Les Portugais Au Maroc
Les Portugais Au Maroc
Les Portugais Au Maroc
Romeo Carabelli
Romeo Carabelli
Traduit de l’italien par Mme Marie-Anne Marin
Copyright ©2012 Mutual Heritage
ISBN : 978-2-9538332-2-5
Tout droits réservés
L’héritage
portugais
au Maroc
Romeo Carabelli
L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
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La présence portugaise le long de la côte nord-africaine - sites et dates
Seuls les lieux présentant des traces lusitaniennes importantes sont ici pris en considération.
L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
Introduction
Du fait de leur proximité géogra- géopolitique “Maroc“ dans sa confi- Malgré sa persistance, la pré-
phique, le Portugal et le Maroc guration actuelle, conscients des sence portugaise le long des côtes
ont connu une série systématique problèmes frontaliers du royaume atlantiques n’a pas marqué la mé-
d’échanges. Situés aux limites occi- marocain mais qui débordent notre moire collective locale de façon
dentales de l’Europe et de l’Afrique propos. Nous pénétrerons dans le significative. Pour les Marocains
du Nord, ces deux pays ouverts sur territoire espagnol de Ceuta (Sebta), d’aujourd’hui, les affrontements
l’océan Atlantique se font quasiment à l’origine de l’aventure africaine du militaires, religieux et sociaux qui
face de part et d’autre de la Méditer- Portugal. opposèrent les deux royaumes ren-
ranée, à l’embouchure du détroit de voient à une histoire militaire désor-
Gibraltar. Les traces de cette présence ne ren- mais inconnue. Ils appartiennent
voient pas à des événements inéluc- à un espace temporel lointain, une
Ils ont développé des caractéris- tables de la construction des nations sorte de “passé du passé“, comme
tiques assez similaires : deux pays marocaine et portugaise mais elles s’il s’agissait de l’Antiquité classique.
relativement isolés ayant joué un ont certainement joué un rôle dont
rôle marginal dans la zone méditer- la valeur historique et les vestiges Nous nous concentrons sur les ves-
ranéenne à laquelle ils sont cepen- encore présents, méritent d’être tiges des édifices et des espaces pu-
dant particulièrement liés. mentionnés. blics monumentaux offrant encore
Au cours des grandes périodes his- une forme urbaine appréhendable. Il
toriques, phénicienne, romaine, Cet ouvrage est centré sur l’héritage s’agit en grande partie de remparts
génoise mais aussi d’Al Andalus, au matériel bâti par la couronne por- et de constructions militaires, dotés
temps des califes et des berbères, tugaise entre 1415, prise de Ceuta d’une plus grande inertie formelle
l’histoire de ces territoires que et 1769, libération de Mazagão (ac- que les édifices privés ; de ce fait, ils
sont devenus le Portugal et le Ma- tuelle El Jadida). Au cours de cette sont encore lisibles et plus proches
roc, retrace l’existence d’échanges épopée historique, les Portugais ont de leurs formes d’origine. Ce sont
complexes, parfois pacifiques et érigé un chapelet de fortifications des éléments constitutifs de quar-
commerciaux, parfois belliqueux, côtières qui font aujourd’hui partie tiers entiers dont ils structurent le
avec guerres et colonisations réci- de l’héritage monumental marocain. tissu urbain actuel.
proques. Initialement partie d’un parcours
vers le Grand Sud et l’Orient, via la Le caractère allogène du patri-
Ce guide du patrimoine bâti par route des Indes, elle devint le sym- moine architectural luso-marocain
les Portugais au Maroc aborde une bole d’une longue présence nord- lui confère des valeurs historiques
composante méconnue : la présence africaine. et symboliques particulières : il
portugaise en Afrique du Nord et son L’héritage matériel actuel n’est pas résulte d’une “géographie coloniale
héritage matériel, que l’on peut qua- plus portugais que marocain. Il est spatialement différée“ (Turco, 1988,
lifier de luso-marocain, aujourd’hui commun aux deux nations - portu- P. 184), révélatrice de pratiques ur-
encore clairement visible. Pour tous gais pour sa constitution, marocain baines portugaises exportées vers
les pays, nous utiliserons toujours pour sa localisation - et fort de son les territoires coloniaux, s’adaptant
les appellations nationales actuelles caractère mutuel, il dialogue avec au territoire local et générant une
qui sont différentes de celles du les autres patrimoines mondiaux, pratique nouvelle et spécifique.
passé. Nous adoptons donc le terme partagés ou non.
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Introduction
La production architecturale luso- l’héritage portugais, on peut dire encore bien présents à Asilah et à
marocaine - entendue comme ap- qu’il s’agit d’un patrimoine sans Azemmour ou des remparts proté-
partenance statutaire des biens : pater. Le lien avec les fortifications geant la ville et qui assurent la jonc-
indubitablement portugais mais tout portugaises, en passe de devenir tion entre les différents châteaux
aussi indubitablement marocains - une mémoire patrimoniale, est plus - comme ceux qui relient la Kechla
et le processus de colonisation qui fort avec la population lusitanienne et le Château de la mer à Safi. On
la caractérise, est un cas intéres- - qui les connaît et les reconnaît - note ensuite les systèmes plus com-
sant au regard de l’intégration de qu’avec la population locale, qui tend plexes de la modernité, comme les
l’héritage au sein des espaces bâtis à les considérer comme mémoire proto-bastions d’Azemmour et la
contemporains. d’autrui. citadelle bastionnée d’El Jadida.
Ces édifices ayant perdu leur uti- Pour pouvoir inclure cet héritage Bien qu’il soit objectivement difficile
lisation première, il devient indis- matériel à l’espace patrimonial per- de trouver des activités appropriées
pensable de les doter de nouvelles sonnel, il est nécessaire de procéder à ce type d’espaces, les récents tra-
fonctions, d’un nouveau statut, afin à un passage non instinctif, d’une vaux de restauration ont permis une
de les intégrer à la vie actuelle et ne hérédité généalogique directe à une valorisation des différents éléments
pas risquer de perdre définitivement hérédité généalogique indirecte. de ce patrimoine.
l’héritage bâti. En les élevant au rang C’est une opération délicate et qui
de patrimoine culturel leur statut est demande du temps. Les institutions L’illustration de la mémoire d’ori-
modifié, intégrant les biens d’ori- des deux États l’ont officiellement gine portugaise implique la pré-
gine lusitanienne aux dynamiques reconnu et élevé au statut de patri- sentation de sites dépourvus de
actuelles. moine partagé ; de ce fait, sa valeur contiguïté territoriale puisque cha-
patrimoniale s’étend aux autres sec- cune des villes intégrées au patri-
Déjà reconnus comme patrimoine teurs sociaux. moine portugais tend à être un cas
pendant la période coloniale fran- indépendant et autonome. Aucune
çaise mais seulement récemment Bien que difficile à reconnaître, au lecture d’ensemble et systémique
intégrés à la vie patrimoniale active, regard de l’histoire de l’architecture des différents héritages n’a encore
ces vestiges restent relativement militaire, le patrimoine luso-ma- été trouvée ; il n’existe pas encore
marginaux, tant parce qu’ils sont rocain se révèle particulièrement de capacité globale permettant de
quantitativement limités que parce riche, diversifié et intéressant. Tous transformer la collection de biens
qu’ils ne portent pas de valeurs les types de défense de l’époque dite d’origine portugaise en une commu-
identitaires directement liées à la “de transition“ sont représentés : des nauté cohérente et unique de sites
population actuelle. structures médiévales, destinées à patrimoniaux.
protéger contre les armes obsidio-
Étymologiquement, le mot patri- nales antiques à celles érigées à la Les politiques de valorisation sont -
moine dérive du latin patrimonium, Renaissance, capable de résister aux encore ? - liées à l’unicité de chaque
composé de pater, racine de père tirs de l’artillerie moderne. site et elles n’ont pas développé de
qui indique ici l’hérédité généalo- narration en mesure d’impliquer
gique du bien et moenia, racine de Il s’agit de postes de contrôle et la totalité des biens. Les sites sont
monnaie, sa valeur reconnue. Pour de défense des anciennes portes, effectivement intégrés dans des sys-
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Introduction
tèmes culturels fonctionnant à deux Dès lors, la valorisation de l’héritage Au moment de l’acquisition du statut
échelles différentes : l’une ponc- d’origine lusitanienne se caracté- formel de “patrimoine“, ils adhèrent
tuelle, liée principalement à la di- rise par des approches multiples et également aux échelles intermé-
mension locale des vestiges l’autre, variables. Ces fragments patrimo- diaires d’interaction avec le terri-
globale, s’inscrit dans la construc- niaux existent à la micro-échelle lo- toire environnant et pénètrent les
tion de la “nation portugaise“ qui cale grâce à leur consistance maté- dimensions nationale et touristique.
voit les expansions océaniques en- rielle et ils intègrent simultanément
tamées par l’expansion en Afrique l’échelle globale de l’ouverture de Mazagão / El Jadida - forteresse vue de la mer, à
gauche le bastion de l’Ange, à droite le bastion de
septentrionale come un unicum nar- l’Europe au monde. Saint Sébastien. On reconnaît l’entrée du port et les
ratif. silhouettes de la tour/minaret et de l’église de Saint
Sébastien
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PÊRO DA COVILHÃ
& AFONSO DE PAIVA
Archipel Barcelone
des Açores LISBONNE LISBONNE (ESP.) Naples
(POR.)
DC1 : 1482-1483 1487 (ITALIE)
Rhodes (GRÈCE)
DC2 : 1485-1486 Valence
BD : août 1487/déc. 1488 (ESP.) Suez (ÉGY.)
Îles Canaries Alexandrie
(ESP.) (ÉGY.)
Le Caire
Tropique Tropique (ÉGY.)
du Cancer CAP- du Cancer Aden 1489-
VERT 1488 (YÉMEN) 1490 ✝
1er Padrão PÊRO DA
COVILHÃ 1488-
1483
Équateur Équateur ABYSSINIE 1530 ✝?
Embouchure du fleuve Congo
SAO TOMÉ- Chutes du Ielala
ET-PRINCIPE D. CÃO AFONSO
nov.1485
Voyage1 Voyage2 DE PAIVA
2e Padrão Cap Ste-Marie (ANG.)
Tropique 1483 Tropique
3e Padrão
Cape Cross (NAM.) B. DIAS
du Capricorne du Capricorne
1485 ? (NAMIBIE) déc.1487 Aller Retour
(AF.SUD)
3 2 1 Baie d’Algoa
Point extrême atteint
= Baie d’Algoa (1) ;
DIOGO CÃO PÊRO DA COVILHÃ
Cap des Aiguilles
Caps des Aiguilles (2)
Cap de Bonne
Espérance et de B. Espérance (3)
découverts au retour
Archipel Archipel
des Açores LISBONNE des Açores LISBONNE
(POR.) (POR.)
Dép. juill. 1497 Dép. 9 mars 1500
Ret. sept. 1499 Ret. 21 juillet 1501 Massacre
Îles Îles de Calicut
Canaries Canaries
(ESP.) (ESP.)
17 déc. 1500
Tropique Tropique
du Cancer CAP- août 1498 Goa du Cancer CAP- Beseguishe Cananor
VERT Calicut VERT 1488
(SÉN.) Calicut
(INDE) 22 mars 2 juin 1501 Cochin
mai 1498 1500 2 août 1500 (INDE)
Malindi Malindi
Équateur
(KENYA)
Équateur (KENYA) 24 déc.1500
Mombasa 16 jan. 1501
Quiloa (MOZ.)
(KENYA)
Porto
Île de Mozambique Seguro Île de Mozambique
(BRÉSIL)
Tropique Sofala (MOZ.) Tropique 24 avril 1500 Sofala
du Capricorne
ALLER du Capricorne (MOZ.)
ALLER
Cap de Bonne RETOUR RETOUR
Espérance
Île de (Af. du Sud)
Ste-Hélène Naufrage et 22 mai Calicut > Kozhikode auj.
1501
✝ de B. Dias Beseguishe > Dakar auj.
PEDRO
(RU) nov.
