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Spri 1 Cours D'histoire Des Instutitions

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MADIBA LEADERSHIP INSTITUTE

COURS D’HISTOIRE DES INSTITUTIONS POLITIQUES DU

SENEGAL
PHASE I : DU MOYEN-AGE A 1945

Séquence 1 : Le contact avec le monde arabo-musulman et la fécondation


des institutions du Soudan
INTRODUCTION
Les grands ensembles politiques qui se sont épanouis du 8e au 16e siècle entre le sud du
Sahara et la grande forêt ont été dominés par l’islam. L’étude du contact de cette religion avec
l’Afrique noire et occidentale plus particulièrement présente un intérêt particulier dans la
mesure où elle touche les questions d’ordre institutionnelle : l’islam ne se limitant pas
simplement à une religion, il véhicule en soi une civilisation, une culture, un corpus juris
certes, mais également et surtout un mode de gouvernement. Nous allons donc voir comment
il est diffusé au Soudan occidental (Section I) avant de voir son impact sur les institutions
politiques (Section II).
Section I : l’expansion de l’islam dans les empires du Soudan
La poussée de l’islam dans les sociétés soudanaises s’est effectuée en grande partie en
faveur du commerce, sans toutefois réussir à pénétrer la grande forêt. Ce phénomène est resté
dans sa globalité jusqu’à la fin du 8e siècle pacifique. Très vite il prend au 9e siècle des
allures conquérantes. Mais quel qu’ait été son mode de diffusion, l’islam n’a pas gardé son
aspect originel au Soudan occidental et en Afrique d’une manière générale. Il est édulcoré au
contact des pratiques religieuses des sociétés qu’il a dû, sans nul doute, influencé. Pour rendre
compte de ce processus nous allons voir l’expansion pacifique de l’islam (I) avant de voir
celle guerrière avec surtout le mouvement almoravide (II).
Paragraphe I : L’expansion pacifique de l’islam.
La diffusion pacifique de l’islam en Afrique occidental a pris les circuits du commerce
intercontinental (I) mais une fois que la plus part des masses s’était convertie, c’était devenu
un phénomène socio-culturel que d’être musulman (II).
I- L’expansion de l’islam du fait commerciale.
Les berbères ibadites développent très tôt le commerce transsaharien de l’or et des esclaves
qui prend son essor du VIIIè au XIè siècle. Il s’effectue essentiellement avec l’empire du
Ghana qui regorge de mines d’or.
Il débute au IVe siècle et prend son coup de grâce au XIe siècle sous l’action de la dynastie
berbère des Almoravides.
C’est en effet au début du VIIIe siècle, à la suite de la conquête par les Arabes de l'Afrique
du Nord et sous l’impulsion des Berbères ibâdites que le commerce transsaharien prend son
essor. À cette époque, la conversion des Berbères à l’islam marque la fin de leur mise massive
en esclavage : il devient de moins en moins juridiquement acceptable d’asservir ce butin
devenu illicite d’un point de vue musulman et des sources alternatives doivent être trouvées
afin de satisfaire l’insatiable demande orientale. Au demeurant, le renoncement aux esclaves
berbères ne se fit pas sans difficultés. Lorsqu’en 754 le gouverneur de l’Ifrîqiya, Abd-al-
Rahmân b. Habîb, écrivit au calife ‘abbâsside, Abû Ja’far al-Mansûr, pour lui expliquer que
l’Ifrîqiya étant devenue une terre musulmane, y faire des esclaves n’était plus possible, la
lettre excita la colère du calife qui y répondit par des menaces.
Finalement, comme les sources maghrébines d’esclaves en raison de la conversion des
Berbères à l’islam avaient tarie, il fallait subvenir aux besoins en main-d’œuvre servile par la
fourniture d’esclaves noirs subsahariens en remplacement des Berbères. Or, ce sont les
Berbères eux-mêmes qui saisirent l’opportunité de faire venir des esclaves du Bilâd as-Sûdân
ou « Pays des Noirs », nouvelle source d’approvisionnement qui vint s’ajouter au commerce
déjà existant des Nubiens, des Éthiopiens, des Somalis et des Zanjs de la côte orientale
d’Afrique. Le commerce transsaharien des esclaves, de l’or et des autres produits devint ainsi,
à partir du milieu du VIIIe siècle, un quasi-monopole des Berbères khârijites ibâdites qui
transformèrent leur statut antérieur d’esclaves potentiels en celui d’esclavagistes.
Cette traite va leur permettre de répondre à la demande de plus en plus considérable
suscitée par le monde musulman en expansion. Les communications transsahariennes et les
échanges seront rendus possibles par la généralisation du dromadaire aux IIIe et IVe siècles :
plus résistant aux rigueurs du désert, il remplace le cheval. La diffusion de cet animal
favorisait, en effet, un élevage qui fournissait la viande, le lait, le poil et le cuir et rendait ainsi
les nomades extrêmement autonomes et mobiles. En ce qui concerne le trafic caravanier, le
dromadaire, d’une sobriété surprenante grâce à l’« eau métabolique » secrétée par son
organisme, correspondait parfaitement aux exigences d’un commerce pondéreux à longue
distance puisqu’il permettait aux marchands de couvrir avec cette bête de somme des espaces
arides d’une longueur nord-sud de 1 500 à 2 000 km. Il fallait également des relais dans les
oasis et des pistes jalonnées de points d’eau. Or, les Berbères, à la fois marchands et
armateurs de caravanes, convoyeurs spécialisés, maîtres des oasis-relais, contrôleurs des
régions traversées et des terminaux caravaniers maîtrisaient toute la chaîne du commerce
transsaharien.
Cependant ce traite sera également un moyen très souple de diffuser l’islam à travers le pays
des noirs ne serait-ce qu’en ayant comme cible la masse de la population. Une islamisation
des affaires et du statut personnel se diffuse discrètement dans les pratiques sans que cela n’ait
exactement la signification d’une conversion. Voici, par exemple, un des très rares textes qui
nous soit parvenu concernant une commandite en relation avec le commerce transsaharien.
Cet écrit révèle au passage le long séjour effectué au Bilâd asSûdân par un commerçant et le
fait, courant à cette époque, de se marier localement, généralement avec une esclave. Il s’agit
avec ce texte d’une fatwâ d’al-Qabîsî – il dirigea l’école mâlikite kairouanaise – consulté au
sujet d’un quidam en ayant commandité un autre pour aller à Tâdmekka, comme le stipule le
contrat établit entre eux devant témoins. L’agent (‘âmil) part à Tâdmekka mais de là il se rend
à Ghâna, puis à Âwdâghust où il se marie et a des enfants. Il y demeure onze ans, s’endette, et
le qâdî d’Âwdâghust vend ses biens pour en répartir le montant entre les créanciers. Or, le
commanditaire revendique le droit de concourir avec ces derniers. Dans sa réponse, Al-Qabîsî
indique que le commanditaire peut concourir avec les créanciers de l’agent en question.
Surtout, il réprouve la nature du commerce transsaharien : l’agent n’a pas respecté les
consignes qui lui ont été données ; mais, de toute façon, vu les risques courus, on ne doit pas
conclure de qirâd pour le Soudan.
La diffusion de l’islam, c’est aussi l’œuvre d’un certain nombre de groupe africains
Sarakholé et Dioula, commerçants profondément imbu de la foi islamique. En contact depuis
très longtemps avec l’islam, leur déplacement d’un territoire à l’autre, leur ouverture d’esprit
et leur métier en faisait des propagandistes nés de la nouvelle foi. Sur les pistes du Gambie, à
la lisière de la forêt, comme dans le pays haoussa, à kano et katsina, ces marchands wangara
répandaient l’islam en même temps que les denrées du Nord.
Les Dioula en particulier jonglaient aisément avec les cours chargés de toutes sortes de
marchandise. Ils étaient organisés en sociétés familiales dont les membres se répartissaient
depuis Tombouctou et Djenné jusqu’en Casamance et au pays Lobi. En organisant un
transfert de produit c’est à un véritable échange d’information auquel ils s’adonnent.
Mais après avoir diffusé l’islam au auprès des masses, c’est une autre catégorie, les
Marabouts par exemple, qui prenne le relai à travers des canaux socio-culturels non moins
importants
II- La diffusion de l’islam du fat socio-culturelle
Concernant ce mode assez particulier de la diffusion de l’islam il faut dire que la religion a
reçu une assez bonne audience dans les empires du Soudan occidental même là où les
monarques ne s’étaient pas convertis. Il bénéficie en effet d’une certaine tolérance des
autorités politiques et un certain respect vis-à-vis de ses adeptes digne de la notion moderne
de liberté de culte. Ceux-ci sont également impliqués jusque dans le fonctionnement de
l’appareil d’Etat du Ghana par exemple où Joseph Ki-Zerbo renseigne que « Le Grand
Conseil du Roi comprenait des hauts dignitaires, dont certains étaient des affranchis et des
musulman… ».
Sur le plan protocolaire une déférence leur étaient même accordée : « l’arrivée du roi à son
audience est annoncée par des coups frappés sur une sorte de tambour appelé dûba (tam-tam)
cet instrument est une longue pièce de bois évidées. En l’entendant, les gens se rassemblent.
Les gens de la religion du roi à son approche, se mettent à genoux et se jettent de la terre sur
la tête. C’est leur façon de saluer le roi. Les musulmans eux se contentent de battre des
mains. ».
Sur le plan sociale la liberté d’exercice sans entrave de leur culte était tellement assuré que
« Ghana, nous dit-il, est une grande cité comportant deux agglomérations. L’une située dans
la plaine est musulmane, habitée par des marchands arabo-berbère, des jurisconsultes et
savants distingués. On y compte douze mosquées dont tout le personnel est salarié. ». Et
même la ville païenne résidence du roi, qui tiendrait son nom El Ghaba des musulmans,
possédait une mosquée à l’usage des dignitaires musulmans qui y travaillaient. L’implication
des musulmans dans les hautes sphères du pouvoir politique était telle Joseph Ki-Zerbo s’est
demandé, en analysant les causes de la destruction du Ghana du fait du manque de loyauté
des provinces méridionales, si « certains musulmans, employés par le Tounka, ne
constituaient-il pas une intelligence dans la place ?
Quoi qu’il en soit la diffusion de l’islam du fait socio-culturel s’est faite de plus belle
surtout avec les empires du Mali et du Songhaï. Dans le premier nommé, nous apprend El
Bekri, le roi du « Mallel, qui correspondrait à tout point de vu à Baramendana se convertit à
l’islam dès le XIe siècle et attire au Sud des commerçants et lettrés arabo-berbère vecteurs de
la diffusion de cette religion. A sa suite, Moussa Keita, parmi ses successeurs effectue
plusieurs fois le pèlerinage qui indiquerait une persistance de la foi musulmane, au moins,
dans la famille royale.
C’est Kankan Moussa (1312-1332) qui relance plus significativement l’expansion de
l’islam dans la région. De retour de son légendaire pèlerinage à la Mecque, l’empereur
ramène, entre autres, un poète architecte originaire de Grenade, Abou Issak dit Es Saheli. Il fit
construire à Tombouctou la grande mosquée de Djinger-ber, ainsi qu’une résidence ou
Madougou au style arabesque éclatant.
Il envoya des représentations diplomatiques chez les sultans du Maghreb et du Caire et lui-
même recevait d’eux des envoyés et présents.
Au Songhaï, les centres commerciaux florissants de l’empire étaient des villes populeuses
et deviennent naturellement des hauts lieux d’études religieuses. Djenné, Tombouctou, Walata
et Gao s’illustrent à cet égard : « il y a dans Tombouctou, dit Léon l’africain, de nombreux
juges, docteurs et prêtres, tous bien appointés par le roi. Il honore grandement les lettres. On
vend aussi beaucoup de livres manuscrits qui viennent de la Berbèrie. On tire plus de bénéfice
de cette vente que de tout le reste des marchandises. » De véritable universités existaient dans
cités, bénéficiant du mécénat, de la déférence des princes et du peuple.
Tel est le cas du professeur Ali-Takaria qui recevait tous les mercredis une modeste
contribution de ses élèves. Il aurait rassemblé 1725 cauris, la monnaie d’échange de l’époque,
