque consacr au pre Sophrony Athnes, du 19 au 21 octobre
2007, qui ne comptait pas moins de trente-six communications, a surtout pris la
forme d'une clbration. J.-F. CoLOSIMO, dans son Bloc-notes publi le 29
octobre 2007 par www.orthodoxie.com, dplorait que les aspects problmatiques
de l'uvre du pre Sophrony n'y aient pas t interrogs. La communication
mme de A. LoUTH, dont le titre - Tradition et innovation dans la pense du
P. Sophrony- tait prometteur, en est reste des gnralits.
63. N. SAKHAROV note propos du livre o s'exprime le plus compltement
sa vision thologique, Voir Dieu tel qu'Il est, que du ct orthodoxe l'accueil
est rest, quelques exceptions prs, plutt rserv, et cela surtout chez les
penseurs russes (J'aime donc je suis. Le legs thologique de l'archimandrite
Sophrony, Paris, 2005, p. 34-35).
64. Par exemple des expressions comme le principe personnel, ou la
personne divine pour dsigner le Dieu chrtien qui est Trinit, paraissent non
seulement malheureuses mais confuses voire contradictoires En ce qui concerne
la premire expression (cf. Voir Dieu tel qu'il est, p. 224, 225, 238) la notion
abstraite de principe s'accorde mal avec le caractre singulier et concret de la
personne. En ce qui concerne la seconde, aprs avoir cart l'ide improbable
d'un Dieu monohypostatique, on se demande: de quelle Personne s'agit-il?
Selon l'un des disciples du pre Sophrony qui a comment sa pense thologique
(l'archimandrite Zacharias), il s'agit du Christ; mais on verra que dans l'uvre
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 219
78. Les relations entre les conceptions de Yannaras et de Zizioulas (et notam-
ment la critique du premier par le second) sont voques par C. AGORAS,
Personne et libert ou tre comme communion dans l'uvre de Jean
Zizioulas, thse dactylographie, Universit Paris IV-Institut catholique de Paris,
1992, p. 403-405, 406 s., 429 s., 436. I. 1. IcA jr., dans son excellente rflexion
critique sur le personnalisme de Yannaras et de Zizioulas ( Persoan sau/~i
ontologie n gndirea ortodox contemporan , dans Persoana si comuniune.
Prinos de cinstire Parintelui Prof Ac. Dumitru Staniloae la mplinirea vrstei de
90 de ani, Sibiu, 1993, p. 359-385) a galement dgag (p. 367-368) quelques
diffrences significatives entre les deux auteurs. 1) Celles-ci tiennent tout
d'abord, comme nous l'avons dj signal, aux prolongements particuliers
donns tel ou tel thme (1 'ros et la critique de la morale, de la philosophie et
de la civilisation occidentales chez Ylmnaras; l'ecclsiologie chez Zizioulas ... ).
2) On peut constater que l'apophatisme tient une place importante dans la pense
de Yannaras (dont l'une des premires uvres est Xa"LvtEYYEQ KaL AQwnayl'tT),
Athnes, 1967, tmd. fr.: De l'absence et de l'inconnaissance de Dieu d'aprs les
crits aropagitiques et Martin Heidegger, Paris, 1971), de mme que la notion
d'nergies divines, avec donc une rfrence forte la thologie palamite, tandis
que ces deux lments ne tiennent quasiment aucune place dans la pense de
Zizioulas. 3) On peut noter, en ce qui concerne les rfrences philosophiques
modernes, que chez Yannaras, c'est l' "ontologie fondamentale" de type exis-
tentiel de M. Heidegger qui est fondamentale, tandis que chez Zizioulas il y a des
rfrences importantes la pense hbrarque, plus exactement aux "ontologies
relationnelles'~ de E. Levinas et M. Buber (op. cit:, p. 367). 4) Zizioulas pra-
tique une attitude cumnique consquente envers le christianisme occidental,
tandis que Yannaras reprend dans une perspective hellnophile : a) certaines
positions slavophiles du sicle pass l'gard des confessions chrtiennes occi-
dentales; b) certains thmes dvelopps par J. Romanidis dans sa critique de
l'augustinisme et de l'Occident soumis la domination des Francs ; c) la
critique heideggrienne de l'onto-thologie occidentale. 5) En opposition avec
Zizioulas qui affmne une rupture totale avec la pense grecque antique, Yannaras
considre que la solution personnaliste du problme ontologique (l'tre est un
qui, un nous, pas un quoi ou un moi) n'est pas le rsultat d'une
rupture, mais se situe dans la continuit de la vraie thorie de la connaissance
propre la philosophie grecque (chez Hraclite, Dmocrite, Platon et Aristote, le
logos et la vrit sont dj identifis avec la communion). La civilisation occi-
dentale actuelle serait donc le produit d'une dshellnisation et d'une fausse r-
hellnisation produite au vm sicle lorsque les Francs ont renonc aux mcines
grecques de la civilisation de l'empire grco-romain, et ont mis ses fondements
l'ontologie essentialiste et individualiste d'Augustin, dveloppe ensuite par la
scolastique (cf. I. 1. IcA, op. cit., p. 368).
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 225
ses et leurs efforts pour rappeler que le Dieu chrtien n'est pas
un tre impersonnel, mais trois Personnes. Nous reconnaissons
aussi le bien-fond des critiques que nos deux auteurs ont adres-
ses au subjectivisme et l'individualisme de la pense occiden-
tale moderne, et la fausse conception de la personne qui en d-
coule, et nous apprcions ler intention de promouvoir une
conception authentiquement chrtienne de la personne humaine
qui puisse affronter la menace que font peser sur elle, notre po-
que, l'individualisme d'une part, et les totalitarismes politique,
conomique et technologique d'autre part. Nous reconnaissons
aussi l'apport positif des deux auteurs dans leur insistance sur la
dimension relationnelle et communautaire de la vie chrtienne qui
a t trop souvent sous-value au profit d'une pit individuelle
ayant perdu le sens de l'ecclsialit. Nous apprcions aussi leur
souci de prendre en compte des problmatiques contemporaines et
de dialoguer avec la pense moderne.
Nous nous inquitons cependant du fait que les deux auteurs,
pour parvenir leurs fins, ont oppos certains excs ou dficien-
ces constats juste titre dans certains courants de la thologie
occidentale ou dans certaines formes de pit lies aux diffrentes
confessions chrtiennes, certains excs et certaines dficiences
inverses. Cette rflexion de saint Grgoire le Thologien nous
vient l'esprit: Pourquoi faudrait-il imiter ceux qui, lorsqu'une
plante est dvie dans un sens, la tirent de force dans le sens op-
pos en corrigeant sa dviation par une dviation en sens inverse,
au lieu de se tenir dans les limites de la pit en la maintenant bien
droite entre les extrmes 79 ?
1'hyper-essentialisme et 1'individualisme qu'ils dnoncent
juste titre, nos deux auteurs opposent un hyper-personnalisme tout
aussi problmatique. Prtendant s'appuyer sur les textes patris-
tiques, ils en transforment en fait la signification ; ils rompent
l'quilibre des concepts patiemment labors et assembls par les
Pres pour rsoudre les difficiles problmes apparus lors des
controverses trinitaires et christologiques ; ils les rutilisent dans
le cadre d'une pense largement inspire par la philosophie mo-
derne, sous la forme d'un systme clos, qui rinterprte totalement
la thologie, l'anthropologie, la cosmologie, l'ecclsiologie et la
spiritualit orthodoxes, en inflchit souvent considrablement le
sens, et se propose d'en constituer une alternative.
Il nous a donc paru indispensable de mettre au jour les vrita-
bles sources d'inspiration de nos deux auteurs, de faire apparatre
80. C'est parce qu'elle a la mme fonne et s'exerce selon le mme mode que
la pense de Zizioulas entre si facilement en .dialogue ( travers de nombreuses
tudes qui lui sont consacres) avec celle de thologiens modernes, catholiques
ou protestants, comme H. de Lubac, Y. Congar, K. Rahner, J. Moltmann, L. Boft:
C. Mowry LaCugna, E. Johnson, etc.
81. Nous verrons que Y annaras et Zizioulas se sont inspirs largement de
celle-ci.
82. Voir P. KALATZIDS, Th. N. PAPATHANASIOU et TH. AMPATZIDS (d.),
Ava'taQ~.f.El O'tTJ flE'ta7tOEflLKTJ ewAoyitx. H "8w..\oyia 'tOU '60, Athnes, 2009.
LE PERSONNALISME DE Y ANNARAS ET ZIZIOULAS 227
91. Voir en particulier Cinq mditations sur l'existence, Paris, 1937 et surtout
De l'esclavage et de la libert de l'homme (1939), trad. fr. Paris, 1946, en
particulier chap. 1 : La personne, et chap. 2 : tre et libert. L'homme
esclave de l'tre.
92. Voir notamment le rcit de son itinraire spirituel: Kra<j>UyLO ibEwv.
MaQ'tUQa, Athnes, 1988, p. 256-257.
93. Voir surtout Sein und Zeit, 1934, trad. fr. L'tre et le Temps, Paris, 1964;
Einfiihrung in die Metaphysik, 1935, trad. fr. Introduction la mtaphysique,
Paris, 1967. L'influence de Heidegger est massive dans les premiers livres de
Yannaras: De l'absence et de l'inconnaissance de Dieu d'aprs les crits aro-
pagitiques et Martin Heidegger, Paris, 1971, d. originale grecque: Xai:V'tEY)'EQ
KaL AQwnayl'tfl, Athnes, 1967 ; To nQoowno KaL o 'EQW [La personne et
{'ros], Athnes, 1976. Rappelons que Sartre s'inspire la fois de Hegel, de
Husserl et de H~idegger.
94. Voir L 'Etre et le Nant, Paris, 1943; L'existentialisme est un humanisme,
Paris, 1966.
95. En particulier par son premier ouvrage La Personne et 1'ros.
96; On peut observer que dans La Libert de la morale et dans La Foi vivante
de 1'Eglise, Y annaras tient compte de certaines remarques et intgre certaines
vues et certains concepts de Zizioulas.
97. Voir en particulier sa Philosophie thorique et son article L'Ide de
Dieu. Cf. B. ZENKOVSKY, Histoire de la philosophie russe, trad. fr., t. II, Paris,
1955, p. 64-65.
98. Voir Cinq mditations sur l'existence, Paris, 1937 et surtout De l'escla-
vage et de la libert de l'homme (1939),_ trad. fr. Paris, 1946, en particulier
clJ.ap. 1 : La personne, et chap. 2 : Etre et libert. L'homme esclave de
l'Etre . ~
99. /ch und du, Frankfurt, 1923 ; trad. franaise: Je et Tu, Paris, 1938. Il es1
significatif que dans le tout P.remier livre de Zizioulas, qui est aussi sa thse -
L'Eucharistie, 1'vque et 1'glise durant les trois premiers sicles -, celui-ci,
lorsqu'il est incidemment amen voquer la notion de personne, se rfre i
Berdiaev et Buber (note 30, p. 41).
100. Thologie mystique de 1'Eglise d'Orient, Paris, 1944 ; 1'image et 1~
ressemblance dDieu, Paris, 1967. Nous avons vu prcdemment que les aspect1
pesonnaliste et existentialiste de la pense de Lossky avaient t eux-mme1
influencs par le courant personnaliste et existentialiste chrtien de son poque.
101. Totalit et infini, La Hay~, 1961. L'influence de Lvinas sur la thologi<
trinitaire, l'ecclsiologie et la thorie de l'intersubjectivit de Zizioulas es
230 PERSONNE ET NA TURE
formed, Cambridge, 1999; C.E. GUNTON etC. ScHWOBEL (d.), Persans, Divine
and Human, Edinburgh, 1991; C. E. GUNTON, The Promise of Trinitarian
Theo/ogy, Edinburgh, 1991 ; S. J. GRENZ, The Social God and the Relationa/
Self: A Trinitarian Theo/ogy of the Imago Dei, Louisville, 2001.
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 233
123. Dans son dernier livre, ZIZIOULAS insiste de nouveau sur ce point (cf.
On Being Other ,dans Communion and Otherness, p. 56-58).
124. Nous avons prcis sur le plan anthropologique, puisque, en Dieu, la
personnit est d'emble accomplie dans sa plnitude et que, comme juge bon de
le prciser Zizioulas, dans l'existence de Dieu nature et substance colncident
pleinement avec la personnit, et aucun conflit entre les deux tres n'est conce-
vable( On Being Other ,dans Communion and Otherness, p. 64). Cela n'em-
pche pas le mme auteur d'opposer, en ce qui concerne Dieu aussi, essence ou
nature et personne, et donner maintes fois comme argument que si, en Dieu, la
personne ne prcdait pas ontologiquement l'esseQce ou la nature, la personne
serait dtermine par elle et ne serait pas libre, une ide que l'on rencontre sou-
vent aussi chez Y annaras.
125. Les deux notions apparaissent comme quivalentes chez Y~ARAS (cf.
La Libert de la morale, p. 14, 15, 16 et passim ; La Foi vivante de l'Eglise, p. 82
et passim) et chez ZIZIOULAS, L'tre ecclsial, Introduction, p. 13, 14; On
Being a Person. Towards an Ontology ofPersonhood ,p. 41 (=Communion and
Otherness, p. 107); On Being Other ,dans Communion and Otherness, p. 56.
L'usage de la premire est cependant prdominant, et la seconde reoit une
connotation plus concrte et est applique le plus souvent l'homme en tant
qu'tre cr et dans ses rapports avec l'ensemble de la nature (au sens courant)
cre. noter que, dans les traductions franaises et les textes anglais, le mot
grec ousia est rendu par substance plutt que par essence.
LE PERSONNALISME DE Y ANNARAS ET ZIZIOULAS 235
140. Cette ide se trouvait chez Berdiaev, mais aussi chez V. LossKY
(Thologie mystique de l'glise d'Orient, p. 116-117).
141. Ces deux dfinitions de l'altrit apparaissent chez nos auteurs: la
premire surtout chez Zizioulas, la seconde chez Y annaras.
142. Cinq mditations sur l'existence, p. 166; De l'esclavage et de la libert
del 'homme, p. 25.
143. De l'esclavage et de la libert de l'homme, p. 22.
144. Cette ide tait dj trs prsente dans l'uvre de BERDIAEV. Pour lui,
la personne est l'idal de l'homme (De l'esclavage et de la libert de
l'homme, p. 22); le moi a la tche de raliser la personne (Cinq mditations
sur l'existence, p. 165); la personne doit se crer[ ... ] pendant toute la dure de
la vie (De 1'esclavage et de la libert de 1'homme, p. 22).