1497 29 mars 1500
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Au plan local, la présence en Afrique Le dispositif littoral portugais au Les (anciennes) colonies portugaises. Le Portugal
est un petit pays qui, dans le cours de l’histoire,
du Nord fut drastiquement limitée Maroc était constitué de ports qui ne s’est trouvé à la tête d’un très vaste empire colo-
lorsqu’en 1578 Sébastien Ier (Dom développèrent que très rarement des nial. L’ouverture de l’expérience lusitanienne extra-
Sebastião I), roi du Portugal, perdit relations stables avec l’arrière-pays. européenne commence en 1415 et se termine avec
la rétrocession de Macao à la Chine, fin 1999. Dans
la vie au cours de la fameuse bataille Ce dispositif fonctionna toujours de un premier temps, l’empire vise en priorité l’Afrique
des Trois Rois (également connue façon autonome, lié à Lisbonne plus du Nord et l’Inde, qui pilote les commerces dans
come bataille de l’oued Al-Makhazin, qu’à son voisinage immédiat. L’évo- l’Océan Indien. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, c’est
le Brésil qui polarise les attentions de la Couronne
du nom de la rivière sur les rives de lution du dispositif fut presque tota- pour terminer avec la déclaration d’indépendance
laquelle se déroula la bataille mais lement séparée de celle des places en 1822. C’est à ce moment-là, et jusqu’à la Révolu-
aussi comme bataille de Ksar el fortes littorales qui, de fait, fonction- tion du 25 avril 1974, que l’Afrique sub-saharienne
Kebir - Alcazar-Quivir en portugais nèrent toujours comme des entités prend le relais.
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Ceuta - le bastion
désormais inclus
dans les fondations du
marché de la ville.
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Ksar Seghir - Alcàcer Le déclin du pouvoir musulman sur conservèrent sa forme urbaine en en
l’Andalousie et la prise de Ceuta lui renforçant les caractéristiques mili-
Ceguer 1458 à 1550 furent fatals. Elle n’avait plus un rôle taires. Les remparts furent consoli-
exclusif et courait systématique- dés et dotés d’une escarpe et d’une
Points d’interêt remarquables : ment un risque : les flottes des puis- douve extérieure.
sances internationales et des pirates
• Couraça marine et forteresse ma- croisaient dans ces eaux attirées par Aux XIVème et XVème siècles, les bancs
nuéline les bénéfices matériels qu’elles au- de sable de la rivière et de la plage
raient pu retirer de la rencontre avec étaient moins étendus et l’eau ef-
Le long du détroit de Gibraltar, Ksar d’autres navires de transport. fleurait presque la forteresse mais il
Seghir (petit château) est connue fut quand même réalisé une couraça
pour être une baie bien protégée. À l’agonie, la ville céda aux pressions vers la rivière dont toute trace a dis-
Dès l’Antiquité, cet emplacement de la puissance en pleine expansion paru au début du XXème siècle.
stratégique fut habité par des popu- et le 23 octobre 1458 elle passa sous
lations qui s’y installèrent de façon domination portugaise. Elle y resta La couraça marine et la forte-
durable. jusqu’en 1550, date à laquelle les resse manuéline
Portugais furent chassés et elle fut
À l’occasion des invasions de l’Anda- abandonnée. Après de longs travaux,
lousie par les Almohades et les Al- En 1502, l’éloignement progressif
le site archéologique de Ksar Seghir de la rivière et de la mer conduisit
moravides, Ksar Seghir joua un rôle a été ouvert au public à l’automne
fondamental comme poste d’embar- à la réalisation d’une couraça très
2011, avec inauguration du parcours longue, en direction de la mer. C’est
quement des troupes et support de visite des vestiges et du nouveau
technique et logistique des expédi- certainement le signe le plus évident
musée. et caractéristique de la fortification,
tions. Au cours de cette période, la
ville eut également d’autres noms, aujourd’hui encore présent sur toute
La position de la ville est due à la sa longueur.
notamment Ksar al-Madjaz (Châ- présence d’une rivière qui permet-
teau de passage). Elle se détache du donjon et poursuit
tait d’ancrer les navires en sécurité. en direction de la mer sur une cen-
Sa conformation présentait une cir- taine de mètres. C’est un petit corri-
C’est au XIVème siècle, lorsque la conférence presque parfaite, et elle
zone faisait partie de l’État mérinide, dor maçonné et protégé qui termine
possédait une petite forteresse en par un petit bastion (bastion de la
qu’elle acquit définitivement son direction de la rivière, du port. La
toponyme actuel. Sa position était Plage), réalisé dans le but précis de
morphologie de la ville est unique défendre cette très longue construc-
particulièrement intéressante, dans et il n’est pas possible de compa-
un site charnière pour les relations tion éloignée de la protection directe
rer son système défensif aux forti- des remparts et offrant de ce fait le
entre les continents, et elle fut très fications Almohades, Almoravides
florissante au cours des premiers flanc à une éventuelle attaque enne-
ou Mérinides ni à celles d’aucune mie.
siècles du deuxième millénaire. autres périodes. A l’intersection de la couraça et des
Ksar Seghir est le seul site où les remparts de la ville, là où existait
Ksar Seghir - Vue d’ensemble du site, avec fleuve
Portugais ne procédèrent pas à la déjà la porte de la Mer - née comme
et plage.
réduction de la ville par l’atalho. Ils
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Tanger - 1471 à 1662 taine d’années après la prise de (1661), lorsque la ville lui fut donnée
Ceuta. Il s’agissait logiquement de en dot avec la ville de Bombay. La
prendre l’autre extrémité du détroit position de Tanger n’était pas straté-
Points d’interêt remarquables : de Gibraltar pour pouvoir mieux en gique pour le Royaume-Uni qui n’en
contrôler les trafics marchands et fit pas une de ses places fortes et, en
• Cubelo do Bispo et les Atalho militaires. 1684, elle fut reprise par les locaux.
• Baluarte dos Fidalgos - Borj el Trois autres assauts furent repous- La réduction des dimensions de la
Kasbah sés entre 1462 et 1464 mais ils per- ville, à travers la réalisation d’un
mirent à l’assaillant de connaître atalho en forme de “L“ en changea
Tanger est une grande ville, plutôt parfaitement la structure de la ville l’orientation et renforça son lien
dynamique, qui possède un héritage et de ses défenses et c’est ainsi que avec la mer qui, - rappelons-le -
bâti extrêmement diversifié. Parmi le 28 août 1471 le roi Alphonse V était le principal élément d’union de
les nombreux vestiges dus aux fré- (Affonso V) entra en vainqueur dans la structure coloniale portugaise.
quentes dominations et au dyna- la ville. Auparavant, les troupes lusi-
misme local, quelques témoignages taniennes avaient pris possession de La cathédrale - dont il ne subsiste
proviennent également de presque Ksar Seghir (1458) et huit jour avant aucune trace - se dressait à proxi-
deux siècles de présence portugaise. Tanger d’Asilah, encerclant ainsi mité de la mer, là où aujourd’hui se
À cause des colonisations répétées la ville à une quarantaine de kilo- trouve la mosquée principale. La ca-
et de son ouverture au monde pen- mètres. thédrale donnait sur la “rua Direita“
dant la période où elle était “zone Dans ce cas également les Portugais (rue des Siaghins et rue de la Marine)
internationale“ - 1923-1956 - (avec réduisirent le périmètre général de qui, aujourd’hui encore, conduit vers
une interruption pendant la seconde la ville à travers un double atalho au le Petit Socco, véritable noyau de la
guerre mondiale), Tanger est parfois sud et à l’ouest de la ville historique. vie intra-muros, avant de poursuivre
surnommée la “ville des étrangers“. jusqu’à Bab Fahs, porte débouchant
Contrairement aux autres sites, il est A l’issue de la période dite “philip- sur la place “9 avril 1947“ (date de
plutôt difficile à Tanger de trouver pine“ (la période de corégence ibé- l’entrée en ville du sultan du Maroc,
des traces de la période portugaise rique des rois “Philippe II, III et IV, Mohamed V, qui le lendemain aurait
ou tout au moins de les reconnaître respectivement Philippe I, II et III de prononcé un fameux discours sur
comme telles. L’expérience sur Portugal commença suite à la dispa- l’indépendance du Maroc) et vers le
place ne pourra qu’être fragmentée rition du roi Sébastien I en 1578 et Grand Socco.
et ouverte à d’autres périodes. se termina le 1er décembre 1640),
Déjà bien avant la domination portu- contrairement à la ville de Ceuta, Dans le centre historique, à côté de
gaise Tanger était une grande ville. Tanger décida de se soumettre à la mosquée principale se dresse un
Elle sut résister à quatre offensives nouveau à la domination portugaise centre culturel (en cours de restau-
lusitaniennes avant de céder. L’in- (1643). ration), qui aurait un rapport avec
térêt de la couronne pour la ville la présence portugaise, comme
de Tanger se manifesta en 1437 Tanger passa sous contrôle britan- l’indique également son nom : “Tour
avec un premier assaut, une ving- nique à l’occasion du mariage entre portugaise, Bab el Marsa, borj el
Charles II d’Angleterre et la prin- Hatoui“. Sur la ligne des remparts
Tanger, Baluarte dos Fidalgos. cesse Dona Catarina de Bragança il est probable qu’au toponyme cor-
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Baluarte dos Fidalgos - Borj el réalisées sous domination portu- notamment la cathédrale, déjà men-
Kasbah gaise. Reste à souligner une curiosi- tionnée, dédiée à Nossa Senhora da
té : en 1610, pendant la période Phi- Conceição (au moment de la prise de
La composante la plus visible et la lippine de corégence ibérique, une Tanger, la ville était déjà siège d’un
plus spectaculaire de la citadelle nouvelle réduction de la ville fut pro- évêché et son évêque accompagna
fortifiée est le bastion dit “dos Fi- posée. Un nouvel atalho, parallèle le roi lors de la guerre de 1471), et
dalgos“ (bastion de la kasbah) qui à la rue Direita aurait dû exclure le une dizaine d’autres édifices entre
ferme en haut le tracé de l’atalho quartier méridional de la ville murée églises et ermitages. Aujourd’hui,
occidental. et condamner les murs de l’atalho leur localisation relève de l’hypo-
Il était intégré au nouveau système précédent, désormais obsolètes et thèse ; d’éventuelles fouilles ar-
de remparts réalisé au XVIème siècle inutilisables. chéologiques pourraient permettre
qui renfermait l’ancien fort Alfonsin Outre les réalisations militaires, d’en définir la position exacte.
(réalisé sous le règne d’Alphonse V - pendant les deux siècles de pré- La période portugaise de cette
1438-1481 - avec une curieuse inter- sence portugaise de nombreux ville s’achève, comme nous l’avons
ruption de 4 jours, pendant l’automne édifices religieux furent réalisés, vu, avec le passage de la ville au
1577 lorsque son fils Jean II accéda royaume d’Angleterre en 1662.
au trône) avec une large muraille
Tanger, Atalho Ouest, tour polygonale.
dominée par les lignes horizontales
des fortifications modernes, dont Tanger - Atalho Ouest, à remarquer l’usage poussé
l’élément défensif n’était plus repré- de la différence de niveau pour aider la protection
de la ville.
senté par la hauteur.
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Asilah - Arzila merces et d’une puissante garnison naux, donc sans fait de guerre, elle
militaire. Mais au fur et à mesure repassa en 1577 sous l’autorité du
1471 à 1589 que grandissait l’importance de Tan- roi de Portugal qui vint en personne
ger, celle d’Asilah diminuait. à Asilah pour préparer sa malheu-
Points d’interêt remarquables : Avec la conquête portugaise du 20 reuse mission de conquête de 1578.
août 1471 - reconnue par le sultan Le roi Sébastien I passa à Asilah -
• Tour de Menagem (El Kamra) Wattasside par un contrat vicennal peut-être dans la tour de Menagem
• Bab el Homar et le rempart vers - Asilah retrouva de l’importance, - sa dernière nuit avant la mission.
la terre intégrée dans le système tingitane En 1589 la ville intégra à nouveau et
• Couraça et le rempart vers l’océan de la couronne lusitanienne à l’ins- définitivement un royaume local.
tar de Ceuta, Ksar Seghir et Tanger. Elle fut de nouveau occupée en 1912
La petite ville d’Asilah se trouve à une En 1510 les remparts furent mo- lorsque l’Espagne obtint le contrôle
quarantaine de kilomètres de Tanger, dernisés selon leur configuration de la partie nord du Maroc - à l’ex-
sur le littoral atlantique. Des chan- actuelle. En effet, lors de la prise de ception de la zone de Tanger - dans
tiers de transformation entrepris la ville, les Portugais procédèrent à le cadre du protectorat qui dura
au cours des dernières décennies l’habituelle réduction (atalho), qui jusqu’en 1956. Ville de frontière au
lui permettent aujourd’hui d’offrir n’est autre que le tronçon de mur XXe siècle, à la fin du statut inter-
un patrimoine bien mis en valeur et vers la ville moderne. Les rem- national de Tanger, elle devint pro-
facilement accessible ; depuis le 24 parts précédents s’étendaient plus gressivement une sorte de satellite
janvier 1996, l’ensemble de la médi- avant, suivant un tracé curviligne, et du pôle régional tangérois.