de ses 123 élèves.
Le nombre des écoles coraniques de la ville de Tombouctou s’élevait à 180. Les
professeurs enseignaient dans les mosquées. Docteurs et écrivains célèbre du Maghreb
traversaient le désert pour donner ou recevoir des cours auprès de leurs collègues berbère ou
noirs de Sankoré (quartier de Tombouctou) ou de Djenné.
Les universités étaient tellement choyées qu’, en plus d’accorder des privilèges et
gratifications à leurs marabouts et dignitaires, elles étaient craintes par les monarques ainsi
que toute leur suite comme en atteste la crainte révérencielle que Mahmoud, Qadi de
Tombouctou, inspirait aux Askia ainsi qu’à leurs ministres. Siégeant, par exemple dans le
conseil du prince et à côté des généraux, ils n’hésitaient à leur faire des remontrances très
violentes « As-tu oublié, lançais Mahmoud à l’Askia Mohammed, ou feins-tu d’oublier le jour
où tu es venu me trouver chez moi et où tu m’as pris par mes vêtements en me disant : « Je
viens me places sous ta protection et te confier ma personne pour que tu m’épargnes le feu de
l’enfer ? » Telle est la cause qui m’a fait chasser tes envoyés… »
Ceci montre combien fort bien l’islam s’était diffusé au songhaï et combien les Qadis
exerçaient une influence sur les hommes d’Etat. Cependant, comme au Ghana l’islamisation
de l’Elite gouvernante ne s’est pas fait de tout repos. Face à la réticence de ces dernières quant
à l’abandon de leurs veilles croyance, le prosélytisme religieux a pris le ton d’une guerre
saint. D’où l’expansion guerrier de l’islam.
Paragraphe II : L’expansion guerrière de l’islam
La diffusion de l’islam par le sabre a connu deux modalité ; celle extérieur des Berbères
Almoravides (I) et celle interne dont les prosélytes africains se sont fait champion (II).
I- L’action du mouvement almoravide
Pour comprendre la grande épopée almoravide, il faut se rappeler que les Berbères furent
longtemps très réticents devant l’islam. Et au Xè siècle les chefs berbères Sanhadja de la
côte atlantique mauritanienne pratiquer un islam trop relâché. Mais convertis, ils se
transformaient en prosélytes acharnés et prêt à répandre la foi par tous les moyens et avec
les armes s’il le faut. C’est dans ce contexte que le chef des Djeddola de retour de son
pèlerinage ramène de Kairouan un théologien zélé en la personne d’Abdallah Ibn Yacine. Ce
fin lettré de Sidjilmasa se fixe pour mission de prêcher l’orthodoxie malékite dans toute la
région. Mais ayant été expulsé par les Djeddolla face à sa rigueur puritaine, il se réfugie en
1030 avec deux de ces disciples qui finirent par atteindre le millier. Il les baptisa Al
Morabetin qui donnera Almoravide.
Partis au nombre de 1000, ils étaient bientôt forts de 30 000 avec Ibn Yacine comme
guide spirituel. Rejoint par de nombreux contingents noirs du Tékrour opposé à l’hégémonie
du Ghana pour cause religieuse et devenu confrérie militaire, ils se fixent pour mission de
répandre la foi par la force. C’est ainsi qu’ils lancèrent dès 1042 un furieux djihad contre les
Djéddolah et Lemtouna qu’ils dépouillent leurs richesses. Mais face au rigorisme du chef
Yacine qui se fait rejeté une seconde fois par ses soldats et du fait de son retour en force sur
la scène tout le Soudan occidental fut rasé.
Le Ghana qui jusqu’ici n’avait pas trop souffert des attaques périphériques des
Almoravides, grâce à son armée de 200 000 hommes dont 40 000 archers et une importante
cavalerie s’est fit supplanté sur le plan militaire, non seulement à cause de la petite taille de
ses chevaux mais aussi à cause d’un changement tactique radicale de la part du Djihad
almoravide. Ainsi malgré une vaillante résistance Koumbi fut prise et ravagé. Des
conversions forcées s’en suivirent. Le Touka Menin successeur de Bassi, ne peut conserver
son trône ébranlé qu’au prix d’un lourd tribut.
Entretemps Youssouf Ibn Tachfin, successeur de Yaya tombé lors de l’affrontement avec
les Djoddalah en 1056, disparaissait également laissant le mouvement almoravide en
lambeau dû à une succession mal liquidée. Ce qui entraina le déclin et le relâchement que le
mouvement avait sur la région.
Le Ghana retrouva alors son indépendance mais non sa puissance. En effet les forces
centrifuges l’emportent sur l’unité. Les Doucouré de Ouagadou, les Nyakaté du Dyara qui
seront renversés au XIIIè siècle par les Diawara, le Galam des Bathily intégré désormais au
Tekrour, et surtout le royaume Sosso de Kaniaga secouait les derniers liens qui les
rattachaient à Koumbi.
Section II : L’influence de l’islam sur les institutions politiques du Soudan
Au Soudan occidental et sur le plan politique, l’islam a modifié les fondements du pouvoir
dans les sociétés où son expansion fut violente, et dans celles où son emprise fût très forte.
Dans les autres où sa diffusion s’est faite avec douceur, il s’est développé en marge du
pouvoir politique dont les fondements sont restés ancrés dans la tradition, avant de fusionner
avec les croyances religieuses locales pour donner au pouvoir un fondement nouveau,
hybride, mais toujours sacré. Son influence sur la transmission du pouvoir a dû également en
changer, profondément, le procédé sans pour autant définitivement abolir le mode
traditionnelle. C’est pourquoi nous allons voir Le changement de paradigmes du pouvoir
traditionnel (I) avant de voir la résistance de la conception païenne du pouvoir (II).
Paragraphe II : le changement des paradigmes du pouvoir traditionnel
I- Les modifications liées aux fondements du pouvoir
Dans la pensée islamique, la notion de pouvoir correspond à la notion de Khalif qui
renferme ce que la théorie occidentale sépare en pouvoir exécutif et en pouvoir judiciaire. La
réponse à la question de la nature du pouvoir y varie suivant les tendances. Mais hormis la
thèse extrémiste qui soutient la laïcité totale du pouvoir, on admet, toute obédience
confondues, que le pouvoir a une origine divine ou, à tout le moins, qu’il a un rapport, fut-il
éloigné, avec Dieu.
Ainsi les juristes de l’islam se sont attachés à la construction d’une théorie de l’Etat
musulman. On tient pour fondamental le rôle joué à cet égard par Al-Mawardi, le plus illustre
d’entre les théoriciens de ce modèle. Il écrivait au cours du 11e siècle un traité de droit
constitutionnel intitulé « Al Ahkam al Soultaniyah » dans lequel il mentionne tous les
éléments du pouvoir. A la tête de celui-ci se trouve « un calife ou commandeur des croyants ».
Son règne se désigne par le terme de Khalifat que A-Mawardi définit comme « l’autorité dont
est investie la personne qui remplace le prophète dans la double mission de défendre la foi et
de gouverner le monde ».
Ainsi la fonction du Khalif n’est valide et légale qu’à certaines conditions : « la conclusion
du contrat de califat peut s’opérer (en effet) de deux façons : 1°) En vertu d’une élection faite
par les personnes ayants la capacité de « lier et de délier ». 2°) en vertu d’une disposition
émanant du calife précédent. »
Enfin il faut remarquer qu’à la différence des monarques européen du Moyen-Age, mais pas
forcément ceux des royautés africains, il est détenteur du pouvoir exécutif et judiciaire et non
le pouvoir législatif en tout cas pas dans la plénitude du terme. Ainsi dans cet ordre la
première source du droit positif musulman est le Coran qui contient, en plus des dogmes
religieux, des prescriptions d’ordre politique et juridique. S’y ajoute en second lieu, la Sunnah
du Prophète Muhammed : « il est dès lors naturel que l’ordre légal dans l’islam repose sur le
Coran, qui est une révélation » et sur la Sunna, « le commentaire de la révélation ».
La loi de l’Etat musulman est donc révélée et le Khalif choisi en raison de sa foi en Dieu et
de sa fidélité au Prophète pour veiller à son respect dans la cité. Parlant au nom de Dieu, il
doit gouverner conformément à sa Parole. Il n’est pas prêtre d’abord et magistrat ensuite : « le
prêtre est, en même temps, magistrat ».
Ainsi si on admet que L’Imam- Khalif est un héraut de Dieu auprès des hommes, il n’est pas
le lieutenant sur terre. Comme tel, il est à la fois l’Imam qui dirige la prière et à l’invitation
duquel les croyants prient à la mosquée, et le chef temporel chargé de faire régner la loi
coranique.
De ce fait on peut penser que son rôle religieux rejaillit en pratique sur son autorité
politique pour en faire un pouvoir sacré. De ce fait, là où les conquérants musulmans ont
établi leur autorité après avoir soumis les « infidèles », le fondement de leur pouvoir se
trouvait dans l’islam au nom duquel ils vont gouverner. Le pouvoir est regardé comme sacré
parce qu’il était symbolisé par l’Imam qui l’avait conquis au nom de Dieu.
Toutefois la transmission du pouvoir dans le soudan occidentale étant réglée par des règles
autres que celles appliquées dans le monde musulman, et sans les appliquer à la circonstance,
des procédés de dévolution islamique du patrimoine ont interféré dans le sens de les modifier.
II- Les modifications liées à la transmission du pouvoir
La transmission du pouvoir au Ghana était matrilinéaire. Cela pour assurer selon El Bekri
que le successeur serait toujours de sang royal. Car si l’on est toujours sûr d’être le frère de sa
sœur, ce qui est discutable, on n’est pas toujours sûr d’être le père de son fils.
Cheikh Anta Diop nous renseigne sur le sujet que, des renseignements fournies par les
différents auteurs, il résulte qu’au Ghana la filiation était matrilinéaire, en particulier pour la
succession au trône. Et il s’appuie sur ce fait indubitable pour réfuter du reste l’argument des
historiens qui soutiennent que la dynastie des Cissé, dynastie royale, serait précédée d’une
dynastie de race blanche arabe ou sémite. Il considère que qu’avant, Mahomet et l’islam, les
Arabes n’avaient aucun potentiel d’expansion et que les sémites pratiquant la filiation
patrilinéaire, celle-ci aurait dû régler la succession au trône de Ghana s’ils étaient vraiment à
son origine.
Le matriarcat régnait également dans l’empire du Mali, chez les malinkés. Ibn Batouta
abonde dans ce sens en notant que cette coutume était un usage propre au monde noir et
contraire à ce qu’il avait l’habitude de voir partout ailleurs dans le monde, sauf en Inde chez
d’autres noirs. Il dit, en effet dans « Voyage au Soudan, que « Ils (les Nègres) se nomment
d’après leur oncle maternel et non d’après leur père ; ce ne sont pas les fils qui héritent des
pères mais bien les neveux, fils de la sœur du père. Je n’ai jamais rencontré ce dernier usage
autre part, excepté chez les infidèles de Malabar dans l’Inde. ».
En Afrique occidental l’adoption du nom du père pour les enfants semble provenir de
cette époque. L’islam transforme les règles du droit familiale de façon à favoriser le partage
des biens et des charges entre les héritiers du de cujus. Car, contrairement à celle africaine, «
La famille musulmane est avant tout une parenté de male. Un petit nombre de femme (les
épouses, les filles y ont une place définie ; la parenté utérine n’y donne de droits héréditaires
qu’à titre tout à fait exceptionnel. ». En outre si la religion musulman invite et encourage la
vie en communauté, elle n’en fait pas moins injonction d’un système de transmission, à cause
de mort, individuelle des biens de la personne. Un partage systématique des biens du défunt
doit se faire automatiquement après le décès. Et toute atteinte portée, d’une manière ou d’une
autre aux intérêts de l’orphelin est vu comme une abomination de laquelle doit s’écarter tout
croyant. A défaut, c’est vu comme une infraction sévèrement réprimé par le droit musulman.
Avec l’islamisation, c’est-à-dire sous l’influence d’un facteur externe, et non par évolution
interne, la plupart des populations qui, au Moyen Age, étaient matrilinéaires sont devenues
patrilinéaires, du moins en apparence. Car la conception païenne du pouvoir se montrait, en
réalité, beaucoup plus résistante qu’elle n’en avait l’air.