145. Cette ide se trouvait dj chez N. BERDIAEV, De l'esclavage et de la
libert de 1'homme, p. 53 ; cf. p. 54-55.
146. C'est aussi une ide commune de la philosophie personnaliste, que l'on
trouve chez BUBER (cf. Je et Tu, p. 98-100) ou chez BERDIAEV (De l'esclavage et
de la libert de l'homme, p. 80-81; p. 82: Il n'y a que la personne dont on
puisse dire qu'elle existe.
240 PERSONNE ET NA TURE
6) La personne n'est donc pas dfinie et dtermine par
l'essence ou la nature, laquelle ne constitue pas un donn qui
la limiterait a priori et auquel elle serait oblige de se soumettre.
La personne est donc libre par rapport 1' essence ou la na-
turel47.
7) Cette libert est une des caractristiques fondamentales de la
personne 148 . C'est par elle qu'elle s'affirme et se ralise 149.
8) L'indpendance de la personne par rapport l'essence ou la
nature et sa libert par rapport leurs limites, se manifestent dans
son caractre extatique qui est la fois la possibilit de et la
tendance sortir de soi et de se dpasser pour entrer en relation
avec les autres personnes, humaines et divines. C'est ainsi que la
personne s'actualise et s'accompJitlSO.
9) La personne est donc fondamentalement un tre en rela-
tion, qui peut mme se dfinir par ce caractre relationneJ1 51.
147. Cette ide occupait une place centrale dans la philosophie de BERDIAEV:
La ralisation de la personne n'est pas autre chose que la conqute de la libert
intrieure, d'une libert dsormais dgage de toute dtermination venant du
dehors (Cinq mditations sur l'existence, p. 204; cf. De l'esclavage et de la
libert de l'homme, p. 27) ; La personne est un tre libre (De l'esclavage et
de la libert de l'homme, p. 25). La personne est indpendante de la nature
(ibid., p. 27). Ce qui caractrise la personne, c'est la libert, l'indpendance par
rapport la nature (ibid., p. 37). la diffrence de l'individu, la personne
n'est pas dtermine par l'hrdit biologique et sociale, elle exprime la libert
de l'homme, la possibilit d'une victoire sur le dterminisme du monde (ibid.,
p. 37-38). Mais on peut trouver aussi les racines de cette ide chez d'autres
penseurs existentialistes (Heidegger, Sartre) qui la tiennent de Husserl et de Kant
(voir les parallles clairants tablis par N. LOUDOVIKOS, Person Instead of
Grace and Dictated Othemess: John Zizioulas' Final Theological Position,
Heythrop Journal, 48,2009, p. 2-3),
148. Il s'agit d'un thme fondamental du personnalisme et de l'existen-
tialisme, dont on pourrait trouver d'innombrables rfrences chez les philosophes
appartenant ces courants.
149. L'ide tait dj prsente chez BERDIAEV: La ralisation de la
personne est l'affranchissement de toute servitude (Cinq mditations sur
l'existence, p. 205).
150. YANNARAS, dans sa thse La Personne et l'ros, a dvelopp cette
conception extatique de la personne en se rfrant surto.ut Heidegger (qui utilise
le concept d'extase). ZIZIOULAS l'a reprise tout en exprimant, en suivant Levinas,
des rserves par rapport la position de Heidegger (Du personnage la
personne, dans L 'Etre ecclsial, p. 37-39, n. 30). Il est noter cependant que
cette ide tait dj trs prsente chez BERDIAEV : L'homme est un tre qui se
dpasse, qui se transcende. C'est grce ce dpassement, cette transcendance
que l'homme russit raliser en lui la personne (De l'esclavage et de la
libert de l'homme, p. 30); Ne mrite d'tre considr comme une personne
que l'homme capable de sortir de lui-mme pour aller vers les autres et vers autre
chose (ibid., p. 45) ; La personne se trouve place devant le transcendant et,
en se ralisant, elle transcende (ibid., p. 55).
151. C'est un lieu commun de la philosophie personnaliste, mais aussi de
l'existentialisme. On trouve cette ide trs fortement affirme chez BERDIAEV :
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 241
178. Une telle identification est aussi tablie par ZIZIOULAS sans rfrence
Maxime. Cf. << On Being Other , dans Communion and Otherness, p. 54 :
mode d'existence (= personnit) . Elle est ,habituelle aussi chez C. YANNA-
RAS (cf. La L,ibert de la morale, p. 14, 16, 18, 20, 26, 99 et passim; Le Foi
vivante de l'Eglise, p. 47, 55, 56, 77, 81, 82, 118 [la Divinit aussi bien que
l'humanit ont un mode d'existence commun : la personne ], et passim}, qui
cependant utilise aussi la notion de mode d'existence dans d'autres contextes.
179. Cf. J. ZIZIOULAS, On Being Other , dans Communion and Otherness,
p. 23, n. 34. Cf. Du personnage la personne, dans L'tre ecclsial, p. 34.
180. Cf. Ambigua Jean, 61, PG 91, 1401A; Ambigua Thomas, 1, PG 91,
1036C.
181. J.-C. LARCHET, La Divinisation de l'homme selon saint Maxime le
Confesseur, Paris, 1996, p. 141-151,263-273.
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 249
seulement se situent dans un contexte trinitaire 182, o saint Ma-
xime donne ces termes un sens trs proche de celui adopt par
ses prdcesseurs. Une majorit d'occurrences de ces termes cor-
respond une transposition et une adaptation de cette dyade
dans les domaines de la christologie (o elle est d'ailleurs utilise
dans des contextes et des sens diffrents), puis de l'anthropologie
et des rapports de 1'homme Dieu, et cette occasion saint
Maxime fait preuve d'originalit.
L'une des connotations principales que saint Maxime confre
ces termes, c'est que le logos est fixe, invariant, immuable, inalt-
rable183, correspondant en quelque sorte la loi de la nature184,
tandis que le tropos est sujet diversification, variation, modifi-
cation ou innovation185, correspondant la faon dont une essence
existe, dont un principe est appliqu, dont la nature opre ou,
s'agissant de l'homme, dont la personne use de ses puissances
naturelles ou exerce leur nergiei8 6. Ainsi, dans l'Ambiguum 42,
saint Maxime crit : Toute nouveaut, pour parler en gnral,
porte sur le mode ('tQ6rro;) de la chose innove, mais non sur le
logos de sa nature ; un logos innov, en effet, corromprait la
nature, en tant que ne gardant pas inaltr le logos selon lequel
elle est ; alors que le mode ('tQ6rro) innov, le logos de la nature
tant prserv, montre une puissance miraculeuse en tant qu'elle
montre l'vidence la nature oprante et opre au-dessus de sa
propre loi. Le logos de la nature humaine, c'est l'me et le corps et
d'tre la nature [constitue] d'une me raisonnable et d'un corps,
tandis que le mode ('tQ6rro) est l'ordre (1:a~t) dans l'opration et
218. C'est l'avis unanime des patrologues et thologiens qui ont jet un regard
critique sur les crits de Y annaras et de Zizioulas.
219. Voir les remarques de J. ZIZIOULAS, To ElvaL 1:o 9eo xai 1:0 dvaL 1:o
v9QWn:ov , p. 15-19; voir aussi A. PAPANIKOLAOU, Is John Zizioulas an
Existentialist Disguise ? Reponse to Lucian Turcescu , Modem Theology, 20,
2004, p. 604-605.
220. V. HARRISON fait remarquer que, par exemple, saint Grgoire de Nysse
ne voit pas la nature humaine en soi comme mortelle ou sujette la ncessit
biologique. Pour lui, notre vraie nature c'est l'image et la ressemblance divine
qui constitue l'intention originale de Dieu lorsqu'il l'a cre, et qui doit trouver
la fin son achvement. La mortalit et la ncessit biologique, avec tout ce
qu'elles comportent, appartiennent aux tuniques de peau, lesquelles ont t
ajoutes lors de la chute ( Yannaras on Person and Nature, St. Vladimir 's
Theological Quarterly,33, 1989, p. 291).
221. Contrairement ce qu'affirme J. ZIZIOULAS (On Being Other, dans
Communion and Othemess, p. 64-65), les logoi n'ont pas pour saint Maxime un
sens seulement eschatologique. Le logos d'un tre c'est certes sa fin, ce/Celui en
vue de quoi/Qui il est, mais aussi son principe ou sa raison essentiels, ce qui le
dfinit fondamentalement. En ce qui concerne le logos de la nature humaine, sa
ralit originelle et actuelle (et pas seulement eschatologique), son rapport la
nature humaine et le caractre positif que lui reconnat originellement saint
Maxime, nous remarquions dans une autre tude (La Divinisation de l'homme
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 259
234. partir des notions communes, aux Grecs, 16, GNO III-1, p. 29.
235. Op. cit., p. 54.
236. Lettres, PG 91, 549C. Voir aussi Opuscules thologiques et polmiques,
21, PG 91, 248C.
237. Voir A. LOUTH, John Damascene: Tradition and Originality in
Byzantine Theology, Oxford, 2002, p. 50-53, qui souligne le dcalage entre l~
conception de J. Zizioulas et celle de saint Jean Damascne.
238. Dialectica, 43, PTS 7, p. 108.
239. Dialectica, 44, PTS 7, p. 109.
240. Comme le note, entre autres, J. G. F. WILKS, The Trinitarian Ontology
of John Zizioulas ,Vox evangelica, 25, 1995, p. 82. Voir aussi les remarques de
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 263
Les Pres, dans leur dfinition de 1'hypostase, ont plutt ten-
dance insister sur le fait qu'elle est ce qui distingue (et mme
spare) un tre d'un autre tre de mme essence, et donc ce qui
assure chacun des tres appartenant une mme essence une
autonomie par rapport aux autres. Trs tt dans la littrature chr-
tienne (chez Origne notamment), l'hypostasis dsigne une exis-
tence individuelle, concrte et distincte, et va de pair avec la no-
tion de particularit (ibL&rT])241. Thodoret de Cyr par exemple
note que suivant la doctrine des Pres, il y a entre l'essence et
l'hypostase la mme diffrence qu'entre le commun et le particu-
lier242 . Saint Basile crit de mme que le rapport qui existe entre
l'essence et l'hypostase est le mme que celui qui existe entre le
commun et le particulier243. Lonce de Jrusalem, qui est l'un des
auteurs qui ont le plus contribu dfinir la notion d'hypostase
dans le contexte des controverses christologiques, crit que
l'hypostase, outre qu'elle est la composition [de plusieurs pro-
prits particulires] et qu'elle manifeste l'individu-sujet (to upo-
keimenon atomon) comme spar de tous ceux de mme espce et
d'autres espces selon sa marque distinctive particulire, est par
elle-mme un "quelque chose", un loignement (apostasis)2 44 et
une distinction des substances indistinctes pour les nombrer cha-
cune personne par personne; c'est pourquoi les Pres nomment
cette hypostase "personne245" . Saint Maxime le Confesseur note
que selon les Pres, l'hypostase, c'est chaque homme en parti-
culier, personnellement spar des autres hommes 246 ; une
hypostase, crit-il encore, c'est ce qui est en soi d'une manire
distincte et constitue, puisque, dit-on, 1'hypostase est une essence
avec des idiomes, diffrente par le nombre des tres du mme
genre247 ; et ailleurs encore : le propre de l'hypostase c'est le
fait d'tre considre en soi et d'tre.distingue numriquement
M. TRNEN qui constate que les Pres grecs entendent le caractre relationnel
qu'ils attribuent ventuellement la personne dans un sens plus large et diffrent
de celui qu'entendent les personnalistes modernes (Union and Distinction in the
Though ofSt Maximus the Confessor, Oxford, 2007, p. 57-58).
241. Voir B. MEUNIER (d.), La Personne et le Christianisme ancien, p. 172-
173 ; M. TRNEN, Union and Distinction in the Though of St Maximus the
Confossor, Oxford, 2007, p. 53-55.
242. Eraniste 1, d. Ettlinger, p. 64; cf. p. 65.
243. Lettres, 214, 4, d. Courtonne, t. II, p. 205.
244. Contre les Nestoriens, Il, 1, PG 86-1, 1529D. On voit que cette
caractristique n'est pas propre l'individualit comme l'affirme Zizioulas (au
sens o il entend ce dernier terme).
245. Contre les Nestoriens, Il, 1, PG 86-1, 1529D.
246. Opuscules thologiques et polmiques, 26, PG 91, 276B.
247. Lettres, 15, PG 91, 557D. '
264 PERSONNE ET NATURE
260. Voir par exemple saint MAxiME LE CONFESSEUR, qui afftrme trs
nettement : Par rien de ce qui caractrise Son hypostase Je Fils ne communie
avec le Pre et l'Esprit (Opuscules thologiques et polmiques, 8, PG 91,
108D).
. 261. C'est auSii ce que fait remarquer V. HARRISON dans sa critique de
Zizioulas, Zizioulas on Communion and Othemess , St. Vladimir's
Theological Quarter/y, 42, 1998, p. 287.
262. "Person" versus "lndividual", and other Modem Misreadings of
Gregory ofNyssa ,Modern Theo/ogy, 18, 2002, p. 530-531.
263. Contre Eunome, Il, 4, SC 305, p. 18-20.
264. Lettre 38 attribue auparavant saint Basile, dans SAINT BASILE, Lettres,
d. Courtonne t. 1, p. 83. Grgoire de Nysse prend l'exemple de la faon dont
l'criture parle de Job : elle rappelle d'abord ce qu'il a de commun avec les
autres et dit "homme" ; puis aussitt elle Je distingue par ce qu'il a de particulier
en ajoutant l'expression "un certain"; [... ]Cet ''un certain", elle Je caractrise
l'aide de ses marques particulires en indiquant Je lieu, les traits du caractre et
268 PERSONNEETNATURE
Rappelons aussi cette dfinition, dj cite prcdemment, que
saint Maxime le Confesseur donne de l'hypostase (qu'il ne distin-
gue pas, rappelons-le, de la personne) : l'hypostase est une es-
sence avec des idiomes, diffrente par le nombre des tres du
mme genre265 .