na est classé monument historique aujourd’hui encore en partie recon- Intégrée au système de communi-
national. naissables puis qu’ils accueillent un cations nationales marocaines, la
Historiquement la ville naît comme tracé routier réalisé pendant le pro- ville d’Asilah a vu augmenter forte-
satellite du monde méditerranéen ; tectorat. ment sa connectivité au cours des
le site était déjà habité à l’époque En 1508, à la suite d’un siège parti- dernières années: la nouvelle gare
des Phéniciens et des Romains ; il culièrement dur, la couronne portu- de chemin de fer a un important
fut choisi parce que pour commercer gaise décida de moderniser la petite rôle d’échange depuis que, avec la
avec ces régions il était préférable ville. Elle dépêcha son propre archi- construction de la bretelle autorou-
de passer les colonnes d’Hercule tecte - Diogo Boytac - qui eut pour tière qui contourne Tanger en direc-
et d’accoster sur la côte atlantique mission de consolider l’appareil dé- tion du nouveau port, elle est deve-
plutôt que dans les eaux difficiles du fensif de la place forte et de supervi- nue un centre pour la liaison avec
détroit. ser la reconstruction du réseau rou- Tétouan.
tier interne, fortement endommagé Cette même autoroute a une sortie à
Nous retrouvons mention de la lors du siège. Asilah, la ville est donc parfaitement
ville dans le texte d’Idriss qui, au À la moitié du XVIème siècle, en desservie tant depuis le sud que de-
XIIe siècle en pleine époque des 1549, après la perte d’Agadir et de puis le nord. Il est par ailleurs très
Omeyyades d’Andalousie, le dési- Safi, conquises par les troupes sa- facile d’y accéder depuis l’Espagne,
gnait comme un site doté de com- diennes, fut ordonné l’abandon de la surtout maintenant que les ferries
place qui eut lieu l’année suivante. arrivent au nouveau port de Tanger-
Asilah, tour de Menagem à partir du “Terreiro“. À la suite d’échanges internatio- Med, directement relié à l’autoroute.
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Une longue partie du littoral ne fut gion fit l’objet des convoitises expan- La volonté de ne pas quitter l’Afrique
pas colonisée. À cause des flottes sionnistes lusitaniennes. du Nord conduisit les Portugais à éri-
corsaires et des pirates qui y sévis- Au cours de la première décennie, ger une forteresse “inexpugnable“ :
saient, les Portugais n’étaient pas Mazagan, Safi, Mogador et Aga- Mazagan, aujourd’hui El Jadida.
enclins à s’installer dans les villes dir (appelée Santa Cruz de Cabo de Grâce au front bastionné qui la proté-
de Rabat et de Salé. La seule ten- Guer) furent conquises par la force. geait, elle était imprenable et demeu-
tative d’implantation fut l’expédition Elles formaient un noyau important ra une présence isolée pendant plus
malheureuse de Mamora en 1515. et permettaient de laisser entre- de deux siècles. Au cours de cette
voir une plus vaste installation, une période, la présence lusitanienne
Même la cité d’Anfa - ancien site de construction territoriale en terre était organisée autour d’un seul site
l’actuelle Casablanca - n’offrait pas d’Afrique. commercial et militaire, justification
une position suffisamment intéres- En 1513 un terme fut mis au contrat de la guerre contre l’infidèle.
sante et elle fut tout simplement avec la cité d’Azemmour qui fut En 1769 cette présence prit fin. La
pillée (en 1468 ou 1469, d’après les conquise, vidée de ses habitants forteresse capitula et un accord
sources : Damião de Góis pour la musulmans et convertie en cité por- permit le départ des Portugais par
première et Rui de Pina pour la se- tugaise. Ce fut la période de plus la mer, vers leur patrie ; les exilés
conde.) Bien qu’elle représenta un large expansion dont Safi devint le furent envoyés pour coloniser une
point de ravitaillement en eau pour chef-lieu et qui eut un certain rayon- partie du très vaste Brésil.
les marins, on lui préféra l’actuelle nement vers l’intérieur du pays.
ville de Doukkala, plus au sud. Azemmour - Azamor -
Cette dynamique d’implantation et
Au cours de la seconde moitié du d’expansion était cependant minée 1471, 1513 à 1541
XVème siècle, les villes portuaires à la base. D’un côté, par un appel
d’Azemmour, Safi et Agadir, deve- à la guerre sainte contre les Portu- Points d’interêt remarquables :
nues florissantes suscitèrent les gais, en 1511, la dynastie saadienne
convoitises lusitaniennes. avait commencé de remonter vers le • Palais du gouverneur
nord en s’organisant pour reprendre • Fortifications et proto-bastions
Dans la foulée de la prise de Tanger les places lusitaniennes ; de l’autre
et d’Asilah en 1471, les premières l’expansion portugaise, grâce à Située sur une petite butte, Azem-
implantations portugaises commen- l’ouverture de nombreuses routes mour se trouve à une centaine de ki-
cèrent dans la région centrale du commerciales, dispersait les forces lomètre au sud de Casablanca, légè-
Maroc et un contrat de protection militaires du petit royaume et trou- rement en retrait de l’océan, sur la
et de soumission de la cité d’Azem- vait des sites plus avantageux pour rive gauche du fleuve Oum er Rbia.
mour permit la première installa- la colonisation. Cette petite ville, qui jouit de la
tion. Jusqu’au début du XVIème siècle, Mais en 1541, la volonté de confi- transformation générale du pays,
elle fut le seul avant-poste portugais gurer un territoire dépendant du est en pleine gentrification, sous
mais au changement de siècle, la ré- Portugal s’évanouit définitivement : l’influence de nombreux résidents
Agadir, Safi et Azemmour furent re- de l’agglomération casablancaise
conquises et toute possibilité d’im- que la nouvelle autoroute met tout
Azemmour, vue de la médina sur l’Oum er Rabia. plantation échoua. près de cette cité historique.
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En marge des longues années de elle se trouve, voire le pays où elle En 1513 les relations du Portugal
transformations, elle a su conserver se trouve. Cela est aussi vrai pour avec la population locale s’étaient
un réel cachet historique, composé les petites que les grandes villes. détériorées au point de faire accep-
de présences musulmanes et por- [...] Par contre, aucune personne ter la proposition de D. Jaime - duc
tugaises. Malheureusement, depuis ne peut se sentir égarée si nous la de Bragance et cousin du roi Manuel
une vingtaine d’années, cette margi- déposons à Azemmour. Il lui suffirait Ier - : organiser une expédition pour
nalisation a entraîné la ruine d’une de voir l’Oum Errabii et d’apercevoir conquérir la ville.
grande partie de l’habitat tradition- les vieux remparts pour se rendre
nel. compte qu’elle se trouve au Maroc. Bien qu’organisée d’un point de vue
Elle dira qu’il s’agit d’une ville cô- strictement militaire et stratégique,
Les références à cette situation sont tière sous le règne de Souverains cette expédition avait un autre ob-
nombreuses comme nous pouvons Marocains, qu’ils soient Saâdiens ou jectif : la rédemption dudit duc de
le lire dans les textes centrés sur Alouites“. Bragance. En effet, selon l’usage de
l’étude sociale des populations : l’époque, une expédition militaire
“Dans de nombreux cas, les espaces Il y avait déjà plus de 2000 ans que le contre l’ennemi infidèle aurait per-
“oukalisés“ peuplés de néo-cita- site avait été colonisé mais son im- mis d’expier la faute d’un homicide,
dins et lieu privilégié d’exercice de portance fut considérablement ac- dans ce cas un uxoricide, puisque le
la petite production marchande crue par la conquête arabe et l’isla- duc avait commandé la mort de sa
aboutissent à des conditions de vie misation du pays. Sa position le long femme, accusée d’adultère, et de
déplorable (Casbah d’Alger, Annaba, du fleuve lui permettait de bénéficier son amant présumé.
Bizerte, Azemmour) “ (Troin, 1985). des avantages d’un port océanique
naturellement protégé mais aussi Ainsi, “... le 27 août 1513, une forte
Malgré la dégradation matérielle et d’une précieuse réserve de poisson. expédition de 15.000 hommes, sous
le niveau de vie médiocre des habi- le commandement du duc de Bra-
tants du quartier intra-muros, la En 1471, immédiatement après la gance, arrive au port de Mazagan,
cité peut revendiquer une référence prise d’Asilah et de Tanger, un ac- choisi comme base d’opération... Le
identitaire explicite dans le fameux cord fut signé avec le caïd local qui 3 [septembre] au matin, il n’y avait
discours prononcé par le précédent permit d’installer une mission éco- plus un Maure à Azemmour“ (Car-
souverain Hassan II, le 14 janvier nomique portugaise dans la ville. valho, 1942).
1986 : “Si le Maroc est considéré, Après sa conquête, la petite ville fut
de par ses monuments, comme un Dès 1507 les Portugais manifes- modernisée afin d’être adaptée aux
beau pays, il n’en est pas de même tèrent leur ressentiment dans leurs exigences politiques et militaires
pour toutes ses constructions. Nous rapports avec la cité, qui n’était que portugaises et prit sa forme actuelle.
ne faisons pas ici allusion aux bidon- partiellement soumise. Une expédi- En effet, le quartier intra-muros
villes mais aux artères principales tion militaire guidée par Duarte de n’est que partiellement caractérisé
de nos villes... Si nous faisons dé- Armas, s’installa à l’embouchure par la présence portugaise. Basé sur
barquer d’un hélicoptère une per- du fleuve, à quelques centaines de une forme rectangulaire irrégulière,
sonne aux yeux bandés dans une mètres seulement des murailles de
ville marocaine, elle ne sera pas la ville.
en mesure de reconnaître la cité où
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le quartier a subi une subdivision in- dental, relie directement la citadelle Sur le côté s’ouvre l’esplanade qui fut
terne destinée à créer une citadelle - la kasbah - à l’extérieur et n’est la place de la ville, la place d’armes
à l’intérieur du cadre urbain. Par la pas fortifiée. Il s’agit d’une porte ou- sur laquelle s’ouvrait le palais du
suite, la citadelle se transforma en verte tardivement, lorsque les murs gouverneur.
quartier juif. avaient déjà perdu leur fonction
En octobre 1541 le roi Jean III donna défensive. L’autre, Bab Jdid, - Porte Palais du gouverneur
l’ordre d’abandonner les villes de neuve - située à côté de la tour de la
Safi et d’Azemmour et les matériaux couraça, permet l’accès côté océan. Malgré une restauration récente
de construction de cette dernière En revanche, les deux portes per- (2006), il est difficile d’interpréter
furent transportés vers la place de cées à l’époque portugaise suivent aujourd’hui la morphologie du palais
Mazagan - El Jadida, alors en phase les impératifs militaires classiques du gouverneur d’Azemmour. L’édi-
de construction. Ce n’est que le 8 de l’époque. Une ouverture permet- fice, qui fut par la suite utilisé comme
novembre 1541 que le pape édita la tant le passage de la citadelle au prison, a été presque complètement
bulle Licet Apostolicæ Sedis auto- fleuve puis à l’océan et qui, outre la détruit et on ne peut qu’imaginer les
risant l’abandon des places. Mais protection naturelle assurée par la divisions internes à partir de l’ex-
celles-ci étaient désormais tombées différence de niveau entre le plan de ploration du front de mur interne,
aux mains des Maures. la ville et celui du fleuve, est proté- destiné à la composante “civile“ de
En 1822 la population juive demanda gée par une saillie construite dans l’édifice. Selon l’usage de l’époque,
de s’installer dans les murs aban- les remparts. l’édifice fut conçu par les mêmes
donnés de l’actuel El Jadida. Seuls Une seconde porte s’ouvre entre la maîtres d’œuvre que ceux chargés de
les moins aisés s’y installèrent mais, citadelle murée et le reste de la ville la réalisation des remparts, les frères
dans l’impossibilité de maintenir le intra-muros. Elle a la forme d’un Arruda. Ils y laissèrent l’empreinte
cadre urbain, celui-ci déclina peu à coude et elle est dotée d’un double manuéline (gothique flamboyant)
peu pour arriver au niveau de pau- portail avec rainures verticales pou- que l’on aperçoit aujourd’hui encore
vreté actuel. vant supporter une lourde porte et dans le style des fenêtres alors que
Aujourd’hui encore l’enceinte des des grilles métalliques. En emprun- tout le reste a disparu. Ce type de
murs entoure le quartier historique tant ce passage, on passe sous les fenêtre nous permet de comprendre
et, bien que le chemin de ronde ne restes du bastion réalisé pour dé- que, comme dans le cas concomi-
puisse être emprunté dans sa tota- fendre la porte et on sort de l’atal- tant d’Asilah, la couronne portugaise
lité, les murs côté nord permettent ho, la “réduction“ habituellement souhaitait doter ses têtes de pont de
d’admirer le système fortifié et la réalisée dans la ville pour pouvoir fonctions civiles en vue d’administrer
ville, objet des principales transfor- concentrer la défense et l’adapter au le futur territoire colonisé.
mations pendant la période lusita- nombre de défenseurs. Il s’agissait de véhiculer l’image d’un
nienne. royaume du Portugal riche, puissant
Deux portes permettent l’accès à À droite de l’entrée de la citadelle se et noble. Le palais était constitué de
l’intérieur des murs de la kasbah ; trouve la mosquée qui se dresse sur deux corps en forme de “L“, une aile
l’une d’elle, située sur le front occi- l’emplacement de l’ancienne l’église s’appuyant sur les remparts exté-
principale de la ville, déjà construite rieurs et l’autre sur ceux de l’atalho ; à
Azemmour, tour/bastion de St. Christophe. Palais
du gouverneur sur la gauche et, au fond, les rem-
sur les fondations du précédent lieu l’intersection du “L“ se dresse la tour
parts de la médina. de culte musulman. bastionnée de Saint Christophe.
