Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

Les Coutumes: Cahiers Du Conseil Coutumier Africain

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 70

RÉPUBLIQUE DU CON"GO

CAHIERS DU CONSEil COUTUMIER AFRICAIN

UNITÉ AFRICAINE
COUTUMES ... TRADITIONS - MŒURS

FASCICULE N° 2

LES COUTUMES
II

Les biens - La chefferie


Av~c la collaboration de M. Marcel SORET
MaÎtre de Recherches de l' ORsrOM

Siège Social du Conseil Coutu mier


39, rue des Bangala, Pete-Pote
BRAZZAVILLE - REPUBLIQUE DU CONGO
M. l'Abbé Fulbert YOULOU,
Présiden t de la République,
Assistant Général,
et M. Maurice KWAMM,
Président Général du Conseil Coutumier.
PREFACE

A l'heure où tant de nouveaux Etats africains entrent


dans le concert des grandes Nations, je suis heureux de
saluer ce deuxième fascicule des Cahiers du Conseil Cou-
tumier Africain : la République du Congo peut être fière
d'être l'une des premières à rechercher ce qui fut sa cul-
ture originelle, à la faire connaître au monde. Il ne faut
en effet pas oublier que, bien avant que le premier Euro-
péen ne mette le pied sur les rives du Zaïre, les peuples
qui vivaient sur les côtes et loin dans l'intérieur depuis
l'origine, avaient leurs coutumes, leurs lois, jamais écrites
mais transmises oralement de génération de notables en
génération de notables.
Mais le temps qui s'écoule de jour en jour plus vite ne
laisse plus maintenant aux jeunes le loisir d'écouter les
anciens leur dire les grandes actions des ancêtres, leur
sagesse. Pour les jeunes, la science est dans les livres qui,
comme les langues d'Esope, peuvent renfermer le meilleur
et le pire. C'est le meilleur qu'ont voulu faire ces notables
du Conseil Coutumier qui, au cours de longues soirées, se
sont réunis pour discuter, exposer, rédiger cette coutume,
afin que.Jes jeunes d'aujourd'hui et tous ceux des généra-
tions futures sachent ce qu'ont fait leurs pères, comment
ils ont vécu, comment ils se sont gouvernés pendant de
longs siècles.
Ce n'est pas là le seul mérite du Conseil Coutumier :
chaque jour prép-are le lendemain, mais il n'en reste pas
moins le fils d'hier et un fils ne renie pas impunément
son père, ne peut jamais le renier complètement.
La République du Congo, indépendante au sein de la
Communauté française, forge chaque jour avec un peu plus
de précision, ses lois, son organisation, son droit. Et ces
coutumes, qui comme tout ce qui est humain évoluent

-3-
chaque jour, le Conseil Coutumier les rédige, non seule-
ment sous la forme qu'elles connaissent aujourd'hui, mais
sous les divers aspects qu'elles ont pu avoir, permettant
ainsi de se rendre compte du sens de leur évolution, ces
coutumes regroupées permettront, un jour qui n'est peut-
être pas très lointain, à la République du Congo, de rédi-
ger un code civil, un code pénal, bien à elle, qui, en tenant
compte des contingences internationales, respecteront la
culture congolaise dont ils seront une émanation.
Qu'en soient remerciés les promoteur, de ce travail, sur-
tout M. Maurice KWAMM, Président-Fondateur du Con-
seil Coutumier, et tous ceux qui, depuis dix ans, n'ont pas
hésité à Y consacrer une part importante de leur temps,
entre autres, M. Marcel SORET, Maître de Recherches
de l'O. R. S. T. O. M. Travaillant pour la coutume, ils ont
œuvré pour la grandeur de la République du Congo.

Abbé Fulbert YOULOU.

-4-
AVANT - PROPOS
._
~ ••
~ _...
~~_._ • • • _ a 4 .

Le Conseil Coutumier Africain n'est plus maintenant


un inconnu.
S'il est né discrètement un jour d'août 1951, il s'est,
depuis, sous l'énergique impulsion de son Président-Fon-
teur Maurice KWAMM, imposé non seulement à Braz-
zaville, non seulement dans la RéptJblique du Congo, mais
encore loin au-delà des frontières de ce pays.
Dans la République du Congo, les sectionl3 locales des
Préfectures et des Sous-Préfectures foisonnent et, ce qui
est enCore plus réconfortant, on rencontre deci delà, dans
de nombreux village.'> de brousse, des panneaux portant
l'inscription : « Conseil Coutumier Africian » : « Section
de... ».
Mais l'inlassable activité de son Président a étendu plus
encore le champ d'activité du Conseil Coutumier : le Ca-
meroun lui-même s'y intéresse de plus en plus et, en Répu-
blique Centrafrica.ine, le regretté Président Barthélemy
BOGANDA a l~i·même patronné la cr4ation du premier
Comité.
Hors de la Communauté française l le rayonnement du
Conseil Coutumier lui a encore valu la sympathie et l'inté-
rêt de personnalités africaines, au premier rang desquelles
nous nous en voudrions de ne pas citer M. Joseph KASA-
VUBU.
Le temps est passé où l'on pouvait, comme dans le pre-
mier fascicule, en donner la liste des membres. C'est main-
tenant par milliers que ceux-ci se comptent, et un volume
n'y suffirait pas.
Il y a d'abord les Anciens, ceux des premières heures
difficiles et qui n'ont pas désespéré;
Il nous faut citer d'abord l'Assistant général, M. l'Abbé
Fulbert YOULOU ; appelé depuis à de hautes destinées :
Président de la République du Congo et Maire de Brazza-
ville, il n'a jamais abandonné le Conseil Coutumier ; et

-5-
aujourd'hui encore, nous le retrouvons à la première page
de ce fascicule qu'il veut bien honorer d'une préface, aux
côtés du Président Général ; tous deux portent cet insigne
du Conseil Coutumier Africain dont il parle toujours avec
émotion: lorsque, il y a bien longtemps, le Président Gé-
néralle lui remettait, c'était la première médaille qu'il lui
était donnée de recevoir. Et si ses multiples et importan-
tes activités lui laissent peu de temps pour assister aux
réunions, il a demandé d'y être représenté par M. Christian
JAYLE, ancien Président de l'Assemblée Nationale, ancien
Ministre de l'Information, dont chacun connaît l'inlassable
dévouement pour tout ce qui concerne la République du
Congo.
Il y a, évidemment, le Président général et fondateur du
Conseil Coutumier, Maurice KWAMM, dev,enu depuis, en
outre, adjoint au Maire de Brazzaville pour l'aggloméra-
tion de Poto-Poto et Président du Tribunal du Premier De-
gré et qui, depuis la première heure, lui a consacré tout
le temps dont il pouvait disposer. Nommé à vie, il joue au
sein du Conseil le rôle d'arbitre auquel le prédestinait une
connaissance parfaite de la coutume et digne des anciens
chets traditionnels dont il est le descendant.
Il y a encore tous Cel> notables qui, outre leurs impor-
tantes fonctions au Conseil Coutumier, sont encore Chefs
de quartier, Président d'Associations, etc...
ny a encore :
LHONI Patrice (Bacongo), vice-présdent général
MFOANA Yves (Balali), vice-président général;
LOKO Albert, secrétaire général ;
DISSAC Samuel (Bassa), secrétaire général adjoint;
KONGO Martial (Bakamba:), président des sections d'e
la République du Congo;
ALMEIDA John, Antonio (St-Paul), président de la sec-
tion de Ouenzé ;
KABEYE Madeleine (Bondjo) , présidente des sections
féminines;
VOUALA Valentine (Balali), présidente de la section
féminine de Bacongo ;

6
Quelques-uns des membres du Conseil Coutumier
et leurs collaborateurs.
BALOSSA Hélène (Balali), présidente de la section fé-
minine de Poto-Poto ;
DANDOU Thomas (Bacongo), ancien président du corps
municipal;
NKEOUA Joseph (Bassoundi), président suppléant du
Tribunal;
NZENDE François-Xavier (Mondjombo), président sup-
pléant du Tribunal;
MOUANGOU Mathieu (Bassoundi), as.sesseur au Tribu-
nal ; 1 !' "f)_
GAMBALI Raphaël (Batéké), assesseur au Tribunal ;
BONGO Flavien (Mbochi), assesseur au Tribunal ;
AOUE Louis (Makoua), assesseur au Tribunal ;
MINGUEMA Pierre (Mbanza), assesseur au Tribunal
MONDZOKO Raymond (Ngouaka), assesseur au Tribu-
nal;
MOMBE Gabriel (Ngouaka), assesseur au Tribunal ;
AKOLI Antoine (Bassa) ;
BASSEKA Michel (Bacongo) ;
BATARINGUE Albertine (Balali)
BILOMBO André (Bacongo) ;
BINGUI Joseph (Ngouaka~ ;
BOUBOUTOU Raphaël (Balali)
BOUENO Frédéric (Bouéni) ;
DELIYELIT Henri-Félix (Bouéni)
GANGA Félix Pothin (Baia li) ;
INGOUALA Germaine (Banziri)
KILHONI Etienne (Bacongo) ;
KIMBEMBE Albert (Bacongo) ;
KOMBO Guillaume (Bassoundi)
KOUNDAMANOU Marie-Jeanne (Bassoundi)
LIKAMBA Alphonse (Likouala) ;
LOUMOUAMOU Samuel (Balali)
-'1-
MALANDA Joseph (Balali) ;
MAVOUNIA Marcel (BaIa li)
MAYOMA Gabriel (Balali) ;
MBEMBA Joseph (BaIali-) ;
lVIBEMBA Théophile (Balali)
MBOUGOU Alexandre (Bakouni)
MONDJOMBA Joseph (Likouba) ;
MOUBALE Georges (Bangangoulou)
MOUKANA Raphaël (Batéké)
MV1LA Pierre (Balali) ;
NHOUE Victor (Bassa) ;
NKOUNKOU Pierrê-Joseph (BalaU)
NSOMt Narcisse (Bacon go) ;
NKODIA MAMPOU"iA (Batéké)
NSONDI Aaron (Bacongo) ;
ONANA Ambroise (Yaoundé)
POATY Jean-Marie (Vili) ;
SANTOU Berthe (Balali) ;
TSIEMABEKA Charles (Likouala)
TSIKE Jules (Likoual14) i
TSIKOU Thérèse (Balali).

Et tous ceux que nous ne pouvons nommer faute de place,


mais qui, semaine après semaine, ont travaillé pour mieux
connaître la coutume, pour la faire conna!tre...
N ombre d'Africains, en effet, ont compris que, si l'évo-
lution était nécessaire, 'elle ne devait pas pour autant faire
table rase du passé. L'Afrique possède sa culture propre
et si son intégration dans le monde moderne exige un
aménagement de la coutume, elle ne saurait exiger sa dis-
parition. Mais, pour faire la part de ce qui doit être con-
servé et de ce qui peut être modifié,il est nécessaire de
bien connaître cette coutume.
Hélas, les vieux s'en vont rejoindre les ancêtres et de
nombreux jeunes gens, de ceux qui seront l'Afrique de
demain, qui tiendront ses destinées entre leurs mains, de
nombreux ieunes gens ignorent tout de la tradition.

-8-
Réunion partielle des membres du Conseil Coutumier.
C'est pour pallier à cette déficience que le Conseil Cou-
tumier a commencé, a repris la publication des résultats
de ses travaux.
En effet, après la parution, en 1952, d'un premier fasci-
cule intéressant, dans la République du Congo, l'Etat des
personnes, c'est-à-dire la famille, le mariage et sa dissolu-
tion, la naissance, le nom..., les tlravaux du COll,geil Coutu-
mier avaient semblé ,entrer dans une phase de ralenti.
En fait, lentement, le Conseil Coutumier faisait œuvre
de cohstructeur, installait ses sections jusque dans les plu.s
petits villages de brousse.
Et lorsque, en octo'bre 1958, il reprenait ses réunions
d'étude, il se trouvait solidement organisé avec un Comité
Directeur, un Comité d'Entraide, un Comité de Rédaction
et un Comité de rravaîl, divisé en quatre sections: Etude
dei la coutUMê, Action fémihine, Action civique et Section
folklorique.
Ainsi réorganisé, le Conseil Coutumier Africain pouvait
poursuivre le regroupement des anciennes coutumes et
préparer des suggestions concernant l'établissement d'un
droit local, approprié au génie particulier des nouveaux
Etats.
Mais les activités du Conseil CQ1,ltumier Africain ne se
bornent plus seulement à cela :
L'étude d.~ l'histoire africaine, trop souvent dédaignée
des spécialistes, de la situation de la femme africaine en
face de l'évolution, de la conservation du folklore et de tou-
tes les manifestations de l'Art africain sont encore inscri-
tes dans ses projets.
Enfin, le Comité d'Entraide permettra de mettre en pra-
tique cette fraternité africaine, qui est la base des coutu-
mes, de la tradition.
Guère plus d'un an après la reprise de ces réunions, nous
sommes heureux d'offri1r au public ce deuxième fascicule
des Cahiers du Conseil Coutumier Africain qui, cette fois,
traite de la propriété et de l'héritage d'une part, de la chef-
ferie d'autre part.
Qu'en soient remerciés les membTe~ du Comité de

-9
Rédaction, et notamment Monsieur Marcel SORET, char-
gé de la Section d'Ethno1ogi·e à l'Institut d'Etudes Centra-
fricaines à Brazzaville, et Monsieur Gaston BRUNET, In-
génieur de l'Ecole Nationale des Arts et Métiers auxquels
est échue la tâche ingrate de remettre en forme le résultat
des travaux du Conseil.
Comme le précédent, ce fascicule n'a nullement la pré-
tention d'être exhaustif, d'être un recueil détaiIlé des cou-
tumes concernant les biens et la chefferie pour chacune
des quelque quatre-vingt « races » de la République du
Congo, mais seulement de dégager l'essentiel des règles
générales de ce que furent ces coutumes.
Le plus important reste à faire: reprendre chacune
d'elles dans les détails, noter tous les aspects qu'elle peut
prendre dans chacun des multiples cas de la vie courante.
C'est dire que le Con,seil Coutumier Africain ne man-
quera pas de buts de travail car, aussi bien dans l'étude
des personnes que dans celle des biens, de nombreux points
restent encore à éclaircir, à préciser.
Ce sera sans doute le sujet de prochains fascicules, tan-
dis que d'autres pourront traiter de la justice, du droit
pénal traditionnels, etc...
Mais l'ambition du Conseil Coutumier ne s'arrête pas là :
les coutumes de l'Afrique, les traditions de l'Afrique, ce
n'est pas seulement le droit, c'est encore la vie de tous les
jours, l'agriculture traditionnelle, la chasse, la pêche etc...,
c'est l'histoire des' siècles passés, c'est la religion des ancê-
tres, ce sont les Arts, c'est toute la vie de la vieille Afrique.
Car tel serait le vœux du Conseil Coutumier Africain:
Faire tout connaître de l'Afrique d'hier aux Africains de
demain, à la France, au monde, qui ignorent encore trop de
l'Afrique, de sa culture, de sa civilisation..., mais encore
œuvrer pour une union de tous les Africains travaillant
pour une Afrique chaque jour plus grande...

