Charles Quint

Après le sac de Rome, peu de gens croyaient à la sincérité de Charles Quint et à sa proclamation d’innocence. Ses détracteurs le considéraient comme un tyran hypocrite et cruel et comme le principal responsable des souffrances infligées à la population romaine. De nombreux documents satiriques portent les traces de la haine et du mépris que les Italiens ressentaient à l’égard du nouvel empereur. Dans les pasquinades, l’empereur est souvent traité de marrane hypocrite et mécréant, et ses adversaires parlent de lui comme d’un luthérien qui aurait favorisé l’expansion de la secte hérétique et qui évoquait continuellement le Concile pour intimider le pape.
Parallèlement à cette hostilité envers l’action menée en Italie par Charles Quint, une autre image du personnage se développe, suscitée celle-ci, dans un premier temps, par la propagande impériale. La chancellerie impériale tentait de rendre Charles Quint innocent des souffrances infligées aux Romains et considérait la mort de Charles de Bourbon comme un dessein de la Providence voulant punir Rome, repaire de scandales et de corruption. Le parti impérial s’appliquait à présenter le souverain comme un homme aux mille vertus, aussi bien capable de réformer l’Église que de mettre un terme à la fracture de la Chrétienté. Il s’agit là des prémices d’un processus systématique de déformation et d’amplification de l’image du puissant monarque.

Depuis le XIIIe siècle, la légende du Second Charlemagne était très enracinée en Italie, surtout à Florence, où une vieille tradition considérait le roi des Francs comme le bienfaiteur de la ville. Ce nouveau Charlemagne était attendu comme celui qui allait rétablir une époque de splendeur sur la terre permettant en même temps la réalisation d’une réforme de la société.
En 1545, un agent impérial, adresse au duc de Florence un précis sur la généalogie de Charlemagne et de Charles Quint écrit par Pietro Mareno. Ce livre renouait avec l'image mythique de Charlemagne et établissait une ligne directe entre Charles Quint et son ancêtre présumé.
Cette légende subira des modifications significatives pour être adaptée à la nouvelle situation politique de Florence, désormais sous le protectorat de l'Empire.

Dans la première moitié des années vingt du XVIe siècle, Charles Quint avait appuyé l’espoir de révolte de la faction populaire qui s’opposait au Monte dei Nove. Par cette stratégie, l’empereur voulait faire face à l’influence française dans la République ainsi qu’à celle des Médicis ― alors à la tête de la République de Florence et de l’État de l’Église ― protecteurs des Noveschi. Une fois les rênes du pouvoir entre leurs mains, les représentants du nouveau gouvernement remercièrent Charles Quint en célébrant à maintes reprises ses vertus et sa sagesse, et en le considérant comme un monarque providentiel, protecteur de Sienne et envoyé sur terre pour terrasser l’injustice et la tyrannie. Cependant, Charles Quint avait beaucoup de mal à contenter les différents groupes sociaux de la ville. Il était favorable à un retour dans la ville des fuoriusciti du Monte dei Nove, et en 1530 il finit par imposer une garnison espagnole à la ville.
Avec les changements de la stratégie impériale et la détérioration irréversible des rapports entre l’empereur et les autorités de la ville à cause de l’exaspération des conflits entre les différents Monti, l’image providentielle de Charles Quint se ternira de plus en plus, et pour une grande majorité de citoyens siennois l’empereur deviendra le symbole d’un tyran oppresseur de l’ancienne libertas communale.

Syllabus du Professeur Crouzet qui anime le cours magistral dont ce TD dépend : «Le cours s’attachera tout d’abord à décrire et
analyser la constitution et la gestion d’un espace politique sur dimensionné, sur lequel le soleil ne se couchait jamais et qui voulait porter en lui, par- delà ses diversités, l’imaginaire d’une monarchie universelle : un espace s’étendant des Pays-Bas à la Franche-Comté, des domaines patrimoniaux des HASBOURGS aux Royaumes Ibériques, de Naples à la Sicile, de la Sardaigne au Milanais, du Saint-empire aux Amériques.

