Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
In Léglise I & Migge B. Pratiques et représentations linguistiques en Guyane : regards croisés. Paris : IRD Editions. 29-47.
Des langues, des domaines, des régions.
Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane
Isabelle LEGLISE
Introduction
Le Département français d’Outre-Mer de la Guyane connaît ce qu’on pourrait appeler deux
grandes traditions de travaux en sciences humaines. D’une part, des approches
anthropologiques ou socio-anthropologiques qui étudient des sociétés plus ou moins
« traditionnelles » – depuis les travaux fondateurs (tels que ceux de Hurault (1965) ou (1972),
Grenand et Grenand (1972) ou Jolivet (1982) aux travaux actuels (Collomb, 1997, Chapuis,
1998) – et dont certaines des contributions à cet ouvrage sont dans la droite ligne. D’autre
part, des approches linguistiques ou ethnolinguistiques consacrées à l’étude de langues
considérées comme « langues de Guyane » et dont on ne disposait pas, jusqu’à il y a peu, de
description (Camargo, 2002, Goury et Migge, 2003, Launey, 2003, Patte, 2003). Une entrée
par les peuples ou les communautés d’un côté, une entrée par les langues – au sens de langues
maternelles, de ces peuples – de l’autre : deux approches traditionnelles, pour les disciplines
académiques dont il est question, mais qui paraissent renforcées par le terrain guyanais luimême.
La Guyane semble en effet imposer au chercheur comme aux différents acteurs engagés sur le
terrain, une approche au mieux anthropologique, au pire ethniciste, des relations sociales. Le
discours commun guyanais découpe de fait la population présente sur le département en
différents groupes aux définitions et frontières éminemment complexes – et mouvantes – mais
qui s’imposent à tous comme une évidence. Amérindiens, Créoles, Métropolitains,
Businenge, Haïtiens, Brésiliens, Antillais, Chinois etc. constituent, dans l’imaginaire collectif,
autant de « communautés » ou de « groupes ethniques » distincts. Ces catégories sont
particulièrement fécondes pour appréhender la société guyanaise, y compris dans les travaux
en sciences humaines et sociales, comme l’atteste cette citation de l’historien S. Mam Lam
Fouck (2002 :159) :
« Aux revendications culturelles, créoles et amérindiennes, s’ajoutent celles des Businenge qui, eux aussi,
entendent faire reconnaître leur culture. Les autres communautés, notamment celles qui regroupent des
immigrés de nationalité étrangère, n’ont pas de revendications politiques. Mais elles tiennent à marquer
l’espace culturel de leur empreinte en jouant soit de leur poids économique (Chinois, Hmong), soit de leur
poids démographique (Haïtiens, Brésiliens, Surinamais). La communauté métropolitaine, longtemps
marginale dans le paysage culturel a un rôle de plus en plus décisif dans le jeu social guyanais. »
Plongé en terre guyanaise, le chercheur venant de l’extérieur, même s’il ne souhaite pas
catégoriser a priori la population en fonction d’une grille de lecture ethniciste, sera confronté,
à un moment ou l’autre de l’analyse, à cette dernière.
Cette grille de lecture n’a pourtant pas été le point de départ des travaux que j’ai réalisés en
Guyane. Il ne s’agissait pas d’étudier les pratiques langagières d’une communauté
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particulière, mais bien plutôt d’offrir un premier panorama sur la pratique des langues en
Guyane – et dans l’Ouest guyanais en particulier. Mon entrée se distingue donc des deux
entrées mentionnées plus haut : elle n’est pas communautaire mais linguistique - au sens où
on s’intéresse aux langues parlées, que ces dernières soient parlées par des locuteurs « natifs »
ou non. Elle est par ailleurs et plus précisément langagière ou sociolinguistique, au sens où on
ne vise pas directement la description de la structure des langues en présence mais plutôt la
description de la pratique de ces langues, par des acteurs sociaux, et des attitudes que ces
derniers émettent face aux langues.
Ces travaux ont été réalisés suite au constat rappelé par Launey (1999) d’une absence de
données fiables d’ordre sociolinguistique sur la pratique des langues en Guyane : estimation
d’un nombre de locuteurs par langue, vitalité de ces langues, capacité de ces langues à jouer
un rôle de communication entre les groupes etc., autant de domaines où le déficit d’enquêtes
sur le terrain se faisait d’autant plus cruel que ces informations étaient nécessaires pour mener
à bien les projets de mise en place, dans les écoles guyanaises, de formations adaptées dans
certaines des langues premières d’une partie importante de la population (Goury, et al., 2000,
2005, Alby et Léglise, 2005, Lescure, 2005).
Ce texte vise à illustrer quelques uns des résultats obtenus lors des travaux sociolinguistiques
réalisés en Guyane ces cinq dernières années. Ces travaux s’appuient sur plusieurs traditions
de recherche françaises et anglo-saxonnes : ils s’inspirent d’une sociolinguistique du
plurilinguisme (en particulier des courants de la sociolinguistique urbaine, de la sociologie du
langage et de la sociolinguistique interactionnelle), de propositions venant de l’anthropologie
linguistique, mais également de travaux provenant de cadres théoriques s’intéressant
traditionnellement à des données « unilingues » : l’analyse du discours et les théorie de la
variation. Les résultats obtenus permettent d’ores et déjà de dresser un panorama global des
langues en présence, d’illustrer l’extrême diversité des situations que comporte la Guyane
(tant au niveau géographique, qu’au niveau des domaines d’activité quotidienne, ou qu’au
niveau des interactions mêmes), et de dégager les dynamiques linguistiques à l’œuvre dans la
région. Ils permettent également de se situer dans un certain nombre de débats et en
particulier d’intervenir sur les politiques linguistiques éducatives actuellement en cours (Alby
et Léglise, 2005, Léglise et Puren, 2005).
Après avoir présenté quelques éléments de méthode, nous donnerons à voir un aperçu macrosociolinguistique des langues parlées en Guyane et des dynamiques que l’on peut observer à
ce niveau global. Dans une troisième partie, nous donnerons des illustrations du
plurilinguisme d’individus en un lieu donné. Nous terminerons par la grande variété observée
dans les pratiques, à un niveau micro-sociolinguistique et par les effets de ces contacts de
langues sur les variétés linguistiques elles-mêmes.
1. Enquêtes, méthodes, données
1.1. Une enquête à grande échelle sur les pratiques déclarées par la population scolarisée
L’évaluation sociolinguistique de la situation guyanaise nécessitait une enquête à grande
échelle. Dans un premier temps, nous avons décidé de nous intéresser aux pratiques déclarées
par la population – et en particulier par la population scolarisée, qui constitue une part
importante de la population. Une grande enquête a donc été menée, en milieu scolaire, entre
2001 et 2004, auprès d’enfants d’une dizaine d’années, du cycle 3 de l’école primaire. Au
total plus de 1000 entretiens individuels ont été réalisés, à raison d’au moins une classe par
école, dans les zones géographiques suivantes : l’ouest côtier (Saint-Laurent du Maroni,
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Mana, Awala-Yalimapo), le long du fleuve Maroni (des localités de Mayman et Apatou
jusqu’à Antecume Pata en passant par tous les villages où une école est implantée), et, comme
point de comparaison sur le littoral, Cayenne.