Séquence 2 : La formation territoriale et l’organisation administrative de


l’A.O.F.
Introduction
A l’aube du XIXe siècle le continent africain fait l’objet d’un regain d’intérêt de la part des
occidentaux et au triple plan religieux, scientifique et surtout économique. Au XVe siècle,
déjà, nous dit J. Ki-Zerbo « il était bon d’arracher les Noirs de l’Afrique pour sauver leur âme.
Au XIXe siècle constatant sur place l’effroyable gâchis humain, nombre de missionnaires
crièrent au génocide et encouragèrent le contrôle, voire la conquête de l’Afrique par l’Europe
pour mettre fin au massacre ! » ; mais la réalité demeure aussi que durant le XIXe siècle
l’Europe occidentale va subir une mutation structurelle, révolution industrielle, rendant de fait
caduc la vielle économie de traite la liant à l’Afrique et inaugurant une nouvelle ère dite
capitaliste dans laquelle coloniser devenait une nécessité impérieuse.
Section I : La formation territoriale de l’A.O.F.
La formation territoriale de l’A.O.F s’est fait suite à une vaste entreprise d’exploration.
Mais sa conquête et sa domination ont rencontré une vive opposition de la part des africains
dont l’écart de reddition dans le temps a justifié bien des différences d’approche dans le
déploiement de la politique coloniale. Voyons la phase de découverte à la conquête
(Paragraphe I) avant de voir la phase de la résistance à l’invasion coloniale (Paragraphe II).
Paragraphe I : De la découverte à la conquête
La découverte et l’exploration de l’Afrique de l’Ouest se sont faites dans un contexte d’âpres
discussions et revendication entre les nations européennes (I). Ce qui a provoqué la tenue
d’une rencontre historique entre nations européennes pour éviter l’affrontement, disait-il, mais
qui donna le point de départ d’une expansion territoriale sans précédent (II).
I- La découverte.
C’est au XVème siècle que commença, grâce aux prouesses de la navigation, la première
entreprise européenne organisée de reconnaissance des côtes de l’Afrique Noire. Elle fut
principalement le fait des deux géants des mers de l’époque, l’Espagne et le Portugal, dont les
navigateurs découvrirent l’essentielle des côtes africaines, américaines et asiatiques qui
permirent plus tard l’établissement de comptoirs commerciaux antichambre de l’occupation
territoriale. Ainsi en est-il du Vénitien Ca’Da Mosto au service du Portugal qui, en 1450,
découvrit les îles du Cap-Vert, visita les côtes du Sénégal et serait même hôte du Damel du
Kayoor. Les portugais s’installent ensuite dans le Golf du Guinée, construisirent en 1848 le
fort d’Elmina dans l’actuel Ghana et rentrèrent même en contact avec souverain de l’empire
du Mali déclinant. En 1488 DENIS Diaz atteignit le Cap de Bonne-Espérance. En 1498,
Vasco de Gama doubla le Cap et de la gagna la côte des Indes. La flotte de Magellan
accomplit le tour du monde par le Sud de l’Amérique, les Philippines et le sud de l’Afrique de
1519 à 1522.
Mais français et anglais, Hollandais aussi, n’entendaient pas rester en rade de ce qui
semblait être une compétition irréversible vers le contrôle stratégique de zones d’influence. La
régularité de la navigation le long de la côte africaine aidant, les Français s’installèrent au
Sénégal en 1635 puis élargirent lentement leur implantation à partir du Gabon. Les Hollandais
qui s’était installés à Gorée durent l’abandonner au français pour élargir leur présence en
Afrique du Sud : Afrikaner au Cap, Boers en Orange et au Transvaal. Le Sahara fut explorée à
partir de 1822 par Anglais, Français et Allemands. L’exploration fut également discutée entre
ces différentes puissances rendant ainsi le conflit inévitable à propos du partage des zones
d’influence de chacun.
C’est ce qui provoqua une conférence internationale historique à Berlin en 1885 durant
laquelle les Etats européens durent reconnaitre réciproquement leurs situations acquise dans
les diverses zones d’influence dont celle de la France qui nous intéresse ici et qui s’étend du
Nord à l’Ouest du continent depuis l’Algérie et la Tunisie jusqu’à Brazzaville
II- La conquête
L’Afrique terre exténuée, suscitera successivement une curiosité scientifique et de l’intérêt
de beaucoup de convoitise de la part des européens dont le tournant décisif sera atteint aux
environs de 1880. D’une part devant les tentatives de plus en plus prononcées à l’intérieur du
continent, il sera question de fixer les règles et d’assainir la concurrence entre les nations.
C’est l’objet de la conférence de Berlin de laquelle résultent quelques règles simples en
apparence mais sans commune mesure par rapport à leurs effets désastreux sur les lendemains
socio-politiques, économiques et humains du continent :
-L’occupation côtière ne suffira plus pour revendiquer l’hinterland.
-Les bassins du Congo et du Niger étaient déclarés libres pour le commerce international.
Il résulte de cette situation une véritable ruée vers l’impérialisme : vingt ans simplement ont
suffis pour que tout le continent soit occupé sur à peine 1/10e en 1880. Une frénésie
d’occupation s’était saisi des puissances européenne non pas par besoin mais par une simple
sorte de délire paranoïaque telle que le décrit Joseph Ki-Zerbo « on prend parce que l’on
pense en avoir besoin pour protéger des prises antérieurs ; puis on prend parce que c’est à la
portée de la main ; on prend pour devancer ses voisins ; on finit par prendre pour prendre,
comme en temps de pénurie, parce que « cela pourra servir », ne serait-ce que comme
monnaie d’échange. »
Paragraphe II : La résistance à la pénétration
I- La résistance pacifique ou le rejet de la culture européen
II- La résistance guerrière ou l’opposition armée à la pénétration coloniale

Paragraphe I : L’organisation centrale de l’A.O.F.


Bien que l’usage soit acquis de parler de l’A.O.F en terme de fédération, ce n’était pas un Etat
d’abord du fait de sa soumission au ministère des colonies (A) et ça n’était pas une fédération
ni une confédération de fait de la structure du Gouvernement Général qui en est l’organe
central (B).
I- La soumission de l’A.O.F au ministère des colonies.
La gestion des questions coloniales à ses débuts semble révéler une profonde difficulté
pour l’administration de la métropole de dégager une ligne directrice capable de définir une
politique coloniale sans équivoque. Partagé entre le besoin d’une expansion territoriale outre-
mer solide et celui de promouvoir le commerce, cette politique révèle un terrible
atermoiement concernant le rattachement des colonies tantôt au ministère de la marine et
tantôt au département du commerce avec préférence du premier choix sur le second. C’est
ainsi que en 1626 elle fut rattachée à la surintendance générale de la navigation et du
commerce, Le 7 mars 1669 au secrétariat d’Etat de la Marine sous Colbert ainsi qu’en 1710,
1860, 1882 et 1883.
C’est avec l’arrivée de Gambetta aux affaires en 1881 qu’apparaissent les premières
velléités de séparer l’administration des colonies de la marine. Dans les colonies les amiraux
se font remplacer par les gouverneurs civils. Avec la création du sous-secrétariat aux colonies
rattaché au ministère du commerce, même si quelques temps rattaché au ministère de la
Marine, l’administration des colonies manifeste en 1887 sa volonté d’indépendance vis-à-vis
du Commerce et de la Marine en créant, entre autres, un corps de gouverneur des colonies et
un cadre commun aux fonctionnaires outre-mer. En 1894 toutes les conditions étaient réunies
pour la création d’un département propre des colonies, le ministre Reinach prépare un projet
de loi qui fut adopté par l’Assemblée National : le ministère venait de naitre.
Le ministère des colonies est un organe de la métropole française chargé de définir
l’action coloniale, conformément au sénatus-consulte du 03 mai 1854 qui donne à l’Empereur
Napoléon III le pouvoir législatif dans les colonies autres que la Martinique, Guadeloupe et
Réunion. Les colonies régies ainsi par les décrets de l’Empereur « jusqu’à ce qu’il ait été
statué à leur égard par un sénatus-consulte », qui ne fut jamais pris d’ailleurs, relèvent du
domaine du règlement. Et le besoin de coordonner l’activité de celles-ci au fonctionnement
général du gouvernement justifie la création du ministère.
Il est organisé par le décret du 5 mai 1894, remanié le 20 février 1896, modifié par les
décrets du 2 janv.-1898, 21 avril 1900 et 20 mai 1911. Ces divers textes ne sont que
l’illustration des tâtonnements qui ont présidé à la naissance et à l’organisation du ministère.
Une organisation qui toutefois ne dérogeait en rien à celle des ministères d’outre- mer en
général. Car il disposait d’un cabinet composé d’un directeur de cabinet et d’un secrétariat
général à partir de 1896 d’une part et d’un certain nombre de directions, inspections et
services techniques notamment l’inspection des colonies d’autre part.
II- Le Gouvernement Général de l’A.O.F
Les colonies de la France de l’Afrique de l’Ouest réunies en une seule entité politique, un
Gouverneur général résidant à Saint-Louis puis Dakar fut nommé à sa tête. Il est nommé par
le Président de de la République, en conseil des ministres, sous proposition du ministre des
colonies. Ce qui, rajouté à son rôle premier de représentant du groupe, en fait une autorité au
pouvoir double.
D’une part, il est dépositaire des pouvoirs de la République. Il incarnait à lui tout seul
non seulement le Président de la République et l’ensemble du gouvernement mais il
représentait aussi l’Etat en justice. Il rend compte de son administration au Ministère des
colonies à qui il fait parvenir chaque année, à partir de 1904, un rapport sur la situation
politique et économique du groupe des territoires dont il a la charge. Il est d’ailleurs le seul
habilité à correspondre avec l’Etat central.
D’autre part en tant que représentant du groupe, il jouit d’importants pouvoir exécutif et
judiciaire et participe activement à l’exercice du pouvoir législatif.
A ces titres il assure la direction d’ensemble et gère les services généraux du groupe dont
il fixe les attributions. Il nomme à toutes les fonctions civiles sauf celles réservées au
gouvernement central. Il s’agit de celles de Lt Gouverneur, secrétaire général, magistrat,
directeur de contrôle et des services généraux, administrateurs réservés dont il propose à la
nomination.
Il est ordonnateur des budgets général et annexes. Il arrête le budget général en conseil du
gouvernement et le soumet à l’approbation du ministre ou du conseil du gouvernement à
partir de 1947.
Il exerce des pouvoirs règlementaires dont celle de promulguer et de publier, au journal
officiel de l’A.O.F, les ordonnances, lois et décret relatifs au groupe. Il prend lui-même des
arrêtés généraux, des décisions, des circulaires, des instructions. Il prépare, pour le ministre,
des projets de décret relatifs à l’organisation et au fonctionnement du groupe. Ils fixent par
des arrêtés généraux les limites des circonscriptions administratives.
Il a des pouvoirs militaires en assurant la coordination de la défense propre du groupe de
territoire et participe à la défense de l’ensemble de la nation française. Il exerce la haute
direction des forces armées affectées à la défense du groupe. Il prépare les plans de défense et
répartit ces forces entre les divers territoires du groupe.
Dans l’exercice de ces attributions, le gouverneur général reçoit les directives du Président
du Conseil, par l’intermédiaire du ministère des colonies, pour tout ce qui concerne
l’organisation générale de la défense et la haute direction des forces armées ; pour toutes les
autres questions il relève directement du ministre chargé des colonies.
Au titre de ses fonctions juridictionnelles il est le chef supérieur de la justice et veille à la
bonne administration de celle-ci par l’intermédiaire d’un service judiciaire dirigé par un
procureur Général délégant ses fonctions administratives aux Procureurs de la République
exerçant dans les colonies, certes, mais qui doit lui rendre compte chaque année par un
rapport sur la justice indigène et un autre sur la justice française.
Paragraphe II : L’organisation administrative des colonies de l’A.O.F.
L’organisation du gouvernement de la colonie du Sénégal ainsi que celle de son
administration territoriale semble avoir servi de modèle à toutes les autres colonies du groupe.
En effet on retrouve en leur sein le même modèle de gouvernement (I) ainsi que la même
organisation territoriale (II).
I- L’’organisation centrale de la colonie
A la tête de chaque colonie du groupe est nommé, par décret, un gouverneur chargé de sa
direction à travers ses multiples structures. Il est placé sous l’autorité directe du Gouv.Géné.
auquel il rend compte, chaque année, de son administration à travers un rapport politique et
économique. Il assure l’exécution des décisions prises par celui-ci.
Il est assisté dans cette tâche par un conseil consultatif composé de fonctionnaires et
d’habitants notables nommés. Ce conseil prend le nom de conseil privé au Sénégal et de
Conseil d’administration dans les autres colonies du groupe avec cette précision qu’au
Sénégal, est noté l’existence de C.A de 1905 à 1920 pour les pays de protectorat. Mais à
partir de 1946 il prend le nom de Conseil privé pour toutes les colonies. Ce conseil arrête le
budget de la colonie pour approbation et examine les questions que le gouverneur leur
soumet.
Le gouverneur, dans l’exercice de ses fonctions, a sous son autorité un certain nombre de
services dont la nécessité de coordination des travaux semble avoir été déterminant dans
l’érection en 1898 d’un Secrétaire général au Sénégal avant d’être étendu aux autres colonies.
Celui-ci, sans pouvoirs propres, était tout de même habilité à remplacer le gouverneur en cas
de décès, d’absence ou d’empêchement. Et au Sénégal à partir de 1933, celui-ci prit de
l’importance à travers sa nouvelle responsabilité de l’administration générale des domaines,
des affaires indigènes et de l’administration communale, des affaires économiques, des
finances et du matériel.
Ainsi en dehors du pouvoir d’approbation du Gouverneur Général ou, plus tard, du
Conseil Général, le gouverneur jouit d’un important pouvoir qui n’épargne aucun aspect de la
vie publique de la colonie.
En matière administratif il nommait aux emplois autres que ceux réservés au Ministre et
au Gouverneur Général. Il fixait, dans le domaine de l’enseignement, les vacances scolaires
et autorisait l’ouverture d’écoles privées dans le ressort de sa colonie
En matière financière, il est habilité à fixer l’assiette, la quotité et les règles de perception
des cessions de main-d’œuvre ou de matériel qui ne constituent ni impôts, ni redevances. Il
arrête le budget en Conseil d’administration et le soumet à l’approbation du Gouv. Géné. En
Conseil de Gouvernement. Il approuve, par délégation du Gouv. géné., les projets de travaux,
les cahiers de charge et les adjudications concernant les travaux pris totalement ou
partiellement en charge par ce budget. Il examine en Conseil d’administration, les projets de
budget des communes dans le cadre du Sénégal

II- L’organisation territoriale de la colonie.