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Malheureusement, cet espace a au- Ce ne fut pas une reconstruction tionnement, nous préférons appe-
jourd’hui été abandonné ; il ne sert totale, au contraire, les frères Ar- ler ces constructions militaires des
que de décor à l’ensemble de la ville ruda choisirent de consolider les “proto-bastions“ car ils préfigurent
qui voit les points des fuites pers- remparts locaux, principalement en le fonctionnement défensif qui sera
pectives se concentrer sur la grande terre, avec des escarpes en pierre et spécifique des fortifications de la
tour-bastionnée, de la même famille briques. L’utilisation des structures Renaissance.
morphologique que la tour proté- existantes peut s’expliquer d’une
geant l’entrée d’Asilah côté terre. part par leur conformité partielle Le proto-bastion de Rayon et le pro-
et par le problème rencontré par to-bastion en “U“ sont deux protubé-
Du haut de la tour-bastion de Saint de nombreux constructeurs d’autre rances qui permettent l’étagement
Christophe, il est possible d’admirer part. En effet, la région ne dispo- des plateformes de tir - trois dans le
le tracé de l’atalho mais également sait pas de chaux de bonne qualité, cas du plus puissant proto-bastion
tout le mur d’enceinte de la cité et comme le confirme les requêtes de Rayon - donc de battre le terri-
son dense tissu urbain actuel. faites aux techniciens de leur en en- toire environnant. Les constructions
voyer du Portugal, donc forcément sont totalement extérieures aux
en quantité limitée. remparts parce que ces derniers
Fortifications et proto-bastions Alors que les fortifications côté terre n’auraient pas supporté les innom-
et vers l’intérieur de la ville sont brables et très puissantes vibrations
En 1513, les frères Arruda arrivèrent principalement traditionnelles, ex- produites par les canons défensifs.
à Azemmour comme ingénieurs cepté la tour-bastion de Saint Chris- La possibilité d’introduire une dé-
militaires chargés d’améliorer l’effi- tophe, côté mer on peut noter une fense croisée et réciproque entre les
cacité des défenses de la citadelle série de modifications dans la tech- deux proto-bastions place ces élé-
qui venait de tomber aux mains des nique de construction militaire. Les ments à la pointe de la technologie
Portugais. À côté de la réduction frères Arruda décidèrent en effet, en militaire de l’époque et nous permet
du mur d’enceinte, rigoureusement plus de consolider fortement le pied d’en apprécier la conception et la
portugais, ils commencèrent à ren- des remparts, d’introduire deux bas- finesse de construction.
forcer les remparts existants pour tions en saillie vers l’extérieur.
introduire des éléments morpholo- À cause de leur forme en “U“, en
giques de modernisation des struc- saillie par rapport à la ligne des Azemmour, proto-bastion du Rayon ; au fond on
tures défensives. remparts, mais surtout de leur posi-
aperçooit l’autre proto-bastion, dit en “U“.
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for several weeks by a Moorish army En signe de mépris, le monarque lo- le trafic maritime connut une forte
allegedli 150.000 strong, which was cal décida d’abandonner la ville qui croissance. “Le premier navire à
however forced eventually to with- fut rebaptisée Al Mahdouma (l’Aban- vapeur de la compagnie Blend Line
draw after suffering heavy casual- donnée). est arrivé à El Jadida vers 1855 et, en
ties in many unsuccessful attempts Un demi-siècle plus tard, en 1821, la 1883, plus de 115 navires ont visité la
to penetrate the defences“. (Bury, colonie juive d’Azemmour demanda ville“ (Jmahri, 1987).
1979). au sultan Moulay Abderrahmane En effet, vers les années 1860,
Pendant la corégence hispano-por- l’autorisation de s’installer dans la la construction de la route reliant
tugaise (1580-1640) la ville fut auto- citadelle fortifiée. Le droit de coloni- El Jadida à Marrakech favorisa la
risée à devenir port franc, de façon sation fut accordé ainsi que le chan- croissance du port au détriment de
à faciliter les échanges commer- gement de nom de la ville : El Jadida celui d’Essaouira qui, étant plus au
ciaux entre la péninsule ibérique et (la Nouvelle). Pendant le protectorat, sud, obligeait les navires à une route
la région de Doukkala, alors grande le nom portugais fut repris et fran- plus longue depuis et vers l’Europe.
exportatrice de froment. On proposa cisé en Mazagan. La croissance se poursuivit et en
également de procéder à un échange 1911 on compta jusqu’à 462 navires
entre les villes de Mazagan et de La- La reconquête de la ville portugaise immédiatement après l’occupation
rache au nord afin d’empêcher que est facilement compréhensible, sur- française et même 662 en 1923.
cette dernière s’enrichisse grâce tout à une époque d’expansion de la
aux pillages des convois espagnols navigation et de l’économie en gé- Le développement du port de Ca-
perpétrés par les pirates locaux. néral. Les limites de navigation qui sablanca limita celui d’El Jadida,
avaient induit les Portugais à aban- marginalisant la ville qui connut
En 1769 l’armée conduite par le sou- donner Azemmour touchaient éga- une profonde crise jusqu’à ce que
verain Mohammed Ben Abdallah lement la navigation commerciale la nouvelle subdivision administra-
assiégea à nouveau la ville et, après du XIXème siècle. El Jadida offrait une tive du royaume la place à la tête de
plusieurs tentatives militaires, un meilleure baie et un port déjà creu- la Province de Doukkala (1967.) En
accord de reddition conditionnée fut sé. 1978 le site de Jorf Lasfar fut choisi
signé : les Portugais pouvaient s’en De plus, compte tenu de son passé, pour accueillir un grand port indus-
aller, par la mer, pendant une trêve la cité n’avait pas une bourgeoisie triel et de grandes usines destinées
spéciale. musulmane florissante en mesure au traitement des phosphates et à
C’est ainsi que 11 mars 1769 fut de contrôler les échanges commer- la transformation pétrochimique ; le
abandonnée la place forte qui avait ciaux et pour la population juive - et complexe est actif depuis 1983 et il a
résisté à plus de deux siècles d’as- pour celle des Consulats européens permis à la ville de sortir définitive-
sauts constants. Lors de leur départ, - les possibilités commerciales ment de la marginalité. Aujourd’hui,
les Portugais ne respectèrent pas étaient très favorables. les échanges maritimes posi-
les clauses de l’accord ; ils tuèrent tionnent la Préfecture d’El Jadida au
tous les animaux et minèrent les Suite à la défaite marocaine d’Isly troisième rang national derrière Aïn
bastions côté terre qui, en explosant (1844), les ports atlantiques furent Sebaâ (Casablanca) et Safi.
au passage des troupes marocaines, progressivement ouverts aux com- Malheureusement le quartier por-
provoquèrent de très nombreuses merces occidentaux. La cité acquit tugais n’a pas connu le même déve-
victimes (on parle de 8.000 morts). un grand nombre de consulats et loppement que le reste de la ville et,
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au cours des années qui suivirent souvent proposée comme alterna- totalement aboutie, l’innovation de la
l’indépendance, il a connu un déclin tive à la peine de mort… défense à géométrie croisée appa-
général qui l’a conduit à devenir un La fortification fut construite entre raissait déjà clairement.
quartier pauvre et marginal. 1541 et 1542 et fut le fruit d’une La forteresse fut partiellement
importante collaboration entre des construite les pieds dans l’eau,
À partir des années 1980, on note un personnages éminents de l’époque. une part importante est en effet
certain intérêt pour les ruines portu- Francisco da Hollanda - l’agent dé- construite sur la mer. Cette solution
gaises et une attention pour le quar- pêché par la couronne portugaise apportait l’assurance de la liaison
tier intra-muros qui, après plusieurs en Italie pour s’emparer des nou- maritime à partir du petit bassin
chantiers de rénovation et de valori- velles techniques de construction extrêmement bien protégé qui se
sation, a débouché sur l’inscription des fortifications - doit avoir fourni trouve au-delà de la porte de la mer.
de la cité portugaise de Mazagan (El les premiers plans qui ont servi à Un reste morphologique de couraça
Jadida) sur la liste Unesco du patri- déterminer la localisation exacte de est identifiable dans la tour en saillie
moine mondial (Voir “les acteurs la fortification. Benedetto da Raven- qui couvre l’accès à la porte et aux
publics du patrimoine et l’impact na - ingénieur militaire de premier embarcations éventuellement au
local“). ordre au service du roi d’Espagne mouillage.
et temporairement “prêté“ au roi de Pour la construction, deux entrées
Les remparts Renaissance Portugal pour une supervision des furent réalisées mais furent en-
forteresses nord africaines - conçut suite fermées. La plus importante
La silhouette de la cité portugaise la forteresse. Fancisco de Arruda - est celle de la porte de la mer,
d’El Jadida est, avant tout, représen- la première personne pouvant se aujourd’hui une vaste arcade qui
tée par la ligne monumentale de ses parer du titre innovant d’ingénieur ne présente pas une morphologie
remparts Renaissance. militaire - choisit la position et resta défensive raisonnable. Cette porte
sur le site pendant la conception, n’est d’ailleurs présente sur aucune
La construction de cette forteresse secondant Benedetto da Ravenna. carte ancienne de la ville, d’où une
devait répondre à un critère fonda- João de Castilho et João Ribeiro la certaine recherche quant à sa réali-
mental pour toutes les défenses de réalisèrent et suivirent les travaux, sation et à son utilisation.
l’époque : elle devait être inexpu- faisant les modifications et adapta- Actuellement la théorie interpréta-
gnable. D’une certaine façon on peut tions appropriées. tive la plus accréditée - qu’aucune
dire que le résultat fut atteint car Son plan reprend l’une des théories source inéluctable ne confirme
nonobstant l’absence totale de sou- schématiques du début de la Renais- d’ailleurs - indique le grand portail
tien dans le voisinage, cette place sance selon laquelle l’étoile défen- comme effectivement portugais,
forte résista pendant presque deux sive à quatre branches en saillie réalisé pendant la construction de la
siècles et demi ; sans doute au prix s’appuyait sur la transformation fortification et laissé ouvert pendant
d’investissements et de sacrifices de tout le rempart en un très vaste la période de construction pour per-
particulièrement lourds. bastion chargé de fonctionner de mettre aux embarcations chargées
Certes la vie de garnison devait y concert avec le rempart adjacent afin des lourds matériaux de construc-
être très difficile. Il suffit de dire que de couvrir un très vaste champ, battu tion d’aborder - rappelons qu’envi-
trois ans de service constant dans un par le tir croisé. Bien que la morpho- ron la moitié du quartier était natu-
avant-poste africain étaient la peine logie des bastions ne soit pas encore rellement inondée.