Afin de pouvoir comparer nos résultats avec les rares données qu’on possédait déjà en
Guyane lorsque notre enquête a débuté, on a utilisé le même type de questions que celles
proposées lors d’une enquête sociolinguistique réalisée à l’école et au collège de SaintGeorges de l’Oyapock en 2001 (Leconte et Caitucoli, 2003), lors de questionnaires passés à
l’écrit. Prenant en compte l’expérience de F. Leconte, plus probante au collège qu’à l’école
primaire, la forme « questionnaire écrit » nous a paru peu pertinente pour des enfants qui ne
se sentent pas forcément à l’aise avec l’écrit et qui risquaient fort de voir dans un
questionnaire passé à l’écrit, qui plus est dans leur salle de classe, une sorte de test scolaire. Je
me suis donc inspirée du questionnaire pour établir une liste de questions posées à l’oral, lors
d’entretiens individuels, semi-directifs, entre enfant et chercheur, à l’extérieur des salles de
classe. Par exemple :
« Quelles langues est-ce que tu parlais avant de venir à l’école ? Dans quelle(s) langue(s) est-ce que tu
parles à ta mère ? à tes sœurs et frères ? à ton père ? à tes amis ? En dehors de l’école, quelle(s) langue(s)
parles-tu le plus souvent ? Quelles langues sais-tu écrire ? Quelles langues aurais-tu envie d’apprendre à
parler ? à écrire ? Dans quelle(s) langue(s) ta mère te parle ? tes frères et sœurs ? tes amis ? Le X (par
exemple, le français, langue citée comme parlée avec les amis, à l’école et parfois entre les frères et sœurs),
tu le parles bien / très bien / un peu ? Le Y (par exemple, le ndyuka, le kali’na, le créole, le portugais langues citées comme langue parlée en famille), tu le parles bien / très bien / un peu ? etc. »
Ces entretiens ont permis de recueillir à la fois des réponses ponctuelles à certaines questions,
qui ont pu être comparées aux résultats de Saint-Georges de l’Oyapock (cf. notamment
Léglise, 2004) mais également un certain nombre de discours épilinguistiques (Canut, 2000),
lors de réponses plus développées, qui ont constitué des données sur lesquelles une analyse
qualitative des discours a pu être menée.
1.2. Observation participante et recueils de données langagières ciblées pour l’étude des
pratiques réelles
En parallèle du recueil de pratiques déclarées, un autre dispositif de recueil et d’observation a
été mis en place pour avoir accès aux pratiques réelles de la population. On s’est intéressé à
un certain nombre de domaines – au sens de Fishman (1964) – tels que l’école (interactions
dans la salle de classe et dans la cour de récréation), la famille (interactions entre frères et
sœurs ou avec différents membres de la famille), les situations d’échanges (marché, mairie,
Poste) et diverses situations de travail (hôpital, rizières, chantiers du bâtiment). Il ne s’agissait
pas ici de réaliser une enquête systématique mais de réaliser des observations
complémentaires in situ et d’enregistrer des données langagières – sortes « de prélèvement
d’échantillons » permettant de comparer les pratiques réelles aux pratiques déclarées et
d’étudier la diversité des pratiques. Ces enregistrements ont été réalisés à chaque fois que les
conditions le permettaient. Dans un grand nombre de cas, les enregistrements ont été réalisés
par l’un des participants à l’échange et sans la présence du chercheur, afin de ne pas perturber
les cadres de la conversation (ainsi de la cour de récréation, des enregistrements dans le cadre
de la famille etc.). Au total, plusieurs dizaines d’heures d’échanges plurilingues ont été
recueillies.
1.3. Des discours épilinguistiques recueillis dans différentes situations
Enfin, des entretiens libres – la plupart du temps en français, parfois dans d’autres langues
communes – avec un certain nombre d’acteurs ont été enregistrés : histoires de vie,
conversations ayant trait à la pratique des langues, à l’expérience professionnelle, etc. Ces
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entretiens ont permis de mieux appréhender la complexité des situations, en se laissant guider
par les pistes que les personnes interrogées mentionnaient. Par ailleurs, ils ont permis de
constituer un gros corpus de données langagières – et en particulier de discours
épilinguistiques, discours sur les langues et les pratiques langagières – sur lesquelles des
analyses de discours ont pu être menées par la suite.
Mentionnons que la situation de communication que suppose la réalisation d’un entretien –
interaction en face à face, moment de rupture avec les activités quotidiennes, qui suppose des
moments de questions de la part du chercheur et de réponses aux questions – exige un format
de communication assez particulier, culturellement marqué, et pouvant se révéler contraire
aux habitudes conversationnelles de certaines parties de la population guyanaise. Dans ces
cas, pour disposer malgré tout de discours épilinguistiques - hors situations d’entretien - nous
avons argumenté dans (Léglise et Migge, 2005) pour le recours à des méthodes inspirées de
l’anthropologie linguistique : discussions informelle dans d’autres langues que le français,
lors de la réalisation commune d’activités quotidiennes (cuisine, culture, etc.).
1.4. « Données » et traitement des données
Les « données » collectées concernent donc
a) des déclarations sur les langues parlées, et sur la pratique de ces langues, qui, en raison
de leur brièveté (cf. ci-dessous) ont pu être comparées, encodées sous excell et analysées d’un
point de vue quantitatif, selon des méthodes traditionnelles de la sociolinguistique oeuvrant
par questionnaires (Calvet, 1990, Achard, 1994, Deprez, 1994, Juillard, 1995, Porst, 1996,
Leconte, 1997, Lasagabaster, 2005). Lorsque les échanges étaient plus longs, ils ont alors
également été traités comme les données c).
(1)
Ch – quelles langues tu parlais avant d’aller à l’école ?
enf – je parlais que le kali’na
ch – et ta mère / quelles langues elle parlait quand elle était petite ?
enf – kali’na aussi
ch – et dans quelles langues elle te parle maintenant ?
enf – en kali’na / toujours en kali’na
ch – et avec tes frères et sœurs dans quelles langues tu leur parles ?
enf – en français et en kali’na
Ce traitement quantitatif a permis d’obtenir des résultats par école, par lieu géographique
(village, ville, région) mais également par langue citée, par type d’échanges (à l’école vs. dans
la famille ; et plus précisément : entre l’enfant et ses parents ou entre l’enfant et ses frères et
sœurs par exemple, cf. 3.2 ci-dessous), par génération (parents / grands-parents / enfants) etc.
b) des interactions spontanées, qui ont pu être analysées avec les outils de la
sociolinguistique interactionnelle (Gumperz, 1989, Juillard, 1995, Deprez, 1999) : choix des
langues, alternances des langues dans les pratiques, comme dans l’extrait ci-dessous,
enregistré dans une famille
(2) J :
M:
M:
K:
M:
Ken san i e suku e fuufeli a ini maman chambre anda ?