On ne trouve pas non plus chez les Pres l'ide que la personne
serait un idal raliser, que l'homme aurait pour tche de
devenir une personne. Yannaras et Zizioulas confondent ici
une catgorie anthropologique avec des catgories mtaphysiques,
morales ou spirituelles (comme ils le font aussi, nous le verrons,
dans un sens oppos, propos de la notion d'individu). L'homme
est d'emble une personne, et sa tche n'est pas simplement de
devenir une personne (une personne peut tre sainte ou pche-
resse, tre sauve ou tre damne, etc.); elle est de devenir une
personne qui a un mode d'existence conforme Dieu, ce qui
s'accomplit en mettant librement en activit, par son propre effort
asctique en synergie avec la grce, les facults de sa nature dans
un sens conforme l'orientation profonde de celle-ci (en sa ralit
originelle et restaure par le Christ), sens qui est aussi celui de la
volont de Dieu et qui lui est indiqu par les divins commande-
ments, qui sont autant de prceptes pour mener en Christ la vie de
l' homme nouveau. Cela ne s'accomplit pas par un change-
ment d'hypostase- le passage d'une hypostase biologique une
hypostase ecclsiale- ou de statut -le passage de l'individualit
la personnit . .,. mais par un changement de mode d'existence
spirituel de la mme hypostase en sa nature renouvele par le
baptme et dsormais greffe sur la nature humaine du Christ pour
en recevoir la grce qu'il lui a acquise par son conomie salvatrice
et dificatrice.
cuit d'tre libre dans sa forme la plus basse, savoir le libre ar-
bitre (orient par la disposition de vouloir personnelle [la gnm]
et s'exprimant dans le choix [proiaresis], et caractris par
1'hsitation et 1' oscillation dans un sens ou dans un autre), tandis
qu'il attache la nature la facult d~'tre libre sous sa forme la plus
haute, notant que ce n'est pas seulement la nature divine incre
qui possde le naturel exempt de contrainte, mais la nature ration-
nelle cre, car l'homme qui a t cr l'image de Dieu libre
par nature est lui aussi libre par nature. Selon lui, la vraie libert
est lie la volont (thlesis), qui appartient non la personne
mais la nature266, et c'est dans la mesure o la personne fait
concider sa disposition de vouloir (gnm) et son choix (proaire-
sis) -qui sont personnels - avec cette volont (qui est naturelle)
qu'elle est authentiquement libre.
Ce rattachement de la libert la nature plutt qu' la personne
n'est pas propre la pense de saint Maxime, mais se retrouve
aussi, mme s'il y est exprim de faon moins rigoureuse, chez
d'autres Pres267.
De ce mme point de vue, la personne s'accomplit en gissant
et en ayant des dispositions stables (exeis) - ce qu'elle fait tou-
jours par les puissances ou facults de sa ~nature - selon la na- -
ture (kata phusin) - c'est alors qu'elle mne une vie ou a un
266. Dispute avec Pyrrhus, PG 91, 304C, 308A-312A. Zizioulas note dans
l'un de ses derniers essais: Un usage fondamentaliste de textes patristiques
traite l'autexousion [=la capacit d'autodtermination] de l'tre humain comme
part de la nature humaine nous conduirait l'absurdit de chercher la libert dans
les gnes! ( On Being Other ,dans Communion and Othemess, p. 42, n. 83).
La premire partie de cette remarque montre qu'il n'a pas lu les textes de saint
Maxime (ni ceux de saint Jean Damascne qui disent la mme chose); la
dernire partie montre qu'il rduit une fois de plus la nature de l'homme avec sa
nature dchue, considre ici, de surcrot dans sa seule dimension biologique.
267. M. Tornen note juste titre: Un type de comprhension personnaliste
de la personnit voit la libert comme une proprit de la personne en tant
qu'oppose la nature. La nature ou l'essence est lie la ncessit et doit tre
transcende dans l'extase de la personne hors de l'impersonnalit de l'essence.
Dans la thologie byzantine, au contraire, la libert est un lment intrinsque de
certaines natures ouessences, de natures doues d'intellect ou de raison, sans
parler de la nature divine elle-mme. "Ce qui est naturel aux tres dous
d'intellect n'est pas soumis la ncessit", argue saint Maxime contre Pyrrhus
(PY" PG 91, 293C). Dieu, les anges et 1es hommes sont libres par nature et par
essence et non pas parce qu'ils sont des personnes [.. .]. Pour saint Maxime mme
une souris particulire, comme nous l'avons vu, est une personne et une hypos-
tase. Mais une souris n'est pas libre, parce que sa nature ne possde pas la faclt
d'tre libre; elle n'a pas de ''mouvement auto-gouvern" ou d'autodtermination
(autexousios). Dans la comprhension patristique, nous ne sommes pas libres
parce que nous sommes des personnes ; nous sommes libres parce que nous
sommes dous de raison et autexousioi p.IU' nature ou essence (Union and
Distinction in the Though ofSt Maximus the Confessor, Oxford, 2007, p. 112).
270 PERSONNE ET NA TURE
274. Saint Maxime aime dire que le Christ est de (K) ses natures, dans (v)
ses natures, et [qu'il est] ses natures>> (voir P. PIRET, Le Christ et la Trinit selon
Maxime le Conjsseur, Paris, 1983, p. 203-239; Christologie et thologie
trinitaire chez Maxime le Confesseur, d'aprs sa formule des natures "desquelles,
en lesquelles et lesquelles est le Christ")), dans F. HEINZER et C. SCHONBORN
(d.), Maximus Conjssor. Actes du Symposium sur Maxime le Confesseur,
Fribourg, 2-5 septembre 1980, Fribourg (Suisse), 1982, p. 215-222.
275. Cf. B. MEUNIER (d.), La Personne et le Christianisme ancien, p. 156,
171; L. TuR.CESCU, "Person" versus "Individual", and other Modem Mis-
readings ofGregmy ofNyssa )), Modern Theology, 18,2002, p. 533-534.
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 273
291. Cf. THOMAS D'AQUIN, Summa theologica, la Pars, Qu. 40; Les
personnes sont les relations subsistantes mmes.
292. La thologie latine ne peut tre considre comme un bloc monolithique,
mme si l'augustinisme (progressivement) et le thomisme (d'emble) se sont
imposs comme ~es courants dominants. A. MALET note que, en Occident, il y
eut au Moyen Age deux thologies trinitaires, l'une qui prolongea souvent
consciemment la patristique grecque en mettant l'accent sur la personne au point
de frler parfois ie trithisme, voire d'y succomber; l'autre qui prolongea
l'augustinisme en mettant l'accent sur l'essence au point de frler parfois le
sabellianisme, voire galement d'y succomber (Personne et amour dans la
thologie trinitaire de saint Thomas d'Aquin, p. 31 ). Th. DE RGNON quant lui
opposait surtout la thologie augustinienne et thomiste celle des Cappadociens
et de saint Jean Damascne, mais considrait que le point de vue grec
considrant les hypostases avant la nature restait celui de la majorit des Pres
latins et tait aussi celui de thologiens mdivaux comme Richard de Saint-
Victor et Bonaventure, tandis que les Grecs de l'cole d'Alexandrie ou un
piphane de S~amine se montraient proches du p9int de vue latin par leur
tendance considrer la nature avant les hypostases (Etudes de thologie positive
sur la Sainte Trinit, t. I, p. 263 ; t. II, p. 128 s. ; t. III, p. 145; t. IV, p. 60s.).
278 PERSONNE ET NA TURE
avec prudence : iJ.. faut se garder de comprendre l'essence comme milieu extrieur
aux personnes ou comme un instrument dont elles se serviraient
339. Cf. la formule bien connue de Sartre: L'existence prcde l'essence..
340. J. ZIZIOULAS, The Teaching of the Second Ecumenical Council on the
Roly Spirit in Historical and Ecumenical Perspective, p. 42.
341. Cf. J. ZIZIOULAS,_L 'tre ecclsial, Introduction, p. 13; Du personnage
la personne, dans L 'Etre ecclsial, p. 34-35; On Being a Person. Towards
an Ontology of Personhood , p. 40, 42 (= Communion and Othemess, p. 106,
108); C. YANNARAS, La Libert de la morale, p. 14-15; La Foi vivante de
l'glise, p. 55.
342. Cf. C. YANNARAS, La L(bert de la morale, p. 15.
p:
343. Cf. La Foi vivante del 'Eglise, 55.
290 PERSONNE ET NA TURE
..
355. Voir la critique de J. G. F. WILKS, The Trinitarian Ontology of John
Zizioulas , Vox evangelica, 25, 1995, p. 79; A.-J. TORRANCE, Persons in
Communion: Trinitarian Description. and Human Participation, Edinburgh,
1996, p. 293; T. McCALL, Holy Love and Divine Aseity in the Theology of
John Zizioulas , ScottishJoumal ofTheology, 61,2008, p. 199-200.
356. The Father as Cause, dans Communion and Othemess, p. 113-154.
357. Voir par exemple Discours, XXIX, 15, SC 250, p. 208 s.
358. A l'image et la ressemblance de Dieu, p. 20.
359. Voir par exemple GRGOIRE DE NAZIANZE, Discours, XL, 41, SC 358,
p. 292 ; 43, p. 298.
360. Holy Love and Divine Aseity in the Theology of John Zizioulas ,
Scottish Journal ofTheology, 61,2008, p. 198-199.
LE PERSONNALISME DE Y ANNARAS ET ZIZIOULAS 293
361. Voir par exemple Office de minuit du dimanche, Premier ton, canon
triadique, ode 3 : Celui que dans ta divinit, sans semence, Pre, tu as
engendr ... '
362. Cf. The Father as Cause, dans Communion and Othemess, p. 120.
294 PERSONNE ET NATURE
bles3 63 . Dans le cadre des controverses qui ont suivi Nice, elle est
apparue comme ambigu, et c'est la raison pour laquelle elle n'a
pas t retenue dans une brve dfinition de foi o il n'tait pas
possible d'en faire l'exgse. Mais plusieurs sicles plus tard,
saint.Jean Damascne n'hsitera pas la faire sienne, en l'appli-
quant non seulement au Fils mais au Saint-Esprit : Seul le Pre
est inengendr, car il ne tient pas l'tre d'une autre hypostase. Et
seul le Fils est engendr ; il est engendr de 1'essence du Pre,
sans commencement et intemporellement. Et seul 1'Esprit Saint,
procdant de l'essence du Pre, n'est pas engendr mais pro-
cde364. On la retrouve aussi dans certaines prires liturgiques
comme celle-ci: Le Pre que nul n'a engendr, de sa propre
essence engendre le reflet, lumire de lumire, le Fils, ineffable-
ment, et produit la procession de 1'Esprit, clart consubstantielle et
divin crateur365.
Ces formules veulent indiquer le fait que.le Fils et le Saint-
Esprit sont de la mme essence que le Pre, mais elles indiquent
aussi que cette essence, ils l'ont reue de lui, autrement dit que le
Pre leur a transmise en mme temps qu'il leur a donn l'exis-
tence comme hypostases, puisqu'il leur a donn l'existence
comme hypostases divines (c'est--dire d'essence ou de nature
divine366 ).
On ne peut donc tre pleinement d'accord avec l'affirmation
suivante de Zizioulas : donner l'existence ou l'tre au Fils par le
Pre est une question non de nature, de ce que Dieu est, mais de
comment il est ; ceci implique que 1'ide de causation est utilise
pour dcrire le comment de l'tre divin et pour viter de faire de
l'mergence de la Trinit une question de transmission d'essence
(oaia)3 67 . On peut en effet faire valoir contre cette remarque
que: 1) le Fils n'existe pas comme hypostase sans nature, que son
tre inclut la fois son hypostase et sa nature, et que c'est aussi en
tant que Dieu et pas seulement en tant que Pre que le Pre divin
lui a donn l'existence comme Fils divin; 2) il faut bien que la
nature divine qu'il a lui ait t transmise par le Pre, sinon de qui
la tiendrait-il '1 Lorsque les PreS qualifient le Pre de divinit
source ('1tl'}ya1a Sr6TTJ), ils l'envisagent prcisment comme
source de divinit (de l'unique divinit, c'est--dire de l'unique
essence divine) pour le Fils et pour l'Esprit dont il est corrla-
tivement la cause de l'existence comme hypostases.
Le rejet par Zizioulas (curieusement attribu au silence sur ce
point du second Concile cumnique) du fait que le Pre donne
son essence (ooot) au Fils et PEsprit comme s'il en tait lui-
mme le possesseur originel, ou comme si l'essence existait d'une
certaine faon antrieurement aux Personnes [du Fils et de
l'Esprit] et leur tait impartie par le Pre, le possesseur originel,
au motif que l'essence dnote toujours quelque chose de com-
mun aux trois personnes et n'est jamais anhypostatique , que
son hypostasiaton est simultane avec la diffrenciation person-
nelle, c'est--dire la sortie du Fils et du Saint-Esprit du Pre368 ,
ou encore que la comergence de la nature divine avec l'exis-
tence trinitaire initie par le Pre implique que le Pre aussi
"acquiert", pour ainsi dire, la divinit "lorsque" le Fils et l'Esprit
sont dans l'existence, c'est--dire "quand" la nature divine est
"possde" par les trois369 , est discutable plusieurs titres :
1) Dire que le Pre aussi "acquiert", pour ainsi dire, la divinit
"lorsque" le Fils et l'Esprit sont dans l'existence suggre une
prxistence du Pre en tant qu'hypostase sans nature, ce qui est
conforme au prsuppos existentialiste et personnaliste selon
lequel l'hypostase est ontologiquement ultime et logiquement
antrieure l'essence ou la nature, mais est une impossibilit;
en effet, le principe ici raffirm selon lequel une nature ne peut
pas tre anhypostatique est convertible: il n'y a pas d'hypostase
sans essence ou sans nature.
2) Il y a uqe incohrence reconnatre le Pre comme source,
principe et cause au sein de la Trinit sans qu'il le soit en tant
qu'ayant l'essence divine ou en tant qu'tant Dieu par nature;
368. Cf. ibid., n. 52; cf. p. 140: la nature divine'existe seulement quand la
Trinit merge, et c'est pour cette raison qu'elle n'est possde par avance par
aucune personne .
369. Cf. The Father as Cause, dans Communion and Otherness, p. 140.
296 PERSONNE ET NA TURE
370. The Father as Cause)), dans Communion and Othemess, p. 129, n ...
371. Thologie mystique de l'glise d'Orient, Paris, 1944, p. 58.
372. The Father as Cause)), dans Communion and Othemess, p. 130,,
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 297
377. Ibid.
378. The Father as Cause, dans Communion and Othemess, p. 136.
379. Ibid. etn. 71, p. 136-137.
380. Zizioulas se rfre, dans l'assertion prcdente, des auteurs non ortho-
doxes. Dans l'ensemble de son uvre, il semble peu familier avec les textes des
services liturgiques orthodoxes autreS'que celui la Divine Liturgie.