L’analyse de la correspondance présente dans les Archives de Simancas, m’a permis d’une part de mettre en lumière le rôle de l’empereur dans l’application des réformes réalisées par l’administration napolitaine, et d’autre part de revenir sur un thème qui a fait couler beaucoup d’encre chez les historiens, à savoir, la supposée tentative de Pedro de Tolède d’introduire l’Inquisition à Naples en 1547 « à la manière espagnole ».
Le deuxième aspect analysé dans cette communication concerne la thèse du complot soutenue par le vice-roi pour justifier la violente répression exercée sur les chefs de la rébellion dans la capitale et dans le royaume. Enfin, sont analysés l’attitude ambiguë de Charles Quint pendant et après la révolte, ainsi que le rôle joué par l’Église de Rome dans ces mêmes circonstances. Contraire à la destitution du vice-roi, mais aussi à l’envoi d’un commissaire extraordinaire, comme le demandaient les révoltés, l’attitude de Charles Quint offrit au vice-roi la possibilité d’utiliser la manière forte. Ce dernier accusa la ville de rébellion, la priva de tous les privilèges dont elle jouissait et mena une action répressive contre l’ensemble des classes sociales touchant aussi bien les nobles attitrés, les nobles sans titres, le patriciat citadin et la classe populaire, à laquelle il reprochait de se laisser manipuler par la noblesse. De plus, il s’acharna tout particulièrement contre les juristes ou magistrats qui défendaient les droits des institutions citadines et contre l’ensemble des litterati qui participèrent directement à la contestation.
Selon la source la plus détaillée et la plus fiable de l’époque, l’Istoria du notaire Antonino Castaldo, utilisée aujourd’hui comme base de reconstruction des événements, les Académies napolitaines furent définitivement fermées par ordre du vice-roi à la fin de l’année 1547. Aux yeux du pouvoir, ces institutions culturelles étaient coupables d’alimenter les sensibilités hérétiques et une attitude anti-espagnole. Les documents présents à Simancas confirment le lien étroit entre l’opposition des différentes couches de la noblesse napolitaine à la politique absolutiste de Pedro de Tolède et la nouvelle hétérodoxie religieuse qui, surtout dans la capitale et à travers Juan de Valdès et son cercle, avait gagné beaucoup d’adeptes, y compris chez ces mêmes nobles. En effet, la nouvelle spiritualité d’inspiration réformiste eut une influence notable sur la branche la plus cultivée de l’aristocratie napolitaine.
Mais il y a plus. L’analyse de ces documents montre que les mêmes personnalités, qui auparavant animaient les débats culturels, se trouvaient maintenant à la tête de la résistance au pouvoir et que les réunions politiques se déroulaient dans les mêmes lieux que ceux fréquentés par les Académies. Dans sa correspondance avec la cour, Pedro de Tolède ne cite jamais le mot « académie », mais parle tout simplement de « conventicules » et de « congrégations illicites ». Au-delà de la figure charismatique de Ferrante Sanseverino, prince de Salerne, l’article met en évidence le rôle prééminent joué par Placido di Sangro, prince de l’Académie des Sereni et défenseur de la cause napolitaine auprès de l’empereur, et par Giulio Cesare Brancaccio, un autre membre des Sereni, qui dirigeait l’opposition au pouvoir à une époque où la répression du vice-roi était déjà en action. Les documents analysés éclaircissent le rôle de premier plan d’un autre litterato napolitain engagé dans la révolte, Mario Galeota, dont le degré d’implication n’était pas connu jusqu’à maintenant. Les documents inédits permettent de mieux comprendre sa participation et expliquent le successif acharnement du vice-roi contre lui.

Cet article étudie les rapports, au cours de la première moitié du XVIe siècle, entre le pouvoir politique de Charles Quint et les hommes de culture italiens. Le plus souvent, les écrivains entretenaient eux-mêmes des rapports directs avec le pouvoir impérial. Certains consacraient leurs réflexions à l'empereur, d'autres attendaient d'être sollicités par son entourage. Mais aussi, de nombreuses productions littéraires, élogieuses à l'égard de l'empereur, naissaient suite à un événement comme une alliance entre princes, une défaite militaire et ses conséquences politiques, l'arrivée de nouveaux alliés dans le camp impérial ou étaient le moyen de prétendre à une pension. Les exemples analysés dans cet article illustrent la contribution de plusieurs écrivains italiens comme l’Arioste, l’Arétin, le Trissin ou Paul Jove à la définition de l’idéologie à la base du programme politique impérial en Europe et la contribution de chacun à la création d'une nouvelle image iconographique et littéraire de Charles Quint en Italie.

