Littérature Africaine

Lors de la publication de l’Enfant noir en 1953, la domination coloniale française en Guinée s’essouffle en raison de la contestation de la population, des prises de position des leaders syndicalistes et des auteurs anticolonialistes. Alors que la quasi-totalité des auteurs africains « était presque unanimement orientée vers la dénonciation du fait colonial et du choc culturel qu’il engendre » , Camara Laye, lui, écrit un « livre intemporel qui s’est imposé comme un classique de notre temps »  grâce à l’exclusion de toute référence au colonialisme français et au choc des civilisations. Dès lors, nous nous interrogerons dans un premier temps sur la finalité première du roman et sur les objectifs poursuivis par l’auteur et la maison d’édition. Dans un second temps, nous analyserons les éléments d’africanité qui s’opposent bien souvent à ceux hérités de la civilisation occidentale.

La littérature est hégémonique, dans sa propension à englober dans son orbe des savoirs que d'autres discours ou disciplines - la philosophie, l'histoire, les diverses sciences humaines - aimeraient à distinguer clairement d'elle. Elle est aussi démonique, dans l'emprise qu'elle exerce sur nos esprits.
Les travaux de Laurent Dubreuil ont montré comment l'écriture et la lecture avaient, dans la modernité occidentale, constitué un des ultimes refuges pour l'expérience de la possession. Ils ont aussi exposé comment la domination coloniale s'était elle-même déployée à travers une " phrase de possession " dont les échos continuent de résonner fortement dans les productions langagières et littéraires contemporaines.
"L'empire de la littérature " dit ainsi trois phénomènes imbriqués : un domaine, une puissance, et la capacité qu'ont l'un et l'autre de renaître de leurs propres faillites. Comment s'est littérairement édicté l'empire, comment peut-on s'en sortir, la littérature peut-elle échapper à la politique et la parole esquiver ainsi la parlure ?
Conçu dans un constant dialogue avec Laurent Dubreuil, qui signe ici plusieurs essais et entretiens inédits, cet ouvrage collectif aborde la question de l'indiscipline littéraire face aux différents régimes de savoir, face à la possession coloniale, et dans son rapport à l'histoire. Centré sur les littératures francophones, en particulier africaines et antillaises, il offre une contribution originale aux réflexions contemporaines sur l'apport des théories postcoloniales, et sur les relations entre littérature et pensée.

En septembre 1968, paraît aux Éditions du Seuil le roman d'un jeune Malien inconnu de vingt-huit ans : Yambo Ouologuem. Le 18 novembre suivant, Le Devoir de violence obtient le premier prix Renaudot attribué à un écrivain africain. Son succès est rapide et, traduit dans dix langues, l'ouvrage dépasse les frontières, des États-Unis au Japon. Mais le 5 mai 1972, le Times Literary Supplement (TLS) londonien accuse l'auteur de plagiat à l'encontre de l'écrivain britannique Graham Greene. Un scandale éclate. Il poursuivra Yambo Ouologuem jusqu'à sa mort en 2017. Cinquante ans après la première édition du Devoir de violence et alors que le roman reparaît au Seuil dans la collection « Cadre Rouge » qui l'avait accueilli à l'origine, quarante-six ans, mois pour mois, après le début de l'« Affaire Ouologuem » dans le TLS, qu'en est-il du bien ou mal-fondé des rumeurs qui ont surgi, en sens divers, sur la genèse et le traitement éditorial de ce livre culte devenu livre maudit ? S'appuyant sur le seul dossier solide à ce jour, celui des archives du Seuil déposées à l'IMEC (Institut Mémoires de l'Édition contemporaine) et rendues publiques pour la première fois, cette étude vise à relater, sur la seule base des documents disponibles, en réduisant au minimum les extrapolations risquées et les interprétations hâtives, l'histoire du Devoir de violence et, à travers elle, de son auteur, depuis ses premières approches des Éditions du Seuil en 1963 jusqu'à sa retraite définitive au Mali vers 1976. Et son enfermement dans le silence public. In September 1968, Le Devoir de violence (Bound to violence), the work of an as yet unknown Malian author, aged twenty-eight, Yambo Ouologuem, was published by the Editions du Seuil. On November 18 of that same year, the novel won the prize Renaudot. This was the first time ever that a major French literary prize was awarded to an African writer. Following the novel's considerable success in France, it was soon to be translated into ten languages and crossed many a border from the United States to Japan. But on May 5, 1972, the Times Literary Supplement (TLS) accused the author of plagiarizing the work of the British writer Graham Greene. A scandal breaks out and will hound Yambo Ouologuem until his death in 2017. Fifty years after the first publication of the Devoir de violence and just as the novel is republished by Le Seuil, which of the various rumours regarding the genesis and the editorial treatment of this cult-cum-cursed book are well-founded or ill-founded? In this essay, Jean-Pierre Orban traces the history of the Devoir de violence and its author, from 1963 (date of the first presentation of a manuscript to Le Seuil) to the end the 1970s (when he retired in Mali and of he confined himself to silence). This work—which endeavours risky extrapolations and hasty interpretations—relies on the only solid files to date, those of the archives of the Institut Mémoires de l'Édition contemporaine (IMEC), publicly disclosed in the present production for the first time. A lire intégralement et en accès libre ici (60 pages) https://journals.openedition.org/coma/1189