-10 -
r---- ~ - - - - - ~- - - - - ~ - ~-~

: RépUBLIQUE ou CO'VGO
1
CARTE [I>-I'VIQU[

1
_ _ _ L ,m,le des 9rouPe~ erl"lnlques

FA Ne.
INTRODVCT10N

Ce nouveau fascicule des Cahiers du Conseil Coutumier


Africain traitera d'abord des biens, c'est-à-dire des formes
de la propriété, des modes de son acquisition, ainsi que de
l'héritage. Une deuxième partie donnera un aperçu de la
chefferie.
Comme dans le premier fascicule, le Co~eil Coutumier
s'est efforcé de faire une synthèse des coutumes des quel-
ques quatre-vingt tri'bus installées SUr le territoire de la
République du Congo.
Toutefois, il faut distinguer deux grands groupes : les
sociétés à parenté matrilinéaire, c'est-à-dire en gros les po-
pulations installées à l'Ouest de Brazzaville et les sociétés
à pa:renté patrilinéaire au Nord de la Nkéni ou l'Alima.
Entre les deux, les nombrew;es tribus Batéké et apparen-
tées nous présentes différents types intermédiaires. Parfois
aussi, à l'extrême Nord-Ouest de la République, les coutu-
mes de quelque$ tribus nous font déjà sentir l'influence du
Cameroun.
En fait, la distinction est bien moins nette pour les biens
que pour les personnes. Des différences, puis des conver-
gences réapparaissent avec l'héritage, la chefferie.
Pour les premières, les principes généraux ~ont presque
partout les mêmes: ce n'est en fait que le gérant des biens
familiaux qui change : suivant le système de parenté, ce
sera le repré~entant de la branche paternelle ou maternel-
le. Il en est de même pour l'héritage qui ira soit à la lignée
maternelle, soit à la lignée paternelle, soit, pour les p.opu-
lations intermédiaires, aux deux branches.
C'est avec la chefferie que nous trouverons le plus de
différences, chaque groupe ethnique ayant une conception
particulière des pouvoirs du chef, de leur limite et de leur
transmission.
Notons, enfin, que nous avons surtout voulu exposer ce
qu'était jadis la coutume et non pas l'état actuel de celle·
ci. Ce n'est qu'occasionnellement que le sens de l'évolution
actuelle a été indiqué.

-11-
PREMIERE PARTIE

LES BIENS
CHAPITRE PREMIER

LA PROPRIETE

On peut distinguer la propriété des biens meubles,


celle des immeubles et celle des biens fonciers. En règle
générale les biens meubles sont propriété individuelle, les
immeubles peuvent être propriété individuelle ou collec-
tive alors que !la propriété foncière est toujours collective.

La propriété foncière.
U est un fait en Afrique qui n'offre pratiquement pas
d'exception : il n'existe pas de terrain sans propriétaire.
Il peut y avoir des terres inexploitées mais, toujours, elles
appartiennent à quelqu'un ou, plus exactement, à un
groupe.
En effet, la propriété foncière en Afrique noire est
gélnéralement collective : tous les membres du groupe,
famille large, clan ou tribu ont Iles mêmes droits à la
cultiver, à y chasser, à en récolter les produits naturels.
Le chef du groupe en est ordinairement le gérant.
En général c'est la famillP- large qui est propriétaire.
plus rarement le clan, et le chef de famille ou le chef
de clan répartit les terres à cultiver entre chaque famille
conjugale. Une fois distribuées, celles-ci sont parfois consi-
dérées comme propriété privée de celui qui les cultive,
tant qu'elles sont sous culture.
Lorsqu'une famiille vient à disparaître, la terre qu'elle
travaillait retourne au clan et le chef la redistribue à une
ou plusieurs autres familles.

-13-
Chez les Ndzem du Nord-Ouest de la République où
Le clan, s'il existe, n'a qu'une importance très réduite, il
semble bien que, si une famille s'éteint, la terre devienne
vacante et à la disposition du premier occupant.
Propriété inaliénable.
En principe la propriété foncière est inaliénable. Même
là où, en évoluant, la coutume autorise la vente des terres,
comme par exemple chez les Balali, cette vente est sou-
mise à un certain nombre de restrictions:
D'abord, il est interdit de céder la totalité de la pro-
priété à moins d'un réemploi certain, c'est-à-dire de rache-
ter d'autres terrains. D'autre part un chef de famille qui
veut vendre une partie de ses biens fonciers familiaux ne
peut le faire sans l'accord de la majorité des membres de
celle-ci, ou tout au moins de ses notables. Et, presque tou-
jours, s'il ne se sert pas de la totalité de cet argent pour
acquérir d'autres terres, il distribuera une partie des som-
mes restant disponibles entre les adultes mâles de la
famille.
Enfin, si la familil.e qui vend le terrain y a des tom-
beaux, elle conserve imprescriptiblement le droit de
retourner les voir.
Limites de la propriété.
Etant donné qu'il n'y a pas de terres sans proprIe-
taire, chaque tenure est donc limitrophe avec plusieurs
autres. La précision de ces limites variera surtout avec la
densité de la population et la qualité des terres.
Lorsque rra population est nombreuse, les bonnes terres
sont réparties avec très grand soin. S'il n'y a pas de cours
d'eau, de crête, etc... ces limites seront fixées par des
lignes théoriques aillant d'arbre repère en arbre repère
ou bien par des arbres fruitiers mitoyens plantés par les
propriétaires, voire par un sillon, etc...
Dans les zones peu peuplées, les limites sont assez
vaguement fixées par un cours d'eau, une crête d.e mon-
tagnes, un no man's land presque jamais parcouru par
les propriétaires.
Le plus souvent rres terres d'wn.e famille sont d'un seul
tenant, mais, parfois au.ssi, par exemple chez les Bakamba,

-14 -
une famille peut posséder 5, 6 et jusqu'à 10 tenures diffé-
rentes souvent très éloignées les unes des autres.
Notons enfin, chez les Likouala (sous-tribu Bouéni),
une coutume particulière concernaJllt les jumeaux à qui
l'on attribue parfois une tenure spéciale : à leur naissance
des initiés au culte des jumeaux se rendent en brousse
pour célébrer ce culte qui a pour but, notamment, de for-
tifier les nouveaux-nés. L'endroit où a lieu la cérémonie
devient un lieu sacré, propriété absolue des jumeaux.

Droits d'usage.

La plupart du temps chacun est libre de cueillir les


fruits sauvages, le bois, n'importe où, sur son terrain ou
sur celui d'autrui. Nous verrons toutefois, au chapitre de
la propriété immobilière, un certain nombres de plantes
ou d'arbres qui sont, occasionnellement ou toujours, la pro-
priété absolue de la famille propriétaire du terrain.
Les sources ne sont, elles non plus, pas réservées, c'est-
à-dire qu'un propriétaire ne peut interdire à quiconque
d'aller puiser de l'eau aux sources qui jaillissent sur son
terrain.
Les droits de chasse sont, partout, strictement déli-
mités p'ar la coutume.
En règle générale, pour tout gibier abattu sur Ue ter-
rain d'autrui, le chasseur doit donner au chef de la
famille propriétaire du terrain au moins une cuisse et en
certains endroits le cœur de chaque pièce.
Chez les Bakamba de la vallée du Niari, cette dîme
est portée à toute la partie du gibier qui a touché le sol
lorsque le chasseur est un étranger, un inconnu du chef
de famillle.
Chez les populations de la Likouala (Bomitaba,
Bondjo, etc...) il sembe bien, par contre, que la chasse soit
interdite sur le domaine d'autrui à moins d'autorisation
préalable. Toutefois, le droit de poursuite est reconnu :
si un chasseur lève un gibier sur son terrain et que celui-ci
s'enfuit sur une propriété voisine, il a le droit de l'y
abattre sous condition qu'ill. n'y ait pas d'interruption dans
la poursuite. Il devra aussi remettre au propriétaire du
terrain la portion du gibier prévue par la coutume. En fait,

-15 -
I!lotammant che:l: las Bouéni, cette BlltoriflatjQI} fÙ~it l}bli~
gatoire qlle pour la Qnaltf;e .au gros gjbi(:!r (éléphAnt, phlV
cochère, etc..).
LOrllqu'un ehailleur mourait (par 6x€lmple tU6 par SOi'\
. ...
gibier) Bur W terrain d'autrui, 16 propri8tfli-r@ da c@-tenain
était ordimairenumt obligé de faire inhumer la victime a
sel frais. Un tel accident ~tait l'OccAsion de nombrau~
palabres qui ne pouvaient, la plupart du temps, être réglés
que par un féticheur renommé, soutenu par de puissant.
génies, et qui devait déterminer les causes d.e l'accident.
Par ailleurs un certain nombre d'aillimaux tels que
l'éléphant, le buffle, la panthère, le lion, I,e léopard... étaient
considérés comme des animaux nobles. Ils ne pouvaient
être tués par n'importe qui ou bien des parties déter-
minées du corps de il'animal devaiecnt être remises au chef
de clan ou de famille.

Ainsi chez les Bakamba et chez les Likouala le pro-


priétaire du terrain sur lequel un éléphant a été abattu
a droit, outre la quantité de viande prévue par la coutume,
à une des pointes d'ivoire.

Les queues de buffles doivent presque partout être


remises aux chefs traditionnels dont elles sont un des
insignes de la puissance. Il en est de même pour les peaux
de lion et de panthère. La remise est d'ailleurs souvent
l'occasioo d'une grande cérémonie avec repas et profusion
de vin de palme.

Enfin, en maints endroits, celui qui recevait les tro-


phées d'un animal noble remettait au donateur un objet de
valeur en récompense, car le chasseur a, en fait, tué un
esprit transformé en animal, donc couru de grands risques.
La pêche dans les rivières appartenant à autrui est
souvent aussi très strictement réglementée.
Les droits peuvent aller d'un poisson de chaque espèce
pêchée à la moitié du produit de la pêche, comme c'est le
cas dans le district de Boko.

Par contre chez les Likouala la pêche en rivière est


libre alors que ceille dans les étangs (ordinairement arti-
ficiels) est réservée.

-16 -
Pour les cultures, le chef de famille ou le chef de clan
répartit les terres entre les différents membres de la
• famille ou du clan, suivant ~e nombre des personnes qui
sont en âge de travailler. Lorsqu'un coin est épuisé et doit
être laissé en repos, c'est lui qui décide quelles l!1ouvelles
terres doivent être cultivées et qui veille à œ que personnE'
ne vienne s'installer dans une jachère et empêcher le
terrain de se reconstituer.
Droits d'installation des étrangers.

Il est toujours interdit de cultiv.er sur le terrain d'au-


trui, d'y planter des arbres, etc... sans autorisation préa-
lable.
Chez les Kongo cette autorisation est assez facilement
délivrée, surtout si le demandeur, quoique ne faisant pas
partie du clan, appartient à la même tribu, au même
groupe ethnique.
Chez les Kongo l'étranger ainsi autorisé à s'installer
a ordinairement tous les droits de culture, y compris celui
de planter des arbres.
Mais, alors que presque partout, ce droit de planter
des arbres est wne reconnaissance de propriété totale, une
reconnaissance du fait que l'étranger est intégré au groupe,
qu'il peut y créer son propre lignage, chez les Kongo H
en va tout autrement : s'il vient un jour à quitter les
terres du clan il aura le droit de vendre les arbres qu'il
aura plantés, Les cases qu'il aura construites, fin un mot
tous les biens immobiliers dont il aura enrichi il.a tenure,
mais il lui est interdit de les ,détruire. S'il ne trouve pas
d'acquéreur, ces biens reviendront au clan. S'il meqrt, il
en est de même, à moins que l'autorisation ne soit renou-
velée à ses héritiers.
Les autorisations de s'installer données à des étrangers
au clan le sont presque toujours à titre onéreux. En fait
les loyers sont d'importance très variable. Ils vont de la
calebasse de vÎln de palme remise au bailleur lors de la
passation du contrat, à la moitié de la récolte.
Ces tarifs varient avec les tribus, mais surtout avec
la densité de la population :
Lorsque les habitants sont nombreux et les bonnes
terres rares, la c dîme ,. perçue peut atteindre Ua moitié

-17-
de la récolte pour les plantes cultivées et, pour le vin de
palme, la récolte totale d'un jour par semaine plus la
moitié de la récolte des trois autres jours (district de
. ,
Boko) j
Dans les régions peu peuplées, où les terres abondent,
le « loyer » consiste souvent en la remise d'une simple
calebasse de vin de palme qui doit plutôt être considérée
comme un cadeau de bon voisinage.
Chez les Bakamba et les Bakougni par exemple, la
terre peut être louée pour le prix d'un cabri ou d'un porc
et de deux calebasses de vin de p::l hne remis une fois pour
toutes.
Chez Iles Likouala les terres étaient ordimairement
remises gratuitement aux étrangers. Mais ceux-ci, sous
peine de la malédiction des ancêtres et des génies, don-
naient une partie de leurs récoltes au chef qui avait prêté
le terrain et qui les encourageait alors dans leur travail
et appelait la bénédiction des puissamces surnaturelles sur
leurs champs.
Si, à son départ, l'étranger quitte le pays en bons ter-
mes avec le chef, il peut revenir jusqu'à épuisement de
ses récoltes, après quoi la terre retourne au propriétaire.
Si le départ est consécutif à une mésentente avec le chef,
celui-ci peut garder les plantations déjà effectuées.
Par contre, dans l'un ou l'autre cas, l'étranger avait le
droit de démolir ses cases.
Chez les Batéké un étranger (mais seUilement s'il est
de race Batéké) peut aussi obtenir des terres. Si celui
qui lui remet son champ est un simple chef de famine il
lui donnera un poulet. Le bailleur va ensuite le pré-
senter au chef politique. Si ce bailleur est en même temps
chef politique le locataire lui offrira UJ!1 cabri et une cale-
basse de vin de palme .

La propriété immobilière.

Par propriété immobilière, il faut entendre tout ce qui


ne peut se transporter, mais qui n'en existe pas moins que
parce que quelqu'un l'a constitué comme tel.
Les principaux bien immobiliers sont : les cases, les
arbres fruitiers plantés et les cultures sur pied.