300 PERSONNEETNATURE
Pre ; mais c'est un cas particulier, qui tient au fait que le Sacrifice
du Christ est offert au Pre.
2) Il reste vrai que dans l'ensemble des services liturgiques,
beaucoup de prires, notamment celles qui sont dites par le prtre,
ont en vue le Pre lorsque Dieu est invoqu. Cependant, que ce
soit dans la structure de base des diffrents services figurant dans
l'Euchologe que dans les textes qui viennent s'y insrer selon le
calendrier, notamment ceux de l'Octoque (ou Huit tons hebdo-
madaires), les plus courants, on peut remarquer que, parmi les
prires adresses Dieu, il y en a beaucoup aussi qui se rapportent
au Christ38 1.
3) On peut constater galement que beaucoup des prires adres-
ses Dieu ont en vue la Trinit, le Pre, le Fils et le Saint-Es-
prit382.
4) Parfois les prires s'adressent directement la Trinit, les
noms des trois Personnes divines tant parfois cits avant ou
aprs383.
triadique de la 9" ode : Nous glorifions Dieu le Pre et le Fils cotemel, et nous
vnrons la puissance ineffable et glorieuse du Saint-Esprit, car seule Tu de-
meures toute-puissante, Trinit indivisible ! ; Office de minuit du dimanche,
tropaire triadique : Il est vraiment digne de chanter la Trinit, suprme divinit,
le Pre ternel qui a tout cr, le Verbe cotemel qui est engendr du Pre avant
les sicles et sans en tre spar, et le Saint-Esprit qui procde du Pre en dehors
du temps ; Office de minuit du dimanche, Premier ton, canon triadique, ode 6 :
pouvoir gal, Trinit, Tu possdes une gale volont ; ibid., Deuxime
ton, canon triadique, ode 3 : Unique et ternelle Trinit, les anges incorporels
eux-mmes ne peuvent te saisir... ; ibid., ode 5 : Trinit sainte, unique Ma-
jest d'o rayonne sans fin la commune gloire partage ... ; ibid., Troisime ton,
canon triadique, ode 7 : Dieu en trois Personnes jadis visita Abraham sous le
chne de Mambr ... ; ibid., Quatrime ton, canon tiradique, ode 8 :"'<< Indivisible
Trinit, Unit sans confusion, dlivre-moi de mes passions ... ; ibid., Cinquime
ton, canon triadique, 'ode 3 : Dieu d'amour, indivisible Trinit [... ]nous nous
rfugions auprs de Toi en Te criant: Seigneur, fais grce Tes indignes
serviteurs... ; ibid., ode 7 : Nous Te chantons comme Seigneur et notre Dieu,
seul et triple clat inaccessible notre esprit ; ibid., Septime ton, canon
triadique, ode 1 : Pour manifester le trsor surabondant de Ta bont, Trinit
dont la puissance est infinie, de terre Tu formas l'humanit ... ; ibid., ode 3 :
Nous Te glorifions, nous tous les fidles, Trinit, nature unique aux trois
Personnes, partageant mme gloire et mme essence, sans division ... ; ibid.,
Septime ton, canon triadique, ode 6 : Trinit consubstantielle, tripersonnelle
Unit, prends piti de l'ouvrage de Tes mains... .
384. Cf. Premier ton, dimanche, Matines, triadique de la 9" ode: La Nature
sans origine et sans limite s'est fait connatre en trois Personnes uniques et
divines : le Pre, le Fils et le Saint-Esprit, une seule Divinit ; Troisime ton,
dimanche, Matines, triadique de la 8" ode: Avec pit nous adorons la Divinit
toujours une, en trois Personnes ; Quatrime ton, dimanche, Matines, 1er
triadique de la 7 ode : Selon les paroles divines, nous glorifions l'unique
Divinit en trois Lumires sans confusion ni division. Clart sans dclin, elle
claire toute la cration qui chante : "Tu e~ bni notre Dieu !" ; ibid., 2
triadique : Unique Seigneurie, trois fois sainte, indivisible, une seule Nature en
trois Personnes, je T'honore et Te chante ; Office de minuit du dimanche,
Deuxime ton, canon triadique, ode 1 : L'unique et triple Majest, la nature
suprme de la Divinit, par des hymnes chantons-la... ; ibid. : Unique Dieu
suprme au triple~ clat..; ibid., ode 4: De l'unique et suprme Dieu chan-
tons les trois Visages sans confusion comme Personnes possdant sparment
leurs particularits ; ibid., Troisime ton, ode 4 : Monade aux trois soleils qui
jadis a tir du nant l'univers ... . Citons aussi ce tropaire du Grand Canon de
saint Andr de Crte: Je Te confesse et je T'adore, indivisible Essence en trois
Personnes distinctes, Divinit dont le Rgne et le Trne sont Un ; ibid.,
Cinquime ton, canon triadique, ode 5 :Unit au triple feu, conduis mes pas sur
les chemins de Ton salut divin; ibid., Sixime ton, canon triadique, ode 7 :
Unique Dieu dont nous chantons l'identique nature ineffablement, bien que
portant le chiffre trois en la personnelle trinit ... ; ibid., Septime ton, canon
triadique, ode 4: Unit au triple clat, principe divin qui sauve l'univers, garde
sous Ta protection ceux qui Te chantent....
302 PERSONNE ET NA TURE
6) Rappelons que dans ces prires ce n'est pas le Pre qui est
prsent comme principe d'unit, mais bien l'essence ou la nature
divine385 .
Ces diffrents textes, replacs dans l'ensemble des services
auxquels ils appartiennent, s'quilibrent mutuellement.
On peut, en conclusion, dire que la confession correcte de la foi
exige que l'on ne parle de Dieu ni comme tant l'essence divine ni
comme tant le Pre seul, mais comme tant les trois Personnes
divines, le Pre, le Fils et le Saint-Esprit, lesquelles sont, de par
leur essence ou leur nature divine une et identique, galement Je
Dieu un. C'est la raison pour laquelle aussi, selon les contextes,
les textes liturgiques et patrisqtiques peuvent appeler ~< Dieu soit
le Pre, soitle Fils, soit le Saint-Esprit.
' 388. Voir les remarques critiques que D. FARROW adresse Zizioulas ce
t, Persan and Nature : The Necessity-Freedom Dialectic in John Ziziou-
_ans D. H. KNIGHT (d.), The Theo/ogy ofJohnZiziou/as. Personhood and
: r:h, Aldershot, 2007, p. 115.
. f.V. LOSSKY,Thologie mystique de l'glise d'Orient, p. 53-54.
isr:ours, XXXI, 9, SC 250, p. 292.
l'he Teaching of the Second Ecumenical Council on the Holy Spirit in
and Ecumenical Perspective, p. 34.
304 PERSONNE ET NA TURE
cante que saint Basile, dans tous les textes o il utilise le mot koi-
nnia, dsigne par lui, plutt qu'une communion de personnes une
communaut de nature. Et il conclut de son analyse des textes :
Remise dans son contexte, la pense de t'vque de Csare ne
fait aucun doute : le Dieu Pre et le Dieu Monogne sont un kata
to koinon ts phuses. Autrement dit, la koinnia s'identifie ici
la communaut de nature oppose la proprit des personnes.
L' nsis de la nature divine rside dans la koinnia de la divinit,
c'est--dire dans la nature divine commune. Loin d'exprimer la
communion "dialogale", au sens notestamentaire et ecclsial, la
koinnia trinitaire appartient, au contraire, au "langage de
l' essence392". Il est noter que plusieurs sicles aprs les Cappa-
dociens, saint Jean Damascne comprendra cette notion d'une
manire semblable, crivant: les Trois hypostases supra-divines
de la Divinit sont en communion puisqu'elles sont consubstan-
tielles393 .
Mais d'autres arguments encore peuvent tre opposs l'ide
de Yannaras et de Zizioulas selon laquelle la personnit - et en
premier lieu la personnit divine - aurait un' caractre fonda-
mentalement relationnel.
Comme le remarque I. Panagopoulos, la personne en elle-mme
ne peut crer la relation parce que la proprit spcifique (autre-
ment dit son caractre hypostatique propre) n'est pas communi-
cable394.
Comme nous l'avons not prcdemment, les trois Personnes
divines sont en relation l'une avec l'autre travers l'essence di-
vine, laquelle sert- si l'on peut dire, car cette expression n'est pas
pleinement satisfaisante- de milieu395 . Ce milieu n'est pas un
milieu extrieur ni un contenant : 1' essence ou la nature divine
appartient intimement aux Trois, elle est leur essence ou leur na-
ture commune ; les trois Personnes sont cette essence ou cette
nature (les Trois sont un Dieu), et cette essence ou cette nature est
les trois Personnes (Dieu est Pre, Fils et Saint-Esprit), sans pour-
tant que personne et essence ou nature se confondent ou se mlan-
' 396. Voir entre autres: BASILE DE CSARE, Contre Eunome, II, 21, SC 305,
p. 86.
397. Du per.sonn~e la personne, dans L'tre ecclsial, p. 39, n. 31.
398. Cf. La Lzberte de la morale, p. 15.
,
306 PERSONNE ET NA TURE
42\. <<On Being Other }}, dans Communion and Otherness, p. 28-29.
LE PERSONNALISME DE Y ANNARAS ET ZIZIOULAS 311
impersonnelles, car bien que relevant de l'essence, elles appar-
tiennent aux PersolHles et sont manifestes par elles.
Le reproche d'manatisme qui est souvent fait la thologie
orthodoxe des nergies et auquel Zizioulas semble souscrire par-
tiellement422 ne parait nullement fond, mme si l'on rapporte les
nergies l'essence, et cela pa~"C que l'essence divine est libre
selon les Pres(unfait que Zizioulas a du mal comprendre, car il
se situe dans une .perspective existentialiste qui considre que la
libert se rattache . l'hypostase et que l'essence, au contraire, en
tant que prdfinition ,est ncessitante et s'oppose la libert).
L'ide que les di~ines nergies en tant qu'nergies n'expri-
ment jamais la prsence personnelle de Dieu puisqu'elles appar-
tiennent au niveau de la nature et toutes les trois personnes de la
Trinit>>, allant de .pair avec l'ide nonce auparavant et par la
suite selon laquelle il n'y a d'union personnelle ou hypostatique
pour l'homme que dans le Christ ou via le Christ est plutt trange
par le fait qu'elle semble exclure toute possibilit d'union person-
nelle avec le Pre et l'Esprit et opre une sparation, en ce qui
concerne l'union de Dieu aux hommes ou des hommes Dieu,
entre le Fils d'une part et le Pre et l'Esprit d'autre part. S'il est
vrai que l'union de l'homme Dieu s'accomplit dans le Christ en
tant qu'il est, comme Dieu-homme, mdiateur, toute union qui
s'accomplit avec le Christ s'accomplit en mme temps avec
l'Esprit et avec le Pre.
On peut constater chez Zizioulas (comme chez Yannaras, nous
le remarquerons plus prcisment par la suite) une minimisation
dans la vie spirituelle du rle de la grce, un mot qui n'apparat
pratiquement jamais dans ses crits. L'exclusion des nergies di-
vines comme mode d'union Dieu confirme cette minimisation de
la grce puisque la grce n'est autre chose que les nergies divines
en tant qu'elles sont communiques, donnes aux hommes. Or la
doctrine orthodoxe sur ce point comme sur celui, connexe, des
nergies divines est bien tablie : la grce donne par une Per-
sonne divine est la grce commune aux trois Personnes. L'nergie
divine, en son sens premier, est une activit ou une opration
divine ; or dans aucune activit ou opration divine le Pre, le Fils
et le Saint-Esprit n'agissent ou n'oprent part l'un de l'autre,
mais toujours ensemble, et cela non seulement en vertu d'une
convergence qui se situerait un plan purement hypostatique,
l. 422. Cf. On Being Other ,dans Communion and Othemess, p. 29, n. 48.
312 PERSONNE ET NA TURE
423. Voir notre tude: La Thologie des nergies divines. Des origines
saint Jean Damascne, Paris, 2008, passim.
424. The Father as Cause}), dans Communion and Otherness, p. 139, n. 80.
425. Affirmation ritre dans To Elvat 'to E>w Kc 'tO Elvat 'to
av6QWTlOU }), p. 27. l ,
LE PERSONNALISME DE Y ANNARAS ET ZIZIOULAS 313
quelle manire elle est la fois monade et triade, parce que par
nature l'Incr ne peut tre embrass par le cr436 .
Pour rcapituler les considrations prcdentes, on peut citer
cette remarque de saint Maxime : Saint Paul dit qu'il n'a jamais
connu le Verbe de Dieu qu'en partie (cf. 1 Co 13, 9). Car Il est
connu dans une certaine mesure seulement, partir des nergies.
Car la connaissance du Verbe selon l'essence et l'hypostase est
inaccessible tous les anges comme tous les hommes, et n'est
connue de personne437 ,cette dernire remarque pouvant s'appli-
quer videmment aussi au Pre et au Saint-Esprit.
Le caractre inconnaissable en leur fond des modalits des rela-
tions des trois Personnes de la Trinit a lgitimement conduit un
certain nombre de thologiens se montrer critiques envers les
spculations de Yannaras sur l'homme l'image de la Trinit
et sur le mode d'existence personnel et ecclsial qu'ils dfinissent
en prenant pour modle les relations trinitaires. Ils appellent cet
gard la diffrence qui existe entre la personnit humaine et la
pesonnit divine, mais aussi le caractre asymtrique qui existe
entre relations interprsonnelles humaines'et relations interperson-
nelles trinitaires. Un certain nombre de commentateurs rattachent
les thories de nos deux auteurs (en particulier Zizioulas qui a le
plus dvelopp cet aspect) certaines spculations de la philoso-
phie religieuse russe du XIXe sicle (Florensky, Berdiaev, Fedorov,
dont la formule : La Trinit est notre programme social est
devenue emblmatique) qui ont connu d'importants prolonge-
ments dans la thologie catholique au xxe sicle (en particulier
chez L. Boff). Dans ces conditions, on n'est pas tonn que chez
un certain nombre de thologiens la pense de Zizioulas sur ce
point ait t critique en tant que forme de trinitarisme social
ou communautaire438. Mais il n'est pas non plus tonnant que, en
amont, on ait reproch Zizioulas d'avoir (en raison du caractre
apophatique des relations trinitaires) effectu une projection des
relations interpersonnelles humaines sur les relations interperson-
nelles divines, interprtant celles-ci partir de celles-l, et appli-
quant sur le pl~n social le principe de l'analogia entis qu'il
reproche lgitimement saint Augustin d'appliquer sur le plan
psychologique.