Cet article concerne les différentes interprétations de l’origine et des buts de l’Empire romain présentes dans les lettres italiennes et quelques exemples d’utilisation du mythe de l’Empire romain dans les rues italiennes entre l’entrée d’Alphonse d’Aragon à Naples en 1443 et celle de Charles Quint à Milan en 1541. Je propose plusieurs exemples illustrant le culte que les princes et les hommes de culture de la Renaissance vouaient à Jules César, et je m’attarde sur le parcours de l’idée du caractère providentiel de l’Empire romain ainsi que sur l’influence de la « théologie augustéenne », qui arrive au XVIe siècle à travers les ouvrages d’Eusèbe de Césarée, Paul Orose, Thomas d’Aquin et Dante.

Published in the exhibition catalogue: Germana de Foix i la societat cortesana del seu temps, Valencia, 2003, pp. 91-99.

The emperor Charles V’s immediate family played a quintessential role in his private and public life. He grew up in Flanders at the Mechelen (Malines) court surrounded by women who would later assume important political functions during his reign: his three sisters —Leonor of Austria, the future queen of Portugal and France, Isabella of Austria, queen of Denmark (1501-1526)  and Mary of Hungary, the future regent of the Netherlands (1505-1558). Charles V’s sisters remained close to their brother, accompanying him throughout his life. This unwavering allegiance of his sisters proved indispensable, and by positioning his female relations at strategic European courts, as spouses of his allies and enemies, Charles was able to preserve and maintain invaluable alliances throughout his reign .

L'opuscule De formula romani imperii fut publié pour la première fois à Bâle en 1559. Écrit probablement en 1523, dans ce petit ouvrage à caractère historique, juridique et politique, André Alciat  analyse, dans un premier temps, la forme de l’Empire Romain à l’époque d’Auguste pour ensuite retracer les vicissitudes et les transformations du Saint Empire jusqu’au XVIe siècle. Notre communication se propose d’analyser le De formula romani imperii pour déceler la position de l’auteur par rapport à la translatio imperii et à la continuité de l’idée impériale. Nous allons aussi tenter de cerner la position politique et juridique de l’Alciat vis-à-vis des débats de son époque concernant les rapports entre le pape et l’empereur et entre ce dernier et les autres princes chrétiens, notamment le roi de France.

Les exemples utilisés dans cet article montrent comment le recours à la prophétie post eventum est souvent utilisé par les poètes de la Renaissance comme un procédé de célébration mais il peut aussi être employé pour introduire l’actualité à l’intérieur d’un texte littéraire. Ces exemples sont strictement liés au processus de héroïsation de Charles Quint et aux exploits militaires de ses capitaines. Bien évidemment, la prédiction après coup n’est pas la seule manière d’introduire l’actualité dans les différentes formes poétiques de cette époque mais cette stratégie narrative favorise la création d’une distance entre le narrateur extradiégétique et les faits racontés. En effet, le récit prédictif est un moyen de présenter les événements sous une forme d’inéluctabilité objective et ils seront révélés dans la diégèse par la voix de personnages dotés de moyens surnaturels. À travers les différents exemples utilisés nous pouvons constater comment le merveilleux chrétien sert à montrer que toute l’Histoire de l’homme est le fruit d’un dessein inéluctable inscrit dans un vaste projet providentiel. De même, cette distance permet à l’auteur de placer le récit de l’actualité dans un cadre intradiégétique présentant ainsi son interprétation des faits non pas comme le fruit d’un jugement subjectif mais comme la version officielle d’une vérité universelle.

L'empire « romain germanique », laboratoire de coexistence religieuse et linguistique, fait figure, à la mort de Charles Quint, de modèle politique en Europe. Mais la fin du rêve universel laisse place à l'affirmation des États allemands et à Luther, leur héros.

