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Chapitre 3 Recherche et formation des enseignants en éducation musicale Marcelo Giglio Geores-Alain Schertenleib Introduction Dans nos doubles rôles de chercheurs et formateurs d’enseignants, nous proposons d’explorer une expérience qui permette à la recherche et à la formation de se rencontrer. Nous avons réalisé cette expérience avec la participation de nos étudiants au titre d’enseignants stagiaires et d’expérimentateurs. Nous proposons de réexaminer notre travail de chercheurs et notre expérience de formateurs dans le but de comprendre comment la recherche peut contribuer à l’élaboration de nouveaux savoirs professionnels dans le cadre de la formation des enseignants et, inversement, comment les nouveaux curricula invitent à réaliser une recherche qui construise, expérimente et consolide un nouvel outil de formation pour analyser ou planifier une activité de composition collective avec la classe. 1. ORIENTATION GÉNÉRALE DE L’EXPÉRIENCE L’institution qui sert de cadre à cette expérience est la Haute École Pédagogique desservant la partie francophone du canton de Berne et les cantons du Jura et de Neuchâtel (HEP-BEJUNE). Cette institution de formation des enseignants est organisée sur trois sites en cinq plateformes : • plateforme 1 : formation initiale à l’enseignement préscolaire et primaire (pour des élèves de 4 à 12 ans) ; • plateforme 2 : formation à l’enseignement secondaire I et II (pour des élèves de 12 à ~18 ans) ; • plateforme 3 : formation continue ; • plateforme 4 : ressources documentaires et multimédias ; • plateforme 5 : recherche. Cette expérience s’est déroulée avec les étudiants des promotions 2005-2008 et 2006-2009, en dernière année de formation sur la plateforme 1 du site de La Chaux-de-Fonds. Ils sont répartis en deux classes, l’une visant prioritairement l’enseignement auprès d’élèves de 4 à 8 ans (degrés -2 février), l’autre auprès d’élèves de 9 à 12 ans (degrés +3 juin). Les deux auteurs de cette communication travaillent chacun avec l’une des deux classes. Dans le contexte de cette 55 3. Recherche et formation des enseignants en éducation musicale expérience, précisons encore que tous les étudiants de la classe -2 février font d’habitude leur stage en 1e ou en 2e année primaire, le stage à l’école maternelle étant organisé à une autre période de l’année. Ces étudiants se préparent à devenir des enseignants généralistes, donc à l’enseignement de toutes les disciplines. Leur formation antérieure en musique est celle du cursus scolaire habituel, c’est-à-dire encore essentiellement basée sur le chant. Certains étudiants avaient déjà choisi des options « musique » au lycée dans lesquelles ils ont alors développé des compétences complémentaires. Certains d’entre eux pratiquent régulièrement la musique et ont acquis un bon niveau de maîtrise dans leur parcours de vie extrascolaire. 2. QUESTIONS LIMINAIRES 2.1 Un généraliste peut-il enseigner l’éducation musicale ? L’enseignement de l’éducation musicale par des enseignants généralistes ayant des compétences musicales personnelles limitées pose une question fondamentale de faisabilité. Actuellement, certaines réflexions sur le plan politique régional remettent en question le profil du généraliste pour l’orienter vers celui d’un semigénéraliste. Ces réflexions sont en partie motivées par la réalité du terrain qui montre que ces enseignants dits « généralistes » le sont de moins en moins dans certaines institutions : cette évolution s’explique entre autres par le partage du temps de travail et les échanges de leçons que les enseignants font entre eux pour mieux valoriser leurs compétences (Perrin et Wentzel, 2007). Néanmoins, la situation actuelle met les formateurs dans une posture délicate : ils doivent réussir, en peu de temps, à former leurs étudiants à des savoirs musicaux et professionnels nécessaires pour assumer efficacement l’enseignement de la musique. 2.2 La composition musicale peut-elle s’enseigner à l’école primaire ? Les programmes scolaires connaissent actuellement des mutations assez profondes. Un nouveau concordat scolaire suisse, l’accord intercantonal HarmoS1, vise l’harmonisation de la scolarité obligatoire. Un nouveau plan d’études romand2 est actuellement en consultation (PER3). Dans ce dernier, la créativité est définie comme une « capacité transversale » à tous les domaines de formation de l’école obligatoire et comme une compétence à enseigner dans le cadre de l’éducation musicale. Toutefois, sur le terrain, les représentations des enseignants à propos de la nécessité d’être soi-même un musicien accompli et expert pour pouvoir mener ses élèves vers des démarches créatives les empêchent souvent d’aborder ce domaine. 