Au niveau du territoire le modèle était le même, « l’administration est organisée comme


une véritable pyramide ayant à la base les chefs de village et au sommet le gouverneur. Au
milieu se trouve les commandants de cercle et les chefs de subdivision. » Selon le doyen S.
MBAYE.

Ainsi chaque colonie est divisée en un certain nombre de cercle qui constitue « l’organe
essentiel de l’administration » selon le doyen R. DELAVIGNETTE. Ces unités de base
administratives font leur apparition dans la colonie du Sénégal y ont été affiné avant d’être
exporté dans les autres colonies de l’A.O.F.

Cette structure était placée sous la haute administration d’un commandant de cercle dont
le décret du 22 janvier 1862 reconnait un important lot de prérogatives administratives
exorbitantes de droit commun. Ainsi il était en même temps chef de toutes les administrations
existantes dans le cercle dont celles juridictionnelles.

A ce titre il était le représentant du gouverneur dans le cercle à qui il faisait parvenir


périodiquement des rapports à caractère politique, économique ou technique. Il est chargé de
faire exécuter les décisions et directives de celui-ci, de faire régner l’ordre et même de
remplir le rôle de maire, au Sénégal, dans les communes mixtes où il prend le titre
d’administrateur-maire.

Il était chargé du recensement de la population, de la collecte des impôts et du


recrutement militaire. Il déterminait les travaux à effectuer dans le cercle et présidait la
société indigène de prévoyance instrument essentiel dans l’agriculture.
Aux titres de ses fonctions juridictionnelles, il présidait la juridiction de cercle et veillait à
l’exécution de ses décisions, jouait le rôle d’officier d’Etat civil.

Pour accomplir sa mission convenablement, il se fait aider par un Conseil des notables

Chaque cercle est divisé en subdivisions, cellule administratives commandé par un


administrateur colonial appelé chef de subdivision. Il est dans sa subdivision le représentant
du commandant de cercle auquel il rend compte de son administration.

Chaque subdivision était divisée à son tour en un certain nombre de canton qui est la
cellule la plus sensible de la pyramide administrative parce que la plus proche des
populations. Il apparait au Waalo en 1863 lorsque ses cercles sont transformés en cantons. Et
comme le dit l’arrêté du 11 janvier 1935 le canton est « constitué par un groupement de
village et par les territoires qui en dépendent ».

Toutefois plusieurs cantons peuvent être regroupés pour former une province et être placé
sous la direction d’un chef de province comme ce fut le cas au Sénégal avec les provinces du
Saniokhor (4 cantons) du Guet (3 cantons) du Mboul Mbakol (2 cantons).

Le canton est dirigé par un indigène appelé chef de canton, choisi au sein des anciennes
familles de chef et à la fois mandataire ou agent de l’administration coloniale (sans grand
pouvoir de décision) et représentant des populations. C’est ce qui fait que jusqu’en 1947 il
était choisi par le gouverneur avant de faire l’objet d’une élection par un collège électoral
rural composé des chefs de village et de grands électeurs (militaires et notables).

Le chef de canton a des fonctions administratives, judiciaires, policières, sanitaires et


agricoles. Il était ainsi contrôleur de la rentrée des impôts collectés par les chefs de villages
par exemple, président du tribunal de canton auxiliaire de police judiciaire en matière
indigène, suivait l’état des malades et des cultures.

Le canton enfin était divisé en un certain nombre de village qui est l’unité administrative
de base indigène. Il comprend « l’ensemble de la population y habitant et tous les terrains qui
en dépendent ». Il est dirigé par un chef de village désigné par la majorité des chefs de famille
du village et dont le choix est soumis à l’approbation du commandant de cercle. Il est
rémunéré au moyen des remises sur le produit des impôts indigènes, sa principale mission
(2%). Il a la charge de la police générale, de la police rurale (cultures, plantations, récoltes),
de la voierie, de l’hygiène, de la justice (conciliation), de l’état civil».
PHASE II : DE 1945 A NOS JOURS

SEQUENCE 1 : LA MARCHE VERS L’INDEPENDANCE DES ETATS DE L’AFRIQUE


DE L’OUEST.

L’évolution de l’Afrique occidentale française, sous la pression des effets d’après-guerre,