439. Gela est plus sensible chez Zizioulas que chez Y annaras.
440. A ce sujet, voir par exemple P. PIRET, Le Christ et la Trinit selon
Maxime le Confesseur, Paris, 1983, p. 203-239.
441. <<On Being a Person. Towards an Onto1ogy of Personhood )), p. 43
(=Communion and Otherness, p. 109).
442. Pour saint Maxime le Confesseur, voir J.-C. LARCHET, La Divinisation
de l'homme selon saint Maxime le Confesseur, Paris, \997, p. 333-346.
443. Sur ce point, voir la criti(\ue (\Ue nous dveloppons infra.
444. <<Christologie et existence)), p. \6\1.-\69, repris dans L'glise et ses
institutions, p. 64-65.
LE PERSONNALISME DE Y ANNARAS ET ZIZIOULAS 317
..
464. Sur ces points, voir l'argumentation dveloppe dans mes tudes: Dieu
ne veut pas la souffrance des hommes, 2 d., Paris, 2008, chapitre 5 ; Une fin de
vie paisible, sans douleur, sans honte ... Un clairage orthodoxe sur les questions
thiques lies la fin de la vie, Paris, 2010, chapitre 8.
465. Octoque, Deuxime ton, Grandes vpres du dimanche, stichre du
Lucernaire.
466. Octoque, Cinquime ton, Grandes vpres du mardi, apostiche.
324 PERSONNE ET NA TURE
-
467. Octoque, Cinquime ton, Grandes vpres du mardi, apostiche.
468. Octoque, Septime ton, Matines du mercredi, canon, 6 ode.
469. Octoque, Huitime ton, Matines du dimanche, stichre des Laudes.
470. Fte de l'Exaltation de la Croix, Petites vpres, Lucernaire.
471. Ibid.
472. Ibid.
473. Fte de l'Exaltation de la Croix, Grandes vpres, Lucernaire.
474. Ibid.
475. Fte de l'Exaltation de la Croix, Grandes vpres, idiomle de la Litie.
476. Fte de l'Exaltation de la Croix, Grandes vpres, apostiche; Dimanche
de la Croix, Grandes vpres, stichre du Lucernaire.
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 325
497. En Christ les baptiss deviennent fils du Pre, mais ils sont fils
adoptifs, le Christ tant le seul Fils monogne.
498. On Being Otl;ler ,dans Communion anp Otherness, p. 74. Un peu plus
loin (p. 76), il note : Etant le corps du Christ, l'Eglise existe comme l'"hyposta-
sisatii:>n" de tous les tres particuliers dans l'unique hypostase du Christ.
499. Il ne suffit pas de critiquer - comme le fait Zizioulas (loc. cit.) -
l'opposition trop tranche que Lossky tablit entre l'conomie du Fils (rapporte
l'unit de la nature humaine) et l'conomie du Saint-Esprit (rapporte la
diversit des personnes) pour remettre en tause la pertinence de cette rfutation.
332 PERSONNE ET NA TURE
l'glise tout ce qu'on affirme en parlant du Dieu-homme? On y trouve,
en effet, deux volonts, divine et humaine, deux oprations, et, si l'on
veut, deux natures, la nature cre et la grce divine, unies sans mlange.
Si l'on poussait plus loin ce paralllisme ou, plutt, cette identification
christologique. on dirait qu'il n'y a qu'une seule conscience dans
l'glise, une conscience divino-humaine [ ...], la connaissance propre au
Fils, Chef de l'glise et se communiquant aux hommes qui participe-
raient ainsi cette conscience une, en tant que membres du Christ uni-
que.
S'il en tait ainsi, il faudrait voir dans l'glise une seule personne,
celle du Christ et affmner qu'Il est la personne propre de l'glise conte-
nant en Lui les hypostases humaines comme des parcelles de Sa Per-
sonne unique. La conscience de l'glise ne serait alors qu'une cons-
cience de l'unit de la personne du Fils ou plutt la conscience du Fils
unique dans laquelle les consciences humaines s'vanouiraient aussi bien
que les personnes humaines distinctes entre elles et d'avec la personne
du Christ. Il faut reconnatre que cette reprsentation du Christ Chef de
l'glise rappelle plutt l'image d'un Ouranos dvorant ses enfants.
Deux raisons s'opposent ce qu'on reconnaisse comme vraie une telle
conception de notre unit dans le Christ. Premirement, tant donn que
la notion thologique d'hypostase ou personne implique une diffrence 1
absolue, une irrductibilit ontologique, il est' impossible d'admettre
qu'une personne ou des personnes- divines ou cres- soient contenues
dans une supra-personne comme ses parcelles. La thologie chrtienne
peut concevoir une personne contenant des natures diffrentes (le Christ,
Dieu-Homme) ou une nature commune des personnes distinctes (la
Sainte Trinit). On peut parler d'une nature commune comprenant une
srie de natures particulires divises en plusieurs individus (l'ensemble
de l'humanit et les individus humains). Quant une personne ou hy-
postase contenant d'autres personnes titre de parties d'un tout, une telle
notion serait contradictoire.
On dira : le Christ, Chef de son Corps, de cette humanit nouvelle qui
se ralise dans l'glise, contient en Lui cette nature renouvele, mais les
personnes humaines y entrent aussi, car elles appartiennent ce tout.
Certes, il en serait ainsi si les personnes taient la mme chose que des
individus, voire des parties d'une nature commune divise ou morcele.
[...] La notion pure de la personne que nous pouvons entrevoir dans la
Trinit ne permet pas de considrer les hypostases divines comme trois
parties de la nature une. De mme, une personne cre en tant que per-
sonne veut dire autre chose qu'un "tre individuel". Elle n'est pas une
partie d'un tout, mais, en quelque sorte, elle contient virtuellement le
tout. Dans ce sens, chaque personne humaine peut tre considre
comme une hypostase de la nature commune, de l'ensemble du cosmos
cr ou plutt de la cration terrestre [...]. Si nous sommes un dans le
Christ, notre unit en Lui, tout en supprimant le cloisonnement des natu-
res individuelles, n'affecte aucunement la pluralit personnelle. L'unit
nouvelle de notre nature dans le Christ n'exclut pas la "polyhypostasit"
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 333
humaine. Le texte ecclsiologique de Mt 18, 20 nous montre en mme
temps 1'unit de notre nature dans le Christ et le rapport personnel entre
l'hypostase divine et les hypostases cres. "L o deux ou trois (multi-
plicit l?ersonnelle) sont runis en mon Nom (unit de nature ralise
dans l'Eglise qui porte le nom du Fils), l je suis au milieu d'eux." Le
Seigneur n'a point dit : "Je les contiens en moi" ou "ils sont en moi",
comme Il a pu le dire ailleurs en parlant de 1'unit de notre nature "rca-
pitule" par Lui, mais Il a bien dit : "Je suis au milieu d'eux", comme
une personne qui est avec d'autres personnes qui l'entourent.
Une autre raison [... ] est implique dans l'image mme de l'glise
Corps du Christ, o le Christ, Chef de la nature une, est reprsent
comme l'poux. Si les deux s'unissent pour former une seule chair- eis
sarka mian- si l'poux est le Chef de cette unit naturelle, de Son Corps
ou nature unifie, Il a pourtant ct de Lui, une autre hypostase de cette
nature une, de ce corps unique- l'pouse. S'il en est ainsi dans le Corps
du Christ, s'il y a une ou 'plutt, plusieurs hypostases de cette nature
cre qui ne sont pas l'hypostase du Christ, qui ne sont pas contenues
dans Son hypostase en tant que personnes distinctes de Sa personne,
alors les membres du Corps du Christ s~mt en mme temps des personnes
irrductibles l'unit. A ce titre, l'Eglise prsente en mme temps
1'unit naturelle et la divers.it personnelle, l'image de la Trinitsoo.
502. Expos prcis de /a foi orthodoxe, III, 6, PTS 12, p. 12 I-122. Soulign
par nous.
336 PERSONNE ET NA TURE
non par une autre relation (schesis), mais seulement dans et par la
seule relation filiale qui constitue 1'tre du Christ 53 5.
Redisons ici ce que nous avons dj not prcdemment: le
rapport du Fils au Pre, en tant qu'il met en jeu des hypostases qui
d'une part sont divines et d'autre part sont absolument uniques, est
difficilement reproductible par l'homme, sinon travers des l-
ments qui ne sont pas hypostatiques, comme l'obissance ou
l'amour, et sous la forme d'une relation d'enfant adoptif son
Pre, laquelle par rapport la relation du Fils unique son Pre
n'a qu'une signification analogique relative.
dont, nous disent les Pres, Dieu a mis les germes dans la nature
de l'homme en le crant536.
Zizioulas, comme nous l'avons dj vu, rejette l'imitation du
Christ comme tant une attitude pitiste53 7. C'est pourtant (et
contrairement ce qu'affirme V. Lossky538 qui sur ce point a t
lgitimement critiqu par le pre I. Hausherr539) une voie cons-
tamment indique par les Pres540.
536. Cf. GRGOIRE DE NAZIANZE, Discours, Il, 17, SC 247,,p. 112; GRGOIRE
DE NYSSE, La Cration de l'homme, IV, PG 44, 136CD; EVAGRE, Chapitres
gnostiques, I, 39, d. Guillaumont, p. 35; MAxiME LE CoNFESSEUR, Lettres, 3,
PG 91, 409C; Ambigua Jean, 7, PG 91, 108lD; Dispute avec Py"hus, PG 91,
309C ; ISAAC LE SYRIEN, Discours asctiques, 83 ; DOROTHE DE GAZA,
Instructions spirituelles, I, 1, SC 92, p. 146.
537. Human Capacity and Human Incapacity ,p. 441 (=Communion and
Othemess, p. 244). .
538. Thologie mystique de l'Eglise d'Orient, p. 212. L'intention de Lossky
tait probablement, et avec raison, de se dmarquer du type de spiritualit s'inspi-
rant de l'uvre clbre de THoMAS A KEMPIS, L'Imitation de Jsus-Christ, qui a
connu un immence succs en Occident.
539. L'Imitation de Jsus-Christ dans la spiritualit byzantine, dans tudes
de spiritualit orientale, Rome, 1969, p. 217-245.
540. Voir ibid.
541. La Redcouverte de la nature. Essais sur le concept de physis dans la
thologie du Pre Dumitru St!!niloae , p. 4.
542. Cf. C. Y ANNARAS, La Libert de la morale, p. 16-17, 22, 23, 26, 27, 28,
36, 45, 100, 196; La Foi vivante de l'glise, p. 82, 120; J. ZIZIOULAS, L ~tre
ecclsial, Introduction, p. 13-14; Du personnage la personne, dans L 'Etre
ecclsial, p. 37, 39, 49, 55 ; Human Capacity and Human Incapacity , p. 409,
410 (=Communion and Othemess, p. 214-215); On Being a Person. Towards
an Ontology of Personhood , p. 43 (= Communion and Qthemess, p. 109);
Christologie et existence, p. 162, 167-168, repris dans L'Eglise et ses institu-
tions, p. 58, 63-64.
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 347
combat spirituel est dirig contre les passions, qui sont des distor-
sions et des dviations des facults humaines, non contre la nature
elle-mme547 .
L'amour, qui est l'acte le plus libre qui soit, devient ainsi
paradoxalement un lien qui confirme l'interdpendance objec-
tive des personnes, et la libert elle-mme, dans une perspective
typiquement stocienne, ne semble plus s'exercer que comme un
acquiescement cette ncessit.
Toutes les critiques que Zizioulas adresse aux notions de
nature et d' essence comme tablissant pour l'homme un
lien de dpendance peuvent tre retournes contre la notion de
relation dont il fait une pice matresse de son systme et qui finit
par devenir, dans sa conception de l'glise, le fondement d'une
forme de collectivisme tel qu'on le rencontre dans les socits
primitives, o la personne n'a plus de valeur par elle-mme, mais
seulement par rapport sa relation avec les autres et avec le tout.
Cela aboutit en fait la ngation pure et simple de la notion de
personne telle que l'entend la Tradition patristique.
saint Paul : par un seul homme le pch est entr dans ce monde,
et par le pch la mort (Rm 5, 12; cf. 1 Co 15, 21)590.
En choisissant de suivre la suggestion du Malin de devenir
comme des dieux (Gn 3, 5), c'est--dire dieux en dehors de
Dieu, Adam et ve se sont eux-mmes privs de la grce et ont
ds lors perdu les qualits qu'ils lui devaient et qui leur conf-
raient en quelque sorte une condition (ou une modalit d'exis-
tence) sumatureUe59I.
Selon les Pres suivant en cela l'enseignement des saintes cri-
tures, Adam et ve ont transmis tous leurs descendants les maux
qui ont affect leur nature la suite de leur pch, au premier rang
desquels la mortalit592. Adam tait en effet l'archtype, le
principe et la racine de la nature humaine et la contenait en lui
principiellement tout entire593.
La seconde ide de nos auteurs, selon laquelle l'me ne serait
pas immortelle, est galement en dsaccord avec toute la tradition
patristique. Nous nous bornerons renvoyer sur ce sujet l'tude
dtaille que nous avons consacre La Vie aprs la mort selon la
Tradition orthodoxe594 qui, en s'appuyant sur des centaines de
rfrences patristiques, montre que les Pres conoivent de faon
trs prcise cette vie aprs la mort et en dcrivent soigneusement
les diffrentes tapes.
perd son unicit, devient [ ... ]une chose sans nom et sans identit
absolus, sans visage. Ne plus aimer ni tre aim, cesser d'tre
unique, voil la mort de la personne. Au contraire, manifester
l'unicit de son hypostase par l'amour, voil sa vie6 1 .
Ces deux explications thologiques sont problmatiques. En ce
qui concerne la premire, on ne voit pas comment la personne
humaine peut acqurir l'immortalit par une communion qui fait
l'conomie de sa nature et se situe un plan purement hypostati-
que. En ce qui concerne la seconde, nous avons dj not la confu-
sion qu'elle recle entre ce qui relve de l'essence divine et ce qui
relve des proprits hypostatiques, et nous avons rappel que tous
les Pres sans exception considrent l'ternit de Dieu comme un
attribut commun aux trois Personnes, qui relve de l'essence ou de
la nature divine.