L’attitude de Charles Quint vis-à-vis de l’Église de Rome et sa démarche pour favoriser les aspirations d’une renovatio chrétienne et pour résoudre les problèmes soulevés par le mouvement luthérien a laissé des traces significatives dans la production littéraire de la péninsule italienne. Dans de nombreuses pasquinades de l’époque l’empereur est traité comme un marrane hypocrite et mécréant, capable d’envoyer de nouveaux pharisiens pour torturer l’Eglise et feindre ensuite d'être un homme pieux. Parmi les auteurs des pasquinades il y avait aussi Pierre l’Arétin. Dans son pronostico de l'année 1534, dédié à François Ier, nous avons une preuve du sentiment de dérision et d’aversion que l'Arétin nourrissait à l'égard de Charles Quint. Avec un langage pourvu d'une ironie mordante et provocatrice, l'écrivain nous livre un récit qui se veut prophétique sur le sort qui attend l'empereur une fois que la Fortune lui aura tourné le dos. Sur les traces de son aïeul Maximilien, il finira ses jours enfermé dans une taverne car il perdra tous les territoires italiens, et le concile qu'il finira par convoquer pour faire plaisir à Luther sera inoffensif pour l'Église romaine. D’autres témoignages littéraires comme celui de Francesco Lodovici, (Triomphi di Carlo,1536) où des journaux intimes comme celui de Marcello Alberini, expriment la même acrimonie envers l’empereur.
Parallèlement à cette hostilité vis-à-vis de l’action menée en Italie par Charles Quint se développe une autre image de Charles Quint suscitée dans un premier temps par la propagande impériale après le sac de Rome. À cette époque la cour de Charles Quint était sous l'influence de la pensée d'Érasme, surtout en ce qui concernait la nécessité d'une réforme de l'Église. Pour les érasmiens de la cour impériale, Charles Quint était surtout l'incarnation d'un prince réformateur ; il avait été envoyé par la providence pour réformer l'Église et sauver le monde. Ce monarque — véritable agent de Dieu sur la terre — serait capable, grâce à ses vertus, de faire régner la justice dans le monde entier et instaurerait ainsi, sans violence, la monarchie universelle. La mission de Charles Quint était considérée comme celle d'un roi pasteur, destiné à réformer l'Église et à restaurer la pureté originelle du christianisme. Nous retrouverons les traces de cette conception chez les hommes et femmes de culture plus ou moins proches des idéaux iréniques comme Veronica Gambara, Jacopo Bonfadio ou Alessandro Piccolomini.
La progressive transformation de l’image militaire et guerrière de Charles Quint dans les lettres italiennes sera définitivement accomplie en 1547. En effet, un événement nouveau sera fondamental dans l'évolution du processus d’héroïsation du chef de file des Habsbourg : la victoire sur les troupes de la ligue de Smalkalde à Mühlberg. Un exemple nous vient de l’écrivain Giangiorgio Trissino qui la même année publie le poème l'Italie délivrée des Goths. Chez Trissino, la métamorphose de Charles Quint est totalement accomplie : successeur des plus grands empereurs du passé, il n'est plus ni le chef de ces nouveaux barbares qui avaient saccagé Rome ni celui de ces luthériens qui voulaient la fin du christianisme. Il est devenu lui-même l'homme de Dieu pour vaincre tous les ennemis de la foi. Une fois les deux Empires réunis, le vieil Empire romain renaîtra, alors revêtu de toute sa splendeur. Les vers de Trissino nous transmettent l'image d'un héros chevaleresque, animé d'une grande foi et de la certitude de faire une guerre juste pour défendre ses propres vassaux et l'Église. La peinture de Titien et la sculpture de Leone Leoni offriront un apport plastique à ce même concept. À la même époque Anton Francesco Oliviero dans l’Alamanna racontera comme une nouvelle Iliade la guerre de Charles Quint en Allemagne contre les protestants.
En 1562, Danese Cattaneo publia un poème chevaleresque intitulé Amor di Marfisa. Dans le deuxième chant de son poème, le poète établit une comparaison entre Charles Quint et Charlemagne. Alors que Francesco Lodovici en 1536, dans son œuvre les Triomphi di Carlo, avait comparé la protection que Charlemagne avait accordée à l'Église de Rome aux lourdes responsabilités de Charles Quint au moment du sac de la ville, Cattaneo retrouve un nouveau terme de comparaison qui tourne autour de la défense commune de l'Église romaine.

Cette communication analyse les relations que certains artistes et hommes de culture italiens ont entretenues avec Antoine Perrenot de Granvelle, évêque d'Arras et ministre de Charles Quint. Toujours soucieux de servir son souverain, Antoine Perrenot de Granvelle avait compris le rôle fondamental de la culture comme moyen de légitimation et de prestige politique. Ce ministre, habillé en homme d'église, avait la lourde responsabilité de gérer les affaires de l'Empire et il fera graviter autour du parti impérial toute une série d'hommes de lettres et d'artistes qu'il utilisera pour la gloire de son maître, mais aussi dans son propre intérêt. C'est ainsi que des artistes comme le Titien, Leone Leoni, ou Enea Vico de Parme vont instaurer des relations durables avec lui et profiter de sa protection. Il en sera de même pour des écrivains comme l'Arétin, Paul Jove, le Trissin qui s’adressèrent à l'évêque pour solliciter des faveurs, obtenir des privilèges, ou faire précéder leurs livres d'une dédicace à l'empereur. Pour la première fois, grâce à Antoine Perrenot de Granvelle, on assiste à la cour impériale à la mise en place d'une politique artistique homogène qui, plus tard, prendra la connotation d'une vraie politique culturelle.