sera conduite d’une manière beaucoup moins réfléchie et calculée que systématique,
spontanée et progressive. Des décisions spectaculaires interviendront, en effet, entre 1946 et
1960 pour créer des ruptures de pente dans cette progression inexorable vers l’indépendance.
La politique africaine de la France oscille, dans un premier temps, de l’Assimilation à
l’Autonomie des colonies dans le cadre de l’ « Union française » pour contenir cette vague de
révolte qui couvait sous les institutions coloniales incapables de la contenir (Chapitre I)).
Ensuite, dans un second temps, lorsque ces entités ont gouté aux délices de
l’autodétermination à travers la constitution de la Communauté Franco-Africaine (C.F.A) plus
rien ne pouvait plus leur barrer la route vers l’accession à l’indépendance pour instaurer le
nouvel Etat qui leur convenait et leur permettrait d’exercer la souveraineté dans toute sa
plénitude (Chapitre II).
Chapitre I : De l’Assimilation à l’Autonomie.
La France durant la guerre à fait encore appel à l’aide de ses colonies. Battue mais soutenue
par celles-ci et en plus de cette dette morale, elle sentit que l’évolution du monde ne pouvait
plus s’accommoder à la situation coloniale ancienne. C’est pourquoi, répondant à ce besoin
dans une optique de politique d’Assimilation des colonies à la métropole, la réforme
envisagée remplaçait l’ « Empire » par l’ « Union française » dans un premier temps (Section
I) avant de remplacer, à son tour et selon une politique d’Autonomie, l’ « Union française »
par la « Communauté Franco-Africaine » (Section II).
Section I : La naissance de l’Union Française.
A la question de savoir dans quel nouveau cadre la France allait appliquer les
recommandations de la conférence de Brazzaville, elle répondit par l’option d’une
assimilation politico-administrative de ses colonies à la métropole. C’est ce qui donna lieu, à
travers la constitution de la IVe République, à L’ « Union française ». Celle-ci, qui n’était ni
une fédération ni une confédération, regroupait trois catégories-types d’entités : la République
française qui restait un Etat unitaire composé de la métropole française et des départements
d’Algérie toutes les colonies désormais appelées soit Département d’Outre-Mer (D.O.M :
Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion) soit Territoires d’Outre-Mer (T.O.M : toutes les
autres colonies), les Etats associés (E.A : les cinq protectorats : Tunisie, Maroc et, Indochine,
Annam, devenu Viêt-Nam, Cambodge et Laos); les territoires associés (T.A : les deux
territoires sous tutelle que sont le Togo et le Cameroun).
Pour comprendre la complexité d’une telle construction, il faut nécessairement en rappeler les
circonstances d’apparition (Paragraphe I) avant de voir sa structure et son fonctionnement
(Paragraphe II).
Paragraphe I : Les circonstances de naissance de l’Union.
La structure de l’Union française telle que contenue dans la constitution de 1946 résulte de la
conjugaison des circonstances internationales liées à la seconde guerre mondiale (I) et de la
survenance d’évènements au niveau interne à l’Empire africain de la France dont les effets ont
été très déterminants (II).
I- Les circonstances externes de naissance de l’Union.
Parmi ces circonstances, on peut citer la fin de la G.M et les négociations entre puissances
vainqueurs sur le nouvel ordre mondial envisagé. Celles-ci ont été symbolisée s par la Charte
dite de l’Atlantique (A) mais également la Charte de San Francisco et surtout de
l’Organisation des Nations Unies qui en a résulté comme nouvel instrument de maintien de la
paix universelle (B).
A- La Charte de l’Atlantique.
Après que les Etats Unies aient abandonné leur politique de splendide isolement et que
l’Allemagne ait été jugé, après la 1ère G.M, indigne de conserver ses colonies, le Président
Wilson, dans sa politique idéaliste du droit des peuples à disposer d’eux même, avait proposé
l’administration de celles-ci par un organisme international, en attendant leur accession à
l’indépendance. Cette formule jugée impraticable fut corrigée, pour aboutir au principe du
mandat international. Les territoires ainsi définis (Togo, Cameroun, Tangayika) étaient
administrés par une puissance mandataire sous le contrôle de la Société des Nations (S.D.N).
C’est dans ce cadre qu’apparurent dans le giron de l’A.O.F les deux territoires sous tutelle
(Togo et Cameroun devenus T.A dans le cadre de l’Union française) dont l’administration fut
confiée à la France par les soins d’un mandat de la S.D.N
B- La Charte de San Francisco.
Cette idée d’autonomie des peuples anciennement colonisés, tels que les européens sous
l’Allemagne Nazie mais aussi des peuples africains sous domination européenne, esquissée
en 1941, fut clairement exprimé dans la Charte de San Francisco du 26 juin 1945 à l’origine
de l’Organisation des Nations Unies (O.N.U).
Cette Organisation, ainsi créée pour suppléer les tares de la défunt Société des Nations
(S.N.D) dans sa mission de maintien de la paix universelle, inscrit dans l’article I de sa
Charte, parmi ses objectifs, son idéal de « développer entre les nations des relations amicales,
fondées sur le respect du principe d’égalité des droits des peuples, et de leur droits à disposer
d’eux-mêmes ». Cette Charte que le gouvernement de la France a ratifiée entra donc en
vigueur le 24 octobre 1945.
II- Les circonstances internes de naissance de l’Union.
Au-delà des circonstances liées au réveil du nationalisme dans les pays africain et du
caractère de plus en plus intolérable du fait colonial, deux évènements ont directement
engendré la naissance de l’Union françaises. Il s’agit des nombreuses réformes issues de la
conférence de Brazzaville (A) et de l’assemblée nationale constituante qui s’en est suivie (B).
A- La conférence de Brazzaville.
Comme nous avons eu à le dire, par ailleurs, avant 1945 déjà la France s’est senti obligée de
s’interroger en toute souveraineté sur les changements à opérer dans les colonies
conformément au discours du Général De Gaulle qui soulignait qu’ « Il appartient à la nation
française et qu’il n’appartient qu’à elle de procéder le moment venu aux réformes impériales
de structures qu’elle décidera dans sa souveraineté. » .
Des réformes eurent lieu entre 1944 et 1946, toutes issues de la conférence de Brazzaville
ou des conséquences de ses recommandations, dont l’impact sur le devenir des sujets
Africains fut plus que déterminant. C’en est le cas de l’instauration d’un service d’inspection
du travail en Afrique noire dès aout 1944, de la fixation du droit du travail en 1945 et de
l’abolition du travail obligatoire un an après. Il s’agit aussi de la suppression du régime
vexatoire et controversé de l’indigénat et de la situation d’exception défavorable dans lequel
se trouvaient les sujets africains par le code pénal français.
B- L’assemblée nationale constituante
Aussitôt après la conférence de Brazzaville, la France se mit au travail pour mener
convenablement les réformes préconisées. La recommandation consistant à élire les
représentants africains à l’Assemblée constituante aboutit à l’Ordonnance du 22 août 1945
émise par le gouvernement provisoire français. Celle-ci dispose que l’Assemblée sera élue au
scrutin secret et à un seul degré par tous les français et françaises majeurs et sera convoquée
au plus tard dans un an après la libération.
Les électeurs des colonies africaines furent regroupés en deux collèges électoraux dont
l’un pour les citoyens et l’autre pour les sujets. Au Sénégal, le premier collège dans lequel
étaient comprises les quatre communes de plein exercice élit Lamine Guèye et le second
collège Léopold S. Senghor
D’autres « pères de l’indépendance » apparurent à la faveur de ces élections dans d’autres
colonies africaines dont Félix Houphouët Boigny pour la Côte-d’Ivoire et Sourou-Migan
Apithy pour le Dahomey par exemple.
Et c’est grâce à cette représentation, d’ailleurs, que F. H. Boigny fit voter la loi du 11 avril
1946 portant interdiction absolue du travail obligatoire. Lamine Guèye de son côté fait voter
la loi du 7 mai 1946 accordant la citoyenneté à tous les hommes et femmes de la République
française. Cette citoyenneté bien que versatile puisque que distinguant toujours les citoyens de
statut civil français et ceux de statut personnelle n’en accorde pas moins à tous les habitants
des T.A, les administrés français, la nationalité française et ceux des E.A la nationalité
particulière se superposant à la citoyenneté de l’Union française.
La constitution qui interviendra par la suite reconnaitra l’égalité des sexes, le droit
d’adhérer à un syndicat de son choix et le droit de grève, le droit et le devoir de travailler, le
droit à la sécurité social, le droit à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture.
Son projet adopté le 19 Avril 1946 par l’assemblée constituante, il fut rejeté par une forte
majorité lors du référendum du 5 mai 1946. Il fallut élire une nouvelle assemblée constituante
où l’Afrique renvoie pratiquement les mêmes représentants. La nouvelle constitution qui en
résultat fut approuvée par référendum le 13 octobre 1946 non sans annoncer une profonde
dissension au sein de la représentation nationale sur les rapports entre la métropole et ses
colonies et qui va resurgir à chaque moment que ces rapports sont réétudiés.
Mais est ce que ces réformes politiques se limitaient simplement à un changement de la
terminologie utilisée où s’agissait-il de réformes de fond ? C’est ce que nous allons avoir à
travers la nature de l’Union et son impact dans la vie des colonies.
Paragraphe II : la nature de l’Union et son impact dans la vie des colonies.
Les règles relatives à la structure se trouvent au titre VIII de la constitution entièrement
consacré à l’Union française. Celle-ci est composée de la République française, de deux
territoires associés et de cinq états associés. Mais du fait que les deux dernières groupes soit
n’appartiennent pas géographiquement à l’Afrique de l’Ouest ou que leur agréation au groupe
ne résulte pas de l’annexion par la France, nous allons limiter notre étude au premier groupe
qui regroupe la France et ses colonies proprement dites (I). Nous allons étudier également les
réformes institutionnelles au sein de ses territoires ainsi que les groupes qui les abritent (II).
I- Composition territoriale et organique de l’Union.
C’est l’article 63 de la constitution qui règle cette question. Il y est dit que les organes
centraux de l’Union sont la Présidence, le Haut-conseil et l’Assemblée. Seulement sous cette
apparente trilogie, il était en fait institué, au niveau central, deux organes exécutifs et deux
organes consultatifs que nous allons voir à travers l’Exécutif du l’Union (A) et du Parlement
de l’Union française (B).
A- L’Exécutif de l’Union français.
Il s’agissait de la Présidence de l’Union incarnée par le Président de la République et son
gouvernement suivie du Haut-conseil.
1) La présidence de l’Union
Le Président de l’Union française était de droit le Président de la République française
(successivement Vincent Auriol 1947-1954 et René Coty 1954-1958) qui présidait aussi le
Haut Conseil de l’Union. Il était élu par le Parlement français ; la population des T.O.M
n’avait donc que peu d’influence dans ce domaine ; le gouvernement restait une affaire
purement française.
Le Président recevait un rôle surtout honorifique, mais il exerçait « une magistrature
d’influence » qui tenait à l’autorité que pouvaient lui conférer, outre le prestige de sa fonction,
sa valeur personnelle et la grande division des courants politiques.
Le gouvernement décidait dans tous les domaines communs : défense, affaires
extérieures, monnaie, économie, communication. Les Etats et territoires associés n’avaient,
sauf convention contraire, aucune compétence internationale et leurs compétences internes
demeuraient limitées par le Gouvernement français.
Le Gouvernement apparaissait donc comme le véritable organe directeur de l’Union sous
le seul contrôle du Parlement français.
2) Le Haut-conseil
Il a été organisé par la loi du 24 avril 1949 et présidé par le Président de l’Union. Il est
composé d’une délégation du gouvernement français et de la représentation que chacun des
E.A. Les T.O.M et les T.A n’y envoient pas de représentant. Cet organe aux allures
fédératives chargé de promouvoir la coopération intergouvernementale avait un pouvoir
consultatif.
C’est une réunion d’hommes d’Etat qui a pour fonction d’assister le gouvernement dans la
conduite générale de l’Union. Il délibère sur la coordination de l’économie, la diplomatie, la
défense…bref, sur tout ce qui concerne l’Union.
Cependant il faut préciser que l’adhésion des E.A étant facultatif et que seul les Etats
d’Indochine (Cambodge, Laos, Viêt-Nam) aient adhéré à l’Union, ils continuèrent à entretenir
une armée et une diplomatie propre.
La délégation française comprenait le Président du conseil, le ministre de la défense
nationale, le ministre des affaires étrangère, le ministre de l’intérieur pour les D.O.M, le
ministre des E.A créé pour l’Indochine, le ministre de la France d’Outre-mer pour les T.O.M
et T.A, le ministre des finances et, éventuellement, d’autres ministres désignés par le conseil
