MAI 2012
VOLUME 37
NUMÉRO 1
SOMMAIRE
MOT DE LA PRÉSIDENTE
3
La responsabilité individuelle dans le continuum
d’une vie professionnelle
Par Lucie Forget, pht, M.A., présidente
CHRONIQUE DE LA DIRECTION
DU DÉVELOPPEMENT ET DU SOUTIEN
PROFESSIONNELS
11
Par Sandy Sadler, directrice du développement
et du soutien professionnels
CHRONIQUE DE LA DIRECTION GÉNÉRALE
6
Vos formateurs invités sont-ils en règle ?
Par Claude Laurent, notaire, Adm. A., directeur général
et secrétaire de l’Ordre
CHRONIQUE DE L’INSPECTION
PROFESSIONNELLE
13
CHRONIQUE DU BUREAU DU SYNDIC
7
Le laisser-faire : une option inacceptable
9
Vous êtes physiothérapeute ou thérapeute en
réadaptation physique et vous désirez ouvrir votre clinique ?
Voici quelques conseils qui pourront vous y aider !
Par les Services juridiques
Analyse, raisonnement clinique,
impression clinique, diagnostic émis :
des synonymes ?
Par Gilbert Chartier, pht, M.A.P., directeur
de l’inspection professionnelle
Par Louise Gauthier, syndique
CHRONIQUE JURIDIQUE
Une collaboration inter-ordre fructueuse
CHRONIQUE DES RÉCIPIENDAIRES
15
Entraînement en puissance chez
les patientes avec arthrose du genou :
une étude pilote
Par Denis Pelletier, pht, M. Sc., Patrick
Boissy, Ph. D., Cédric Gingras-Hill, B. Sc.
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VOLUME 37
NUMÉRO 1
SOMMAIRE suite
CHRONIQUE ÉTUDIANTE « NOUVEAU »
LES INFOS
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Analyse éthique : l’utilisation TENS en soins palliatifs
oncologiques — primum non nocere
Par J. Legault, M. Laliberté, pht, M. Sc., J.O. Dyer, pht, Ph. D.
L’objectif du Physio-Québec est de créer un réseau d’information de nature à servir de référence aux physiothérapeutes et aux thérapeutes en réadaptation physique du Québec.
Cet outil de communication vise aussi à parler de leurs professions, de leurs réalisations, à
présenter les activités de l’Ordre et ses services. La reproduction des textes est autorisée
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Chronique ÉTUDIANTE
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Chronique ÉTUDIANTE
Analyse éthique : l’utilisation du TENS
en soins palliatifs oncologiques –
Primum non nocere
Les indications d’utilisation de la neurostimulation électrique transcutanée (TENS)
sont nombreuses en physiothérapie. En
effet, en agissant par différents mécanismes de modulation de la douleur, cette
modalité est indiquée dans des cas d’algies
aigües et chroniques[1]. Ses mécanismes
d’action sont principalement basés sur
l’inhibition de la douleur, telle qu’elle a
été décrite par la théorie du Portillon, et
sur l’activation du système descendant
des opiacés endogènes[2-5]. D’ailleurs,
certaines études ont démontré l’efficacité du TENS pour soulager les patients
souffrant de tumeurs[6-8].
Toutefois, la littérature actuelle demeure
assez partagée quant à l’application du
TENS chez ces patients[9-11]. En effet,
certains auteurs proscrivent formellement
cette modalité dans les cas de cancer alors
que d’autres nuancent son utilisation.
Ainsi, dans un récent numéro, la revue
Physiotherapy Canada de l’Association
canadienne de physiothérapie (ACP)
affirme que l’utilisation du TENS est
contre-indiquée localement au site du
cancer ou en cas de suspicion de cancer,
sauf pour les soins palliatifs. Cet avis ne
fait pas consensus puisque pour l’Australian Physiotherapy Association et pour la
Chartered Society of Physiotherapy, le
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cancer constitue respectivement une précaution et une contre-indication locale.