56 1 Ce concordat harmonise sur le plan suisse la durée de la scolarité, l’organisation des degrés d’enseignement, leurs principaux objectifs en actualisant les dispositions du concordat scolaire de 1970. Séparément, les cantons prennent la décision d’adhérer au concordat. Lien Internet : http://www.edk.ch/dyn/11737.php 2 Il concerne par conséquent les cantons francophones ou la partie francophone des cantons bilingues (Berne, Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Valais, Vaud). 3 Ce plan d’études est un curriculum qui établit ce que les élèves doivent développer et acquérir, mais qui n’indique pas les méthodes pédagogiques permettant d’y parvenir. Lien Internet : http://www.consultation-per.ch/index.html M. Giglio & G-A. Schertenleib Par tradition, l’éducation musicale s’enseigne par perception auditive, par imitation des exemples formulés par l’enseignant, par la lecture et la mémoire. En comparant les nouveaux programmes de formation primaire de la France, du Canada et de la Suisse (Giglio 2006a ; b ; c ; d), nous constatons que la créativité prend une place importante dans les propositions officielles sous forme d’activités de composition, d’arrangement et d’improvisation des élèves. Dans le but de préparer nos étudiants à l’appropriation et à l’application de ces nouveaux programmes scolaires, nous nous intéressons à étudier les pratiques d’enseignement qui développent la créativité chez les élèves sous deux perspectives. D’une part, une étude observe les rôles et actions des enseignants durant l’acte créatif des élèves4. D’autre part, nous observons comment conduire une activité collective de composition de chansons avec différentes classes d’élèves des degrés 1 à 5 de l’école primaire (de 6 à 11 ans). C’est cette étude que nous proposons de présenter ici. 3. LA FORMATION PAR LA PARTICIPATION À UNE RECHERCHE Pour Vygotski (1971), l’acte de création artistique n’est peut-être pas enseignable à l’école ; mais cela ne signifie pas que l’enseignant ne puisse coopérer au moment de sa réalisation. Dans ce contexte-là, nous avons proposé aux étudiants d’expérimenter la composition d’une chanson avec toute la classe dans le but d’observer comment ils coopèrent et organisent cet acte créatif collectif avec leurs élèves. Les étudiants ont participé ainsi à une expérience de formation pédagogique, mais aussi à une expérience scientifique avec leurs formateurs. Les institutions de formation d’enseignants intègrent la recherche pour apprendre à observer et à interroger ce qui se passe en classe, pour apprendre à réfléchir sur ses pratiques professionnelles et entrer dans une pratique réflexive. À la HEPBEJUNE, la formation à la recherche pour les enseignants du préscolaire-primaire est développée au travers de cours et d’ateliers spécifiques durant lesquels les étudiants apprennent quelques « gestes de chercheur » ; cette formation trouve son aboutissement lors de l’élaboration du mémoire professionnel. Notre expérience ne concerne pas une formation par la recherche ni une formation à la recherche. Elle donne une autre place à celle-ci en la mettant au cœur d’un module de formation des enseignants en éducation musicale et, vice-versa, en mettant ce module de formation au centre de notre étude. Dans ce cadre, notre objectif est de contribuer à un développement de la pratique réflexive en construisant une rencontre entre recherche et formation dans le contexte concret du développement d’une activité de composition musicale en classe. D’une part, les étudiants pourraient bénéficier d’une expérience réflexive sur les manières de concevoir et de conduire un acte de création avec leurs élèves. D’autre part, à travers leurs expériences, tant les formateurs-chercheurs que les étudiantsexpérimentateurs auraient l’opportunité de mieux comprendre les structures de ces activités de composition collective avec la classe et ainsi de les étayer 4 Cette étude a été réalisée dans le cadre de la thèse doctorale « Activité créative des élèves et rôles enseignants en contextes scolaires d’éducation musicale » de Marcelo Giglio sous la direction d’Anne-Nelly Perret-Clermont, à l’Université de Neuchâtel, année. 57 3. Recherche et formation des enseignants en éducation musicale [scaffolding] (Bruner, 1995 ; Wood, Bruner et Ross, 1976) davantage dans le cadre de la formation des enseignants. Cela nécessite donc de structurer une expérience dans laquelle pourrait se conjuguer un objectif de formation des enseignants avec un objectif de recherche. 