-,18 -
Si, dans [es temps très lointains, arbres fruitiers
Eot cultures furent communautaires, toujours, les cases ont
appartenu à celui qui les construisait et depuis bien long-
temps, cultures et arbres sont propriété privée.
Etant doomé, jadis, le peu de valeur de la case (elle
était cOlIlstruite uniquement avec des matériaux que l'on
se procurait sans bourse délier, dans !la brousse), étant
donné, donc, son absence de valeur marchande et la facilité
que chacun avait de s'en construire une, il ne serait venu
à personne, l'idée de vendre ou d'acheter une case. D'ail-
leurs en certains endroits, notamment chez les Batéké, la
case était brûlée à la mort de son propriétaire. Elle l'était
obligatoirement partout, lorsque ce propriétaire était for-
tement soupçonné de sorcellerie. Il arrivait même que,
après un décès, tout le village se déplaçait, abandonnant
toutes les cases, même celles an cours de construction.
Mais les arbres fruitiers restaient toujours la propriété
de celui qui les avait plantés ou entretenus.
C'était aussi fréquemment Ile cas chez les Vili.
Par contre chez les Bakongo la case était conservée
intacte. Souvent même, surtout lorsqu'il s'agissait d'un
notable, Le défunt y était enterré.
Chez les Bassoundi on n'abandonnait ordinairement
pas le village. Toutefois, lorsque celui-ci était vieux, si la
mort frappait coup sur coup plusieurs habitants sans que
le féticheur puisse déceler la cause de cette épidémie, le
chef, sur les conseils du féticheur, pouvait décider de la
construction d'un nouveau village. Pour pouvoir continuer
à entretenir les arbres fruitiers du viJllage abandonné et
en récolter les fruits, on avait soin d'établir le nouveau
village non loin de l'ancien.
En effet, du moins pour UlIl certain temps, la plupart
des tribus reconnaissent aux habitants d'un village qui
s'est déplacé la propriété privée des arbres, termitières,
champignons qu'ils ont abandonnés.
Chez les Bakamba Ila case du défunt n'était pas
détruite et pouvait même servir à un membre de sa
famille. Il suffisait de déplacer la porte. Si la case était
vieille, le toit seul était réutilisé.
Chez les Likouala (sous-tribu Bouéni) non seulement
le vilQage n'était pas abandonné, mais la case et son mo-

-19 -
bilier, y compris le lit du défunt, revenaient à un parent
direct du mort qui pouvait les réutiliser.
Les cultures, les arbres sont la propriété de celui qui
les a semés ou plantés, du moins tant qu'il vit dans le
clan, mais presque partout ù,e chef de famille avait le droit
de percevoir une dîme sur les produits, en tant que gérant
des biens de la collectivité.
Quoique faisant, théoriquement, partie de la propriété
foncière puisqu'ils sont poussés sans l'aide de l'homme,
lp-s palmiers et les safoutiers, sont à assimiler aux immeu-
bles en ce sens qu'ils sont la propriété absolue, non seu-
lement du clan, mais presque toujours de l'individu qui
a charge de cultiver le terrain ,en questioin.
Ainsi, chez les Bakongo, seul le chef de famille avait
pouvoir pour procéder à la récolte des safous ou pour en
donner l'ordre. lù. les faisait ensuite distribuer à tout son
groupe.
Cela tient au fait que la noix de palme, le safou, le
vin de palme, font partie intégrante de l'alimentatio'n
africaine. Ils sont donc d'une nécessité vitale pour les
populations, tandis que les autres fruits ne sont consi-
dérés que comme des aliments d'appoÏlnt. Il est donc ordi-
nairement permis à n'importe qui de .les cueillir, comme
il est permis à tout le monde de ramasser le bois de
chauffage, tes piquets de clôtures, les gaulettes servant à
construire les cases, la forêt se regénérant d'elle-même,
dans la mesure toutefois où le récolteur, I.e ramasseur ne
détruisent pas cette forêt au point d'en empêcher la régé-
nération. Une autorisation verbaile est parfois aussi nécl~s­
saire, surtout pour qu'on vous indique les lieux dangereux,
les pièges...
Au safoutier et au palmier on peut rattacher le man-
guier. Cet arbre, d'introduction relativement récente est
toujours planté, notamment dans les villages. Mais il
arriw~ parfois qu'un village disparaisse, que la famille qui
avait p]alnté ces manguiers ne laisse pas d'héritiers, qu~
les arbres retombent dans le « domaine public ». En ce cas,
ils appartiennent au clan qui, ordinairem.~nt. les remet à
une famille. De toute façon ils sont propriété interdite aux
étrangers.
Il est évident que les fruits d'un arbre poussant ou
planté dans une conc.ession clôturée appartiennent au pro-

- 20-
priétaire de la concession. Cette propriété, notamment chez
les Batéké, peut être étendue à des arbres poussant en
brouss.e. Lorsqu'un chasseur, etc... a aperçu un arbre qui
présente pour lui un intérêt particurrier, il débrousse les
alentours et y pose des fétiches qui le protègent encore plus
absolument qu'une clôture. Il doit toutefois avertir le chef
de famille de ce qu'il a fait, et le consulter avant la récolte.

D'autre part, notamment chez Les BaŒali, Bassound1,


Bacongo certains arbres Illon fruitiers sont aussi réservés
strictement au propriétaire :
Il s'agit d'abord des grands arbres utilisés pour la
fabrication des mortiers, des pirogues, des planches, etc...
Quand le propriétaire donne l'autorisation d'abattre un de
ces arbres il réclame une partie des planches ou un ou
deux mortiers. (Chez les Likouala ce sont surtout les arbres
servant à faire les pirogues qui sont protégés).

Par contre il est interdit d'abattre les rar~ babbabl;


ou .}es fromagers parce qu'ils sont la demeure des .esprits.
Le kolatLer, [e ngara-dia (Garcinia kola), etc... sont ·de
même protégés pour des raisons médicales ou commer-
ciales.
Enfin, si tout le monde a le droit normalement de
cueillir la paille sans la permission du propriétaire,
celui-ci a très souvent le droit de rrancer un ~nterdit
d'arrachag.e d'herbe sur son terrain s'il en a un besoin
pressant.
Certains clans Bapounou, en oùtre, se réservent le
droit de cueillette de tous les fruits sauvages poussant sur
leur terrain.
Chez les Batéké le chef politique, lors de la récolte
de kola, reçoit 100 noix, le reste étant partagé entre les
g,ens du groupe.

La propriété mobilière.

Le premier fascicule abien fait ressortir .l'indêpen~


dance économique réciproque des deux époux, surtout chez
les Kongo. Chez ces derniers, chacUl!l reste propriétaire des

-21-
biens qu'il a apportés lors du mariage, comme de ce qu'il
a pu acquérir pendant toute la durée de celui-ci.
Ainsi, d'une façon générale, on peut dire que la femme
est propriétaire de son matériell de culture (houes, mat~
chettes) et de ménage (poteries, cuvettes, casseroles), aussi
bien de ceux qu'elle avait en se mariant que de ceux
qu'elle a acheté avec son argent, ou de ceux qui ont pu
lui être donnés par la suite soit par son mari, soit par sa
fainiUe, soit, par exemple, à l'occasion du mariage de sa
fille. Elle sera de même propriétaire de ses vêtements.
ElIe peut posséder de la volaille. Elle aura plus rarement
du petit bétail.
L'homme possède ses vêtements, ses outils (mat-
chettes, etc...), ses armes et instruments de chasse et de
pêche et, souvent, du petit bétail.
Notons, toutefois, que l'homme, dans les tribus de
l'extrême Nord de la République se prétend propriétaire
(au moins éminent) de tous les biens de chacun des mem-
bres de la famille.
Chacun est encor.e propriétaire de ce qu'il peut ramas-
ser dans la brousse: fruits sauvages, champignom.s, miel,
etc..., mis à part ae fait que la femme doit nourrir le
ménage, c'est-à-dire qu'elle ne pourra en fait disposer
librement que de ce qui n'a pas été consommé par les
membres de la famille.
De même, chacun pourra disposer de ce qu'il a pu
fabriquer à l'aide des produits naturels. Le vannier pourra
vendre ses paniers à son profit ou les échanger contre
différentes choses dont il sera à son tour, vrai propriétaire.
Il en est de même pour la potièr.e, etc...
La propriété des récoŒtes est plus nuancée, suivamt les
coutumes. Il reste bien entendu que c.elles~ci doivent
d'abord servir à nourrir la famille, le ménage. Mais le
surplus, ce qui peut être vendu .est réparti différemment
suivant les tribus.
Partout c'est la femme qui est chargée des cultures
destinées à faire vivre Le ménage : la femme emmène au
domicile conjugal aes récoltes nécessaires à la vie de la
famille. Le chef de famille .en fait autant de parts qu'il
y a des personnes dépendant du mbongui, de la salle fami-
liale de réunion et, du plus jeune au plus vieux, chacun a
sa part.

22
Si un jeune marié égoïste se dérobait à cette obligation
il était traité de mfoukéné (terme injurieux employé
pour désigner ceux qui mangent juste au moment où ils
se trouvent seuls ou qui, lorsqu'ils mangent en public,
négligent sciemment de donner leur part aux assistants)
pàr ses camarades encore célibataires qui le menacent en
outre de se venger sur son épouse le jour où elle irait
dans la case d'un célibataire.
Mais dans les sociétés à parenté matrilinéaire, notam-
ment chez les Kongo, le produit des cultures que la femme
peut faire en plus lui appartient. Toutefois, la femme
qui est venue s'installer chez son mari, travaille des terres
qui ne Qui appartiennent pas. En conséquence, sur les
récoltes supplémentaires qu'elle aura pu faire, elle devra
verser une part plus ou moins grande à son mari, au clan
de son mari, comme loyer de ces terres.
Lorsqu'une femme fait aim;i des économies, elle peut
participer à un kitémo (tontine). Lorsqu'arrive son tour
de recevoir l'argent, elle peut, si elle le v'eut, fare cadeau
d'une partie de celui-ci à la famille de son mari.
Dans les sociétés à parenté patrilinéaire, la propriété
éminente du mari semble beaucoup plus importante. En
fait, pratiquement toute la fraction commercialisable des
cultures lui appartient.

Acquisition de la propriété.

Le mode d'acquisition de la propriété le plus fréquent


est certainement l'héritage. Nous y reviendrons dans un
chapitre spécial.
Apparentée à ['héritage nous avons la r~distribution
des terres d'une famille éteinte. Lorsqu'une famille dispa-
raissait absolument sans héritiers, la tenure retournait au
clan et le chef de clan la redistribuait à une ou plusi-eurs
autres familles.
Chez les Dz.em, toutefois, iIl semble bien que les terres
restées vacantes appartenaient au premier occupant.
Nous avons vu qu'une des caractéristiques essentielles
de la propriété foncière était son inaliénabilité. Aussi,
pendant très longtemps, le seul mode d'acquisition de la
propriété, était, avec l'héritage, la conquête guerrière. A

23
l'heure actuelle, mais seulement depuis au maximum un~
trentaine d'années on peut vendre Ull1e partie de ses biens
fonciers.
Les biens meubles, eux, peuvent s'hériter, mais ils
peuvent aussi se vendre et s'acheter, se mettre en
gage, etc..
Une mention particulière doit être faite de l'extension
Balali, Bassoundi, Bacongo qui, au cours des derniers
siècles, a eu lieu au détriment des Batéké. Les deux
populations avaient de nombreuses relations de commerce,
les Kongo achetant aux Batéké les produits du Nord du
pays, notammelnt l'ivoire, et les revendant à la côte.
La population en pays Kongo étant plus dense qu'en
pays Batéké et ces contacts commerciaux devenant de
plus en plus fréquents un certain nombre de Balali, etc...
finit par demander de rester dans les villages Batéké. Pa-
rallèlement à leurs activités commerciales, ils obtinrent
l'usufruit de terres Batéké, parfois même ils épousèrent
d<:!s femmes Batéké. L'évolution aidant ils devinrent pro-
priétaires.
En ce qui concerne les objets trouvés sur le terrain
d'autrui et n'appartenant encore à personne (par exemple
une pointe d'éléphant) il y a ordinairement réunion de
la famille de l'inventeur et de la famille propriétaire du
terrain pour décider de la répartitioo du produit de la
vente. Si c'est une femme qui a fait la découverte, parti-
ciperont à la réunion : la famille propriétaire du terrain,
la famille de la femme et la famille de son mari.

L'esclavage.
L'esclavage a depuis longtemps et complètement dis-
paru. Toutefois, il est difficile de dooner un aperçu de ce
qu'était jadis lIa propriété sans le mentionner. En effet,
les esclaves ont joué un rôle important dans la vie écono-
mique du pays. Et leur propriété était régie par une série
de règles particulières.

Origine des esclaves.


Les esclaves étaient de provenance très diverse.
Il y avait d'abord les prisonniers de guerre. Ceux-ci
étaient toutefois peu noml})reux dans le Sud où l'échange

- 24
de prisonniers se pratiquait couramment. D'autre part,
nombre de ceux qui n'étaient pas échangés étaient rendus
contre rançon. Notons, toutefois, que, chez les Mondjombo,
Les prisonniers de guerre formaient le gros des esclaves.
Beaucoup plus nombreux étaient généralement les
esclaves achetés dans une tribu voisine. En effet, presque
partout, on vendait au loin Les sorciers, les mauvais sujets,
les trublions de la paix stricte du marché. On vendait
aussi parfois les meurtriers qui Ille pouvaient payer le prix
du sang. Ce dernier cas peut d'ailleurs être assimilé à
l'esclavage pour dettes à cette différence près que l'es-
clave pour dettes, à moins qu'il ne fut en même temps
un mauvais sujet, ne pouvait être revendu au loin.
En effet, celui-ci avait un régime particulier; ainsi,
chez les Bayombé, un débiteur insolvable pouvait s.e livrer
à un autre membre du clan qui lui paie sa dette. Il
devenait l'esclave de c.e dernier jusqu'à extinction de
celle-ci sans que toutefois son maître puisse le vendre.
Chez les Mbochi, seul l'oncle maternel avait le droit
de mettre en vente son neveu si c'était un mauvais sujet.
D'autre part, si quelqu'un était accusé d'avoir causé une
mort par des pratiques de sorcellerie, il devait remplacer
le défunt par u·n membre de sa famiD.le qui devenait
esclave de la famille de celui-ci. S'il n.e pouvait fournir
personne c'est lui qui devenait esclave.
Cessation de l'esclavage.
Celui-ci n'était d'ailleurs pas forcément éternel.
L'esclave pour dettes était libéré à extinctiOln de
celles-ci. D'autre part, une famille pouvait toujours rache-
ter un de ses membres vendu jadis ou capturé par des
voleurs d'esclaves.
Dans la plupart des sociétés à parenté patrilinéaire, les
enfants de deux esclaves étaient libres et considérés com-
me fai.sant partie du clan.
Chez les Likouala même, si un esclave avait un enfoot
avec une femme libre ou un homme libre avec une
esclave, l'esclave était libéré ipso facto.
Par contre, chez les K6ngo, un enfant né de deux
esclaves restait esclave de même que l'enfant d'un homm.e
libre et d'une esclave. Mais dans ce dernier cas, l'homme

- 25-
pouvait toujours libérer son enfant et l'intégrer dans son
clan. Par contre, étant donné l'importance de la branche
utédne, l'enfant d'une femme libre et d'un esclave était
libre et faisait partie du clan de sa mère.
Condition des esclaves.
Elle était loin d'êtr€ mauvaise. Il s'agissait plutôt
d'une situation juridique que d'un état de servitude pro-
prement dit. On pourrait presque dire qu'il y avait deux
classes dans la société, les hommes faisant partie
d'un clan, la classe noble, et les hommes n'appartenant à
aucun clan, mais travaililant en collaboration avec l'un
d'eux, les non nobles.
Si, théoriquement, le maître avait tous les droits sur
les esclaves, ceux-ci étaient eln général très bien traités
et considérés comme des enfants de la famille.
Le maître fournissait à son esclave la nourriture, le
logement, [e vêtement, pratiquement dans les mêmes
conditions qu'à lui-même ou, dans les plus mauvais cas.
comme à un parent pauvre qu'on a recueilli.
En contre-partie, l'esclave devait son travail.
Chez les Bomitaba une insulte à un esclave était aussi
grave qu'une insulte à un membre libre de la famille et
pouvait même entraîner une guerre de viillage à village.
Partout, un esclave était jugé suivant les mêmes règles
qu'um. homme libre à cette différence près que, s'il ne
possédait rien, c'était son patron qui devait payer
l'amende qui pouvait lui être infligée.
Les esclaves dont le propriétaire avait à se plaindre
étaient d'abord réprimandés. Les récédivistes ou les incor-
rigibles, après plusieurs avertissements, étaient revendus,
souvent très loin. Ils pouvaient même, chez les Batéké,
être égorgés. Par cOiIltre, i,l était considéré comme honteux
de maltraiter ou de vendre un esclave qui se conduisait
bien.