RÉSUMÉ
L’étude examine la façon dont la notion de terre promise est
repensée dans le néo-pentecôtisme professé par Impact Centre Chrétien, une église francilienne composée majoritairement d’Africains et de Caribéens relevant des classes moyennes et supérieures. La terre promise se conçoit pour eux à rebours des stéréotypes ordinairement véhiculés et engage le retour vers leur “terre d’origine”, dans une vision, à la fois volontariste et fantasmatique qui déconstruit le schéma Nord/Sud.

MOTS-CLÉS – Afrique, Antilles, religion, économie, genre, église évangélique, enquête, sociologie, ethnographie

Analyse du parcours d'un écrivain congolais (RDC) à partir du champ local vers le champ francophone belge, à partir des concepts de champ et de système littéraire francophone. / La crise sociale et politique que la RD Congo a connue à la fin du “ règne ” de Mobutu et pendant les années de “ transition ” a provoqué l’arrivée de candidats congolais à l’immigration plus ou moins provisoire en Belgique. Parmi eux, quelques artistes, intellectuels et écrivains. On examinera ici les différentes postures construites par quelques-uns, de la position de l’exil provisoire, avec un centre d’activité qui reste au pays (B. Baruti), à la position (théorique peut-être) de l’assimilé complet et définitif, “ naturalisé ”. Entre ces deux pôles, différentes stratégies sont possibles, de “ demi-insertion ”, où l’on reste un acteur culturel “ congolais ”, mais où l’on ne répugne pas, voire même où l’on se donne un programme volontariste de collaboration avec les institutions culturelles/intellectuelles du pays d’accueil. L’analyse du cas exemplaire de Pie Tshibanda, autrefois figure importante de la littérature congolaise dans le champ national, ensuite demandeur d’asile en Belgique, aujourd’hui auteur à succès d’un “ one-man-show ” qui a connu déjà plus de 450 représentations, nous permettra d’illustrer les conditions de possibilité d’une entrance réussie dans un champ littéraire étranger, à partir d’une périphérie francophone.