« Ken qu’est ce que tu cherches ? tu es en train de déranger la chambre de maman »
A ná faansi i mu taki a djuka
« tu ne dois pas parler français mais ndyuka »
Ken san i meki a sikoo tide ?
« Ken qu’est ce que tu as fait à l’école aujourd’hui ? »
ce que je faire à l’école ? […] tide mi meki bonhomme a sikoo anga plus
« aujourd’hui j’ai dessiné des bonhommes et j’ai aussi fait des additions »
pikin man i mu taki
« petits hommes tu dois dire »
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Cet extrait montre différents phénomènes : l’insertion, dans un énoncé pamaka, de deux
termes français (maman chambre) en conservant l’ordre des mots de l’énoncé pamaka. On
observe par ailleurs des emprunts isolés, au lexique scolaire (bonhomme, plus, …) – on voit
ainsi que des bouts de français pénètrent dans cette famille. Enfin, on observe un phénomène
de code switching qui apparaît lors d’une reformulation.
c) et des discours épilinguistiques, produits sur ces interactions, sur les langues en présence,
et sur la pratique de ces langues.
Les quelques extraits ci-dessous par exemple abordent tous la question de la proximité
linguistique, autant d’extraits sur lesquels une analyse de discours a pu être menée cf.
(Léglise, en préparation).
(3)
Discussion avec une aide soignante d’origine ndyuka, Saint-Laurent du Maroni :
- avant de venir je parlais le ndyuka tongo / un peu l’hollandais et un peu l’anglais en plus du français
- et tu parlais pas sranan tongo ?
- sranan tongo et ndyuka en fait c’est la même chose mais en ndyuka on tire un petit peu plus les lèvres
(4)
Discussion avec un cadre allemand, entreprise de riziculture, Mana
moi je leur parle anglais et ça marche à peu près / quelle langue ils parlent entre eux je sais pas trop /
taki taki ? / pour moi tout ce qui est du mauvais français c’est du créole et tout ce qui est du mauvais
anglais c’est du taki-taki mais je suis pas linguiste / pour toi c’est peut-être des langues différentes
[… entre] tous les ouvriers des rizières c’est en anglais mais c’est un anglais qui n’a rien à voir avec
l’anglais de l’Angleterre ça n’a rien à voir mais enfin c’est plus ou moins en anglais […] mais à partir
du moment où on se comprend ça me suffit/ je leur parle anglais et là leur langue/ c’est comme de
l’anglais
(5)
Discussion avec un cadre hospitalier, venant de la Réunion, Saint-Laurent du Maroni
- depuis que je suis arrivée j’ai commencé à demander comment on dit « la tête » « les yeux » « les
pieds » et puis après j’ai greffé des phrases dessus avec euh / avec le temps / et puis on a des lexiques /
on a des trucs comme ça
- y a pas de méthodes pour apprendre ? / de méthodes de langue quoi ?
- non c’est vraiment / c’est un truc qui est vraiment très facile / c’est une base en anglais / c’est facile les
mots par exemple / « les yeux » « eyes » / on dit « aye » / le / « tongue » « la langue » « tongo » /
« head » « ede » / « look » « luku »
(6)
Discussion avec un directeur d’école, métropolitain, Cayenne
c’est une langue sans concept / il n’y a pas de production scientifique dans cette langue pas de biologie
de physique de mathématiques / et si c’était le cas il y aurait 80% de mots français dedans / alors qu’ils
nous fassent pas chier avec leur patois […] parce que c’est pas une langue hein c’est un patois / si moi
je le comprends leur créole c’est que c’est pas une langue / c’est un patois
Toutes ces données ont permis une exploration de la réalité des usages des langues et de leurs
représentations (on en verra quelques illustrations ci-dessous), et des mécanismes en jeu dans
ce type de situations. Elles ont permis également, dans une deuxième étape, d’affiner la
connaissance des variétés linguistiques en présence – il en sera fait mention à la fin de ce
texte. On peut renvoyer par ailleurs à (Léglise et Migge, ce volume), à propos des variations
en taki-taki et à (Léglise, à paraître) à propos de variations en français parlé en Guyane.
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2. Eléments pour une vision globale, macrosociolinguistique
2.1. Une entrée aréale, par communauté
Les chercheurs présents sur le terrain guyanais n’ont bien évidemment pas attendu l’arrivée de
sociolinguistes pour présenter la diversité linguistique guyanaise – et ceci, à commencer par le
premier Atlas de la Guyane (Lasserre, 1979) ; citons notamment (Launey, 1999, Queixalós,
2000, Goury, 2002, Collectif, 2003, Grenand, 2004). Une longue expérience du terrain
guyanais a par exemple permis à un certain nombre de linguistes ou d’anthropologues, de
réaliser des cartes présentant la diversité linguistique guyanaise (dont celle reproduite cidessous). Ces représentations aréales sont basées sur une représentation des groupes humains
– et donc sur l’identification de communautés ethniques ou de communautés linguistiques –
présentes « traditionnellement » sur le sol guyanais.
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A ce type de représentations, on peut faire plusieurs remarques :
– l’identification géographique d’un groupe humain n’indique pas que ce groupe parle d’une
manière homogène ce qu’on a tendance à considérer comme ‘sa’ langue maternelle, ni même
que cette langue soit pratiquée par le groupe. C’est le cas extrême présenté par l’arawak ou
lokono, qui est noté sur les cartes dans la région de Saint-Laurent du Maroni et à Sainte-Rose
de Lima, près de Cayenne, mais dont on sait qu’il n’est pas la langue habituelle de
communication au sein même de la ‘communauté arawak’. En effet, la langue n’est plus
transmise dans les familles depuis 40 ans.
– par ailleurs, l’identification de zones où certaines langues semblent plus parlées que d’autres
ne donne pas d’informations sur le nombre réel de locuteurs, ni sur la pratique de ces langues
par des locuteurs dont ce ne serait pas la langue ‘maternelle’
– enfin, ces présentations se focalisent sur les langues traditionnellement parlées, ou sur les
langues « régionales minoritaires » de Guyane. Or, des éléments démographiques, récents ou
moins récents, engagent à reconsidérer sérieusement ce qui est ‘traditionnel’ : d’une part 60%
de la population a moins de 25 ans, les changements sont donc rapides, d’autre part, plus de la
moitié de la population n’est pas née en Guyane, il faut donc s’intéresser aux langues
apportées lors des différentes migrations. Nous les considèrerons ici comme partie intégrante
des langues parlées en Guyane.