De son côté, la plateforme web Électrologic* affirme que l’usage du TENS constitue une contre-indication locale au site
cancéreux, celui-ci pouvant toutefois être
appliqué à distance de la zone affectée[12].
En cas de métastases, cette modalité
devient une contre-indication générale.
Chez les patients ayant un antécédent de
cancer, il est recommandé d’attendre cinq
ans de rémission avant d’employer de
nouveau le TENS sur le site affecté. La
possibilité de l’appliquer chez des patients
cancéreux en fin de vie avec un consensus
interdisciplinaire est évoquée.
Afin de mieux comprendre ces recommandations, il faut analyser la littérature
qui les sous-tend. En ce qui a trait aux
effets néfastes potentiels du TENS, certaines données suggèrent que la stimulation électrique pourrait stimuler la
croissance tumorale et favoriser la propagation des cellules cancéreuses[13]. De
plus, le TENS pourrait masquer la douleur
associée à un néoplasme et ainsi empêcher
un diagnostic urgent[13]. En contrepartie,
d’autres études faites chez le modèle
animal démontrent, avec un faible niveau
de preuve, que l’usage de la stimulation
électrique peut inhiber la croissance tumo-
par J. Legault, M. Laliberté, pht,
M.Sc., J.O. Dyer, pht, Ph.D
rale[13]. De toute évidence, ces recommandations de prudence sont basées sur
des études peu convaincantes, utilisant
des courants électriques autres que le
TENS sur des modèles animaux et, qui
plus est, montrant des résultats contradictoires[13]. Ainsi, la prudence de ces
contre-indications n’est pas appuyée sur
des données concluantes, celles-ci n’arrivant pas à prouver les effets néfastes du
TENS chez les patients cancéreux. À cet
égard, l’ACP affirme que la gravité de ces
effets négatifs potentiels, soit de favoriser
le cancer, justifie le principe de prudence.
Voilà pourquoi il est important de réfléchir
aux implications de ces recommandations
afin de choisir, de manière éclairée, les
traitements optimaux pour nos patients.
C’est ici que prend tout son sens la maxime
primum non nocere : avant tout, ne pas
nuire. Ce principe de non-malfaisance est
le garde-fou de l’éthique médicale. Ainsi,
le défi quotidien des professionnels de la
santé est d’améliorer la condition de leurs
patients et surtout, de ne pas leur nuire.
Toutefois, aucune intervention n’est
dépourvue de risques. Il faut donc gérer
ceux-ci en soupesant le pour et le contre
selon un jugement clinique et un processus rationnel tel qu’illustré dans le cas
clinique suivant.
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Chronique ÉTUDIANTE
Chronique ÉTUDIANTE
Analyse éthique
Madame Simon est atteinte d’un cancer
du sein avec métastases osseuses. Elle
reçoit des traitements palliatifs de radiothérapie. Elle est très souffrante. Consciente
des effets des médicaments antalgiques
sur sa condition, elle désire limiter leur
usage grâce à des thérapies de rechange,
et ce, afin de conserver sa pleine
conscience. Ainsi, le TENS est une option
thérapeutique qui peut être efficace pour
gérer certaines douleurs cancéreuses, facile
à administrer par la patiente elle-même
et peu coûteuse[6]. Cependant, plusieurs
cliniciens sont réticents à lui proposer cette
modalité. Que faire ?
Tout d’abord, afin de nous assurer d’un
consentement libre et éclairé[14], nous
aurions l’obligation d’informer la patiente
des risques et bénéfices associés à cette
modalité, des possibles conséquences de
même que des solutions de rechange
envisageables. La patiente devrait choisir,
de manière autonome et réfléchie, si elle
désire recevoir ce traitement, et ce, selon
ses objectifs thérapeutiques et ses valeurs.
Par la suite, nous déciderions d’appliquer
cette modalité afin de vérifier si elle permet de réduire la douleur et l’usage des
médicaments antalgiques de manière cliniquement significative.
L’objectif de ce commentaire est de guider
une prise de décision clinique concernant
l’usage du TENS dans le cadre d’une intervention physiothérapique en soins palliatifs oncologiques en intégrant les grands
principes d’éthique.