La relation de cause effet tablie entre 1' affirmation de 1'iden-
tit personnelle, l'amour et la communion d'une part et la vie ter-
nelle d'autre part (qui correspond manifestement une extra-
polation d'une conception existentialiste dveloppe notamment
par Berdiaev602 et par Levinas) n'est pas moins problmatique. On
ne voit pas comment l'affirmation de l'identit personnelle d'une
personne par une ou plusieurs autres serait fondatrice de vie ter-
nelle. Et si l'on peut facilement admettre que l'amour et la com-
munion soient spirituellement vivifiants tant pour celui qui aime
que pour celui qui est aim, on conoit mal que 1'amour et la
communion soient par eux-mmes sources d'immortalit pour
celui qui est le sujet ou l'objet. Et cela reste vrai mme si l'amour
que reoit l'homme est celui d'une personne divine, car l'nergie
par laquelle Dieu aime une personne et les nergies par lesquelles
Il la cre et la maintient dans 1' existence, provisoirement ou ter-
nellement, sont des nergies distinctes, raison pour laquelle Dieu
reoit des Noms diffrents: Crateur, Provident, Juge, Donateur
de vie, etc.).
Indpendamment de ces problmes, 1'explication de Zizi ou las
se heurte en deux points la tradition patristique, laquelle affirme
d'une part l'immortalit de l'me (qui permet la survie aprs la
mort) pour tous-les hommes, et d'autre part la rsurrection de tous
les hommes sans exception (voir aussi Jn 5, 28), sans que cette
rsurrection soit conditionne par un tat spirituel particulier (celle
6()3. 'Sur \'enseignement des "Ptes ce su}et, voit noue tude La Vie aprs la
mort selon la Tradition orthodoxe, "Paris, 1()\)\, \).149-199.
604. Sur ces deux notions, voit ((Du \)etscmnage \a \)etsonne )), dans L 'Etre
ecclsial, p. 41-55. ~
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 363
reste par son corps dtermin par les lois du monde dchu (tant
qu'elles n'auront pas t abolies lors du second avnement du
Christ), connatra certes les passions naturelles, la corruption et la
mort, et il est vrai que l'tat d'impassibilit, d'incorruption et
d'immortalit sont des ralits eschatologiques, qui appartiennent
au monde venir; mais il reoit ds maintenant la grce de n'tre
plus soumis au pouvoir de la passibilit, de la corruption et de la
mort, de mme qu'il reoit ds maintenant la grce d'tre libr de
l'emprise du pch et de la tyrannie du diable. De mme la difi-
cation est-elle pour lui, dans sa perfection, une ralit eschatologi-
que, mais il est dj ici-bas sanctifi et difi dans une certaine
mesure. Le progrs de la vie spirituelle ne se fait pas, pour le
chrtien par le passage d'une hypostase une autre, mais par une
assimilation personnelle progressive de la grce reue en plnitude
au baptme, assimilation qui s'accomplit par l'ascse dans son
double effort, librement consenti, de purification des passions et
de mise en uvre des vertus par la pratique des divins comman-
dements. La sanctification et la dification correspond pour la
personne une transformation de sa nature quant sa modalit
d'existence, c'est--dire que celle-ci reste humaine en son essence
mais acquiert par grce (ou selon l'nergie divine) une modalit
d'existence divine caractrise par les qualits divines dont Dieu a
voulu rendre l'homme participant, et qui se manifestent dans la
ressemblance de l'homme Dieu607.
Les reliques des saints, par leur pouvoir miraculeux et dans
certain cas par l'incorruption de la chair qu'elle conserve, en sont
un tmoignage clatant.
procure. Citons aussi ce sujet cette prire qui se trouve au sein mme de la
Liturgie de saint Basile : Toi-mme, Matre de toutes choses, fais que la
communion au Corps sacr et au Sang de Ton Christ devienne en nous foi sans
peur, charit sans hypocrisie, plnitude de sagesse, gurison de l'me et du corps,
victoire sur tout adversaire, observation de Tes prceptes.
638. Citons seulement ces extraits des premires prires aprs la communion.
Premire prire: Je Te rends grces de m'avoir rendu digne, moi indigne, de
communier Tes purs et clestes Dons. Seigneur, ami des hommes, qui es mort
et ressuscit pour nous, et qui nous as donn ces redoutables et vivifiants
Mystres pour le bien et la sanctification de nos mes et de nos corps, fais qu'ils
gurissent aussi mon me et mon corps, qu'ils mettent en fuite tout adversaire,
qu'ils illuminent les yeux de mon cur, qu'ils donn~nt la paix mes facults
spirituelles, une foi sans honte, un amour sincre, une profonde sagesse, l'obis-
sance Tes commandements, l'accroissement en moi de Ta divine grce et
l'appropriation de Ton Royaume. Conserv par eux dans la sanctification, jecme
souviendrai toujours de Ta grce et dsormais je ne vivrai plus pour moi-mme,
mais pour Toi, notre Seigneur et Bienfaiteur. Lorsque j 'auial ainsi pass ma vie
dans l'esprance de la vie ternelle, j'arriverai un jour au repos sans fm, o ne
cessent jamais le concert des fetes, ni la jouissance sans bornes de ceux qui
contemplent la beaut ineffable de Ta face. Deuxime prire, de saint Basile de
Csare : Matre, Christ Dieu, Roi des sicles et crateur de toute chose, je Te
remercie de tous Tes bienfaits que Tu m'as accords et de la communion Tes
trs purs et vivifiants Mystres. Je T'en prie, fi Dieu bon et ami des qommes,
garde-moi sous Ta protection l'ombre de Tes ailes. Accorde-moi, jusqu' mon
dernier souffle, de recevoir dignement Tes saints Mystres, avec une conscience
pure, pour la rmission de mes pchs et la vie ternelle. Car Tu es le Pain de vie,
la Source de saintet, le Dispensateur des biens. Troisime prire, de saint
Symon Mtaphraste: Toi qui m'as donn volontairement Ta chair en nourri-
ture, Toi qui es un feu qui consume les indignes, ne me brle pas, mon Cra-
teur; mais pntre dans mes membres, dans toutes mes articulations, dans mes
entrailles et dans mon cur. Consume les pines de toutes mes transgressions.
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 3 71
Purifie mon me, sanctifie mes penses, fortifie mes articulations et mes os. Illu-
mine mes cinq sens.,Cloue-moi tout entier dans Ta crainte. Protge-moi toujours,
dfends-moi et garde-moi de toute action ou de toute parole qui donnerait la mort
mon me. Purifie-moi et lave-moi, embellis-moi, amliore-moi, instruis-moi et
illumine-moi. Fais de moi la demeure de l'unique Esprit, et non la demeure du
pch. Et puisque je suis devenu Ta demeure par suite de Ton entre en moi par
la cmpmunion, que tout esprit mauvais et toute passion me fuient comme le feu.
[.. .]. 0 mon Christ[ ... ] fais de Ton enfant un serviteur de lumire.
639. L'eucharistie : quelques aspects bibliques, dans J. ZIZIOULAS, J.-M.
R. TILLARD, J.-J. VON ALLMEN, L'Eucharistie, Paris, 1970, repris dans L'Eglise
et ses institutions, p. 288.
640. J. ZIZIOULA~, L'ordination est-elle un sacrement?, Concilium, 74,
1972, repris dans L'Eglise et ses institutions, p. 347.
641. Voir Christologie, pqeumatologie et institutions ecclsiales. Un point
de vue orthodoxe, dans Les Eglises aprs Vatican Il, Paris, 1981, repris dans
L'glise et ses _institutions, p. 38; L'eucharistie: quelques aspects bibliques,
repris dans L'Eglise et ses institutions, p. 288 ( il est important que la notion
d"'ordre" et de ministre soit libre d'un sacreJillentalisme objectivant qui
considre le don d'un charisme ou l'ordination au ministre comme des "sacre-
ments". en eux-mmes) ; Les groupes informels dans l'glise. Un point de
vue orthodoxe, dans R. METZ et J. SClll.ICK.(d.), Les Groupes informels dans
l'glise, Strasbourg, 1971, repris dans L'Eglise et ses institutions, p. 324
(J'ordination fait de chaque ministre une entit relationnelle), p. 324-326
(!'.auteur crit netamment: l'autorit qui accompagne tout ministre dans
l'Eglise est conditionnne essentiellement [soulign par nous] par la notion de
communion. Cela signifie qu'aucune autorit ne provient du ministre lui-mme,
comme sa consquence ontologique [...]mais qu'elle consiste justement dans la
relation dans laquelle est plac le ministre par son ordination dans la commu-
naut); L'ordination est-elle un sacrement? Concilium, 74, 1972, repris
dans L'Eglise et ses institutions, p. 341-347 (p. 347, l'auteur crit que dans le
cadre de sa conception la question de savoir si l'individu ordonn diffre du
lac essentia [diffrence d'essence] ou simplement gradu [diffrence de degr]
devient sans importance. Il faudrait plutt considrer la diffrence en termes
d'une spcificit de relation l'intrieur de l'glise); L'vque selon la
doctrine thologique de l'glise orthodoxe, dans G. ROUTHIER et L. VILLEMIN
372 PERSONNEETNATURE
(d.), Nouveaux apprentissages pour l'glise, Paris, 2006, repris dans L'glise et
ses institutions, p. 378 ( l'ordination est avant tout une ralit relationnelle),
385 (l'ordination siginifie avant tout faire entrer quelqu'un dans un ordo parti-
culier).
642. Cf. L'ordination est-elle un sacrement? Concilium, 74, 1972, repris
dans L'glise et ses institutions, p. 347: l'ordination n'est pas un sacrement.
La grce du mystre du Christ, c'est--dire l'amour mme de Dieu, a l'aspect
d'une relation et, par consquent, est dcisive de fon existentielle. Cette
conception, qui aboutit un jargon existentialiste, est d'une indigence extrme au
regard de celle que l'on peut lire par exemple dans La Hirarchie ecclsiastique
de Denys l' Aropagite et le trait Sur le sacerdoce de saint Jean Chrysostome.
643. Zizioulas est manifestement moins proche ici d'un coneeption person-
naliste proprement dite que d'une conception de type sociologique structuraliste
selon laquelle, dans un ensemble stuctur, chaque lment ne tient son sens et sa
valeur que de sa relation aux autres lments ete sa place par rapport eux.
644. Du personnage la personne, dans L'tre ecclsial, p. 42.
645. Ibid.
646. Cf. Du personnage la personne, dans L'tre ecclsial, p. 42, 46, 50,
55 ; Human Capacity and Human Incapacity , p. 435 (= Commuftion and
Otherness, p. 238); Christologie et existence, p. 166, repris dans L'glise et
ses institutions, p. 62-63. La pense de YANNARAS est sI]lilaire ; voir La Libert
de la morale, p. 23, 26, 36, 45-46; La Foi vivante de l'Eglise, p. 169. Dans une
confrence donne le 28.03.2011 l'Institut Saint-Serge de Paris, il donnait cette
dfinition purement philosophique du salut, caractristique d'une pense existen-
tialiste o Dieu est absent: Comment peut-on tre sauv, c'est--dire arriver
la plnitude de nos possibilits existentielles ?
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 373
vienne, la nature est condamne poursuivre sa course vers la d-
sintgration et vers la destruction finale, la mort ; elle est non ra-
chetable (unredeemable), et ne peut tre sauve647 . L'homme peut
seulement s'en sauver, s'en chapper par une sortie, une fuite, une
extase de sa personne hors d'elle, la laissant elle-mme et
son triste sort.
Une telle conception exprime certains aspects du salut (la vic-
toire sur la mort, le rtablissement de la communion avec Dieu ...)
mais se montre par ailleurs profondment rductric, ignorant que
le salut est, selon l'enseignement unanime des Pres, une gurison,
dont le Christ fait bnficier la nature humaine, ,de tous les maux
engendrs en elle par le pch ancestral (la mort, mais aussi la
corruption et la passibilit) ainsi qu'une libration par rapport
l'emprise du pch et la domination du diable64 8, et qu'il est
aussi, plus positivement, la restauration, par la grce du Christ,
nouvel Adam, de la nature humaine en son tat originel.
655. C'est le cas aussi dans des textes cits en rfrence par Zizioulas dans la
note o il prtend tablir l'identit des deux: ATHANASE D'ALEXANDRIE, Contre
les paens, 1, 39, PG 26, 92 (si tous ceux qui ont t appels fils et dieux, soit
sur la terre, soit aux cieux, ont t faits dieux par l'entremise du Verbe... );
CYRILLE D'ALEXANDRIE, Le Christ est un, SC 97, p. 382 (cit infra); Dialogues
sur la Trinit, VII, SC 246, p. 180,
656. Il est intressant de voir que, dans un passage de son dialogue Le Christ
est un (passage cit en rfrence par Zizioulas ), saint Cyrille d'Alexandrie tablit
un parallle entre les fidles et le Christ tout en distinguant filialit et divinit :
Aucune infriorit dans notre situation ; Dieu le Pre nous a octroy les mmes
biens [qu'au Christ]. Par grce en effet nous sommes nous aussi fils et dieux [ce
que Lui est par nature] (SC 97, p. 382). On notera aussi que le Christ lui-mme
tablit cette distinction entre filialit et divinit : Je vais vers mon Pre et votre
Pre, mon Dieu et votre Dieu (Jn 20, 17).
657. Paris, 1996, p. 616-626 et passim.
376 PERSONNE ET NA TURE
de l'inhominisation, Lui qui S'est appropri toute la nature. Car le Christ, tant
par nature Dieu et homme, nous Le recevons en hritage sumaturellement par
grce, en tant que Dieu, selon une ineffable participation ; et cause de nous,
. S'appropriant nous-mmes en une forme comme nous en tant qu'homme, Il
hrite avec nous de Lui-mme en une indicible condescendane (Questions
Thalassios, 59, PG 90, 612CD, CCSG 22, p. 59.226-232).
663. Cf. Ambigua Jean, 10, PG 91, 1140B: selon l'amour de Dieu est
accorde, d'une faon qui convient Dieu, l'adoption filiale et d'tre ainsi conti-
nuellement dans une relation d'intimit avec Dieu et de se tenir auprs de Lui.