2.2. Une entrée par langue et par lieu
Les enquêtes sociolinguistiques réalisées adoptent pour leur part une entrée par langue et par
lieu. Elles permettent d’affiner la connaissance de chacun des points de la carte où des noms
de langues sont mentionnés. On peut notamment leur substituer un camembert représentant la
diversité des langues déclarées comme premières ou maternelles par la population scolarisée.
Par exemple, le schéma ci-dessous illustre la répartition des langues premières (ou L1)
déclarées par les élèves des écoles de Mayman et Apatou situées sur le fleuve Maroni. Alors
qu’on est théoriquement en « territoire aluku », on voit que seulement 10% des élèves
déclarent parler cette langue dans la famille, avant la scolarisation.
saamaka
4%
pamaka
18%
wayana
aluku
1%
10% français
2%
ndyuka
65%
2. L1 déclarées par 100 élèves interrogés à Apatou et Mayman
Ce type d’information est bien entendu important car il affine la connaissance que nous avons
de cette zone géographique. Il permet, ici, de questionner la représentation qu’ont les
chercheurs comme les acteurs guyanais du ‘pays aluku’, représentation qui a présidé à
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l’établissement des cartes précédentes et qui – au niveau du système éducatif – a également
joué un rôle dans la nomination de médiateurs bilingues aluku-français dans les écoles en
question. Mais ce type d’information demeure insuffisant.
Il omet notamment de prendre en compte les autres langues pratiquées par la population, à
quelque titre que ce soit (et notamment les langues ‘non maternelles’). C’est le cas par
exemple du sranan tongo, qui n’apparaît pas en tant que langue première dans le schéma 3. cidessous mais qui est déclaré par 16% de la population scolarisée.
2.3. Une entrée par « répertoires linguistiques » et par rapports entre les langues
En effet, les relations que chaque langue en présence entretient avec les autres sont
importantes. Aussi, plutôt que de considérer uniquement les langues ‘maternelles’ ou
‘natives’, s’intéresse-t-on à l’ensemble des langues parlées par des individus, qui constituent
autant de ressources dans leur répertoires. Avoir accès aux répertoires linguistiques permet
notamment de calculer la véhicularité des langues en présence, c'est-à-dire leur propension à
être utilisées comme moyen de communication extra-communautaire (cf. Léglise, 2004 pour
des comparaisons chiffrées entre Saint-Laurent du Maroni, Cayenne et Saint-Georges de
l’Oyapock).
Par exemple, dans le tableau ci-dessous, le rapport entre les colonnes 2 et 3 donne une idée de
la véhicularité relative des différentes langues. Certaines langues sont essentiellement parlées
dans la famille et sont peu présentes dans le répertoire linguistique (par exemple le pamaka)
alors que d’autres langues qui n’étaient pas pratiquées dans le cadre familial sont apprises par
la suite (c’est le cas du français ou du sranan tongo). D’autres, comme le ndyuka, voient leur
représentativité augmenter : très présentes comme langues premières, elles occupent
également une place importante dans le répertoire linguistique global des enfants – ce qui
indique que nombre d’entre eux la pratiquent pour communiquer dans un certain nombre de
situations.
Langue
aluku
français
ndyuka
pamaka
saamaka
sranan tongo
wayana
Déclarée comme
L1
10%
2%
65%
18%
4%
0%
1%
Déclarée dans le
Répertoire
15%
100%
75%
17%
14%
16%
1%
3. Langues déclarées comme premières vs. déclarées dans le répertoire
Par ailleurs, on estime qu’une langue pèse un poids différent si elle est très présente dans le
répertoire linguistique – quel que soit son degré de maîtrise – ou si elle est peu représentée. Le
schéma suivant illustre le poids, dans les répertoires des enfants scolarisés, des différentes
langues présentes dans la ville de Mana. Il est calculé à partir des chiffres obtenus dans les
répertoires (ce qui correspond à la 3e colonne du tableau 3). Pour la ville de Mana, on voit que
plus de 13 langues sont fréquemment citées mais que certaines ont un « poids » plus
important que d’autres parmi ces citations – ce que la grosseur des cercles ci-dessous
symbolise. Autant de rapports de force dont il faut tenir lors d’analyses plus précises.
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Créoles à base française : 0,15
ici créole guyanais
créole haïtien, martiniquais
0,04
Ndjuka
0,23
M
0,09
Sr
S
Créoles à base anglaise : 0,27
ici ndjuka, sranan, saamaka
Langues
amérindiennes 0,03
Ici kali’na
Français
0,39
K
Langues européennes officielles 0,54
- de Guyane (français)
- des pays voisins (anglais, hollandais,
portugais du Brésil)
Ang
0,08
B
Autres langues de la
migration : 0,01 ici
hindi, javanais
Hol
0,05
J
4. Poids des langues dans les répertoires déclarés de 115 élèves de Mana
Ce poids, établi selon des critères numériques, vient s’ajouter à d’autres éléments tels que la
reconnaissance officielle des langues, leur statut, leur degré de véhicularité etc., qui pèsent
également sur les représentations liées aux langues. Il influe par voie de conséquence sur les
pratiques individuelles mais également sur les politiques linguistiques familiales en ce qui
concerne notamment la transmission des langues et la pratique des langues au sein même de
la famille (langues « traditionnelles » des communautés vs. langues de groupes « dominants »
– économiquement ou numériquement).
2.4. Synthèse : une vingtaine de langues parlées par un peu plus de 1% de la population
On dénombre plus d’une trentaine de langues en Guyane. Les unes et les autres pesant un
poids – numérique, économique, symbolique etc. – plus ou moins important. Sur cette
trentaine de langues, j’estime qu’une vingtaine est parlée par des groupes de locuteurs –
« natifs » ou non – représentant plus de 1% de la population. Cette diversité linguistique peut
se décliner en de multiples classifications jamais totalement satisfaisantes : langue officielle
vs. langues régionales vs. langues d’immigration ; langues amérindiennes vs. langues
européennes vs. langues créoles vs. langues autres ; langues véhiculaires vs. langues
vernaculaires vs. langues localement véhiculaires ; langues et cultures dominantes vs. langues
et cultures dominées ; langues à tradition orale vs. langues à tradition écrites etc.
Pour ces différentes langues, et en l’absence d’enquêtes supplémentaires, il est extrêmement
délicat d’avancer des chiffres globaux de locuteurs. D’une part les recensements français de la
population se basent sur des déclarations de nationalité et de lieu de naissance et non sur des
déclarations ethniques ou linguistiques comme c’est le cas d’autres pays. D’autre part, les
chiffres dont on dispose dans la littérature sont des estimations, en terme de communautés
ethno-linguistiques plus qu’en terme de locuteurs réels, estimations, qui de plus varient d’un
auteur à l’autre.