D’un autre côté, plusieurs thérapeutes
pourraient décider de ne pas appliquer ni
proposer cette modalité d’électrothérapie
sous prétexte d’agir avec prudence. Certains pourraient même brandir le principe
de non-malfaisance, justifiant ainsi leur
refus d’appliquer le TENS. Donc, en utilisant notre jugement pratique et en reconnaissant le désir de Madame Simon, soit
de diminuer ses souffrances tout en réduisant la prise de médicaments, nous
devrions trouver des solutions ne risquant
pas d’accélérer le processus de développement tumoral. Dans ces circonstances,
le physiothérapeute pourrait alors envisager d’utiliser d’autres options thérapeutiques démontrées aussi bénéfiques que
l’électrothérapie. En effet, il pourrait choisir d’utiliser les principes de cryothérapie,
ceux-ci étant indiqués dans ce cas clinique[13]. Cette modalité aurait un effet
antalgique qui pourrait être bénéfique[15],
et ce, sans risque additionnel lié à la condi-
Dans cette situation, en proposant le TENS,
le physiothérapeute agirait dans le meilleur
intérêt de la patiente afin d’améliorer sa
qualité de fin de vie, et ce, en diminuant
ses souffrances. Les frais reliés à ces traitements ou à l’achat d’un TENS demeureraient raisonnables, seraient moindres
que ceux engendrés par l’achat de médicaments et seraient corrélatifs à nos
attentes thérapeutiques, soit de diminuer
la douleur et les effets secondaires de la
médication[6]. Même si certaines données
suggèrent que le TENS pourrait accélérer
l’évolution du cancer[13], ce risque étant
très mitigé, nous déciderions d’appliquer
tout de même cette modalité, guidé par
notre jugement clinique.
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suite
tion de la patiente, excluant ainsi celui de
propagation cancéreuse[13]. De son côté,
l’électrothérapie pourrait être néfaste sur
ce plan.
Il serait souhaitable, à la suite de cette
analyse des enjeux éthiques, d’opter pour
le traitement optimal, c’est-à-dire celui
qui atteindrait le but visé tout en limitant
les effets néfastes potentiels. Il faudrait
garder en tête que si la modalité ne donnait pas les effets escomptés malgré l’ajustement des paramètres, nous devrions y
renoncer pour ne pas faire courir un risque
inutile à la patiente. De plus, il serait important que ce processus soit effectué en
collaboration interdisciplinaire afin de
discuter avec l’équipe d’intervenants de
l’utilisation de cette modalité et d’établir
des objectifs communs ainsi qu’un plan
d’intervention dans une approche centrée
sur la patiente. Ainsi, il serait approprié
de combiner l’électrothérapie, la cryothérapie et la prise de médicaments de
manière à bénéficier au maximum des
effets de chaque intervention tout en
diminuant les risques et les effets indésirables associés à chacune d’entre elles.
Cette approche thérapeutique combinée
devrait tenir compte des besoins et de la
réponse de la patiente. Cela constituerait
un moyen judicieux d’obtenir le juste
milieu thérapeutique, qui permettrait de
respecter le souhait de la patiente, soit de
diminuer ses souffrances, tout en considérant les risques potentiels du TENS dans
cette situation.
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Chronique ÉTUDIANTE
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Chronique ÉTUDIANTE
Analyse éthique
Références
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electric nerve stimulation (TENS) for
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15. Israël, L., Ensemble face à la douleur
– prévention, traitement et prise en
charge [actes du colloque]. Les colloques de l’Institut Servier, 2005, Paris :
Elsevier. 1 vol. (265) : p.121-4.
11. Robb, K.A., D.J. Newham, and J.E.
Williams, Transcutaneous electrical
nerve stimulation vs. transcutaneous
spinal electroanalgesia for chronic
pain associated with breast cancer
treatments. Journal of pain and symptom management, 2007. 33(4) :
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12. Chaffey, S., Dumoulin C., Électrologic
(TENS), 2010. Consulté le 1er octobre
2011. Tiré de http ://www.readap.
umontreal. ca/
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