664. Cf. Mystagogie, XXIV, PG 91, 712A, Sotiropoulos, p. 250.187, o il cite
ce verset de saint Luc (15, 31) : Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce
qui est moi est toi. Cette citation (qui se rfre la parabole du fils
prodigue, que Maxime voque aussi dans les Ambigua Jean, 31, PG 91,
1277BC) figure dans un passage o Maxime distingue les fidles, les vertueux et
les gnostiques, correspondant aux commenants, aux progressants et aux parfaits,
correspondant encore aux esclaves, aux mercenaires et aux fils, cette dernire
distinction tant faite par plusieurs prdcesseurs de Maxime auxquels il l'a
visiblement emprunte (cf. BASILE DE CSARE, Rgles brves, Prologue, PG 31,
896B. PSEUDO-BASILE, Contre Eunome, V, PG 29, 741B. GRGOIRE DE
NAZIANZE, Discours, IV, 53, SC 309, 166; XL, 13, SC 358, p. 224. GRGOIRE DE
NYSSE, La Vie de Morse, 320, SC 1, p. 326 ; Homlies sur le cantique des
cantiques, 1, PG 44, 764B ; 15, PG 44, 1112CD. DOROTHE DE GAZA,
Instructions spirituelles, IV, 48, SC 92, p. 222). Esclaves sont ceux qui pmtiquent
les commandements par crainte. Mercenaires sont ceux qui supportent les
afflictions dans l'espoir d'une rcompense future. Fils sont ceux qui, ni par
crainte des menaces, ni par dsir des choses annonces, mais par manire d'tre
et par tat de la tendance et de la disposition de l'me selon la gnm vers le
bieb, ne se sparent jamais de Dieu, comme ce fils auquel il a t dit : "Mon
enfant, tu es toujours avec moi, et ce qui est moi est toi", tant selon la
position [variante : selon la divinisation] dans la grce, autant qu'il est possible,
ce que Dieu est et est cru tre selon la nature et la cause (XXIV, PG 90, 709D-
712A, Sotiropoulos, p. 250). Ce texte cependant prsente l'attachement perma-
nent Dieu (dans l'amour notamment) comme condition pralable et permanente
de la divinisation (1.-H. DALMAIS, qui cite ce passage, note assez justement que
cette attitude connat un achve11Jent dans la divinisation [La manifestation du
Logos dans l'homme et dans l'Eglise. Typologie anthropologique et typologie
ecclsiale d'aprs "Qu. Thal.", 60 et la "Mystagogie", dans F. HEINZER et
C. SCHONBORN (d.-) Maximus Confessor, Actes du Symposium sur Maxime le
Confesseur, Fribourg, Suisse, 1982, p. 24]), et n'voque pas, comme le voudmit
J.-M. GARRIGUES en en inversant et en en confondant les termes, la position
divinisatrice que Dieu cause par grce en l'homme" comme mode de son
existence filiale et habitus de sa disposition libre envers le bien (L'nergie
divine et la grce chez Maxime le Confesseur, /stina, 19, 1974, p. 286).
L'attitude filiale dont il s'agit dans ce texte constitue d'ailleurs un tat vertueux
d'amour, et doit tre distingue de l'adoption filiale laquelle Maxime, dans ce
passage, ne fait du reste pas explicitement allusion. Quand bien mme ce serait le
cas, on ne saurait voir dans la rfrence ce que Dieu est selon la cause
l'indication de la causalit par grce d'une position divinisatrice comme mode
d'existence filial, mais la distinction tablieJ entre le fait que Dieu pour l'homme
378 PERSONNE ET NATURE
Saint Maxime affirme que celui qui en est digne devient enfant
ou fils de Dieu par adoption pour signifier qu'il ne l'est pas par
gnration naturelle selon l'hypostase du Pre, comme c'est le cas
pour le Fils, sans quoi il serait comme celui-ci Dieu par nature.
Bien que l'adoption signifie une filiation tablie par reconnais-
sance, par dcret, par institution (selon ce qu'indique le mot thesis
qui compose le mot uiothesia), saint Maxime assimile volontiers
l'adoption filiale l'engendrement, mais accompli de manire spi-
rituelle et selon la grce, une condition surnaturelle. Il note ainsi
que le Verbe donne l'adoption filiale en faisant don par l'Esprit,
dans la grce, de l'engendrement surnaturel d'en haufi66 . Saint
Maxime insiste sur cet engendrement lorsqu'il voque la figure de
Melchisdec : vertueux et ayant surpass par la connaissance tout
temps et tout sicle, laissant derrire lui sciemment par la
contemplation tout ce qui est aprs Dieu [...}le divin Melchisdec
est engendr par le Verbe, selon la grce, dans l'Esprit, aux
ralits divines sans commencement et immortelles, et porte en
lui, sauve et vritable, la ressemblance du Dieu qui l'a engendr
(puisque tout engendrement fait que l'engendr est de naissance le
mme que l'engendreur : "Ce qui est n de la chair est chair, ce
qui est n de l'Esprit est esprit" [Jn 3, 6])667 . propos de
Melchisdec, saint Maxime prcise encore: Ce n'est pas par [la]
nature, cre et issue du non-tre, qu'il a commenc et cess
d'exister, mais par la grce divine et incre, et qui est ternelle-
ment au-dessus de toute nature et de tout temps, et qui vient de
Dieu, l'tant ternellement, selon laquelle seule, absolument, il a
t reconnu avoir t engendr, tout entier librement668.
est Pre par grce tandis qu'Il est cause par nature, ou que l'homme est engendr
naturellement par Dieu en tant que Cause, tandis qu'il est engendr
gracieusement par Dieu en tant que Pre, comme cela apparat dans ce passage
du Commentaire du Notre-Pre : le commencement de la prire du Notre-Pre
nous enseigne nous annoncer nous-mmes la grce de la filiaQ9n, puisque
nous sommes dignes d'appeler Pre par grce Celui qui par natUre nous a crs
(CCSG 23, p. 42. Cf. ibid., p. 71.791-792).
665. Cf. Questions et difficults, 168, CCSG 10, p. 117.8-14.
666. Commentaire du Notre-Pre, CCSG 23, p. 32.97-98. Cf. ibid., p. 42. Cf.
aussi Centuries sur la thologie et l'conomie, Il, 27, PG 90, 1137B o Maxime
voque celui qui sera engendr en Dieu par la grce et qui tout ce qui est
aprs Dieu sera soumis.
667. Ambigua Jean, 10, PG 91, 1140CD.
668. Ibid., 1140AB. Saint Maxime cite alors l'affirmation de saint Paul qu'il
est devenu semblable au fils de Dieu (He 7, 3), et note que cela laisse
entendre qu' il a t tout entier qualifi et chang par Dieu, et que tout saint
qui offre les prmices de la beaut divine est aussi par l dclar type de Dieu
qui lui en a fait le don, et qu' en se montrant tel, le grand Melchisdec, lui
aussi, par la vertu divine insre en lui, a mrit d'tre une icne du Christ de
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 379
reue par l'Esprit Saint (Questions Thalassios, 61, CCSG 22, p. 103.300-
303), tandis qu'il envisage le dernier degr lorsqu'il voque l'intellect
thophore, irradiant les purs rayons de 1'Esprit, par lesquels est transform en ce
qu'il y a de plus divin celui qui est jug digne par le Pre de l'univers d'tre
adopt comme fils (Lettres, 19, PG 91, 589C).
680. Voir notarnmentAmbigua Jean, 42, PG 91, 1345D.
681. Ambigua ad lohannem, 42, PG 91, 1348B etC.
682. Cela est un argument de plus pour exclure une interprtation en termes
purement hypostatiques.
683. Une telle affirmation n'a rien de nouveau. On la trouve en Ps 81, 6 :
J'ai dit : Vous tes des dieux, et tous des fils du Trs-Haut, et chez les
prdcesseurs de Maxime, notamment ATHANASE D'ALEXANDRIE, Contre les
Ariens, 1, 38, PG 26, 92B ; 39, PG 26, 93A; Ill, 19, PG 26, 361C ; 25, PG 26,
376B.
382 PERSONNEETNATURE
Il apparat cependant, d'aprs certains textes, que saint Maxime,
bien qu'il voque souvent de pair adoption filiale et divinisation,
non seulement les diffrencie, mais encore ne les situe pas au
mme niveau, l'adoption filiale paraissant prcder la divinisation
et la conditionner684 Ainsi dans ce passage de la Mystagogie :
La bienheureuse invocation du grand Dieu et Pre et l' excla-
mation du "Un seul saint" et de ce qui suit, et la participation aux
saints et vivifiants mystres signifient 1'adoption filiale, l 'unifi-
cation, l'appropriation, la divine similitude et la divinisation op-
re par la bont de notre Dieu l'gard de tous les dignes685 ,
l'adoption filiale correspondant l'invocation du Notre-Pre, la
divinisation la participation aux mystres 686. Cela correspond
d'ailleurs une certaine logique puisqu'il faut avoir dj t
adopt pour pouvoir tre admis partager les biens paternels et
en recevoir l'hritage.
684. Cf. L-H. DALMAIS dans ses premires uvres (cf. L'anthropologie
spirituelle de saint Maxime le Confesseur,- Recherches et dbats du Centre
catholique des intellectuels franais, 36, 1961, p. 209 ; La Fonction unificatrice
du Verbe incarn dans les uvres spirituelles de saint Maxime le Confesseur,
Sciences ecclsiastiques, 14, 1962, p.- 458 = Introduction Saint Maxime le
Confesseur, Le mystre du salut, Namur, 1964, p. 47).
685. Myst., XXIV, PG 91, 709C, Sotiropoulos, p. 249.163-168.
686. Maxime voque l'engendrement en esprit et la grce de l'adoption
filiale pour (Ei) la divinisation (Thal., 63, PG 90, 685C, CCSG 22, p. 177.487-
489), mais on ne peut pas considrer que le ei signifie ncessairement en vue
de et implique un rapport de subordination.
687. Yannaras on Person and Nature, St. Vladimir 's Theological Quar-
ter/y, 33, 1989, p. 291.
LE PERSONNALISME DE YANNARAS ET ZIZIOULAS 383
Nos deux auteurs non seulement voquent trs peu la grce di-
vine, comme nous 1' avons not, mais encore mprisent toute
forme de combat spiritiuel intrieur comme tant une forme de
psychologisme703, et plus largement dvalorisent totalement,
comme tant une expression de pitisme, tout effort humain (r-
put inutile et inefficace )14, lequel est pourtant considr par les
Pres grecs comme l'un des deux ples indispensables et compl-
mentaires de la synergie qui dynamise la vie spirituelle. Cet
lment est d'autant plus important que c'est par lui qu'est mani-
feste et prouve la libre volont de l'homme d'tre sauv et
difi, car, comme le souligne saint Maxime, Dieu ne nous sauve
pas contre notre volont ni sans elle705.
La vie spirituelle, selon Zizioulas, rside dans l'lan extatique
de la personne hors de la nature, et c'est dans la libration par
rapport la nature que consiste le salut. Dans cette conception, la
nature de l'homme non seulement n'est pas elle mme sauve (elle
706. Person Instead of Grace and Dictated Otherness: John Zizioulas' Final
Theological Position, Heythrop Journal, 48, 2009, p. 5.
707. f. C. YANNARAS, La J;ibert de la morale, p. 70-71, 95, 97-98, 99, 100,
101, 125; La Foi vivante de l'Eglise, p. 149.
708. La vision eucharistigue du monde et l'homme contemporain , Con-
tacts, 19, 1967, repris dans L'glise et ses institutions, p. 249.
709. Ainsi Zizioulas rappelle que saint Basile insiste sur la vie communautaire
comme idal du monachisme ( The Church as the Mystical Body of Christ ;
Towards an Ecclesial Mysticism , dans Communion and Otherness, p. 303
n. 55), oubliant les apologies de l'hsychia que l'on trouve dans tant d'autres
textes patristiques.
. 710. Nous voudrions ici citer une anecdote caractristique. Un proche disciple
de Zizioulas, Mgr Ignatije Midi, vqu(ll en Serbie, en visite dans un couvent
orthodoxe situ en France, s'est ainsi adress la communaut des religieuses :
388 PERSONNE ET NATURE
La prire que vous faites avec votre chapelet lorsque vous tes seules dans vos
cellules n'a aucune valeur; ce qui a une valeur, c'est d'tre ensemble dans
l'glise.
711. The Church as the Mystical Body of Christ ; Towards an Ecclesial
Mysticism ,dans Communion and Othemess, p. 303 ; soulign par l'auteur.
712. Ibid.; soulign par l'auteur.
713. Ibid.; soulign par l'auteur.
714. L'identit de l'glise, 'E<PI'JfliQLO, 52, 2003, repris dans L'glise et
ses institutions, p. 137; soulign par l'auteur.
715. Ibid., p. 138.
LE PERSONNALISME DE Y ANNARAS ET ZIZIOULAS 389
720. Cette critique est galement adresse Zizioulas par E. RUSSELL, Re-
considering relational Anthropology: A Critical Assessment of John Zizioulas's
Theological Anthropology ,International Journal ofSystematic Theo/ogy, V, 2,
2003, p. 177-178.