- 26-
CHAPITRE II

L'HERITAGE

D'une façon générale en Afrique, et dans la Répu-


blique du Congo en particulier, les règles de dévolution
de l'héritage varient avec les systèmes de parenté.
En conséquence nous aurons des sociétés ou la tota-
lité de l'héritage va à la branche maternel~e de la famille
du défunt, et d'autres où celui-ci sera transmis intégra-
lement à la branche paternelle. Sur les frontières des deux
zones nous trouvons des situations lintermédiair.es où les
deux branches se partagent l'héritage.
Il est à noter aussi, dans les sociétés à parenté matri-
linéaire, une évOlution vers le patriarcat. Déjà, dans le
premier fascicule de ces Cahiers, 0IIl avait observé que la
branche paternelle prenait une importance de plus en
plus grande et recevait une fraction non négligeable de la
dot. Il en est de même en ce qui concerne l'héritage et
nous voyons attribuer aux enfants du défunt une part qui
va en s'accroissant chaque jour, alors qu'en fait ils ne font
pas partie de son clan, mais appartiennent à celui de sa
femme.
Une autre règle quasi générale est que, lors d'un décès,
un seul individu est investi de la totalité de l'héritage,
ordinairement le plus proche parent, à charge pour lui
de répartir les biens entre les ayants-droit. Il s'agit, en
fait, d'un exécuteur testamentaire qui conserve une part
de l'héritage, souvent la plus importante.

L'héritage chez les Kongo.

Les Kongo ont pu, longtemps, être considérés comme


représentamt le type des sociétés à parenté matrilinéaire.
Mais, comme nous l'avons dit, l'évolution tend à donner
une importance de plus en plus grande à la branche pater-

-27 -
nelle, tant au point de vue de la parenté que de celui de
l'héritage.
A l'origine, seule la branche utérine héritait et dans
ceme-ci l'héritier principal était l'aîné de la famille, c'est-
. ....
~

à-dire le chef de famille ou, si c'était lui qui était décédé,


celui que la coutume désignait pour lui succéder.
Dans ce dernier cas, ce sera l'aîné des frères du mort,
du même lit. S'il n'yen a pas (ou plus), ce sera l'aîné des
neveux utérins : l'aîné des fils de l'aînée des sœurs, la
branche aînée ayant toujours priorité sur n'importe quelle
autre bram.che. Si celle-ci n'a pas de garçon, l'héritier prin-
cipal sera l'aîné des fils de la plus âgée des sœurs du mort
qui ait un ou des garçons. Si le mort n'a pas de sœur
ou si aucune de celiles-ci n'a de garçon d'un premier lit,
on remontera à l'aîné des frères du mort d'un second lit,
ou s'il n'y ~n a pas, d'un troisième lit, etc... A défaut, CID.
repassera aux fils des sœurs d'un <;econd ou d'un troi-
sième lit, etc...
Théoriquement la femme aurait les mêmes droits à
l'héritage que l'homme. En fait, elle ~st toujours évincée
par l'héritier mâle, même de rang inférieur. Si une famil'le
se trouve, à un moment donné, S8Jns héritier mâle, la
femme hérite. Mais dès qu'elle aura un fils, celui-ci
deviendra le véritable héritier et, à sa majorié, la femme
devra lui remettre son bien.
A la mort d'un chef de famille liarge, l'héritage passe
donc entre les mains de son mwana nkazi, de l'aîné de
ses plus proches parents utérins. Il se trouve investi de
la totalité de la succession. Biens meubles et immeubles
gérance de la propriété foncière, actif et passif, tout passe
entre ses mains.
Cependant tout nouveau chef de famille est plus ou
moins tenu de faire bénéficier les siens d'une partie des
biens dont ill hérite. Ce partage lIl'a pas lieu à parts égales,
mais suivant la proximité de la parenté, les plus proches
parents ayant les parts les plus importantes :
La première servie est toujours la N gudi Nkazi, la
mère de famille dont le chef n'est que le représentant.
Elle reçoit une somme (ou une masse de biens) qui peut
atteindre lia moitié de la valeur distribuée. Vient ensuite
le Mwana nkazi, le futur héritier du nouveau chef, puis

- 28-
tous les autres membres présents de la famille, du plus
proch.e au plus lointain, chacun d'eux recevant une part
légèrement supérieure à celle du parent un peu plus
éloigné.
Pour tout autre décès, l'héritage allait en prill1cipe au
chef de famille. Même lorsqu'il s'agissait d'une femme
morte au loin, dans le village de son mari, sa famille avait
toujours le droit de reprendre ce qui lui appartenait per-
sonnellement.
L'héritage était perçu et réparti six mois environ après
Je décès, c'est-à-dir,e à peu près au moment de la céré-
monie de levée de deuil : le matanga ou le malaki.
C'est à cette occasiOln aussi que la veuve épousera le
frère de son mari contre un léger complément de dot, ou
bien retournera chez elle. Dans ce cas, sa famille devra
rembourser la dot.
Tel, donc, devait, jadis, se présenter Q'héritage chez Les
Kongo. Mais, avec l'évolution, avec la place de plus en
plus grande pri:>e par la branche paternelle, les enfants
du mort, qui ne quittent plus que rarement leur famille
paternelle avant le mariage, reçoivent une part de plUE
en plus importante de l'héritage.
Les terres restant toutefois propriété du clan qui, lui.
est toujours matrilinéal dams ses grand.es lignes, cette part
d'héritage attribuée aux enfants du mort portera donc
uniquement sur les biens meubles et, éventuellement,
l'argent du mort.

L'héritage chez les Batéké.


Chez les Batéké (Batyo, Nzikou, Baboma, Koukouya),
c'est le fils aîné qui reçoit l'ensemble des biens de son
père, à charge pour lui d'en faire Qa répartition entre les
ayants-droit de la famille paternelle, dont, notamment le
père du défunt s'il est encore vivant.
Si les enfants sont mineurs, c'est l'aîné des oncles
patennels qui les prend en charge, en même temps qu'il
devient l'exécuteur testamentaire chargé de la répartition
de a'héritage. Il épousera aussi les veuves du défunt. Tou-
tefois, si celles-ci ne veulent pas de lui, elles ont toujours
le droit de retourner dans leur famille. Dans ce cas, ou
bien leur beau-frère a droit au remboursement des dots,

- 29-
ou bien, si les femmes se remarient dans un autre clan,
c'est lui qui percevra les nouvelJles dots. . :-
Si le mort avait plus'eurs femmes, son frère n'est pas
tenu de les épouser toutes. III peut n'en épouser qu'une ou
deux et réclamer le remboursement de la dot pour les
autres.

Si c'est la femme qui meurt, le mari garde les enfants


et la fami]1e de la défunte lui remet en outre UJl1 poulet
pour l'encourager à les bien soigner.
S'il n'y a pas d'enfant, la famille de la défunte est
tenue de rembourser la dot ou de fournir une nouvelle
épouse. Mais de toute fçon, 1es biens personnels de la mor-
te retournent à sa famille.
A [a mort d'un enfant, tout CI2 qui pouvait lui appar-
tenir va à sa mère.
Il est à noter, enfin, que, chez les Batéké, la case d'un
mort, que ce soit un homme ou une femme, est toujours
brûlée.

Chez les Bangangoulou, le partage des biens du mort


est effectué par son père, ou, à défaut par son frère ou par
son oncle.
S'il n'y a pas d'enfants, les biens sont répartis entre
le père qui reçoit la plus grosse part, et les frères du
mort.
Si, au contraire, il y .en a, l'exécuteur testamentaire
distribue ['héritage aux enfants après em avoir prélevé une
petite part pour lui et pour les oncles paternels et mater-
nels de ceux-ci. Le fils aîné est toutefois prioritaire.
La veuve épouse l'aîné des frères du mort moyennant
le versement d'une petite somme au père, aux oncles .et,
éventuellement, au grand-père paternel de celle-ci.
La femme a toutefois le droit de refuser d'épouser
son beau-frère. Dans ce cas on lui donne aIlors à choisir
entre les différents hommes de la famille du défunt. Si
elle accepte, le même complément de dot doit être versé
aux différents bénéficiair.es de la famille de la femme. Si
elle refuse encore, ,elle peut rentrer dans sa famille
qui doit, alors, rembourser la dot.

- 30-
Si les enfants sont mineurs, ils sont pris en charge
jusqu'à leur majorité par le père du mort ou, à défaut,
par son frère.
Lors du décès d'une femme sans enfants, sa famille
ne rembourse la dot, et en partie seulement d'ailleurs,
que si elle a eu des torts envers eille ou son mari, par
exemple si elle n'a pas aidé à la soigner au cours d'une
longue maladie.
Si, par contre, la femme a eu des enfants qui sont en-
core vivants, on ne rembourse absolument rien de la dot.
Les biens d'une femme morte sains enfants retournent
à sa famille qui les répartit suivant les mêmes règües que
pour la mort d'un célibataire.
Les biens d'une mère de famille sont intégralement
répartis entre ses enfants. Si ceux-ci sont encore en bas
âge, ce sera la famille de leur mère qui gèrera l'héritage
jusqu'à leur majorité, bien que les enfants restent à la
charge de leur père ou de la famille de celui-ci .

Chez les Tégué de l'Alima, c'est l'aîné des frères du


mort qui est à la fois l'exécuteur testamentaire et le plus
gros bénéficiaire de l'héritage. S'11 n'y a pas de frère,
c'est le fils aîné, ou, à défaut de fils, l'aîné des neveux
paternels qui prend la succession en charge.
L'héritier principal garde ce qui lui plaît .et partage
le reste entre les enfants, en commençant par les plus âgés,
les parts aLlant en diminuant de l'aîné au cadet.
L'héritier principal épousera aussi la ou les veuves et
prendra les enfants mineurs à sa charge. Si c'est le fils qui
hérit.e, il n'épousera pas sa mère, mais pourra obtenir le
remboursement de la dot.
D'ume façon générale, on peut dire que les fils héritent
des cabris, des armes, des pièges, des filets, etc... alors que
,les filles disposeront de la volaille, des articles de ménage,
du matériel de cultur.e, etc...
Les femmes n'héritent pas de leur mari, mais repren-
nent seulement leurs biens p.ersonnels.

-31-
A la mort d'une femme, c'est sa mère qui est chargée
de la répartition de l'héritage. Le mari reprend d'abord
tout ce qu'il a versé comme dot ou donné en cadeau à sa
femme, à moins qu'on ne lui fournisse une autre épouse.

Si la défunte n'a pas d'enfants, sa mère garde tout


pour elle. Dans le cas contraire dIe partage l'intégralité
de l'héritage entre les enfoots, y compris les produits de
la plantation en cours qui sont vendus au profit des
héritiers.
Ici aussi,- la case du mort est toujours détruite ou
brûlée.
:
L'héritage chez les Mbochi.

Chez les Mbochi. les biens provenant d'un héritage


sont partagés entre les branches paternelJ1e et maternelle
de la famille du mort d'UJI1e part et ses enfants d'autre
part.
Toutefois, si les enfants sont nombreux, les branches
collatérales ne touchent qu'une très faible part, voire rien
du tout.
Si les enfants sont mÏJneurs, ils attendront d'être
adultes pour percevoir leur part d'héritage qui, entre
temps, est gérée par !leur oncle paternel.
D'une façon générale on peut dire que, chez les
Mbochi et les populations apparentées, l'héritage se répar-
tit comme suit :
- un quart de biens va à son père ou aux ayants-droit
de celui-ci (frères du mort, etc...), c'est-à-dire à la
branche paternelle;
- un quart d.es biens va à sa mère ou aux ayants-droit
de celle-ci, c'est-à-dire à la branche maternelle.
Le reste (soit la moitié de l'héritage) est réparti entre
les enfants. S'il y a uniquement des garçons ou unique-
ment des filles, l'héritag,e est divisé en autant de parts
égales qu'il y a d'enfamts. S'il y a des garçons et des filles,
les parts des premiers seront plus importantes, jusqu'à
50 % en plus. Un exemple est ici nécessaire. Nous le
choisirons en argent pour être plus clair.

- 32-
Soit un père de familJle qui laisse quatre enfants (deux
garçons et deux filles) et un héritage de 10.000 francs. La
répartition pourra être la suiv8l!lte :
2.500 francs à son père (ou à ses ayants-droit) ;
2.500 francs à sa mère (ou à ses ayants-droit) ;
1.500 francs au premier fils;
1.500 francs au deuxième fils;
1.000 francs à la première fille (même si elle est
l'aînée) ;
1.000 francs à la deuxième fille.

10.000 francs.
S'ID in.'y a pas d'enfant, les branches paternelle et ma-
ternelle de la famille du défunt se partagent l'héritage.
De même, les femmes sont réparties entre la branche
paternelle et maternelle de la famille du défunt d'une part,
et ses enfants mâles d'autre part.
S'il n'y a qu'une seule femme, elle va à l'aîné de ses
fils, sauf si elle est sa mère, auquel cas l'héritier a droit
au remboursement de la dot.
S'il y en a deux, l'une va à l'aîné des fils (qui est alors
censé représenter en même temps la branche paternelle),
l'autre à la branche maternelle.
S'il y en a trois, l'une va à l'aîné des fils, une autre à
la bra-nche patennelle et une autre à la branche maternelle.
Pour un nombre de femmes supérieur à trois nous
finissons toujours par nous retrouver dans un des trois cas
ci-dessus.
Ou bien il.e nombre est un multiple de trois alors,
chaque groupe d'héritiers en prend un tiers, ou bien c'est
wn multiple de trois, plus un, les enfants mâles en auront
une de plus, ou bien c'est un multiple de trois, plus deux,
et nous nous retrouverons au deuxième cas après que
chaque héritier aura pris un tiers des femmes.
Il est à noter que les femmes attribuées aux enfants
le sont, s'il n'y a pas une ou le même nombre pour chacun,
dans l'ordre de naissance de ceux-ci.