Il s’agit d’un article consacré à la perception de l’autre à la Renaissance. À cette époque, la perception de l’altérité était déjà le résultat de préjugés bien enracinés. Les maux de la société et les défauts de la nature humaine étaient souvent attribués à l’étranger, porteur potentiel de tous les vices capitaux. La connaissance de l’autre passait rarement par le dialogue mais le plus souvent par des jugements a priori qui déterminaient et cataloguaient l’altérité avant même de la connaître dans sa réalité essentielle. Il en était ainsi dans la péninsule italienne où les Espagnols jouissaient d’une très mauvaise réputation, fruit d’une vieille antipathie. Considérés comme adulateurs, arrogants, hypocrites, ignorants et vaniteux, ils étaient souvent l’objet de dérision dans les comédies ou dans les satires de l’époque. Toutefois le phénomène était réciproque, et dans leur propre pays les Espagnols chargeaient les Italiens des mêmes défauts et des mêmes vices. Si les Espagnols étaient mal vus dans la péninsule, leurs soldats commençaient à être haïs. Le passage des troupes de Charles de Bourbon et le sac de Rome n’avaient fait qu’amplifier la renommée des soldats espagnols, comparés pour leurs atrocités aux effroyables lansquenets.

Dans le Roland Furieux le recours à la prophétie est une stratégie structurelle permettant au poète d’ancrer l’Histoire dans la fiction narrative. Dans le premier exemple analysé dans cet article, le narrateur laisse parler Merlin et Mélisse pour montrer l’inéluctabilité des faits racontés et célébrer la famille des Este. Par le biais de ces personnages dotés de pouvoirs surnaturels, l’Arioste met en place l’épopée d’une dynastie qui aurait pu devenir une épopée nationale si la réalité historique postérieure ne s’était pas chargée de démentir Merlin sur la partie inaccomplie de sa prophétie. De même, dans ce poème, qui est l’exaltation des quêtes individuelles dans un monde régi par le hasard, se dessine, à travers la vision prophétique de Mélisse, un noyau d’identité collective organisée autour du duc Alphonse : celle des Ferrarais qui luttent fièrement à ses côtés pour défendre son pouvoir et leur territoire. Ce peuple ferrarais n’apparaît pas comme une unité politique et sociale, mais il est présent en tant que base légitime du pouvoir princier. Il s’agit d’un peuple loyal et fidèle qui reconnaît dans son prince le défenseur de sa propre identité.
Le deuxième exemple de l’article porte sur les strophes ajoutées à la dernière édition du poème pour célébrer Charles Quint. À travers la voix prophétique d’Andronique le projet politique et l’activité belliqueuse des troupes impériales trouvent une justification chrétienne. Tout semble s’inscrire dans un dessein providentiel qui unit les découvertes géographiques au courage des généraux impériaux pour accomplir l’ancien rêve de l’instauration d’une monarchie universelle. Aux yeux d’Andronique, Charles Quint est le digne successeur des empereurs romains, mais son but est plus noble : réaliser la prophétie évangélique annoncée par Jean, un seul troupeau sous le gouvernement d’un seul pasteur. Ces deux exemples montrent comment dans un univers régi par les caprices de la Fortune et du hasard, tel que l’univers poétique du Roland Furieux, les événements prophétisés vont effectivement se produire puisqu’ils sont le fruit de la volonté divine. D’autre part, le lecteur du XVIe siècle retrouvait la preuve de la véridicité des prophéties annoncées dans la réalité historique de son temps.