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La région centrale
Par la suite, l’arc portant de la porte Antoine, Saint Esprit) et celui dit “du la manutention des pièces d’artille-
fut comblé par un large parement Gouverneur“, qui protégeaient l’en- rie. La défense était très différente
maçonné sur lequel s’adossaient trée centrale. Ce dernier a été com- de celle des techniques militaires
des habitations. Pour l’instant, au- plètement détruit. précédentes : il n’y avait plus besoin
cune source historique primaire Le front rappelait le schéma défensif de passages à l’intérieur de la ville
ne peut confirmer cette thèse mais de la florentine forteresse da Basso fortifiée pour le transfert rapide des
l’absence d’indications dans les réalisée au cours de la décennie pré- hommes armés d’un point à l’autre.
cartes du XVIIème siècle et l’archéolo- cédente. Aujourd’hui, la seule porte Les liaisons et les déplacements
gie architecturale de la porte - ab- vers la terre a été doublée d’une étaient très limités et empruntaient
sence de structure défensive, tech- portée pour faciliter le passage et directement le chemin de ronde.
niques de construction élaborées et surtout elle a été flanquée en 1916 A l’époque portugaise, le chemin de
supérieures à la qualité des modi- de ce qui semble être l’entrée princi- ronde s’ouvrait directement sur la
fications du XIXe siècle - indiquent pale : une ouverture ménagée dans ville et tous les édifices intérieurs
cette lecture comme assez probable l’axe de la rue principale, alignée sur avaient une hauteur inférieure à
bien que non irréfutable. la porte de la mer. celle des remparts. Il était ainsi pos-
Les bastions sont dotés de case- sible d’embrasser du regard toute la
Aujourd’hui l’entrée à la ville s’ef- mates avec embrasures mais on structure défensive et de protéger
fectue côté terre ; la présence du n’aperçoit que celles du Bastion les constructions internes.
port cache la vision des murs méri- Saint Antoine avec, côté nord, la Actuellement les habitations sont
dionaux - entre le bastion du Saint petite porte dite “de la Trahison“ qui plus hautes que les remparts. Cer-
Esprit et celui de l’Ange - et la route permettait le passage à l’extérieur à taines - rares - permettent même de
réalisée sur les anciennes douves partir d’un angle relativement pro- voir à l’extérieur. En outre, un mur a
permet la vue côté occidental - entre tégé, derrière l’orillon, à côté d’une été réalisé à l’intérieur (1880) pour
le bastion de Saint-Antoine et le bas- embrasure affleurant l’eau. cacher l’intérieur des maisons de-
tion du Saint Esprit. Au niveau inférieur du bastion du puis les remparts.
Au cours de la période portugaise, Saint Esprit, les ouvertures se sont
les remparts de la ville étaient aujourd’hui presque toutes écrou- Les bastions cavaliers principaux
entourés d’un fossé défensif rem- lées et ne sont accessibles que sont plus vastes, même si aujourd’hui
pli d’eau de mer et doublés d’un depuis l’intérieur du chantier naval cette sensation est faussée par les
appareil mural plus extérieur pour annexé au port. démolitions. Le bastion de l’Ange se
protéger l’entrée. Pour faciliter les Il est possible de monter sur les dresse entièrement sur la mer et a
conditions de vie, ces défenses ont remparts à partir des deux bastions une forme significative : une riche
été démolies. ainsi que depuis la rampe qui longe batterie de meurtrières à embra-
Le front intérieur est le plus dété- la porte de la mer et le chemin de sures pointent vers la mer, pour dé-
rioré. Outre des bombardements ronde peut être emprunté sur trois fendre le port et la ville alors que le
plus lourds, il a également été miné des quatre côtés de la forteresse. bastion à proprement dit est doté de
lors du départ des Portugais. Ini- Ledit chemin de ronde est large et casemates et de plans de tir décou-
tialement composé d’une courtine protégé par une muraille extérieure verts. La forme n’est pas encore lan-
continue, sans créneaux ni merlons de forme paraboïdale. Il était desser- céolée, mais il s’agit probablement
et défendue par deux bastions (Saint vi par cinq plans inclinés permettant d’un choix délibéré : la principale
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La région centrale
fonction de ce bastion était probable- pêche tant la consolidation de points La citerne
ment de tirer sur des embarcations, d’attaque terrestres que l’approche
une forme de tir plus directe, plus d’embarcations). Cette formidable forteresse fut réa-
incidente, que celle des défenses des Ce bastion abrite la chapelle Saint lisée autour du plus ancien château
bastions de terre. Sébastien - ancienne synagogue royal qui perdit toute valeur militaire
du XIXéme siècle - dotée d’un front et fut transformé en citerne d’eau
A l’opposé, de forme plus classi- assez scénographique et d’ouver- douce. Il s’agit de l’édifice le plus
quement Renaissance, le bastion de tures directes sur l’océan. A partir connu et le plus emblématique de la
Saint Antoine est doté d’orillons - ce- du balcon d’entrée, il est possible de ville ; bien que l’extérieur soit plutôt
lui côté ouest a été détruit - pour la jouir de la vue sur tout le quartier. insignifiant, à l’intérieur il abrite un
défense rasante et d’un vaste plan de Côté méridional, entre le bastion de espace hautement scénographique.
tir surélevé qui permet d’embrasser l’Ange et celui du Saint Esprit, on peut Construit autour d’une tour érigée
du regard tout le quartier extérieur. encore voir le fossé défensif d’environ par les frères Diogo et Francisco de
Côté nord, outre la porte de la Trahi- 14 mètres de largeur. Il permettait le Arruda - probablement la tour Bore-
son, il accueille également la porte mouillage temporaire des embarca- ja aujourd’hui entièrement recons-
des Bœufs, utilisée au moment de tions et, chose importante, une pêche truite et qui accueille un poste de
la construction de la forteresse pour qui apparemment était particulière- police - il constituait à lui seul une
permettre l’entrée des matériaux de ment fructueuse. La seule partie en- forteresse destinée à appuyer la ville
terrassement du fossé, utilisés pour core présente est utilisée comme port d’Azemmour et à lui assurer un ac-
remplir l’intérieur des remparts. et comme crique pour le chantier na- cès vers la mer en cas de problèmes
D’abord laissée ouverte, et elle fut val situé immédiatement à l’extérieur de navigation fluviale, aléatoire en
fermée lors du siège de 1562 car elle du bastion du Saint Esprit. Depuis ce fonction des saisons et surtout facile
constituait un point faible de la forte- dernier il est possible de jouir d’une à interrompre en cas de pression
resse et n’a été rouverte qu’au XIXéme vue panoramique sur la forteresse, le militaire.
siècle. quartier central de la cité d’El Jadida
Au nord-est, la fortification est re- et la vaste plage du golfe. Trois autres tours vinrent complé-
présentée par le bastion de Saint Sé- ter la première, aux quatre coins du
bastien. Sa position par rapport à la Les expérimentations menées sur château. La plus évidente est celle
mer explique sa forme asymétrique : la forteresse de Mazagan furent qui anciennement s’appelait do Re-
seul le côté nord est doté d’un orillon exploitées sur d’autres sites portu- bate (Tocsin) parce qu’elle abritait
qui interagissait dans la défense avec gais notamment lors de réalisation le système de guet et d’alarme. Ac-
le bastion de Saint Antoine, alors des défenses bastionnées de Ceuta tuellement elle sert de minaret pour
que le côté est - vers la mer, visible et de Diu (Inde) mais l’exemple le la mosquée adjacente.
aujourd’hui grâce à la jetée du port plus significatif est sans conteste la
moderne - était quasiment dépourvu forteresse de San Sebastian de l’Ilha D’après plusieurs sources - non
d’appareils défensifs, comme d’ail- de Moçambique, capitale de l’Afrique entièrement confirmées - la tour
leurs les remparts qui le raccordent orientale portugaise de 1570 à 1898, de la Cigogne, dépouillée de ses
à la porte de la mer, privée d’espace lorsqu’elle fut déplacée à Lorenço équipements rigoureusement mili-
de tir (ici la forteresse s’appuie sur Marques, actuel Maputo. taires, accueillit la résidence du
un fond rocheux affleurant qui em- gouverneur portugais. La dernière
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
La région centrale
Le quartier intra-muros Sur la rue donnent la citerne et rieur, un simple plan rectangulaire
quelques édifices résidentiels de à une seule nef. Après une étude
À l’intérieur des remparts se dresse standing datant de l’époque mercan- archéologique réalisée directement
un quartier d’origine Renaissance. tile du XIXéme siècle. Vers la terre - par le Centre d’Études Maroco-lu-
Bien qu’il n’existe pas de plans ni côté occident - on peut noter la place sitanien, elle a été restaurée et est
de cartes de sa conception - les d’armes, partiellement transformée aujourd’hui ouverte au public, à l’oc-
concepteurs étant occupés par la au XIXéme siècle, place publique re- casion d’expositions et autres mani-
conception des ouvrages de défense présentative de la ville. festations culturelles.
- le résultat est évidemment une mi- Le clocher fut étêté au XIXème siècle,
ni-ville de conception Renaissance. Sur la place, anciennement dotée lorsque l’église déconsacrée ser-
d’une fontaine publique, se dressait vit d’habitation. Il fut reconstruit -
Aujourd’hui encore et malgré d’in- la résidence du Gouverneur - minée et rehaussé - à l’époque coloniale
nombrables transformations, cette lors du départ des Portugais - à l’em- lorsque l’église recouvra sa fonction
origine donne du quartier une image placement de laquelle se trouve au- religieuse.
assez homogène et discrète, réservée. jourd’hui la mosquée, l’hôpital de la Aujourd’hui, le quartier intra-muros
Miséricorde, qui jouxtait les murs de n’est plus qu’un simple quartier de
Le tracé urbain se fonde sur un axe la citerne et l’église Notre Dame de l’agglomération, isolé et peu inté-
rectiligne principal qui divise le quar- l’Assomption (Nossa Senhora da As- gré au reste de la ville. Il retrouve
tier en deux parties asymétriques. sunção), sainte patronne de la ville. un certain intérêt grâce aux activités
Les dimensions de la partie nord La façade de l’église, édifiée à par- touristiques, à l’attention des insti-
sont approximativement le double tir de la seconde moitié du XVIème tutions et au dynamisme de l’asso-
de la partie sud. De cet axe partent siècle, rappelle vaguement l’église ciation de la Cité portugaise.
des rues orthogonales à droite et à Sant’Andrea réalisée à Mantoue par
gauche qui organisent l’espace sui- Leon Battista Alberti., avec, à l’inté- El Jadida, Citerne, vue de la salle centrale.
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
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La région centrale
Safi - Safim - 1481, La cité était formellement contrôlée ture fut percée pour permettre aux
par les cheikhs de Marrakech mais soldats de pénétrer à l’intérieur des
1508 à 1541 elle jouissait d’une grande autono- murs et se jouer facilement de la
mie et était, de ce fait, en proie à défense locale.
Points d’interêt remarquables : différentes factions : pro-espagnole, Ici encore, comme dans presque
pro-portugaise mais aussi sceptique toutes les places d’Afrique du Nord,
• L’ Ex-Cathédrale vis-à-vis des Européens et réso- les Portugais revirent la structure
• Ketchla - Le château du Haut lument liée aux dynasties musul- défensive de la ville, opérant une sé-
• Le château de la Mer manes. rie de réductions des parcours mu-
raux - atalho - et leur régularisation.
Plutôt imposante, la médina de Safi Ce conflit permanent pour la supré- Dans le cas de Safi, la réduction se
n’est désormais qu’une petite par- matie faisait régner le chaos et le fit sur les deux côtés de la ville, sans
tie de la vaste agglomération ur- 28 août 1481 les émissaires du roi limiter cependant sa profondeur
baine. Toute la ville est dominée par Alphonse V réussirent à arracher un vers l’intérieur afin de permettre
le port destiné à l’exportation des contrat de protection. Ce contrat fut l’intégration du château érigé sur la
phosphates et par le chemin de fer confirmé et prorogé le 16 octobre colline, l’actuelle Ketchla. Côté nord,
qui coupe le centre, longe le quar- 1488 lorsque le contrat de protecto- où les remparts portugais longent
tier historique et l’isole de la mer. A rat fut reconduit par le nouveau roi un vallon, une tour de l’enceinte pré-
l’emplacement des anciens docks se Jean III. cédente a été maintenue, formant
trouve une place et tout le matériel Malgré la présence portugaise, la une sorte de tenaille - indiquée en
est déchargé directement dans le ville continuait d’être mal adminis- portugais comme couraça -, parfai-
port industriel situé en aval du très trée et en perpétuel conflit. En 1508, tement visible aujourd’hui encore.
grand port de pêche. Diogo de Azambuja, émissaire royal, Globalement, les remparts restent
arriva à Safi avec la mission de cal- de type rigoureusement médié-
Pour les Portugais du XVème siècle, mer les esprits et de trouver une val : hauts, droits et sans aucune
Safi représentait un point d’accès solution aux litiges permanents. concession aux possibilités de dé-
important aux richesses du Douk- Après avoir évalué la situation, il fense rasante de l’artillerie. Tout le
kala ; la cité était déjà influente et se rendit compte de l’impossibi- périmètre est doté d’un chemin de
cosmopolite lorsque des marchands lité d’administrer une ville de cette ronde, mais seule la partie septen-
portugais commencèrent à s’y ins- façon et, animé par la nécessité de trionale est ouverte au public (entrée
taller. Dès les années 1470 le site mettre un terme à cette situation, depuis la tour de protection de la
abritait une feitoria, suffisamment il s’empara militairement de la ville porte Almedina.)