-33 -
Lors du décès d'une femme, la moitié de ses biens va
à ses enfants (comme dans le cas du décès du mari). On
fera par contre trois parts du reste : l'une va au mari,
l'autre au père de la défunte ou à ses ayants-droit- et la
..
dernièr.e à sa famille maternelle.
S'il n'y a pas d'enfants, le mari n'a droit à rien et les
deux branches de la parenté de la femme se partagent
l'héritage d.e ceille-ci par moitiés.
L'héritage dans la Likouala et la Sangha.
Chez les Bomitaba et Les Bondjo, la priorité est tou-
jours donnée à la branche collatérale sur la branche directe
et, d'autre part, I.e droit d'aînesse est absolu.
En conséquence, à la mort d'un homme, c'est l'aîné de
ses frères qui sera investi de [.'universalité de la succession.
S'il n'y a pas d.e frère, c'est l'aînée de ses sœurs qui
héritera.
Ce n'est qu'au cas où le défunt n'a ni frère, ni sœur
que l'aîné de ses fils héritera. S'il n'y a pas d'enfant, nous
passons aux neveux, etc...
L'héritier prend possession des biens, mais aussi des
femmes du mort et la charge de ses enfants mineurs.
Lorsque l'héritier est une femme, .elle a droit au rembour-
sement des dots des veuves. Il en est de même du fils
qui hérite de sa mère.
L'héritier, unique chez ces populations, fait néanmoins
quelques cadeaux à ses frères et aux enfants du défunt,
mais garde toujours la paus grosse part pour lui.
Chez les Kaka, c'est le fils aîné qui prend tout, en
même temps qu'il reprend le nom que portait son père.
Chez les Dzem, la répartition de l'héritage a lieu à la
fin du d.euil, c'est-à-dire deux mois après le décès. L'exé-
cuteur testamentaire est ici l'aîné des frères du défunt.
C'est à lui que revient la paus grosse part de l'héritage.
C'est à lui, aussi, qu'échoit la premièr.e femme du mort, le8
autres appartenant aux fils, auxquels il remet aussi une
petite part de l'héritage.
Dans le cas où le défunt n'a pas de frère, la suc.ession
revient aux fils. A défaut de frère et de fils, la succession,
y compris les femmes, passe intégrwem.ent aux neveux
de la branche masculine.

-34 -
Quels que soient les héritiers, ceux-ci seront toujours
obligés d'achever le paiement des dots des femmes lorsque
celles-ci n'ont pas encore été intégralement versées. De
même, ils auront toujours à charge les enfants des femmes
dont ils ont hérité.

-35-
·-
DEUXIEME PARTIE

LA CHEFFERIE
INTRODUCTION
Si, à l'heure actuelle, la République du Congo nous
offre un système administratif à peu près uniforme avec
ses préfectures, s.es sous-préfectures, ses cantons, ses
terres, ses villages, il était loin d'en être de même avant
la pénétration européenne.
D'autre part, presqu.e partout, l'autorité traditionneHe
s'est réfugiée entre les mains des chefs de famille étendll'~,
en ne laissant que fort p.eu du pouvoir ancien entre celles
des chefs de clan, des chefs de tribu.
Jadis, dans ce qui est devenu la République du COl:lgo,
on pouvait distinguer quatre types de gouvernement:
- Deux royaumes : celui de Loango et celui du
Makoko;
- Des chefferies claniques à transmission matrili·
néaire, instalJées notamment .entre les deux royaumes;
- Des chefferies claniques à tnlJ:lsmission patrilinéaire
qui couvraient sensibl.ement tout le reste du pays au Nord
du royaum.e Batéké;
- Des chefferies familiales dans une petite zone au
bord de la Sangha (Porno, Bomouali, Lino, etc... ), elles
aussi à transmission patrilinéaire.
Avant de passer .en revue ces divers types d'organi-
sation politique, il est plusieurs po~~ts qu'il est nécessaire
de préciser.
Disons d'abord que les organisations politiques que
nous allons décrire existaient :
- Pour le royaume de Loango, vers la fin du XVIII'
siècle;

- 36-
- Pour le reste du pays, vers la fin du XIX· siècle,
sauf peut-être, pour les chefferies mbochi et des autres po-
pulations apparentées de la Likouala-Mossaka, lesquelles,
même sous il'administration occidentale (ou occide!1tali-
sée) ont encore conservé beaucoup de leur cohésion tra-
ditionnelle, suivant, de très loin seulement, l'évolution
générale du pays qui tend à ramener le peu de pouvoir
laissé aux chefs traditiOlIln.els, entre les mains des chefs
de famille étendue.
Par ailleurs quels étaient les caractéristiques princi-
pales de la chefferie, les pouvoirs du chef traditionnel, qu'il
fut le Maloango, ou le chef d'un clan de l'Ibenga-Likouala ?
Le chef est, d'abord, le maître de la terre. Si, souvent,
cene-ci est inaliénable, s'il ne peut la vendre, c'est à lui
qu'incombe le r6l.e de la répartir entre les membres de la
cellule sociale qu'il commande, c'est à lui que reviennent
les droits d'usage que versent, dans différents cas, les
étrangers, voire les membres de ila communauté.
Le chef est aussi, très souvent, le prêtre. Il n'est en
effet souvent chef que parce qu'il descend d'une série
continue d'ancêtres et par eux du fondateur du groupe.
Descendant du fondateur et le plus proche de lui, il est le
plus apte à honorer les âmes des ancêtres ou les divinités
qui les protègent.
Enfin, le chef est un juge. C'est à lui qu'incombe le
devoir de maintenir l'ordre et la morale dans sa commu-
nauté pour que celle-ci reste digne des ancêtres qui l'ont
créée. Si, parfois, comme chez les Mbochi, il délègue ses
pouvoirs à UI!l juge, il n'en reste pas moins la plus haute
personnalité morale du groupe.

- 37-
CHAPITRE PREMIER

LE ROYAUME DE LOANGO
Lorsque, vers la fin du XIV" siècle ou le début du xv',
les Kongo arrivèrent dans la région de San Savaldor, très
tôt une fraction des poplillations se sépara du reste du
groupe pour venir s'instal1er dans un pays vraisembla-
blement vide d'habitamts : la bande côtière resserrée entre
les chaînes du Mayombe et la mer où, depuis, s'est déve-
loppée la ville de Pointe-Noire.
Ces populations, comme les autres groupes Kongo
restés alors autour de San Savaldor, s'organisèr.ent en
royaume fortement centralisé.
Mais, très vite, le royaume de Kongo proprement dit
s'étendait dé~surément au point d'atteilndr.e quelques
500.000 km2. Très vite aussi, il fut obligé de se décentra-
liser en provinces, puis en de multiples chefferies de plus
en plus réduites, de plus en plus indépendantes. Aussi, dès
le XVIe siècle, le pouvoir du roi de Kongo était déjà
devenu seulement théorique pour disparaître complète-
ment peu après.
Par contre, le royaume Vili de Loango ne dépassa
guère quelque 30.000 km2 que lors de quelques expéditions
sans lendemain. Aussi, jusqu'au début du XIX' siècle, put-
11 conserver presque intégralement sa puissance.
Au moment de sa plus grande extension, ce royaume
de Loamgo s'étendait, le long de la côte, du cap Sainte-
Catherine jusque, sensiblement, à la frontière actuelle du
Cabinda. Vers l'Est, il couvrait de son autorité les mon-
tagnes du Mayombe.
Il était divisé en un certain nombre de provinces ayant
à leur tête des" gouverneurs ", ordinairement les fils de la
sœur du roi.
Celui-ci, Ile Maloango, était assisté d-wn conseil. Les
principaux ministres qui en faisaient partie étaient

-38-
Le Ma-Mboma, premier ministre. C'était lui, entre
autres, qui était chargé d'assurer le gouvernement pen-
dant l'interrègne, entre la mort du Malomgo et l'introni-
sation de son successeur;
Le Mangavo, était chargé des relations avec les étran-
gers, ceux-ci n'ayant ordinairement pas le droit de voir
le roLIl était assisté du Mampoutou qui le remplaçait en
en cas d'absence;

Le Makaka, chef de guerre


Le Mafouka surveillait le commerce. En effet, dès le
XVIe siècle, de nombreux commerçants européens venaient
trafiquer dans la baie de Loango qui formait un magni-
fique port naturel pour les vaisseaux de l'époque, et échan-
ger contre des produits de l'intérieur qui transitaient entre
les mains des Vili (ivoire, cuivre, gingembre, etc...), les
tissus, la poudre et les produits manufacturés d'Europe.
Le Mafouka percevait les droits sur les com11lerçants et
était chargé de la police des marchés;
Le Makimba, enfin, commandait aux piroguiers, aux
pêcheurs et aux chasseurs. Il était, entre autres, chargé
de percevoir les dîmes sur les produits de la chasse et de
la pêche. ". 1'" ' \
Le pouvoir du Maloango était absolu. Il avait théori-
quement le droit de disposer aussi bien de la fortune que
de la vie de ses sujets. Ceux-cL.devaient Œui faire présent
chaque année d'une partie de leurs revenus.
L'origine religieuse du pouvoir du roi faisait prati-
quement de celui-ci un dieu pour ses sujets. Il se tenait le
plus souvent caché aux yeux des mortels. Il était même
interdit à quiconque, même aux membres de sa famille,
sous peine de mort, de le voir boire ou manger. Il était
donc le « grand-prêtre » de la religion traditionnelle.
Une autre conséquence de l'origine religieuse de son
pouvoir est qu'il est aussi le juge suprême qui décide direc-
tement ou en appel de toute cause sans qu'il y ait, pour
les plaideurs, possibilité d'un autre recours. L'importance
de son rôle judiciaire était telle que, nous dit-on, c il
passait tous les jours plusieurs heures à juger les procès
de ceux qui €Il1. ont appefié à son tribunal li.

-39-
Pour assurer l'exécution de ses ordres, le roi, assisté
de son conseil, nommait des gouverneurs dans les provhn-
ces qui à leur tour désignaient les chefs subalternes, les
chefs de village, etc... Chaque village ne comprenant ordi-
nairement qu'un clan ou une fraction de clan. il s'açissait
donc en fait de chefs de clan.
La transmission du pouvoir de ces chefs était en prin-
cipe héréditaire, suivant les règles de la parenté matrili·
néaire, mais le nouveau chef devait néanmoins toujours
obtenir l'approbation du « gouverneur" d.e province et
du roi.
A sa mort, le roi n'était pas remplacé immédiatement.
mais seulement après les funérailles qui, le plus souvent
étaient précédées d'une exposition de plusieurs années.
Pendant ce temps le pouvoir était exercé par le premier
ministre le Ma-Mboma.
Le choix du nouveau roi s'avérait d'ailleurs difficilf:!.
A l'origine tout se passait à peu près bien, le pouvoir se
transmettaht normalement d'oncle à neveu (matern8l)
dans la famille Bouvantchi. Mais une série de malheurs
ayant frappé cette famille (sept rois morts successivement
en peu de temps), les prêtres, pour empêcher le pays de
courir à la ruine, firent décider que le Maloango serait
dorénavant pris alternativement dans la familile Nkala et
dans la famille Nkondé, ce qui n'était pas sans causer deq
tiraillements entre ces deux familles et prolonger l'inter-
règne, le gouvernement du Ma-Mboma.
Une fois l'accord intervenu, on procédait aux impo-
sante funérailles du Maloango défunt dont le corps était
resté exposé enveloppé de nombreuses couvertures de
couleur. Il était alors enterré en grande pompe, avec mu-
sique, coups de feu, etc..., dans un cercueil à roues en bois.
On ent.~rrait avec lui, nül!1 seulement une partie de ses
biens, mais encore quelques-unes de ses femmes et des
esclaves.
Le même cérémonial, mais un peu moins grandiose,
était observé lors des funérailles des ministres et autres
grands chefs.

-40 -
CHAPITRE II

LE ROYAUME DU MAKOKO

Au moment de sa plus grande extension, le royaume


du Makoko s'étendait, au Sud-Ouest, jusque vers Madin-
gou, au Nord-Ouest jusque vers Franceville, au Nord à
l'Alima. A l'Est, il débordait le Congo.
A l'arrivée de de Brazza le pouvoir effectif du Makoko
se limitait aux Batéké des districts de Brazzavillie et
Mayama, aux Baboma, Ndzikou, Boutsintséké, Koukouya
et à une partie des Tégué.
Le Makoko était assisté d'une série de • ministres 'D
et de « gouverneurs 'D. Deux résidai.ent à Mbé, auprès de
lui, les autres étant répartis dans les différentes provinces
de SOi' royaume.
Les représentants du Makoko transm.ettaient les ordre::;
et les directives du roi aux chefs de terre et, par l'inter-
médiaire de ceux-ci, aux chefs de village. .
Ils recevaient des chefs subalternes les impôts perçus
par ceux-ci et les remettaient au roi : kolas, peaux de pan-
thère, ivoire, produits de la terre, de la pêche et de la
chasse, etc...
Une autre fonction des « ministres » du Makoko était
ceBe de juge. La justice était en principe rendue par les
chefs de village ou de terre, mais les plaideurs, les accusés
avai€lnt toujours le droit de faire appel aux représentants
du roi qui, d'autre part, jugeaient en première instance
les affaires importantes.
A Ila mort du Makoko, la famille se réunit et va voir
les héritiers présomptifs: frères, fils et neveux utérins du
défunt pour désigner le nouveau roi.
Celui-ci reste alors enfermé neuf jours dans sa mai-
son. Au bout de ce temps, tous les chefs et notables ayant
pu VeL'lir à Mbé, il est procédé à l'intronisation du nouveau
Makoko au cours d'une grande fête.

-41-
Notons aussi que le jour de marché : Mpika (ou
Kouembali) qui était un jour férié, le Makoko reste
enfermé chez lui.
A U'échelon inférieur, nous avons les chefs de terre
puis les chefs de village qui, comme presque partout dans
la République du Congo, étaient à la fois prêtres, juges et
maîtres de la terre.
En tant que prêtres ils honoraient les âmes des alllcê-
tres. En tant que juges, ils réglaient les palabres entre
personnes, entre familles et jugeaient toutes les affaires
courantes en première instance.
En tant que maîtres de Ua terre, ils répartissaient les
champs entre les chefs de famille et percevaient les impôts,
qu'ils remettaient au délégué du Makoko.
A sa mort un chef était remplacé par son fils aîné ou,
à défaut, par l'aîné de ses neveux utérins.
Les insignes des chefs Batéké sont :
- des bracdets de cuivre rouge et des bracelets de perles;
- des colliers de dents de Uéopard et des colliers de perles;
- un chasse-mouche en queues de buffles;
- une pipe en fer très longue et de forme spécial.e ;
- une couverture rouge;
- et, enfin un gong simple, en forme de cloche sur lequel
on frappe pour prévenir du passage du chef ou Qu'il va
prendre na parole.
Pour le Makoko, qui a évidem~nt droit au port ou
à l'usage de tous ces insignes, le collier de cuivre possède
douze encoches, symboile des douze provinces de son
royaume.
Un chef malade, fou, etc..., c'est-à-dire dans l'incapa-
cité de remplir ses fonctions, ne peut toutefois pas être
déposé On lui désigne simplement, parmi les notables, un
adjoint qui l'aidera, le remplacera.
Un chef se doit d'avoir plusieurs ëpouses, ce qui est
un signe de richesse et de puissance. En effet, s'il a pris
de nombreuses femmes dans des clans différents, il sera
allié à eux et en cas de guerre, ceux-ci viendront ne sou-
tenir.

-42-
La première f.emme, qui est toujours la premlere
épousée, a toujours le pas sur toutes les autres, et c'est
elle qui transmet les ordres du chef aux autres f.emmes
de celui-ci et, éventtœillemoot, à toutes les femmes du
village, de la terre.
De même, lorsqu'Ultl chef fait des cadeaux à ses épou-
ses, la première femme, qui est toujours s.ervie en pre-
mier lieu, reçoit une part plus élevée.
C'est à elle aussi que, avant tout.e réunion de notables,
le chef expose les problèmes à étudier en lui demandant
son avis. Sensée avoir une corunaissance plus profonde de
la pensée du chef, assistant à ses derniers moments, sa
voix sera prépondérante s'il y a un paJlabre lors de la
désignation du futur chef, notamment dans celle du
Makoko qui était choisi em.tre plusieurs héritiers possibles.