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En termes quantitatifs, il paraît toutefois clair que la plus large part de la population est
locutrice d’une ou plusieurs langues créoles (qu’il s’agisse de créoles à base française, comme
le créole guyanais, le créole haïtien, ou des créoles antillais – martiniquais, guadeloupéen,
sainte-lucien – ou de créoles à base anglaise). Outre ces différents créoles, les langues les plus
représentées dans les répertoires linguistiques de la population sont : le français – en
particulier pour toute la population qui a été scolarisée – et le portugais du Brésil, à la fois en
raison de migrations venant du Brésil, en raison des échanges avec ce pays frontalier et en
raison du caractère véhiculaire de cette langue en Guyane - en particulier le long de la
frontière.
Pour les créoles à base lexicale française par exemple :
- on peut compter sur les 5% de la population venant des Antilles (Insee, 1999) dont on
sait qu’une grande partie est locutrice de créole martiniquais ou guadeloupéen bien
que les enfants de parents antillais, nés en Guyane, déclarent plutôt parler le français et
le créole guyanais,
- il faut ajouter, selon les estimations, de 9% (Insee, 1999) à 17% (Etats Généraux,
1998) de la population de nationalité haïtienne locutrice de créole haïtien (cf.
également, Laethier, ce volume, qui évoque le chiffre de 30000 personnes).
-
on note une présence sainte-lucienne et réunionnaise bien qu’elle soit infime
statistiquement, même si la première fut sans doute importante au début du XXe siècle
(Strobel, 1998).
- Pour le créole guyanais, du fait de son rôle véhiculaire, les estimations sont plus
délicates. Les chiffres existants se basent généralement sur une approximation du
nombre de familles « créoles guyanaises », soit entre le quart et le tiers de la
population ayant reçu le créole en héritage, à laquelle on ajoute1 une partie des
familles amérindiennes, chinoises ou noirs marronnes nées en Guyane et la pratiquant
comme L2 ou L3, ainsi que certaines familles, principalement d’origine brésilienne ou
haïtienne, plus récemment installées. Les études sur la transmission et la véhicularité
du créole guyanais à l’échelle de la Guyane font encore défaut même si on dispose à
présent d’études localisées (Ouest guyanais, Cayenne, Saint-Georges de l’Oyapock).
La présence créole à base lexicale anglaise se subdivise quant à elle en trois groupes de
langues ayant des caractéristiques de langues régionales et de langues de l’immigration : d’un
côté, les Eastern Maroon Creoles ou nengee tongo / businenge tongo (sous l’une des
variantes ndyuka, aluku, pamaka), de l’autre, le saamaka, créole anglais partiellement
relexifié en portugais, enfin, le sranan tongo ou créole véhiculaire de la côte surinamaise. On
dispose, pour les deux premières, d’estimations proposées par Price (2002) sur les Marrons en
Guyane et au Surinam. Au total, on sait qu’il faut comptabiliser la quasi-totalité des 11% à
20% de Surinamais vivant sur le sol guyanais parlant au moins l’une de ces langues en L1, L2
ou L3 ainsi qu’une part non négligeable des « Guyanais nés en Guyane » (54% de la
population), soit vraisemblablement plus du tiers de la population du département. Des
enquêtes sociolinguistiques (Léglise, 2004, 2005) montrent par ailleurs le rôle véhiculaire de
certaines de ces langues (nengee et sranan tongo) dans l’ouest en général et à Saint-Laurent,
Mana et le long du Maroni en particulier.
Pour donner au lecteur une idée des équilibres macrosociolinguistiques entre les langues en
présence en Guyane, le tableau suivant associe un classement linguistique (le type de langue
1
Collectif (2003) évoque ainsi 50 000 locuteurs natifs de créole guyanais et quelques dizaines de milliers de
locuteurs supplémentaires en tant que véhiculaire.
Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
In Léglise I & Migge B. Pratiques et représentations linguistiques en Guyane : regards croisés. Paris : IRD Editions. 29-47.
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parlée)2, certaines caractéristiques sociodémographiques (statut, véhicularité, présence dans le
rapport Cerquiglini3) et propose, à chaque fois que cela est possible, une estimation de la
proportion de la population locutrice, reprenant ainsi les différents chiffres disponibles
(Queixalòs, 2000, Collectif, 2003) croisés avec les enquêtes sociolinguistiques réalisées.
Type de langues
Nom de la (variété de) langue
Langues
arawak ou lokono
emérillon ou teko
kali’na
palikur
wayana
amérindiennes
wayampi
créole guyanais
Langues créoles à base
lexicale française
créole haïtien
créole martiniquais,
créole guadeloupéen
créole de Sainte-Lucie
Caractéristiques
Langues autochtones appartenant à trois familles
linguistiques (caribe, tupi-guarani et arawak).
Listées dans le rapport Cerquiglini, elles sont
parlées dans leur ensemble par moins de 5% de
la population4. Les deux premières, en raison de
leur faible nombre de locuteurs ou de rupture de
transmission vers les jeunes générations, peuvent
être considérées comme « en danger »5.
Résultant de l’esclavage et de la colonisation
française en Guyane. Mentionnée dans le rapport
Cerquiglini, langue maternelle d’environ un
tiers de la population, elle est véhiculaire dans
certaines régions – en particulier sur le littoral.
Parlée par une population d’origine haïtienne
représentant, selon les sources, entre 10 et 20%
de la population guyanaise.
Langues parlées par des Français venant des
Antilles, estimés à 5% de la population
guyanaise.
Langue issue de l’immigration en provenance de
Sainte-Lucie aux siècles derniers, parlée
actuellement par moins de 1% de la population.
2
Les couleurs sont identiques à celles de la carte, présentée précédemment. Ce tableau présente à la fois les
langues régionales, représentées sur la carte, mais également les différentes langues issues de phénomènes
migratoires.
3
Ce rapport (http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/langreg/rapport_cerquiglini/langues-france.html) est issu d’une
mission confiée par le Ministère de la culture et de la communication, visant à l’établissement d’une liste des
langues de France au sens de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires afin de déterminer
quelles langues étaient susceptibles d’être bénéficiaires de la Charte (Article II concernant les langues
régionales) ; voir également Cerquiglini (2003).
4
Si on rapporte les diverses estimations concernant les groupes humains concernés aux statistiques globales de la
population (Insee, 1999). En raison des difficultés de recensement en Guyane, on sait toutefois que ces chiffres
officiels sont sous-évalués.
5
Une position extrême consiste à considérer toutes les langues de Guyane, à l’exception du créole guyanais,
comme « en danger » (Launey, 2000), en retenant comme critère les faibles chiffres de population dans le
département : quelques centaines ou quelques milliers de locuteurs selon les cas. En ce qui concerne les langues
amérindiennes, notons que le lokono – qui est menacé car il n’est plus parlé par les jeunes générations en
Guyane - est encore parlé par de nombreux locuteurs au Guyana, tandis que le teko - dont la transmission
familiale est encore assurée - n’est parlé qu’en Guyane.
Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
In Léglise I & Migge B. Pratiques et représentations linguistiques en Guyane : regards croisés. Paris : IRD Editions. 29-47.
