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Dialogues d'histoire ancienne 'HODILJXUDWLRQGXWUDJLTXH&KULV.UDXV6LPRQ*ROGKLOO+HOHQH 3)ROH\-iV(OVQHU9L]XDOL]LQJWKH7UDJLF'UDPD0\WKDQG 5LWXDOLQ*UHHN$UWDQG/LWHUDWXUH(VVD\VLQ+RQRXURI)URPD =HLWOLQ2[IRUG2[IRUG8QLYHUVLW\3UHVV 1RpPLH9LOODFqTXH &LWHUFHGRFXPHQW&LWHWKLVGRFXPHQW 9LOODFqTXH1RpPLH'HODILJXUDWLRQGXWUDJLTXH&KULV.UDXV6LPRQ*ROGKLOO+HOHQH3)ROH\-iV(OVQHU9L]XDOL]LQJWKH 7UDJLF'UDPD0\WKDQG5LWXDOLQ*UHHN$UWDQG/LWHUDWXUH(VVD\VLQ+RQRXURI)URPD=HLWOLQ2[IRUG2[IRUG8QLYHUVLW\ 3UHVV,Q'LDORJXHVG KLVWRLUHDQFLHQQHYROQƒSS http://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_2009_num_35_2_3198_t19_0229_0000_1 'RFXPHQWJpQpUpOH Actualités ¼ 229 De la figuration du tragique {Chris Kraus, Simon Goldhill, Helene P. Foley, Jás Elsner, Vizualizing the Tragic. Drama, Myth, and Ritual in Greek Art and Literature. Essays in Honour of Froma Zeitlin, Oxford, Oxford University Press, 2007, 457 p., ISBN 978-0-19-927602-8] Trait d’union entre la recherche anglo-saxone et la recherche française notamment celle de l’école de Paris, Froma Zeitlin a permis de renouveler la lecture de la tragédie grecque. C’est pour lui rendre hommage que les auteurs de ces Mélanges ont choisi d’adopter un angle commun pour regarder le genre : s’interroger, chacun avec ses propres outils conceptuels, sur ce qui, dans différents pans de la production culturelle grecque, permet à la narration de devenir action visible. Aussi ces dix-sept regards croisés sur le regard tragique acquièrent-ils une cohérence exceptionnelle, unique pour ce genre d’ouvrages collectifs. Ils montrent que la notion de visualisation participe de la définition du tragique. Les contributions sont réparties en cinq sections. Dans la première, « Visualizing Tragedy from Elsewhere », Laura Slatkin met en lumière la puissance du regard narré dans l’Iliade, capable de figer l’action, d’immobiliser les héros, en leur donnant le temps de vivre une vie d’hommes, ou de pré-voir leur destin ; autant de fonctions qui annoncent la toute-puissance du regard du spectateur tragique. Richard P. Martin met en parallèle un curieux poème du début du Ve siècle (IG I3 833), mélange de dédicace personnelle et d’inscription chorégique, avec les fameuses bornes de l’Agora : en utilisant le terme horos, le poète dithyrambique anonyme, compositeur de l’épigramme, inscrit dans le marbre son ambition d’être lui-même un repère, une limite de l’art poétique et musical, l’art du choros ; la pierre et le monument qu’elle supportait se transforment ainsi en expression visuelle de l’excellence poétique. Cette métaphore de la borne visible, de la limite matérialisée comme summum indépassable, Richard P. Martin essaie de montrer – non sans une certaine difficulté – qu’elle est opérante et importante en milieu tragique. Dans la dernière contribution de cette première section, Leslie Kurke revient à une cité chère à Froma Zeitlin, Thèbes, pour étudier l’aition mythique de la procession de jeunes filles pour laquelle Pindare a composé sa Parthénée intitulée « Pour les porteuses de laurier » (Παρθένιον Δαφνηφορικόν, fr. 94b Mähler). Leslie Kurke montre que la symbolique rituelle et mythique de ces célébrations chorales renvoie à un horizon idéologique complexe, produit de la volonté politique d’intégrer Thèbes dans un ensemble culturel plus vaste, celui de la Béotie. DHA 35/2 - 2009 230 Actualités La deuxième section est l’occasion d’examiner comment le théâtre parle du théâtre, comment il le représente et comment il le donne à voir : tandis que Pietro Pucci analyse l’interpénétration de la poétique euripidéenne et de la poétique aristophanesque, Simon Goldhill propose une stimulante réflexion sur la représentation des murs dans les Sept contre Thèbes d’Eschyle et les Phéniciennes d’Euripide, montrant notamment comment le mur est une frontière visible et un repère pour le citoyen, comment « pour Athènes, comme pour Berlin, édifier, traverser et détruire les murs de la cité, c’est construire l’identité politique du citoyen » (p. 147). C’est aux images de la tragédie et du mythe qu’est consacrée la section suivante : examinant l’iconographie ornant les boucliers, dans la céramique et dans la tragédie eschyléenne, François Lissarrague interroge l’interaction entre