*
**
La guerre était décidée par le chef et se t.erminait
ordinairement par un sacrifice d'alliance entre les deux
anciens .ennemis après un arbitrage de nombreux chefs
voisins.

-43-
CHAPITRE III

LES CHEFFERIES MATRILINEAIRES


du Sud-Ouest de la République du Congo.
La cellule essentielle dans ù'orgam-isation sociale des
populations à parenté matrilinéaire du Sud-Ouest de la
République du Congo est le clan : Kanda, chez les Kongo.
Celùi-ci est formé par l'ensemble des descendants par
voie utérine d'un aïeul commun. N comprend, Inon seule-
ment tous les descendants vivants de cet aïeul, mais encore
tous les ancêtres morts qui unissent le clan à son fondateur.
Cette kanda est subdivisée en un nombre variable de
familles larges (ou lignages) comprenant tous les parents
alliés directement à l'aîné d'entre eux.
A l'intérieur du clan, la hiérarchie des lignages se fait
d'après la séniorité, c'est-à-dire que le lignage descendant
de la branche aÎJnée a toujours priorité sur toutes les
autres.
On sait peu de choses sur l'origine des clans. Presque
toujours, celle-ci est liée à un séjour à Kongo dia Ntotila.
c'est-à-dire à San Salvador do Congo. C'est en effet à
partir de San Savaldor que les Kongo se sont éparpilùé<:
pour couvrir, entre autres, la plus grande partie du Sud
de la République qui porte leur nom. Nous avions, ici
aussi, il y a plusieurs siècles, un royaume fortement cen-
tralisé. Mais, étant donnée la dispersion des populations
sur quelques 600.000 km2, les chefferies sont très vit.~ deve-
nues indépendantes, à a'échelon de la tribu, puis du clan.
Théoriquement, à l'origine, le clan avait une base ter-
ritoriale. Ses membres formaient un village ou un groupe
de villages placés sous l'autorité du patriarche.
Mais la mobilité de la race accentuée par l'expansion
démographique, les palabres entre familles, le regroupe-
ment des villages le long des routes ont fait s'l~ffriter les
clans et s'émietter les pouvoirs de leurs chefs.

- 44-
Aussi, à l'heure actuelle, les clans ne forment-ils plus
de groupements locaux : font partie du clan, toutes les
familles apparentées par les femmes, quelle que soit la
distance qui les sépare et quel que soit leur Inombre.
Le clan Ste marque par un nom particulier (avec pré-
fixe ki), par la possession d'une devise rappelée dans les
circonstances solennelles, par sa liaison avec un totem
(ordinairement un animal et souvent ngo : la panthère)
et par certains interdits.
Nous nous trouvons donc devant une double évolution
de la chefferie :
- le chef de clam a vu son pouvoir s'affaiblir de jour en
jour;
- le chef de lignage (famille étendue) dont la puissance
s'est accrue au détrim.ent de celle du chef de clan,
attend que cette évolution, diluant ce nouvel aspect dt~
l'autorité traditionnelle en fasse glisser les derniers
restes entre les mains du chef de la familile conjugale.

Le chef de clan.
Ses fonctions étaient à la fois d'ordre r.eligieux, judi-
ciaire et social.
Son importance religieuse lui vient du fait qu'il est le
plus proche parent de Ga femme la plus âgée dans la géné-
ration la plus ancienne, c'est-à-dire l'homme le plus proche
de l'ancêtre origime du clan. Etant, sinon le plus âgé du
clan, du moins l'aîné des r.eprésentants de la branche ainée
de celui-ci, c'est lui qui forme le trait d'union entre Ges
vivants et les morts. Ce sera donc lui qui aura la garde
de la nkobi alubaku, de la corbeille des ancêtres conservée
dans la nzo bansita, la case des ancêtres où ceux-ci sont
d'ordinaire introduits par un féticheur lors d'une cérémo-
nie accompagnée de sacrifices d'animaux. C'est au chef
que s.era confiée la charge de dire les prières, d'offrir Ges
sacrifices sur les tombeaux des grands ancêtres du clan.
En un mot, il symbolise le clan et sa pérennité.
Du poÏJnt de vue social, il maintient la force du clan
et s'effor('.~ d'empêcher les scissions. Il fait respecter les
coutumes, veilile à la bonne éducation des jeunes gens,
assure la conservation de ce qui a pu appartenir aux

- 45-
grands ancêtres. Il est en même temps le gardien de la
terre et veille à la juste répartition de celle-ci entre les
différents lig)!1ages du clan.
Il est enfin le Juge. Il règile les palabres entre familles,
mais aussi ceux qui ont pu surgir à l'intérieur d'un lignage
et que son patriarche ou bien n'a pas su régler, ou bien
a réglé sans qu'aucun des plaideurs soit d'accord. En un
mot, il juge en appel.
Il était donc la plus haute autorité coutumière.
On pouvait toutefois distinguer deux types de chefs
de clan:
Les uns exerçaient leur autorité parce qu'ils étaient,
de par Ge sang, les héritiers directs de l'ancêtre. Les autres
ajoutaient à ce titre une intronisation spéciale qui pouvait
d'ailleurs les dispenser de la rigidité absolue de la règle
normale de tram.smission du pouvoir.
En effet, le mpfoumou mpou, le chef couronné pouvait
lorsqu'il commençait à se sentir vieux et moins actif, dési-
gner son successeur parmi les héritiers présomptifs, ce qui
lui permettait de former le futur chef et Ile préparer à sa
tâche. Il le prenait toutefois, le plus souvent, dans sa
proche parenté.
Le mpfoumou mpou, le chef couronné doIt son nom
au fait qu'il a I.e droit au port d'une coiffure spéciale, le
mpou, insigne de sa dignité.
Cette coiffure, chez les Balali, est formée d'une calotte
blanche (primitivement en raphia sembfl,e-t-il), surmontée,
du sommet à la nuque, d'un assemblage de plumes de coq
et de perroquet, de griffes et de becs d'oiseau de proie, de
dents de panthères, de cornes de petites antilopes...
Le mpfoumou mpou a, en outre, droit à un certain
nombre d'attributs spéciaux :
Il portera des bracelets de fer spiralés, un collier de
cuivre sculpté, un collier de fil (ou de perles) auquel sont
fixées trois dents de civettes. Les chasse-mouches en queue
de bufflile lui sont réservés en même temps que les peaux
de panthère sur lesquelles il a, seul, le droit de s'asseoir.
Enfim., très souvent, il dispose d'une hache au tranchant
très large et au manche cloûté de cuivre ou d'un couteau
spécial, symbole de sa puissance judiciaire.

-46 -
Au moment de son intronisation le mpfoumou mpou
reçoit encore deux noms : un nom honorifique, indiquant
qu'il devient le père du clan et un autre qui exalte une de
ses quallités ou une de ses actions particulières.
Les cérémonies ont lieu publiquement, après celles du
retrait de deuil du chef défUlIlt. Elles nécessitent la pré-
sence de tous les chefs de lignage qui dépendent du
mpfoumou mpou.
Des jeunes gens, étrangers au clan, remettent au nou-
veau chef le bonnet, les bracelets, le chasse-mouche, les
cdlliers et le couteau ou la hache. L'assistance chante des
chœurs dits « chants de mpou » qui glorifient le chef,
grood juge et soutien du clan et sont accompagnés, notam-
ment, du gong double et de la trompe, instruments de
musique qui symbolisent le pouvoir du chef et lui sont
réservés.
Un clan qui n'avait pas de mpfoumou mpou était
dirigé par un simple chef qui tenait son pouvoir par droit
du sang. Celui-ci n'était pas intronisé solennellement et
n'avait pas le droit de revêtir les attributs et insignes du
mpfoumou mpou.

Les chefs de lignage.


En principe il n'y avait, jadis, qu'un lignage par vil-
lage et le chef de village était en mê~ temps le chef de
lignage.
Ce lignage comprenait : d'abord Ile chef lui-même, ses
frères puis ses sœurs non encore mariées. Eventuellement
nous aurons la Ngoudi Nkazi, la mère de famille dont le
chef est le représentant, c'est-à-dire la sœur, la mère ou
la tante maternelle de celui-ci lorsque, veuve ou divorcée,
~.le a préféré quitté le village de son mari pour venir
s'installer dans celui de sa famille plutôt que d'épouser
son beau-frère. Venaient ensuite les aînés des enfants des
sœurs et des nièces du chef qui selon l'ancienne coutume
quittaient leur famille paternelle pour venir vivre dans
leur lignage auprès de Ueur oncle maternel, ceci définiti-
vemant pour les garçons et jusqu'à leur mariage pour les
filles.
Autour de ce noyau de consanguins selon la règle de
parenté matrilinéaire, viennent s'agréger des éléments
hétérogènes :

-47-
Ce sont d'abord les jeunes enfants des adultes mâles
du clan (qui font partie des claltls de leurs mères qu'ils
rejoindront plus tard), les épouses de ces hommes et enfin,
jadis, les esclaves et leur famille.
Le chef de lignage dispose de l'autorité quotidienne
dont l'importance est surtout économique. Il est assisté
d'un conseil formé de tous les membres du lignage présents
qui sont libres et mariés. Toutefois, dans Ges réumions,
l'opinion des anciens est toujours prépondérante sur celle
des jeunes, celle du chef l'emportant de toute façon.
Le chef règle les palabres entre les membres de son
lignage et éventuellement, défend les intérêts de celui-ci
devant le mpfoumou mpou. Il p.erçoit les dots des filles, ai-
de les garçons à payer l~ leur, gère les biens immobiliers,
capitalise l'avoir de la communauté, répartit Les terres à
cultiver.
Le neveu qui, après la mort de son oncle, devait lui
succéder en tant que chef, était dans l'obligation absolue
de quitter ale domicile de son père pour venir s'imstaller
dans le village de son oncle où il se construit une nouvelle
case.
Lorsque, dans un village, il y a plusieurs lignages,
chacun d'eux a son chef, mais l'habitude s'est ancrée,
notamment avec l'admimistration française qui voulait un
seul responsabGe par village, que le chef du lignage le plus
important ait le pas sur les autres .et soit, en fait, le chef
de village.

Les marchés.
Il n'est pas possible de parler de chefferie en pays
Kongo, sans indiquer le rôle des chefs dans la création et
le contrôle des marchés.
Créer un marché était un sigme de puissance. En effet,
un marché est avant tout un lieu sacré de paix, de refuge
.et d'asile, et Ge fondateur, le responsable du marché, devait
être capable de faire respecter cette « paix du marché ».
Pour être créé, un marché exigeait un accord .entre
tous les chefs intéressés, accord qui se concluait par la
consommation, en commun, de vin de palme et un échange
de cadeaux.

- 48-
L'inauguration donnait lieu à une fête solennelle, avec
un grand repas comportant viande de porc, de cabri, vin
de palme, 'etc... Celui qui établis,sait le marché, en procla-
mait ce jour-là G.es lois, et le fait de manger les mets offert~
sigmifiait qu'on les acceptait.
Ces règlements prescrivaient d'une façon générale la
liberté d'accès, de vendre et d'acheter, l'interdiction d'y
venir armé, d'y jeter le trouble, d'y voler, d'y verser le
sang... Et Le fondateur, pour les faire respecter, nommait
un chef du marché qui exerçait sur celui-ci une surveil-
lance contilnueille et très stricte, et pouvait prononcer des
sanctions très graves pouvant aller jusqu'à la peine de
mort.
Par ailleurs, sur cette même place du marché, pou-
vaient aussi se réunir des Hautes Cours de justice sous la
présidence du fondateur du marché assisté des mayelo, les
hommes les plus sages et les plus habiles du pays.
Les exécutions capitales consécutives à ces jugements
avaient 'lieu sur la place elle-même, un jour de marché.
Le coupable y était enterré vivam.t. Avant son exécution il
fixait la mercuriale du jour pour toutes les denrées; puis
s'adressant aux spectateurs, il leur demandait de ne pas
suivre son exemple sous peine de subir le même sort,
enfin il leur faisait s.es adieux...

- 49 -
CHAPITRE IV

LES CHEFFERIES DANS LE NORD


de la République du Congo

Les Mbochi.
Chez les Mbochi et les autres populations de la
Likouala-Mossaka qui leur sont apparenté.es, ce que, dans
la République du Congo, on a l'habitude de considérer
comme les attributioos du chef traditionnel est ici réparti
entre deux personnes: le chef proprement dit, d'une part,
le juge, d'autre part.
Les Kani ou Ebouriba étaient les chefs de la terre.
Ils sont les gérants de la propriété foncière qui, ici comme
partout, est toujours inaliénable.

Le pouvoir de~ grands Kani s'étend sut un certain-


nombre de vililages, unité territoriale dont l'administrativ(
française a fait la terre. Chaque village avait presque tou-
jours son « petit kani », ordinairement membre de la fa-
mille du grand kani.
Les Kani organisaient l'usage des terres entre les
membres de la communauté et répartissaient les terres
à cultiver entre les habitants. Ils étaient aussi chargés du
culte traditionnel.
Le titre de Kani est transmis héréditairement à l'aîné
des fils, quel que soit l'ordre dans lequel sa mère ait été
épousée. Si celui-ci est encore trop jeune pour commander,
Ie pouvoir pouvait être exercé par le frère du défunt qui
le conservait jusqu'à sa mort. Et c'est alors seuJlement que
le fils précédemment évincé reprenait rre pouvoir. Parfois
aussi, les Kani voisins gouvernaient au nom du mort, jus-
qu'à ce que l'héritier soit en âge d'assumer les devoirs de
sa charge.