4. ENTRE FORMATION ET RECHERCHE : OBJECTIFS ET PROCÉDÉS L’objectif spécifique de formation de cette activité est qu’au terme de ce module de formation, les étudiants puissent conduire des activités de composition collective avec les élèves de toute une classe. Dans ce sens, les étudiants doivent s’organiser pour accompagner les élèves à créer, à tester, à adapter, à accompagner et à enregistrer une chanson. Il s’agissait de composer des paroles et une musique originales en tenant compte de la fluidité des idées littéraires, rythmiques et mélodiques des élèves, le rôle de l’enseignant consistant à mettre en évidence les idées originales et à éviter l’imitation de chansons existantes. L’activité aboutit à l’élaboration et l’enregistrement de la chanson finalisée. Cela implique pour l’enseignant un savoir professionnel d’enseignement des compétences créatives disciplinaires – expressions musicales et langagières, orales et écrites – et des compétences transversales : fluidité, flexibilité, élaboration et originalité (Merrifield, 1960 ; Guilford, 1962). Quant à l’objectif de notre travail de recherche (Giglio, Joliat, & Schertenleib, 2009 ; Schertenleib, Giglio, & Joliat, 2009), il vise, par cette expérience, à pallier le manque de moyens didactiques pour aborder la compétence « créer » en classe. Nous proposons de construire un outil didactique à partir des expérimentations dans le cadre de la formation et au travers de l’expérimentation de nos étudiants lors de stages professionnels. Cet outil devrait être utile à la formation des enseignants - et à l’enseignement - puisqu’il pourrait faciliter la mise en œuvre en classe de situations de composition collective. La participation des étudiants à ce projet au travers du récit de leurs pratiques lors d’entretiens collectifs semi-dirigés nous a permis d’observer les étapes et les tâches successives pour composer une chanson, mais aussi leurs manières d’organiser le travail de la classe. Cet outil a ensuite été présenté et discuté avec une nouvelle promotion d’étudiants, ce qui a contribué à son ajustement et à son amélioration. Nous essayons ainsi de réaliser un élargissement progressif de l’apprentissage [expansive learning] (Engeström, Virkkunen, Helle & Pihlajaet Poikela, 1996) dans le cadre de notre formation didactique et à travers la recherche. Toutes ces actions font partie de deux activités : l’une de formation et l’autre de recherche. 5. ORGANISATION DE L’EXPÉRIENCE L’expérience est conduite en trois phases (figure 1, page 59) : la première se déroule lors des cours de didactique de l’éducation musicale du début de la 3e année, la deuxième durant le stage de six semaines dans une classe primaire et la troisième lors des cours qui ont suivi le stage. Même si elle ne fait pas partie de cette contribution, nous mentionnons tout de même, dans la figure 1, la réalisation par un étudiant d’une enquête auprès de ses collègues étudiants dans le cadre du mémoire professionnel. Il cherchait à observer l’évolution de leurs représentations sur la créativité musicale à l’école lors de trois étapes successives de l’activité. 58 M. Giglio & G-A. Schertenleib Figure 1 : contextes de cette recherche 5.1 Phase 1 But : Aborder les divers aspects de la composition d’une chanson avec des élèves a) Semaine 1 : Inventorier les actions et les compétences de perception, d’expression et de création selon les âges et les représentations des élèves ; Composer une chanson avec des enfants : exploration d’une approche par le texte, d’autres par les rythmes. b) Semaine 2 : Composer une chanson avec des enfants : poursuite de l’exploration de l’approche par le texte ; Explorer une approche par la mélodie par improvisation vocale, à l’aide d’instruments ou basée sur une structure harmonique. c) Semaine 3 : Organiser le travail de la classe : formes sociales de travail en classe, gestion du temps et de l’espace, difficultés contextuelles ; Rappeler quelques éléments techniques : écriture d’une partition à partir d’un enregistrement ; harmonisation et orchestration d’une mélodie. 5.2 Phase 2 But : Composer, tester, adapter, accompagner et enregistrer une chanson (paroles et musique originales) avec les élèves. Réalisation de l’expérience durant le stage de six semaines dans une classe (parfois, classe à deux ou trois degrés) du canton de Neuchâtel. 5.3 Phase 3 But : Croiser les différentes expériences de manière réflexive. Chaque étudiant fait le récit de sa pratique en présence des collègues étudiants. La partition de la chanson créée par la classe de stage est visualisée et les étudiants écoutent l’enregistrement de l’interprétation de la chanson par la classe. 