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aluku
ndyuka
Langues créoles à base
lexicale anglaise
pamaka
sranan tongo
Langue créole à base
anglaise (partiellement
relexifiée en portugais)
saamaka
français
Variétés de langues
européennes
portugais du Brésil
anglais du Guyana
néerlandais
espagnol
hmong
Langues asiatiques
chinois (hakka, cantonais)
Variétés de langues6 (Easter Maroon Creoles)
parlées par des Noirs Marrons ayant fui les
plantations surinamiennes au 18e siècle,
mentionnées dans le rapport Cerquiglini.
Langues premières de Marrons faisant
historiquement partie de la Guyane ou de
migrants récemment arrivés du Surinam, elles
sont parlées par plus d’un tiers de la population
guyanaise. Elles jouent également un rôle
véhiculaire dans l’Ouest guyanais.
Langue véhiculaire du Surinam voisin, elle est la
langue maternelle d’une très faible partie de la
population guyanaise, notamment dans l’Ouest,
où elle joue cependant un rôle véhiculaire.
Parlée par des Noirs Marrons originaires du
Surinam mais installés en Guyane depuis plus ou
moins longtemps, mentionnée dans le rapport
Cerquiglini. Les estimations chiffrées sont les
plus fluctuantes à son égard. Selon Price et Price
(2002), les Saramaka constitueraient le groupe de
Marrons le plus important de Guyane (10 000
personnes), toutefois nos enquêtes montrent des
taux de déclaration du saamaka souvent
inférieurs aux autres créoles à base anglaise.
Langue officielle, langue de l’école, langue
maternelle des 10% de la population venant de
métropole ainsi que de certaines parties bilingues
de la population (en particulier à Cayenne) et
partiellement véhiculaire en Guyane.
Langue parlée par une immigration brésilienne
estimée entre 5 et 10% de la population
guyanaise, jouant un rôle véhiculaire dans l’Est,
le long du fleuve Oyapock.
Variété parlée par une immigration venant du
Guyana voisin, estimée à 2% de la population.
Langue parlée par une partie de l’immigration
surinamienne ayant été préalablement scolarisée
dans cette langue.
Langue parlée par une infime partie de la
population originaire de St Domingue et de pays
d’Amérique
Latine
(Colombie,
Pérou,
notamment).
Langue parlée par une population originaire du
Laos, arrivée en Guyane dans les années 70,
représentant 1% de la population, regroupée
essentiellement dans deux villages, mentionnée
dans le rapport Cerquiglini.
Variétés de langue parlées par une immigration
d’origine chinoise datant du début du siècle.
5. Principales langues parlées en Guyane
Les recensements de la diversité linguistique guyanaise mentionnent également le javanais et
le hindi, le lao, le vietnamien ou encore le libanais, mais nos enquêtes n’ont pas montré de
6
L’aluku, le ndyuka et le pamaka sont considérées comme des variétés dialectales d’une même langue, le nenge (en aluku et
pamaka) ou nengee (en ndyuka), cf. Goury & Migge (2003).
Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
In Léglise I & Migge B. Pratiques et représentations linguistiques en Guyane : regards croisés. Paris : IRD Editions. 29-47.
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présence significative de ces langues dans les répertoires de la population, en particulier chez
les jeunes générations.
3. Une grande variété dans les pratiques et dans les rapports aux différentes langues
3.1. Diversité géographique
On l’a vu précédemment, il existe une grande diversité géographique, en terme de langues
vernaculaires et véhiculaires qui y sont parlées, entre « les » situations sociolinguistiques des
différents villages, bourgs et villes de Guyane. Si on trace habituellement trois régions
guyanaises (le littoral, l’Est et l’Ouest), on a vu que d’une ville à l’autre d’une même
« région » les situations diffèrent. De plus, le tableau suivant montre que la diversité interne à
une ville est importante – et que la situation est plus complexe que ce que les premiers
schémas sous forme de « camemberts » présentés plus haut ne le laisseraient supposer.
Mayman
Langue
Total
L1
%
aluku
français
ndyuka
pamaka
saamaka
sranan tongo
wayana
10%
2%
65%
18%
4%
0%
1%
15,8
100
78,9
10,5
21,1
26,3
1,6
Poids
Apatou
Bourg
%
0,06 30,4
0,39 100
0,31 78,3
0,04
13
0,08
13
0,1 4,35
0,01
0
Poids
0,13
0,42
0,33
0,05
0,05
0,02
0
Apatou
Moutende
%
3,2
100
68
29
6,5
13
0
Poids
0,01
0,46
0,31
0,13
0,03
0,06
0
6. Comparaison des langues déclarées dans trois écoles à Apatou et Mayman7
Si l’on compare les colonnes 3, 5 et 7, concernant l’aluku, on se rend compte que les
différences entre trois écoles situées sur la même commune sont importantes : 30% des
enfants scolarisés au centre du village d’Apatou déclarent posséder l’aluku dans leur
répertoire linguistique, alors que seulement 3% de ceux scolarisés à la sortie du village le
déclarent. Et ils sont 15% dans l’école du village voisin, Mayman. On voit que les chiffres
varient de manière importante d’un endroit à l’autre, ce qui engage à une grande prudence en
terme de généralisations.
3.2. Diversité de pratiques en fonction des situations et des interlocuteurs
Les travaux sociolinguistiques réalisés ont par ailleurs adopté une entrée par situation de
communication tant dans l’étude des pratiques déclarées que dans les pratiques réelles. On
entend ici par « situation de communication » à la fois les grands domaines de communication
définis notamment par Fishman (1964) tels que l’école, la famille, le travail etc., et les
différentes situations qui émergent des interactions quotidiennes avec des interlocuteurs
différents, sur des sujets différents à l’intérieur même de ces domaines.
7
La première colonne reprend les éléments du schéma précédent et rappelle le pourcentage d’enfants déclarant
parler la langue dans le cadre de la famille avant la scolarisation – ce que l’on peut considérer comme « langue
première ». La seconde colonne indique le pourcentage d’enfants déclarant parler la langue – et donc la posséder
dans son répertoire linguistique – peu importent le moment où cette langue a été apprise et le degré de maîtrise
de la langue. La dernière colonne indique le poids de cette langue dans le répertoire linguistique des enfants.
Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
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Par exemple, le schéma 7 ci-dessous montre comment, dans le cadre d’interactions familiales
et amicales, un enfant de 10 ans, qui parle quatre langues (aluku, français, sranan tongo et
ndyuka), alterne entre ces langues en fonction de ses interlocuteurs. Né à Grand Santi, il
habite Saint-Laurent depuis sa scolarisation. Il estime bien parler sa première langue (l’aluku,
qu’il utilise dans la famille et avec ses copains), très bien parler et comprendre la 2 e (le
français, qu’il parle à l’école et avec ses frères et sœurs), un peu parler et comprendre la
troisième (le sranan, qu’il parle uniquement avec son père dont c’est la langue première) et
bien parler et comprendre la quatrième (le ndyuka, langue d’un certain nombre de ses copains
dont il est au contact via l’école et les jeux dans la cour de récréation). Par ailleurs, il déclare
être le plus à l’aise en aluku.