des ministres.
Le Haut-conseil tient sa première réunion du 29 au 30 novembre 1951. Il s’est réuni, au
total, trois fois de sa création à sa disparition. En 1953 il se dote d’un secrétariat général
permanent de la Présidence et du Haut-conseil. Sa disparition en 1954 fait dire à Borella que «
Difficilement mis sur pied, disparu presqu’aussitôt que créé, il (le Haut-conseil) est une bonne
illustration de ce qu’a été cette Union ».
B- Le Parlement de l’Union française.
La Constitution avait posé le principe de la spécialité législative pour les T.O.M en vue
d’adapter les lois à leur situation particulière. Pour ce faire, il fut créé une Assemblée de
l’Union française
L’Assemblée de l’Union Française comptait 240 membres composés pour moitié de
représentants des Conseils généraux territoriaux et pour moitié de représentants du Parlement
français. Le Sénégal avait droit à trois représentants. La fonction de ce collège était, elle
aussi, purement consultative auprès du Parlement français, du Gouvernement français et du
Haut Conseil de l’Union française. Elle servait souvent de « voie de garage pour politiciens
remerciés ». Ses conseils, parfois étayés par des études bien documentées, n’étaient écoutés
que d’une oreille distraite par l’Assemblée nationale qui « ignorait le plus souvent ses
délibérations et ses rapports. »
La législation destinée aux T.O.M relevait uniquement du Parlement français. L’article
72 de la constitution réservait à celui-ci, en effet, la compétence législative en matière
criminelle, d’organisation des libertés publiques et d’organisation politico-administrative
pour les T.O.M. Ce qui mettait un terme aux décrets présidentiels qui avaient dominé la
législation des colonies africaines depuis 1854.
Dorénavant, tous les T.O.M pourraient élire des délégués au Parlement français qui se
composait de l’Assemblée nationale et du Conseil de la République. Mais le suffrage n’était
pas universel du fait que dans les colonies, les électeurs pour les citoyens de statut personnel
n’étaient constitués en fait que par les notables, les intellectuels, les anciens combattants. En
outre, bien que tous les ressortissants des T.O.M aient eu « la qualité de citoyen au même
titre que les nationaux français dans la métropole », leur inscription sur les listes électorales
n’était ni égalitaire ni proportionnel mais fixée de manière arbitraire pour que, selon le mot
de E. Herriot « La France ne devienne pas la colonie de ses colonies ».
Ainsi, proportionnellement à la taille de leurs populations, les D.O.M et les T.O.M
devaient normalement envoyer plus de 60% des députés au Parlement français. Mais la loi du
5 octobre 1956 fixait à 38 le nombre des députés d’Outre-mer, soit un député pour 800000
hbts, contre un député pour 80000 hbts pour la métropole. Ce qui a amené J. Soustelle à
écrire « Nous arrivons à l’étonnante situation présente où le Parlement de Paris comporte un
certain nombre de députés africains, ce qui est en soit excellent, mais qui, trop nombreux, s’il
s’agit de voter des lois n’intéressant que la métropole, ne le sont pas assez pour représenter
valablement les populations africaines, lorsqu’on discute des textes concernant celles-ci. »
Cependant dès la loi du 27 octobre 1946, le Sénégal était autorisé à envoyer trois
sénateurs au Conseil de la République. Une loi du 5 octobre 1946 prévoyait que le Sénégal
pouvait élire deux délégués à l’Assemblée nationale. Cette dernière disposition allait s’avérer
particulièrement importante pour l’avenir de l’Afrique française, car elle donnait la
possibilité aux parlementaires africains de se familiariser avec la vie politique française qui
leur a valu d’insuffler de grandes réformes au niveau des colonies.
II- Réformes institutionnelles au sein des territoires et groupes de territoire.
La Constitution de l’Union française, au-delà des reformes centrales, avait insufflé, par
ses articles 76 et 77 ainsi qu’un bon nombre de lois et décrets, des réformes qui avaient pour
cibles les groupes de territoires (A) et des territoires eux-mêmes (B).
A- Les réformes au sein des groupes de territoire.
Les groupes de territoires sont maintenu comme tels mais il est instauré à Dakar, auprès du
Gouverneur Général, un conseil pour l’A.O.F (un conseil à Brazzaville pour l’AEF) appelé
Grand Conseil dont les membres, à raison de cinq par territoire, étaient également élus par
deux collèges électoraux (un seul au Sénégal). Il délibère sur le budget général.
Le Gouverneur général est assisté d’un conseil de gouvernement, organe consultatif,
réorganisé par un décret du 22 décembre 1946. Le conseil de gouvernement donne son avis au
gouverneur général sur toutes les questions que celui-ci juge utile de lui soumettre. Il assiste
le gouverneur général dans tous les cas où les lois, décrets et règlements en vigueur exigent
qu’une décision soit prise par ce dernier en conseil même si ce rôle s’est amoindri dans le
temps.
Le gouverneur général, toujours nommé et responsable que devant le gouvernement
français, change tout de même de dénomination. Il devient haut-commissaire administrateur
de la fédération. Mais il a toujours la haute main sur l’autorité et sur l’administration du
groupe. Il est assisté dans cette tâche par un secrétaire général. Auprès de celui-ci est créé le
13 octobre 1948 le service d’étude du secrétariat chargé de veiller à la légalité et à la
régularité des actes administratifs du gouvernement général. Il est créé en outre en son sein un
service de liaison avec le Grand Conseil. Le service d’étude, quant à lui, deviendra par la suite
la direction des services de la législation générale, de contentieux et de liaison.
B- Les réformes au sein des territoires et ses conséquences politiques.
Il n’y a pas de changement majeur au niveau de l’exécutif des colonies. Le Gouverneur
reste le représentant du gouverneur général. Il est aidé dans tous les territoires, depuis le
décret du 22 décembre 1946, par un conseil privé qui lui donne des avis.
Cependant sur le plan local, en vertu de la constitution de 1946, un décret du 25 octobre
1946 donne naissance, dans chaque T.O.M, à une assemblée élu appelée dans les territoires de
l’AOF « conseil général » (et « conseil représentatif » dans les territoires de l’AEF) et à partir
de 1952 Assemblée territoriale.
Leurs pouvoirs étaient, certes, consultatifs, mais elles étaient compétentes pour régler tout ce
qui concernait le domaine (travaux publics, urbanisme etc.), les finances (vote du budget),
l’organisation de certains services. Elles pouvaient émettre des avis et des vœux sur certaines
questions intéressant le territoire.
Néanmoins, le jugement unanimement porté sur cette nouvelle Union fut rapidement
presque négatif. On considérait les dispositions concernant les T.O.M comme déjà dépassées ;
on critiquait le manque de clarté des garanties et le caractère insuffisamment égalitaire de la
structure de l’Union. Gonidec parle même d’une « faillite totale ». En effet, la nouvelle
structure était si complexe et si confuse qu’elle ne pouvait pas contribuer réellement à
résoudre les problèmes constitutionnels des T.O.M.
Les délégués africains au Parlement français comprirent rapidement que, malgré tous les
espoirs suscités, ils ne devaient pas attendre de grands changements de l’Union. En outre leurs
collègues français n’éprouvaient pratiquement aucun intérêt pour les affaires africaines. Cette
déception provoqua de nombreuses réactions du côté africain.
Section II : Le tournant de la Loi-cadre comme étape ultime vers l’autonomie interne
des colonies.
En 1956, malgré la franche collaboration existante entre la France et quelques franges de
l’Elite africaine comme notamment le RDA dont le précurseur Houphouët Boigny était
membre du gouvernement, les revendications des couches africaines n’en démordaient pas
pour autant. Dopées par la survenance de quelques circonstances externes, certes, à L’A.O.F
mais très déterminantes, elles poussent la France à troquer sa politique d’Assimilation contre
une politique de décentralisation qui se matérialise par une la Loi-cadre dont l’adoption à fait
montre d’une grande divergence entre conceptions au sein de l’élite africaine (Paragraphe I).
Les innovations qu’elle contient marquent le premier véritable jalon vers l’autonomie interne,
certes, mais non sans consacrer la victoire de la conception « territorialiste » (Paragraphe II).
III- Le contenu de la Loi-cadre entre déconcentration et décentralisation.
La Loi-cadre, au-delà de ses réformes juridiques notamment avec l’institution du suffrage
universel et le collège unique pour les électeurs au Parlement et aux assemblées territoriaux, a
apporté un certain nombre d’autres dans le fonctionnement des institutions que dans la
réorganisation des groupes de territoires et des territoires. Celles-ci peuvent être analysées en
la déconcentration des pouvoirs d’Etats au sein des groupes et des territoires (A) et surtout de
la décentralisation au sein de ces dernières leur accordant beaucoup plus d’autonomie (B)
A- La déconcentration au sein des territoires et groupes de territoires. ou partage de
compétences.
La déconcentration administrative est une technique de l’organisation administrative d’un
Etat unitaire qui consiste à déléguer l’exercice du pouvoir centrale vers des autorités de
circonscriptions administratives pour en atténuer la concentration. Ainsi dans le cadre de
l’Union française, on note, avec la Loi-cadre à travers son décret d’application n° 57-817 du
22 juillet 1957, une large déconcentration administrative matérialisée par le transfert de
certaines compétences du ministère de la France d’Outre-mer aux hauts commissaires et aux
chefs de terroirs.
Au sein de chaque territoire il est noté une certaine redistribution des pouvoirs entre le
gouverneur et les autres organes décentralisés mais également une certaine définition et
organisation des circonscriptions administratives.
Le gouverneur reste, certes, le chef du territoire dépositaire en son sein des pouvoirs de
la République et préside le conseil de gouvernement mais il est de plus en plus perçu comme
simple représentant de l’Etat français par délégation du haut-commissaire plutôt qu’un
véritable chef de l’exécutif de la colonie. Car ses pouvoirs sont sérieusement limités par le
conseil du gouvernement et l’Assemblée territoriale.
La Loi-cadre introduit au sein du territoire une différence entre les services dit d’Etat
relevant de la déconcentration et émargeant au budget d’Etat et les services territoriaux
décentralisés relevant du budget du territoire. Concernant les premiers ils sont organisés par
le décret n°56-1227 du 3 décembre 195 modifié par celui n°57-479 qui les conçoit comme
des services chargés des intérêts généraux de la République dans les T.O.M.
La Loi-cadre procède également à la réorganisation des circonscriptions administratives
et les collectivités rurales en associant d’avantage les Africains à la gestion de leurs propres
affaires. Cette faculté accordée débouche dans une décentralisation qui leur accorde beaucoup
plus d’autonomie.
B- La décentralisation accordant aux territoires beaucoup plus d’autonomie.
Au sein de chaque territoire, il est noté, en plus d’une déconcentration, une décentralisation
leur accordant beaucoup plus d’autonomie à travers l’institution d’un conseil de
gouvernement (la grande innovation de la Loicadre) et le renforcement des pouvoirs des
anciens conseils généraux territoriaux devenus de véritables assemblées territoriales.
Le conseil de gouvernement est organisé en A.O.F par le décret n°57-457 du 4 avril 1957
qui en fixe les conditions de formation et de fonctionnement. Le conseil, qui est présidé par le
chef du territoire, joue un véritable rôle de conseil des ministres. Il est formé par des
membres choisis au sein de l’Assemblée territorial : six au moins et douze au plus. Au
Sénégal, le gouvernement comptait douze membres dont le président et le vice-président. Le
chef de la majorité à l’Assemblée territoriale était nommé vice-président. C’est ainsi qu’au
Sénégal Mamadou Dia, co-leader, avec Senghor du Bloc Populaire Sénégalais (B.P.S),
vainqueur aux élections est nommé vice-président. Il propose à l’assemblée une liste de dix
ministres qui est approuvée à sa séance du 18 mai 1957. Le 20 mai 1957 est constitué le
premier conseil de gouvernement du Sénégal.
Les ministres sont responsables devant le conseil de gouvernement du fonctionnement de
leur département. La Loi-cadre ainsi que ses décrets d’application semblent ne pas avoir
voulu rendre responsable le Conseil devant l’Assemblée. Mais la faculté laissée au Conseil de
démissionner « s’il estime ne plus avoir la confiance de l’assemblée qui l’a élu » peut être
considérée comme une véritable responsabilité de fait.
Le Conseil est responsable de l’administration de l’ensemble des services du territoire. Il
délibère sur les questions que le chef de territoire lui soumet. Le chef du territoire prend, en
conseil, des actes règlementaires relatifs à la gestion des affaires du territoire. En cas de
conflit prolongé avec le Conseil, il peut proposer sa dissolution au Ministre de la France
d’outre-mer.