59 3. Recherche et formation des enseignants en éducation musicale 6. ÉVALUATION DE L’ACTIVITÉ DE FORMATION L’évaluation de ce travail pratique est basée sur la restitution de l’enregistrement sur support numérique de la chanson créée, interprétée et accompagnée par les élèves et l’étudiant stagiaire. Les étudiants doivent également restituer la partition de celle-ci, sous forme manuscrite ou numérique. Les critères d’évaluation sont les suivants : a. qualité de l’enregistrement (interprétation mélodico-rythmique correcte, compréhension des paroles, présence d’un accompagnement instrumental) b. qualité de la partition (utilisation des signes adéquats, correction mélodico-rythmique) c. difficultés techniques et esthétiques adaptées à l’âge des élèves (tessiture, intervalles (tierces et secondes majeures : pas d’octaves ni de secondes mineures, motifs rythmiques, texte, durée…) d. cohérence entre l’enregistrement et la partition e. prise en compte de la diversité des élèves (auto-évaluation) f. présentation orale (récit de pratiques) de la démarche mise en œuvre avec les élèves pour réussir la production du texte et de la musique. 7. RECHERCHE ET FORMATION : CONTRIBUTIONS RÉCIPROQUES En réexaminant cette expérience, nous constatons la présence de trois niveaux qui se superposent : l’ensemble des situations pédagogiques de composition musicale collective avec la classe, le dispositif de formation de la HEP et la recherche réalisée par les formateurs chercheurs avec la participation des étudiants (figure 1). Lors du retour de stage, les étudiants devaient faire le récit de la démarche mise en œuvre avec leurs élèves pour réussir la production du texte et de la musique. Nous avons enregistré en audio les récits de pratique (Bertaux, 1976) de chaque étudiant. Ce récit, libre au début, était ensuite orienté par les questions du formateur. Le cadre de ce récit n’était pas limité au couple narrateur-chercheur. Il s’est réalisé en présence des autres étudiants comme se réalise habituellement toute mise en commun et analyse de pratiques durant les cours de formation. Tous ces récits ont été analysés. L’enregistrement des chansons et les partitions ont également servi de supports à cette analyse et à la compréhension de l’activité (Giglio et al., 2009b ; Schertenleib et al., 2009). Quant au travail de recherche, nous avons constaté parmi les principaux résultats que pour conduire des activités de composition musicale collective en classe, les étudiants alternent divers types de tâches (figure 2), permettant d’organiser leurs propres idées ou celles des élèves. Nous avons aussi observé une diversité de l’ordre chronologique des composantes musicales et littéraires (Giglio et al., 2009b). Quant au travail de formation, l’analyse des récits des pratiques des étudiants a contribué à ouvrir le champ des « possibles » sur les différentes manières de 60 M. Giglio & G-A. Schertenleib composer une chanson avec toute la classe. En effet, selon nos analyses, il existe une inépuisable diversité de types d’enchaînements des composantes musicales (voir l’axe horizontal de la figure 2) : thème, texte, rythme, mélodie, etc. Nous avons constaté que les étudiants proposaient différents types de tâches aux élèves : créer (une mélodie, un rythme, des paroles…), chercher (des mots-clés, des rimes…), choisir (une mélodie, un rythme…), adapter (des phrases…), arranger (une mélodie, un rythme…) ou structurer (la chanson). Figure 2 : représentation de cinq démarches de composition collective d’une chanson (3-5P) Nous avons aussi constaté qu’il existait différentes formes sociales de travail en classe qui émergeaient des récits des étudiants (voir l’axe vertical de la figure 2). Certains étudiants réalisaient des tâches individuelles face à la classe ou hors des leçons (par exemple la composition d’un rythme ou la correction du texte sans les élèves). D’autres étudiants imposaient quelques rythmes ou un thème spécifique comme support de la composition. La plupart proposaient aux élèves la réalisation de tâches collectives avec toute la classe ou avec une demi-classe. Peu d’étudiants proposaient aux élèves des tâches individuelles. Par moments, un groupe d’élèves devait passer devant ses camarades pour présenter ses idées. Quelques étudiants en stage dans les classes de 3e à 5e proposaient quelques tâches autonomes en petits groupes pour créer des rythmes ou de rimes. Ces résultats, ainsi que l’outil didactique de planification d’une activité de composition collective avec la classe, ont été présentés aux deux promotions d’étudiants à la fin de leur module de formation. 