Il s’agit d’un article consacré à une lettre inédite de l’Arétin, dans lequel je retrace l’évolution des rapports entre l’écrivain, la cour impériale et la cour d’Angleterre à la suite de la mort d’Henry VIII, et à une époque où l’écrivain avait été la cible d’un nouvel attentat, après ceux de Rome quelques années auparavant. Cet épisode et la réécriture de plusieurs lettres de la part de l’Arétin avant leur publication montrent bien le décalage existant entre l’Arétin homme et écrivain du XVIe siècle et l’Arétin personnage presque théâtral qui se met en scène, même à l’intérieur d’un univers aussi particulier que celui des échanges épistolaires.

Publié in Danielle Boillet et Pierre Civil, éds, L’actualité et sa mise en écriture: Espagne, France, Italie et Portugal (XVème-XVIIème siècles), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2005, p. 109-120 ; republié in Michel Plaisance, Antonfrancesco Grazzini dit Lasca (1505-1584). Écrire dans la Florence des Médicis, Manziana, Vecchiarelli, 2005, p. 79-90.

In Les entrées de Charles Quint, « Bulletin de l’association des Historiens de l’Art Italien », n° 5, 1997, p. 29-35. Republiée in Michel Plaisance, Florence. Fêtes, spectacles et politique à l’époque de la Renaissance, Manziana, Vecchiarelli editore, 2008, p. 125-135.

Le couronnement de Charles Quint à Bologne au début de l’année 1530 est un épisode destiné à influencer l’évolution des événements politiques, sociaux et culturels de la péninsule italienne. Ces mêmes jours dans la ville émilienne est publié un opuscule en latin intitulé : De coronatione. Il s'agit d'un petit traité, écrit par le Vénitien Girolamo Balbi, portant sur l'aspect juridique du sacre et sur le conflit séculier entre le Saint-Empire romain germanique et l'Église. Au moment de sa publication, l’opuscule obtint un consensus général, malgré les affirmations pro-impériales difficilement acceptables pour l'Église de Rome. Fondant ses argumentations sur les écrits d’anciens philosophes, de pères de l'Église et de légistes médiévaux, Balbi continue à rêver d'un monde qui vivrait en paix si tous s'accordaient à reconnaître l'Empereur comme un prince super partes, maître du monde, à qui il revient de conduire le genre humain vers le bien et la paix.

Cet article étudie les rapports, au cours de la première moitié du XVIe siècle, entre le pouvoir politique de Charles Quint et les hommes de culture italiens. Le plus souvent, les écrivains entretenaient eux-mêmes des rapports directs avec le pouvoir impérial. Certains consacraient leurs réflexions à l'empereur, d'autres attendaient d'être sollicités par son entourage. Mais aussi, de nombreuses productions littéraires, élogieuses à l'égard de l'empereur, naissaient suite à un événement comme une alliance entre princes, une défaite militaire et ses conséquences politiques, l'arrivée de nouveaux alliés dans le camp impérial ou étaient le moyen de prétendre à une pension. Les exemples analysés dans cet article illustrent la contribution de plusieurs écrivains italiens comme l’Arioste, l’Arétin, le Trissin ou Paul Jove à la définition de l’idéologie à la base du programme politique impérial en Europe et la contribution de chacun à la création d'une nouvelle image iconographique et littéraire de Charles Quint en Italie.

Le Discorso fatto in tempo di Repubblica per le veglianti discordie de’ suoi cittadini, écrit par Alessandro Piccolomini en 1543, est le point de départ de cette étude. Il s’agit d’une exhortation, à caractère idéologique et politique, adressée aux Siennois afin qu’ils retrouvent la paix sociale et évitent ainsi de tomber entre les mains d’une puissance étrangère. Après avoir analysé les aspects philosophiques liés à la vie de l’homme dans la société et le cas spécifique de la République, Piccolomini se penche sur l’actualité politique siennoise. Les Siennois doivent surmonter les conflits entre les Monti et faire confiance à Charles Quint, le seul, aux yeux de l’auteur, en mesure de garantir la paix et de ne pas compromettre la liberté de l’État. Ce ralliement à la cause impériale, Piccolomini l’avait déjà manifesté à plusieurs reprises, notamment en 1531, dans sa comédie L’Amor costante, où il louait l’empereur pour sa volonté de réformer l’Église et de contribuer au triomphe du christianisme. Plus tard, en 1553, Piccolomini semble remettre en question ce ralliement lorsqu’il adresse une dédicace au cardinal d’Este, gouverneur civil de Sienne pour le compte d’Henri II. Le cardinal avait présidé aux réformes institutionnelles de la République et Piccolomini semble maintenant faire confiance à la protection du roi de France pour sauver la liberté siennoise. Mais ce revirement sera de courte durée.