SEQUENCE 2: DE L’AUTONOMIE A L’INDEPENDANCE.

Les circonstances liées à l’indépendance du Maroc, de la Tunisie et de la Gold Coast en


1957 ont dû poussé la France à beaucoup plus de réflexion par rapport aux réformes à adopter
d’autant plus que les revendications des partis politiques, syndicats et mouvements de
jeunesse dans les T.O.M s’intensifiaient. Mais les événements se précipitèrent entre 1958 et
1959 d’un rythme effréné dont l’aboutissement n’a été que l’indépendance. Le 13 mai 1958,
en effet, suite au putsch militaire d’Alger, le gouvernement de la IVe République fait appel au
Général de Gaulle. Celui-ci, investi chef de gouvernement le 1er Juin 1958 par l’Assemblée
Nationale, proposa une nouvelle constitution qui inaugure la Communauté Franco-africaine
(Section I). Mais sa mise en œuvre plutôt que de perpétuer la domination de la France comme
on pouvait s’y attendre mena, d’une manière surprenante, les T.O.M à l’indépendance
(Section II)
Section I : La constitution de la communauté franco-africaine.
Suite aux événements d’Alger du 13 mi 1958, le Général de Gaulle fait à Paris le 15 mai
une déclaration où il se dit « prêt à assumer les pouvoirs de la République ». Sa vision c’était
une nouvelle constitution avec une procédure particulière devant en assurer la légitimité
(Paragraphe I), mais aussi une structure assez particulière devant regrouper la France et ses
Territoires associés (Paragraphe II)
Paragraphe I : La naissance de la Communauté
Après être investi par l’Assemblée national le Général de Gaulle au gré d’une loi
constitutionnelle du 3 juin 1958 décide de confier la rédaction de la nouvelle constitution un
collège (I) puis l’approbation du projet issu de ces travaux par voie référendaire (II)
I- La rédaction de l’avant-projet de la constitution.
La rédaction de la Constitution de la Communauté fut confié à un collège dénommé
Comité Consultatif Constitutionnel (A). Composé en majorité d’africains, des divergences
autour de la Communauté ne tardèrent pas à apparaître comme on pouvait s’y attendre (B).
A- La composition du Comité Consultatif Constitutionnel (C.C.C).
Pour appliquer les dispositions de la Loi constitutionnelle du 3 juin dont l’un des points
disposait que « la constitution doit permettre d’organiser les rapports de la République avec
les peuples qui lui sont associées », le Général de Gaulle associe ceux de l’Afrique Française,
à travers leurs représentants, aussi bien dans la constitution du C.C.C que dans celui chargé de
la rédaction du projet. Ainsi dans ce comité composé de 39 membres siégeaient, en effet, deux
Sénégalais (L. S. Senghor et L. Guèye), un Tchadien (Gabriel Lisette) et un malgache
(Philibert Tsiranana). Tandis que la rédaction du projet fut confiée à quatre ministres d’Etat
dont l’ivoirien F. H Boigny.
Bien que l’intervention des africains ne fut importante que sur le seul titre XII de la
Constitution intitulé « De la Communauté » et le Préambule permettant de proposer aux
T.O.M de mettre en place de nouvelles institutions « visant à une évolution démocratique »,
elle ne manqua pas de faire montre des profondes dissensions qui minaient jusque-là la voix
peuples africaines impossible de trouver un compromis face aux questions cruciales qui
interpellais le continent.
B- La résurgence de divergences africaines à propos de la Communauté.
Le temps que les esprits se soient lassés, peut-être, de la polémique entre partisans
fédéralistes et territorialistes, fait place une nouvelle opposition même si avec les mêmes
figures de proue mais articulée, cette fois ci, entre partisans fédéralistes et confédéralistes. Ces
deux thèses s’opposent, en effet, au Comité consultatif.
D’un côté les partisans de F. Houphouët Boigny et Gabriel Lisette qui prônaient une
fédération d’Etat autonomes ave la France. De l’autre côté les tenants de la thèse de la
confédération tels Senghor et Lamine Guèye, favorables au maintien des groupes de territoires
qui formeraient une confédération avec la France.
Pour harmoniser leurs positions et mieux faire accepter leurs points de vue, les partis
politiques de l’Afrique de l’Ouest francophone, à l’exception du R.D.A, se retrouvèrent du 25
au 27 Juillet à Cotonou. Le Parti de Regroupement Africain (P.R.A) qui venait de tenir son
congrès interfédéral ne donne pas une position claire ; Senghor y donne le rapport sur la
doctrine et le programme de son parti. Le Congrès se détermine pour l’indépendance
immédiate et propose « la négociation avec la France d’une confédération multinationale de
peuples libres et égaux ».
C’est alors qu’informé, le général de Gaulle se rend le 8 août devant le C.C.C pour
préciser le point de vue du gouvernement français. Pour la France, tout territoire qui rejette la
Constitution sera en état de sécession et cessera de bénéficier de son aide. En revanche, elle
constituera un « ensemble commun » avec les territoires qui l’acceptent.
Une semaine plus tard, l’avis du C.C.C est porté à la connaissance du gouvernement
français. Celui-là dans l’impossibilité d’accorder les vues des partisans de la fédération et
ceux de la confédération opte finalement pour un terme prêté à Philibert Tsiranana : La
Communauté.
C’est sur ces entrefaites que le général de Gaulle décide de se rendre en Afrique pour
expliquer aux populations l’opportunité d’accepter la Communauté à travers le référendum
qui leur sera soumis.
II- Le référendum d’adoption de la constitution.
Le général de Gaulle entreprit de faire un voyage en Afrique pour requérir et travailler une
opinion favorable à son projet. Celui-ci le conduisit au Tchad (Fort Lamy, 20-21 août), à
Madagascar (Tananarive, 21-23 août), en Côte d’Ivoire (Abidjan, 24-25 août), en Guinée
(Conakry, 25-26 août) et enfin au Sénégal (Dakar, 26-27 août). Si au cours de ce périple les
partisans du « Non » se sont distingués par leur position tranchée (B) on ne peut pas en dire
autant des partisans du « Oui » dont la position n’en est pas moins mitigée (A).
A- La position mitigée des partisans du « Oui ».
Le référendum provoqua une grande effervescence en Afrique. Les deux partis principaux
se refusèrent de donner un point de vue bien défini. Au congrès de Cotonou, bien que le
P.R.A se prononce contre la constitution, elle n’en laissa pas moins les sections nationales le
soin de choisir librement.
C’est le cas de la Côte d’Ivoire où le général de Gaulle fut reçu d’une manière grandiose et
enthousiaste et pourtant le R.D.A ne donna pas non plus de consigne de vote au Congrès de
Ouagadougou.
Au Sénégal, malgré le soutien affiché de l’U.P.S aux idées du général de Gaulle suite à
l’éclatement de la section sénégalaise du P.R.A, le général de Gaulle ne fut accueilli que par
le ministre de l’intérieur Valdiodio Ndiaye à la place de Senghor et Mamadou Dia l’un
comme l’autre prétextant des affaires urgentes pour rater ce rendez-vous historique.
B- La position tranchée des partisans du « Non ».
Lorsque s’est posé le débat sur la priorité entre l’indépendance ou la Communauté, même
théorique, cela a eu pour conséquence l’apparition de nouvelles formations politiques qui
poussaient à l’indépendance. Déjà le Parti Africain de l’indépendance (P.A.I), petite
formation d’obédience communiste, se prononça contre la Constitution à Ouagadougou et
exigea l’indépendance immédiate et totale.
Le Mouvement de Libération Nationale (M.L.N) créé durant l’été 1958 sur une base
interafricaine du Sénégal au Cameroun en passant par la Haute Volta et le Dahomey, et dont
l’un des leaders était Amadou Dicko, lança le mot d’ordre d’indépendance nationale.
Le P.R.A qui succéda à la Convention Africaine, même s’il dû laisser la liberté à ses
sections territoriales de se déterminer lors du référendum, n’en opta pas moins lors du congrès
de Cotonou « pour le mot d’ordre d’indépendance immédiat » comme en atteste le refus du
rapport moral de Senghor et la déclaration de Lamine Guèye « je suis pour l’indépendance
sans condition ».
D’ailleurs la désagrégation de la section Sénégalaise et le soutien massif de l’U.P.S aux
idées de de Gaule n’ont pas pu décourager le P.R.A-Sénégal de se constituer avec le mot
d’ordre du « Non » au référendum. Ce sont les fameux « porteurs de pancartes » qui ont
sérieusement perturbé l’arrivée de de Gaulle. Et pourtant le gouvernement avait, par une
déclaration publiée avant l’arrivée du général, appelé la population à « réserver au chef du
gouvernement de la République française et à sa suite un accueil empreint de dignité ». Mais
rien à y faire, leur agitation n’eut rien de tel que le discours du Général s’adressant
directement à eux en ces termes : « Je veux dire un mot d’abord aux porteurs de pancartes.
Voici ce mot : s’il veule l’indépendance, qu’ils la prennent le 28 septembre. La France ne s’y
oppose pas. »
Paragraphe II : les caractères de la Communauté.
Dans son discours devant le Conseil d’Etat pour présenter le projet de Constitution, M.
Debré soutiendra que la Communauté n’est ni une fédération, ni une confédération d’Etats. En
effet ; elle semble être une institution hybride à mi-chemin entre l’Etat fédéral et la
confédération d’Etats. Ce que nous allons voir à travers les organes de la Communauté (I).
Cependant, au sein de la Communauté, il n’y avait pas de partage de compétence entre
l’Etat fédéral et les Etats fédérés. L’Etat français gérait les affaires communes qui étaient les
plus importantes : il s’agissait de la politique étrangère, de la défense, de la monnaie, de la
politique économique et financière commune, de la politique des matières premières
stratégiques, de la justice, de l’enseignement supérieur, des transports extérieures et
communs, des télécommunications. Ce qui a justifié l’introduction de quelques réformes à
travers la communauté rénovée (II)
I- Les organes de la Communauté.
La Communauté était un modèle qui se rapprochait d’une fédération dont la France aurait
constitué le centre et dans laquelle chacun des membres de l’Etat fédéral avait la possibilité de
s’organiser et de se gérer librement mais sous la surveillance des organes centraux de la
Communauté (A). Cependant, elle s’en éloignait par le choix laissé aux Etats membres de
demeurer dans la Communauté ou de prendre leur indépendance suite à une résolution de
l’assemblée législative locale et à un référendum d’auto détermination (B).
A- Les organes centraux de la Communauté
Si le terme de fédéralisme sui generis convenait peu à la Communauté c’est parce que la
France continuait, à travers des organes centraux, de gérer les T.O.M par le prisme des «
affaires communautaires » comme en témoigne l’article 78 de la constitution.
Ainsi, concernant la Présidence de la Communauté, le poste était ipso facto occupé par le
Président de la République française. Or si son élection faisait intervenir les Etats membres de
la Communauté, il n’en demeurait pas moins qu’il était élu au deuxième degré, par un collège
électoral qui comprenait 600 grands électeurs d’outre-mer sur un total de 82 000 tandis qu’il
légifère et décide librement pour les membres de la Communauté.
B- L’Organisation dans les Etats membres.
Les groupes A.O.F et A.E.F étaient maintenus et à la tête de chaque groupe se trouvait un
Haut-commissaire général, haut représentant de la France auprès du groupe. Depuis le 15
juillet 1958, Pierre Messmer en remplacement à Gaston Cusin est nommé à la tête de l’A.O.F.
Le Grand Conseil, une assemblée délibérative avec des pouvoirs diminués et un budget en
baisse, poursuit ses travaux mais il n’y a pas d’exécutif fédéral.
En vertu de l’article 76 de la Constitution, les territoires d’Outre-mer pouvait choisir entre
trois types de relation avec la métropole. Ils pouvaient conserver le statut de T.O.M, opter
pour le statut de D.O.M ou devenir Etat membre de la Communauté. Douze territoires
africains choisir la troisième option et devinrent des Républiques formant ainsi avec la France
la Communauté. C’est dans ce cadre que la République du Sénégal se dote de sa première
constitution adoptée le 24 janvier 1959 suite à un vote à l’assemblée constituante par 49 voix
sur 2. Tous les autres pays, sans exception, utilisèrent ce nouveau droit et en l’espace d’un an,
apparurent onze nouvelles constitutions. En 1959, presque toutes les colonies africaines de la
France obtinrent l’autonomie interne dans le cadre de la Communauté.
Section II : L’accession à l’indépendance dans la « balkanisation ».
L’accession à l’indépendance politique était une brèche ouverte par l’article 86 de la
Constitution mais qu’aucun Etat, en dehors de la Guinée, n’a oser aborder que par le
truchement d’une négociation au sein de la communauté pour en éviter les conséquences
politiques qui pouvaient être désastreuses. C’est pourquoi nous allons voir ce principe de
L’accession à l’indépendance dans le cadre de la Communauté (Paragraphe I) et l’exception
de l’accession à l’indépendance en dehors de la Communauté (Paragraphe II).
Paragraphe I : L’accession à l’indépendance dans la communauté.
Suite à l’Assouplissement de l’article 86 par l’alinéa 3 de l’article 78 de la constitution, les
sénégalais et les soudanais exploitent la brèche ouverte pour accéder à l’indépendance dans le
cadre de la fédération du Mali (I). Ils ouvrent ainsi la voie à la souveraineté internationale des
autres Etats membre qui se sont aussi regroupés dans une autre organisation appelé Conseil de
l’Entente (II).
I- L’indépendance des Etats regroupé au sein de la Fédération du Mali.
Les Etats membres de la fédération du Mali vont accéder à l’indépendance dans une
période relativement courte (A). Cependant, pour diverses raisons, celle- ci sera très
éphémère et reviendra à l’indépendance des composants vis-à-vis de la fédération (B).
A- L’indépendance de la fédération du Mali vis-à-vis de la communauté
La brèche vers l’indépendance ouverte par la Constitution française de 1958, sera
empruntée par le Sénégal et le Soudan qui, à la suite de multiples péripéties mettront en place
une fédération. Le Sénégal aura sa propre Constitution à l’intérieur de la Fédération. Les
institutions mises en place par cette Constitution devant se superposer aux organes de la
Fédération.
L. S. Senghor, Mamadou Dia et Modibo Keita rencontrent le général de Gaulle le 26
novembre 1959 à Paris et lui exprimèrent leur souhait de voir le Mali accéder à
l’indépendance. La demande est officiellement formulée dans une lettre adressée au général le
02 novembre. Celui-ci accepte la demande lors de la sixième session du Conseil exécutif à
Saint-Louis, les 11 et 12 décembres.
Le général de Gaulle reçu à Dakar devant l’Assemblée fédéral du Mali le 13 décembre
1959, son président L.S.Senghor, non sans souci de ne pas contrarier son hôte, expose la
position de la Fédération en ces termes : « Comme vous, nous refusons de tomber dans la
méconnaissance de certaines réalités actuelles. Nous sommes particulièrement attentifs à cette
sorte de disposition psychologique élémentaire de notre peuple qui veut accéder à son
indépendance national. »
B-L’indépendance des Etats membres vis-à-vis de la fédération.
La fédération du Mali n’est pas destinée à un long bonheur. Sa création était déjà handicapée
par la défection tragique de quelques Etats dont pourtant le consentement était acquis
d’avance.
Initialement, la Fédération devait regrouper au sein de la Communauté Franco-Africaine
quatre Etats que sont le Sénégal, le Soudan, le Dahomey et la Haute-Volta. D’ailleurs, ils se
réunirent à Dakar en janvier 1959 pour mettre sur pied la Fédération suite à la réunion de
Bamako de décembre 1958. La Constitution adoptée par l’Assemblée constituante à cette
occasion sera ratifiée par le Soudan le 21 janvier 1959, le Sénégal le 22 janvier et la Haute-
Volta le 28 janvier. Cette dernière n’intégrera jamais la Fédération suite aux pressions
exercées par le Côte d’Ivoire.
L’aventure de la fédération due se poursuivre avec le Sénégal et le Soudan pour se
terminer deux mois après. Dans la nuit des 19 et 20 août 1960, en effet, les divergences entre
le Sénégal et le Soudan furent telles qu’elles aboutirent à l’éclatement de la Fédération. Les
raisons sont multiples mais, trois semblent être essentielles.
II- L’indépendance des Etats regroupés au sein du Conseil de l’Entente.
A- L’accession individuelle des Chaque membres à l’indépendance.
La Haute-Volta et le Dahomey après s’être ravisé de leur adhésion à la Fédération du
Mali, formèrent avec le Niger et la Cote d’Ivoire une union « à caractère souple » : le Conseil
de l’Entente. A la suite de l’échec de la fédération du Mali, F.H.Boigny semble avoir compris
le risque qu’il y’a à laisser chaque nouvel Etat seul devant les difficultés à bâtir un Etat
moderne. Plutôt que l'unité de l'Afrique, le Conseil semble mettre l’accent sur le respect de la
personnalité propre à chaque Etat. Après une première réunion à Paris, le 6 mai 1959, des
premiers ministres de la Côte d'Ivoire, Niger et Haute-Volta, à laquelle assistait un
observateur du Dahomey, la conférence d'Abidjan crée, le 29 mai 1959, l'Union Sahel-Bénin
entre ces quatre Etats.
L'organe principal de cette Union est un Conseil de l'Entente composé du président de
chaque Etat (depuis l'indépendance, avant août 1960, des chefs de gouvernement), des
présidents et vice-présidents des assemblées législatives et des ministres intéressés. Mais cette
organisation n'a rien de rigide : le Conseil se réunit plusieurs fois par an, mais seulement si
cela est nécessaire, il peut se réunir en comité restreint (les 4 chefs d'Etat) pour les questions
de haute politique, ou en comité élargi, ou en comité particulier pour des questions
particulières. Le principe de son fonctionnement est l'unanimité. La présidence du Conseil de
l'Entente est attribuée à tour de rôle à chaque chef d'Etat pour un an. Le second organisme du
Conseil de l'Entente est un fonds de solidarité dont la dotation est constituée par un
prélèvement de 10 % sur l'ensemble des ressources propres à chaque Etat. Ces ressources sont
pour les 2/10 constituées en fonds de réserves, pour 1/10 consacrées aux frais de
fonctionnement du Conseil de l'Entente et pour les 7/10 restant affectées à l'équilibre
économique et financier des Etats membres, avec une répartition sur les bases suivantes : 1/16
à la Côte d'Ivoire, et 5/16 pour chacun des trois autres Etats. On sait que la Côte d'Ivoire est
l'Etat le plus riche du groupe, elle participe donc largement au financement de l'équipement de
ses partenaires du Conseil de l'Entente.