61 3. Recherche et formation des enseignants en éducation musicale 8. CONSTATS 8.1 Constat 1 : Former en observant et en cherchant C’est l’apparition des nouveaux programmes scolaires – pour la Suisse romande : le Plan d’études romand – qui a été l’un des déclencheurs du projet de recherche dont il est question ici. De plus, ce projet a constitué une suite cohérente à nos études comparatives antérieures sur les curricula prescrits en Suisse romande, en France et au Québec (Giglio, 2006b, 2006c, 2006d ; Giglio & al., 2009a ; Giglio & Oberholzer, 2006 ; Schertenleib et Giglio, 2007). À partir de ce contexte, ce projet nous a permis d’élaborer un outil didactique utile pour former à nos étudiants. 8.2 Constat 2 : La réflexion des étudiants ou cœur des données Nous avons vu que l’introduction de la recherche dans la formation initiale des enseignants vise à développer la réflexion sur les pratiques et à entrer dans une pratique réflexive. Dans la démarche que nous avons proposée à nos étudiants, ceux-ci devaient créer ou recréer une activité innovante, à partir d’éléments abordés dans la formation et en fonction du contexte spécifique de leur classe de stage. Ce type d’activité est presque absent de notre contexte de travail (classes du canton de Neuchâtel). Les étudiants étaient donc appelés à produire une innovation durant leur stage de pratique professionnelle. Or, c’est un des éléments caractérisant la pensée réflexive que de penser d’une façon créatrice (Pallascio & Lafortune, 2000). 8.3 Constat 3 : La formation au cœur de la recherche et vice-versa La forme de complémentarité ou de lien direct entre les activités de formation dans l’institution, la pratique durant le stage et la recherche concrétisée dans cette expérience a donné une autre place à la recherche dans la formation des enseignants. En effet, nous sommes partis d’une situation propre au terrain de formation des enseignants. Nous avons analysé la situation avec les étudiants. La recherche nous a aidés à cette analyse et nous a permis de créer un outil didactique favorisant une nouvelle pratique de formation. Les étudiants d’une deuxième promotion l’ont utilisé pour planifier leurs activités de composition. Nous avons observé son fonctionnement et, finalement, nous l’avons consolidé. 8.4 Constat 4 : La prise de conscience des étudiants des liens formation/recherche Dans une première étape de l’expérience, lors de la phase d’enregistrement de leurs récits durant le cours, les étudiants ont pris conscience des différentes formes de composition collective d’une chanson avec toute la classe. Dans une deuxième étape de l’expérience, une fois l’outil didactique construit et amélioré à partir des récits de leurs pratiques, ils se sont rendu compte de la contribution de leur participation à la recherche. Et vice-versa, ils ont pu prendre consciente de la contribution de cette recherche réalisée dans leur processus de professionnalisation en formation initiale. 62 M. Giglio & G-A. Schertenleib Conclusion Nous avions l’objectif de montrer comment la recherche peut contribuer à l’élaboration de nouveaux savoirs professionnels appliqués aux besoins du contexte et à l’innovation dans la formation des enseignants. Les étudiants ont pu bénéficier d’un nouvel outil didactique (figure 2) avec lequel ils peuvent planifier des séquences pédagogiques de composition musicale collective. Cet outil a été présenté et discuté avec une nouvelle promotion d’étudiants pour un nouveau cycle contribuant à sa consolidation. La rencontre entre la formation et la recherche a été réalisée par les mêmes protagonistes : formateurs/chercheurs ; étudiants/expérimentateurs. Nous pouvons penser que nous contribuons ainsi à développer, chez les étudiants, une autre modalité de réflexion sur leurs pratiques d’enseignement, et ce, dans le cadre même de leur formation initiale. À la différence des réflexions dans lesquelles l’étudiant s’engage de manière dialogique dans le but d’acquérir des compétences professionnelles, ici, les étudiants collaborent entre eux et avec leur formateur pour acquérir, mais aussi pour produire des connaissances dans un dialogue entre la recherche et la formation au sein d’un même scénario de formation. Inversement, cette rencontre favorise l’apprentissage de nouveaux savoirs professionnels émergeant des nouveaux programmes tout en créant une place pour la recherche dans la formation des enseignants et en fournissant un cadre d’application à l’objet de recherche. 63 3. Recherche et formation des enseignants en éducation musicale Références Bertaux, D. (1976). 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