- 50-
Les insignes du kani étaient, chez les Likouba
- UJllcollier en cuivre gravé ;
- des bracelets en cuivres sculpté;
- un chasse-mouche en queue de buffle ;
- un siège .en bois orné de clous de cuivre;
- une couverture rouge;
- un gong double pour signaler sa sortie ou aypeler
l'assemblée des notables.
Ceux-ci étaient réunis lorsqu'il y avait des décisions
importantes à prendre telles que, jadis, la guerre ou lors
de grands procès.
Ceux-ci sont d'ailleurs l'affaire des Touéré (Ntotélé
chez les Likouba) qui opèrent toujours par groupe de
deux. lQs arbitrent les différends entre individus ou entre
familles. Autrefois, ils jugeaient de même les affaires de
vol ou les affaires criminelles.
Comme pour les Kani; il existait des Touéré supérieurs
devant lesquels il était toujours possible de faire appel, et
des juges ordinaires.
Dans la Likouala et la Sangha.
La chefferie était moilns hiérarchisée dans la Likouala
que dans le reste du pays. Il n'y avait, en fait, que des
chefs de village, c'est-à-dire des chefs de clan ou de
fraction. de clan. Et si un chef arrivait à avoir une
audience régionale, il le devait plus à ses qualités person-
nelles, à son prestige, qu'à [a coutume. Il s'agissait ordi-
nairement d'un Ndami originaire d'une famille riche et
importante qui par ses fréquents mariages était alliée à
de nombreuses autres qui se trouvaient ainsi plus ou moins
placées sous sa coupe.
Chez les Bomitaba le N dami est assisté d'abord du
Tsambi puis de l'Elombi qui, lorsqu'il s'absente, peuvent le
remplacer. Ils sont choisis par le Ndami. Enfin, les Anciens
du village forment un conseil qui a voix consultative au
moins, dans toutes les affaires importantes.
A la mort du Ndami, c'est le Tsambi qui assure
l'intérim. Dès après les funérailles, les adultes masculins
du viNage se réunissent auprès de la case du défunt pour
désigner un successeur. Celui-ci est ordinairement choisi
dans la famille du chef décédé : un de ses fils ou de ses
frères. Lorsque les hommes sont arrivés à un accord, ils

- 51-
s'en vont en chantant et dansant vers la case près de
laquelle est assemblée la famille de ['ancien chef : le
Tsambi prend dans ses bras le nouvel élu et l'enferme
dans la case du mort avec une de ses femmes (avec
laquelle il ne doit d'a~lleurs pas avoir de rapport pendant
toute la durée de son internement).
Les Anciens du village lui tiennent compagnie, buvant
et mangeant avec lui les provisions dont le reste du village
les fournisselnt abondamment. Cependant, les jeunes sont
partis à la chasse et ne reviennent que ilorsqu'ils peuvent
ramener une grosse quantité de viande (antilopes, pha-
cochères, buffles). Pendant toute la durée de la chasse,
ordinairement troi$ ou quatre jours, le futur Ndami reste
enfermé afin d'entrer en communication avec l'esprit du
Ndami défunt et recevoir de lui les bons conseils, l'esprit
de justice nécessaires à un chef digne de ce nom.
Toutefois, s'il a des insomnies, des cauchemars, les
Anciens en concluent que le choix fut mauvais et qu'il
faut nommer un autre Ndami.
Si tout se passe bien, ce qui prouve que le défunt esL
satisfait, I.e jour où les chasseurs reviennent de leur expé-
dition, le Tsambi intronise le nouveau chef en lui remet-
tant les insignes de sa fonction :
- les gros bracelets en fer forgé (Ngandzélé) ;
- la sagaie spéciale que les chefs tiennent plantée en
terre pendant le règlement d.es palabres;
- le chasse-mouche en queues de buffles;
- le sac à deux bretelles qui se porte accroché à une
épaule (Dzembé ou Ekoto).
Il est à remarquer que les chefs possèdent plusieurs
de ces bracelets d,e fer. L'un de ceux-ci leur a été remis
lors de leur intronisation, les autres provieTIl-:lent d'échan-
ges faits en signe d'alliance avec des chefs voisins.
Pendant et après la remise des insignes, une grande
fête se dérouLe au village, avec danses et chants, au cours
de Uaquelle est cOl:lsommée la viande rapportée par les
chasseurs. Des libations de vin de palme sont faites sur
la tomb.e du mort.
Chez les Bondjo, le Ndami en exercice choisit ordi-
nairEment assez tôt son futur successeur. Ille prend habi-
tuellement lorsqu'il vielnt d'être circoncis. Il l'élève pen-

- 52-
dant de nombreuses années, étudiant avec lui les différents
cas qui peuvent se présenter à un futur chef, Ja procédure
à suivre, les formules utilisées dans les jugements, etc...
Pendant tout ce temps, le futur chef vit seul et à l'écart
d2 tous dans une case en bordure de ~a forêt.
Au liou d'être en queue de buffle, les chasse-mouches
de'> chefs Bondjo étaient en lanières de bambou.
Autrefois, notamment chez les Bomitaba, les Ndami
éta'ent enterrés dans leur case, dans laquelle continueront
d'ailleurs de vivre les héritiers du défunt. Un sacrifice
humain accompagnait ces funérailles: uln esclave que l'on
était allé acheter très loin était décapité, allongé au bord
de la fos&e, un tronc de bananier servant de bNlot.
Che! lIB Boka.Bonga, la femme pr6f6rH du mort 'tait
même enterrée vivante avec lui. On lui cassait bras et
jambes avant de la placer à côté du cadavre, pour que, en
bougeant, elle ne puisse troubler celui-ci.
Chez les Kaka, nous retrouvons sensiblement la mê"""
organisation que les Bomitaba, le Ndami étant appelé To-
bomo, ses deux principaux conseillers étant le Molando et
le Pandja.

Chez les Sangha-Sangha ou Bomouali, nous retrou-


vons la hiérarchie des chefs de familles étendues (dont
nous avons fait des chefs de village) et des chefs de terre.
Il est à remarquer que ceux-ci sont choisis par les
notables et même, pour les chefs de terre, ne sont pas
inamovibles : un chef de terre qui faisait preuve d'inca-
pacité pouvait être remplacé.
A la mort d'un chef de terre, les anciens du villa 0: ,
sollicitaient chacun de ses frères en comm.ençant par celui
qui était considéré comme le plus capable. Le premier qui
acceptait était élu. Si aucun frère du défunt n'était jugé
apte, 0iIl choisissait le nouveau chef dans la famille d'un
des notables.
La transmission des pouvoirs, dans le cas des chefs d~
village, se faisait du père au fils, si celui-ci s'avérait capa-
bl.e. Sinon on choisissait de même dans une famiNe de
notables.

- 53-
Ce choix devait, en principe, être sanctionné par le
chef de terre, ce qui créait parfois des difficultés, celui-ci
n'étant pas toujours d'accord avec les notables.
Chez les Dzem, la famille large étant le groupement
de base, il n'y avait pas, jadis, de chef de terre. Et si le
villlage était formé de plusieurs lignages (ce qui était assez
rare), il n'y avait pas, non plus de chef de village.
Le chef de famille large exerce donc l'autorité. Il peut
prendre conseil des individus composant sa famille, mais
il reste maître de sa décision.
A sa mort, le commandement revient de droit au fils
aîné, à moins que le reste de sa famillie ne le déclare
incapablle. En ce cas, ce sera l'aîné des fils reconnu capable
qui sera choisi. Toutefois, avant sa mort, le chef de famille
a Le droit de désigner son successeur, n'importe lequel de
ses fils ou même un neveu (cas très rare), et sa décision
est sans appel. Il est à remarquer qu'un célibataire ne peut
hériter du titre de chef. Les trois premiers enfants du chef
portent chacun un titre:

Madjua pour le premier;


Mpatah pour le second ;
Soukobel pour le troisième.

- 54-
ANNEXE

LA CHEFFERIE CHEZ LES BAMILEKE


du Cameroun

Dans l'avant-propos de ce Deuxième Fascicule des Ca-


hiers du Conseil Coutumier Africain, nous rappelions que
les ramifications de l'Association s'étendaient bien au-delà
des limites de cette République du Congo où elle avait
pris naissance et nous émettions le vœu qu'elle soit un
jour à même de « faire tout connaître de l'Afrique d'hier
aux Africains de demain, mais aussi à la France, au Mon-
de qui ignorent encore trop de l'Afrique, de sa culture... ».
Aussi, est-ce avec joie que nous accueillons ici ces quel-
ques notes sur la chefferie Bamiléké, en espérant qu'elles
ne seront qu'une introduction à des études plus étendues,
intéressant tous les pays d'Afrique qui ont conservé l'amour
du passé et qui pensent que rien de grand, dans l'avenir,
ne pourra se faire sans que soit tenu compte des apports
de la civilisation traditionnelle.
A
En pays Bamiléké, la chefferie se transmet héréditaire-
ment de père en fils. Il est toutefois très rare que ce soit
l'aîné des fils, ou même le second, qui succèdent à leur pè-
re. Ceux-ci ont, en effet, droit, de par leur naissance, à
d'autres fonctions et titre honorifiques particuliers.
Le Chef en exercice choisit parmi ses fils celui qui lui
paraît le plus apte à le remplacer et le désigne sous le
sceau du secret au Conseil des Notables (Kam Veuh) en
même temps que le futur premier conseiller, le Kwi Poh.
Il peut aussi confier cette décision à un autre grand chef
de ses amis. Cette dernière confidence ne se fait ordinai-
rement que s'il y a accord de réciprocité entre les deux
chefs. Ces conventions sont ordinairement familiales, com-

- 55-
me dans le cas actuel des chefs de Baham et de Bayanga:n
qui descendent de deux frères jumeaux, fondateurs des
deux chefferies.. Tous ceux qui sont dans le secret le gar~
dent jalousement jusqu'à la mort du chef.
Quand celui-ci est malade, il est soigné dans une case
spéciale où seuls peuvent le voir les notables du Kam Veuh,
ses femmes et quelques importants serviteurs de confiance.
Lorsqu'il est mort, les notables avertissent d'abord, s'il
y a lieu, le chef qui connaît le nom du successeur. Dans le
cas de Baharn et de BaYéllIlgam, il est prévu qu'ils doivent
lui envoyer un poulet pour lui signaler le décès. En effet,
même s'il en a déjà entendu parler,ce chef ne se dépl~­
cera que lorsqu'il aura reçu le présent qui oftlcial1se, pour
ainsi dire, l'annonce de cette mort.
Cependant, personne, ni dans la famille, ni parmi les
amis du défunt ne doit pleurer à l'annonce de la nouvelle.
On cherche d'abord quelqu'un, ordinairement un descen--
dant d'esclave, qui veuille 'bien donner le signal des lamen-
tations.
Selon la coutume, celui-ci est frap.pé violemment et pen·
dant longtemps, jusqu'à oe qu'il pleure. Mais il arrive que
le premier choisi et d'autres encore, refusent, par amour-
propre, pour ne pas être celui qui n'a pas eu assez de di-
gnité pour retenir ses larmes, mais aussi, nous le verrons,
parce que, une fois le deuil terminé et le nouveau chef
entré en fonctions, le Tou Wouh, celui qui a pleuré le pre-
mier, perd en fait tous ses dr.oits de citoyen de la commu-
nauté. Quoi qu'il en soit, on cherche un pleureur jusqu'à
ce qu'on l'ait trouvé.
Les Kam Veuh font alors annoncer que les premières
larmes ont été versées. La population se réunit alors sur
la place du marché pour se lamenter à son tour. Puis le
Tou Wouh subit une parodie d'intronisation et on l'emmè-
ne vers la demeure du défunt (où cependant il ne pénètre
pas) ; on lui donne de vieux habits du chef.
C\est au cours de cette même matinée que les notables
présentent aux diverses assemblées et aux veuves du chef
l'héritier du trône et ses conseillers: le Kwi Poh et le Sop.
Tous trois font miDie de refuser l'honneur qui leur est fait.
On les frappe, soit-disant pour les obliger à a~l:epter, mais

-00-
surtout parce que c'est le dernier jour où l'on puisse les
toucher : dès son intronisation, le nouveau chef, aura le
droit de sévir sans que ses administrés aient la possibilité
•, d'un recours quelconque.
C'est, en fait, après une lutte longue et difficile que le
futUr chef et ses conseillers sont emmenés dans une con-
cession sppéciale - Lah Kam - légèrement en dehors de
la chefferie, sur une hauteur~ alors que la demeure du chef
est toujours dans le bas. Il y a déjà été déposé un tronc de
bananier que l'on coupe alors en deux morceaux de dimen-
sions inégales, le plus grand devant servir de siège au fu-
tur chef, l'autre au Kw! Poh, pendant la cérémonie qui
marque leur entrée dans le Lah Kam. Pendant toute la
durée de Ion séjour dan. cette concession, le jeune chef est
appelé Moh Kam.
Entrent, en outre, dans le Lah Kam, les plus jeunes et
les plus belles des femmes du jeune homme et de celles
de son père, ainsi que toute une série de personnages char~
gés de servir ou de garder le chef, ses femmes et ses con-
seillers. Nous devons citer notamment :
- Le Tah Beuh, qui guide le futur chef pendant cette
période de réclusion, et doit, entre autres fonctions, souf-
fler dans une trompe spéciale chaque fois que le Moh Kam
parle ou se déplace et pour annoncer toutes les visites ;
c'est aussi par son intermédiaire seulement que le Moh
Kam peut parler;
- Le Gwa Nahm, qui tue les animaux qui serviront à
la nourriture des reclus ; .
- Le Dah Beuh, qui nettoie les mains du chef après
les repas;
- Le Deh Foh qui lui sert de commissionnaire; .
--:- Le Tchi-Tchué qui veille sur sa bouche pendant qu'il
mange;
- Le Hé-Guèh qui veille sur la porte.
Mais, alors que les trois premiers sont des serviteurs, le
Tchi Tchué et le Hé-Guèh sont choisis parmi les petits-fils
du défunt.
Tous ces titres seront conservés héréditairemènt par les
bénéficiaires qui deviennent des notables et seront consul-

-57 -
tés notamment sur l,es questions de « droit constitution-
nel ».
La protection générale des reclus est assurée par un Wa-
lah, des Tchio Foh et la plus grosse partie des « forces de
l'ordre ».
De son côté, la mère du Moh Kam est -enfermée dans une
case spéciale, elle aussi en dehors de la chefferie, car, du-
rant toute sa reclusion, le jeune chef ne peut pas la voir.
Une fois le Lah Kam fermé, on confectionne pour le
Moh Kam et le Kwi-Poh, deux masques de tissu et de fibres
végétales qui les couvrent jusqu'aux genoux.
Le futur chef vivra ainsi pendant neuf semaines. Au bout
de ce t'emps, une des femmes qui réside avec lui doit être
enceinte, afin qu'il puisse être intronisé. Cette conception
est non seulement considérée comme une approbation di-
vine, mais eUe signifie surtout que l'hérédité du trône, c'est-
à-dire l'unité de la chefferie, est assurée.
Pendant ces neuf semaines, bien qu'il ne soit pas encore
intronisé, le jeune chef est cependant consulté pour les
affaires en cours, par l'intermédiaire du Tah Beuh.
Cependant, le défunt est enterré presque immédiatement
après sa mort. Seuls peuvent y assister: l'héritier qui y
vient en cachette et les notables du Kam Veuh.
Les chefs sont enterrés dans des cases spéciales, les Fahm,
dont l'approche est interdite, entre autres, aux membres
de la famille du chef. C'est dans ces Fahm, véritables
Saint-Denis des chefs Bamiléké, que tous ceux-ci ont été
enterrés depuis l'origine. C'est là aussi que vivent les Wa-
lah et une garde très importante qui veillent à ce qu'on
n'enlève pas la tête des chefs morts et surtout celle du der-
nier, ce qui ôterait tout pouvoir au nouveau chef, crime
qui pourrait être perpétré par un aspirant au trône évincé.
Ces neuf semaines de réclusion du jeune chef sont en
même temps neuf semaines de deuil où toute la popula-
tion pleure sur la place où les grands marchés ont habi-
tuellement lieu deux fois par semaine. Les membres de la
confrérie religieuse des Ndjié dansent des ballets funèbres
sous la direction des Kam Veuh, tous les danseurs étant
couverts de cendres .et vêtus d'ornements spéciaux.