La Calebasse Cassée de Tunde Fatunde publié en 2002 et Les Espoirs Perdus d’Unimna Angrey publié en 2005 sont des ouvrages africains post indépendants parce qu’ils sont écrits après l’indépendance des pays africains. Il est évident de remarquer que les ouvrages africains contemporains se sont pris aux régimes néocoloniales dans les pays africains. Ils expriment dans leurs œuvres le malaise des africains vis-à-vis leurs frères africains qui sont noirs dans l’apparence mais dont l’intérieur est blanc. Ils écrivent pour conscientiser la population à révolter contre le régime oppressive et néocolonialiste. Ils révèlent dans leurs œuvres les méfaits de ces régimes barbares et sanguinaires.
Les écrivains africains de cette période se sont revêtus des nouvelles tendances révolutionnaires, au début, ce sont des déceptions, des dénonciations, du malaise et du désenchantement infligé par la politique néocolonialiste. Dans leurs œuvres, ils expriment les vices perpétués par ces leaders Africains : la corruption, le favoritisme, égoïsme, népotisme, le détournement de fonds public, etc.
Cette dénonciation n’est uniquement pas portée sur le néocolonialisme mais aussi sur les vices qui rongent la société africaine depuis les décennies. Il s’agit de la sorcellerie, stratification sociale, le fétichisons, la corruption, l’image de la femme dans la société africaine, etc. Tout ceci est représentatif des préoccupations thématiques des auteurs africains contemporains comme Le Soleil des Indépendance d’Ahmadou Kourouma, La Carte d’identité de Jean Marie, C’est le Soleil qui m’a brulé de Calixthe Beyala, etc.
La Calebasse Cassée et Les Espoirs Perdus sont deux pièces théâtrales écrites dans les mêmes époques, dans la même société et aussi portent presque les mêmes idéologies comme les écrivains sont nigérians. De plus, ce travail nous étalera non seulement les convergences mais encore les divergences thématiques des auteurs en suivant l’histoire abordée et leurs style d’écriture : tout à fait une étude comparative.

Dans la « fabrique » de l'auteur, l'éditeur tient une place centrale. On dit de lui qu'il est le premier récepteur de l'oeuvre. Il est bien davantage que cela. Passage obligé vers la publication – c'est-à-dire au sens premier, l'action de rendre publique une oeuvre – l'éditeur est donc le « passeur », mais aussi le « coproducteur » de l'oeuvre. Cette dernière fonction est moins facilement reconnue dans la genèse de l'oeuvre littéraire – dont on veut toujours croire qu'elle serait celle d'un auteur aussi démiurge que l'étaient les narrateurs dans la conception classique du roman – que dans le domaine cinématographique plus collectif, où le producteur est, sous de multiples aspects, co-créateur du film depuis l'étape du « développement » du synopsis jusqu'à celle du final cut... (Publié dans "La question de l'auteur en littératures africaines", Dir. Anne Begenat-Neuschäfer et Catherine Mazauric, Peter Lang, Frankfurt am Main, 2015, 228 p., p. 25-34).

Abstract:
Suite africaine is composed of three novels (L’intérieur de la nuit, Les aubes écarlates, Contours du jour qui vient). It portrays an Africa torn by civil wars and which seems not to value human life. This picture of a particularly violent continent leads some critics to consider that Léonora Miano is trying to please Parisian publishers and readers by validating western racist vision of Africa. This paper states that the trilogy accepts other readings. It demonstrates that Léonora Miano is actually inviting the reader to see beyond the first impression of endless violence and to consider that Africa is opened to other possibilities. The paper shows that Suite africaine is a call for reconciliation with the past in an attempt to prevent the cycle of violence.

Résumé:
La Suite africaine est composée de trois romans (L’intérieur de la nuit, Les aubes écarlates, Contours du jour qui vient) et met en scène une Afrique déchirée par la guerre civile et qui semble ignorer le prix de la vie humaine. L’image d’un continent particulièrement violent qui en découle a poussé certains critiques à voir en Léonora Miano un auteur qui valide, afin de plaire à Paris, la vision raciste que l’Occident a de l’Afrique. Cet article note que d’autres lectures de la trilogie sont possibles. Il démontre que Léonora Miano invite le lecteur à dépasser l’impression première d’une violence sans issue pour rêver à d’autres possibles ; que la Suite africaine se présente comme un appel à se réconcilier avec le passé de manière à enrayer le cycle de la violence.