grande et peuplée pour posséder sa qui fut donc directement adminis- La protection de la ville contre les
propre chapelle et un aumônier. trée par les Portugais. attaques était confiée à deux châ-
teaux : la Ketchla (Château du Haut)
Safi - Château de la Mer. En haut, une vue de l’in-
Il semble que la conquête militaire sur la colline pour les attaques por-
térieur de la ville, le donjon (une tour carré dans de la ville eut lieu sans trop d’effu- tées depuis l’intérieur des terres et
ce cas), résidence pour le commandement mili- sion de sang ; la feitoria portugaise le Château de la Mer pour les at-
taire. En bas, une vue de l’extérieur, avec les tours
rondes, sur la gauche la tour qui est en train de
se trouvait près des remparts occi- taques depuis la mer ou le sud. Ce
s’écrouler à cause de la houle marine. dentaux, vers le port et une ouver- dernier protégeait également les
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
La région centrale
installations commerciales et por- des droits et libertés accordés. Bien pour le développement d’un secteur
tuaires. L’expansion et la puissance qu’aucun ghetto n’ait été consti- industriel lié à ces produits miniers,
de la ville furent telles qu’en 1515 tué, la communauté juive s’établit installé principalement à Sidi Rosia,
les capitaines réunis de Safi, Azem- dans la partie basse de la ville qui au sud de la ville, sur le littoral.
mour et Mazagan attaquèrent la était également la moins salubre et Proche de la ville historique se trouve
capitale Marrakech, sans arriver à la la plus proche des lieux dédiés au la colline des céramistes où pendant
conquérir, ni à la piller. commerce maritime. des siècles ont été produites - et au-
Malheureusement, la découverte À l’intérieur des murs, l’influence jourd’hui vendues - les céramiques
de mines de phosphates dans la de l’orographie est évidente : la rue traditionnelles de Safi, répandues
région et la construction d’un port principale - l’ancienne rua direita sur tout le territoire marocain.
industriel à côté du port de pêche a portugaise - divise le quartier en
conduit à la construction d’une ligne deux parties hétérogènes. Vers la L’Ex-cathédrale
de chemin de fer le long de la côte. mer, la ville est plate et outre le
En 1936, sa construction a nécessité ghetto juif, elle accueillait les diffé- À l’intérieur de la médina, près de
la destruction d’une partie des rem- rentes activités commerciales, pro- la mosquée principale érigée sur
parts et modifié totalement le rap- duisant un tissu urbain plutôt régu- l’emplacement de la cathédrale por-
port de la ville à la mer, aujourd’hui lier. De l’autre, la colline couronnée tugaise se trouve un édifice appelé la
encore limité par l’impossibilité d’un par la Ketchla est restée une zone cathédrale de Safi et qui est effecti-
accès direct. résidentielle aux ruelles destinées vement ce qu’il en reste : une partie
La ville fut le pôle principal de la en grande partie à desservir les es- du transept.
présence portugaise au Maroc cen- paces de voisinage. Quelques années après leur instal-
tral qui accueillait le Gouverneur de Portugaise jusqu’en 1541, lorsqu’elle lation, en 1519, les Portugais lan-
la région et l’Évêque. Pour faciliter la fut conquise par les armées saa- cèrent la construction de la cathé-
reprise rapide et le développement diennes, elle ne connut pas de drale dédiée à Sainte Catherine afin
du commerce, des privilèges parti- développement particulier, basant d’accueillir dignement l’évêque. Il
culiers furent octroyés à la commu- ses activités sur la pêche et la pro- s’agit d’un édifice manuélin, peut-
nauté juive locale. duction de poterie. Au XIXe siècle, être le seul édifice non militaire de
“Aux Juifs, il [le capitaine de la place elle fut le premier port de pêche du style gothique de toute l’Afrique sep-
de Safi] communiqua l’édit royal du Maroc, spécialisé dans la transfor- tentrionale. La communauté locale
4 mai 1508 qui leur donnait l’assu- mation industrielle du poisson. La en finança directement la construc-
rance de n’être jamais expulsés de grande transformation de la ville est tion, soulignant la richesse du com-
la ville ni contraints d’embrasser la due à la production des phosphates merce.
religion catholique, tout au moins provenant des gisements de Yous- La présence d’un évêché rend cette
sans en être prévenus deux ans soufia, à environ quatre-vingts kilo- ville unique : toutes les églises de
d’avance et même dédommagés“ mètres à l’intérieur des terres. l’actuel Maroc dépendaient formel-
(Goulven, 1938). Après la création du port moderne lement du roi de Portugal, comme
Les conditions furent telles qu’un à l’époque coloniale - qui fonctionne l’avait établi le pape Alexandre VI en
certain nombre de juifs portugais aujourd’hui encore et est spécia- 1499 et comme l’avait confirmé son
décidèrent d’abandonner la mère lisé en produits semi-ouvrés dérivés successeur le pape Léon X par une
patrie pour s’installer ici et profiter des phosphates - la ville fut choisie bulle de 1514.
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
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La région centrale
Le premier évêque de Safi fut nom- que le Roi a l’intention d’abandon-
mé par le pape Alexandre VI le 17 ner..., pour leur épargner la honte
juin 1499 alors que les Portugais ne de tomber aux mains des Infidèles“
contrôlaient pas encore complète la (Goulven, 1938, 39). À l’emplace-
ville. Ce n’est qu’après la perte de ment de la cathédrale fut réalisée
la ville que les églises d’Afrique du la mosquée principale, isolant et
Nord furent incorporées au diocèse abandonnant le transept qui servit
de la capitale, avec pour intermé- de dépendance au hammam voisin.
diaires les évêques de Ceuta et Tan- Dans l’ouvrage intitulé “Les sources
ger, à leur tour liés à l’archevêché de inédites de l’histoire du Maroc“ (de P.
Lisbonne. de Cénival, D. Lopes et R. Ricard) on
Lorsqu’ils abandonnèrent la ville, les peut lire que l’accès était obligatoi-
Portugais démolirent la plupart des rement fait à quatre pattes à cause
constructions religieuses “L’ambas- de la présence séculaire des détritus
sadeur à Rome, Brás Neto, par ordre du hammam.
du Roi, demanda à Paul II l’autori-
sation de supprimer les églises et Safi, voute en style “manuélin“ (gothique flam-
boyant) de la salle dite “Cathédrale portugaise“, en
couvents des possessions d’Afrique effet transept de l’ancienne cathédrale.
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
La région centrale
Les vestiges furent protégés comme Au cours de cette décennie, les his- Pour renforcer, même symboli-
patrimoine historique en 1924 toriens portugais ont essayé de re- quement, la présence portugaise,
lorsqu’ils furent vidés des détritus construire la ville à partir de sources les armes du roi Manuel Ier furent
du hammam. À l’indépendance du textuelles, de façon à pouvoir - dans sculptées sur la porte d’entrée (voir
Maroc, la “cathédrale“ a été à nou- le futur - entreprendre des son- la couverture de cet ouvrage).
veau abandonnée, les autorités de dages archéologiques qui pourraient
l’époque ayant d’autres priorités. mettre en lumière une partie de la Le côté vers la mer est radicale-
Ce n’est que dans les années 1990 mémoire de la ville du XVIème siècle. ment différent. En effet, alors que
qu’elle connut un regain d’intérêt En montant à l’intérieur de la ville le côté vers la terre est entièrement
et qu’elle fut utilisée comme siège murée, on arrive au sommet de la dédié à la guerre, donc dépourvu de
d’expositions. La restauration et Ketchla, forteresse imposante qui fenêtres, en pierre et extrêmement
l’ouverture au public datent de la domine le quartier. austère, l’autre côté, ouvert sur la
seconde moitié des années 1990 ville, est un hôtel particulier, rési-
lorsque, grâce à l’activité du Cen- Ketchla - Le château du haut dence du gouverneur et sans fonc-
tro Maroco-lusitanien, d’importants tion militaire directe.
travaux de nettoyage et de consoli- La Ketchla est un fort d’origine al-
dation furent entrepris. Depuis, la mohade (XIIème siècle) que les Por- Cette résidence est aujourd’hui un
“cathédrale“ est ouverte au public et tugais trouvèrent en parfait état de lieu de culture, de mémoire et de
accueille une partie des expositions fonctionnement et surtout, stratégi- formation, mais aussi de production
de la ville. quement positionné. d’art et d’artisanat. Siège de fonc-
Ils le renforcèrent immédiatement, tions administratives publiques, il
Actuellement, la Fondation Calouste le dotant d’une énorme demi-lune est construit sur deux niveaux de
Gulbenkian a un projet de restaura- fortifiée complétée de quatre case- référence. Le niveau supérieur -
tion qui permettra à l’édifice d’at- mates avec embrasures et d’un avec l’entrée principale - accueille
teindre un niveau de conservation plan de tir découvert. Ces aména- des bureaux, une salle de prière et
optimal. gements permettaient de frapper le un espace d’expositions culturelles ;
flanc de la colline et d’en assurer la depuis la cour voisine on peut accé-
L’intérieur de la ville murée possède protection. der au musée national de la poterie
une autre présence patrimoniale reli- qui propose des objets en terre cuite
gieuse d’origine portugaise : le cou- Pour renforcer le système, sur la de tout le pays, d’un grand intérêt
vent sainte Catherine. Les sources droite et sur la gauche de la forti- technique et historique. Dans cette
historiques mentionnent ce couvent à fication, aux angles du mur d’en- partie haute, la Ketchla accueille
partir de 1514 bien que les principaux ceinte, deux tours semi-circulaires également le conservatoire, pour la
travaux n’aient été enregistrés qu’en bastionnées furent réalisées. Elles formation de jeunes musiciens.
1517. Les restes, qui semblent être permettaient de défendre une vaste Plusieurs antennes du Ministère
particulièrement imposants et de étendue de terre tout en renforçant de la Culture trouvent également
qualité, se trouvent à l’intérieur d’une l’image de puissance. On attribue place à l’étage supérieur aligné sur
résidence privée et l’accès y est donc la conception de cette défense aux le sommet de la colline. Grâce au
extrêmement difficile. fameux frères Diogo et Francisco de dénivelé, deux locaux ayant servi de
Arruda, mais sans certitude. prison hébergent aujourd’hui deux
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La région centrale
laboratoires artisanaux du Ministère ton, entraînant la fermeture du châ- de plans de tir sur le sommet. La
de la Culture, un atelier de menui- teau au public et la réalisation d’un seconde tour, vers la mer, est réa-
serie et une ferronnerie d’art. Ils soutènement de la structure, côté lisée à l’extrémité d’un pan de mur
sont chargés de la production des mer. En 2010 un autre glissement qui l’éloigne de la rigide structure
pièces nécessaires à la restauration important a provoqué l’éboulement du château, composant ici encore,
des grands palais nationaux et des partiel de la tour ronde à l’extrémité comme dans le cas de la tour exté-
demeures royales. de la couraça. rieure sur le front septentrional des
remparts, une tenaille - couraça.
La liaison interne entre les différents La construction du château date de Cette tour s’est en partie écroulée
étages n’est pas ouverte au public, 1516. Suite aux sièges des années en 2010.
mais l’accès y est souvent toléré. précédentes les Portugais déci-
Depuis cet édifice, on jouit d’une dèrent de fermer le pas aux attaques Le reste du château gravite autour
vue panoramique sur la ville, tant à ennemies en provenance du sud où d’un patio central qui, grâce à des
partir des balcons des bureaux prin- le système défensif de la ville était rampes inclinées, dessert les vastes
cipaux que des anciens plans de tir plus fragile. De cette position, le terrasses de tir tournées aussi bien
desquels on peut observer toute la château pouvait assurer la défense vers la terre que vers la mer.
structure défensive de la place forte. et la protection de la ville même Il est bien difficile d’apprécier la vue
En regardant la mer, on distingue contre les assauts provenant de la de ce château à cause de la voie de
nettement, en contrebas sur la mer. chemin de fer qui l’isole de la ville ;
gauche, le château de la Mer et les par ailleurs, les problèmes statiques
remparts nord et sud. Ces derniers, Le site avait déjà été occupé puisque récurrents ne permettent pas d’éva-
comme les autres d’une épaisseur d’anciennes constructions forti- luer correctement l’importance et
d’environ 5 mètres, supportent le fiées mineures y avaient été réali- l’opportunité des travaux à entre-
chemin de ronde qui menait directe- sées. Ce que nous pouvons admirer prendre pour sauvegarder cet ou-
ment au château de la Mer, construit aujourd’hui a été achevé en 1523, vrage monumental.
sur un piton rocheux à pic sur le port. un ouvrage à base quadrangulaire
d’une soixantaine de mètre de côté,
Le château de la Mer archétype de la fortification de la fin
du Moyen Age.