SEQUENCE 3 : LA RESTAURATION DES INSTITUTIONS


JURIDIQUES ET POLITIQUES HERITEES DE LA COLONISATION

Après l’accession à l’indépendance totale vers les années 1960, les Etats de l’Afrique
occidentale francophones se dotèrent tous, à l’unanimité, de nouvelles constitutions. Mais si
l’on compare les contenus de ces documents, malgré leur «différence de couleur», on
remarque une similitude troublante entre elles et la constitution française de 1958. On serait
tenté de croire que dans ces différents pays, il s’est produit lors de la construction de l’Etat
une vaste entreprise de réception des institutions héritées de la métropole (Section I). Mais la
pratique qui s’en est suivie, le temps d’une désillusion, s’est caractérisée par un détournement
des beaux principes proclamés dans ces institutions au nom du droit au développement et de
l’unité nationale pour instaurer des régimes d’autorités dictatoriaux et totalitaires. C’est ce que
nous allons voir à travers La dérive institutionnelle vers des régimes autocratiques (Section
II).
Section I : La réception des institutions héritées de l’Europe
Bien que la politique d’assimilation culturelle longtemps en usage dans les pays de
l’Afrique occidentale française ait eu pour conséquence une réelle fascination des autochtones
pour la civilisation européenne, elle ne saurait à elle seule justifier le processus presque
automatique de réception des institutions de celle-ci. Des circonstances assez particulières,
s’assimilant à des contraintes objectives, sont intervenus d’une manière décisive pour que les
Etats d’Afriques de l’Ouest n’aient pas trop eu le choix dans la reprise de ces institutions.
C’est ce que nous allons voir à travers les facteurs de la réception (Paragraphe I) avant de voir
la réception en tant que telle dans sa mise en œuvre (Paragraphe II).
Paragraphe I: les facteurs de réception des institutions de l’Europe
Paragraphe II: La mise en œuvre de la réception
Les Etats de l’Afrique de l’Ouest ont reçu globalement diverses institutions de la
métropole française. Mais pour des raisons pratiques nous allons voir dans un premier temps
la réception des institutions juridiques (I) et dans un second temps la réception des institutions
politiques (II)
I- La réception des institutions juridiques
Pour mieux comprendre la quintessence de la réception des institutions juridique ainsi
que la suite qui leur a été réservée, il est bon d’en rappeler la procédure (A) avant d’analyser
son contenu (B).
A- La procédure de réception
Lorsque furent créés les Etats modernes issus de la décolonisation française, les
constitutions écrites (rigides) se sont substituées aux coutumes constitutionnelles orales.
Presque toutes celles adoptées après la Deuxième Guerre mondiale dans les nouveaux Etats
décolonisés furent élaborées suivant le même schéma en théorie : le peuple, à qui revient en
principe le droit de légiférer en matière constitutionnelle, choisi par voie d’élections libres et
sans contrainte, une assemblée constituante qui rédige un projet de constitution qui est ensuite
soumis à un vote de la Chambre des députés ou à un référendum.
L’affirmation de la souveraineté nationale aurait dû conduire les nouveaux Etats d’Afrique
noire à l’élection d’Assemblée constituantes qui auraient élaboré un texte, qui aurait pu
éventuellement être soumis au référendum populaire. En fait, les Assemblées administratives
de territoires qui avaient été élues en 1957 au suffrage universel, se proclamèrent souvent
constituantes (le cas de l’Assemblée territoriale du Sénégal par délibération du 25 novembre
1958).
Cependant, parfois l’Assemblée territoriale fut dissoute et une Assemblée, déclarée
constituante et législative fut élue (le cas du Niger le 14 décembre 1958). A Madagascar, ce
furent les assemblée de province et non le peuple qui élirent une Assemblée constituante et
législative en application de la loi constitutionnelle n°1.
Par ailleurs, les gouvernements en place exercèrent une importante influence sur la procédure.
Certains se firent reconnaitre le droit d’initiative, c’est-à-dire celui d’établir un projet de
constitution. Ils confièrent le travail technique à un organisme consultatif qui rassemblait des
juristes et des hommes politique tout en se réservant le droit d’en fixer définitivement le
contenu du texte.
Dans divers pays où il existait déjà un parti dominant ou même unique, le chef du
gouvernement pesait, en sa qualité de chef de ce parti, de toute son influence et d’une manière
décisive comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire avec Houphouët Boigny. Mais le plus souvent,
le texte fut adopté sans grande discussion (Cote d’Ivoire, Dahomey, Haute-Volta, Mauritanie)
ou à l’unanimité (Niger, Sénégal).
En ce qui concerne la procédure de référendum, une seule Constitution, celle de la Haute-
Volta, la rendit obligatoire. Ailleurs, elle n’était pas prévue, ou simplement, pas dans le cas où
l’Assemblée constituante ne voterait pas le projet à une majorité qualifiée (2/3 au Sénégal, ¾
en Mauritanie, 3/5 à Madagascar). Cette majorité fut partout atteinte, et il n’y eut pas de
référendum.
B- Le contenu de la réception
Au niveau du contenu il n’y a pas, non plus une grande différence avec la modèle français
classique et libéral de la constitution écrite (rigide). Et partout se sont incorporés, même si
ronflant et à titre de solennelles déclarations d’intention, des principes tels que la séparation
des pouvoirs, la forme républicaine de l’Etat, la suprématie de la constitution, l’indépendance
de la justice, la démocratie représentative etc.
La constitution d’un Etat est l’ensemble des règles qui fixent, au niveau le plus élevé, la
structure des institutions publiques, les principes et mécanismes d’attribution et de
transmission des compétences aux diverses autorités instituées, les conditions et les règles
d’exercice de ces compétences.
Pendant des siècles, dans les divers Etas du monde, en Afrique comme en Europe, il
existait des constitutions, ne serait-ce que sur le plan matériel, dites coutumière: les structures
et les règles étaient considérées comme remontant à un passé lointain, voire immémorial.
Cette ancienneté était perçue comme l’expression de l’identité et de la pérennité de l’entité
politique.
Les constitutions écrites font leur apparitions à la fin du XVIIIe siècle (Etats Unis 1787 ;
France 1791). Elles résultent directement de l’Ecole libérale. Toutefois l’exercice du pouvoir
royal traditionnel n’était dépourvu ni de règle ni de limites. Il s’exerçait selon certaines
procédures comme en atteste les pouvoirs du Maghan au Ghana, du Mansa au Mali ou encore
du Roi de France qui décidait avec son Conseil.
Cependant la pratique française qui définit un ensemble de principe et de conception,
comme nous l’avons indiqué, s’est transportée dans les Etats de l’Afrique de l’Ouest. La
manière de les faire prévaloir dans le présent et dans l’avenir sera inscrite dans un texte qui
devrait prévaloir sur tous les autres : c’est le principe de la suprématie de la Constitution, qui
forme la base même de la théorie constitutionnelle.
Il en va ainsi de la conception de l’Etat. Dans toutes les constitutions africaines, en effet, il
ressort que l’Etat doit être démocratique, républicain, laïc, unitaire et indivisible, indépendant
et souverain. Elles font toutes références, par exemple, au principe démocratique avec la
devise classique : « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple »
II- La réception des institutions politiques
Les institutions politiques constituent une sorte de faisceau d’indice dont la manière de se
combiner permet de les classer en régimes politiques. Or sur cette base les principaux régimes
qui se partage le monde se divise en trois branches : le régime parlementaire, le régime
présidentiel et le régime communiste. Or s’ils ont toutes influencé, sans conteste, les
constitutions africaines, celles des Pays de l’Afrique de l’Ouest française ne sont, tout de
même, restées officiellement que sur les régimes Parlementaire (A) et Présidentiel (B).
A- La réception du régime parlementaire
La réception du régime parlementaire par les pays de l’Afrique occidentale qui doit être
envisagée, dans le cadre de la C.F.A, doit être celui d’obédience française. Car si le régime
parlementaire en tant que tel est le produit de l’histoire politique britannique, il faut préciser
que c’est repris dans le cadre française à travers la constitution de 1958 qu’il a pu se diffuser à
travers les pays de l’Afrique occidentale. Dès la politique de l’autonomie, en effet, les pays
africains se dotèrent de constitutions qui s’inspiraient étroitement du « parlementarisme
rationalisé » de la Ve République française. Elles adoptaient comme principe la responsabilité
du gouvernement devant le parlement ; mais il s’agissait d’un parlementarisme « rationalisé »
dans lequel le rôle politique et législatif de l’Assemblée était étroitement circonscrit et limité,
plus limité d’ailleurs dans le régime politique de la France que dans ceux des pays africains.
On pouvait, en effet, noter des différences notables entre le régime des africains et celui de
la France pour des raisons pratiques. Les africains ne souhaitant pas, par exemple, multiplier
les organes politiques s’étaient rallié presque unanimement au monocéphalisme au niveau du
pouvoir exécutif et au bicamérisme au niveau du pouvoir législatif : économie des moyens ou
prélude à l’exercice autocratique du pouvoir ? La question trouvait tout son sens dans la
pratique qui a suivi après les indépendances en tout cas.
S’il ne présentait pas un visage assez original, le régime politique des nouvelles
République africains avait le double mérite de correspondre, dans le temps, à une certaine
tradition constitutionnelle introduite en Afrique sous le régime antérieur et de s’harmoniser,
dans l’espace, avec les institutions communautaires. Il apparaissait, en effet, d’une part,
comme la suite logique du système pré-parlementaire instauré dans les T.O.M en application
de la Loi-cadre et dans lequel fonctionnaient déjà un « conseil de gouvernement » et une «
assemblée territoriale » ; d’autre part, il modelait ses institutions sur celles d’une communauté
dont tous les Etats membres nourrissaient, en principe, les même idéaux politiques et se
devaient d’adopter des institutions similaires.
B- La réception du régime présidentiel
En 1960, lorsque les Etats de l’Afrique de l’Ouest françaises furent débarrassés des liens
communautaires, leurs dirigeants furent tentés de chercher, en dehors des traditions
constitutionnelles de l’ancienne métropole, des formes de gouvernement mieux adaptées aux
réalités de leurs pays et aux besoins de leur peuple. Ils s’attachèrent principalement à mettre
en place un régime à base démocratique comportant un pouvoir exécutif fort et stable. C’est
ce qui transparait dans leurs constitutions respectives malgré leurs différences.
Presque tous les pays du continent américain ont adopté dans leurs constitutions un
système de séparation des pouvoirs où le gouvernement est aux mains d’un président élu au
suffrage universel. Les ministres étant des auxiliaires nommés et révocables par lui ne sont
pas responsables devant le parlement. Ce système, généralement désigné sous le nom de «
régime présidentiel », est né aux Etats-Unis avec la constitution fédérale de 1787.
C’est un tel régime qui fascina les dirigeants africains au lendemain des indépendances.
Car connaissant pour la plupart le régime de la IVe République, parce que l’ayant pratiqué
personnellement, ils estimaient que leurs pays ne pouvaient pas se permettre le luxe d’un
Parlement fort. Et puisant enfin, avec reconnaissance et d’une manière sélective, dans la
tradition précoloniale, ils déclarèrent que la concentration du pouvoir revêtait un caractère
authentiquement africain, ignorant ainsi royalement pour plus de facilité, que le régime
traditionnel imposait généralement des limites importantes puisse que le souverain était
appelé à répondre de ses actes ou pouvait même être destitué.
Ainsi dès novembre 1960, les quatre Etats du Conseil de l’entente (Côte d’Ivoire,
Dahomey, Haute-Volta, Niger) adoptent les premières constitutions présidentielles. Ils sont
suivis, dans le cadre de l’ancien A.O.F, par le Togo (14 Avril 1961) et la Mauritanie (1961).
Ultérieurement, le Cameroun fédéral (1er septembre 1961) et le Sénégal (7 mars 1963) se
rallieront au système présidentiel.

QUESTIONS DE REFLEXION
1- Quelle analyse sur la dérive institutionnelle vers des régimes
autocratiques et le tripatouillage constitutionnel au nom du
développement ?
2- Quelle analyse sur la forte concentration du pouvoir politique entre
les mains de l’exécutif ?
3- Quelle analyse sur les causes d’apparition des régimes militaires ?

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