La dialectique de l'acculturation a longtemps fourni aux romanciers du monde arabo-africain une matière assez riche pour leurs ouvrages. Le romancier soudanais Tayeb Salih en demeure l'exemple le plus emblématique avec son chef-d'œuvre Saison de la migration vers le Nord (MawssimAlhidjra ila ashamal), publié en arabe en 1969, où la « pseudo-émancipation » de l'homme du Sud ne s'opère qu'au prix du renoncement douloureux-sinon tragique-à la terre et à la langue-mère. Pour surmonter ce double exil, un renouement devrait s'opérer avec la culture et les traditions du pays. Or, le mode de l'oralité, privilégié dans le roman, est l'une des caractéristiques de cette culture et du discours traditionnel africain. Ainsi, il serait légitime de se demander : quelle importance le choix d'intégrer l'oralité dans l'écriture revêt-il dans ce programme de revanche ? Pourrait-on lui attribuer en quelque sorte une dimension idéologique ? D'ailleurs, n'a-t-il pas d'autres fonctions à jouer ? Et comment participe-t-il de la dynamique du récit ?

Dans cet article, je parle de ma rencontre avec mon doppelgänger, c'est-à-dire un autre Abdoulaye Imorou venant d'un univers parallèle. Cet univers a cela de particulier qu'il n'a pas connu la colonisation. Dès lors, le regard que mon doppelgänger jette sur notre monde et, en particulier, sur notre littérature africaine n'est nullement informé par la relation coloniale. De manière paradoxale, c'est à ce niveau que tout se complique. En effet, la logique voudrait que j'apprenne du regard neuf de mon doppelgänger, que j'en profite pour repenser nos théories et nos habitudes critiques. Il se trouve que j'ai plutôt considéré qu'à partir du moment où il n'a pas l'expérience de la colonisation, ses lectures de nos textes sont, d'emblée, irrecevables. Je raconte ici comment j'en suis arrivé à une telle réaction mais aussi comment cela m'a amené à réfléchir sur les difficultés que nous avons à échanger avec les collègues qui viennent de différentes écoles critiques, autant dire d'autres mondes.

Une nouvelle étoile s'est ouverte dans le ciel des auteurs africains d'Afrique francophone. Son nom est Florent Couao-Zotti, et il vient du Bénin, en Afrique de l'Ouest. Jusqu'à présent, il est à peine connu en dehors de la zone linguistique de la Francophonie. Couao-Zotti développe en 18 épisodes, l'un plus fou que l'autre, sa - au sens propre du terme - fabuleuse histoire. L'Académie française lui a décerné le prestigieux Prix Roland De Jouvenel en 2019 pour son roman, publié par Gallimard en 2018. Il est à espérer que ce joyau de la littérature africaine trouvera l'accueil le plus large possible dans le monde francophone et au-delà, qu’il sera bientôt traduit en anglais pour que les lecteurs de l'Afrique anglophone voisinent puissent également profiter de ce superbe échantillon de la nouvelle littérature africaine.

Le roi de Kahel de Tierno Monénembo se présente sous la forme d’une biographie romancée d’Olivier de Sanderval, cet aventurier marseillais qui, à la fin du XIXe siècle, est devenu roi en pays peul. Cet article montre que le roman est, pour Tierno Monénembo, l’occasion de dépasser la lecture manichéenne qui est souvent donnée de la rencontre coloniale. En effet, il apparaît que ce sont les considérations politiques qui, davantage que les considérations identitaires, informent les relations entre l’explorateur et les Peuls et qui vont décider du sort du Fouta-Djalon.

"Il faut préserver le futur des larmes du passé » Entretien avec Mohamed Mbougar Sarr sur la relation Juifs-Noirs dans La plus secrète mémoire des hommes et dans l'Histoire - En complément de l'article "Les fantômes du Goncourt de Mohamed Mbougar Sarr" dans "Afrique XXI" et sur le site www.jeanpierre-orban.com le 25 mars 2022.

Le fort retentissement de « L’affaire Zongo » peut se mesurer, au Burkina Faso, à l’aune du phénomène intense de relecture de sa production intellectuelle et de sacralisation de sa parole. Via une dissémination ordinaire (conversations quotidiennes, consommation de produits dérivés) comme artistique (œuvres-hommages, organisation d’événements culturels), une « matière » s’est formée autour de ses écrits, de ses interventions orales et de son combat politique, et se réécrit de manière collective notamment par le biais du support dramatique.