Juché sur un piton rocheux, le grand
château médiéval surplombe la baie La forteresse est dotée d’une demi-
de Safi. Malheureusement, cette lune, protégée par un puissant don-
Safi, Ketchla. En haut, vue de la Ketchla de l’inté-
position se révèle aujourd’hui dan- jon d’angle carré qui accueillait la rieur de la médina, sa partie “palais, résidence“ (et
gereuse parce que les flots sont en résidence du commandant du châ- actuellement bureaux de la Délégation régionale du
train d’effriter lentement le pic ce teau. Sur le front nord, à pic sur la Ministère de la Culture). En bas, vue de l’extérieur,
sur la droite l’immense bastion rond avec plan de tir
qui conduira à la destruction de la mer, on peut observer une fenêtre sur le sommet. Sur la gauche, une tour-bastionnée
forteresse. de type manuélin. à protection de l’angle de la muraille. A remarquer
Les deux côtés exposés aux assauts les canonnières couvertes, aussi bien dans le bas-
tion rond que dans la tour-bastionnée. Couverte par
En 2002, une forte tempête a entraî- sont dotés de deux tours rondes les deux appareils, la porte d’accès au fort, directe-
né l’éboulement d’une partie du pi- avec casemates à embrasures et ment ouvert vers l’extérieur de la ville.
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La région centrale
Souira Kedima - Aguz La petite fortification - un rectangle Selon une légende locale, la place
d’environ 40 mètres par 25 - est ren- forte fut construite en une seule
1521 à 1525 forcée sur deux angles par de larges nuit. Cette légende trouve fonde-
tours rondes, dépourvues d’habita- ment dans l’habitude portugaise de
La forteresse d’Aguz a été construite tions. l’époque de préparer, au Portugal,
en 1521, à quelques kilomètres au les éléments préfabriqués destinés
sud de Safi et elle a été abandonnée Ce type de fortification la situe dans aux fortifications. Ce mode opéra-
seulement quatre années plus tard. l’histoire de la typologie entre le bas toire permettait la réalisation extrê-
A la limite rocheuse d’une vaste baie Moyen-âge - comme Asilah - et le mement rapide des premières lignes
sableuse, le site fut choisi en 1519 début de la Renaissance - comme de défense, la première protection
par l’évêque de Safi, en quête d’un Mazagan/El Jadida -. Elle rappelle contre les attaques de la population
site sur lequel ériger une nouvelle le fort de Vila Viçosa aux confins de autochtone.
fortification destinée à renforcer le l’Espagne qui, à son tour rappelle
contrôle portugais de la côte. plusieurs plans de Léonard de Vinci “C’est surtout avec Dom Manuel
figurant dans le Code Atlantique. que cette technique se généralisa :
Le site fut abandonné en 1525 et il s’agit de l’utilisation systématique
pendant plusieurs siècles il n’eut Cette forteresse isolée peut être de châteaux de bois préfabriqués
plus aucune fonction. Les qualités considérée comme une transition et transportés en Afrique et en Ex-
nautiques de la baie ont conduit, au entre les fortifications médiévales trême Orient“ (Vieira da Silva, 1994).
cours de la seconde moitié du XXème et renaissance et entre les deux pé-
siècle, à la construction d’un petit riodes de la présence lusitanienne Après les restaurations extrême-
port de pêche, juste à côté de la for- sur les territoires d’Afrique du Nord. ment fragmentaires et partielles
teresse et à proximité du village de des années 1980, la forteresse est
pêcheurs. Même pendant la période d’expan- aujourd’hui (2011) en phase de res-
sion, les Portugais commencèrent tauration et de consolidation. Mal-
Au cours des deux dernières décen- à fortifier une nouvelle place forte heureusement, l’organisation du
nies, un quartier touristique a été en mesure de contrôler une autre chantier et les premiers travaux
implanté le long de la plage, profi- base océanique dotée d’un arrière- effectués ne laissent pas présager
tant ainsi de la baie et de la longue pays riche et cultivable. Seulement d’un soin particulier des travaux,
plage de sable. Dans les environs quatre ans plus tard, la pression mi- ni d’une attention aux spécificités
immédiats du port et de la forteresse litaire décrétait la faillite de ce pro- patrimoniales et authentiques de
plusieurs édifices ont été réalisés jet qui fut abandonné en faveur d’un l’édifice.
qui accueillent - au premier étage premier retranchement à l’intérieur
- des petits restaurants, simples et de murs plus robustes, ceux de Safi
conviviaux. dans ce cas.
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La région centrale
Essaouira - Le château de Mogador mais sur la terre ferme, tion de la forteresse. Il est cepen-
où aujourd’hui se trouve le port de dant sûr qu’il n’existe aucune trace
royal de Mogador - 1506 à pêche. évidente et visible de sa présence.
1541 Il ne resta aux mains des Portugais Souvent et de façon erronée, le fort
que quelques années - certaines récent et abandonné sur la plage est
La baie d’Essaouira est particuliè- sources anciennes soutiennent qu’il indiqué comme fort portugais.
rement bien protégée par l’île de a résisté jusqu’en 1541, et qu’il est
Mogador qui, en plus lui donner tombé en même temps qu’Agadir, La ville actuelle fut fondée en 1769,
son nom colonial, brise la force des Safi et Azemmour alors que des longtemps après le départ des Por-
ondes océaniques. Cette caracté- sources plus récentes indiquent tugais, par ordre du sultan Sidi Mo-
ristique est extrêmement appréciée la fin de la présence portugaise en hammed Ben Abdallah qui voulu,
aujourd’hui par les nombreux sur- 1510 - et aujourd’hui il n’en reste par cet acte, donner un port à la ville
feurs qui fréquentent la baie. pas de traces visibles. de Marrakech et marquer le contrôle
réel des côtes et des routes océa-
Le développement touristique et pa- Sa démolition au départ des Portu- niques.
trimonial de la ville -inscrite depuis gais ne fut pas immédiate ni totale.
2001 sur la liste du patrimoine mon- Il existe des plans et des références Essaouira intra-muros fut conçue
dial de l’Unesco - en fait un point qui remontent aux XVIème et XVIIème par un prisonnier français converti
d’attraction majeur le long du littoral siècles. Certains plans de Théo- - Théodore Cornut - suivant un plan
marocain. dore Cornut, concepteur de la ville qui rappelle fortement la disposi-
actuelle, indiquent le fort portugais tion classique gréco-romaine des
Compte tenu des conditions mari- à l’emplacement actuel de la Skala espaces urbains, avec deux rues -
times, la baie accueillit tous les qui aurait donc été construite sur cardo et decumanus - se croisant
navigateurs depuis l’Antiquité - Phé- les bases de l’ancienne fortification. au centre de la ville où se tient le
niciens, Romains, Vénitiens, Génois, Ces plans montrent également des marché et une place ouverte, sorte
Marseillais, Catalans, Aragonais… - canons frappés aux armes du Por- d’agora de la nouvelle ville.
et elle fut certainement une escale tugal.
commerciale pour les Portugais.
Ceux-ci s’y installèrent en 1506, avec Malheureusement, aucune source
un château royal qui, contrairement plus précise ne peut permettre
à son nom, n’a pas été bâti sur l’île d’identifier précisément la localisa-
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Un “semblant“ de glossaire
Pendant la rédaction de ce guide, exploiter au mieux les conditions faciles à défendre. À Safi, la modi-
nous nous sommes aperçu que géomorphologiques des différents fication du tracé des remparts les
l’emploi de certains termes va au- sites. éloigna d’une source d’eau, parti-
delà de leur simple signification, En territoire hostile, l’activité agri- culièrement importante en cas de
donc de leur traduction. Nous avons cole, qui occupait de grands es- siège. Une des tours des murs de
donc décidé de les laisser dans leur paces dans les villes conquises, fut l’enceinte d’origine fut donc conser-
langue d’origine et de réaliser ce drastiquement réduite et déplacée vée et consolidée car elle permettait
chapitre pour les présenter et les à l’extérieur du mur d’enceinte. Le de contrôler la source ; un haut pont
expliquer. nombre d’habitants et les catégo- franchissait le dénivelé de la vallée
ries socioprofessionnelles s’en trou- pour raccorder la tour, de ce fait ex-
Il s’agit de termes liés aux transfor- vaient profondément modifiés ; tous centrée, à la nouvelle ligne fortifiée.
mations morphologiques introduites les espaces précédemment destinés Dans le cas d’Asilah, il n’existait pas
par les Portugais dans les villes aux productions agricoles ou à l’éle- de forte orographie naturelle. La ville
d’Afrique du Nord au fur et à mesure vage étaient donc fortement réduits se développait déjà le long de la mer
de leurs conquêtes. Ces transforma- voire totalement supprimés. et le tracé de l’atalho a été effectué
tions visaient à adapter les espaces perpendiculairement à la ligne du
aux exigences et aux coutumes des La principale raison était d’ordre mi- front de mer : un long mur rectiligne
nouveaux occupants. litaire. Les garnisons étaient néces- - doublé, à l’extérieur, d’un fossé -
sairement limitées et pour pouvoir a entravé tout développement de la
assurer une défense appropriée, il ville vers l’intérieur. Il est possible
Atalho - était nécessaire de réduire le péri- aujourd’hui encore de percevoir
mètre à défendre. le tracé des murs “pré-portugais“
Immédiatement après la conquête
Parfois, les transformations furent puisqu’une voie carrossable a été
d’un site, les Portugais avaient pour
draconiennes. Dans le cas de Ceuta, construite sur leurs fondations pen-
principe de réduire, parfois drasti-
la ville portugaise fut en effet réduite dant le protectorat espagnol.
quement, les dimensions des villes
à un seul quartier, l’isthme qui relie
dans lesquelles ils s’installaient.
la terre ferme au mont Acho. Deux Le cas d’Azemmour est en revanche
Cette sorte de “réduction“ prend le
courts tronçons de murailles érigés complètement différent. La cité se
nom d’atalho (“atállio“ en phoné-
entre les deux plages permettaient dresse sur les rives de l’Oum er Rbia
tique française) et se matérialise
de créer un espace indépendant, et exploite un dénivelé vers le fleuve
par la construction, à l’intérieur
protégé par les remparts et par la pour protéger son plus long côté ; au
du mur d’enceinte existant, de nou-
mer - où la marine portugaise pen- début de la domination directe por-
velles murailles. À la suite de cette
sait avoir systématiquement une tugaise, le problème de la sécurité
construction, une partie des quar-
nette supériorité. se posa et la solution retenue fut
tiers se retrouvent donc à l’extérieur
Dans les grandes villes de Tanger et celle de réduire la ville intra-muros
de l’enceinte fortifiée (vient de tal-
de Safi, les réductions furent réali- en réalisant une citadelle fortifiée.
har : tailler, couper).
sées le long des courbes de niveau, Un mur orthogonal au fleuve et au
Il s’agit objectivement d’un choix
de façon à exploiter l’orographie petit côté des remparts scinde donc
d’ordre rigoureusement utilitariste,
favorable : les quartiers “bas“ furent la médina, reliant entre eux les deux
pragmatique et militaire destiné à
séparés des quartiers “hauts“, plus côtés longs.