A la Renaissance, la redécouverte d'Hérodote est d'abord attestée par de nombreuses éditions ou traductions humanistes des Histoires et par le renouveau et l'ampleur des travaux érudits, réflexions et controverses que suscitent l'oeuvre et le personnage : la tradition qualifie ce dernier tantôt de 'prince des menteurs', tantôt de 'père de l'histoire'. Mais le texte-même de l' Enquête est peu lu du large public. Au 16 e siècle, on se tourne plus souvent vers des livres pratiques, parfois illustrés et de type nouveau. Cette littérature 'mineure' connaît un vif succès et diffuse à travers toute l'Europe une culture antique choisie, concentrée et généralement commentée. Quels visages d'Hérodote transmettent les répertoires d'adages et d'emblèmes, dictionnaires, ouvrages mythographiques, traités et recueils de Pourtraits et vies des hommes illustres ou autres 'bibliothèques', avant et après L'Apologie pour Hérodote d'Henri Estienne (1566) ? Quels rôles lui prête-ton ? De la génération d'Erasme, Polydore Vergile et Jean Lemaire de Belges à celle de Thevet, Du Verdier, Pasquier en passant par Cartari, Junius et Coustau, quelques exemples montrent que, si l'image du 'fabulateur' ne disparaît pas totalement, 'l'Halicarnassien' fait de plus en plus figure de référence historique, méthodologique et morale essentielle : notamment en matière d'Athéniens, de Lacédémoniens, d'Egyptiens, de Perses et de Scythes. Il offre un regard rationalisant sur les origines des villes et des religions, évoquant en particulier une Athéna africaine, et surtout une meilleure connaissance de ces 'barbares' qui inspirent au 16 e siècle tant de répulsion et de fascination.

"El diablo y la formación del bando realista en la revuelta de las Comunidades de Castilla: monarquía y demonización, 1520-1521", in Violences en révolte. Une histoire culturelle européenne (XIVe-XVIIIe siècle), Francesco Benigno, Laurent Bourquin et Alain Hugon (dirs.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2019, pp. 217-231. ISBN : 978-2-7535-7745-9

En 2011-2012, Gargantua était inscrit au programme de Littérature française des classes de terminale littéraire. Cette communication, prononcée le 3 décembre 2011 à l’U. Paris-Diderot dans le cadre d’une matinée d’étude à destination des enseignants et des élèves de ces classes, a fait l’objet d’une publication dans le numéro 1 du Verger. L’article s’intéresse à la nature des rapports liant Picrochole et Charles Quint. Au travers de trois axes – la question de la complexion colérique et mélancolique, la manière dont la devise de l’empereur, « Plus ultra », innerve le récit et enfin le problème politique et philosophique du désir de conquête universelle – l’article montre que si le personnage de Rabelais n’est pas une simple caricature d’un modèle historique, il entretient néanmoins des liens étroits avec la figure de l’empereur.

« L'homme est le Roy des animaux »  ? L'animal sauvage et la ruse dans l'oeuvre de la Pléiade.
Comme toute créature est exposée à mille rencontres, les unes bénéfiques, les autres dangereuses, la seule chance de survie consiste à savoir se garder des unes toute en tirant profit des autres.
Plutarque, L'intelligence comparée des animaux terrestres et marins.
A la Renaissance, la ruse est considérée comme l'un des liens réunissant intelligence des animaux et celle humains.

El reinado Carlos V fue celebrado en todas la ciudades y lenguas del gran Imperio que heredó. A partir de la coronación del 1530, se propagó el uso de los modelos retóricos y poéticos antiguos para la celebración del adventus del Emperador: Carlos V retomó entonces para si la «propagande poética» que había acompañado los reinados de su abuelo Maximiliano I y de los Papas anteriores al Saco de Roma (1527). ¿Como alabar al príncipe? Si la opinión de Erasmo se muestra más crítica que la de un Girolamo Balbi, son los poetas que, deseos de reflejar en sus versos la gloria del Príncipe, reanudan con las formas poéticas antiguas. Se estudian dos casos aquí: por un lado, la renovación de la elegía en la obra de Jean Second; por el otro, los herederos de Sannazaro confieren una nueva legitimidad al recurso a la ficción poética, en un modelo poético que influencia a Minturno, a Garcilaso de la Vega y hasta a Du Bellay.