The new readings of Norbert Zongo’s intellectual production and the way his speech has been « sacralized » in Burkina Faso can easily explain why the « Zongo case » has drawn so much attention. The heritage of Zongo’s writings, speeches and political engagement has spread through ordinary channels (daily discussions, by-products) and artistic works (works made as a tribute, organization of cultural events). Today’s dramatic production, among others, is contributing to the collective re-writing of his life’s work.

Sur la relation Juifs-Noirs dans le roman de M.M. Sarr et avant lui, chez Y. Ouologuem, A. Schwarz-Bart et quelques autres…) Version longue de l'article paru le 25/3/2022 sur Afrique XXI Roman à enchâssements qui brasse de multiples thèmes, La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr aborde en filigrane, à travers un personnage significatif, le sujet de la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Une occasion, pour nous, de nous pencher sur les relations tour à tour fraternelles et conflictuelles entre Juifs et Noirs et la concurrence ou convergence de leurs mémoires tragiques. Depuis Yambo Ouologuem, qui hante le roman de Sarr, et André Schwarz-Bart, dont le fantôme silencieux parcourt ses pages, jusqu'à la jeune génération africaine représentée par le vainqueur du récent prix Goncourt.

Les interférences dans le processus de création littéraire ont été assez peu étudiées. L’article s’attache en particulier aux interventions éditoriales. Celles-ci s’avèrent sensibles dans la littérature francophone et plus spécifiquement chez les auteurs africains situés dans un rapport colonial ou postcolonial à l’édition française. La suspicion de réécriture forcée des manuscrits a longtemps régné dans ces rapports et a conduit aux rumeurs les plus diverses, souvent infondées. L’article entend proposer une étude dépassionnée, fondée sur des documents, de la relation auteur-éditeur conçue comme une dynamique plutôt que comme un affrontement. Dans cet esprit, sont comparées les deux versions connues du roman L’État honteux de l’écrivain congolais Sony Labou Tansi. Une analyse qui vise à démontrer que la réécriture de la première version est essentiellement le fait de l’auteur lui-même mais à partir d’une recommandation expresse de l’éditeur, la réponse dépassant dans ce cas les termes de la demande. Paru dans "Genesis", n°33 "Afrique-Caraïbe", Paris, 2011.

Depuis l'ère de la négritude jusqu'à présent, la littérature africaine d'expression française continue à faire une grande évolution. Elle nous expose toujours aux problèmes quotidiens de l'homme africain. Elle est la réflexion de la société. Elle ne cesse pas de miroiter les conditions et les réalités sociopolitiques des états africains surtout celles de la période postcoloniale où la corruption, l'exploitation, la mauvaise gouvernance, l'abus du pouvoir, l'injustice sociale et toutes sortes de maux triomphent. La présente étude a pour but de mettre en examen en s'en basant sur la sociocritique, la corruption comme elle est dépeinte dans l'univers romanesque de Sony Labou Tansi, un écrivain congolais de renommée internationale surtout dans son La Vie et demie (1979) et L'Etat honteux (1981) qui forment le corpus de notre étude. Ce travail adoptera aussi l'analyse thématique et textuelle.

Dans les œuvres que nous étudions, l’écrivain gabonais Ludovic Obiang entraîne son lectorat aux frontières du mystique, dans un monde où le savoir tire ses racines des arcanes de l’univers forestier africain. Ce travail, qui vise à une analyse écocritique, entend montrer que l’espace sylvestre est cet arrière-pays dans lequel l’humain retrouve une connaissance de soi. En tant qu’indicateur socioculturel où s’exprime savoir historique et mémoriel, la forêt apparaît comme le lieu où se perpétue un apprentissage ; cet espace de transmission suppose en cela l’initiation aux mystères des lieux, ce qui revient à dire que le savoir se transmet lorsqu’une habitation poétique du monde permet de poser les esquisses d’un nouveau vivre-ensemble. Dans un langage métaphorisé, l’écrivain souligne donc que le monde forestier est une voie conduisant à une découverte de soi et à une réconciliation avec le monde naturel. En insistant sur les antagonismes, la narrativité de ces nouvelles se présente comme une boucle dans laquelle chaque histoire fait écho et sert de prétexte à la précédente. Sa plume permet donc d’accéder au savoir contenu dans la nature en dégageant le bruissement de la forêt. Notre analyse s’attèlera à montrer à ce titre que la transmission initiatique concoure à (re)découvrir l’espace sylvestre dans ce qu’il a de sacral, pour éveiller l’être humain à une conscience écologique.