721. La Libert de la morale, p. 35, 133 ; La Foi vivante de l'glise, p. 140.
722. La Libert de la morale, p. 81-82.
723. Cf 1. IcA jr., Persoan sau/~i pntologie in gndirea ortodox contem-
poranli, p. 374, et N. LOUDOVIKOS, Person Instead of Grace and Dictated
392 PERSONNE ET NA TURE
CONCLUSION
I. LA QUESTION DU FILIOQUE .
propos de la Clarification propose par le Conseil
pontifical pour la promotion de l'Unit des chrtiens
Introduction ........................................................................ 11
1. Historique des positions exprimes
par la Clarification ...................................................... 12
II. L'aspect positif de la Clarification ........................ 14
III. Premires rserves ...................................................... 16
IV. Les arguments de la Clarification ........................ 19
1. Les diffrences d'expressions linguistiques ........... 19
2. La prsence de la mme conception que la
tradition latine au sein de la tradition orientale .......... 21
a. L'quivalence du bl. 'to uio
et du Filioque .......................................................... 21
b. Accord de la tradition alexandrine
avec la tradition latine .... ........... ......... .............. .. ... 22
c. Accord de la tradition latina-alexandrine
avec la tradition cappadocienne ............................ 22
d. Accord des dfinitions du TV concile du
Latran (1215) et du concile de Lyon (1274)
avec la tradition latina-alexandrine .............. .. 23
3. La mdiation du Fils dans la procession
du Saint-Esprit .............................................................. 25
V. Critique de la thorie et des arguments
prsents par la Clarification ...................................... 28
1. La diffrence des positions orthodoxe et
catholique romaine ne consiste pas en un simple
malentendu linguistique ............................................... 28
2. Dissociation inacceptable de l'ekporse selon
la personne et de la procession selon la nature 32
3. Affirmation inacceptabfe de la mdiation
398 PERSONNE ET NATURE
du Fils dans la procession du Saint-Esprit.................. 34
a. L 'Esprit Saint procde du Pre
par le Fils ..................................................... ... ..... 34
b. L'Esprit Saint procde du Pre
du Fils ................................................................... 38
4. Confusion des proprits hypostatiques
et des proprits essentielles ....................................... 41
5. Confusion des proprits hypostatiques
entre elles ...................................................................... 43
6. Confusion entre le plan thologique et le plan
conomique d'une part, et entre le plan de
l'essence et le plan~ nergies d'autre part ............. 43
Conclusion ......................................................................... 59
IL LA QUESTION CHRISTOLOGIQUE.
propos du Projet d'union de l'glise orthodoxe et
des glises non chalcdoniennes : problmes
thologiques et ecclsiologiques en suspens
Introduction ........................................................................ 65
A. Avances thologiques et ecclsiologiques
du dialogue ...............................................,.......................... 73
B. Problmes thologiques et ecclsiologiques
en suspens .......................................................................... 75
L Le refus de dnombrer les natures du Christ .......... 75
IL L'affirmation que les natures du Christ
ne sont distinctes que par la seule pense ............ 76
III. Ambigut de la formule
une seule nature du Verbe incarne ...................... 86
IV. Caractre confus de certaines expressions ........... 89
V. L'utilisation comme paravent de l'ambigut
du vocabulaire cyrillien ....................... ;....................... 92
VI. Non-rciprocit dans la reconnaissance
des expressions de la foi des deux parti~ .................. 94
VIL La survaluation des facteurs historiques ........... 97
VIII. Le statut de Svre d'Antioche .......................... 99
1. La condamnation de Svre par les conciles .... 106
2. La condamnation de Svre d'Antioche
par le Synodikon de l'Orthodoxie ................... 107
3. La condamnation de Svre d'Antioche
TABLE DES MATIRES 399
dans les textes liturgiques ...................................... 108
4. La condamnation de Svre d'Antioche
par les Pres de l'glise ............. .. .. ... ... .. .... ........ .. .. 109
a. Importance et signification des condamnations
patristiques - 110
b. La condamnation de Svre d'Antioche
dans les Vies de saints ..................................:.... 111
c. La critique de la christologie svrienne
et du monophysisme modr
par saint Justinien .............................................. 115
d. La critique de la thologie svrienne
par saint Maxime le Confesseur ................ ....... 117
a. Il y a bien deux natures et non une seule .. 118
~. Rduction/ngation de la ralit humaine
du Christ.......................................................... 119
y. Le sens orthodoxe de l'expression
cyrillienne : une seule nature
du Verbe de Dieu incarne .......................... 120
. Le Christ n'est pas une nature compose.. 122
e. Les inconsquences de la synonymie sv-
rienne de la nature et de l' hypostase .. . 123
e. La critique de la thologie svrienne
par saint Jean Damascne ................................. 124
f. Quelques rflexions sur les critiques
patristiques de la christologie svrienne ........ 127
IX. Le statut de Dioscore ............................................. 133
X. Le statut du concile de Chalcdoine ...................... 139
XI. La relativisation des conciles cumniques ........ 149
XII. La question de la leve des anathmes ............... 151
XIII. La remise en cause de l'unit
et de l'unicit de l'glise ............................................. 154
Conclusion ......................................................................... 155
Introduction......................................................................... 159
1. La connaissance de la dtinitie1n de foi
400 PERSONNE ET NATURE
de Chalcdoine par l'glise armnienne........................... 162
2. L'adoption de l' Hnotikon............................................. 164
3. La condamnation de Chalcdoine
dans les conciles et les documents officiels
de l'glise armnienne ...................................................... 167
4. Les motivations doctrinales de l'antichalcdonisme
armnien.............................................................................. 179
5. L'adoption de la christologie monophysite
par l'glise armnienne .......................................... ........... 180
6. Le julianisme de l'glise armnienne
et le statut de Svre d'Antioche....................................... 188
7. La condamnation des doctrines svriennes
et julianistes au concile de Manazkert (726) :
signification et porte......................................................... 195
8. La confirmation par le synode de Manazkert
d'usages liturgiques monophysites.................................... 199
9. Le synode de Karin-Thodosiopolis ............................. 200
Conclusion .............................................................-............. 204
Introduction ....... ..... ... ....... .... .................. .... ... .. .... .......... ..... 207
I. La mthode et les sources des thories personnalistes
de Yannaras et de Zizioulas .............. ............ .... ................ 226
1. Le caractre philosophique de la pense
de Yannaras et de Zizioulas .. .. .......................... ........... 226
2. Les sources modernes de la pense
de Yannaras et de Zizioulas ......................................... 228
3. Le caractre binaire de la pense
de Yannaras et de Zizioulas ..................... :................... 232
II. Les lments problmatiques du personnalisme
de Yannaras et de Zizioulas .............................................. 233
1. La conception gnrale de l'hypostase, ~
de la personne, de l'essence/substance,
de la nature et de l'individu ......................................... 233
a. L'opposition entre la personne
et l'essence ou la nature ......................................... 233
b. Une conception ngative de l'essence
TABLE DES MATIRES 401
ou de la nature ........................................................ 234
c. Une conception particulire
et ngative de 1'individualit .................................. 236
d. Une conception particulire
et idalise de la notion de-personne .................... 238
e. La primaut de 1'hypostase!
de la personne sur l'essence/la nature .................. 242
f. Le caractre non patristique de la conception
de l'essence (ou de la substance), de la nature,
de l'hypostase, de la personne et de l'individu
dans les thories personnalistes
de Yannaras et de Zizioulas ................................... 244
2. Consquences errones pour la triadologie ............ 275
a. L'extrapolation des thories personnalistes
et existentialistes la triadologie .......................... 275
a.. Une opposition artificielle de la thologie
des Pres la philosophie antique .................... 275
~- Une critique parfois force
de la thologie occidentale. .............................. 276
'Y. Une interprtation anachronique
des Pres cappadociens ..................................... 281
b. Un dsquilibre hypostases-essence
au profit des hypostases et au dtriment
del 'essence, qui constitue un abus inverse
de celui de 1'essentialisme...................................... 282
c. Le rejet de 1'essence
comme principe de 1'unit divine ........................... 285
d. L'affirmation que 1'hypostase du Pre
est cause de 1'essence divine .................................. 289
e. La survalorisation de la notion de cause
au sein de la Trinit ................................................ 290
f. Survalorisation du Pre au sein de la Trinit ... 292
g. L'ide que le Pre cause les deux autres
Personnes divines indpendamment
de l'essence divine .............. ;................................... 293
h. L 'affirmation que Dieu
est la personne du Pre .......................................... 298
i. La dfinition des Personnes divines
par leurs relations .................................................. 302
j. La confusion des proprits naturelles
et des proprits hypostatiques .............................. 305
402 PERSONNE ET NATURE
k. Le statut des nergies divines ........ .................... 307
1. Le manque d'une approche apophatique
des Personnes divines dans la pense de
Zizioulas ................................ ......................... ....... .. 313
3. Consquences errones pour la christologie .......... 316
a. Minimisation et dvalorisation des natures
du Christ et de leur rle
dans l'conomie salvatrice..................................... 316
b. Minimisation du rle des souffrances
et de la mort du Christ dans Son conomie
salvatrice ................................................................ . 321
c. Une interprtation particulire
de la rsurrection ................................................... . 328
d. Dvalorisation du rle exemplaire du Christ .. . 329
e. L'ide que 1'homme sauv participe
au mode d'existence personnel du Christ ............ . 330
f. L'ide que le Christ hypostasie
les hypostases humaines ........................ :............... . 331
4. Consquences errones pour l'anthropologie ....... . 336
a. L'homme image de Dieu
en tant que personne ............................................. .. 336
b. L'homme, image de la Trinit ............................ . 338
c. La conception sexuelle
de l'image de Dieu chez Yannaras ....................... . 340
d. L 'affirmation que la personne d'Adam
est la cause de chaque personne humaine ........... . 343
e. La personne humaine peut-elle reproduire
le rapport du Fils au Pre? ................................ ,.. 344
f. Le sens de 1'imitation du Christ ........................ . 345
g. Dvalorisation de la nature cre .................... . 346
./
THOLOGIES
AETC : Cultures et thologies en Europe
AETC: La Thologie en Pologne aujourd'hui
AETC : La Nouvelle Europe. Dfi l'glise et la thologie
AETC : Changer la papaut ?
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H. Alfeyev: Le Mystre de la foi
H. Alfeyev : Le Chantre de la Lumire. Introduction la spiritualit de saint
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H. Alfeyev : Le Nom grand et glorieux. La vnration du Nom de Dieu et la
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C. Andronikof : Le Sens de la liturgie
C. Andronikof: Des Mystres sacramentels
J, Arnould : La Thologie aprs Darwin
P. Aubert : Nicolas Berdiaeff Une approche autobiographique et
anthropologique ,
Fr. St.-M. Barbellion: Les Preuves de l'existence de Dieu
R. Bauckham: La Thologie de l'Apocalypse
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. Behr-Sigel : Le Lieu du cur
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orthodoxe
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Ch. -A. Bernard : Le Dieu des mystiques
Ch. -A. Bernard : Le Dieu des mystiques, Il. La conformation au Christ
Ch. -A. Bernard : Le Dieu des mystiques, 1/l. Mystique et action
Ch. -A. Bernard : Thologie mystique.
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O. Celier : Le Signe du linceul
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Collectif : L'Hommage diffr au pre Chenu
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D. Meda : Suivre Jsus-Christ, dans la vie et les crits du bienheureux Antoine
Chevrier ( 1826-1879)
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J. Meyendorff et A. Papadakis : L'Orient chrtien ~tl'essor de la papaut.
L'glise de 1071 1453 "
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J. Moltmann :Le Rire de l'univers. Trait de christianisme cologique
H. Munsterman : Marie cordemptrice ? Dbat sur un titre marial controvers
P. Nellas : Le Vivant divinis
M. Neusch : Les Traces de Dieu. lments de thologie fondamentale
A. Nollan : Dieu en Afrique du Sud
M. de Paillerets : Saint Thomas d'Aquin, frre prcheur thologien
L. Panier: Le Pch originel
W. Pannenberg : La Foi des Aptres. Commentaire du Credo
W. Pannenberg : Mtaphysique et ide de Dieu
H. Paprocki : La Promesse du Pre. L'exprience du Saint Esprit dans l'glise
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R. Parent : Une glise de baptiss. Pour surmonter l'opposition clercs-lacs
R. Parent : Prtres et vques. Le service de la prsidence ecclsiale
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matrielle des critures
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l'glise. Une perspective anthropologique ,
H. J, Pottmeyer : Le Rle de la papaut au lW millnaire. Une relecture de
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J, -P. Prevost: La Mre de Jsus
K. Rahner : Le Courage du thologien
J.-Ph. Revel : Trait des sacrements. /.Baptme et sacramentalit. 1. Origine et
signification du baptme
J.-Ph. Revel : Trait des sacrements. /.Baptme et sacramentalit. 2. Don et
rception de la grce baptismale
J.-Ph. Revel : Trait des sacrements. 11. La confirmation. Plnitude du don
baptismal de l'Esprit
J.-Ph. Revel: Trait des sacrements. VI. L'onction des malades. Rdemption de
la chair et par la chair
B. Rey : Jsus-Christ chemin de notre foi
B. Rey: Nous prchons un Messie crucifi
J, Rigal: L'glise, obstacle et chemin vers Dieu
J, Rigal : Le Courage de la mission
J, Rigal : Prparer l'avenir de l'glise
J, Rigal : L'8lise en chantier
J, Rigal : L'Eglise en qute d'avenir. Rflexions et propositions pour des temps
nouveaux
J, Rigal: L'glise [preuve de ce temps
E. Schillebeeckx : Exprience humaine et foi en Jsus-Christ
E. Schillebeeckx : Le Ministre dans l'glise
E. Schillebeeckx : Plaidoyer pour le peuple de Dieu
Ch. von Schonborn: L'Icne du Christ
P. Secretan : Les Tentations du Christ
J, L. Segundo : Quel homme, quel monde, quel Dieu ?
B. Sencal: Jsus le Christ la rencontre de Gautama le Bouddha
B. Sesbo : Pdagogie du Christ
H. Simon : Chrtiens dans l'tat moderne
H. Simon : La Peau de l'me
M. Simon: La Vie monastique, lieu cumnique au cur de l'glise-Communion
W. Stahlin : Le Mystre de Dieu
D. Stein : Lectures psychanalytiques de la Bible
R. Su bion : La Lettre ou l'Esprit
G. Thvard : La Vision de la Trinit
P. Ternant : Le Christ est mort << pour tous
J, -M. -R. TiJJard: L'vque de Rome
D. 'fracy :Pluralit et ambiguiY. Hermneutique, religion, esprance
J, Van der Hoeden : Samuel Beckett et la question de Dieu
J, Van der Hoeden : Jean Racine ou le droit de vivre
Fr. Varone : Inoues les voies de la misricorde
H. J, Venetz : C'est ainsi que l'glise a cmmenc
A. Vergote: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu... >>. L'identit chrtienne
A. Vergote: Humanit de l'homme, divinit de Dieu
J. Vermeylen: Le March, le Temple et l'vangile. Itinraires catholiques.
M. Viau : La Nouvelle Thologie pratique
R. Winling : La Rsurrection et l'Exaltation du Christ dans la littrature de
l're patristique
R. Winling : La Bonne Nouvelle du salut en Jsus-Christ. Sotriologie du
Nouveau Testament. Essai de thologie biblique
R. Winling: Nol et le mystre de l'incarnation
K. Wojtyla : La Foi selon saint Jean de la Croix
Ch. Yannaras : La Foi vivante de l'glise
D. Zordan : ConnaissQIICe et mystre. L'itinraire tltlologique de Louis Bouyer.
THOLOGIES BIBLIQUES
J. Becker: Pwd. L'aptre des nations
O. Cullmallll : La Prire dans le Nouveau Testament. Essai de rponse des
questions contemporaines
A. Wnin: L'Homme biblique
THOLOGIE DE LA MISSION
Association francophone cumnique de missiologie : Repres pour
la mission chrtienne
Association francophone cumnique de missiologie : Dictionnaire
cumnique de missiologie
Association francophone cumnique de missiologie : Appel tmoins.
Mutations sociales et avenir de la mission chrtienne
Achev d'imprimer en dcembre 2011
dans les ateliers de Normandie Roto Impression s.a.s.
Lomai (Orne)
N d'dition: 15397- N d'impression: 114255
Dpt lgal: dcembre 2011