7. Gestion déclarée du plurilinguisme en fonction des interlocuteurs (1)
Le schéma 8 présente également le cas d’un enfant habitant Saint-Laurent. De nationalité
surinamienne, ses parents sont d’origine indienne et il est arrivé depuis peu en Guyane.
L’hindoustani, langue traditionnelle de la communauté, est apparemment peu utilisé par cet
enfant qui déclare le parler et le comprendre seulement « un peu » (essentiellement dans la
communication avec les grands parents). La famille a semble-t-il adopté le néerlandais
comme langue de la communication familiale. A l’intérieur de la fratrie, on voit que le
français fait son apparition, ainsi que dans les interactions avec les copains. Le sranan tongo,
appris au Surinam, permet également des communications avec les copains de l’école et de la
rue, majoritairement Noirs Marrons.
8. Gestion déclarée du plurilinguisme en fonction des interlocuteurs (2)
On peut ainsi associer des configurations linguistiques à des situations de communication.
3.3. Diversité à l’intérieur même des interactions : les alternances de langues
Le paragraphe précédent pourrait laisser penser que les pratiques langagières isolent les
différentes langues en présence : langue de la maison vs. langue de l’école vs. langue des
échanges avec les amis vs. langue parlée au marché etc. En fait, il n’en est rien. Si on peut
Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
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majoritairement associer des langues à certaines activités sociales, les différentes langues en
contact dans le répertoire linguistique des individus apparaissent dans les interactions de la
vie quotidienne : emprunts dans l’une ou l’autre des langues en présence, alternances de
langues, mélanges du type « parler bilingue » ou « parler plurilingue », etc. de nombreuses
configurations sont possibles. On en trouvera des illustrations en 1.4 (emprunts, codeswitching), ou dans les interactions enregistrées à l’hôpital (Léglise, ce volume) où l’on note
de nombreuses alternances de langues, ou encore dans le texte de S. Alby et B. Migge, ce
volume, qui présentent également des cas de parlers plurilingues.
On observe toutefois une tendance à minimiser les échanges mélangeants. Par exemple, dans
le village d’Awala-Yalimapo, on a pu montrer (Léglise et Alby, 2006) une minoration du
parler bilingue dans les pratiques déclarées par les enfants : si seulement 18% des enfants
déclarent que leurs amis mélangent ou alternent les langues en leur parlant – résultats faibles
qui ne correspondent pas aux pratiques réelles observées par ailleurs – aucun d’entre eux ne
déclare lui-même les mélanger. Les élèves disent utiliser soit le kali’na (82%), soit le français
(12%).
Parfois les témoignages évoquent tout de même les mélanges de langue, avec une valeur
positive dans certains cas (comme dans l’extrait ci-dessous, avec le côté cryptique bien
pratique de la langue de l’entre-soi) ou des valeurs plus neutres, voire négatives (extraits
suivants) :
(7)
Adolescentes, collège, Mana
On parle un mélange de créoles haïtien et guyanais / une langue entre nous / il y a personne qui nous
comprend / on raconte ce qu’on veut ils comprennent pas
(8)
le bâtiment c’est encore vraiment créole bien qu’il y ait de moins en moins de Guyanais qui travaillent
là-dedans mais Créoles ou Haïtiens ou Antillais de toute façon c’est le monde créolophone / et puis les
Brésiliens / qui sont arrivés il y a pas longtemps / eux ils parlent le créole parce qu’ils travaillent sur les
chantiers et tout ce monde parle un sacré mélange […] ils apprennent quelques mots français et
quelques mots créoles qui leur permettent de communiquer avec leurs chefs et avec les Haïtiens et
voilà / ça se mélange / mais ça se comprend
(9)
Extrait du Journal Okamag (2003) :
« Penchons-nous maintenant sur un autre problème grave qui est celui de parler sa langue correctement,
c’est-à-dire sans trop ou pas du tout d’apports de mots étrangers qui viennent l’enlaidir ou la dénaturer.
[…]. Lorsque l’on entend certaines personnes parler le kali’na à notre époque, il y a presque plus de
mots français ou créoles que de mots kali’na dans leurs phrases. […] Certains feraient mieux de parler
franchement français ou créole plutôt que de continuer à massacrer leur héritage linguistique ! »
3.4. Diversité dans les rapports aux différentes langues
Ce dernier point – le discours sur les pratiques mélangeantes – nous amène à la question des
attitudes face aux langues en présence et face aux différentes pratiques de ces langues, qu’il
s’agisse d’attitudes face aux langues que l’on parle ou face aux langues des autres. Force est
de constater que, là encore, on observe une grande diversité dans les rapports aux différentes
langues et à sa propre pratique.
J’ai par exemple montré, au travers d’une analyse de discours tenus dans la ville de Mana, le
rapport à différentes langues créoles (créole guyanais, haïtien, nenge, saamaka) de la part de
locuteurs appartenant à différentes communautés et comment la conscience de la « créolité »
de la langue pouvait jouer un rôle dans ces attitudes (Léglise, 2005). J’ai interrogé également
les représentations liées aux langues de l’immigration dans l’ouest de la Guyane en montrant
comment le caractère frontalier de certaines d’entre-elles pouvait jouer un rôle positif – ou
négatif – dans les pratiques et les représentations des enfants scolarisés (Léglise, 2004). On
trouvera également des exemples dans (Léglise et Puren, 2005) sur les représentations – des
élèves et des enseignants – sur l’utilité d’apprendre et d’utiliser la langue des autres.
Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
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Différentes contributions, dans ce volume, permettent également de mesurer la diversité des
rapports aux différentes langues (notamment Laethier pour les Haïtiens, Thurmes sur le
groupe des Métropolitains, Hidair sur les Créoles Guyanais, Léglise et Migge sur le taki-taki
etc.)
On sait que ces attitudes influent sur les pratiques des individus. Un bon exemple concerne la
transmission familiale des langues et les politiques linguistiques – souvent implicites –
familiales ou scolaires mises en place (choix de langues, apprentissage de certaines langues,
apprentissage de l’écrit etc.). Un autre exemple concerne, à une échelle plus importante, les
politiques linguistiques mises en place au niveau des institutions : politiques linguistiques
éducatives, administrations, etc. qui ne sont pas exemptes d’idéologies basées – entre autres sur des attitudes et représentations linguistiques.
3.5. Diversification linguistique : les effets linguistiques du contact de langues
Le contact de ces différentes langues – au niveau des répertoires des individus, au niveau de
leurs représentations linguistiques, tout comme au niveau de leurs pratiques quotidiennes
(plus ou moins alternantes, mélangeantes, empruntantes) – ne peut pas être sans effet sur les
structures mêmes des langues en présence. Par un effet de retour, les enquêtes
sociolinguistiques réalisées en Guyane nous permettent d’identifier des lieux privilégiés
d’observation de la variation et du changement linguistique en train de se faire.