Si l’expression littéraire est cet acte par lequel un écrivain construit son identité individuellement et collectivement, cet acte devient paradoxal en situation diglossique de contact de langues et de cultures ; essentiellement parce que cette littérature postcoloniale est obsédée par la déconstruction du modèle colonial dominant. La diglossie littéraire – selon l’expression de William Mackey (1976) – s’est textualisée de manières différentes voire contradictoires, entre folklorisation et minoration ; deux paradigmes qui apparaissent comme les premiers moments d’un cheminement dialectique, dont l’occultation est l’aboutissement, mais aussi le symptôme d’émergence d’une troisième génération d’Africains francographes.
Écriture de la première génération, la folklorisation s’inscrit dans la mouvance de la négritude. L’écriture y était normée, la langue châtiée. On la voulait « pure », aseptisée ; une écriture servile située dans le sillage des écrivains blancs coloniaux. Le poids de l’école y est déterminant, le poids de l’éditeur éga-lement. Les vocables grossiers sont soigneusement évités. On recourt volontiers à l’imparfait du subjonctif. La bienséance était parfois poussée jusqu’au nivellement des registres de langue. Des personnages différents y parlent souvent le même registre de langue.
La minoration, écriture de la deuxième génération d’écrivains, apparaît comme le grand écart qui tente de réunifier en quelque sorte le corps social divisé du fait de la diglossie. Les écrivains qui se minorent font jouer le substrat de leur langue maternelle dans leur langue dominante d’écriture. C’est la langue dominante qui est écrite, mais autrement. À travers le français écrit, s’entend la langue maternelle de l’écrivain africain ; écriture hétérogène que Jean-Claude Blachère appelle « négrification » et qui indique bien un processus, un phénomène en train de s’élaborer.
L’occultation est essentiellement une écriture de la troisième génération d’écrivains, dont les débuts remontent aux années 1990. Ici, pas de revendication ni de grand écart, pas recherche délibérée de coloration locale. Les rapports de domination entre langues et cultures en contact sont balayés. Les écrivains se posent le problème, plus universel, de la possibilité même de l’écriture, qui représente pour eux l’avènement d’un rêve nourri à la fois par la fascination des mots et par un soupçon à leur égard ; rêve d’accéder à une certaine liberté, mais aussi jeu de la séduction. L’écriture devient ici plus qu’ailleurs une démarche individuelle, mais aussi un acte politique.

Cet article analyse les trajectoires pédestres de l’avant-dernier roman de Ken Bugul, Aller et retour (2013), afin d’étudier la manière dont l’auteure sénégalaise inscrit la ville de Dakar dans son roman. Ces trajectoires se trouvent au cœur d’une narration au rythme des pas, par l’intermédiaire de récits que Bigué, le personnage principal, transmet oralement à Ngoné, une jeune villageoise. Nourri par le concept de parcours chez Michel de Certeau, cet article propose ainsi un parcours littéraire et urbain. Ce faisant, Dakar prend vie à travers les mots et les pas qui l’éprouvent, dans un mouvement spatial et temporel constamment renouvelé.

NB: Extrait seulement / Extract only : page 1

This paper focuses on the rhetoric of the monstrous in a selection of Francophone African fictional texts related to events of war in contemporary
Sub-Saharan Africa. Drawing in particular on the theory of the grotesque, it explores the manifestations of the monstrous through the spectacular and subversive representation of the novels' characters. The analysis of hideous, hybrid, animalized, distorted, and broken bodies aims at unveiling a poetics of alienation, loss, and death-notions that powerfully reflect the horror and the absurdity of war.