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
Un “semblant“ de glossaire
À la réduction du système défensif La couraça est le signe évident du Le cas le plus évident de couraça se
s’ajoutait la destruction systéma- besoin de maintenir le lien avec la trouve à Ksar Seghir, ville forteresse
tique des quartiers désormais situés mer et, parallèlement de la pression qui a vu le cours de son fleuve se
à l’extérieur et abandonnés ; les exercée par les populations locales modifier alors qu’initialement il en
matériaux pouvaient ainsi être réu- sur les places fortes en quelque léchait les remparts.
tilisés pour la construction des nou- sorte isolées de l’arrière-pays. Il
veaux remparts et le terrain libéré s’agit d’une sorte de projection des Lors de la fondation de la ville, anté-
afin d’empêcher l’ennemi d’y trouver fortifications sur la mer, une galerie cédente à l’installation portugaise,
refuge. fortifiée qui, sortant des remparts celle-ci fut dotée d’un port fluvial,
de la ville, se prolonge vers l’océan proche des remparts qui en assu-
Les atalho furent donc des actes pour permettre une défense plus raient la protection. Au fil du temps,
de transformation urbaine particu- proche et mieux articulée. à cause de l’éloignement du lit du
lièrement importants parce qu’ils Consolidée à son extrémité par une fleuve et de l’augmentation des di-
donnèrent de nouvelles formes aux tour, la couraça permet les dépla- mensions des embarcations, pour
cités fortifiées, formes qui devinrent cements à couvert entre la ville et la les accostages, il fut indispensable
les formes des villes historiques : mer et facilite donc le débarquement d’utiliser la baie qui se trouvait alors
aujourd’hui les tracés des remparts et l’embarquement des troupes et du assez éloignée des remparts.
des médinas sont ceux des interven- matériel sous la pression ennemie.
tions portugaises qui ont donc défi- Elle permet également de “conqué- Les Portugais construisirent une
nitivement marqué les aggloméra- rir“ la plage et de dissuader l’enne- longue galerie couverte et forti-
tions nord-africaines, tant dans leur mi de toute installation destinée à fiée s’achevant par une porte pro-
forme défensive que dans leur forme boucher le passage. tégée par deux petites tours qui,
urbaine. à l’époque, avaient les pieds dans
Cette construction se note sur- l’eau. Aujourd’hui, suite à l’ensable-
Couraça - tout dans les installations plus an- ment progressif de la baie, les tours
ciennes. Bien que difficile à recon- se trouvent au milieu de la plage, à
Indissolublement liés à l’océan, les naître, elle est présente aujourd’hui quelques dizaines de mètres de la
Portugais incluaient systématique- encore à Ceuta à côté des fonde- ligne d’eau.
ment la bande côtière à la partie ments d’un restaurant. Malheureu-
protégée de la ville ; les différentes sement, la couraça de Tanger ne Avec le temps et la modification des
réductions n’ont jamais séparé les peut être appréciée que dans les do- géométries générales des fortifica-
villes de l’eau. C’est précisément cuments historiques où sa présence tions et l’augmentation de la portée
dans la jonction avec la mer que se est parfaitement visible. des canons, le rôle de cet élément
trouve un second élément de l’archi- Dans le cas d’Azemmour et d’Asi- défensif diminua. Dans le cas de
tecture militaire qui marqua la pré- lah, la couraça a une dimension très Mazagão/El Jadida c’est la struc-
sence portugaise : la couraça (“co_ limitée à cause de la localisation ture même des fortifications qui se
uráça“ en phonétique française). des remparts qui se dressent déjà charge de la défense précédemment
à la limite des eaux, ne laissant que assurée par la couraça : les bastions
peu d’espace aux Portugais et aux de l’Ange et de Saint Sébastien pro-
assaillants. tègent l’accès vers et depuis la mer,
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
Un “semblant“ de glossaire
et empêchent de recevoir des tirs di- rôle de lieu de stockage des mar- Les terreiro sont devenus des es-
rects. La petite protection située im- chandises et de place d’armes. paces sous-exploités mais pouvant
médiatement à côté de la porte de la Lors des cérémonies, la population offrir un fort potentiel de dévelop-
Mer pourrait être identifiée comme se rassemblait sur le terreiro tout pement. Celui d’Azemmour avait
reste de la couraça. comme les chevaliers avant les in- été abandonné - il se trouve entre la
cursions dans l’arrière-pays. résidence du Gouverneur et la porte
Terreiro - de la kasbah - mais il est en train de
De ce fait, le terreiro - seul espace trouver une fonction publique inté-
Terme d’origine rurale, indiquant public et collectif en plein air - finit ressante et utile ; celui d’Asilah est
traditionnellement un espace ouvert par caractériser tous les sites an- de plus en plus utilisé pour les acti-
situé dans le voisinage immédiat de ciennement lusitaniens. Dans le cas vités touristiques.
l’édifice principal de la communau- de Ceuta, ville sous contrôle ibérique
té, souvent le palais féodal qui ac- depuis 1415, le terreiro s’est trans- Dès lors, contrairement à la tradition
cueillait les principales cérémonies formé pour devenir l’actuelle place locale, les noyaux urbains ayant subi
publiques, laïques et religieuses. d’Afrique sur laquelle se dresse la une présence portugaise possèdent
cathédrale. Dans les autres villes, une place, souvent centrale, qui les
Dans les enclaves militaires, le ter- passées sous le contrôle de dynas- caractérise aujourd’hui encore.
reiro (“tér_réirue“ en phonétique ties régnantes nord-africaines, le
française) était de fait le seul espace sort du terreiro est moins “noble“,
Les Atalho/Couraça/Terreiro dans les forteresses
en plein air qui n’était pas directe- les collectivités passées et pré- portugaises en Afrique du Nord
ment intéressé par les fonctions de sentes étant moins enclines à l’utili-
guerre. Il joua en conséquence le sation des places publiques.
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Les installations - Au
déclin du Moyen-âge
Les premières installations portu-
gaises remontent à la première moi-
tié du XVème siècle, lorsque, dès la
prise de possession des sites, ceux-
ci étaient adaptés aux nécessités
défensives lusitaniennes. Chaque
fois que cela était possible, les an-
ciennes murailles étaient conser-
vées et renforcées.
Les parties des fortifications qui
n’étaient pas directement modifiées fortifications de Ksar Seghir, mais les trajets, en s’éloignant des struc-
pour être adaptées aux nouvelles aussi de Safi où les hautes murailles tures locales traditionnelles dont la
géométries défensives étaient quoi font également office de chemine- composition n’accordait pas la prio-
qu’il en soit consolidées et renfor- ment entre les deux pôles du sys- rité aux liaisons linéaires et directes.
cées. Ceci comportait, en général, tème défensif : la Ketchla et le Châ- Les tracés urbains contemporains
l’introduction de puissantes es- teau de la Mer. se ressentent aujourd’hui encore de
carpes à la base des murailles et ces choix, comme on peut le voir sur-
des tours. À l’époque, la défense était fonda- tout à l’intérieur des murs d’Asilah,
Les ouvrages restaient typiquement mentalement basée sur l’apport mais aussi dans la partie “basse“ de
médiévaux c’est-à-dire hauts, - sou- humain direct ; les garnisons avaient Safi - où les commerçants portugais
vent plus hauts que les constructions donc besoin de pouvoir effectuer rapi- étaient plus nombreux et où les rues
existantes - peu épais et dotés de dement le déplacement des troupes dessinent des îlots plutôt réguliers.
chemins de ronde protégés par des à l’intérieur des forteresses, de façon
Ksar Seghir - Vue des murailles de la première
créneaux permettant l’usage d’arcs à être présents en nombre suffisant période portugaise ; sur l’image à gauche, les mu-
et d’arbalètes contre l’ennemi. sur le lieu où se déroulait la bataille. railles étaient encore verticales et hautes.
Les meurtrières étaient très petites Dans la configuration urbaine des
En 2010 et 2011, des travaux de restauration ont
et souvent peu nombreuses, parfois petites villes, on peut noter la ten- porté sur le rétablissement et la consolidation de
même inexistantes. C’est le cas des tative de redresser au maximum plusieurs escarpes.
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La transformation morphologique
conduisit à l’introduction de nou-
veaux types de meurtrières qui
prirent le nom d’embrasures, et à
l’augmentation généralisée de la
dimension des tours, de façon à per-
mettre l’installation des canons mais
aussi de supporter les puissantes
vibrations provoquées par les tirs.
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
Sommaire
6 Introduction
9 Les vestiges d’une épopée
13 354 ans de présence - Trois siècles et demi d’histoire
13 La constitution du protectorat : 1415 à 1541
15 Le retranchement : 1542 à 1769
19 Le processus de valorisation de l’héritage culturel : la construction du fait patrimonial
20 Un tremplin privé en faveur du développement local
23 Les acteurs publics du patrimoine et l’impact local
27 Les installations dans la péninsule tingitane
27 Ceuta/Sebta (Espagne) - 1415 à 1640
35 Ksar Seghir - Alcàcer Ceguer 1458 à 1550
41 Tanger - 1471 à 1662
47 Asilah - Arzila - 1471 à 1589)
55 La région centrale
55 Azemmour - Azamor - 1471, 1513 à 1541
63 El Jadida - Mazagão - Al Mahdouma - Mazagan - 1502 à 1769
73 Safi - Safim - 1508 à 1541
81 Souira Kedima - Aguz 1521 à 1525
85 Agadir - Santa Cruz de Cabo de Guer - 1505 à 1541
87 Essaouira - Le château royal de Mogador - 1506 à 1541
88 Les places mineures ou incertaines
90 Un “semblant“ de glossaire
90 Atalho -
91 Couraça -
92 Terreiro -
94 La grande transition : ou l’histoire des fortifications entre Moyenâge et Renaissance
104 Les rois portugais entre 1415 et 1769
105 Bibliographie
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
L’héritage portugais au Maroc : un patrimoine d’actualité fait partie du projet Mutual He-
ritage: from historical integration to contemporary active participation, un projet sur le pa-
trimoine architectural et urbain récent dans le monde méditerranéen, financé par l’Union
européenne dans le cadre du programme Euromed Heritage 4. Mutual Heritage vise à
identifier, documenter et promouvoir le patrimoine récent des XIXème et XXème siècles,
afin d’encourager l’intégration du patrimoine culturel dans la vie économique et sociale
actuelle.
Le patrimoine partagé récent doit être reconnu et préservé comme une composante signi-
ficative d’une identité méditerranéenne complexe et multiple. Parce qu’il est récent -et
souvent importé et imposé-, ce patrimoine est plutôt négligé et souffre d’un manque d’in-
térêt. La valeur potentielle du patrimoine architectural et urbain des deux siècles derniers
nécessite donc d’être mise en valeur afin de jouer un rôle dynamique dans les stratégies
de développement.
Un projet sur les patrimoines architecturaux et urbains récents dans le monde méditer-
ranéen. Mutual Heritage développe des instruments et des compétences afin de facili-
ter l’intégration du patrimoine récent dans la vie quotidienne actuelle. L’intégration est la
meilleure solution pour engendrer un processus de développement territorial soucieux de
la population locale, ainsi que pour pérenniser l’héritage historique et valoriser le patri-
moine culturel. Le patrimoine partagé des XIXe et XXe siècles doit être reconnu et préservé
comme une des caractéristiques principales de l’identité méditerranéenne.
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L’HERITAGE PORTUGAIS AU MAROC, UN PATRIMOINE D’ACTUALITE
Ce guide du patrimoine bâti par les Portugais en Déjà reconnus comme patrimoine pendant la période
Afrique du Nord aborde une composante méconnue de coloniale française mais intégrés que récemment à la
l’histoire : l’héritage matériel bâti par la couronne por- vie patrimoniale active, ces vestiges restent relative-
tugaise entre 1415, prise de Ceuta et 1769, départ de ment marginaux, tant parce qu’ils sont quantitativement
Mazagão (actuelle El Jadida). Au cours de cette épopée limités que parce qu’ils ne portent pas de valeurs identi-
historique, les Portugais ont érigé un chapelet de for- taires directement liées à la population actuelle.
tifications côtières qui font aujourd’hui partie de l’héri-
tage monumental marocain. Bien que difficile à reconnaître, au regard de l’histoire de
l’architecture militaire, le patrimoine luso-marocain se
L’héritage matériel actuel est encore clairement visible ; révèle particulièrement riche, diversifié et intéressant.
il n’est désormais pas plus portugais que marocain mais Tous les types de défense de l’époque dite “de transi-
commun aux deux nations : portugais pour sa constitu- tion“ sont représentés : à partir des structures médié-
tion, marocain pour sa localisation. vales jusqu’à à celles de la Renaissance, des tours car-
rées simples à de véritables fronts bastionnés.
Il s’agit en grande partie de remparts et de construc-
tions militaires, constructions dotées d’une grande Il s’agit de postes de contrôle et de défense des an-
inertie formelle ; de ce fait, ils sont encore lisibles et ils ciennes portes, encore bien présents à Asilah et à Azem-
marquent plusieurs villes de la côte marocaine : Ksar mour ou des remparts protégeant la ville et qui assurent
Seghir, Tanger, Asilah, Azemmour, El Jadida, Safi et la jonction entre les différents châteaux - comme ceux
Suira Kedima. Des liens avec les villes d’Agadir et Es- qui relient la Kechla et le Château de la mer à Safi. On
saouira sont inévitables, comme ils le sont avec la ville note ensuite les systèmes plus complexes de la moder-
espagnole de Ceuta. nité, comme les proto-bastions d’Azemmour et la cita-
delle bastionnée d’El Jadida.
Le caractère allogène du patrimoine architectural luso-
marocain lui confère des valeurs historiques et symbo- L’épopée portugaise en Afrique du Nord marque une
liques particulières : il résulte de pratiques urbaines étape fondamentale de l’histoire : le début de la globa-
exportées du Portugal vers les territoires coloniaux, lisation telle que nous la connaissons aujourd’hui, six
s’adaptant au territoire local et générant une pratique siècles plus tard. On assiste ici aux prémices de ce qui
nouvelle et spécifique. deviendra un patrimoine mutuel remarquable.
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