ces différents modes d’expression, entre ces différents champs visuels que sont l’espace et la peinture. Françoise Frontisi-Ducroux revient sur les Érinyes dans l’Orestie d’Eschyle, pour montrer comment le poète fait, progressivement, de ces « créatures sans visages », jamais représentées jusqu’à lui, ni dans l’orchestra du théâtre, ni sur des vases, des personnages à part entière. Commentant deux vases apuliens, Oliver Taplin s’intéresse notamment aux figures anonymes qui y sont représentées : comme les témoins muets, les messagers ou encore les membres du chœur tragique, ces personnages fonctionnent comme des médiateurs. Enfin, Luciana Guiliani et Glenn W. Most proposent une analyse d’un cratère à volutes apulien du IVe siècle sur lequel est représentée Médée à Éleusis ; la Colchidienne, sur le point de quitter les lieux, confie ses enfants à un pédagogue, en présence de Déméter et Korè. Cette version du mythe ne nous est transmise par aucune source écrite ; les auteurs se demandent donc si une tragédie perdue ne l’avait pas mise en scène. La quatrième section, « Visualizing Drama : The Divinities of Tragedy and Comedy » est consacrée à trois personnifications en relation directe avec le paysage du théâtre. Edith Hall étudie les représentations de la Tragédie dans l’iconographie. Peter Wilson analyse celles de Nikè, la Victoire, omniprésente concrétisation et idéa lisation de la suprématie athénienne dans tous les domaines, y compris dans celui de la poésie dramatique, même si son statut par rapport à la comédie est problématique. C’est enfin à la figure de Dionysos que s’intéresse John Henderson, dans une étude iconographique aussi indigeste que passionnante. Il se donne pour tâche de montrer que, si la visualisation est aussi centrale pour la céramique que pour le théâtre, c’est qu’elle résume le répertoire culturel grec dans son ensemble. DHA 35/2 - 2009 231 Actualités « The History of Tragic Vision », la dernière section, s’attache à mettre en lumière la réception de la tragédie, à l’époque romaine et contemporaine. Jás Elsner analyse la façon dont Philostrate décrit des tableaux représentant des héros tragiques, tandis que Ewen Bowie interroge la distance qui sépare Daphnis et Chloé de la tragédie. La contribution d’Helen P. Foley examine, enfin, la façon dont le chœur tragique a été mis en scène au cours XXe siècle. Suivent deux textes en français, accompagnés de leur traduction en anglais, de Jean-Pierre Vernant et Pierre-Vidal Naquet, qui évoquaient, de façon intime, leur rencontre avec Froma Zeitlin. Enfin, l’ouvrage se termine par une riche bibliographie de vingt-huit pages, un index locorum, un catalogue, ainsi qu’un index général. Insistons par ailleurs sur la large place faite par les auteurs à l’iconographie – trente-sept illustrations au total – que les uns et les autres s’attachent à placer au cœur de leurs analyses. En un mot, Vizualizing the Tragic est à la hauteur de ses ambitions, qui ne sont pas des moindres : réunissant des contributions toutes aussi exigeantes que stimulantes, cet ouvrage porte un regard vivifiant sur la tragédie grecque. Un bel hommage à Froma Zeitlin. Noémie Villacèque Université de Toulouse – PLH-ERASME *** ¼ Une réflexion bien fondée sur la violence de genre dans l’Antiquité {Ana Iriarte et Marta González, Entre Ares y Afrodita. Violencia del erotismo y erótica de la violencia en la Grecia antigua, Madrid, Abada editores, 2008, 333 p.] Entre Arès et Aphrodite vient élargir la liste, heureusement considérable dans les derniers temps, des textes dédiés à réfléchir sur la « violence de genre ». Pris dans la logique implacable qui fait qu’une fois qu’un livre dé-termine un sujet il inspire d’autres sur la même question au lieu de la tarir, le livre qu’on présente ici vise, précisément, « l’interstice minimal et crucial – l’inquiétant entre-deux –, où le champ de la violence et celui de l’érotisme coïncident ». La réflexion d’Ana Iriarte (historienne de l’Antiquité grecque à l’Université du Pays Basque) et Marta González (spécialiste en philologie grecque à l’Université de Malaga) débute au premier chant de l’Iliade. Concrètement, dans le passage où les époux Zeus et Héra sont les acteurs d’un vif affrontement lors du festin qui rassemble DHA 35/2 - 2009