To access to paper and current issue online :
https://journals.co.za/toc/french/current

The study considers manifestoes and literary programs as a body of choice for tracing the dynamics of sub-Saharan Francophone literature. Controversies and the proliferation of literary groups are inseparable from the different relationships - rivalry, complicity, rupture, imitation, etc. - between writers of the same generation or their predecessors. They reflect the need for each other to assert themselves in a space and to identify with a particular literary project that participates in the changes of literary ideas. The article examines the issues that relate to the logics of ideological rupture and continuity between different manifestoes. We trace in essence the dynamics by which some writers rehabilitate or challenge the positions of their peers. The overt prefaces of the founding novels of the 1920s are analysed from reaction and debates, in the 1960s and 1970s, within the Negritude; the journals, anthologies and poetic manifestos of Negritude are read in opposition to the postures of its “slingers” who prefer, after independence, the novel; a final section (1990-2000), less antithetical, specifies the circumstances that promote the emergence of a literary renaissance.

La littérature américaine est l'une des plus riches qui soient au monde. Elle a engendré des auteurs très connus et plusieurs Prix Nobel de littérature dont l'un des plus récents est Toni Morrison. La place que ce pays occupe dans le monde, a conféré à ses écrivains une sorte de prééminence littéraire, du moins dans la sphère anglophone dont le principal prix littéraire est le Booker Man Prize américain. La littérature est diverse dans le pays du président Obama, et il n'est pas faux de parler de cosmopolitisme de la littérature américaine. Cet article tentera de donner les raisons d'une telle situation de diversité linguistique, et d'écart social dans une nation qui porte sur la planète un regard plein d'assurance : n'est-il pas juste de parler de Nation-Monde quand on parle des Etats-Unis d'Amérique ?

Les études littéraires africaines ne peuvent ignorer l’ampleur prise, ces dernières années, par l’édition littéraire en Afrique francophone. Il convenait d’en mesurer la portée et de saisir les stratégies et les défis des maisons d’édition africaines. Ce phénomène qui intervient dans le contexte de la globalisation et du postcolonialisme invite, en outre, à repenser les orientations du champ littéraire africain et la question de la relocalisation de la littérature africaine. Ce volume, qui réunit des professionnels de l’édition comme Marcelin Vounda Etoa et des spécialistes de la littérature africaine comme Bernard Mouralis, pose un certain nombre de jalons.

Communication présentée dans le cadre de la journée d'étude de l'Association pour l'Etude des Littératures Africaines (APELA), Université Paris-Est, 19 septembre 2014.

Thème de la journée d'étude : "Tranches d’histoire : Fondations et ruptures, périodes et événements dans l’historiographie des littératures africaines"

Abstract : "En 1986 paraissait le pharaonique ouvrage European-language Writing in Sub-Saharan Africa issu du projet « History of African Literature in European Languages »), sous la férule d’Albert Gerard. Cet ouvrage de 1200 pages se faisait la somme du travail de plus de cent spécialistes. À ce jour, il constitue certainement encore la plus importante référence de travail pour qui s’intéresse à l’histoire littéraire africaine. Il s’agit aussi d’une fenêtre ouverte sur un autre travail mené par Albert Gerard consacré à l’histoire littéraire en langue Africaines (Littératures en langues Africaines, 1992). Quelques trente années plus tard, des travaux se sont multipliés dans cette lignée, de Richard Bjornson à Claire Dehon, en passant par Marc Quaghebeur ou Hans Jürgen Lüsebrink. Peu à peu, une somme bibliographique consacrée à l’histoire des productions littéraires africaines in extenso – au-delà du paradigme avant/après la période coloniale – vient constituer une vaste chronologie, foyer de connexions et de croisements disciplinaires : sociologie littéraire, anthropologie, linguistique, sciences de l’information et de la communication. Au sein de ce champ de recherche en perpétuelle genèse, on dispose d’éléments de plus en plus précis sur différents espaces littéraires africains. Peu à peu, émerge en filigrane de ce corpus une histoire du livre et de l’édition en Afrique. Il est alors intéressant de chercher à apporter non pas de nouveaux éléments mais, plutôt, de confronter ces différentes “expériences littéraires africaines” à la lumière d’un matériel sans cesse enrichit. Cette communication s’attachera donc à émettre quelques propositions de réflexion et de comparaison autour des études éditoriales africaines à partir d’espaces comme le Cameroun ou la République Démocratique du Congo.