-58-
Les membres des assemblées et ceux des confréries que
présidait le défunt assistent à ces cérémonies. Le soir, ils
ne rentrent pas chez eux, mais mangent et dorment en com-
mun, chaque assemblée ou confrérie dans sa salle de réu-
nion.
Des chefs amis viennent aussi rendre hommage au chef
défunt, suivis d'un important cortège qui tire des coups de
feu, etc... Ils sont reçus en grande pompe.
De son côté, le Tou Wouh, à partir du moment où il a
pleuré, reçoit des semblants d'honneur de chef. On doit
en outre, à la fin de son « règne » lui donner la dernière
femme du défunt. Toutefois, si celle-ci est elle-même fille
de chef ou de notable, il recevra seulement un cadeau de
valeur.
Il est interdit au nouveau chef de voir le Tou Wouh.
Aussi au bout des neuf semaines, ce dernier est-il emmené
dans une case qui lui est donnée aux frontières du villagte,
en un endroit où le chef ne peut aller. Pendant que le chef
arrive par une des entrées de la chefferie, le Tou Wouh
sort par l'autre qui est ensuite soigneusement fermée et,
par dessus la clôture, il salue le nouveau chef par ses titres
honorifiques qu'il lui rend ainsi.
La première femme qui a été enceinte dans le L'ah Kam
prend le titre de Mah Poh Kam et son enfant celui de Poh
Kam. Le deuxième enfant aura le titre de Touh Kam et
. sa mère celui de Ma Touh Kam. Ces enfants seront des
notables dans la chefferie, mais il est peu probable qu'ils
deviennent jamais chefs. Même si les pr.emières femmes
enceintes mettent au monde des enfants morts-nés, elles
auront droit au titre de Mah Poh Kam et de Mah Touh
Kam.
Une fois l'an, le chef offre une grande fête, Lah Noh, qui
est en fait une réception officielle des assemblées, au cours
de laquelle ont lieu notamment des échanges de cadeaux,
parfois très importants, entre l'hôte et ses· invités, et qui a
pour but de consolider son pouvoir.

D'autre part, c'est lui qui préside les cérémonies précé-


dant les semailles, au cours desquelles les Kam Veuh et
le Ndjié attirent sur les plantations les faveurs divines.

-59-
LE chef ne se déplace jamais seul, mais il est toujours
accompagné d'au moins un « policier JI> : Tehio Foh.
Lorsqu'il sort de sa case pour vaquer à ses occupations
personnelles, aucune cérémonie n'a lieu; il a simplement
droit aux marques de respect de la population, mais sans
chants, sans danses.
J
Par contre, ses sorties officielles, par exemple quand il
va percer la deuxième porte dans la maison d'un nouveau
notable, sont annoncées à l'avance et il .est accompagné de
tous les notables et de chanteurs et danseurs.
Lui-même doit d'ailleurs danser au cours de certaines
fêtes qu'il organise, comme par exemple le Lah Noh, ou
lors des fête! des diverses confréries.
Bien que le chef Bamiléké ne soit pas un chef religieux
à proprement parier, il a obligatoir.ement droit à la place
d'honneur dans toutes les cérémonies. Il est, d'autre part,
doué d'un certain pouvoir surnaturel, notamment de se
transformer en tel ou tel animal, pouvOlr qu'il ne trans-
met d'ailleurs pas à ses enfants. Seul, l'héritier l'acquiert
par étapes, d'abord au cours de son séjour dans le Lah
Kam, puis petit à petit, au fur et à mesure que s'affirment
ses qualités de chef.
En cas de gu€rre, enfin, c'est le chef qui informe ses
sujets de la situation par l'intermédiaire de ses délégués et
.sous-délégués. Chacun des ceux-ci est d'abord chargé de la
défense de son secteur. le chef, installé à l'arrière, coor-,
donne leurs efforts, envoie des renforts d'une extrémité du
pays où règne le calme à l'autre etc...
L'armée doit combattre tant que le chef n'a pas donné
d'ordre contraire. Lui seul est maître de sa décision. Les
notables peuvent seulement attirer son attention s'ils
jugent la situation trop critique.

•••

Le Kam Veuh est le conseil des Neuf Notables. Ceux-ci


ont le même pouvoir surnaturel que le chef, avec la même
force. Ils ont ainsi la possibilité de fortifier sa puissance,
si ciest un bon chef, de le renverser s'il s'avère incapable.
Dans ce dernier cas comme un chef ne peut être chassé de

60
son trône, ils font tomber dans une fosse l'animal principal
dans lequel il peut se tran,sformer et, au même moment, le
chef meurt au village. ~C'est la raison pour laquele les Kam
Veuh ne peuvent être pris dans la famille du chef, car la
tentation risquerait d'être trop forte pour un parent de ren-
verser celui-ci pour prendre sa place.
Ce sont les Kam Veuh qui aident le chef à prendre le,s
décisions importantes pour le.squelles celui-ci doit d'ail-
leurs obligatoirement les consulter. Leur compétence
s'étend surtout à la solution des problèmes qui intéressent
les aspects juridico-religieux de la coutume : ils sont les
« conservateurs de la tradition ». Le titre de Kam Veuh
est héréditaire.
Le deuxième organisme de la chefferie Bamiléké et qui
détient le pouvoir exécutif est celui des Walah. Ceux-ci
sont au nombre de trois : Walah Ndji, Walah Kom et
Walah Kah.
Le plus important des trois est le Walah Ndji. Lui seul
peut, éventuellement, avoir un lien de parenté lointain
avec le chef. Lorsque ce dernier est absent, ce n'est pas le
Kwi Poh, le premier conseiller qui gouverne, mais le Wa-
lah Ndji.
Le Walah Ndjiest aussi chargé de tout ce qui concerne
le maintien de l'ordre. C'est lui qui commande le corps des
Tchio Foh, par l'intermédiaire des Poh Mouah. Les affaires
courantes sont l'affaire des Tchio Foh ; plus importantes,
notamment lorsqu'il y a eu du sang versé, elles sont confiées
aux Poh Mouah.
Tous les Walah ont droit, lors des cérémonies, au port du
masque, comme les plus gradés des Poh Mouah. Ils s'en
distinguent par de nombreux cauris dans leur masque.
La charge de Walah a toujours une durée limitée. Les
anciens Walah ne peuvent faire partie de l'assemblée du
Kwem Tong qui est réservée aux membres de la famille du
chef, mais seulement de celle du Kamou Ndji, après un~
grande cérémonie qui marque la fin de leur fonction de
t. Walah.

Le Kamou Ndji est la grande Assemblée de tous les nota-


bles du pays, dont le lieu de réunion est une grande con-

-61-
œssion avec deux portes. Les Kamou N dji ,sont nommés
par le chef après accord du « bureau» de l'Assemblée qui
tient ses réunions avant l'Assemblée proprement dite. Pour
être nommés, les candidats offrent au chef et aux autres
membres du « bureau » de nombreux et imp.ortants
cadeaux (bétail, jeunes filles, etc... ). Le titre est héréditaire, "
comme partout ailleurs.
Les bi,ens de la chefferie sont la propriété exclusive de
la tribu : le chef en a la jouissance et, à sa mort, ill!;; sont
transmis à son successeur.
A tour de rôle, chaque semaine, un des membres de l'As-
semblée doit préparer la nourriture de tous les Kamou
Ndji.
Le Kwem Tong est composé des membres de la famille
du chef et des descendants d'anciens chefs. C'est la seule
Assemblée qui puisse faire des remontrances directes, par-
ce que le chef ne peut user de représailles contre des
parents. C"est elle aussi qui rejette du sein de la commu-
nauté les indésirables, les récidivist'es, etc... Cet exil est
accompagné de cérémonies rituelles. Lorsqu'il doit être
définitif le coupable est emmené, solidement attaché, aux
frontière du pays et maudit par les notables. Cette malé-
diction est solemnisée par des signes tracés sur le sol avec
des cendres. La concession du condamné est ensuite détrui-
te de fond en comble.

,
,

- 62-
Discours prononcé par M.
Maurice KWAMM, Président
général, fondateur du Con-
seil Coutumier Africain, lors
de la réception à la Maison
Commune de Poto-Poto du
Représentant de la France et
des délégations étrangères à
l'occasion de la proclamation
de l'indépendance de la Répu-
blique du Congo, le 15 août
1960..

Recevant le représentant du
GénéraL de Gaulle .d.:ms cette
Maison Commune de Poto-
Poto où, depuis de Longues
années iL œuvre pour Le
mieux-être de la RépubUque
du Congo, M. KW AMM n'a
pas oubLié de souligner L'im-
port.ance de la coutume qui
a servi de guide à tant de gé-
nérations et pet/,t encore four-
nir aux jeunes le meilleur des
enseignements

Ce n'est pas seulement un honneur, c'est un immense


plaisir que vous faites à la commune de Poto-Poto de
nous accorder votre présence dans un moment si mé-
morable. La population se i-éjouit d'applaudir le représen-
tant du Chef de l'Etat et les représentants d'autres nations
en leur exprimant gratitude et reconnaissance.
Monsieur le Ministre, au nom de notre commune, je vous
souhaite la bienvenue et un heureux séjour dans notre ca-
pitale..
A la veille de la proclamation de notre indépendance,
la portée de votre arrivée à Brazzaville n'échappe à pér-
sonne, car vous y venez représenter le Gouvernement du
Général de Gaulle, artisan des transformations actuelles
et la République française, berceau de la liberté. La France
n'a pas failli à sa mission. Aujourd'hui, nous disposons de
nous-mêmes. Lorsqu'il y a moins de deux ans, au stade
Eboué, le Général dé Gaulle est venu nous proposer la

"'-' 63 -
Communauté franco-africaine, notre « Oui » était sponta-
né, parce que savions que cette Communauté allait un
jour au stade d'aujourd'hui.
Il en était de même en 1940, dans un moment difficile
pour le monde, à l'appel du Général de Gaulle où nous
avons répondu par la voix d'un frère de couleur Félix
Eboué, afin de lutter pour la sauvegarde de la liberté.
,
Depuis lors, Brazzaville est entrée dans l'histoire, non pas
seulement de la France, mais aussi dans celle des peuples
libres.
Nous avons obtenu du Général de Gaulle cette indépen-
dance. Mais le peuple, au nom duquel je parle, craint
qu'elle ne soit comme un passage de tunnel. En effet,
c'est un droit de la Nation qui veut que tout homme soit
libre. Aller contre ce droit est contra.re aux lois divines.
Et, quand le délai de reconnaissance de cette liberté est pas-
sé, cela amène toujours, inévitablement, le mécontente-
ment. Il nous appartient, comme aussi il appartient à nos
tuteurs de chercher à consolider les liens de l'union qui
rend plus forts les membres d'une même famille.
Car, le malheur des petits pays qui doivent être unis
c'est d'être déchirés au profit de ceux qui devraient les
unir. Celui qui aurait l'intention de provoquer cette rup-
ture n'en ignorerait certes pas les raisons.
La meilleure preuve de ce que j'avance ici, nous est don-
née par l'homme polygamme et père d'une nombreuse fa-
mille. Car, selon la coutume africaine, pour le polygame
ses femmes et ses enfants font sa fierté et sa grandeur ou
son prestige. Ils constituent aussi pour lui un moyen de
défense. Cela veut dire, d'après moi, qu'avant de chercher
une entente dans un village, il faudrait d'abord qu'il y ait
une union ,entre les membres de chaque famille qui le
compose. Car il est bien difficile de fonder un foyer en
commençant par là où il fallait finir.
A M. le Président de la République du Congo, M. l'Abbé
Fulbert Youlou, la population de notre commune adresse
ses vifs remerciements pour l'obtention pacifique de notre
indépendance. Cette population vous apporte, Monsieur le
Président, son appui total et formule ses vœux les meilleurs
pour la bonne réussite dans vos lourdes tâches. Elle sou-
haite également que les relations de la République du

- 64-
Congo avec les autres Etats d'Afrique soient des plus fé-
conds afin que soit réal;sé sinon l'union, du moins la
concorde entre tous les fils de notre continent.
Mes chers compatriotes, nous voici dans l'indépendance.
-
1
Que nous soyons de l'Est ou de l'Ouest, que nous soyons
du Nord ou du Sud de notre Patrie, comme l'a souvent
souligné M. l'Abbé Fulbert Youlou, le sentiment national
doit l'emporter sur nous tous. Ce sentiment national, est,
avant tout, le travail; seul, il rendra fort l'homme qui
gouverne et encouragera celui qui investit. Dans un mé-
nage, une femme douce a toujours sa meilleure part. La
République du Congo ne manquera pas d'avoir la sienne.
Car la paix est la clé de l'investissement.
Sur le plan politique, des efforts d'africanisation des ca-
dres sont entrepris: il faudrait à l'heure actuelle jeter un
coup d'œil sur le secteur privé. La vieille tradition de pré-
férence doit être révisée. Il est également nécessaire que
soit aussi étudiée la situation du commerce africain.
L'Afrique et les autres pays de l'extérieur, voisins ou
lointains, petits ou grands, se doivent chacun des devoirs.
Et, l'effort de la plupart des hommes de notre monde d'au-
jourd'hui, tend à s'organiser au sein de grands ensembles
pour faire de chaque nation souveraine un maillon de la
grande chaîne humaine. L'action de ces grands ensembles
doit tenir compte, en Afrique surtout, des masses sous-ali-
mentées. Mais par-dessus tout cela, le respect mutuel des
nations s'impose, sans quoi tout serait voué à l'échec.
Alors, à cette condition là, se raffermiront et se consoli-
deront les liens fraternels qui tissent la trame d'un monde
uni.
Vive la République française! Vive la 'République du
Congo indépendante !

- 65-
1
Table des Matières
Préface de M. le Président de la République du Congo. 3
Avant-propos 5
Introduction Il
Première partie : LES BIENS 13
Chapitre p~~~ier. -;-, LA PROPRIETE. . . . . . . . . . . . . . 13
La proprle~~ ~Ol~cle:~ 13
- ProprIete mahenab-le 14
- Limites de la propriété 14
- Droits d'usage 15
- Droit d'installation des étrangers 17
La propriété immobilière 18
La propriété mobilière 21
Acquisition de la propriété 23
L'esclavage 24
- Origine des esclaves 24
- Cessation de l'esclavage 25
- Conditions des esclaves 26
Chapitre II. - L'HERITAGE 27
L'héritage chez les Kongo 27
L'héritage chez les Batéké . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 29
L'héritage chez les ~ochi 32
L'héritage dans la Likouala et la Sangha 34
Deuxième partie : LA CHEFFERIE 36
Introduction 36
Chapitre premier. - LE ROYAUME DE LOANGO .. 38
Chapitre II. - LE ROYAUME DU MAKOKO 41
Chapitre III. - LES CHEFFERIES MATRILINEAI-
RES DU SUD-OUEST DE LA RE-
PUBLIQUE DU CONGO 44
Le chef de clan 45
Les chefs de lignage 47
Les marchés 48
Chapitre IV. - LA CHEFFERIE DANS LE NORD DE
LA REPUBLIQUE DU CONGO .. 50
Les Mbochi 50
Dans la Likouala et la Sangha . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 51
Annexe: LA CHEFFERIE EN PAYS BAMILEKE
(Cameroun) 55
Discours 63
Hors-texte:
P1EJnche 1. - Le président de la République du Congo et
le Président Général du Conseil Coutumier Africain.
Planche II. - Le Conseil Coutumier Africain.
Carte ethnique de la République du Congo.

67

Vous aimerez peut-être aussi