Aussi, plutôt que de parler du français au contact du kali’na, du créole ou du portugais du
Brésil, devrait-on parler des variétés de français parlées en Guyane – variétés potentiellement
marquées par le contact avec les différentes langues en présence, l’étude de ces dernières
restant à réaliser. De premières analyses sur des corpus recueillis auprès de collégiens
bilingues créole(s)-français (Léglise, à paraître) identifient certaines zones montrant des
variations morpho-syntaxiques : la réduction de la morphologie verbale au présent, basée sur
un principe de régularisation de cas irréguliers, comme dans l’exemple (10) ci-dessous, et des
réorganisations au niveau de la transitivité des verbes (direct / indirect) :
(10)
et puis quand et au niveau du français eux ils di quand nous on dit « qu’est-ce que tu veux ? » eux ils di
« que veux-tu ? » le français c’est « que veux-tu ? » c’est pas « qu’est-ce que tu veux » ici on dit
« qu’est-ce que tu veux » et là-bas ils di « que veux-tu » ?
(11)
le créole c’est pas que ce soit insultant en soi même mais quand tu les réponds / à tes parents / ça fait un
petit peu vulgaire donc tes parents ne veulent pas que tu répondes si t(u) es habitué à ça tu le fais
normalement maintenant
(12)
les insultes / voilà c’est comme si elle nous forçait à dire
De même, l’utilisation assez généralisée du terme taki-taki en Guyane, alors même que les
linguistes travaillant dans la région condamnaient l’emploi de ce terme, a mis la puce à
l’oreille du sociolinguiste, et on verra plus loin (Léglise et Migge, ce volume) quel complexe
– social et linguistique – se cache derrière ce terme : variétés de pratiques, ‘natives’ et ‘non
natives’, émergence de nouvelles variétés de langue etc., qui constituent également un bel
exemple d’effet linguistique du contact de langues.
Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
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Quelques éléments de conclusion
Pour présenter la situation sociolinguistique globale de la Guyane, on peut avancer les trois
catégories suivantes qui, en plus de poser un certain nombre de problèmes, ne sont à mon sens
pas satisfaisantes pour rendre compte de la réalité guyanaise :
a) - une langue officielle, de l’administration et d’enseignement
b) - des langues « locales », indigènes, autochtones, pouvant prétendre au statut de
« langues de France », mais ayant les unes et les autres des statuts différents (en terme
de reconnaissance politique et institutionnelle, de présence dans les médias etc.). En ce
sens, si certains auteurs se plaçant dans des modèles du conflit linguistique utilisent le
terme de diglossie pour renvoyer au cas de la Guyane (Bernabé, 1999), d’autres lui
préfèrent le terme de polyglossie (Alby, 2001) pour tenir compte de ces différences de
statut.
c) - des langues de l’immigration
Les limites entre les catégories b) et c) ne sont évidentes ni pour les différents acteurs
guyanais ni pour les chercheurs. Par exemple, dans les présentations de la diversité
linguistique en Guyane, le hmong – langue apportée en Guyane dans les années 70 par une
immigration en provenance du Laos – est souvent présenté comme un cas limite de b) car il
pourrait obtenir une reconnaissance comme « langue régionale de France» (au sens de la
charte des langues minoritaires). Et si on considère la catégorie c), son extension n’est pas
claire pour les acteurs guyanais dont certains considèrent, par exemple, que les créoles à base
anglaise en font partie (cf. des discours tels que « ce ne sont pas des langues de Guyane / c’est
la langue des étrangers »). Là, encore, on voit comment on passe de la langue au groupe
humain parlant la langue.
Aux trois catégories citées, on peut ajouter que certaines langues (français, créole guyanais,
nenge, sranan tongo, portugais du Brésil) occupent des fonctions véhiculaires dans certaines
aires géographiques et dans certaines situations. Mais aura-t-on pour autant rendu compte de
LA situation sociolinguistique guyanaise ? J’émets de forts doutes à cet égard. En fait, en
diminuant l’effet de loupe proposé dans les sections précédentes – au travers de relativisations
et d’études dans des micro-situations – et en regardant la situation guyanaise de très loin, on
risque fort de manquer l’essentiel. Pire, on peut se demander quelle pertinence une telle
présentation globale, qui ne correspondrait ni à la somme des situations observées en Guyane
ni à leur plus petit dénominateur commun, peut avoir.
De fait, la Guyane présente une situation de grand plurilinguisme, avec de multiples
configurations, et non une somme de plusieurs monolinguismes comme des représentations
aréales et fondées sur les communautés ethniques pourraient le laisser penser. Les individus y
sont plurilingues – et non pluri-monolingues, comme un certain nombre de travaux
sociolinguistiques l’ont montré pour d’autres contextes (Lüdi et Py, 1986) – et se comportent
en plurilingues lors de pratiques diversifiées.
Le diagnostic sociolinguistique réalisé ces dernières années permet de documenter un
ensemble de situations, extrêmement variées, complexes et continuellement changeantes.
Aussi, la validité des observations que l’on rapporte est susceptible d’être modifiée en peu de
temps, ce qui ne peut qu’engager le chercheur à beaucoup de prudence. Les résultats obtenus
lors de ces travaux engagent par ailleurs à une certaine circonspection par rapport à toute
tentative de généralisation à partir de l’étude unique d’une situation particulière. La ville de
Cayenne a souvent joué ce rôle de point privilégié d’observation en Guyane – les
Léglise I. 2007. Des langues, des domaines, des régions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane.
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observateurs intérieurs comme extérieurs au département ne dépassant souvent pas les limites
de l’île de Cayenne pour se faire une idée de la Guyane. Aussi, qu’il s’agisse de Cayenne ou
de toute autre situation, les résultats incitent à la prudence.
Outre la documentation de ces situations et des mécanismes qui y sont en jeu, les résultats
obtenus permettent de discuter des politiques linguistiques appliquées à ce département
depuis près de 60 ans, et en particulier des politiques linguistiques éducatives qui n’ont
jusqu'à présent pas énormément tenu compte de l’hétérogénéité des situations et des pratiques
(Alby et Léglise, 2005). Etant donné la diversité des situations, il n’est toutefois pas étonnant
que les institutions – surtout lorsque les décisions sont prises à distance – aient tant de mal à
gérer cette complexité et que les politiques linguistiques implicites qui y sont menées aient
comme conséquence de se décharger sur les individus qui travaillent en leur sein et qui
s’avouent souvent un peu perdus dans leurs choix et leurs pratiques (cf. notamment (Léglise et
Puren, 2005) et (Alby, ce volume) pour l’école et (Léglise, ce volume) pour l’hôpital).
Bibliographie générale
ABDALLAH-PRETCEILLE Martin et PORCHER Louis, 1996, Education et communication
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